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L HISTOIRE c#x -
DE LA DECADENCE
\ DE L'EMPIRE G REC,
ET ESTABLISSEMENT DE CELVY
des Turcs, par Chalcondile Athenicn.
)sſºriptions ## -
, \ ſéntans au naturel les Accºſtremens -
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lIllIilllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllhiiliiilllIllla
illllllllliiilIlIlIlIlIlIlIlllllllIlIIllIllIlllllllllllllllli .
TRES-ILLVS T R E.
T R E S - E X C E L L E N T,
· E T T R E S-M A G N A N I M E P R I N C E,
C H A R LES DE G o N z A G v E ET D E C LE V E S,
Duc de Niuernoi, Donziois et Rethelois,Seigneurſôuuerain
de Charle-ville, Marquisd'Iſle, Comte de S" Manehould,
Prince de Mantouée& de Portien etc. PairdeFrance,
Gouuerneurc.9 Lieutenantgeneral pour le Roy en
ſes pays de Champaigne & Brie.
= º O N S E I G N E V R, ..
•s -
º
& curieuſes recherches, ainſi que ſon eſprit excellét & rarey eſtoit
heureuſement porté. Et de fait ſ'en eſtant trouué bon nombre par
my ſes papiers conſignezaueclereſte de ſes œuures entre les mains
de defunct l'AN G E L1 E R mon mary; cela luy donnalavolôté & le
courage d'entreprendre l'impreſſion de Chalcondyle d'vne forme
elegante & ſomptueuſe; & (pour rendre l'œuure accomply de
tout poinct) de pourſuiure & continuer iuſques à nos ioursl'hiſtoi
re des Otthomans,auec pluſieurs diſcours concernans le miſerable
eſtat, où ſe trouue aujourd'huy ſoubs leur Tyrannie la jadis ſiflo
riſſante Grece, & l'eſperance qui reſte de lavoir cy apres deliurée
d'vne ſi dure & barbareſque ſeruitude. Mais qui en peut parler à
meilleures enſeignes,ny auec plus de certitude que vous, MoNsEI
GNEvR, qui pouſſé d'vngenereux & braue courage, auez voulu au
peril de voſtre vie recognoiſtre ce mortel ennemy du nom Chre
ſtien, luy faiſant ſentir pour coup d'eſſay, & cognoiſtre à tous les
peuples Baptiſez, combien plus grands efforts de vos armes & de
voſtre valeur luy peuuent porter de nuiſance & de dommage : Or
toutes les Additions, Diſcours, & Figures exquiſes, dont le corps
de ce Liure a eſté paré & enrichy, n'eſtans qu'acceſſoires & depen
dances du principal deſiavoſtre,i'ay creu qu'ils vous appartenoient
auſli, & que les communiquant à la France ſoubs la recommenda
tion & les fauorables auſpices de voſtre Nom, ils exciteroient infi
nis ſouhaits de le voir orné des palmes & trophées, que la valeur
& le merite ſemblable au voſtre pourroit eſperer & acquerir à iuſte
tiltre contre les Infideles ennemis de la Chreſtienté.Ainſi ſoient
mes vœuz, & i'oſe encore dire les voſtres, exaucez en cét endroit,
où apres auoir tres-affectueuſement prié noſtre Seigneur de vous -
-
M O N S E I G N E V R,
· · #
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A V. | -
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T R E S- P V I S S A N T , T R E S
ILL V ST R E , ET MAGNANIME P R I N C E,
M o N sE 1 G N E v R L v D ov I C D E G o N z A G v E , D v C D E
Niuernois, & Donzioys, Prince de Manthouë, Marquis du
Montferrat, Comte de Rethelois & d'Auxerre, &c. Pair de
France; Cheualier de Tordre du Roy; Capitaine de cent hom
mes d'armes de ſes ordonnances; Gouuerneur, & Lieutenant
general pour ſa Majeſté delà les Monts, & en Italie.
SAL V T E T F E L I C I T E PER P ET VELLE. .
O N S E I G N E V R, ·
Combien que nous ſoyons tous treez à l'image &
4 ſemblance de Dieu ; pourueus par luy, & enno
blis de la dignitè d'vne meſme ame raiſonnable,ſans
l difference aucune, ſinon celle que nous y impri
mons de bon ou de mauuais,par lavertu ou la depra
uation de noſtre naturel, deſtiné à bien,mais incliné
) , à mal; Ilyaneantmoins beaucoup d'ordres & de de
S=* s=-^ grez pamyles hommes; les vns eſtans nais pourcom
mander,les autres pour obeir & ſeruir; les vns riches-heureux,les autres pauures-in
ortunex; les vns de longueduree en la continuation de leur race, les autres ſoudain
eſteints, & diſparoiſſans du iour au lendemain : Tellement que de ces differenées
& varietez toutes les hiſtoires ſont pleines ; leſquelles nous auons deuant les yeux
comme vne belleglace de miroiier, repreſentant au vifle train & le cours entier de
la vie humaine. Bien eſt-il vray que la vertu propre & particuliere d'vn chacun,
doit touſſours eſtre pour le principal eſtabliſſement de ſa nobleſſe; teſmoing la plus
part des Monarchies & principautex qui furent oncques : Mais pour-autant que
les commencemens en ſont fort tenebreux de ſoy, ainſî que ſ'ils eſtoient plongez &°
enfoiiys au profond goulphre d'vne incertitude obſcure ; à guiſe de quelques gros
quartiers de pierre rudes & mal polis, qu'on iecte en bloc és fondemens d'vn edi
fce, pour puis apres faire naiſtre & exhaulſer au deſſus les embelliſſemens de ſa
ſtructure ;AuſSi lantiquité de ſang, les triomphes, gloire & renommée de ſes ma
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, º Epiſtre
' ». , * 1 , .
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jeurs,aucc les facultex & moyens qu'ils delaiſſent,ſont vn fortgrandaduantagecº
-
-
ſecours pour bien-toſt ſe faire cognoſtre, bien-toſt ſe mettre en euidence, & ſe faci
liter à bon pris vn chemin à luluſtration de ſon nom: Dont les entrées & premiers
esbauchemens en ſont non ſeulement mal-aiſex & laborieux au poſſible, mais ſub
iccts quant & quant à infinies trauerſes, contrarietex, & obſtacles De maniere que
encore quelesſages anciens ne nous ayent conſtitué que trois ſortes de biens, ou dons de
grace,Ceuxdeleſprit,du corps,& delafortunes comme ſont les richeſſes, ſans leſquel
lesl'on ne ſauroitgueres bien exercer la vertu,ne auſSi peuſepreualoir desperfections
de la # ;l'on ypeut neantmoins à bon droiéiadiouſter la quatrieſme,ſçauoireſt
la nobleſſe & ancienneté de race.Carau maniment des affaires publiques,à la condui
· -
Epiſtre.
ſe peut bonnement appeller conqueſte , ne changement deſtat, mais pluſloſt quelque ,º,
ioiiet c 7" paſſe-temps de fortune, qui prit plaiſir de faire cette petite parentheſe , of , é
frant ainſi inopinément vn ſi gras & ſ riche morceau à ceux qui ne ſattendoient
rien moins qu'à cela, & n'y auoient parauenture oncques penſé : Le tout en grace
& ftueur des Princes Paleologues , afin de leur preparer & faire naiſire de là
l'occaſion d'vne tres-ſignaléegloire, d'auoir ſeuls entre tant de milliers deſgrands &
illuſtres hommes, eu le cœur & la hardieſſe d'entreprendre vneſ haute beſongne, que
de reſtituer à leur nation ce que leurs deuanciers par leurnonchalance & mauuaisgou
uernement auoient laiſſe perdre. - -
Epiſtre.
bien plus pregnant, & de plus grande efficace pour ſ'illuſtrer touſſours d'auanta
ge. Au moyen dequoy à grand'peine auiez-vous atteiné?laage de quatorze ans,
qu'on vous a veu continuellement chargé d'vn corps de cuiraſſe, en tous les camps
& armées qui ſe dreſſèrent ſoubs le feu Roy Henry deuxieſme de ce nom : Vous
trouuer aux coruées des ſimples ſoldats iour & nuict à cheual , aux plus penibles
cg hazardeuſes faétions : & meſme à la iournée de ſainét Quentin, vous ne vou
· luſtes iamais deſmarcher vn ſeul pas en arriere, ains auec vn tres-grand danger de
voſtre perſonne, vne preſence de mille morts, demeuraſtes ferme, combattant au
propre endroit où lennemy vous aborda: & eſtant accablé de la foulle fuſtes pri,
apres quoir voſtre courſier eſté tué ſoubs vous à coups d'effée, la voſtre au poing
· toute teinéie de ſang, & le viſage addreſſe où beaucoup d'autres auoient deſîa les •
eſpaulles tournées loingtaines. Du depuis tant que vous demeuraſtes priſonnier, les
|
Imperiaux n'oublierent rien que ce ſoit de tous les artifices qu'ils peurent inuenter,
pour vous deſmouuoir du ſeruice du Roy, c9 attirer à leur party, auec offres e9"
promeſſes tres-aduantageuſes : à quoy vous ne voulluſtes oncques preſter l'oreille;
combien que vous n'euſsiex receu encore aucun bien-faiét ny aduancement des ſer
uices par vpus des-ja faits à cette couronne, par l'eſpace de dix ans entiers & con
tinuels : là où vous vous eſtes touſtours comporté de ſorte, ſoubs quatre Roys les
vns apres les autres, que non ſans cauſe leurs Majeſtex ſe ſont ainſi fermement
aſſeurées de vox aétions, & repoſees ſur voſtre ſimple parolle, que vous auez en
tout & par tout conſeruée entiere, nette, & irreprochable , N'ayant jamais dit
l'vn & penſé l'autre. Merueilleuſe grace particuliere, & qui n'arriue à gueres
d'autres; meſmement és troubles c9 eſmotions ciuiles, où l'on ne ſçait bonnement
de qui ſaſſeurer. Auſſi eſtes vous d'vne race & d'vn nom, qui ne firent iamais
faux-bon à perſonne, & dont à bon droiét on peut dire le meſme que l'Eſcriture
ſainéfe attribué à l'vn de ſes plus vaillans champions ; Qu'oncques le dard de
Ionathas , ne fut veu la pointe en arriere : Et né d'vn territoire qui a touſ
iours porté les plus belliqueux cheuaux, cv des meilleurs & plus excellens Capi
taines de tout le reſte de la terre. En ſorte que depuis trois cens ans en ça, il n'y
a eu guerre en Italie; courſe, entrepriſe, bataille, ne aſſault, où le tres-magnanime
ſang de Gonzague n'aye faict veoir, n'ait fait ſentir à bon eſcient ſon effort &°
valleur.Queſiie me voulois arreſter à parler tantſoitpeu dechacundeleursfaiéis,e9° '.
proiieſſes, ilmefaudroit baſtir icy le corps complet d'vne trop prolixe & laborieu
ſe hiſtoire : Parquoy me contentant de trois exemples, l'vn de hardieſſe & gran -
deur de courage;l'autre d'vne force incomparable; & le tiers de prudence, & ſage -
conduite (car le quatrieſme poinčt, qui eſt le bon-heur tant requis en vn ſouuerain
chef deguerre, a touſiours eſté vn, & comme eſgallement # à tous ceux de
:
voſtre tres-bien fortunée race.) Ie puis veritablement dire du combat qu'eut iadis le
Seigneur Galeasde Gonzague contre le Mareſchal Bouciquault, ce que teſmoigna
autrefois le Philoſophe Antiochus en ſon traiété des Dieux immortels, de la bataille
de Luculle contre le Roy Tygranes d'Armenie, Que iamais le Soleilne veidvn plus
beau & excellent faiéi d'armes. Ce Bouciquault icy de ſtature Gigantale, de for
ce proportionnée à ſon perſonnage, daddreſſe, experience, endurciſſement,bruiét,&
reputation, lepremier guerrier de ſon temps, ayant deſia par de longues reuolutions
d'années , ſemé & eſpandu de tous coſtex vn merueilleux eſpouuentement & ter
| Epiſtre. ..
reurde ſon nom, & ſe trouuant en fin Lieutenant generalpour le Roy à Gennes,
deuenu pour la gloire de ſes beaux faiéfs,plus fier & inſolent que ne porte la mo
deſtied'vn Cheualier,pour braue & vaillant qu'il puiſſe eſtre, enuoya de gayeté de
crurdeffier au combat d'homme à homme l'Italie entierementd'vn bout à autre : à
·quoy perſonne ne ſe preſentant pour reſpondre, tant il eſtoit craint & redouté, le
Seigneur Galeas de corpulence petite, mais d'vn courage Coloſſal, ne pouuant com
porter de veoir par vn eſtranger attacher vn tel blaſme ca reproche à ſa patrie,ac
'cepta gayement le party , & en chemiſe eſpée & dague combatit •Bouciquault
en camp clos; le vainquit; & qui plus eſt luy donna la vie : Dont l'autre de despit
fit ſerment de ne porter iamais armes. Le Seigneur Louys de Gonzague, ſurnom
mé Rodomont pour ſa deſmeſurée force qui excedoit toute portee humaine, iuſques
àrompre fort aisément auecles mains vn fer de cheualendeuxpieces, Quelles gran
des preuues en a-il fait en ſon temps #Et meſme en lapreſence de l'Empereur Char
lescinquieſme; lequel deuiſant vn iour familierement auec luy, c9 entre autres cho
ſes d'vn ſien Geant More qu'il auoit amené d'Aphrique, lequel il luy monſtroit du
doigt là aupres, ſi outrageuſement fort & robuſte , qu'homme ne pouuoit durer de
uant luy à la luéte, c9 le plusſouuent d'vn bras tout ſeul, luy demanda en ſe ioiiant
ſil oſeroit ſ'attacher à luy, Le Seigneur Rodomont ſans luy respondre autre choſe,
iette la cappe & eſpée, & ſ'en va ſaiſir l'autre au collet, puis l'embraſſant au tra
uers du corps, quelque reſiſtance qu'il fiſtleſtouffit deplaine arriuée, auſSi legerement
que feroit vngrand Lyon quelque maſtin ou dogue d'A ngleterre. Mau quant au Sei
neur Dom-Ferrand Vice-Roy deSicile,Gouuerneur c9 Lieutenantgeneralau Du
ché de Milan, & autres terres de Lombardie , qui a eſté l'vn des plus valeureux &°
ſages Capitaines de ſon ſiecle, & qui outre infinies autres belles charges à quoy il
fut employé tout lelong de ſa vie,eut le commandementprincipal au voyage de Ar
ger, où il fit cette tant celebrée, & à iamah memorable retraiéfe, il ne faut point
aller chercher ailleurs plus grande marque ne teſmoignage de ſa ſuffiſance, que le
iugement de ceſtui-cy qui en fut en ſes iours vn tres-ſouuerain maiſtre , le deſſuſdit
" Cherles cinquieſme : lequel ſe voyant eſtre contraint de ioiier à quitte ou à dou
ble contre le grand Roy François,ſeul contr'eſcarre de toutesſes entrepriſes c9 deſc
ſeins, & euſt à ceſte occaſion dreſſé de longuemain des praétiques & menées , pour
nous venir,outre ſes forces ordinaires, verſer à maniere de dire toute la Germanie
ſur les bras ;ne voulut neantmoins en vn ſi peſant affaire choiſir autre conducteur de
cette groſſe & puiſſante armée,autre coadiuteur de ſes deliberations & conſeils,que
cettui-cy, voſtre onclepaternel, MoN s E I G N E v R, lequel menant l'aduant gar
de,furent prinſes d'entrée la ville de Ligny, & celle de Sainct Dizier: Puis ſe vin
drent preſenterdeuant Chaalons, & de là paſſans outre à trauers le Royaume iuſ
ques au Laonnois, la paix fut finablement arreſtée entre ces deux grands Monar
ques, qui ne fut iamais plus par eux violée ne rompué: Car la nºrt qui ſuruint là
deſſus demeſla leurs emulations & querelles. TELS ES G V I L L o N s de bien
faire;Telles ſemences de vertus vous ont delaiſſé vos predeceſſeurs,pour en cultiuer
c9 faire valloir ce riche & plantureux heritage , auquel vous leur auez ſuccedé
en cela; Que vous auex mis ſi bien peine d'ameliorer: Mais voſtre ſobre & retenué
modeſtie me cloſt la bouche d'en parler plus auant; Sçachant aſſez combien ie vous
offencerou de toucher rien icy de la moindre de tant de bonnes parties de leſprit &
.. Epiſtre. - -
, parfaiéts & admirables ſur tous autres, de ramaſſer tout plein de belles choſes :
Par où vous verrez ( MoN s E 1GN EvR ) force changemens inſignes & nota
bles, bien differends les vns des autres;aduenuz comme en moins de rien, & reſ
errex icy
cy en ppetit volume, ny
1y plus ny moins qu'en quelque payſage repreſenté
repreſent en .
vn tableau ſont compriſes de longues eſtendues de terres & de Mers. Et combien
que le principal but de ſa narration tende à parler des affaires de l'Empire Grc, '
ſoubs les Princes Paleologues dont vous eſtes venu, toutes-fou pource que la plus
part d'iceux furent Empereurs, Roys, ou autrement grands & puiſſants Poten
tats çà & là par le monde, & ce par vn fort long traiét de temps , il eſt à tous
propos contrainét de faire des digreſſions pour plus grande facilité & eſclarciſſe
ment de l'hiſtoire ; & y entrelaſſer incidemment beaucoup de cas qui ne deuront
point eſtre des-agreables à ouyr racompter; d'autant que la plusgrand partie n'ayant
eſté touchée de perſonne auant luy, cela venoit par conſequentà eſtre du tout igno
ré & eſteint. c Au moyen dequoy, M o N s E 1 G N E vR, vous le receurex ſ'il
vous plaiſt, comme eſtant voſtre de droict, & deuolu à vous par ſucceſſion de vox
predeceſſeurs : Aén que ſoubs l'ombre & faueur d'vn ſi magnanime & vertueux
Prince, ilpuiſſe plus dignement ſortir en lumiere, & trouuer grace deuant les yeux
du public : Tout ainſi que voz tant meritoires œuures , vox ſainctes & charita
bles intentions, ſe voyent ſecondées de la benediction dvne belle lignée, à qui cecy
pourra ſeruir quelque iour, & meſme à ce petit Prince qa'il a pleu à Dieu vous
domer n'agueres , au lieu de l'autre qu'il vous auoit rauy dentre les mains auant
le temps : Pour esprouuer parauenture voſtre conſtance, laquelle ſe monſtra telle en
- ^)'/76:
- Epiſtre. .
vne ſi raiſonnable affliction, que ce fut vous qui conſolaſtes les autres de ceſte vo
ſtre ſignalée perte. Puiſſe doncques ce tres-illuſtre & heureux enfant vous conſo
ler ſur vos vieux iours : Puiſſe-il à l'exemple de ces majeurs icy deduits, qui retire
rent magnanimement des mains des eſtrangers l'heritage qu'on leur vſurpoit, repe
ter quelque-fois à meilleur tiltre encore ſur les ennemis du nom Chreſtien, les Roy
aumes & Empires qui luy appartiennent : puis qu'il eſt ſi bien né, ſi bien voulu,
e9 tant aimé du ciel, qu'à ſa ſaincte regeneration il nous apporta & fit veoir la
plus ioyeuſe nouuelle, le plus plaiſant & deſiré ſpectacle que le peuple François
euſt ſceu requerir à Dieu, ne ſouhaitter en ſoy-meſme,
MoNsEIgNEr r, ie ſupplie le Createur vous donner en tres-parfaicte ſanté
c9 proſperité tres-longue & tres-heureuſe vie. De Paru ce vingt-neufieſme iour
d'Auril l'an mil cinq cens ſoixante dix ſept.
| De voſtre Excellence,
P REFACE
f§ |. s# -
R E F A C E
SVR TO VT LE
CONT E NV E N LH IS TO I R E
D E S T V R C S , TA N T E N C E L L E DE .
leurfaille paſſerſouuentpar des deſerts & des chemins tres difficiles,& que
·- l'ennemy faſſe touſiours vne rafle, pour empeſcher qu'ils ne tirent aucun
ſecours de ſon pays.
N'a-on pas auſſi aſſez ſouuent experimenté en Hongrie, comment les
gouuerneurs des places ſe ſçauent ſecourir les vns les autres à poinct nom
mé, rendans tous vne tres-grande obeyſſance à leur general L'ordre enco
re qu'ils ont en leurs armées nous a faictapprendre à nos deſpens, que fils
ſont des tigres apres leurs victoires, qu'ils ſont des hommes au combat.
Cela ſe verra cy apres au pourtraict de la diſpoſition de leur armée, mais
º plus particulierement partoute cette hiſtoire : fort prudens au demeurant
| ' & fort aduiſez en leurs affaires domeſtiques, de ſorte qu'ils ſont propre
| - zuela veſr ment ces enfans du ſiecle, qui ſontplus prudens que les enfans de la lumiere : ayans
en cela auſſi bien qu'en autres choſes, ſuccedé aux Romains, deſquels ils
· - &> en leur Empire,X rendans encore à tous leurs
ont la viue image ſubiects vne
\ res-prompte iuſtice, la chiquanerie eſtant bannie de leur eſtat. Si bien
- que toute leur barbarie n'eſt que pour noſtre regard, à ſçauoir en la miſera
ble captiuité où ils reduiſent nos freres, & au deplorable tribut qu'ils exi
© gent d'eux.
Mais c'eſt pour cette raiſon que i'ay deu eſcrire cette hiſtoire comme
Chreſtien, puis que comme tel, ie ſuis autant obligé de rapporter au pu
blic,les effects admirables de la tres-redoutable iuſtice du T o v T-P v1s
s A NT, comme de reciterlesgraces qu'il nous communique par ſon infi
nie miſericorde : Et c'eſt ce que ie me ſuis eſtudié de fairevoir par tout ce .
•/
CarſilesTurcs
que i'enay eſcrit.nos
viennétrauager Geans
ſont lestout
contrées, mettans à feudont
& à ſang l'Eſcriture,
parlepour qui
noſtre cha
ſtiment, nous auons eſté les Defaillans, cauſes de tout ce malheur. C'eſt la
traduction de ſainct Hieroſme ſur ces mots du Geneſe : Les Geans eſtoient
censſcaveſ ſurlaterre,car au lieu de Geans, illit,les Defaillans eſtoientſurlaterre : rencon
1*. tre admirable,puis que iamais la ruine n'arriue que le defaut n'aye precedé.
I'adiouſteray, qu'on ne ſçauroit bien entendre l'Hiſtoire Chreſtienne
depuis 3oo. tant dannées, ſans lire la Turque ,les plus grandes & notables
guerresayans eſté contre eux,& le Mahometiſme plâté à force d'armes, où
le Chriſtianiſme auoit iadis le plus ſainctement fleury : ioinct qu'eſtans les
ſucceſſeurs des Empereurs d'Orient, & qu'ils ont eſtably comme les autres
• leur ſiege àConſtantinople,il ſemble qu'il ſoit bienneceſſaire de voir cette
ſuitte,n'eſtátnon plus hors de propos d'eſcrire la vie des Princes Mahome
tans, qu'on a faict cy-deuant de celle des Empereurs Payés, puis qu'onvoid
aux vns & aux autres vne entre-ſuitte de Miſericorde, de Iuſtice,& de Pro
uidence de DIEv. Lequel tout ainſi que malgré les Tyrans,& touteleurra
ge & fureur, planta ſa Religion ſaincte iuſques ſur leur throſne, terraſſant
- Idolatrie, quiauoit regné ſi long-temps; & mettant le ſceptre entre les
mains de ceux qu'ilauoit adoptez pour ſes enfans, & qui obeyſſoient à ſes
commandemens; Tout de meſme, depuis qu'oublieux de leur deuoir, ils
ſe reuolterent contre ſa hauteſſe, ſ'abandonnans à toutes ſortes de vices,
chaſtia-illeur ingratitude, par la priuation des graces qu'il leur auoit fai
UCS
Preface.
tes, & leuroſtala poſſeſſion de la terre, s'eſtans premierement priuez de
celle du Ciel. -
Lecture donc quine peut-eſtre que tres-vtile ſi elle eſt priſe en ce ſens,
puis que l'exemple d vn chaſtiment ſi ſeuere, nous pourra peut-eſtre nous
meſmes retirer du mal, & le miſerable eſtatauquel nous verrons nos freres,
nousſeruira d'aiguillon pour nous inciter à quitternos erreurs, & nos am
bitions,pour embraſſer leur deliurance. Les conqueſtes des Aſſyriens, des
Perſes & des Macedoniens nous ſont repreſentées dans les liures Saincts à
ceſubiect : iln'ya peut-eſtre pas moindre conſideration enl'eftabliſſement
desTurcs, dans les terres du Chriſtianiſme.
Or ſembloit-il qu'ilyauoit plus d'apparéce d'eſcrire cette Hiſtoire tout
d'vne main,& commençant par Otthoman,en diſcouririuſques à preſent,
qued'acheuer ce qu'vnautreauoit commencé, toutesfois le reſpect qu'on
aportéàl'antiquité, a faict qu'on ſ'eſt ſeruy de Chalcondyle, en la meſme
maniere qu'il ena eſcrit, c'eſt à dire ſansyrien changer ou retrancher :le-º
uelcommence ſon Hiſtoire, où Nicephore Gregoras acheue la ſienne,à
§ auieune Andronic Paleologue, ſoubs lequellesTurcs eurent pre
mierement quelque nom,versl'an13oo. (depuis lequel temps les affaires
des Grecsallerent touſiours de mal en pis)iuſques à leur finale deſtruction
& ruine, par Mahomet 2. fils d'Amurath, qui print Conſtantinople, &
Trebizonde,& acheua de dompter le Peloponeſe, la derniere piece de ter
re quelesTurcs empieterent en la Grece L'origine deſquels, enſemble
leur premier aduancement & progrez, fort obſcurs, & incertains de ſoy,
Chalcondyleamieux eſclaircy qu'aucun autre qui fuſtauparauât luy,ayant
auſurplus comprisſon œuure dans le temps& eſpace de quelques 16o.ans,
quiviennent à ſe terminer enuiron le milieu du regne d'iceluy Mahomet
2.tout ce qu'ilya de mal, c'eſt qu'il ne touche les affaires des vns & des au
tres que ſommairement & en paſſant, combien qu'il euſt vne matiere ſi
belle que les deux chefs qu'il ſ'eſtoit propoſez, la decadence à ſçauoir de
l'Empire Grec, & l'eſtabliſſement de celuy des Turcs, tous deux ſigrands
& ſipuiſſans, & en l'vn & l'autre deſquels il ſ'eſt faict de ſibelles & grandes
choſes mais il y entre-meſle à tous propos pluſieurs diſcours des autres na
tions, deſquelles nous eſtions mieux informèz qu'il n'eſtoit : de ſorte qu'il
ſemble qu'iln'ait voulu dreſſer icy que quelques memoires, en intention
de l'eſtendre puis apres en vne hiſtoire plus accomplie, & yappoſer les
derniers enrichiſſemens. -
Toutes-fois ce qu'ila dict eſt plein de moelle & de ſuc, d'aduis & con
ſeils d'importance en affaires d'Eſtat, ſans aucun fard, deſguiſement,nyaf
fetterie ;tout plein de haranguesy ſont rapportées naifues au poſſible , &
repreſentans excellemment bien le faict dont il eſt queſtion, auquel elles
ſonttellementiointes & incorporées, que le fil de la narration ne ſçauroit
conſiſter ſans cela, ayant diuiſé ſon Hiſtoire en dix liures, laquelle a eſté
premierement traduitte en Latin par Conradus Clauſerus & imprimé à
Baſle chez Oporin,auecles autres Autheurs del'Hiſtoire desTurcs, & de
puis encore auec l'Hiſtoire Grecque de Nicephore Gregoras, l'an 1562.
e 1j
Preface.
auſquels le traducteur met par tout, Laonic Chalcondyle, comme le re
quiert auſſilanalogie & ſimilitude desautres noms com poſez de l'adiectif
#x,as, & des autres ſubſtantifs, comme on dit 2anzér»ºe, de ce quia des por
tes d'airain,ax,ése-esreé, d'vne nauire qui a la proüe d'airain, & ainſi des
autres, & 2e érº2a ou a verſiº, vn qui auroit le poing d'airain, ſoir
u'on veille ſignifier la force de ſon poing, que cette appellati6 ſoit venue
àl'occaſion de la bleſſure de quelqu'vn, lequelayant perdu le poing on luy
en auroit attaché vn d'airain ou de cuiure à ſonbras, comme de noſtre téps
vn Capitaine François a eſté nómé, Bras defèr, & entre les anciensvn Guil
laume fut ſurnommé Ferrabrachius, oubras de fer.Ce neantmoins entre les
Eloges de Paule Ioue, nous liſons qu'vn Grec de natiónommé Demetrius
Chalcondylas enſeignales lettresGrecques à Florence,& fit imprimervne
Grammaire Grecque du temps des Seigneurs Pierre,& Laurés de Medicis,
tellement qu'il ſemble que la nouuelle Dialecte & langue corrompue des
Grecsaye voulu euiter la repetiti6 de la ſyllabe co, pour n'offencerl'oreille
de la rencótre de ces deux ſyllabes,en diſans Chalcondylas, C'eſt l'opinion
du plus docte des François enlalägue Grecque,(comme il nous faictiour
nellement paroiſtre par ſes doctes traductions)& non moins recomméda
ble pour ſa pieté & ſainctete devie,ce tres-venerable Ieſuite le Pere Fróton
le Duc,duqueli'ay appris ces remarques,quine ſerót peut-eſtre point rap
portées inutilement ny hors de propos ſur le nom de Chalcondyle.
Lequeleſtoit Athenien, de l'vne des plus nobles & anciennes maiſons
de toute lacontrée d'Attique, commeleteſmoignent quelques endroicts
de celiure qu'ila eſcrit en Grec, l'an 1462. & traduit l'an 1577. par le ſieur
Blaiſe de Vigenere. Ce rare & excellent perſonnage, cét eſprit prompt &
vigoureux,infatigable, &inuincible à toutes ſortes de trauail qui luyte
noit lieu de repos, auquel la France a toutes ſortes d'obligations pour ſes
rares & doctes labeurs,qui deuoit eſtre de la nature du Cedre,& demeurer
à iamais incorruptible en cette vie, mais qui pour le moins ſ'eſt ambauſ
mé dans ſes admirables eſcrits, ſ'acquerant ſur la terre vne immortelle vie,
tandis qu'il en eſt alléiouyr d'vne eternelle au Ciel. Lequel comme il eſtoit
fort exact en toutes choſes, & qu'il ne mettoit pas volontiers la main à vne
traduction ſans y apporter de l'embelliſſement, & quelque notable inſtru
ction,voyant Chalcondyle auoir diſcouru ſi ſuccinctement des choſes †
nous ſont ſi eſloignées, ily fit des Illuſtrations fort amples, par leſquelles
on peut voir clairement l'eſtenduë & les forces de ce grand Empire,le reue
nu encore, & la maniere de la conduite de ce puiſſant Monarque, tant en
ſes armées,qu'en ſon Serrail, & partoutes ſes Prouinces, la charge de tous
fes officiers & leurs appointemens, & vneinfinité d'autres belles & curieu
ſes recherches à ce propos, contenuës ence traicté, qu'ilauoit laiſſé auant
ſon deceds, au feu ſieur Abell'Angelier Libraire, pourl'adiouſter àla tra
duction de cette Hiſtoire. -
PRIVILE GE
- -
P RI V I L EG E D V R O Y.
EXT R A I CT D ES R E G IST R ES D E P A R L E M E N T.
· Ou OSMAN
pr emier Empereur des Turcs
-
---- - --------------------
------
,, • • •
-------- : ::• --»--*
· s oN ELo G E o v s o M M AIRE ,
D E s A V I E. " - - ,
•,
v, LE PREMIER
DE L' H I S T O I R E DES
T V R C S D E L AO N I C C H AL- °
C oNDYL E A T H E N I E N.
. s o M M A I R E, ET c H E Fs PRIN cIPA Vx
du contenu en ce preſent liure. .
Preface contenantl'argument & ſubieét de ceſt auure, qui traitiedeladecadencede
l'Empire des Grecs, &" eſtabliſſement de celuy des Turcs. | Chapitre I.
Les premieres conqueſtes d'Amurat ſurles Tribailles, Myſiens; & les Grecs & ce
pendant l'Aſie ſe reuolte contre luy, dont ilalavictoire deruze. Chap. 9.
Quelques remuëmens & practiques dreſſées par Emanuel fils de Caloian, au deſceu
de ſon pere côntre Amurat, aſſoupis parle Baſſa Charatin : & les loüanges de ce
perſonnage. - - · Chapitre II.
A "j
# -
•
- Liure premier
Recapitulation ſuccinéte des affaires des Grecs, qui parleurmauuais gouuernement
furent cauſe de la ruine & euerſion de leur Empire. Chap. 12.
Voyage d'Amuratcontre Eleazar DeſpotedesTriballes, où ilfutmisàmort, & la
maniere comment.
J.
N
-
° Chapitre 13.
-
-
\--
Laonic cſt le r . #ESSs# # #
nom de Nico- Nº# # N
las renuerſé. \ ©# #
# # A O N I C Atheniena propoſé d'eſcrire ce qu'il
# aveu & ouï durant ſa vie : Partie pour ſatisfaire au
Xº deuoirauquel nous ſommes naturellement obli
Le ſubiect de -
# gez: Partie auſſi,qu'ila penſé que ce ſeroient chq
ceſt œuure. N ſes dignes d'eſtre raméteuës à la poſterité.Car cel
b
# rité. N'eſtimans pas que perſonne nous vueille blaſmer pour auoir eſcrit
# ceſte hiſtoire en langage Grec, puis qu'il atouſiours eſté parmy le monde .
en telle dignité & honneur, qu'encore pour le iourd'huy il eſt preſque
commun à tous. Et combien que la gloire de ce parler ſoit excellente ſur
. toutes autres, ſi auroit-il bien plus de vogue & credit, lors que quelque ri
che & puiſſant Empire viendroit és mainsd'vn Prince Grec, & de luy he
- reditairement à ſes ſucceſſeurs : Ou bien ſilaieuneſſe Grecque faiſant ain
ſi qu'elle deuroit, reprenoit cœur, pour d'vn commun accord & conſen
tement ſ'eſuertuer de remettre ſus, la douceur del'ancienne liberté, & les
franchiſes de leurs ſibieninſtituées Choſes-publiques : Car par ce moyen
ils
-
|
,
Del'Hiſtoire de Turcs. 3
ils donneroientla loy,& commanderoient brauemétauxautres peuples
& nations,qui maintenant leurtiennentlepiedſurlagorge.
PAR quels moyens aureſte nozanceſtres & maieurs† iadis II.
àvneſigrande renommée: Quels furent ces beauxfaits ſi illuſtres & me- L'origine &
morables,quileurapporterent tant detriomphes comme ceſt entreau-# #
tres choſes qu'ils entreprirent auſſi de venir en Europe & Afrique,& tra-" "
| uerſerent de ſi longues eſtendues de pays,iuſques au fleuue de Ganges,
& àlamer Oceane,Hercules entreles autres, & Bacchus auparauant qui
fut fils de Semele: Puis les Lacedemoniens,& les Atheniens, & les Rois
de Macedoine, enſemble leurs ſucceſſeurs ,auecques l'ordre & ſuitte des
temps eſquels le tout eſt aduenu; aſſez d'autres l'ont couché en leurs
Commentaires & Annales.Et à laverité noz predeceſſeurs ſe ſouſmirent Leut loiiige,
d'vne grand'gayeté de cœurà beaucoup de peines & trauaux,pours'eſta
blir vne fortune correſpondante à leurvertu, dont elle ne fut iamais de
ſtituee.Auſſiont-ils duré plus longuement en leur grandeur & reputa
tion que nuls autres : de ſorte que par pluſieurs † ils ont iouy
de leur propre gloire.Apres euxie trouue que les Aſſiriens (peuple fort - -
les deffit & ſubiugua.Delà partraict de temps ces Rois de Perſe s'agran
· dirent merueilleuſement , & furent bienſioſez & hardis que d'entre
prédre
des depaſſer enmit
Macedoniens Europe.Toutefois
fin àleur Empirepeu detempsdu
& lesayant apres
toutAlexâdre Roy†º
rengez ſous CI13.
ſon obeiſſance, gaigné pluſieurs batailles contre les Indiens, & conquis
la † part del'Aſie & de fEurope,tranſmit & delaiſſale tout à ſes Des Romai,
ſucceſſeurs.Les Romains conſequemment,dont la fortune a touſiours
*..
4- Liure premier
teſté & debattu auecles Grecs ſur aucuns poincts dela Religi6,lesa fina
,† blemét ſeparez d'elle.MaislesEmpereurs § ccidét 9res eſtás eſleuz de
Grecs. Frâce,ores de Germanie,n'ont gueres laiſſe perdre d'occaſions d'enuoyer
leurs Ambaſſadeurs deuers les Grecs,pourles attirerauxConciles expreſ
ſément conuoquezafin deles vnirauec eux.A quoyils n'ont iamais vou
lu † , ne rien relaſcher & § de leurs traditionsan
Les François
ciennes.Ce quileura eſté cauſe de beaucoup de maux: Car les Princes &
† Seigneurs du Ponant ſ'eſtans liguez auec les Venitiens, leur vindrent fi
c§no-nablement courir ſusauecvne treſgroſſe & puiſſante armee: & ſe ſaiſirét
† † de Conſtantinople,tellement que celuy qui pour lors y commandoit,fut
† contrainct auecles principaux officiers & miniſtres de l'Empire de ſe re
tirer en Aſie, oüils eſtablirent le ſiege capital de leur domination en la
11j4.
-
I E N E ſçaurois bonnement aſſeurer quant à moy, de quel nom les r . des
Turcs furent anciennement appellez,de peur de me meſcompter,& par-º
ler à la vollee.Carquel ues vns ont voulu dire qu'ils font deſcendus des
Scites qu'on tient † Tartares, en quoy il y a quelque apparence:
par-ce que les meurs & façons de faire desvns & des autres ne ſont gue
res differends; ne leur parler beaucoup eſloigné. Il ſe dit d'auantage,que
les Scites habitansaulong de la riuiere de Tanais , eſtanspar ſept fois s .
ſortis de leurs limites,auroient couru, pillé, & ſaccagé toute la haute †
Aſie,du temps que les Parthes eſtoient encore au comble de leur grâdeur, #º
& qu'ils commandoient abſolumentaux Perſes, Medois, & Aſſiriens.
Que de là puisapresils deſcendirentés pays bas, où ils ſe firent Seigneurs
de Phrigie, Lydie, & Cappadoce : & meſme nous voyons encore vnc
grande multitude de ceſte generation eſpandue çà & là par l'Afie, ayans -
fºs propres couſtumes & façons deviure qu'ont les Nomades Scites,c'eſt Nomade,
àdire,paſteurs ougardiens de beſtail, vacabons perpetuels,quin'ont ne †
feu ne lieu, n'aucune demeure ferme & arreſtee. Il y a encore d'au- #rºsº
tres coniectures pour prouuer que les Turcs ſont de la vraye race des 7.
Scithes, en ce que les plus eſtranges & barbares d'entr'eux , qui habi
tentés prouinces inferieures de l'Aſie, comme Lydie, Carie, Phrigie, &
Cappadoce,ne different en rien que ce ſoit du parler, & des conditions - -- "
des Scithes, qui viuent entre la Sarmatie, & ladicte riuiere de Tanais.ll †"º
y en a d'autres qui eſtiment les Turcs eſtre deſcendus des Parthes,
leſquels eſtans pourſuiuis parces Nomades ou Scithesvacabonds ( ainſi
appellez, pour-ce que continuellement ils changent de pacages) ſe
retirerent à la parfin és baſſes regions de l'Aſie; là oû tournoyans de co
ſté & d'autre,ſans prendre pied nulle part, ains portans quant & eux
leurs loges & maiſonnettes ſur des chariots , ſe departirent & habitue
rent parles villes & bourgades du pays : Dont eſt aduenu que cette ma
niere de gens ont depuis eſté appellez Turcs, comme qui diroit Pa
ſteurs.lesautres veulent qu'ils ſoiét ſortis de Turca,vne fort belle & opu
lente cité en la Perſe:& delà ſ'eſtre iettez ſur ces pays bas de l'Aſie, qº o º t
· conquirent entierement,& les rengerétàleur § Aaucuns ſem - †
†
ble croyable † de la Ccleſyrie, & Arabie ils ſoient plus toſt ve † :
nus en ces quartiers là,auecleurlegiſlateur Omar,quedela Scithie:Et par †
ce moyé s'eſtre emparez del'Empire del'Aſie,viuâs à guiſe de Nomades. ºº
A sçA v o 1R-mon maintenant s'il faut adiouſter foy à toutes ces III.
opinions, où s'il n'y en a qu'vne ſeule qui ſoit veritable. De ma partie
n'en diraypointautrement monaduis, pour ce que ie n'en ſçaurois par
ler bien ſeurementiSime ſembleroit-il plus raiſonnable de s'arreſter au
dire de ceux, qui tiennent les Turcs eſtre premierement deſcendus des
Scithes,veu que les Scites qui viuent encore pour le iourd'huy en cette
partie del'Europe qui regardeau Soleilleuant,conuiennét en tout & par
toutauec les Turcs, & en ce qui dependdeleurs foires, marchez,eſtap
A iij
© \ -
6 Liure premier
pes, commerces, & traffiques Outre ce que leurboire & mâger,leurve
ſtir, & tout le reſte de leur viure, eſt vn & commun aux vns & auxau
tres.Car les Scithes commanderentautrefois à toutel'Aſie; & le meſme
†º encore veut dire ce mot de Turc, qui ſignifie vn homme viuant ſauua
Turc. gement, & qui paſſe ainſi la meilleure partie deſon aage, à l'exemple
& imitation des Nomades, ou paſteurs. Cette generation des Turcs
s'eſtantainſi augmentce & accreuë,ie trouue qu'elle fut premierement
# ºu departie par tributs & cantons,du nombre deſquels fut celuy des O gu
§ ziens ; gens qui n'eſtoient point autrement querelleux de leur naturel,
" mais auſſi qui ne ſe fuſſent pas laiſſéaiſeement gourmander. De ceux ic
vint § aymant l'equité & iuſtice, qui fut chef & Capi t
taine des ſiens , tant ayméd'euxtous pour ſa preud'hommie & vaillance,
que iamais perſonne ne le contredict deiugement qu'il euſt donné( car
c'eſtoit luy quileur faiſoit droict)ainsle choiſiſſans touſiours pour iuge
& arbitre deleurs differends,acquieſſoientvolontairement à ce qui eſtoit
par luy decidé. Eſtant doncques tel, les Oguziens le demanderent à
Aladin ſeigneur du pays, pour eſtre leur gouuerneur,& ille leur octroya.
· Ceſte auctorité eſtant paruenue apres ſa mort à ſon fils Oguzalpes , il
· ' envſa bien plus arrogamment : car il ſe porta en toutes ſes actions com
Iouierarpsl meleur Prince & Seigneur, en faiſant ce que bon luy ſembloit : telle
# ment que les ayantarmez côtre les Grecs,il s'acquit en peu de iours beau
coup § gloire & de reputation partoutel'Aſie Orthogules ſon fils luy
ſucceda prompt à la main, & vaillant de ſa perſonne, qui en ſon temps
fit la guerre à pluſieurs peuples & nations. Il equippa auſſi grand nom
bre devaiſſeaux,auecleſquels il portatout plein de dommages aux iſles
de la mer † ſont vizàviz de l'Aſie & Europe: & courut quand &
uandvne grande eſtendue de plat pays en la Grece, qu'il pilla & gaſta:
L'an. 1298. Puisayantamenéſa flotte à la § de la riuiere de Tenare, ioignant
laville d'AEneil entrabien auant à mont l'eau.Et fit encore aſſez d'autres
telles courſes & entrepriſes en pluſieurs endroicts de l'Europe. Finable
ment s'eſtantietté dans le Peloponeſe, & enl'iſle d'Eubœe; en l'Attique
pareillement,illaiſſa partout de grandes marques & enſeignes de ſes
degaſts & ruines.Cela faict,il s'en retourna à la maiſon, chargé de butin
& d'eſclaues, de ſorte qu'en peu de temps il deuinttres-riche & tres puiſ
ſant. On dit auſſi que ce-p endant qu'ils'arreſta en Aſie , il ſaccagea ſou
uentesfois les peuples d'autour de luy, dont il r'amena de grandes
proyes & deſpouilles.Etainſi toutes choſes luy ſuccedans à ſouhait, il
amaſſavne bien belle armee; ſoubsl'aſſeurance de laquelle il aſſaillit &
dompta les Grecs ſes plus prochesvoiſins, & pilla les autres qui eſtoient
plus eſloignez. Dequoy le reſte ſe trouuant eſpouuenté, ſe ſoubſmit ,
volontairement à ſon obeiſſance : ſi bien qu'en peti de temps il don
na commencement à de tres-grandes facultez & richeſſes. Et comme
de iouràautre luy vinſſent pluſieurs Nomades de renfort, auec tels au
tres Baudoliers qu'il receuoit à ſa ſolde, & s'en ſeruoit en ſes expedi
tions & entrepriſes àl'encontre de ſes voiſins, cela luyfut vn beau ſurcrez
\
--
-
§ lam & ſon fils Caras,la Lydie iuſques aux frontieres de Myſie : Mais à
ras liure 7. - - - - - - - -
§" Othoman & Tecies eſcheut la Bithinie, enſemble tous les pays qui re
gardent vers le mont Olimpe : & aux enfans d'Omur la Paphlagonie,
auecles regions qui ſe vont rendreaux riuages de la mer Maiour.Ainſi ſe
firent les partages qui furent iettez au ſort & aduéture:Car quant à Cer
mian,on dict qu'il ne fut pas de ce nombre, mais que du commence
Cogni en
vulgaire. .
ment s'eſtant § de la ville d'Iconium capitale de tout le Royaume de
Carie, il en fut puis apres deboutte,& ſe retiraau pays d'Ionie, où il ache
ua le reſte de § iours en ſolitude & repos, comme perſonne priuee.
Au demeurant ſi les perſonnages deſſus nommez firent ces belles con
queſtes de tant de regions & prouinces leurs forces eſtans ioinctes &
vnies toutes enſemble,ou chacun d'eux à part ſoy, & de quelle ſorte ils
vindrent à ſuccederles vns aux autres tant à l'argent COntant & autreS
meubles,qu'aux heritages & ſeigneuries, cela ne me ſemble point fort
neceſſaire d'eſtre curieuſement eſpluché par le menu. C'eſt bien choſe
toute notoire queles Seigneurs Othomâs ont touſiours eu en fort grâd
- - - - b
†º
Othomans reſpect & recômandation le †
de Sogut;où ils ſont allez ſouuentes
§ fois,& ont faict plus de graces,deliberalitez,& de biensfaits aux habitâs
† d'iceluy,qu'à nulsautres de tousleursſubietsl'ayaprisd'auantage,qu'o
****" thoman fils d'Orthogulesfut le premierde cette race natifde ce bourg,
d'où s'eſtantacheminéilauroit pris beaucoup de villes del'Aſie; & ſiem
† porta encor par famine & lôgueur de ſiege celle de Pruſe,la plus riche &
† † floriſſante de toute laMyſie,là où il eſtablitleſiege de ſon Empire,&yde
ceda finablement,apresauoir mené à fin pluſieurs belles beſongnes, di
gnesd'vne perpetuelle recômandation laiſſantà ſes enfans vne deſia tres
puiſſante,tres riche,& delongue eſtendue principauté.Ce futle premier
d'eux tous,qui fort ſagement ordonna & prouueut à tout ce quipouuoit
eſtre neceſſaire pourle maintenement & longue duree de ce grand Em
# § pire:& qui pour le rédre plus ferme & ſtable,dreſſavne milice de ſes plus
" exquis & valeureux ſoldats,pour eſtre d'ordinaireautour de ſa perſonne;
† appelle maintenant les Ianiſſaires de la porte:Ce quile renditbicn
· plus crainct & redoubté partout,quâd on voyoit ceſte force ainſi prom
pte & appareillee à toutes les occaſions qui euſſent peu ſuruenir.Au
moyen dequoyles peuples à luy ſubiets fleſchiſſoient bien plus volon
tiersaux mandemens & ordonnances quileurvenoient de ſa part. A la
veritéce Prince icy fut en toutes choſes tres-valeureux & excellent;& dôt
les beaux faicts & majeſté venerable, le mirent en tel honneur & repu
tation,qu'il fut eſtimé preſque diuin: Auſſiſes ſucceſſeurs prirent de luy
·
*
V. .
L'an 1317,
paſſez en Europe,firent de grands maux & do mmages partoute la Thra
ce, d'autant meſme que Cathites qui auoit par les Grecs eſté confiné au #"
Cherſoneſe,fut celuy qui y attira les Turcs, & ſi repouſſa braucmét ceux
quicuiderentallerau ſecours:Puis entrabien auant en la Thrace, dontil
ramena vn gros butin.Mais apres que le renfort desTriballiés fut arriué,
-
/
IO Liure premier
& les gens de guerre auſſi qu'on auoit faict venir d'Italie; & que ces
-
Les Turcs
forces ioinctes enſemble eurent
i eſtoienclos herſc
par tousſ les 1endroits de la ter
le ſeſ
c§z § re & dela merla garniſon
• I " ,
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O R C H A N ou V. R C H A M G V S I
ſecond Empereur des Turcs. - :
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de l'Hiſtoire des Turcs. I2
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s o N E L o G E o v s o M M A I R E D E S A V I E. "
#S@S RC HA N ouvreham Guſieſgalāt ſonpere en hauteſſe de courage dexterité de con
-ſ$@ # ſeil, & grandeur d'ambition, ſes freres feſtans emparez de tout leſtat, il ſe fortifie de
#à\ bandouliers, & ſe ſeruant deleurs querelles, les desfait l'vn apres l'autre, ſe rendant
} parce moyen Seigneurabſolu del'Empire Turqueſque. Il deſconfit de vieux Capitai
# nes de feu ſon pere qui ſ'eſtoient reuoltez contre luy, & leur oſtant leurs prouinces, les
#SSS#
$#S# donne à ſes deux fils,ſoubs le nom de Sarighiacats. Se fortifie d'alliance, eſpouſant la
jïle du Roy de Caramanie,faict la guerreà quelques Princes d'Aſie, & comme il eſtoit fin &aduis#, il
faccorde auecles vns pour desfaire les autres plus à ſon aiſe. Prendles villes de Nicée, & Nicomedie, &
met en route pres Philocracél'Empereur Palleologue, qui eſtoit venu ſecourir Nicée. Contracte alliance
auec Catacuzene autre Empereur Grec,& eſpouſe ſa fille.Attaque le Caramanſon beau pere & luy ayant
ºſté pluſieurs places faittmourir ſon ieune fils,frerede ſa femme, aagé ſeulement de dix ans. Conqueſts
lae Myſie, Licaonie, Carie, & Phr# endant ſes limites d'vn coſté iuſques à l'heleſpont , & de l'au
tre iuſques à la mermaiour Aſſiegé dans la ville de # les Bulgares, & autres peuples Chre
ſtiens, il ſ'en retire heureuſement , taillant apres en pieces les aſſiegean,les ſurprenans à demy yures.Met
le ſiege deuant Philadelphie, mais la courageuſe valeur des aſſaillans le contraignit de ſe retirerſans rien
faire.Il força ſelon quelques vns les vhles de # & Philippopoli & ſur le grand tremblement de
terre, qui ſuruint le iour de deuant la priſe de Gallipoli, il dit aux ſiens. Demeurons en Europe puis
que Dieu nous en ouure le chemin Sa demeureny fut toutesfois que de trois ans car il perdit ſelon
quelques vns vne bataille contre les Tartares où il fut occis, laiſſant deux enfans Soliman (5 Amurat.
Îles autres diſent deuant la ville de Pruſe.mais mon autheurn'eſt pas de cet aduis, il fut enſeuely en vn vil
lageproche de Gallipoli ayant regné#ans,l'anmilletrois cens quarante & neufſemità Rome
clement ſixieſinetenantl'Empire Occidental,Charles quatrieſme, & celuy de Conſtantinople, Iean Pal
leologue,& Iean Catacuzene quile querelloient enſemble. Prince fort courtois & liberalprincipalement
à lendroir des gens deguerre,enuers cèux qui excelloient en quelqueart & enuers les pauures,de ſorte qu'il
eſt dit deluy qu'il ne refuſa iamais l'aumoſneàperſonne auſſi fit-il conſtruirepluſieurs Timarets ou hoſpi
taux.Religieux & deuot en ſaloy, cºfort reſpectueuxàl'endroitdesminiſtres d'icelle,leur faiſant baſtir
des maiſons où il vouloit qu'ils fuſſent nourris. Fonda vn college à Burſe oit il entretenoit la ieuneſſe à ſes
deſpens, & donnoit des gages aux regens, & Docteurs Mahometani. Son eſprit eſtoit ſubtil & inuentif,
principalement en inſtrumens belliques. Il feſtudia fort à ſe monſtrer benin, liberal & courtois enuers
les Chreſtiens pour les attirerà ſoy, ce qui # reuſſit auectant d'heur (par la partialité des Grecs ) que
leurs diſſenſions ciuiles, luy ont acquisplus de lauriers, que ſes propres forces. ·
- " - •. , - ,- " - - » -
carils ont opinion que ces choſes paſſerent ſoubs les Capitaines des Ogu
. Liure premier
Orchan ſub -
iugue la Lydie
ziens.L'Empire doncques † eſtant demeuré paiſible,toutincontinent il# #|
§e & MichelSeigneur
raiſonnable. qu'illuy donna endemariage,combien
la Myſie, aueclequel
qu'ilileuſt
fitalliâce †
deſia par le moyé
celle de
duſaPrince
ſœur
desTriballiens.Dequoy ceſtuy-cy eſtantindigné prit lesarmes contre luy,
ayât en ſa cópagnie Alexandre couſingermain dudit Michel,lequelilvain
quit:& pourſevenger del'iniure à luy faite,mit ſa principauté és mains d'A
lexandre.Orcóme il ſoupçonnaſt que les Grecs auoiét eſté de la partie con
tre luy,il s'addreſſa auſſi à eux, &ayât pris quelquesvnes de leurs places s'en
retourna en ſon pays. Ils firenttoutesfois appoinctement enſemble de là à
† téps:mais bientoſtapres les nouuelles eſtans venues comme Or
, chan eſtoit entré dans la Bithinie,& qu'ayant pris au plat paysgrád nombre
#º d'eſclaues,ilauoit finablement aſſiegélaville de Nycée,laquelle iltenoit de
fort court,& labattoit aſprement à tout ſes machines & engins,l'Empereur
aſſa en diligence en Aſie auec les forces qu'ilauoit, afin de ſecourir ceſte
place & ne la laiſſerperdre par ſa faute.Dequoy Orchanayant eu le vét, s'en
vint incontinentau deuât de luy,auec ſonarmée rengée en bataille,iuſques
orchºn fit aupres de Philocriné,où lesGrecss'eſtoient câpez pourſe rafreſchir dulon
† , chemin qu'ilsauoient fait, & deliberé comme ils ſe deuroientgouuerner à
† ſecourir la place,mais il ne leur en donna pas le loiſir, car de plaine arriuée il
deffait. les vintattaqueraucóbat,auquell'Empereur ayant eſtébleſſé à la iambe, &
grand nombre de ſes genstuez de ceſte premiere rencontre, il fut contraint
de ſe ſauueraueclereſte dedansl'enclos des murailles, tât pourlaiſſer eſcou
ler ceſte ſi chaude impetuoſité & furie,que pour faire panſer les navrez : en
core toutesfois ne peuſt-ilfaire la retraicte ſans mener les mains à b6 eſciét,
& perdre derechefbeaucoup de bonshómes,parce † les Turcs les chaſſe
rentviuemét,& les ayans rembarrez iuſques dedansles portes, lesy aſſiege
rent.Toutesfois eſtátlaville aſſiſe ſur le bord de lamer,dót à toutes heures il
- •. leur
De l'Hiſtoire des Turcs. i3
leur pouuoitvenir des rafraiſchiſſemenstels qu'ils vouloient, Orchan qui
n'auoit ne vaiſſeaux, ne moyens pour les en forclorre, fut bien toſt con
trainct
ſouffertde&ſ'en departir,
enduré toutes& retourner
extremitezaupoſſibles,
ſiege de Nycée : laquelle
ſe rendit apresauoir
finablement la piiſe de
par Nycée.
compoſition. Et telle maniere ceſte riche & puiſſante cité vint enl'obeïſ
ſance des Turcs; qui ſ'en allerent tout de ce pas aſſaillir Philadelphie;
mais elle fut ſivaillamment deffenduë par lesgens de guerre que les habi
tansauoient ſoudoyez, qu'ils n'y peurent rien faire. Parquoy Orchan ſ'en orchºn ai la
alla par deſpit deſcharger ſa cholere & indignation ſur aucuns Princes & † de ſa nation & .
Seigneurs de l'Aſie, contre leſquels il eſtoit deſia animé & aigris & ſeſtanterence
§ accordé aux vns, ſubiuguabien àl'aiſe tout le reſte. Quel
que temps apresileſpouſa la fille de Cantacuzene † des Grecs, la Ruſe d orcha
quelle alliance amenala paix & reconciliation entre lesTurcs & eux : & #
pourtant il ſe mit apres ceux qui dominoient en Phrigie, & eſtoientaux ººº
armes les vns cótre les autres. Orl'Empereur Andronique auoit laiſſé vn fils orchºn eſpou .
| aagé ſeulement de douze ans, † ilauoit ordonné pour tuteuriceluy†
Cantacuzene homme riche & de fortgrande authorité, afin degouuerner Cantacuzenes.
2 -- - » - - N 2• - -
& l'Empire & l'enfantiuſques à ce qu'il ſeroit en aage pour commander, &
prendre luy-meſme en mainl'adminiſtration desaffaires; ayant obligé &
aſtrainct Cantacuzene par ſerment ſolemnel, de ſe porter enl'vn & en l'au
tre ſincerement & ſans aucunefraude ne dol; & que ſans faire ne pourchaſ
ſer mal à l'enfant, il luy remettroit par apres de bonne foy le tout entre .
les mains. Cantacuzene doncques apres la mort del'Empereur eſtant por-cantieuzene,
té des plus grands, prit la tutelle de ce ieune Prince, & le maniement des # ſö8
affaires; ſans toutesfois attenter encore choſe qui luy tournaſt à preiudice.
Mais quelque temps apresl'ayant apperçeud'vn naturel mol & languide,
il commença à le deſdaigner, & entrer en des hautes eſperances de pouuoir |
retenir l'Empire pour † par le moyen des principaux, & du peuple qu'il
penſoit bien ne luy deuoir point eſtre contraire.Ainſiayant tout ouuerte
ment depoſſedé ſon pupille, il vint à gaigner puis apres le ſupport & ami
tié d'Orchan, parlemoyen de ſa fille qu'illuy donna enmariage; & defaict
leut touſiours depuis entierement # & deuotion.
premier
Liure -
soN E Lo GE ov soM.
M AI R E D E S A V I E.
# O LI MA N Prince tres-belliqueux nourry des ſa plus tendre
à enfance au milieu des armées de ſon pere, & plus abreuué de ſang "
#W
#èN # que de laitt : Ayant deffaict Vngleſes & Crates, Princes des Bul
#)#gares : Prent par ſurpriſe (ſelon noſtre Autheur) la ville d'Oreſtia
*ºde ou Andrinople, & celle de Philippopoli par compoſition. Con
queſte vne partie de la Thrace, auecles villes de Pergame,Edrenute, Zemenique,
& pluſieurs autres, tant deçà que delà l'Helleſpont, acquerant vne telle reputa
tion, qu'il luy venoit tous les iours nouueaux ſoldats de tous les endroits de l'Aſie,
attirex en partie auſſi de la friandiſe & douceur du pillage. Contraéte ſocieté auec
lEmpereur Grec, pour faire la guerre aux Triballiens, ou Bulgares. Mais comme
dargé de butins & deſpouilles, il ſe haſtoit de repaſſer en Aſie, vne maladie le
preuenant, luy fit faire vn autre paſſage de la vieà la mort. Il ne regna que deux
ans, & fut inhumé au goulet du Cherſoneſe aupres de ſon fils (diét noſtre Au
theur,ſi parauanture il ne veut point dire ſon pere.) Ceux qui ne luy donnentpoint
de rang entre les Empereurs Turcs, diſent qu'il mourut du viuant d'Orcanes, s'e
ſtant rompu lecol en tombant de ſon cheual, comme il couroit vn liéure. Les autres
diſent faiſant voller ſon oiſeau ſurvne oye: Car il prenoit vn ſingulier plaiſirà la
chaſſe,y employant volontiers le temps qui luy reſtoit, apresauoir mis ordre à ſes
plus importans affaires. · · · · · · | - . . - - -
Turcs eH
Cathites ; car ils luy en apprirent le chemin ; adiouſtans que c'eſtoit le l'E§pe,
plus beau, le meilleur, & le plus fertile pays qui fuſt au demeurant du
monde, & quant & quant fort aiſé à conquerir. Parquoy eſtant paſ
ſé auec partie de ſes gens au Cherſoneſe, il le pilla d'vn bout à autre :
prit encore quelques villes, & chaſteaux , mettant en routte les garni
ſons qui eſtoient là, & à Madyte. Cela faict, il ſe ietta ſur la Thrace, &
donna iuſques à la riuiere de Tænare; ramenant en Aſie force butin
B j
Liure premier -
& eſclaues qui furent pris en ce voyage Lesautres qui eſtoient cependant
demeurez enleurs maiſons, en eurenttelgouſt, que tout ſoudainils paſſe
rent en Europe deuers Soliman : en ſorte que de tous les endroits de l'Aſie,
iour par iour luy venoient gens frais & nouueaux, attirez de la douceur
& friandiſe du pillage : les laboureurs meſmes abandonnoient leurs poſ
ſeſſions, domiciles,& heritages pourſevenir habituerauCherſoneſe : mais
quelque temps apres l'Empereur des Grecs enuoya deuers Soliman pour
accorder auecluy, pource qu'il voyoit d'heure à autre proſperer ſes af
' faires de bien en mieux. Et ainſi ces deux Princes ayans ioint leurs forces
enſemble, ſ'en allerent à communs fraiz faire la guerre aux Triballiens :
combien qu'aucuns veulent dire que duviuant encore d'Orchan,ſon fils
Soliman eſtoit paſſé en Europe contr'eux,à la requeſte de l'Empereur, d'au
tant qu'ils eſtoient deſia paruenus & montez à vne puiſſance trop redouta
ble pourleursvoiſins; & ce de la ſorte & maniere que nous allons dire pre
ſentement. - -
Lorigine des EsT IENNE leur Prince eſtant quelquefois ſorty de cet endroit de païs
# " quiſeſtend le long dugoulphe Adriatique, entra au territoire d'Epidam
ne,bruſlant & gaſtanttout,& ſi prit la ville:Puis mena ſon armée en Mace
doine, oûileſtablit ſon ſiege Royal en la ville desScopiens.On eſtime que
ces gens cy eſtoient deſcendus des Illiriens, qui dominerét vne bonne par
tie de l'Europe ;leſquelsayans abandonné les regions Occidétales,ſ'en vin
drent enladite ville des Scopiens, dont le parler n'eſtoit pas beaucoup dif
ferent du leur: & delà eſtendirent ſiauant leurs limites tout le long de ces
mers là, qu'ils paruindrent iuſquesauxVenitiens. Les autres qui ſ'eſtoient
deſbandez d'auec eux, demeurerent eſcartez de coſté & d'autre par l'Euro
†angage,les
; toutesfois ils retiennent encore iuſqu'auiourd'huy preſque le meſme
meſmes mœurs & façons † : tellement § l'opinion de
ceux n'eſt gueres vray-ſemblable, qui cuidét ces Illiriens eſtre les Albanois:
#ont pas les Al- Ny auſſi peume puis-ie accorder auec lesautres, quiveulent faire accroire
- - - - - -
§" que les Albanois ſoient de la race des Illiriens : trop bien que les Albanois
- eſtans partis d'Epidamne pour ſacheminervers les riuages de la mer quire
gardent à l'Orient, ſubiuguerent l'Oetolie & Arcarnanie,auecla plusgran
Les Albanois de part de la Macedoine, & yayent faict leur demeure : i'ay aſſez cogneu
† tout cela,tant parbeaucoup de coniectures qui me le font croire ainſi, que
par le rapport de pluſieurs que i'ay ouys là deſſus. Mais ſoit qu'ils partirent
de la Poulhe pourvenir à Epidamne,ainſi que quelquesvns penſent,& que
de là finablement ilsarriuerent en laregion que depuis ils conquirent; ou
bien qu'eſtans voiſins des Illiriens qui habitoient en Epidamne, ils ſe ſoient
peu à peuapprochez de ceſt endroit de pays qui ſ'eſtendvers le Soleil le
uant, & emparez d'iceluy, ie ne voy point de raiſons aſſez peremptoires
pour me le faire croire. Parquoy nous viendrons à eſclaircir & demeſler
# # comme ces deuxraces de gens,lesTriballiens & les Albanois, eſtans ſortis
§ des marches & contrées quitouchent à lamer Ionie, ou goulphe Adriati
" • que, ont paſſé parlesregions de l'Europe expoſéesauleuant,&ſy † ha
- 1tuez;
Del'Hiſtoire des Turcs. I5
bituez, puis de là s'acheminans versl'Occident,ayent adiouſté à leur Em
pire pluſieurs terres & prouinces iuſques à attaindre le Danube, & la
Theſſalie,voire bien pres du pont Euxin:toutes leſquelles choſes aduin
drétainſi qu'ils'enſuit Le Prince & c6ducteur de ce peuple s'eſtát pour
ueude forts bons & vaillans Capitaines,tres expersau § de la guerre,
partit de la ville† 2ll1CC V11C groſſe & puiſſante armee, & ren- saue en vul.
-
- - - - - - - B ij
I6 Liure premier
dela Myſie, qui domina le pays d'alentour le Danube, & eſtablit ſon
ſiege Royalen la ville deTernobum, precedale deſſuſdit Eſtienne.D'a
uantage que les Bulgares que nous appellons auſſi les Myſiens, firent
meſme là endroict leur demeure : & les Seruiens, Sorabres, & Tribal
liens, combien qu'ils fuſſent ſeparez & diſtincts,obtindrent tous neant
moins ce nom là,& le garderent depuis Sieſt ce que les vns & les autres
eſtansainſi differends comme ils ſont , ne ſe deuroient pas reduire à vn
ſeul peuple. Comment ils ont eſté ſucceſſiuement depoſſedez par les
, Barbares, & ſoient à la parfin deuenus à neant, cela ſe dira par apres.
» :
Mais Soliman duquel nous auons deſia commencé à parler, apresauoir
reduict à ſon obeiſſance toutes les places du Cherſoneſe, hors-mis la
† ville de Gallipoli,s'achemina auec ſon armce contre la Thrace, en in
§T§ tention de la conquerir à la poincte de l eſpee : au moyen dequoy ayant
faict accord auecles Grecs,ilſe delibera de donnerauant tout œuure ſur
Chrates & Vngleſes, ceux de tous les Triballiens qui eſtoient les plus
moleſtes à iceux Grecs, comme hardis & entreprenans qu'ils eſtoiét :leſ
quels n'eurent pluſtoſt les nouuelles de ſon arriuee en Europe, où il
eſtoit deſiaentré dans leur pays.le pillant & ſaccageant à toute outrance,
u'ils ſe meurent auſſi de leur coſtéauectoutes leurs forces pour luy al
1., rue leraudeuant.Et comme ils fuſſent venus enſemble à vne tres-cruelle &
# ſanglanteiournee,les Bulgares en rapporterent la victoire, ayans mis à -
mort vngrand nombre de leurs ennemis ſurlaplace, du beau premier
choc & fencôtrc. Mais quand ils virent que les affaires& proſperitez des
Turcs prenoient deioureniournouueaux accroiſſemens,& que de tous
les endroicts de l'Aſiearriuoient inceſſamment à la filegés de guerre fraiz
& nouueaux à Soliman,ſibien qu'il oſoit deſia s'attaqueraux principales
places de l'Europe,alors meuz & excitez detât de conſiderations ſi pre
gnantes,ſe retirerentl'vn & l'autre plus auâtau dedâs de laThrace, pour
aſſembler plus à loiſir leurarmee. Quant à Vngleſesil partit de Pherres,
où eſtoit ſa demeure ordinaire, pour ſ'en aller contre lesTurcs;& Chra
tes ayant mis ſus en toute diligence vn grand nombre de bons ſoldats,
prit ſon chemin parle milieu # laThrace, & ſ'en vint rendre deuers ſon
frere, afin que leurs forces eſtans ioinctes enſemble, d'vn commun ac
cordils peuſſent plusaduantageuſement faire la guerre. Ce temps-pen
dant, Soliman eſtoit deuant vne petite ville, ſituee ſur le bord de la ri
uiere de Taenare,à quatre lieuës de Gallipoli: & s'eſtant campé à l'enui
roh ſoubs des tentes & pauillons,où les Scites, & les Turcs, voire tous
ceux qui ſuiuent la vie paſtorale,ont accouſtumé de paſſer Cpl grand plai
ſir & contentement le cours de leuraage,latenoit tres-eſtroittement aſ
ſiegee, quandileutnouuelles de la venuë des ennemis. Parquoy ayant
choiſi parmy tous ſes gens iuſques au nombre de huict cens hommes
ſans plus, il chemina toute la nuict, & au poinct du iour arriua pres le
camp des ennemis,qu'il trouua tous en deſordre,ſans aucunes gardes ne ,
ſentinelles,ains logezàl'eſcart,& au large, le long de la meſme riuiere,
l'eau de laquelle eſt fort plaiſante & delicieuſe à boire, ſaine & profita
|
de l'Hiſtoire des Turcs. i7
ble quant & quant Et pource qu'il faiſoitgrädchaud, (car c'eſtoit au plus fort
de l'Éſté)& penſoient eſtre en lieu de ſeureté & hors de toute ſurpriſe, ils ne ſe .
dônoiét pas auſſigrád'peine d'auoir leurs armes aupres d'eux,nyleurs cheuaux Deffaiâe des
appareillez,cóme le deuoir delaguerrerequiert Ce quidóna cómodité à So-§
lymádeles prédre au deſpourueu,ainſi endormis & deſbauchez qu'ils eſtoiét,
pourlatrop bône chere qu'ilsauoientfaicte en cette contrée.Donnant donc
ques dedansauecces8oo.hommes,ilen fitvn fortgrand meurtre,& porta par
terre tous ceux qui ſe rencótrerent les premiers les autres s'enfuyrent vers lari
uiere,tous eſperdus & incertains quel partyils deuoient prédre pour ſe ſauuer, Mort dvº
de ſorte qu'en cette irreſolutióils finirºt là leurs iours.Vngleſes entre les autres g§"
ſe trouua à dire,& Chrates auſſiy fut tué:mais quât à lamaniere de ſa mort,onº
ne la ſçait pas au vray : car aucuns & meſmes de ſes plus proches parens eurent
opinió qu'ilſurueſcut encore quelque téps depuis.Solymä enflé d'vne ſibelle
& noblevictoire,prit toutincótinent apres par cópoſition la ville qu'il tenoit
aſſiegée:& delàs'en alla cótre celle d'Oreſtiade,autrement dite Andrinople,ſe , le rais
câpant en cet endroit qu'onappelle Peridmetü,d'où il cómença àlabattre,& ciennement
d .-
&aſſaillirfortviuement.Mais cóme tousſes efforts ne luy profitaſſent de rien, §o
&que le ſiege fuſt taillé d'aller engrádel6gueur,iladuint là deſſus qu'ilyauoit †º
vnieunehöme qui de fois à autre par vne féte & creuaſſe de lamuraille ſortoit
ſecrettement pour aller cueillir du bled emmy les champs,puis tout chargé de
grain qu'il eſtoit,ſ'en retornoitàlaville parle meſme endroit.Cela ayât à la fin
eſté deſcouuert&apperceu parvnſoldatTurc,lequel remarquafort biéle lieu
par où le Grecſortoit & r'entroit, ſe mit vnefois à le ſuiure pour eſſayer ſ'il y
pourroit paſſerauſſi:& apres qu'il ſe fut biéinſtruit&acertené du tout,envint
faire le rapport à Soliman,qui fit mettre ſur le châpſes gés en bataille le l6gdu
foſſé.Et delà ayât fait döner vn faux aſſaut à ceux de dedâs pour les amuſer,en-La ville d'An
uoya cependât quelque nôbre des meilleurs & plusaduantureux hômes qu'il†
euſt en toutſonoſt,ſous laguide de cet autre, leſquels entrerétſans aucune re-#ºgº
ſiſtance parle deffaut delamuraille däslaville, par ce moyen elle fut †
ſans"
grâde effuſió de ſangd'vne part ne d'autre:cela ſait,ilmenatoutfreſcheméts6
armée deuât Philippopoli,qui ſe rédit parcópoſitió.L'on dit que ce Prince ici
fut touſioursfort ſoigneux d'auoir pres de ſoiforcebós & excellésCapitaines.
Vn meſmemét entre les autres,dót le nós'eſt perdu auecle téps,quin'eut onc
ques ſon pareil parmylesTurcsàbié dreſſer & códuire vne entrepriſe, & faire
des courſes exceſſiues & lointaines,qui eſt le ſeul moyépour prédre beaucoup
dames:car plus les ennemis ſont eſloignez, moins on ſe doubte d'eux : & lors
qu'on ne péſe plus à rié,& que le pauure peuple eſt à la campaigne occupé à ſa
beſongne,il ne ſe dönegarde qu'il ſe voit cruellemétenueloppé de ces brigás
inhumains;liergarotterhómes fémes, & enfans à laveuélesvns des autres, &
emmener envne miſerable ſeruitude pour eſtre expoſez à toutes ſortes d'op -
& lemont de Rhodopé ſurle Poydau,deux vaillans & puiſſans Princes, & preſque
toute la Romanieſur l'Empereur Grec.Son abſence ayant causé lareuolte de ſes Lieu
tenans qu'ilauoit en Aſie,la victoire qu'ilobtintſureux (parſapreſence inopinée )re
mitenvninſtant les choſes en leurordre,& fitſentiraux rebelles larigueurd'vnepuiſ
ſanceſouueraine.Son fils Saiis ayant fait leſemblable en Europe,lafortune du fils ce
de à celle dupere,& lamaieſté Royalle,ramene ſans combattre les ſoldats en leur deb
uoir,e9 prenantſon fils aueclaville de Dimothique illuyfitcreuerlesyeux,(aueuglât
ceſtui-cytout à fait commeilauoitfaitperdre la veuë à ſes Lieutenans le iourdeliiba
- - - •n r . - : | #
|
- eſtoientnourrisenſa Cour: & tres-prompt à careſſervn chacun & l'appeller par ſon -
#
|
nompropre.Quelques vns ont dit qu'ayantpermis à ſes Capitaines defaire des courſes
ſur les Chreſtiens,il ſe reſeruoit la5 partie du butin, & ſingulierement les plus beaux
eſclaues deſquels ilinſtitua les Iannitxaires, & qu'il ordonnal'audiance qui ſe donne
encore auiourd'huy à la porte du grandSeigneur. Noſtre autheur rapportevn dialo
gue de luyaueclevaillant Carathin où ſa ſageſſe c9 prudence ſepeuſt facilement re
marquer,& à la verité ilſefuſt rendu admirable en toutes choſes,ſansſacruauté, qui
ſeuleternit la ſplendeur de ſes actions, carelle fut telle qu'on tient qu'il y eut plus de
ſangreſpandu ſoubs luy ſeul, que du temps de ſes predeceſſeurs tous enſemble.
VIII.
La ,
mort de @# )g ( OL1MAN doncques à tout ſes grands butins & deſ
S\ | - - - - &o -
SN
# maladie,dótil mourut bientoſtapres.llvoulut eſtrein
huméaugoullet du Cherſoneſe, aupres de ſon fils, qui
23
auparauantyauoit finé ſes iours : & ordonna par teſta
ment vne tres-magnifique ſepulture pour leurs corps,
51 A
§" eſtoient Puissenalla auanttout œuureeſtablir ſa cour, & ſon palais Royal
d'arriuée à la
† enlaville d'Andrinople : & de là courut toutes les regions maritimes de la
†º Macedoine,dót en peu de iours il enleuavne infinité de prisóniers, & deri
cheſſes,quifirétbeaucoup de bien à ſes ſoldats,auparauant fortalterez.Et ſi
dóna encore aux aduanturiersTurcs quileſuiuoiét pour chercher leur for
tune,leur part & portiô du butin quiauoit eſté prisſurlesGrecs,& les Myſiés
tât en eſclaues que meubles,cheuaux & beſtail.On dit que Solimá,quelque
· temps auant ſa mort,ayât eſté aduerty que les Myſiens & Triballiésauoient
†
uenir à la ſom- aſséblé vne groſſe puiſſance pour lui venir courir ſus,offritauxGrecs de leur
2• - - - -
† rendre tout ce qu'ilauoit pris ſur eux dans le païs deThrace, moyennant la
cicus , *2 - J> - - " • - 2
†
vouluſt enten- pourſeretirer
r111'i en Aſie:lequel partyils euſſent fort volôtiers accepté,
• -º " ! . ie d'autât
A- - /
2O Liure premier
vn climatſirude,mal-plaiſant, & peu habitable. Soit doncques ou que
par cotraincte,ou † deleur propre mouuement penſans § à requoy
ilsayéteſtéattirez de ſeſeparer des autres pour faireleur cas à § eſt
pluſtoſtle faict de quelqu'vn qui veut fonder & aſſeoir ſes diſcours ſur
des coniectures † non pas d'vn hiſtorien bienſeur de ce"
†
qu'il veut eſcrire.Ce ne ſeroit point au reſte prement d'appeller
la haute Myſie,ceſtendroict de pays qui eſtau deſſus du Danube,ains ce- -
- luy qui eſtau delà: tout ainſi que labaſſe Myſie n'eſt pas celle qui eſt au
# deſſoubs de ce fleuue Et tient on que les habitans d'icelle ſont les vrays
Bulgares,quis'eſtendent depuis les contrees prochaines du Danube,iuſ- * ..
, ,
ratagrandiſſant de tous coſtez ſur les ſeigneurs des Triballiens , & des
† ſur les Grecs meſmes; les traictant neâtmoins tous d'vne fort -
Tellement qu'ils enauoient deſia deſbauché la plus grand part; & ſite
noient de groſſes forces en campaigne,toutes preſtes à troubler & met
tre en combuſtionlesaffaires de ce coſté là, ſi promptementil n'y euſt re
medié.Carilsauoient deſia pris tout plein de places, & en tenoient d'au
tresaſſiegees defort court. Parquoy ſoudain qu'il futaduerti au vray de •
toutes ces menees , il s'appreſta pour paſſer en Aſie; diſcourant en ſoy
meſme,les moyens qu'ilyauroit de mettre bien-toſt fin à cette guerre,la- .
quelle ne luypouuoit eſtre ſinon tres-pernicieuſe & dommageable,ſiel- Le principal
lealloit en longueur. Cariln'yapoint de meilleur expedient en toutes †
les eſmotions & ſoubs-leuemens des ſubiects contre leur Prince, que §
d'abbreger,& donner ordre de les eſteindre de bonne heure , ſans leur †
laiſſer tant ſoit peu de loiſir de prédre pied pourſe multiplier& accroiſtre:
Autrement cela va toſt en infiny, ny plus ny moins qu'vn feu bié allumé
àtrauers vn grostaz de fagots,ouautre menu bois. Ayant doncques eu
nouuelles comme ſes ennemis ſ'eſtoient campez en la Myſie,iltira droict
-"
22 Liure premier -
ainſi que les deux armees n'attendoient ſinon quele ſigne du combat, il
blable à celuy
†º arreſtatout court ſes gensàvniectd'arc des autres,& du haut d'vne peti
bataille de
Cannes. te motte de terre,quide fortune ſe rencontralà tout à propos,leur eſcria
Harangue à hautevoix en cette ſorte.Hal tres-fideles compaignons,voire mes tres
†
ne d'artifice, chers & bien-aymez enfans, ne vous remettez-vous point maintenant
§r
ſes gens au
en memoire,les perils & dangers,auſquels vous-vous eſtes ſi ſouuét ren
§- contrez en tant & tant d'endroicts de Europe,contre les plus belliqueu
tre les rebel.
.lcs. ſes nations quele Soleilvoye point Quels trauauxvous aueziuſquesicy
endurez pour eſleuerladignité des Othomans,au poinct de la gloire &
honneur où leurnom eſt, & parmeſme moyen vous acquerirvne loüan
ge & renommeeimmortelle, auec vn commandement ſur vn ſi grand
nombre de peuples & nations qui vous obeiſſent ? Qu'attendez-vous
doncques,que de plaine abordee vous n'allez paſſer ſur le ventre à ces
traiſtres & deſloyaux, qui ſont bien ſi effrontez que d'oſer comparoir
tous ſoüillez encore de leur meſchanceté abominable, deuant des gens
de bien, deuantla fidelité devoz entiers & inuincibles courages,veu que
voſtre Empereur qui eſticypreſent,ſera le premieràvous y faire breſche
Les fias du & ouuerture? Et quant & quant donnant des eſp erons à ſon cheual, s'en
chef accom
alla à bride abbattuë d'vne grande furie & impetuoſité, ietterà trauers la
paignent icy.
ſesui paroles,
eſt ce Ul
,
plus grand'foule des ennemis ; leſquels s'eſtoient de leur coſté aduancez
-
meurtre toutesfois & occiſion d'vne part & d'autre . Car encores
*
qu'Amurat demeuraſt victorieux, ſi eſt-ce que beaucoup de ſes gens
y perdirent la vie , s'entretuans eux-meſmes les vns les autres, tant à
Deſfieds cauſe de la grande confuſion quel'obſcurité apportoit, que pour le peu
Turcs rebel
les. de differéce qui eftoit entre les deuxparties.Au moyen dequoy luy voyât
CC § ſonner la retraicte,& ſi pardonna encore depuis à ceux qui
s'eſtoient ſauuez de la meſlée, leſquels luy enuoyerent incontinent re
querir mercy. -
X,! CETTE victoire & pacification ainſi prompte, luy vindrent fort à
propos;carlesaffaires ne furent pas pluſtoſt compoſez de ce coſtélà,qu'il
eut nouuellesd'vn bien plus grand & plus dangereux trouble, qui s'e
ſtoit leué n'agueres enl'Europe de lapart de l'aiſnémeſme de tous ſes en
fans,Sauz,lequelilauoit laiſſéau gouuernement des Prouinces par luy
· Del'Hiſtoire des Turcs. 23
conquiſes,pour donner ordre aux affaires qui ſuruiendroient en ſon ab
ſence.Cettuy-cy enflammé & boüillant d'vn deſirillicite de regnerauât
temps,oublia tout deuoir de fils, & ſe laiſſa accoſter de quelques Grecs
quimanioient Andronic,fils aiſné auſſi de l'Empereur de Conſtantino- -
tretaſterles vns les autres; eſquelles, à ce que l'on dict, les Grecs eurent
- - '
du meilleur, & menerent battant les gens d'Amurat iuſques dedans le -
gros hourt de leur gendarmerie. Mais apres qu'il ſe fut apperceu que
ce lieu ne luy eſtoit aucunement à propos, il deſlogea la nuict, & s'en •
alla ſecrettement paſſerl'eau aſſez loingau deſſus ; puis s'en reuint tout
- - A"
• ,
tout plein de beaux preſens, le renuoya à ſon pere, auec de fort hon- #
neſtes & gracieuſes lettres, qu'il ne laiſſaſt pas de le bien traicter pour -
choſe quifuſt paſſee, d'autant que tout cela eſtoit oublié Ce-pendant -
Charatin prit d'emblee la ville de Theſſalonique , & ſe ſaiſit des ſedi- #"
tieux qu'il mit tous à la cheſne,dont il s'aquit encore plus de faueur au-† & leurs mini
pres d'Amurat qu'il n'auoit eu auparauant. Auſſi eſtoit-ce vn excellent ſtres demeu
: rent pour les
perſonnage,lequel fit defort belles & dignes choſes en ſon temps,& d6-§ - º
natouſiours
ſonaduis de tres bons
& induſtrie il vint&àſages
bout conſeils à ſongrâds
de pluſieurs maiſtre
& ,chatoüilleux
ſi bien que par
af- # •
qui ſe doibt,oune doibt faire?car cette pratique s'acquiert plus par expe -
rience, que par diſcours : par ce que bien ſouuent les choſes ſuccedent
tout d'vne autre ſorte que paraduéture on n'auroit péſé. Mais ce qui eſt
leplus requis envn § ouuerainCapitaine,eſtla celerité parlaquelle
C ij
28 Liure premier
les plus beaux & excellens faicts-d'armes ont eſté heureuſement mis à
fin : de ſorte quei'eſtime qu'en ces deux choſes icy ſeulement, conſiſte
tout l'art de la guerre,aſſauoir en vn ſoing & vigilance aſſiduë, & la pre
· ſence à tout s'il eſt poſſible, voire iuſques aux moindres & plus legieres
| | entrepriſes.Car en cet endroit iln'ya rien de petit, ſoit de perte, ſoit de
gaing,&quin'importebeaucoup plus quebien ſouuent on ne cuideroit.
Tels eſtoient les deuis de ces deux excellensguerriers, lors que quelque
fois ils ſe trouuoient de loiſir : tellement que non ſans cauſe les armes
d'Amurat eſtoient par tout eſpouuentables,& merueilleuſement redou
tees: Etiamais ſes exercites ne branſloientvers aucun lieu,que ſoudain la
frayeur ne †
dans les cœurs des plus aſſeurees & belliqueuſes na
· tions. Pour raiſon dequoy,& de la merueilleuſe diligence dontilaccom
pagnoit tous ſes deſſeins & entrepriſes,chacun auoit l'œil auguet, & ſe
tenoit ſur ſes gardes, remparans non ſeulement les places des frontieres,
Ad - mais encore celles du cœur du pays,quipouuoient tant ſoit peu preiudi
#ºtº cier S'eſtant †
ſeruy Amurat de la dexterité & ſuffiſance de ce
perſonnage,en la pluſpart de ſes conqueſtes, où il monſtra touſioursvn
grand deuoir & fidelité;ce n'eſt pas de merueilles s'ill'honora & aduança
† grandement:car il fut en partie cauſe dcluy cſtablir ce bel Empire en Eu
ſa. rope,oûil ſubiuguatant de peuples,rendit de ſi grands Princes ſes tribu
taires:& contraignit les Grecs de le ſuiure en toutes ſes expeditions &
Les conque-' voyages là où Emanuelluy fut touſiours le plusagreable.Ilrengea entre
§ les autres Dragas fils deZarchus ſieur de Myſie, enſemble le Pogdan qui
" commandoit à tout le mont de Rhodopé,qu'onappellevulgairement la
montaigne d'argent,& pluſieursautres Princes del'Europe,Triballiens,
Croats,& Albanois auecleſquels (depuis qu'ils furentvne fois vnis à ſa
domination) & ceux del'Aſie,il ne fit de là en auant plus de difficulté de
s'allerattacher à tous ceux dontilluy prit enuie.
xii. . MAIs en quelle ſorte les Grecs,d'vne telle authorité& puiſſance tom
berent ſitoſt en vne tres-miſerable ſeruitude, nous l'auons deſia touché
,, cy-deuant : & neantmoinsil ne nous ſemble point hors de propos de re
#. capituler le tout icy en vn ſommaire. Iean eſtant rentré en ſon Empire,
†º contraignit Cantacuzeneſon predeceſſeur eniceluy, de prendre l'habit
g d'amº deiour
Ial.
de Religion,& ſe faire Moyne.Voyant
à autre prendre puis apreslesaffaires
nouueauxaccroiſſemens de proſperitédes& Turcs,
gran
deur,il paſſa en Italie:oûtout premierement il alla § les Venitiens
pour auoirſecours, maisàla finil cogneut que ce n'eſtoit que vent & fu
meedeleurs promeſſes.Parquoy apresauoir pris à intereſtvnebône ſom
me de deniers,dontilauoit † deſpendu la plus grand'part apres cette
vaine pourſuitte,il ſe delibera de paſſer outre deuersle Roy de France : &
ct . " oubliade viſiter ſurle chemin les potétats d'Italie pour eſſayer s'il pour
m§- roit faire quélque choſe enuers eux. Eſtant arriué en France, il trouua le
† Roy en fort mauuais eſtat de ſa perſonne, & ſon Royaume en pire train
†º encore , y eſtant tout ſans deſſus deſſoubs, à cauſe des guerres & ſedi
tions inteſtines dont il eſtoit embrazé de toutes parts:tellement qu'il s'en
Del'Hiſtoire des Turcs. 29
retourna en Italie ſans rien faire,là où il fit encore auſſi peu. Et ſi fut d'a
uantage arreſté à Veniſe,commeilpenſoitfaire voile pour retourner en
ſon pays,à faute de payer les deniers qu'ilauoit pris ſur le change : car les 4
Venitiens ne luy voulurent permettre de deſloger qu'il n'euſt premiere
mentſatisfaict à tous ſes creanciers.Ainſi le pauure Prince reduict à vne Miſtre de
extrême angoiſſe & perplexitéd'eſprit,deſpeſcha à Conſtantinople de-†"
uers ſon fils Andronic auquelilauoitlaiſſé en garde ſonEmpire,pourluy
faire en diligence quelques deniers,tant des biens de l'Egliſe,que des au
tres moyens & facultez de ſes ſubiects,& des impoſitions & reuenus pu
bliques,& lesluyfaireincontinent tenir,afin de ſe racheter de ſes debtes, t .
ſanslelaiſſerpluslonguemét crouppiren cetteindignité & miſere. Mais §
Andronicà quiil faſ#oit de deſmordre le maniment des affaires, & auec †§
cene portoit gueres d'amourny de reſpect à ſon pere,ne s'en donna pas *
grand'peine.Pourtoutereſolution illuymâda quele peuple ne vouloit
enſorte quelconque,ouïrparler de mettre la mainaux reliquaires,& biés
Eccleſiaſtiques,& que d'ailleurs il n'y auoit ordre de recouurerſitoſtvne
telle finance.Parquoys'il ne vouloit à touſiours tremper là, qu'il adui
ſaſtquelque moyen de recouurerluy-meſme de l'argent, & ſe depeſtrer ,
dubourbieroüil s'eſtoitallé mettre ſans propos. Là deſſus Emanuel(le »entés re
puiſné) ayant entendu la neceſſitédeſonpere, amaſſade coſté & d'autre †º
tous les deniers qu'il peuſt recouurer ; & s'en alla par mer en toute dili- d'Androme,
gence deuersluy,auecl'argent meſme qu'ilauoitautrefois recueilly en la
ville deTheſſalonique,lorsqu'il eneſtoitgouuerneur; luy preſentant le
tout & ſa perſonne encor'pour demeurer en ſon lieu,ſi ce qu'il auoitap.
porté ne § Ce deuoir & office de bon fils, & §
pitoyable cauſerentautant d'amourà l'Empereur enuers Emanuel, que
iuſtement il conceut de courroux & indignation pour l'ingratitude
d'Andronic, & fut cela le commencement de la haine mortelle, que les †
deux freres s'entreporterent touſiours depuis; tant pour raiſon § leur de caloian,
diſſimilitude de meurs, & de laialouſie qui ſourdit entr'eux pour l'oc- -
caſion deſſuſdicte, que des differens qu'ils eurent en infinies ſortes &
manieres ſur leurs partages.Ce-pendantl'Empereur s'aydant de l'argent
apporté parſon fils Emanuel, ſatisfit à tout , & s'en retourna à Con
ſtantinople ; d'où tout incontinent il depeſcha vn Ambaſſadeur à
Amurat, auec l'vn de ſes enfans qu'il luy enuoyoit, pour delà en auant
faire reſidence à ſa porte, & le ſuyure & accompaigner ésarmees †
dreſſeroit. Amurat le remercia de ſa bonne volonté, l'admoneſtant
de perſeuerer en la foy qu'il luy auoit promiſe , ce qu'il fit touſiours de
puis ſans plus rien entreprendre qui le peuſt offencer. Il enuoya auſ- c.l-ha
ſi au Peloponeſe apres que les enfans de Cantacuzene furent dece-†
l'vn de ſes en
dez, ſon filsTheodore, † ſe tint auec Emanuel gouuerneur de † †
Theſſalonique. Et ce-pendant eſtant venu à parlementer auec celuy§
-
†
ſeruir en ſos
qui commandoit pour Amurat en Macedoine & Theſſalie, conſpire-§
rent enſemble de ſe reuolter. L'autre des enfans de l'Empereur fut r'ap
pellé àConſtantinople, pour luy mettre la couronne entre les mains,
- · — - \-- «- C iij
--
.3O Liure premier . -
cºshitºire & quantàluy il s'en alla au Peloponeſe,poury eſtablir les affaires, & for
† tifier les lieux & endroits qui luy ſemblerent à props pour brider le
º º pays.Toutes leſquelles choſes aduindrent au-parauant qu'Andronique
-
& Sauz ſe fuſſent eſleuez à l'encontre de leurs peres.
XIII.
IN coNT IN EN T apres Amurat deſcouurit qu'Emanuel conuoiteux
de nouuelletez, eſtoit apresà faire des brigues & mcnees côtre luy; pour
raiſon dequoy Charatin le deſpoüilla deſaville,& de ſongouuernemét.
Et commel'Empereurluy eut enuoyé deffendre de ſe retirer ſur ſes ter
res,il ſ'enfuyt à Leſbos,là où ſon arriueemit engranddoubte le gouuer
neur de l'Iſle,quiluy commanda ſoudain d'en vuider:& là deſſus s'eſtant
reſentévnegallere qui tiroit verslaTroade , il paſſa en terre ferme de
l'Aſie; & delà ſur des cheuaux de poſte,iuſques à Pruſe. Amurat ne de
, meuragueres depuis à ſe mettre en campaigne, pour faire la guerre aux
#Pº" Triballiens & à
d'Amurat cö
§ Prince Eleazar, † auoit ſollicité les Hongres de
# ºgº prendrelesarmesauecques luycontrelesTurcs. Eleazar ayant entendu
- comme Amuratlevenoit trouuer à tout vne groſſe & puiſſante armee,
ietta pareillement la ſienne en campaigne pour le preuenir & combattre,
pluſtoſt que devoir deuant ſesyeuxla ruine § de ſon pays.Or
auoit-il deux filles preſtes à marier, l'vne deſquelles il donna au Suſman
ſeigneur des Odryſiens ou Moldaues:& l'autre à Bulque fils de Brancas,
qui eſtoit fils de Plandicas,lequeltenoitCaſtorie, & cette portion de la
Macedoine qu'on appelle § , auparauant des appartenances de
Nicolas fils de Zuppan: tellement qu'il ſe ſentoit merueilleuſement ren
forcé de ces deuxalliances. Et ſi auoit apres la mort d'Vngleſes & de
Chrates conquis Piſtrinum & Niſtra(ainſi nommel'on cette contree)&
on larrºſe cſtenduſes limites †
à la riuiere de Saue. Orcomme Amurat ſe fuſt
†approché bien pres de luy,ilſçeut parſes auant coureurs qu'il eſtoit lo
» ... géeºvneplaine raſe appellee Coſobe,oüill'alla trouuer droit, ayât auec
§ luy deux de ſes enfans Iagup,& Paiazet;& futlà combattu fortaſpremét
† d'vne part & d'autre, tant qu'à la fin lavictoire demeura à Amurat: mais
où Amurat
§" par terre tout roide mort.Les Grecs en parlent autrement, & dient, que
Merueilleuſe º fut pas en chaſſantles ennemis qu'il mourut,ains auant quela meſ
#. lee commençaſt ainſi qu'il eſtoit encoresapres à ordonner ſes batailles,
§" vn certain Milo homme de grand cœur & entrepriſe,commeillefitbien
paroiſtre,s'offrità Eleazar d'aller tuer Amurat Et là deſſus ainſi monté &
armé qu'il eſtoitlalanceaupoing,s'en allaiuſques aux premiers rangs de
l'armeeTurqueſque,quieſtoit toute preſte à commencer la charge, fei
gnant qu'ilauoit quelque choſe d'importance à dire-Parquoy on le me
naincontinent à Amurat,qui eſtoit au milieu de ſes Géniſſaires : là où luy
/
· De l'Hiſtoire desTurcs. 3I
ayanteſté faict large,ildeſcocha de telle roideur, qu'auant qu'on ſe fuſt
apperçeu de ce qu'il vouloit faire,ille perça de part en part, mais il fut ſur
le châp mis en pieces.Voylace queles Grecs en racomptent. Quoy † ",
ce ſoit,cela eſt tout certain qu'il finaſes iours en cette plaine de Coſobe, "
où ſes entrailles furententerrees, & ſon corps mené à Pruſe,la ſepulture
Royale detousles Princes Othomans,fors de Solyman qui fut inhumé
au Cherſoneſeregna
mort.Amurat aupresvingt-trois
de ſon fils,ſuyuant ce qu'ilauoitpauurement,
ans,& mourutainſi ordonné auant ſa # d'À, -
apres
auoir durant ſavie eſchappétant de perils & dangers, faict de ſi belles "
choſes,mené à fin deſigrandes & difficiles guerres, tant en Aſie qu'en
Europe,iuſquesau nombre detrente ſept,& plus.En toutes leſquelles il
demeura touſiours victorieux,ſans qu'on leviſt iamais tourner le doz,
ne quitter la place à ſes ennemis.D § que malaiſeement on pourroit
dire, quifutla plusgrande enluy,oulavertu ou la fortune, mais faut par
neceſſitéqu'ellesyayéteſtécomparties eſgalement. Car de bien ordon
nerſesaffaires,ſçauoirprendre à propos ſon aduantage, combattre tres
aſprement luy-meſme touſiours des premiers, ne ſe perdreny eſtonnerés
plus doubteuſes & mortelles rencontres ſont toutes choſes que la vertu
ſe peut approprierde droict Mais neluyeſtre oncquesvne ſeule fois meſ
aduenu en ſi grande longueur de temps,en tant d'entrepriſes & conque
ſtes, meſmementés premiers accroiſſemens & progrez de cette monar
chie,qui n'eſtoit pas encore nybeaucoup eſtenduë, ny gueres bien con
firmee,cela ne ſe peut attribuer qu'à la fortune ſeule, qui ne ſe ſaoulaia
mais de le fauoriſer,& luy bien faire:nel'ayantaucunement voulu laiſſer
nyabandonner à la mercy de ſes euenemens,le plus ſouuent incertains
& doubteux.Car la deſconuenue de ſa mort ſe doibt referer à la diuine
vengeance, à quiilfaut que toutefortune cedeàla parfin : & eſtoit bien
raiſonnable que celuy finaſt ſes iours de cette ſorte, lequel onques ne
peut eſtreaſſouuy de ſanghumain, onques n'alladegayeté & gentilleſſe
de cœur à la guerre,mais comme pouſſe de rage,de fureur, & forcenerie,
toutainſi qu'vn lyon deſpité, quelque ſaoul & remply peuſt-il eſtre, fe
toitàtrauersvneharde debeſtes rencloſes dans le pourpris de quelque
parc: Que ſid'auenture illuy eſtoit force de laiſſer repoſer ſes ſoldats, il
ne bougeoitinceſſamment de la chaſſe, & ne ſe donnoit point de repos.
En quoyil ſurpaſſa de bien loingtous ſes predeceſſeurs:carquant à la di
ligence & celerité dont il auoit accouſtumé d'vſer en toutes choſes , la
vieilleſſe ne luy en fit rien relaſcher,ains ſe monſtra toufiours auſſi fraiz,
auſſi aſpre, prompt & vigilant ſur ſes derniers iours , comme en ſa plus
verte & vigoureuſeieuneſſe.Si bien que peu de Princes, ne des anciens
ne des modernes,ſe pourroient en ceſt endroit paran gonner à luy. | Etſi
pourcelail ne laiſſoit pas de faire toutes choſes meurement,ſans obmet
trevn ſeul poinct de ce qui pouuoit eſtre neceſſaire pour l'execution aſ
leuree de ſes entrepriſes & deſſeins.Deſſoubsluyſeulilyeut plus de ſang
reſpandu,que dutemps de tousſes predeceſſeurs enſemble. Mais au reſte
ilſemonſtroit aſſez doux & traictable enuers les peuples qui paiſiblemét
- C iiij
32 Liure premier .
portoientleioug de ſon Empire:& fut touſiours fort moderé enuers les
, -
de ſes mains bagues ſauues;ſuiuant l'ordinaire des Princes & grands Sei
† eſt de changervolontiers de naturelauecl'heureux ſuccés de
eurs affaires ; principalement quandilsſevoyent hors de crainte & de
doute de leurs ennemis & de doux &benins qu'ils eſtoientau-paruaât,ſe
monſtrer à tous rudes, farouches, & eſpouuentables. Amurat neant #
moins parmy cette grande ſeuerité,dontileſtoitſicraint & redouté des
ſiens,nelaiſſa de trouuerenuers euxautât d'amour,defaueur,& de bien
vueillance, que nulautre chefdeguerre quiait oncques eſté. Parquoy il |
car il euſt mené laguerre d'vne autre ſorte:& ſibienil n'euſt renuerſé &
mis au bas vne telle puiſſance, côme ſe trouuoitlors celle de ce Tartare,
ileuſt bien mieux toutes fois ſçeu prédre ſon party,pour ceder à ſes pre
mieresfuries & tépeſtes; ſefortifier enlieux propres & aduantageux : luy
coupper les viures,l'eſcorner & affoiblir peu à peu par embuſches, eſcar
mouches,& legers combats; ſans ainſi temerairement,& àlavoleehazar
· derſaperſonne,ſes armees,& ſon Empire,àl'incertain euenement d'vne
bataille mal conuenable.
Fin dupremier Liure.
BA I A Z E T G V L D E RV M
cinquieſme Empereur des Turcs.
S O N E L O G E O V S O M M A I R E.
D E S A V I E.
LE SECO N D LIVRE
- - 33
LE SE C O N D L IV R E
D E L' H I S T O I R E D E S
T V R C S, D E L A O N I C C H A L
coNDYLE A T H E N I E N.
S O M M A I R E, E T C H EFS P R I N C I P A V X
du contenu ence preſent liure.
, Del'Hiſtoire desTurcs. 35
enlacoſtedelamer Ionie prochaine delaville de Duras,dont fut enleué :
vntres-grandbutin. - - | -
apres le tout à ta deuotion & ſeruice,ſi par le moyen de mon ayde ie vies †"
Empire de,
#
la priſon. de ſe retirerent àgarend deuers Paiazet, luy offrans vn gros tribut par cha
- &b
cun an, auec tel nombre de gens de guerre qu'illeur voudroit impoſer.
· Là deſſus,luy comme fin & ruſé qu'il eſtoit, enuoya quelquesvns à Con
ſtantinople pour ſonderſecrettementlesvolontez du peuple,lequel on
Ainſi eſt ilau aymeroit le micux ou luy ou Emanuel;taſchant parlà de deſcouurir quel
† le partilauoit là dedans. Ils choiſirent toutesfois Emanuel, eſtans §
# auſſi bien tous ennuiez du gouuernement d'Anthronique. Telle fut la
†º contention & debat qui ſuruintentre ces deux, dont Emanuel qui of
§te de froit à Paiazet trente mille ducats de tribut par chacunan, & d'auantage
†
carrie du Turc de le ſuiure partoutauccvnearmee entretenue à ſes propres couts & deſ
/ V 2• ' • 2
†# cement
y
me à la porte le tribut qu'il auoit promis, & touſiours ſur le commen
de la prime vere fourniroit le nombre de gens qui luy ſeroit or
CIl 1Cc1ll - - - - -
moyennant
†" donné armez & equipez en§ Auregard d'Andronic & de ſon fils,
†* ils demeurerent à ſa ſuitte, deffrayez & entretenus aux deſpensd'iceluy;
# & par cemoyen Emanuel ſe trouua du tOllt paiſible. - -
uantfErtzica capitale de tout le Royaume; & vne autre petite ville en- #
core appellee Lamachie. On dict que ce Scendericy eſtoit le plus fort hô-†
me de toute l'Aſie,& le plus adroictauxarmes, qui en vigueur & diſpoſi-º.
tion de membres, en hardieſſe,& experience au faict † guerre, ne ce
daàaucun autre de ſon temps: tellement qu'ayant eſté par pluſieurs fois
aſſailly des Aſſiriensilfit tout plein de belles choſes ſur eux , & quelque
petite trouppe de gens § euſt auecques ſoy , il mit neantmoins
touſiours en route ſes ennemis.Mais finablement ſa femme propre pour
uelque mauuais meſnage quiſuruint entr'eux, luy dreſſa des §•'
† le mit à mort auecvn ſien fils,retenant en ſes mains le gouuerne
ment du Royaume.Contre ce grand & valeureux Capitaine Paiazet me
naſonarmee, & prit de forcela ville d'Ertzica,enſemble ce ſié fils deſſuſ
dit, qu'il emmena priſonnier. Cela faict, paſſa outre à la conqueſte des
Tzapnides qui tiennent toute la region de la Colcide iuſques à la vil- ..
le* d'Amaſtre.Puis s'en alla contre Carailuc & Leucamna Seigneur de †.
* Samachie,qui levintbrauement rencontrer, mais il fut deffait, & per-†ºhlagonie.
ditlabataille,oùily eutvne durerencontre. Eſtât puis apres Paiazetallé M#
edie en la
mettre le ſiege deuant la ville deſſuſdite,ily demeura quelquesiours ſans §
† rien faire:parquoy il deſlo gea & s'en retourna chez ſoy; où il ne #.
eiournagueres qu'ilnereuinſt faire la guerre aux autres Seigneurs de"
l'Aſie, Aſſauoir à AEtin,Sarchan, Mendeſias, Tecos, & Metines, auſ-paizetde
† il oſta toutes les terres & pays qu'ils poſſedoient, & ſe mit de-†a
ans : tellement qu'ils furent contraincts,ſevoyans ainſi chaſſez hors ºººººº.
de leur droict & legitime heritage , de recourir à l'Empereur Temir:
mais commentils arriuerent tous deuers luy, hors-mis le Caraman ſur
nommé Aloſuri,& Turghet Seigneur de la Phrigie,cela ſe dira cy-apres;
car ces deux Princesſe rengerent du party de Paiazet.Touslesautres qui
auoient parluy eſté § deleurs biens ſe retirerent à Semarchant, cºdep .
où eſtoit la cour & demeure Royale de Temir.C'eſt bien choſe ſeure, §
ue Sarchâ quiioüyſſoit des pays bas de l'Ioniele l6gde la mer, & Men- # zºg .
§ , tous deux neueux de Calamis; enſemble Tecos Seigneur de
Madian, eſtoient des deſcendans de ces ſept Capitaines de l'Othoman,
leſquels apres auoir reduict leurs forces envn, conquirent de compai
gnie l'Empire del'Aſie,ayans auparauanteſté à la ſuitte d'Aladin. Mais
ie n'aypoint encore bien peu ſçauoiràlaveritè,le moyen parlequel AEtin villed'Aſie ls
& Metin vindrent à eſtre ſigrands Seigneurs.Caron dit qu'AEtintenoit "
luy tout ſeul ce qui eſt de pays depuis # ville de Colophon iuſques à la
Prouihce de Carie.Quantà moyie ſçay pour certain, que tous ceux qui
viuent foubs l'obeyſſance des Turgaturiens, du Caraman , de Metin,
& d'AEtin, ſontTurcs naturels, & pour tels tenus & eſtimez d'vn cha- Vi&toi
cun. Mais pour retourner à Paiazet, apres qu'il eut ſubiugué à force #
d'armes tout ceſt endroict de la Cappadoce qui obeyſſoità Caraiſuph, #º
- - - - D ' ts f
ºn • •
38 Liure ſecond
& la contree encore que tenoient les enfans d'Homur; & ſe fuſt d'abon- z
dant emparé de la meilleure & plus grâde partie de la Phrigie,ilmena ſon
armee contre la deſſuſdite ville d'Ertzica,& contre Scender,qui pourlors
dominoitvne fort grande eſtéduë de pays ences quartiers † à la
riuiere d'Euphrate:à quoyilauoit encore annexé vn bon eſchantillon de
la Colchide. Paiazet fit encore tout plein d'autres belles choſes ce-pen
dant qu'il s'arreſta en Aſie; laiſſant de tous coſtez de fort amples & ma
gnifiques marques de ſes victoires & conqueſtes. -
III1. MA 1s apres qu'il fut paſſé en Europe,ayant laſché comme d'vne laiſſe
-luſieurs armees tout à vn coup ſur Mocedoine, & le territoire des Al
- § quihabitent au long delamer Ionie,il fit par tous ces quartiers là
caa,s rui detres grandes deſolations & ruines Et ſi prit de force quelques vnes de
#º leurs places.Puis paſſa outre contre les Illiriens,le pays deſquels il courut
& gaſtad'vn bout à autre, & enleua tous les biens & richeſſes qui y
eſtoient : cela faict, dreſſa ſon equipage pourallerau Peloponeſe : tou
tesfois il faiſoit courirle bruit que c'eſtoit pour donner ſur la Phocide,
& ſe ſaiſir de laTheſſalie, afin d'auoirce pays-là à propos pour ſes autres
· entrepriſes & coqueſtes.Carl'Eueſque des Phocentiens meſmes eſtoit
† celuy quil'y attiroit, luy mettât en auant la beauté du pays, le plus com
moit extre
- - A . . , * , , , 1» Deſcription
LA Germanie prend ſon commencemcntés monts des Alpes, d'où §
- - Dij "
4o Liure ſecond
ſort la riuiere du Rhin, lequel ſe va rendre en la mer Oceane deuers So
ſeil couchant.Tout ce qui eſt de pays depuis Argentine ou Straſbourg
iuſques à Maience, & encoreplus bas quaſi iuſques aupres de Colon
gne, enremontant puis apres de là vers Auſtriche, s'appelle la haute
Germanie:mais le reſte qui paſſe au deſſoubs de ladicteville de Colon
gne,tant à main gauche du Rhin, en tirantversles Gaules, iuſquesaux
- Iſles de la grand'Bretagne, † main droicteau deça de ce fleuue vers
" Pº « la Pyridaſtie,ſont les pays bas de ladicte Germanie ou Allemagne. Sa
longueur,à la prendre depuis Vienne iuſques aux bouches du § , eſt
devingt bonnesiournees: Et ſi lalargeur en eſt plus grande, combien
- qu'onla vueille meſurer parla plus courte & abbregee trauerſe, depuis
la Gaule Celtique, iuſques preſque en Dannemarch. Au reſte cette na
tion eſt pour cette heure la mieux policee, & qui ſe gouuerne le mieux
que nul autre peuple de tous ceux qui regardent,ſoit au Septentrion ou
au Ponant, departie au reſte en pluſieurs belles & groſſes villes, qui viuét
chacune ſelon ſes loix & couſtumes à part. Il y a auſſi pluſieurs Prin
ces, Potentats,& grands Seigneurs § parmy;& des Eueſques & au
· tres Prelats delieu à autre, qui reſpondent tous au ſouuerain Paſteur de
l'Egliſe Romaine,lequelils recognoiſſent pour ſuperieur, & luy obeiſ
ſent en la ſpiritualité.Mais les principales,& plus fameuſes de toutes cel
les qui ſont venuës à noſtre co gnoiſſance , tant de la haute que de la baſ
r,yredeſ ſe Germanie, ſont Nuremberg riche & fort marchande, Straſbourg,
† Bamberg, Coulongne; & bien deux cens autres, commel'on dict, qui
†. ne ſont gueres moindres.Somme que c'eſt vne tres † & puiſſan
§e te nation, & qui en nombre de gens, & eſtendue de pays peut eſtre
† tenue pour la ſeconde apres les Tartares, ou Nomades de la Scithie:
† tellement que s'ils eſtoient bien vnis & d'accord tous enſemble
ſoubs l'obeyſſance d'vn Prince ſeul , ie croy quant à moy qu'ils ſe
roient inuincibles, ou à tout le moins les plus forts & redoubtez de
tous les mortels. Car entant, que touche l'habitude & diſpoſition
de leurs perſonnes , ils ſont gaillards , ſains , & robuſtes, ce qui ſe
peut : comme ceux qui paſſent leur aage au Septentrion , ſoubs vn
climat où rien ne deffaut de ce qui eſt neceſſaire à la vie de l'homme,
ſans iamais eſtre gueres infectez ny empuantis de la peſte, prouenan
te d'vn air corrompu, ainſi que ſont les peuples de l'Orient , parmy .
leſquels cette pernicieuſe contagion faict ordinairement de terribles &
merucilleux eſchecs & breſches.Et s'ilya encore fort peu d'autres mala
dies quidurant l'Eſté,& ſur l'Autône ſontailleurs fort frequentes & mo
leſtesine de tremblemens de terre nomplus, aumoins qui ſoient dignes
d'eſtre remarquez:trop bien y pleut-il enabodance tout le long de l'Eſté
autât ou plus qu'ennulautre endroit que ie ſçache.Ilyaauſſi force fruits
de toutes ſortes,hors-mis § de raiſins,auec, ſi ce n'eſt
le long du Rhin.Auregard de leurviure,de leurs habillemens, & autres
façons de faire, ils ne different pas beaucoup en tout cela des Occiden
raux.Maisie n'ay point oy dire,qu'en tout le demeurant de la terre ilyait
"
res bien de leur en vouloir mettre vn autre. Le ſiege capital eſt à Budde, # eu Roy de
treſbelle & magnifique ville ſituee ſur le bord du Danube , d'oùilsens Hongrie.
uoyerent premierement deuers Sigiſmonddeſia eſleu Empereur, lequel
pour lors ſeiournoit à Vienne,luy offrir le Royaume. . " , , , ,
I L n'en fut pas pluſtoſt entré en poſſeſſion , qu'il depeſcha deuers ler #.
- - -
# 1j
Pape,qui luy eſtoit deſia auparauantfortaffectionné, & auſſi aucu
- · •
V©
42 · Liure ſecond
T nement,pourfaire ratifier ſon election Imperiale, laquelle dignité les
- * • - - - -
†"
France pre ſouuerains Pontifesdel'Egliſe Romaineſouloient auparauant conferer
† † aux Roys de France,en conſideration de leurs merites & biens-faicts en
magne uers le ſainct Siege: & mcſmement pour auoir defaict & exterminéles
Sarrazins, qui § paſſez del'Afrique en † & deliuré le pays
entierement deleur ſeruitude & oppreſſion, enſemble de leurs courſes,
inuaſions,& ſurpriſes.Mais puis apresle droictd'eſlireles Empereurs paſ
ſa de Romeaux Allemans : & neantmoins Sigiſmond apres en auoir eu
l'aſſeurance du Pape,& que ſa ſainctetél'euſtmandé là deſſus, pour aller
receuoirla coronne de ſa main,il ſemit en chemin pour l'aller trouuer,
1e v a prenantſon addreſſe parles terresdes † n'en eurent pas
#. pluſtoſt les nouuelles, qu'ilsluyenuoyerent dire aſſez rudement, qu'il
† ; euſt à en ſortir Dequoy il ne tintcompte,nevoyant rien encore ( ce luy
†" ſembloit) qui luy deuſt émpcſcher le paſſage. Mais les autres ayans
† en toute diligenceaſſemblé leurarmee,vindrentaudeuant de luy,ende
#i liberation deluyfaire fairedeforce ce quede ſonbongréiln'auoit vou
' lu faire: Et luy de ſon coſté voyant leur contenance & reſolution,rengea
fes gens en bataille, & leurvint preſenter le combat, où il perdit grand
nombre d'hommes,& futluy-meſme contrainct de prendre la fuite hon
teuſement,en grand danger encore deſtre pris Voyant doncques qu'il
n'yauoit plusd'ordre de paſſer parlà,ilrebrouſſa chemin vers les hautes
Allemagnes,& delàs'en vint rendre à Milan. Pourſuiuant puis apres ſes
erres,il arriua finablementà Rome,oûilfut coronné Empereur parle Pa
pe, aueclequelil eut le moyen de negocier toutàloiſir beaucoup de cho
· ſes,touchant le ſecours de gens & d'argent qu'il demandoit pour la guer
re du Turc,caril § ſon entendement:à quoyle Pa
Charles 6. pe preſtafortvolontiersl'oreille,& deſpefcha là deſſusauRoy de France,
& au Ducde Bourgongnc,quioctroyerent liberalement huictmilleh6
Iean comte percur
de Neuors.
mes de défoncoſté
guerre,ſoubsfitlaſesappreſts,
charge & conduicte
receuantàduſa frere
ſoldedudict Duc.
tous les L'Em
Allemans
qui ſe voulurentenrooller , Puis auſſitoſt qu'il eutſon cas en ordre, ayât
pris les forces de Hongrie,& les Valaques pour ſeruir deguides & auant
coureurs,tira droictau Danube, pour de là aller rencontrer Paiazet. Et
cependant depeſcha des Ambaſſadeurs deuers les Princes & Potentats
del'Italie & Eſpagne, pour ſolliciter auſſi leur ſecours d'hommes & de
deniers,à cette ſaincte & louable entrepriſe.Le tout ſuiuantl'aduis & en
hortement du ſainct Pere,lequel de ſa part ne manqua en rien de tout ce
qu'ilauoit promis.Maisle Turc† ſçeutincontinent,comme †
, s'en venoità toutvnegroſſe pui ance pour le combattre, aſſemblaſou
- dain les forces de l'Aſie & del'Europe,& d'vne diligence nompareille, le
. ,
vint deuanceriuſques au Danube,plantant ſon campà deux lieuës & de
mie du bord del'eau.Surquoyles François(qui àla verité ſont bien vne
#. # tres-hardie & belliqueuſe nation, mais bien ſouuent auſſivn peu plus
§ boüillans & haſtifs, que par-aduanture il ne ſeroit beſoin)ſans autremét
" vouloir temporiſer,coururent ſoudain aux armes,nevoulans pas que les
12 r r , A , 1 . >r
De l'Hiſtoire desTurcs.
- - 45
endiligence fon armee, & ſans autrement s'arreſter à conſulter dela fa
çon dont ſe pouuoit plusſeurement faire la guerre, ne ſi on deuoit ha
zarderle combat ou non,apresauoir ſeulement deſtournéles femmes &
enfansés plus forts & ſecrets lieux du mont de Praſobe, ſe mit à ſuiure -
le camp des Turcs par de grandes & profondes foreſts; qui ſont ſi drues †
en tous ces cartiers là, qu'elles les rendent comme inacceſſibles, & preſ- debo .
queinexpugnables. Mirxas doncques s'eſtant mis à la queuë de Paiazet,
le tenoit inceſſamment en alarme : & ne ſe paſſoit gueres iour qu'ilne
donnaſtvne eſtrette à ceux qui ſe deſbandoient de la groſſe trouppe; ou
nedreſſaſt quelque bonne embuſcadeauxfourrageurs,quieſtoient con
traints d'allerau loing chercheràviure & à piller : Tant qu'à la parfin a
pres pluſieurs eſcarmouches & legieres récontres,ſuiuant touſiours les -
de toutes ces choſes ils ſurmontent & paſſent de bien loin tous lesautres
† peuples de l'Occident,auſſiont ils bien opinion que c'eſtà eux,à quide
France eftant
† ales Eſpaignes,ou pluſtoſtles monts Pyrenees qui luy font eſpaule, &
† ſeruent de rempart,du coſtéde Septentrion la Germanie faict ſes tenans
** Cette ſitua- & aboutiſſans: mais deuers Soleilcouchant,iln'yaautres bornes ne limi
§ tes, que les flots del'Ocean,& les Iſles de la grand † Tellement
> - , 1> -
- -
: -
-
gne leurvint vne autrefois courir ſus, & deliura les Seigneurs du pays
u'ils tenoientaſſiegez,auſquelsilreſtituatout ce qu'ilsauoiét perdu,tät
en Caſtille,que Nauarre,& Arragon:côbien qu'ill'euſt conquis de bône Masºnini.
guerre àlapoincte de l'eſpce.Les naturels & proprietaires ayans faict en-†
maigne, qui
tr'euxvne diſcuſſion & departement, r'entrerent chacun en l'heritage §.
- - - Eſpai
qui leur appartenoit,le tout par la beneficence de ce magnanime Empe-§y,
reur & des ſiens Leſquels ayansmisà fin deſigrandes choſes, ce n'eſt pas †
de merueilles, ſi leurvertu & effort ſont encore en la bouche de tout †
lemonde.Au regardduComte Roland,on dict qu'ayanteſtéfortbleſſé c§,
5o Liure ſecond
en vne embuſche qu'on luyauoit dreſſee;il mourut de deſtreſſe de ſoif,
par faute de trouuer promptement del'eau : & que Renaud demeura à
pourſuiurelereſte de cette guerre, mais que finablement il en remit la
charge és mains des Rois d'Eſpaigne, qui touſiours depuis ont eu beau
coup d'affaires contre les Africains,dont le langage eſtle meſme que ce
luy des Arabes,& tiennent la religion de Mahomet auſſi bien qu'eux.Au
1e, Françoi, reſte ils s'habillent partie à la Barbareſque, partie à l'Eſpaignole. Les
† François doncques,pour tant de belles choſes dontils ſont heureuſemét
§ venusà bout,n'ontſansiuſte occaſion voulu touſiours auoir la prece
# dence ſur tousles peuples & nations du Ponât Leurmaniere de viure eſt
vn peu plus delicate que celle des Italiens,mais au demeurant il n'y a pas
beaucoup de difference.Et combien que ce ne ſoit point du tout vne
meſme choſe des deux langages,ſine ſont-ils pas toutesfois ſi eſloignez
u'ils ne ſe puiſſent quelque peu entendrelesvns les autres.A la verité il
† vn temps,qu'on trouuoitles François par trop inſolens & ſuperbes,
voulans touſiours auoir le deſſus † part qu'ils ſe trouuaſſent;
mais ils remirentbeaucoup de ces façons defaire ainſi hautaines, déslors
que la fortune commença de leurmaldire contre les Anglois, † leur
oſterent la plus-part des Prouinces qu'ils tenoient,& lesvnirét à ſeur co
ronne.Puis les ayans ainſi deſpoüillez,menerent leur armee deuât Paris,
où ils mirent le § dict-on quele differend & querelle de ces deux
1 : premier, peuples eutvn telcommencement.Ilyavne petiteville,ſituee àl'vn des
# coings de la Gaule Belgique, ſur le bord de la mer Oceane, appellée
† Calaisi quin'eſt† autrement des plusrenommées & fameuſes, mais
#ºº de elle eſtforted'aſſietteau poſſible ;auſſi † le plusà propos
' detoute la mer,pourtrauerſerde France en Angleterre : & y a quant &
quant vn fort beau port, qui peut tenirgrand nombre de vaiſſeaux , la
lus belle commodité que les Anglois euſſent ſceuchoiſir, pour mettre
# pied dâs la France.Au moyen † Royd'Angleterre ayât de lon
Les Anglois † main faictſon complot auecleshabitans, prit la ville d'emblee , &
§ ſ'en mit en poſſeſſion: Les François puis apres ayans enuoyé deuers luy
# pour la rauoir,il ne fitautre reſponce ſinon qu'il y aduiſeroit plus à loi
il fut recou
,
52 Liure ſecond
· lesvilles & places fortes qu'ils auoient perduës durant la guerre, com
bien que pluſieursautresgroſſesarmees d'Angleterre paſſaſſent la mer,
dont ils emporterent touſiours la victoire, & les rembarrerent ſouuen
tesfoisiuſquesàCalais,tant que finablementils lesietterent dutouthors
du Royaume. » r
-
v
· '
Deſ ºption la coſte de Flandres, s'eſtendans bienauant enlamer, dont elles occup
† pentvnegrande eſpace.L'vne eſt expoſee àla haute mer , où les vagues
Bretaigne, -
# duflot & des marees vont & viennenttoutàleurayſe ſans aucun contre
prédre les au
§ dictne empeſchement : les autres ſont parmy certains courans & rent
- - ) - - 2 2 -
†n
Pline liure...
6. à tout. Par ce moyen elle ne comprendroit en tout ſon circuit, ſinon
ºp.1s. cinq mille ſtades tout au plus. Mais elle eſt grandement peuplee , & les
cefirley ds. #º ſont fort robuſtes : yayant beaucoup debônes villes,& VIlC infi
§ nité de bourgades & villages, dont Londres eſt la capitale. Il y a bien
†. †
pluſieurs
ſtades.
Seigneuries &
du Roy,nyplus ne Principautez neantmoins
moins que nousauons dit toutes ſoubs
cy-deuant de lal'obeiſ
Fran
ce.Et ne ſeroit pas bien aiſé à Prince que ce ſoit des'emparerde ce Royau
me, où le peuple meſmement n'eſt point tenu d'obeyr à ſon ſouue
rain, outre ce que les ſtatuts & couſtumes du pays le portent. Mais ils
ont ſouffert autrefois beaucoup de calamitez, tant à cauſe des differens
Le Re, qu'ils ont euzauccles Princes eſtrangersleurs voiſins, & bien ſouuent
† contreleurpropre Roy,que pourleurs ſeditions & partialitez domeſti
§ler ques. Deviniln'y en croiſt point du tout, & ſi le terroüer ne produict
l Eu•. pas beaucoup de fruictages. Quant au froment, orge, miel, & laines,
ilyena en abondance,autant ou plus qu'ennulautre endroict quel'on
ſçache:Tellement que là ſe faict vne grande quantité de fins draps, ca
riſez,& limeſtres de toutes ſortes.Lelangage, dont ils vſent eſt preſque
particulierà eux,ne ſe rapportant ne à celuy des François, ny des Alle
mans,ne des autres peuples delà autour.Toutesfois leurviure ordinaire,
* leurs meurs & façons de faire ne different pas beaucoup de ceux de la
France,ſi ce n'eſt en ce qu'ils ne ſe donnent pas gueres de peine de leurs
cen, ta femmes & enfans. Carceſte couſtume eſt commune à toutel'Iſle que ſi
† † de leurs amis,ouautre de leur cognoiſſance lesvavoir, le II12l1
i § ſtre delamaiſon deplainearriuee luy mêt ſa femme entre les mains, &
†" les laiſſe là ſeul à ſeul deuiſer & paſſer le temps tout ainſi que bon
leurſemble,cependant qu'ils'en va promener, puisau retour luy faict la
meilleure chere dontil ſe peut § de meſme,quand ils vôtpar
pays d'vnlieuà autre,ils s'entrepreſtent leurs femmes, & s'en accommo
| dent entr'eux. Laquelle couſtume eſt encore envſage par toutes les vil
les maritimes,au pays des Vandales,iuſques ſurles confins & frontieres
º
- 2 r *r • - -
-
-
- 3 , * -
54- Liureſecond
uien partie eſt naturel & volôtaire,en partieviolét & forcé. Aumoyen
† ſi ce mouuement ſe vient à rencontrerauecvn accord & conue
· nance de l'annee,& en la ſaiſon encore quiluy eſt la plus oportune, plu
ſieurs diuerſes ſortes de mouuemenss'en enſuiuent.Et certes ce ſeratqu
- ſiours vne fort douce,plaiſante & gentille ſpeculati6, & vn paſſe-temps
tres agreable à voir & ouyr,ſi noſtre ame ſevient à recueillir & reſtrain
dre à vne certaine meſure & deuë proportion de ce grand vniuers, com
me ſi elle ſentoit en ſoy,& y apperceuſt les mouuemens d'iceluy, & en
- vouluſt fairevnaccord,le meſlât & alliant les vnsauecles autres. De vray
uelle muſique ſe pourroit-elle repreſenter,qui plus luyamenaſt de plai
† & de delectatiô? D'autât que de ce double & reciproque mouuemét,
elle en reçoitvn du tout ſemblable,dont ellevient auſſiàmouuoirnoſtre
, ... corps en deux façons & manieres,l'vne qui tend à croiſtre,& l'autre à di
l § minuer. Car cependant que noſtreame ſuit & s'accommode au mouue
*º métdel'vniuers,ilfaut par neceſſité que celuy qui eſt naturel cauſe gene
ration & accroiſſement : & le violent & contraint,corruption & deſtru
ction de tous les corps procreez de la nature.Cela ſuffiſe pour cette heu
re,tant pour le regard de la mer Oceane,que de ce † deſpend du dou
ble mouuement † choſes quiontvie,en quel l1C orte & maniere fina
blement qu'elles viennent à ſe § n'eſt pas ncceſſaire que
l'humeur de noſtre Mer reſtreinte entre deux terres, garde & enſuiue le
meſme mouuement de l'autre,qui eſt libre & ſpacieuſesd'autant,que ce
| Me#- la ne ſe conduiticy ſinon parlanature desvéts,& l'aſſiette & diſpoſition
terranee n'a
§ des lieux,quiſe rencontrent propres à telles agitations. Ce que nous
†" auons bien iuſques icy voulu diſcourir & deduire, comme choſes qui
ſingulierement appartiennentà la cognoiſſance du mouuement, tant
XI,
de lamer
Pov ROceane que retournerau
doncques des autres. propos que nous auions abandonné,
| .
- -
Deſcente des mis à fin tout plein de belles choſes, entrerent dans le Peloponeſe : Et
V - /° •/ ,
§ quant à Brenezes,apresauoir eſſayé en toutes ſortes la côqueſte de ceſte
· " Prouince, il ſe mit finablementà courir & piller le plat pays, enſemble
4
•,
\.
De l'Hiſtoire desTurcs. 55
les lieux
ſon prochains
armee de Coron,
deuât laville & de Modon
d'Argos,qu'il : Iagup d'autreDuc
prit deforce.Carle coſté
de mena .
Spar-,† la
- - - ville d'Argos.
theTheodore,voyantles Grecs hors de toute eſperance de pouuoirplus
deffendre,neConſtantinoplene le Peloponeſe,& leurs affaires eſtre re-†..
duitsàvn extreme peril & danger,auoit laiſſé ceſte voiſine de celle nºs au grand † maiſtre de
, quoytout auſſitoſt que les habitans eurent le vent & qu'ils ſevirent ſi
laſchementabandonnez,& trahis parleur propre Seigneur, lequel pour
lors eſtoit abſent à Rhodes,ils § enlagrand'place de laville
àla perſuaſion & enhortement dél'Eueſque qui auoit deſcouuert toute
lamenee; & là apres pluſieurs choſes debatuesd'vne part & d'autre,arre
ſterent finablement par commun accord , de ne point receuoir ceux de
Rhodes,eſtans tous preſts d'endurer pluſtoſt tout ce qui pourroit ad- .
uenir,qued'obeiriamais à vnetelle maniere de gens. Et afin que le tout -
paſſaſt plus ſolennellement, & auec plus grande authorité, eſleurent ſur
le champlemeſme Euefque pourleurchef tellement qu'ayans entendu
comme ces Nazareens(ainſi
ſion)s'eſtoient
2 -
appellent-on
deſiamis en chemin pour ſeceux quiemparer
venir
-
font vœu
de & profeſ-Les
leur Grecsar.
ville, pellent
-
toute - - 4
ſortes de reli
enuoyerentau deuant leur denoncer
- - >• - • .
† euſſent à vider hors de leurs gººº Nº.
- , • - reës, mais en
limites,ſinon qu ils les tiendroientaulieu d'ennemis : les autres voyans les
- - - -
# Nazareens • •/
leurs deſſeins & pratiques rompues ſemirétau retour pour aller trouuer §c§.
Theodore,lequelapresauoir entendu que les choſes eſtoiét paſſeestout†
autrement qu'il n'auoit proiettéen ſon eſprit, depeſcha deuers eux pour †
- ſtoitautre chd
• • •/ -
de temps monta en fort grâdbruit & reputation, dés-lors qu'il fut entré
en armes dâsle peloponeſe,&enlaMacedoine qui eſt le l6gdela marine,
où il auoit fortvaillamment combattu les Albanois neantmoins il n'eut
plus de charge en la Cour de Paiazet:trop bien lesTurcs le ſuiuoient vo
lontairement à la guerre quelque † qu'il allaſt , pour ce que toutes
choſes leurvenoient à ſouhait ſoubs ſa conduicte, & reuenoient ordi- .
Acargiae nairemét chargez de † richeſſes Car parmy lesTurcsilyavne ma
†, niere de gens à cheua equippez à la legere qu'on appelle les Accangi,
§ leſquels n'ont du Prince ne ſouldene charge,ou degré quelconque,mais .
†" ſont ainſi † cherchent leur fortune à la ſuitte du camp,
| accompaignans celuyquiles voudra menerà quelque proye & pillage.
Chacun d'eux atouſioursvn couple de cheuaux; l'vn ſurquoy ilmonte,
' & l'autre de relaiz,qu'il mene en main, pour charger ſon butin deſſus,
· & pourſe raffraiſchir auſſi de monture s'il en eſt beſoin. Car auſſi toſt
qu'ils ſont arriuez en terre d'ennemis,& que leur Capitaine leur a laſché
la bride, ils s'eſpandent tousàla deſbandee de coſté & d'autre, ſans s'arre
·- ſter nulle part, pillans,rauiſſans,& enleuanshommes,femmes,beſtail, &
toutes autres choſes quiſe rencontrent enlavoye.Tellement que i'enay
-cogneu de ceux qui auec Amurat fils d'Orchan, & depuis ſoubs Paiazet
eſtoient paſſez en Europe,leſquels s'eftans mis à faire ce meſtier, auoient
en peu de temps amaſſé de fort grandes richeſſes, & s'éſtoient habituez
deça & delà,depuis la ville des Scopiés,iuſquesauxTriballes,&enlacon
tree de Myſie,voire dansla Macedoine propre:& yen a encore pluſieurs
- ainſi que chacun ſçait, qui ont paſſéleurs iours ſur les confins delaTheſ
† ſalie.Oron dict que du temps de Paiazet vn grandnombre de Tartares
† deſcendirent en la Valaquie , d'où ils depeſcherent leurs Ambaſſadeurs
· §" deuers luy,pourauoir quelqueargent,auecvne contree, oùilſe†
retirer:enfaueurdequoy ils paſſeroient le Danube, toutes les fois qu'il
luyplairoit,& feroient la guerre en ſon nomaux peuples del'Europe.Pa
iazet fut bien aiſe de ces offres,& leur promit tout plein de belles cho
ſes,s'ils faiſoient ce qu'ils diſoient, meſmement de leur aſſigner des ter
res, où ils pourroient viure à leur aiſe, ſoubs leurs chefs & condu
cteurs,à part lesvns des autres:& ainſi s'eſtans reſpandus de coſté & d'au
tre,ils vindrent à ſe faire treſbos hommes de cheual, & fort propres pour .
la guerre guerroyable.Mais quelque temps apres,Paiazet craignant que
ces Capitaines de Tartares ne luyioüaſſent en fin quelque mauuais tour,
"-- & ne vouluſſent troubler ſon Eſtat,lesayant faict venir tous en vn lieu,
cruelle deſ commanda de les mettreà mort.Encores pour leiourd'huypeut-on voir
† * vn grand nombre de ces Tartares habituez de coſté & d'autre parmy .
l'Europe,qui del'ordonnance d'Amurat eſtoientaiſez reſider en ceſten
droict de la Macedoine,qui eſt proche des bains de Myrmeca, & de lari
uiere d'Axius, maintenant dicte Vardari , où il enuoya quant &
quant pluſieursTurcs naturels, pour cultiuer le pays. Le territoire auſſi
# de Zagora commençalors d'eſtre habité par fon commandement, en
#" ſemblela contree de Philippoli : mais le Cherſoneſe de l'Helleſponte
-
, Del'Hiſtoire
rs a3 r r , A . - • v ' . *» •4
- •
des Turcs. 37
auoit deſia eſté peuplé par ſonfrere Soliman. Au regard de laTheſſalie,
& du pays des Scopiens,& des Triballes,quis'eſtend depuis ladicte ville
de Philippoli, §
à la montaigne de Hemus,& aubourg de Sophie,
cefut Paiazet quiyenuoyades habitans : auſſi ceslieux là luy furent de- "
puis comme vne ouuerture & entree,pour delà courir & fourrager à ſon
aiſelesterres des Illiriens & Triballes, eſtans treſpropres & commodes,
pour faire laguerre à ces deuxpeuples. Ilyen eut encore tout plein d'au
tres qui ſe retirerent depuis en ces quartiers là,ayans entendu que c'eſtoit
vnlieu tout à propos poury ſerrer les eſclaues, & autre butin qu'ils fe
roient ſur les ennemys. -
,qui ayentlieu ;la Chreſtienne & la Mahometane : des autres on n'en fait Mahomet; .
cas, pourle moins elles ne ſontpoint admiſesaux Royaumes,Principau- †º
tez,& Seigneuries,oubieifn'yontaucun credit nyeſtime.Aumoyen de-†"
quoy il reputoit,
1
que tousles ſectateurs de Mahomet eſtoient
N. - " ff fort tenuz
•f , zetgrand
ennemy du
" *: : - - -*1 | v -
uais
d
homme,7-..
ſans; foy, loyanté, ne conſcience
ſt , ſi
aucune, ambitieux
d ſi ich :ſ
au §
iſ- dirc foudre,
cmeurant,& qui ne le contentoit pas d'eſtre ſi grand, il riche & il puil-†n
- - : --- . >
-
5 r ° ° » pºè ' • - - •v -
CELAeſtl'vn des plus grands blaſmes & reprochables qui ſoit entre x 111.
les Mahometans, de retourner partrois fois auecvne meſme femme,s'il
n'y a † bien apparente & legitime occaſion. Car la loy veut que , couſtume
touteslesfois qu'ils delaiſſent leurs femmes, ils declarent quant & quant †º
de ne la vouloir plus reprendre, comme ne leur eſtant permis ne loiſible,*
depuis qu'vne fois le maryvient à dire, qu'ilya eu diuorce entre luy & ſa
femme iuſques à trois rattes, & pourtant qu'il n'en veut plus. C'eſt vne †
§ & ridicule,practiqueeneantmoins
ils ne peuuent eſtrediſpenſez, quand la production deparmyeux,& dôt§
cette troiſieſme que. .
dre n'ait paſſé par les mainsd'vn autre, & commis adultereauec luy.Ainſi †
le Heraut ayant ouy ces beaux propos,s'enretourna à tout, ſans exploi- †"
cterautre choſe.On racompte en ceſt endroict,que la femme deTemire
ſtantfort conſciencieuſe,auoit de tout ſon pouuoir eſſayé de deſtourner
ſonmary de faire la guerre à Paiazet, pour-ce qu'illuy ſembloit digne de
rande loüange, d'auoirainſi touſiours affectionnément combattu pour
a foy de Mahomet:& à ceſte cauſe eſtoit continuellementaux oreilles de
ſon mary,à luy perſuader devouloirlaiſſer en paix & reposvn telperſon
nage, ſans luy point donner d'ennuy & faſcherie qui le diuertiſt de ſes
louables entrepriſes; caril n'auoit pas merité d'eſtre mal-mené par ceux
qui eſtoient de ſa creance.Toutesfois apres quele Heraut fut de retour,
& qu'il eut rapporté à ſon maiſtre les villains & deshonneſtes propos de
Paiazet,ilvoulut que ſa femme les ouyſt elle meſme. L'ayant doncques
faict venir en ſapreſence,illuy demandas'illuyſembloit raisônabled'en-
+
'
6o • Liure ſecond
durer plus longuement cedesbordé Turc, brauerainſià belles iniures &
# outrages, ſans ſe mettre en deuoir de l'en chaſtier. Et certes cela eſtoit
† bien tout arreſté en l'eſprit deTemir, qu'encore que ceſte dame euſt per
#es rais ſiſtéen
ZCL. tre, maisſapremiere
il vouloit opinion,de ne laiſſer qu'il
donnerà cognoiſtré pas pourtant d'alleraſſaillir
portoit quelque reſpectl'au
à ſa
# femme,& que rienne lemouuoit à ceſte guerre,ſinonl'honneſte pretex
†" te & occaſion qu'ilauoit de vengerl'iniure à elle faicte.Pour cela neant
moins elle ne laiſſa pas de luy faire encore vne telle reſponſe.A laverité,
Sire, ne moy ne tous ceux quiorront les vilaines paroles de ceſt homme
là, ne pourrontiuger ſinon que c'eſtvn folinſenſé, du tout hors de ſon
entendement, de maniere qu'il ne ſçait plus ce qu'il faict,ne ce qu'il dict,
& que ce ne fuſttres-bien faict à toy de t'en venger, pour luy apprendre
vne autre fois à quiilſeioüe : mais nonobſtant tout cela ſi prendray-ie la
hardieſſe de te dire,que ic ne ſerois pasd'opinion que tu entrepriſſes la
guerre pour ſi peu de choſe, contre celuy qui a ſi bien merité de noſtre
Prophete, & qui pourle ſeruice,gloire,& honneurd'iceluy, neceſſe de
uerroyer tres-valeureuſement les Grecs & autres peuples habitans en
Europe : ſi ce n'eſtoit cela, ie croirois bien qu'il n'y auroit pas grand mal
de ſe reſſentir de l'outrage & iniure qu'il nous faict, carilne ſeroit pas rai
ſonnable de le laiſſer paſſerſans § chaſtiment. Mais voicy que tu
peux faire ce me ſemble : Denonce luy la guerre , & ne la luy faiz pas
pourtant, au moins à toute outrance, & prends ſeulement ſaville de Se
baſte, que tu luy ruineras de fonds en comble:car en ce faiſant tuaurasaſ
ſezven géla ſurpriſe de Melitiné,& la querelle des Princes qui ſonticyàta
ſuytte.Toutes ces choſes eſtans paſſees en la ſorte que § eſt, Temir
s'appreſta pour aller trouuer Paiazet : Neantmoins † VIlS I2CO1Yl
narchie des Otthomans ſe fuſt venuë embraſer de toutes parts en noiſes, pºeue, †
princial
ſeditions, & partialitez, & eux-meſmes euſſent pris lesarmes les vns contre § a cauſe
lesautres, les choſes toutesfois ne fuſſent(peut-eſtre)arriuées à vne ſi pi des guerre ci -
uiles qui ſur
teuſe fin, comme elles firent à Paiazet, & quand ſes enfans puis apres vin-† ſa mort entre
drent à ſebattre & entre-tuer miſerablement les vns les autres, & combler ſes e .
leur propre pays de deſolations & calamitez. Ce quiamena des maux infi
nisàtoute la nation Turqueſque : & le pere en ſon viuant ayant eſté eſleué
parla permiſſion diuine, à vn tres-haut degré de grandeur & dignité mon
daine, illuyaduint d'eſprouuer & ſentir les poinctures de nos miſeres, pour
aucunement refrener ſon inſolence, & le rendre plus doux, plus moderé,
&traictable : ſi ſon malheur nel'euſt pourſuiuy à toute outrance, & ſe fuſt Il y eut deux
contenté de quelque mediocre repriméde & chaſtiment. Or pour moyen-†" mir Chur'u
Temir, ſans que pour cela il luy fuſt preſque beſoin de deſgainer ſon ci-§ §
meterre.Toutes leſquelles choſes comme & quand elles aduindrent, vous†
> - - teux , qui eſt
l'entendrez de moy cy-apres: Car on dict que ceſt homme icy, monta de † †
nu de lieu in
fort bas & petits commancemens, à vne tres-grande gloire, authorité, & cogneu,
puiſlance.
TAM E R LAN E S ou THE MIR
Empereur des Tartares.
S O N EL O G E O V so MMAIRE D E S A V I E.
Fj
L E T R O ISIE SME LIVR E
D E L H I STO I R E D ES
T V R C S, D E L A O N I C CHAL
C O N D Y L E A T H E N 1 E N.
S O M M A I R E, ET C H E FS * P R 1 N C I PA V X
du contenu en ce preſent liure.
L'origine deTamburlan,qui d'vn tres Des Scithes derechef, & de leur manie
bas & petit lieu monta à vn ſi grand re deviure, contre leſquels Tambur
Empire, & de ſes premiers exercices lan s'eſtant acheminépar deux fois, il
& occupations aux brigandages,dont nepeut riengaignerſureux Chapi
tre 8.
vint tout ſon aduancement. Chapi
tre premier. La priſe de Damas & d'Alep, auec le
L'ordre & diſcipline eſtablie par Tam reſte de la Surie : & la deſcription du
burlan és Siſ$ities,autrement Hordes, Souldan du Caire, & del'Empire des
ou congregations de Tartares, errans Mammelus. Chap. 9.
gà & la enforme d'vn campperpetuel. Tamburlan faiét paix auec le Roy de
Chapitre 2. Chatai, prend & ruine de fonds en
Deſes deuxprincipaux Capitaines Chai. comble la ville de Sebasie, des ap
dar & Myrxas, dont il fit mettreà partenances de Paiazet : & les pre
mort ceſtuy-cy pour luy auoir parlé paratif deces deux grands Monar
trop librement. Chap. 3. ques pour ſe donner la bataille. Cha
· Deſcription de la mer Caſpie, & pays pitre 1o.
adiacens : & quelques exploiéts dar Les ſignes & prodiges qui precederent le
mes de Tamburlan contre les peuples | deſaſtre de Paiaxet, & diuers diſ
de l'Orient : c9 de là contre les Ara cours c9 conſultations de luyauecſes
bes. Chap.4. Capitaines s'il deuoit hazarderlecó
Du fauxprophete Mahomet; deſa loy, bat. Chap.II.
& ſes traditions; ſes faicts & geſtes, L'auarice & outrecuidance de Paia
& de ſes ſucceſſeurs : & des pellerina zet ſont cauſe de luy faire tout per
ges qui ſe font d'infinis endroits à la dre: & la groſſe bataille qui ſe don
Mecque, où eſtſaſepulture. Cap.5. na à laparfin au pays de Myſie, où il
Tamburlan ſubiugue les Chataides : ſon fut entierement deffaiét, & pris pri
entrepriſe contre les Scites ouTarta ſonnier, luy & ſes enfans. Chapi
fY6 I2..
res Orientaux, auecla deſcription d'i
ceux, & de leurs Hordes. Chap.6. cAigres reproches & deriſions de Tam
De la Sarmatie & Ruſcie,mœurs & fa burlan enuers Paiazet : les ignomi
gons de faire des Moſchouites, Liuo nieux & mauuais traiétemens qu'il
miens, Lituaniens, & autres nations luyfit les hauts deſſeins & conceptiös
du Septentrion : & des trois ſortes de d'iceluyTamburlan : lapourſuitte de
religions inſtituéespourfaire teſteaux ſa victoire, & la mort de Paiazet.
infideles. Chap.7. Chapitre 13.
Deſcription
-
º -
Del'Hiſtoire desTurcs. 63
Deſcription de l'Inde Orientale : volu- | | s'effantdonné au repos: & le partage
ptex & debordemensdeTamburlan, | | deſon Empireàſesenfans. Chap.14.
pg E premier exploict de guerre que fit Temir en ce sebaſteeelta
\ voyage, fut ſur Sebaſte ville de Cappadoce, riche & º
# opulente.Car ayant eu infinies plaintes de Paiazet,
# qu'ilſe porteitinſolemment enuers les autres Prin- ,
# ces & Seigneurs de l'Aſie, nonobſtant qu'ils fuſſent †
2# deſcendus dela race desTurcs, & qu'apres encoreles#"s"
auoir deſpoüillez de tous leurs biens, il nelesvouloit
laiſſer en aucune paix ne repos ; † que ceux qu'il auoit en
uoyez deuersluys'en eſtoient retournez ſans rien faire, & n'oyoit par
tout reſonnerautre choſe que ſes menaſſes & brauades; ſe §
† remettre les choſes en longueur, d'aller attaquer Sebaſte.Auſſi #
ien deſiroit-il aſſeoirles fondemens de ſon Empire ſur le bruit & re- § -
/
. -
--
64 · Liure troiſieſme
Tes ºu pareille,ſans pardonnerà perſonne.De maniere qu'en peu de iours ayant
† aſſemblé vn grand denier de ces deſtrouſſemens & volleries, il s'aſſocia
§-auec deux autres Maſſagetes de nation , nommez Chaidar & Myr
#º xas, à l'ayde deſquels il prit ſi à propos les ennemis qui eſtoicnt venus
faire vne courſe en la contree,qu'illes mit en routte, & tailla en pieces
toute leur cauallerie: Dequoyles nouuelles eſtans venues à la prochaine
- ville,onluy enuoyaſoudainvne bonne trouppe deſoldats, & force ar
gent pourleur departir à ſa diſcretion,affin de lesauoir plus prompts &
affectionnezàtout ce qu'illeurcommanderoit.Se voyant doncques vn
telrenfort,il entra dans le pays ennemy, où il pritgrand nombre d'ames
& de beſtail, dont il fit § à ceux de la ville : Et de là en auant le
Roydes Maſſagetes cognoiſſant ſa proeſſe & valleur,lecommença d'a
uoir en fort grande eſtime, car illefit chef& capitaine general de toutes
ſes forces; auec leſquellesTemir s'eſtant iettéen campaigne,fittelle dili
gence, qu'il § ennemisaudeſpourueu,& les mit de plaine abor
dee à vau-de routte, les chaſſans à pointe d'eſperoniuſques dedans Ba
bilone, autrement dite Bagadet, oûilles aſſiegea. Puis manda ſon Roy
pour cueillir le fruict de † victoire, & y mettre la derniere main; mais
ſur ces entrefaictes il mourut:& par ce moyéla Royne auecle gouuene
#ºn
eſpouſe la ment du Royaumevindrentés mains de Temir; lequel deſlors ſe portât
-
§ abſolument pour Roy, continua ſon ſiege deuant Bagadet, & Semar
# cant encore là oûvniourceux de dedan ſe voyans reduicts au dernier
*°º" deſeſpoir, ſortirentd'vnetres-grande hardieſſe iuſques dedans les tren
chees, mais ils en furent repouſſez, & ne pouuant plus durer, ſe rendi
Priſe dese rent par compoſition àluy.S'eſtantainſi emparé de Semarcant, il vou
" lut pratiquer quelques vns de Babilone, pour la luy mettre entre les
mains, & conduiſoit ceſte menee Chaidar, mais Myrxas qui eſtoit d'vn
naturel doux & †† taſchoit de le retirer de ceſte .
entrepriſe; luy remonſtrant que de ſe laiſſer ainſi tranſporter à l'impe
tuoſitéd'vne ambition & conuoitiſe deſmeſuree,luy qui eſtoit venu de
ſipetit commencement,celaneluyameneroitàlafin rien de bon en ſes
affaires, qui auoient beſoin de § & de patience pourles eſtablirpeu
à peu: auſſi bien la Seigneurie de Babylone ne luy eſtoit aucunement à
propos.
II.
Siſſities,ſ
CE fut celuy quimonſtraàTemirtoutletrain des Siſſities, ſurquoy il
- - T - | | - - - - - - | ||> -
celuy euſt eſté faire tort, de le defrauder des côuenances que luy-me IIlCt
F iij
66 Liuretroiſieſme
degayeté de cœur, ſansy eſtre ſemôdde perſonne,auoit miſes en auant.
ToutesfoisTemir en cherchoit quelque couleur & excuſe,afin qu'on ne
l'eſtimaſtauoir temerairementviolél'ancienne amitié & côpagnie qu'ils
auoient euë par enſemble, lors qu'il n'eſtoit encore qu'vn vagabond:
mais ne pouuant plus auoir de patience,illevintvniour cauteleuſement
aborderd'vn tellangage.I'eſtime aſſez,ôMyrxas,que ce n'eſt point cho
ſe nouuelle à toy,ne à Chaidar,ne à tout le reſte de ce peuple, par quels
moyens & artifices nous ſommes paruenus à ceſte grandeur & puiſſan
ce.Én quoy nousauons touſiours eu deux choſes entre les autres en ſin
guliere recommandation,cependant que nousauons eſté embeſongnez
† à nous eſtablir ceſte belle & ample Monarchie:leſoin & diligéce en pre
§- mier lieu de nozaffaires,puis vnefoyinuiolable de gardertres-eſtroicte
" ment tout ce qui auroit eſté promis auſſibien à noz aduerſaires propres,
comme à noz plus fidelesalliez & confederez.Et non ſeulement par noz
actions & comportemens,mais encore par noz propos & deuis ordinai
res,auons nous touſioursaſſez faict paroiſtre,denevouloir chercher au
tre choſe, ſinô deviure en toute paix & douceur auec noz familiers amis,
ſans leur eſtre ne mal-gracieux,ne moleſte,nytaſcher de leur contredire à
tous propos,nychangerſouuent comme fantaſtiques & bizarres d'opi
nion en leur endroit, n'yayant rien de plus recommandable en tout le
cours de la vie humaine(principalement des grands) que la ſeule beni
nité,& clemence,qui eſt aſſez plus forte que toutes les armes de ce m6
de.Auſſi nous ſommes-nous touſiours remis deuant les yeux , que c'eſt
celle qui emprainct le plus auant en nousl'image & reſſembláce de Dieut
lৠveut eſtre ſi reueſche & farouche, de ne ſe pouuoir
comporterauec perſonne,ny accouſtumer à parler de meſure, comment
ſeroit-il poſſible que ſes actions ne fuſſent à la fin infauſtes & malheu
reuſes,ne qu'illuypeuſt rien ſucceder de bon en toutes ſes entrepriſes?
. •
Oril te ſouuient bien ( commeie croy) qu'vne fois en me tendât la main
tuvins à dire,que ſi d'auenturei'eſtoisiamais Roy de Semarcant,tu eſtois
content deperdre la teſte:Puis doncques que tu as proferéces paroles en
i bonne compaignie,& deuant tant de † eſt maintenât heu
R -- † elles ſoient accomplies, & parce moyen les conuenances ſeront
† d vnepart & d'autre † apres que le Roy eut mis fin à
†. ſon dire,repliqua en ceſteſorte Alaverité (Sire) de quelle maniere tu es
†" paruenuàceſtEmpire,tule ſçais aſſez,& tous nous autresauec qui ſom
- mes icy preſens. De ma partie n'aypoint craint de m'expoſerà pluſieurs
| perils & dangers,pourt'aider à faire le chemin à ceſte felicité & grâdeur:
Voicy encore les marques & enſeignes des coups que i'yay receus. Que
Aº ſº ºp ſid'auentureil m'eſt eſchappé de dire quelque choſe à lavolee, n'eſt-il pas
§ raiſonnable que celame ſoit pardonné, & pareillement à tous les autres
# #ttar quit'auront bien & fidellementſeruyº Certes cela n'eſtoit pas de ſi gran
#.# de Importance , & meſmement à l'endroit d'vne perſonne priuee,
# † on y deuſtauoir pris garde de ſi pres : Mais maintenant que la†
d'Orleans.
eur de ton nom s'eſtainſi eſpanduë aulong& au large,par tant de vi
Del'Hiſtoire
2 r r. ! •
- • • At **
-
des Turcs. | 67
âoires & conqueſtes,& fera encore d'auantage ſi Dieuplaiſt , ſi rien dé
telm'aduenoit parcy-apres,il ſeroit auſſiraiſonnable de m'en chaſtier, ne
fuſt-ce que pour contenir les autres au reſpect & honneur qu'on te doit.
Pource coup,oublie le paſſé(iete ſupplie)à l'exemple de ce grand & ſou
uerain Monarque,quibeneiſtnoz fortunes, & nous enuoye des biens à
plâté,toutes lesfois que nous vſons de miſericorde enuers ceux quinous
courroucent & offencent.Toutes ces belles remonſtrances neantmoins
neradoucirent pas le cœur de Temir lequel n'y fit autre reſponce,ſinon # fau
† deuoit pardonnerà ceux qui ſans ypenſer,& non à leur eſcient & †º
epropos deliberé,venoient à commettre quelque offence. Car com
ment pourrois-ieàlalongue(diſoit-il) maintenir la fortune à moypro
pice & fauorable,ſi de ma partie ne m'eſuertuë, & ne medeffaicts de ce- †
luy quia monſtrévn ſi malingvouloirenuers moy ? Et là deſſus com- †
manda delemettre à mortimais ille fit enterrer fort honorablemét, & le § "
pleura parvn longtemps. • - - -
villes:& dit-on
v 12
-
§ - •
ar1e ſ ,
2 • 1| 1| )
† -
giollello #
• | .
67 Liure troiſieſme
uoir QuandTemir ayant entendules appreſts qu'ils faiſoient, & que de
ſiails s'eſtoient mis en armes,enuoya Chaidar deuant pour eſſayer d'em
porterlaville d'aſſaut, & luy auec le reſte de ſes forces s'en vint ſecrette
mentlogertout au plus pres qu'il peut, attendant ce que feroit ſon ad
uantgarde. Les Caduſiens vindrentincontinentau ſecours des leurs, à la
deſbandee toutesfois, & ſans aucune ordonnance : Au moyen dequoy
· Temir ſortant de ſon embuſche en bataille rengee, leurvint couperche
4 ^ - -
Dèffaicte des
min, & les chargea au deſpourueuſi rudement, que de plaine arriuee il
- -
§" les mit à deſconfiture, & les menabattant † aux portes de la ville,
- - -
;
7o · Liure Troiſieſme
ſeroit eſpouſerpuisapres, ſi ce n'eſt à ſa tres-grande honte & ignominie,
revin def encore ne luy ſeroit il pas loiſible que premierement quelqu'vn n'euſt a
†.s. dulteréauec elle. Levin leur eſt totalement deffendu, & n'eſt loiſible à
'l'Alcoran có
§ nettoyé. Ils ont auſſi cela enrecommandation demettre à part les deci
. " - - - A - -
†"" ſoit, mais quandlanuict eſt venue, & les eſtoilles apparoiſſent au ciel,a
1c lors ils s'aſſemblent pourfairevnbonrepas, & ſe recompenſent tres-bien
# de la diette qu'ils ontfaicte. Perſonne n'oſeroit,principalement durant
ſageauxMa- - - - -
§
1 ſt ceau leur eſt deffendue;les autres permiſes, pourueu qu'elles ayent eſté
- - - -
"# ... gences(commeils dient) enflambces : mais que Mahometa eſté enuoyé
# deluy, pour accomplir tout ce que les anciens legiſlateurs, auſſi enuoyez
†s de Dieu,auroientlaiſſé à parfaire. Eſtiment la Circonciſion eſtre le vray
COIIlIIlc 2llX
Iuifs. & principal nettoyemét ſur tous autres : au moyen dequoy és meſmes
†º
dcs Turcs iours dela Circonciſion,ils ont de couſtume defaire leurs mariages.Quât .
§or aux ſepultures, elles ſont ordinairement le long des grands chemins, &
#
Leur honne neleureſtpermis deſe faire enterrer autre part mais ils ſont fort ſoig
†"
lescorps
IIlOItS.
neuxlesdeenſeuelir.
que faire lauerFinablementilyavn
& nettoyer les corps,voire deraſertout
article en le poil
ceſte loy, qui auane
ordonne
par expres de croire&obeyraulegiſlateur:ſi † y contredict,faut
qu'irremiſſiblementil paſſe par le trenchant du glaiue. Les Armeniens
ſont ſeuls entre tous autres peuples,dont lesTurcs n'enleuent point d'eſ
claues, encore qu'ils ſoient de differente religion, pource qu'vn Arme
1s, rur,ne nien prophetiſa iadis que la gloire & renommee de Mahomet viendroit
†
claues les Ar à s'eſpandre par tout le monde. Et c'eſt pourquoy depuis ils ont porté vn
§ & Scithes & Tartares, & à ceux qui maintenât on appelle Turcs en l'Iberie:
† carſon credit&authoritédeuindrentincontinent fort grands, d'autant
Entre la
uerer; auec de grands merites & pardons à ceux quiiroientviſiter ſon ſe- # †.
pulchre.Tellement qu'encore pour le iourd'huy ce n'eſt pas peu de cho-*
ſe des pelerins, qui de diuers endroictsdel'Aſie, del'Afrique, & del'Eu
rope, entreprennent ce voyage, qu'ils tiennentàvne deuotion merueil
leuſ,& dontils cuident demeurer grandement ſanctifiez.Lesvnsyvont Il y a 6o iour
eux meſmes en perſonne, les autresbaillentdel'argent, & y enuoyent †
- -
/ - -
Mais le chemin eſt fort faſchcux,mal-ayſé,& penible; car ilfaut paſſer par §e
deslarges & profonds deſertsſablonneux,ce quine ſe pourroitfaireſans †
legrand nombre de chameaux qui portent leurs hardes & victuailles, & toutdeſerts. .
princi palementdel'eau, pource que celle qu'on trouue par lavoye n'eſt parlesdeſers
pas ſuffiſante. Ayans faictleurapreſt,ils montent ſur les dromadaires, ſe # -
i
72 · Liure troiſieſme
toutesfoisie croirois que ce fuſſent fables. De ce lieu, on compte quel
ues cinqlieues,iuſqu'àla Mecque , là où puisapres on explique auxpe
† lerins la loy & les preceptes de l'Alchorâ ; le † entreautres choſes ad
§ mettentl'immortalité de l'ame, & la prouidence de Dieu, dont toutes
†"
Preceptes. choſes ſont regies & adminiſtrees, & non à la volee, auec vne noncha
- • -
-
15 r r. n ' - -
dre à part,auſſi bien que ceux d'Eſpaigne,& dc Rhodestcar on ſçait aſſez Trois princi.
comme ces trois ſortes de religieux entre tous autres,ſe ſont continuelle de†
- cheualiers
ment monſtrez aſpres & valeureux combatans pour la foy Chreſtienne. lareligieux
- - - - - -
en .
Chreſtientë
Auſſiontils commetres-preux championsd'icelle, eſté inſtituez contre §
les efforts des Barbares meſcreans-infidelles ; a ſçauoir l'ordre * d'Eſ- †º
† pour repouſſer les Mores Mahometans de l'Afrique, qui à tou- * Ilv en a 4.S.
bare; bien ſont leurs targues & pauois fort approchans de ceux des Va-,†º
laques.Et auregard de ce qu'ils portent en la teſte, leurs chappeaux ne Pºrlº
ſont pas de feultre, meſmementà ceux qui ſont voiſins des Sarmates, ne
leurshabillemens tiſſusprincipale
ton.Au reſte la Horde de fil delaine,ains ſecouurentdepeaux
d'iceuxTartares, de mou-†
& deleur Prince ſou-r . arta
uerain, comprend touſiours plus de quinze iournees de pays : telle
ment qu'il leur eſt loiſible deiouyr àleuraiſe de telle contree qui leur
vient le plus àgré Ilyena aucuns,mais en aſſez petit nombre , qui ont
ſemblablement vh chef& ſuperieur ſur eux, & tiennent leur horde à
part, ſe deſbandans ſurlesaiſles pour eſtre plus au large, & trouuer de
plus belles & abondantes commoditez de paccages à leurs troupeaux:
Les autresſerengent à telle forme de gouuernement qui leur ſemble la
meilleure.Et n'ya que le ſouuerain ſeulementauec les Princes qui ſoient
clos & fermez, § on faict vn parquet en rond rempare de paux
aiguz; & au dedans eſt la cour & palais Imperial. En apres ils depar
tent leur Horde par quartiers, en chacun deſquelsilyades chefs gou
uerneurs & officiers , qui à toutes heures c † ſouuerain veut & or
donne quelque
entendre choſe,ne faillentque
ſavolonté.Tellement ſoudain d'accourir deuers
lors queTemirmena luy,eux
contre pour
les ,Les Tartares
,
vont au deuät
78 - Liuretroiſieſme
quoypourluy donnerlabataille. Au moyen dequoy il rengea auſſi ſes
gens en ordonnance,& ſevint rencontrer auec eux à l'emboucheure du
deſtroit là où il y eut vne tres-forte & aſpre meſlee,dot Temir n'eutpas ſi
ayſemét le meilleur côme ilcuidoit,car pource iour-là fut preſque côbatu
égallement des deux coſtez Ayans doques faict ſonner la retraicted'vne
art & d'autre,le lendemain ils ſe retournerent attaquer de nouueau : &
là ſe porterent ſi vaillamment les Scites qu'ils firent rccullerTemir,luyre
tranchans par là toute l'eſperance qu'il pouuoit auoir d'entrer plusauant
dedans leurs confins & limites. Alors voyant la perte qu'il auoit faicte de
ſes gens ſans qu'il luy fuſt poſſible de forcer l'entree de ce paſſage,il retira
ſon armee,& s'en retourna à la maiſon. L'annce enſuiuantilamaſſa enco
re de plus grandes forces; & faiſant ſemblant de vouloir aller deſcendre
en Egypte, tournatout court à trauers pays,& s'en vint derechef reſpan
dre toute lafurie & orage de cette guerre ſur les Scites,leſquels il preuint
- à cette fois, parles grandes traictes qu'il fit, ſi bien qu'il entralors au deſ
Dºg de pourueu dans leur pays : car eſtans venuz aux mains auec ceux qui gar
† doient les deſtroits,illes força,& contraignit de luy quitter le paſlage.Ce
"º n'eſt point autrement choſe honteuſe ny reprochable parmy ces gens là,
de tourner le dos;au contraire ils ne ſçauent point de plus grand ruſe &
aduantage en combattant, que de fuyr par interualles, ſans que pour
cela ils puiſſent encourir aucun inconucnient ne danger : pource qu'ils
· ſe r'allient ſoudain, & s'en retournent ſurl'ennemy,qui les chaſſe en de
ſordre penſant auoir tout gaigne:telle eſt leurcouſtume & façon de fai
re. MaisTemir quine cherchoit que de ioindre leur groſſe trouppe oü
eſtoit l'Empereur en perſonne,paſſa outre bien auant en pays, & eſtant
deſiaaſſez pres d'eux,commençoit à ordonner ſes batailles pour les aller
Les Tarare charger de plaine arriuce : Quand les Scites, pour luy reboucher cette
† premiere impetuoſité & ardeur dont il pouuoit beaucoup , deſlogerent
† promptement,& marchans toute la nuict, eurent bien faict ſix ou ſept
#
uy.
grandeslieues
piſte auant
en la meſme †
fuſtiour,
ou plus grande & luy de ſon
diligence,les vintcoſte les ayantſur
r'atteindre ſuiuis à la
le ſoir.
· Mais eux qui eſtoient repoſez,ſe forlongerent derechef,àlafaueur de la
nuict comme auparauant;en ſorte quel'armee de Temir ſe commença à
laſſer & ennuyer de cette patroüille,ce qui fut cauſe que le iour enſuiuât
il enuoya deffier les Scithes, leſquels ne voulurent plus fuir le combat,
ains apres auoir rengé leurs gens en bataille par trouppes & eſquadrons
ſeparez, marcherent d'vne grande audace contre Temir, & luy de ſon
| coſté ne les refuſa pas. Ilauoit donne la conduicte de la poincte droicte
ou auant-garde à Chaidarauec les Maſſagetes, & de l'arriere garde à ſon
fils Sacruch,leur ayant àl'vn & à l'autre departy les Perſes,'Aſliriens, &
†# Chatagiés tout autât qu'il s'en trouua en ſon armee : De luy, il ſe tint au
cótre les Tar
milieu en la bataille. Apres † que toutes les deux armées eurent
†º eſté ainſi eſtablies à laveuë l'vne del'autre, & que les trompèttes & cle
donnance
ºcelle rons eurent donné le ſignal du combat, la charge alors ſe commença de
toutes parts fort furieuſe & mortelle, où les Scithes d'abordec n'eurent
-
- - -
) - $ -
quoy il ſe fuſt trouué,s'il euſt tardétant ſoit peu d'auantage : Sibien qu'il de ſa vis
tête
arriuale premierà la riuiere deTanais,oûles ennemisauoient deliberé de #
levenir attendre aupaſſage. Delà eſtant paruenu enl'Iberie d'Aſie,il prit †
ſon chemin parla Colchide,apresauoirpaſſélariuiere de Phaſis quideſ
céd de la motaigne de Caucaſe,& ſeva rendre en lamer Maiour.Finable
ment ilgaignal'Armenie,& redoublant ſesiournees arriua ſain & ſauue
, àCheri.Mais ſon armee qui eſtoit auparauant ſi bien en point, ſe ſentit
longtemps de ce voyage,& s'en trouua fort haraſſée. + ·
T R o I s ansapres, les Scithes ſe voulans venger de la brauadequ'il º
leurauoit faicte,ſe mirentenarmes tout à coup, & entrerent à leur tour
enceſt endroit de pays qui eſtau deſſus des Aſſyriens,tellement queTe
mirſe voyant pris au deſpourueu,fut contrainct d'enuoyer ſes Ambaſſa- Ligues ...
deurs pourtraicter de la paix, offrât de faire ligue auecleur Roy Odieus, †
& generalement auec toutesleshordes & Cantons des Scithes.Ainſifut §
iurel'appoinctement entr'eux, parlequel ils deuoient demeureràl'adue-†.
nirbons amis,alliez & confederez les vns auecles autres, enuers tous & /
Caire, deſ ſe preſente , OIl es choiſiſt pour mettre à la garde du corps: & ſont d'or
# dinaireces gardes icy qu'onappelle Mammeluz (Circaſſes de nation)en
#. uiron deux mille : Deſquels ſont pris & tirez, puis †es les officiers de la
maiſon; & delà de degré en degré, rencontrans touſiours meil †
leure fortune, montentiuſques aux plus grandes dignitez du Royaume.
|
Melicamari Car eſtans en gros credit & authorfté enuers le Prince, il les commet le
des. plus ſouuent ſur ceux qu'on nomme les Melicamarides (ce ſont les gou- .
uerueurs des bonnes villes) & de là ne tardent gueres à eſtre aduancez
aux charges les plus honorables de la contree, oüle ſeigneur faict la plus
1.c en part du tempsſareſidence, quieſtau Caire en Egypte preſque touſiours;
† car cetteville du Caireanciennement ditte Memphis,paſſe de beaucoup
ca,rºit " grandeur & multitude depeuple toutesles autres de la terre, comme
§" celle qui comprend en ſon circuir ſept cens ſtades: Et ſi n'en aypoint co
# † de plus paiſible ne mieux policee. Il y a bien cinq cens mille mai
ons; & paſſe le Nilaubeau milieu, dont l'eau ſur toutes autres eſt fort
† ſaine & plaiſanteàboire Cefieuue icy ſourd & deſcend du montArgy
§ par
re, &tout
delàvient arrouſer,
des tranchees
· gypte tous les
comme par
& canaux, à ſouhait,le
leſquels pays d'Egypte
on l'attire : Car il ya
& conduit oü
ans és iours
les†
Turcs le plus verſéàl'intelligence, & explication de leurs eſcritures.Il tire tous les
" ans vngrand profit duS. Sepulchre de noſtre ſauueur; qui eſt és pays de
ſon obeyſſance enla'Paleſtine,gardé continuellement par certains per
Del'Hiſtoire des Turcs. 8I
ſonnages à ce deputez. Quant à l'Egypte, elle s'eſtend depuis Alexan-ºrlineliu ;.
drie,& la ville de Sur,iuſques au paysºd'Ituree;quelques octante ſtades; chap. 2.
s'en allant le Nil rendre en la mer, droict au vent de Biſe, pres laditevil nomberat
le d'Alexandrie. De la commence la Paleſtine qui ſe vient puis apres ren †
côtrerauec le pays de Surie:maisle ſainctſep § eſt en Hieruſalem,qui † #
a eſté toute ruinee, auec les regions prochaines de la marine. La Cœli. §
ſyrie d'autre coſté, s'eſlargit deuers l'Arabie iuſques à lamer rouge en al
lant contre Soleilleuant. Paſſee ceſte mer on entre dans le grand deſert,
& les ſablons qu'il conuient trauerſer à ceux qui vont au lepulchre de
Mahomet.Voylal'eſtendue du pays qui eſt ſoubs l'obeiſſance de ce Prin- - '-
Egypte;
de Franceceont
quiauſſi
fut cauſe
regnéqu'ils la garderent
en Chippre bien longanstemps.
par pluſieurs les vnsLes Roys
apres , les Roi de
les † t
autres : mais maintenant les Arabes en tiennent vne partie, & meſme la #º
ville de Famagoſte; auec leſquels, & les Afriquains d'vn autre coſté,le
Souldan ſeigneur du Caire & del'Egypte eſt ſouuent en debat, & mau
uais meſnage ſurle differend de leurs frontieres & limites, tant qu'aucu
nesfois ils enviennétaux mains.Nousauons dit cy-deſſus côme il eſtoit †
auſſi ſeigneur d'Alep,l'vn des meilleurs, & plus renommez apports de #º
toute la grande Aſie : carilfournit tout le pays, & l'Arabie encore, d'in
finiees denrees & commoditez qui arriuent là de tous les endroicts du
Leuant : Et produict quant & † territoire d'alentour,defort bons
& excellenscheuaux , comme faisl'Egypte, & ceſtendroict de pays qui rambula
ſevarencontrer auecla
ues cheuaux, & de Lybie , oü: auil ſemoyen
dromadaires trouuedequoy
auſſi grand nombre de de
Temirn'oublia bra-
ſe †.
§. p en >u°
ſaiſir de ceſteville,lors qu'ilalla àla conqueſte † Damas. X.
O R auoitcontrainct
quandilfut il deſia rengé à ſon obeyſſance
de retourner vne grand
arriere, pour part de la†
les nouuelles Surie,
luy R .L'armee du
du
oy de Cha
vindrent quele Roy de Chatai,l'vn des neufPrinces qui commandoient §s•.
enl'Inde,ayant paſſelariuiere d'Araxes ;eſtoit entré à main armee dans "
ſes pays, oü il y auoit faict de tres grands dommages & ruines, & emme- -
le riraies premierlieu furent taillez en pieces tous les homes, ſuiuant ce qu'ilauoit
5 - º - - -
deſia proietté en ſon eſprit,auec les plus groſſes forces qu'il peut aſſem- .
bler,tant de la Scithie que des Tzachataides, qu'il auoit preſts à toutes r†amburlà c6
heures, Apres donques qu'il eut faitvne reueuë de ſes gens, il ſe trouua †
bien iuſques à huict cens mille combatans.Etlors il ſe mit en campagne, #
- - - - - - ' foisschiltper
prenátſonchemin par le pays de Phrigie,& la Lydie,Paiazet de ſon coſté §
pour n'eſtre pris au deſpourueu,&auoir dequoys'opoſeràvn ſi puiſsât & †
· redoutable ennemy dreſſa ſon camp,où il n'oublia pas lesTriballiens en-†.
trelesautres, leſquels auoient lagarde de ſon corps, eſtans en nombre §
. pres devoulans
qui ne dix millelaiſſer
, auſſiperdre
eſtoit-ce
la ſa principaleque
reputation eſperance, comme en ils
de ſi longue-main ceux §
a-†" hö
84 · Liure Troiſieſme -
#
ſesaccouſtumeesauecvn tellangage. Vous ſçauez tres-vaillans ſoldats,
: - cômeiadisAlexandre fils dePhilippes,n'ayant à maniere de parler,qu'vne
oignee de Macedoniens, entreprit bien de paſſeren Aſie, pour venger
§ Darius les outrages que les Grecs auoient autrefois receues de ſes pre
deceſſeurs, & ſi il les § en diuerſes rencontres & batailles,& ſubiugua
tout le pays iuſques au fieuuc de Hyphaſis, & dernieres extremitez du
Leuant.Parquoy me confiant en voſtrevertu, & ſurla force devos victo
rieux bras, ſouſterius d'vne ſi belle & puiſſante armee,ie ne fais doubte
que nous ne venions bien àbout de ce barbare cruel & inhumain; & ne
-
-eº..
renuerſions
paſſerons de plaine abordee
ourreiuſques aux tanttoutes ſes vſurpations
renommez & tirannies.
Indiens,dont Puis
ie vous rame
neray (Dieuaidant) ſains & ſauues,tous chargez de gloire, de deſpoüil
les, & de triomphes, pourvſer le reſte devosiours en tout plaiſir & re
pos envosheureux meſnages,auecvos femmes bien aymees,&plus chers
1.mesde petits enfans. Apres qu'il eut raſſemblé toutes les forces del'Europe,il ſe
' †* trouuan'auoir en tout que ſix † mille hommes de guerre,& nô plus:
11 OOOO• W | > - -
tre des gens qui ſont tenuslesplus endurcis & experimentez aux armes †
de tous autres,par ceux quiont eſprouué § c'eſt de leurvertu : & moy- hia.
meſme me ſuis ſouuentesfois trouué en pluſieurs copaignies où l'on en
deuiſoit, mais i'ay touſiours ouy loüer eſtrangement leurs vaillances, &
† Outre plus,ſelon touslesaduertiſſemens que nousauons,leurs
orces ſurpaſſent les noſtres de beaucoup : au moyen dequoy s'il m'eſt
permis de meſler auſſimon opinion parny celles que ie viens preſente- .
ment d'ouyr,ie ne ſerois pas d'autre aduis, ſinon que ſoubsla confiance
de tant de gens de bien quiſonticyaſſemblez,nous allions tout de ce pas
lateſte baiſſee,donerautrauers des ennemis, ſiiene côſiderois puis apres
làdeſſus, quel profit & aduantage c'eſt que nous pouuons eſperer de ondetteur
nous eſtre expoſez à ce danger, encore quelavictoire nous en demeure; †º
là où ſi nous entrons dans leur pays, & que là nous venions à iouër des § §ns
couſteaux,infinies commoditeznous
auront combattu pour en attendent,
conquerirl'Empire de Temir,comme ccux qui †
& non pourdeſ- # ſien
' ^- - - - H -
86 · Liure troiſieſme
fendrelenoſtre : dequoynous ſerons entierement fruſtrez, ſi nous ves
nons icy chez nous aduenturer le tout, àl'euenement incertain & dou
teux d'vne bataille.Et ſi(ce que Dieu ne vueille)il nous en ſuccedoit mal,
voyez vn peu Sire (ie vous ſupplie ) en quel peril vou vous mettez de
perdre tout àvn coup,vn ſi beau,ſiriche & plâtureux eſtat que le voſtre.
Il eſt donques bien aiſe à cognoiſtre, que ce n'eſt pas ieu pareil de vous
deux,&que la forme de guerroyer qui eſt conuenable à l'vn ne ſeroit pas
à propos pour l'autre : Car ſiTemir entend bien ſon faict il ſe gardera,
comme ie croy, de hazarder toutes ſes forces à vne fois, ains les faiſant
combattre ſeparément, & par trouppes,grandes & petites, nous tiendra
en continueleſchec & alarme.Poſons le cas,que nousayós eſbranlé,voi
re mis en routel'vne de ſes batailles, qu'aurons nous gagné pour cela?
Car tout incontinentil nous en remettra vne autre en teſte,toute freſ
· che & repoſee,& puis vne autre encore s'il eſt beſoin , tant que finable
métilnous ait recreuz & mattez,& que nous ſoyons côtraints de ployer
ſoubs le faix, & donner du nez en terre; pource que d'heure à autre ils ſe
· renouuelleront, & d'hommes & d'effort. Devray on ſçait aſſez comme
ces gens icy,ne ſont gueres aiſez à eſtonner,& mettre en deſordre, †
il eſt queſtion de menerles mains.Encore meſme en fuyant, ſont-ilsplus
dangereux & à craindre,que nous ne ſommes en combattant de piedfer
me.carpour eſcartez qu'ils puiſſent eſtre,ils ſeviennent ſoudain à r'allier,
& retournent plus aſprement à la meſlee que deuant. Parquoy ie ſuis
d'aduis qu'on ne doit en façon quelconque s'aller mettreau deuant d'v
ne telle puiſſance,mais les ſuiure & coſtoyer ſeulement, de logis en lo
is, le long des montaignes & autres lieux mal-aiſez ; eſpiant touſiours
#occaſion à propos de leur porter quelque dommage s'il eſt poſſible;
pour le moins les engarder de fourrager, & s'eſpandre ainſi à leur aiſe &
au large,quandà toutes heures ils nous aurontſurles bras,leur chauſſans
les eſperons de pres, quelque part qu'ils aillent. Parce moyen nous leur
coupperons les viures, & les reduirons à toutes ſortes de neceſſitez &
meſaiſes.Puis quandnouslesauronsainſitrauaillez,& rccôduits iuſques
dans leurs § & limites,alors pourrons-nous ſeurement venir à la
bataille,côtre ceux quin'auront plus le cœurà autre choſe que de gagner
le logis, chacunà la deffence de ſa femme & de ſes enfans. Telles furent
les remonſtrances d'Abrahim,lequelapres qu'il eut mis fin à ſon propos,
il n'y eut vn ſeul de toutel'aſſiſtance qui n'approuuaſt & loüaſt grande
Reſpence de IIlCIlt CC qu'il 3ll1O1U dit. Mais Paiazet repliqua CIl CCttC ſorte Le nombre
Pai,zet plei des ennemis vous fait doques peur(ace que ievoy)& c'eſt ce qui m'aſſeu
† rele plus.Car vousauez touſioursaſſez cogneu par experiéce que lagră
#º- de multitude de peuple,n'ameine que confuſion & deſordre,quand il ſe
treuue quelqu'vn qui leur reſiſte.N'auez-vous point autrefois ouydire,
quelles trouppes de gens de guerre Xerxes fils de Darius Roy des P erſes,
mena auecques luy lors qu'il paſſa en Europe : & neantmoins il fut con
t1aint de ſe retirerfort † preſque du tout deſconfit,& deuali
ſc; cndangerluy-meſme d'y demcurer pourles gages ſi Mardonie n'euſt
Del'Hiſtoire desTurcs. 87
preuenu à ceſt inconuenient;luy faiſantveoirau doigt & àl'œil ſa der
niere ruïne,ſi bien toſtilne regagnoit le logis.D'auantage,nous n'igno
ros pas cóme Alexâdre le grand, ayant par pluſieurs fois rompu Darius,
luy oſta à la parfin ſon Empire,& le mit à mort. Pluſieurs ſçauent auſſi,
comme aſſez ſouuent vne pêtite poignec de Turcs a mis à fin de tres
belles& excellentes choſes,s'eſtans par tout portez fortvaillamment,&
nous encore,partant & tant de fois que nous auons combatu en Euro
pe,n'auons nous pas mis en routteles François & les Hongres, les deux
plusbraues & redoutables nations que le Soleil voye point Ne nous
meſpriſe doncques plus ainſi,iete prie,& ne nous fais paroiſtre pires que
nous ne ſommes,ny de moindrevaleur au faict de la guerre que ces ca
nailles deTartares, & Tzachataides,qui ne ſont bons que pourfuyr,ſans
· iamais venir aux mains à coups de lance & d'eſpee, comme braues Che
ualiers doyuent faire; mais ſe tenansau large, le plus qu'ils peuuent,auec
leurs arcs & les fleſches , taſchent de ſe tircrloin des coups, & ſans reſ
pandre goutte de leur ſang, r'emporter les victoires deuës & reſeruees
aux gens de bien. - · · · ·
†an nemis, maisapres les auoir deſualiſez qu'on les laiſſaſt aller ou bon leur
auec les . - - - - - - -
boire, & ne luy fut poſſible de l'en deſtourner,ne la faire paſſer outre,
eſtant fort mal-mené des gouttesaux pieds & aux mains : de ſorte que
ſa monture ayantbeu rout à ſon aiſe, ſevint ſoudainement à refroidir &
laſcher, ce qui donna moyen à ceux quialloientapres de le r'atteindre, &
ainſi fut pris & menéàTemir.En cette groſſe deffaite demeura auſſi pri-†
ſonnier Moyſe, & preſque tousles Capitaines de Paiazet, qui en furent § §.
neantmoins quittes pour leurs deſpoüilles, ſans auoir autre mal. Mais deffaite.
par ce que Moyſe eſtoitd'vne fort belle apparence,& paſſoit tous lesau
tTCS § & diſpoſition de corps, ce fut le ſecond que Temir retint, le
menant deçà & delà à ſa ſuitte, oûileſtoit defrayé & entretenu fortho
norablement. D'autre coſtelafemme de Paiazetvintés mains des enne- †
mis, qui donnerent iuſques à la cité de Pruſe, & la pillerent, rauiſſans § fille du
tout ce qui eſtoit dans le Serrail; & cette dame meſme entre les autres qui Prince des
1 Bulgaresme
cſtoit fille d'Eleazar,laquelle ils menerent à leur ſeigneur : Muſulmam, †
loſué, Mechmet,& les autres enfans de Paiazet,coururent tous la meſme e#
nfans d'ice
fortune: Etaureſte, ceux qui eſtoient tant en Aſie qu'en Europe, ſe ſau- §
uerent au mieux qu'ils peurent. -
-
H iij
, 9O ' Liure troiſieſme
il euſt eſté aſſez prouoquépar les aduerſaires & ennemis du Prophete.
Mais(repliqua Temir) ſi tu n'euſſes eſté ſi enflé d'outre cuidance,iamais
ne fuſſes tombé en cettemiſere & calamité où tu es carla diuine végean
cea de couſtume le plus ſouuent de r'abaiſſer ainſi les preſomptueux &
arrogans, & les reduire au plus bas eſtage de la fortune. Il luy enuoya
puis apres des chiens & des oyſeaux, auec tel autre equipage de chaſſe,
comme à celuy quimieux reſſembloit quelque veneur , qu'vn chef de
guerre conduiſantvnearmce,contre ſon ennemy;caron dit qu'il entre
Merueilleur tenoit d'ordinaire bien ſept mille fauconniers,&preſqueautant de chiés:
†"à quoy il reſpondit en cette ſorte.DevrayàTemir,qui pour tout po tage
† n'eſt qu'vn Tartare & bandolier, ne recognoiſſant autre metier que d'al
Zet. lerbrigâder de coſté & d'autre,il ne ſierroit gueres bien d'auoir † chiés
Reſponce • • • \ --- : ſ--- / |2 >
§s ſur quelque vieil mulet de coffres, pour ſeruir de riſee & de moquerie à
†" toutel'armee, là où apresauoir receu mille brocards & iniures, on le ra,
menaderechefdeuant Temir,quiluy demanda ſi cette promenade n'e
- ſtoit pas encore des exercices & paſſe-temps de ſatant noble & ancien
Preparatifs 11C race,auſſi bié que la chaſſe & la volerie,& là deſſus l'enuoya en priſon.
de § Cela faict, fit trouſſer † pour s'acheminer vers le pays d'Ionie, &
#º autres contrees où il paſſal'hyuer. Puis ſur le commencement du prin
temps, fit ſes appreſts pour trauerſer en Europe, en intention & eſperan
ce (comme nous auons deſia dit cy-deuant) de la conquerir toute iuſ
u'aux colomnes d'Hercules : faire puis-apres le § l'Afrique : &
§ là s'en retourner à lamaiſon , quand il auroit annexé à ſon Émpire
toute cette grande eſtendue de la terre habitable : Parquoy il depeſcha
des Ambaſſadeurs à Conſtantinople deuersl'Empereur pour demander
desvaiſſeaux à paſſer ſes gens. Mais il fit encore vn tel outrage à Paia
zet : car la fille d'Eleazar, la plus cheretenuë, & la mieux aymee de tou
tesſes femmes,& laquelle il menoit touſiours quant & luy quelque part
qu'il allaſt, ayant § aInCIlCC priſonniere à Temir, il luy commanda
toutàl'heure en la preſence de ſon mary de le ſeruir de couppe, & aller
aubuffet querir ſon vin : dequoy ce pauure Prince tout outré de cour
• roux & indignation ne ſe peut tenir de luy dire † cela ne luy appar
tenoit pas, ny n'en eſtoit digne : careſtant venu de ſi bas lieu, tant du
pere que de celuy delamere, & de ſi pauures & incogneuz parens, il
, ne luy ſieoit point bien devouloir ainſi fouller aux pieds, & accabler
. de tant d'indignitez, ceux qui de toutes parts eſtoient yſſus de ſang
Royal, & qui par droict de nature deuoient tenir lieu enuers luy , de
Princes & Seigneurs ſouuerains Dequoy Temir ſe† bien fort à ri
re, ſe mocquant de luy, comme d'vn homme tranſporté de ſon eſprit
quine ſçauoit ce qu'il diſoit.Sur ces entrefaites quelques Capitaines de
Paiazet s'eſtans accointez des mineurs deTemir, trouuerent moyen de
lesgaigner ſoubs promeſſe d'vne groſſe ſomme de deniers, qu'il leur
•k 15 - r. N, , • - • • • : - r - ,
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Del'Hiſtoire des Turcs. . . rº ... . ' , ' • • • • > - · - , ', -
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9I
- -
debuoient donner pour creuſer vne caue qui s'allaſtrédre enceſt endroit peſsinuentis
oüleur maiſtre eſtoit /
† , & l'enleuer ſecrettement. Mais comme ils †
† - - "• » , - • rs . ſauuer
euſſent
iazet, &commencé ceſte
finablement gne,laàconduiſans
beſonvenus
fuſſent faire iour, droitauPauillon de Pa-#els
ils furent apperceuz & euſt 1euſſi,
ſaiſis : car n'ayans pas donnéſiauant qu'ils cuidoient, ils firent ouuerture -
tenoitvne garniſon & nes'abſtint pas non plus des autres places ;s'adreſ
ſant à toutes celles † luy ſembloient eſtre de quelqueimportance,pour
l'eſtabliſſement de ſes victoires & conqueſtes. Ces roues icy eſtoient cer
taines machines & engins, faicts de § cercles enueloppez, & ſe
retournans les vns dans les autres,& au dedans y auoit des eſchelles pour
monter ſurle rempar: tellement que quand on les rouloit vers le foſſe,el
les receuoient bien iuſques au nombre de deux cens hommes,chacun lo
géà part,carils y entroient à la file les vns apres les autres.Et ainſi eſtoient
menez à couuert, ſe conduiſans eux-meſmes iuſques au pied de la mu
raille, oû ils plantoient les eſchelles ſans pouuoir eſtre offenſez d'en
haut. AinſiTemirprenoitles places : car d'ailleurs le reſte de l'armee tra
uailloit cependant à de longues & profondes trenchees tout àl'enuiron,
& hauſſoient des plattes formes qui commandoientaurempar, dôt fort
aiſement puis apresils ſevenoient à faire maiſtres. Ilauoit encore outre
cela force maçons & charpentiers parmyſes gaſtadours,leſquels à meſu
re que lesvns
degroſſes ſappoient
pieces de bois,la &
muraille par le pied,les
y mettoient autres
puis apresle l'eſtançonnoient
feu:ſi 1, #ppei
bien qu'apres # é
†º
nes, & plus furent les arrogantes braueries de ces Indiens, qui auoient parlé ſi haut,
- -
# M de Syené, del'Inde & de Xipriſe, luy ſont ſubiectes : & s'eſtend encore
Pºlº venitié bien plus auant ſa domination outre l'iſle de laTaprobaneiuſques àl'O
1es princi cean Indique, dans lequelſe vont deſcharger le Ganges, Indus,Anythi
† nes, § Hyphaſis, & autres ffeuues,les plus grands
#†ºº de tous ces quartiers là. orl'Indeeſtvne region treſplantureuſe , & fer
#ºn tile en toutes ſortes de biés,&de cômoditez qu a pleines poignees(com
ð mel'on dit) elle ſeme & reſpand par tout de quelque endroict qu'on ſe
puiſſe tourner.Mais laſouueraineauthoritéde toute cette ſi grâde & pro
fonde eſtendue de terres & de mers, eſt par deuers ce Prince icy : lequel.
s'eſtant autrefois acheminé de la contree quieſtau deſſus de la riuiere de
Ganges, & des regions maritimes del'Inde, enſemble de l'Iſle de la Ta
probane, vintà main armee au Royaume de Chatai, ſitué entre icelu
-
-
Ganges, & le grand fleuue Indus, & l'ayant conquis à la poincte de #
| Aouiºn, pee, eſtablit en laville capitale le throſne & ſiege imperial de toutes les
# # prouinces à luy ſubiettes. De maniere§ l'Inde deſlorsa eſté touſiours
regie ſoubs le commandement&obeyſſance d'vn Prince ſeul.Cettuy-cy,
25 ou trente
de ces regionslà, auſſila plus part de ce qu'on en raconte eſt tenu pour
vne fable, & ne faictenuers nous § : pour autant que l'Inde en
eſtantainſi eſloignee, il ſeroit bien mal-ayſé de ſçauoir parle menu tou
tes les meurs, façons deviure, & autres particularitez de tant de peuples
ui y habitent. On eſtime qu'anciennement, & lors meſmes qu'ils e
§ leurplus grande vogue & reputation,ils obeyſſoient aucune
ment à la Monarchie des Aſliriens, & des Perſes, ſeigneurs abſoluts de
toute l'Aſie. Devray Semiramis, & encor Cyrus depuis, qui fut fils de
Cambiſes,ayans paſſé la riuiere d'Araxe,y firent § la guerre
fort & ferme : mais cettebraue & magnanime Royne s'eſtant acheminee
contrel'Empereur des Indiens, auecvne puiſſance & equippage eſpou
uantable, apres auoir paſſél'eau, perdit preſque toute ſon armee; & elle Men isse
meſme y demeura pourlesgages Cyrus d'autre coſté, eſtant venu au c6- #
batauecles Maſſagetes, fut defaict & mis à mort, parleur Royne Tho- §ia
miris Toutes leſquelles choſes ne ſont point hors de propos,pour mieux diens .
entendre commeTemirayant ouy quel'Empereur des Indiens eſtoitve
nu ſur ſes marches, il ſe retira en diligence à la ville de Cheri; & que Pa
iazet outré de maladie, d'ennuy, & de trauail payale deuoir de nature par
leschemins : toutesfoisle Prince Moyſe ſon fils fut deliuré,& s'en retour
na en ſon pays. Temir doncques eſtant de retour à Cheri, donna ordre
auant tout œuure aux affaires du Royaume, le plus diligemment qu'il
luy fut poſſible : cela faict, il s'en allacontre les Indiens, mais ils ſe recon
cilierentincontinent : au moyen dequoy luyſe trouuant de repos s'aban
donna delà enauant du toutàl'oiſiueté.Ilauoit trois enfans entre les au- Lesenfins de
tres, dont il faiſoit eſtat , Sacruch, Abdulatriph, & Paiamgur. Sacruch Tamburlan,
commel'aiſné de tous ſucceda àl'Empire; & cependant le pereacheuale
reſte de ſesiours en plaiſirs & voluptez; car ce fut le plus desbordé hom
me, & le plus luxurieux de touslesviuans, meſmement lors qu'il fut vn
peu ſur l'aa e,&qu'il ne pouuoit plus mangerſon pain tout ſec ſans quel
que ſauce d'appetit,le plus beau de ſes paſſe-temps eſtoit de faire venir en
quelque ſale où gallerie les plus roides & diſpoſts de ſes Pages,lacquais,
pallefreniers, mulletiers, & autres telles ſortes de gens alterez, & en ha
leine; leſquels toute honte & vergongne effacees de la maieſté Royale,
illaſchoit de ſa propre main apresvn troupeau de garces qui atendoient
àl'autre bout, ny plus ny moins qu'on feroit quelques laiſſes & etriques -
•:
94- | Liure Troiſieſme -
· toſt entremettre pour quelque temps ces ordes & ſalles voluptez, pour
entendreaux affaires § uerre, il n'oublioit toutesfois d'y retourner
plus aſpre & rechauffé que § auſſitoſt quel'affaire eſtoit paſſé,
ſans fe chaſtier de riens, iuſques à s'efforcer outre, & par deſſus ſa portee,
sattach fils dont bien ſouuentil encouroit en de tresgriefs accidens,tant il eſtoit ad
# donnéà toutes ſortes devillenies & lubricitez. Apres ſa mort, Sacruch
† Princebenin & debonnaire ayant faict paix auec ſes voiſins, regna en
† fort † tranquillité & douceur, mais il ne veſcut§ lon guement, &
§ vintl'eſtatés mains de Paiamgur qui s'en empara de force,combien qu'il
† fuſt le plusieune, ce qui fut cauſed'allumer de grandes guerres entre luy
aiſné s'empa- -
# & ſes freres. Car Vly s'eſtant ſaiſi du pays des Caduſiens, & de l'Hirca.
nie ſe banda contre Abdulatriph, & luy fit beaucoup d'ennuis.Mais Pa
guerres ciui
-
# iam gur ſuruint là deſſus, quiluy oſta tout, & ſile mit encore en priſon.
Tamºurlam. Paiam gureſtant decedé,la couronne eſchetàTrochies,aucclequelcon
tracta alliance Praeampur, l'vn des neuf Princes, dont nousauons parlé
Trochies.
_ - · Findutroiſieſme Liure ,
-
-
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96 | | -
LE QVATRIESME LIVRE
· D E L' H I S T O I R E D E S
T v R C S, DE LA ON I C CHAL- .
4 : . C o N D Y L E A T H E N I E N. i : |:,
soN E Lo G E ov soM
MAI RE DE s A vIE | |
$ L eſt bien plus aisé de conquerir,que de reſtablir, daccroiſtre ſonbon
" à heur,que de ſeretirerdelamiſere, & d'vn petit Roytelet ſe faire vn
# # grand Monarque,que de deſcendre d'vn haut degré pour y remonter.
# # Ce faux pas ſans deſmarche, qui ſe fai(i delaRoyauté,à laſeruitu
de trouue rarement vn ayde aſſez puiſſant pour ſe releuer. C'eſt donc beaucoup de
, gloire à Ioſué l'aiſné des enfans de Bajazet,parmy le debris, & la ruine vniuerſelle
deleſtat de ſon pere, d'auoirreleué cet Empire abbatu par ſa valeur, & bonnecon
duitte: & ne puis aſſez m'eſtonnerde quelques vns quile veulent mettre comme vn in
terregne, & quelqueregenceinteruenue en attendant le legitime heritier. Car luy
eſtantl'aiſné,& le premier de tous les Otthomans qui a reconquis du temps meſmes
de Tamerlan vne partie de ce qu'illeurauoitvſurpé, merite bien detenir ranc d'Em
pereur. Veumeſmes qu'il prit la ville de Burſe capitale autresfois de leur Empire, c9
preſque tout ce que ſes anceſtres poſſedoient en Aſie. De là paſſant en Europe il fit en
ſorte par crainte ou par amour qu'il remit ſoubs ſa domination les peuples qui en
auoient ſecoiiéleioug. Mais s'en eſtant retournéen Aſie,ſon frere Muſulman forti
féparle ſecours des Grecs,c9 àl'ayde des Seigneurs de Sinopeille fut trouueren Ca
padoce,où luy preſentant la batailleil obtint vne victoire ſi entiere que Ioſué penſant
ſe ſauuer à la fuitte il fut pris & amené à AMuſulman qui le fit eſtrangler ayant à
peineregné quatre ans auec vncontinueltrauail& ſans aucun plaiſirnyrepos guel
ques vns ont dit qu'il n'eſtoit pas ſi grandhomme de guerre que Muſulman, & que
cela fit retirerdeuers ſon frere lameilleure partie de ſes Capitaines & ſoldats. Mais
iecroyveules choſes par luyexecutées qu'ilauoitaſſez de valeur,mais peu de bon heur:
On dit qu'ilaeuvnebonté de nature aſſexrecommandableſîla bonne fortuneeuſtſe
condé ſes deſirs.
A PRE s
de l'Hiſtoire des Turcs. | 98
) PREs leretour deTemirenſabelle grande cité de Che
ri, Ioſué laiſné des enfans de Paiazet, ayant gagné ceux
$ qui ſouloient auoir le plus de credit & d'authorité au
tour de ſon feu pere, & raſſembléle plus grand nombre
de Genniſſaires qu'il luy fut poſſible, trouua moyen de , .
- E-T s'emparer delaSeigneurie. Car Paiazet auoitlaiſſé plu-†
ſieurs enfans; ceſtui-cypremierement, puis Muſulman, Moyſe,Mechmet, †
leieune Ioſué & Muſtapha. Parquoy tout incontinent que ioſuéfutarriué §
enAſie depuis le deſpartement de Temir , par le moyen des principaux §.
Turcs, & des Genniſſaires quieſtoient reſchappez du naufrage, il s'en alla
droict † la ville de Pruſe, ſiege ſouuerain de l'Empire des Turcs en p . repriſe
Aſie,laquelle il prit de force; delà enauant il eut peu de peine à recouurer le †
reſte,là où il eſtablit par tout desgouuerneurs & officiers en ſon nom : Puis # †
N V - - V - . . /-Yº tCIlO1CD t CIl
† qu'il ſemble que parie ne ſçay quelle malignité & enuie des deſtinées,†"
afin de celuy de Paiazet, & le commencement voire le total de cet autre
ayentioüé vne meſmetragcdie.
| I ij
|
Liure quatrieſme
MV S V L M A N ou C A L A PIN
ſeptieſme Empereur desTurcs.
·
$
SON -
De l'Hiſtoire des Turcs. 99
s oN EL o G E o v s o M MAIRE DE s A v IE.
# VSVLMAN, Celebin, Calapin, Ceriſcelebey, ou Chielebei,
$ (car on luy donne tous ces noms)apres le maſſacre de ſon frere, s'aſ
'ſ ! à ſeure des prouinces qu'iltenoitenl'Aſie,ſon frere Moyſe s'eſtabliſſant
N# cependant en la Grece,& ayantmis ſon ſiege à Andrinopoli, Muſul
manàla premiere rencontre le deſconfit, & lemit en fuite, recouurant en ce faiſant
layille d'Andrinopoli,fit laguerre en Hongrie, &* liure la bataille à l'EmpereurSi
giſmond, au pays de Seruie,pres Colombeſſa, treize ans apres (ſelon aucuns)celle de
Nicopolis,en l'an 14o9.Saccagea lespays de Bulgarie, e9 de Seruie : Rendaux Grecs
les villes deTheſſalonicque,où Salonichi,c9 de Zetunis, auecles pays bas de l'Aſie le
longdelamarine,les fauoriſant en toutes choſes, s'alliant meſmes auecl'Empereur, c9
prenant pour femmelaniepce diceluy fille de lean Theodore Quelques vns diſent
qu'ilfut pris par les Grecs auec ſes autres freres, au deſtroit de Gallipoli , comme ils
ſ vouloient ſauuerà Andrinopoli, & menexàl'Empereur de Conſtantinople, qui
pouuoit parce moyenexterminerlarace des Otthomans : Mais la prouidence diuine
enordonnant autrement, ilnourrit le ſerpent en ſon ſein quiapres luygaſta ſa famil
le.Ilfutextremement desbordéen ſon viure & addonné à toutes ſortes deplaiſirs, de
delices,& deſordonnées voluptex, comme il ſe veit au deſſus de ſes affaires,terniſſant
ainſila ſplendeur de ſes belles aétions precedentes, & au lieu d'vn retoutable & re
nommé Capitaine, deuenantvn Prince nonchallant, mol & effeminé, encore que
naturellement il fuſtrobuſte & diſpoſt de ſa perſonne, & autantadroit aux armes,
voireauſibon combattantquenulautre de ſon temps. Tandisſon frere Moyſe ra
maſſant ſes forces diſpersées par ſa desfaiéte, & ſe voyant en main vne fort belleegº
puiſſantearmée,vintpreſenterlabatailleà Muſulman,lequel fut contrainétdes'en
fuir,voyant Cajan Agades Ianitzaires, & Breneſes generalde ſa gendarmerie ſe
rangerdu coſté de ſon ennemy. Comme il ſe ſauuoità Conſtantinopleil fut rencontré
dvnetrouppedeTurcs quil'ayant pris lamenerentà Moyſe, lequel pour recompenſe
deleurtrahiſon les fit bruſlertous vif auecleurs femmes & leurs enfans, ne laiſſant
pastoutesfois de faire eſtrangler ſon frere Muſulman. Il regna ſelon quelques vns
ſeptans, hors ſes desbauches ileſtoit fort gracieux affable & debonnaire Prince. Et
quiapres ſa derniere deſroutteauoit intention de quitteraux Grecs toutes les prouin
ttedel'Europe,afin den'auoir plus à deffendre quecelles del'Aſie
ſ2ses#º OvT auſſitoſt que Muſulman, parl'homicide de ſon fre- it
# re ſe fut mis en poſſeſſion de l'Eſtat, Moyſe que Temir
". auoit relaſché s'en vint par mer deuers les enfans de Ho
$) mur, ennemis mortels de Muſulman,carils s'eſtoient ban
#$ dez enfaueur de Ioſué,àl'encontre de luy, & delà paſſa ou-ioſéle, des
tre à Sinope & Caſtamone; puis finablement par le pont †
Euxin s'envint en Valaquie,oûil pratiqual'ayde & ſecours de Myrxas,auec |
degrands offres de reuenus & terres, qu'illuydeuoit donner, pourueu qu'il
luy aydaſtà chaſſer ſonfrere,& s'introduire en ſa place.Myrxas receutMoïſe
©- I iij
Liure quatrieſme
6 - - - -
vindrent à ſe ternir & offuſquer par ceſte deſbordée & diſſoluë forme devi
ure : dont les perſonnages d'authorité & de cœur qui eſtoient aupres de luy
ſetrouuerentgrandement ſcandaliſez, de levoir,ainſitout à coup changé;
& debraue renommé Capitaine qu'il eſtoit,deuenir mol,effeminé,& ſinö
chalant,qu'il n'auoit ſoing de rien,non pas ſeulement devouloir permettre
qu'onluy parlaſtd'aucun affaire, ne de choſe quelconque, que de plaiſirs,
de delices,& deſordonnées voluptez.Quelques vnstoutesfois des plusgés
debien, s'ingererent de luy remonſtrer, que cela eſtoit cauſe que les meil- -
leurs de ſes ſoldatsſe deſroboient tous les iours à grandes trouppes, pour
senallerouuertement rendre à ſon frere.Et les Grecs meſmes, auſquels dés ... ...
lecommencement de ſon Empire ilauoitrendulaville de Theſſalonique, #.
enſemble celle de Zetunis,& touslesautres pays bas de l'Aſie, le long de la #«
marine, & d'abondant leur donnoit eſperance d'emporter tout ce qu'ils Turcs
Voudroientdeluy,ne ceſſoientdel'admoneſter par continuelles Ambaſſa
I iiij
-
Le Prince ne
Liure quatrieſme
†º des,que ces façons deviure n'eſtoient pas encore bien conuenables, & qu'il
† ne falloit pas ſitoſt s'anonchaloir ainſi, ne laiſſer là ſesaffaires d'importance
aller a oiilue- - - - J. r - N •
† caril paſſoit les iournées entieres, & bien ſouuent la plus grand'part de la
nuičt auecques à boire d'autant auec ſes mignons courtiſans.Puis tout ainſi
XIl d Il.
-
De l'Hiſtoire des Turcs. io2
, de Paiazet paruinta l'Empire a ſon retourll paſſa puis apres Moyſe 8. Em3
- - - - • -
ſur tousles autres Grecs de ſon temps. Mais auſſi cela fut cauſe quele frere vaiilnced'Es
del'Empereur conceutvne ſimortelle hayne & enuie à l'encontre de luy, †
qu'illetint depuis auec toute ſalignée bien dixſeptans priſonnier. Moyſe † luy
doncques ſevoyant n'auoir pas eu du meilleur par la mer, ſe mit à piller & § fort
§ § que contre les autres peuples, en ſorte que les Grecs las & mattez d'vne ſi
d - -
§ bout,fut mis par Moyſe & Ioſué, qui auoient eula charge del'eſleuer enla
chez vn faiſeur - -" - &b
§" maiſon d'vn faiſeur de cordes de luth & de violles en la cité de Pruſe, pour
| | | apprendre le meſtierafin que ſes freres n'euſſent point cognoiſſance de ſon
| eſtre,& qu'ils ne le fiſſent mourir:Mais apresqu'ilfut paruenu enlaage pro
pre à entreprédre,il ſe retira deuersleCaraman Aluri,par le moyé duquel,&
de quelques autresſeigneurs de l'Aſie,il ſe fit ſeigneur, ainſi que nousauons
† dit Delà eſtât paſſé à Cóſtantinople,ilparlaauecl'Empereur, & iurerétvne
†
reur de Con - fort eſtroite amitié &alliâce entr'eux;Puis ſe mit en chemin pourpaſſervers
# # le Deſpote deSeruie,& deThrace,afin defaire de meſme & ſe preualoir des
· forces & armées de ce Prince àl'encontre de ſon frere Moyſe,lequel aux I.
- - nouuelles
De l'Hiſtoire des Turcs. 1o3
nouuelles qui luyvindrentdel'arriuée de Mechmet,aſſembla en diligence
le plus de gens qu'il peut : & finablement ſevindrent chocquer, pluſtoſt
toutesfois par cas d'auanture que de propos deliberé, aupres d'vne petite
ville de fort peu de nom. Chacun de ſon coſté rengea ſes gens en bataille, nºiiie c.ns
ſelon que le temps & le lieu le leur permirent, puis ſe vindrent attaquer de † Mechme
grande furielesvns contre les autres : Mais les trouppes de l'Aſie ne peu- § #
rent longuement ſouſtenir le faix, & effort de ceux del'Europe, ains bran- ".
lerent incontinent, & ſe mirent en fuitte. Mechmet meſme ſe deſroba de
lameſlée, & à courſe de cheual ſe ſauua deuers Conſtantinople, là où ce
faiſeur de cordes qui l'auoit nourry,auoit admené vn ſien autre frere nom
mé Hali,fils auſſi de Paiazet: Parquoy eux deux de compagnie ſaccorde-Mechmet, &
rent de courir vne meſme fortune, & paſſerent en Aſie pourſeremettre ſus,†
&retourner derechef à eſprouuer le hazard du combat Les Grecs d'autre†"
coſté ne leur faillirent pointaubeſoin, leſquels tranſporterent leurs gens Mº,º,
en Europe,ſur les meſmes vaiſſeaux dont ilsauoient deſia fermé à Moyſe
lepas & deſtroit de l'Helleſponte, & empeſché qu'il ne paſſaſt en Aſie, à
lapourſuitte de ſa victoire. Ainſi Mechmet feſtant refait de ſa perte en peu
de iours, & mis ſon armée à ſauueté, tira droict au pays desTriballiens,
pour ſolliciter leurs ſecours, ayant deſia aſſez cogneu par experience, que
c'eſtoit ce qui luy importoit le plus à venir au deſſus de ſes affaires, pour ce
que les peuples de l'Europe ſont bien autres guerriers & meilleurs combat
tans, que les molles & effeminées nations de l'Aſie. Mais Moyſe qui ſe di- -
qu'il le rencontraft.
de impetuoſité de ceMais
ieuneMoyſe
hommepourqui rompre,
luy donnoit& reboucher la chau-
aſſez à penſer, #º
prit Moyſe.
tous les gens de guerre du pays, auec les Geniſſaires & autres ſouldoyez
de la Porte, qui luy eſtoient reſtez ( car la plus grande part ſ'eſtoient al.
lez rendre à ſon ennemy) & ſ'en vint aſſeoir ſon camp ſur les confins de
la Myſie, en vn lieu fort & aduantageux, où il pouuoit tout à ſon aiſe
Liure quatrieſme
auoir des viures, & tout ce qui luy faiſoit beſoin, faiſant ſon compte de
temporiſer, & tirer ceſte guerre en laplus grande longueur qu'il pourroit.
Mechmet d'autre coſtéquiauoitvn deſſein tout aurebours, & ne tendoit
qu'à abreger, & combattre de pleine arriué, ſ'en vint en toute diligence
I'ordonnance loger ſi pres, qu'il n'y auoit plus d'ordre d'euiter de venir aux mains, Et
§e ſans autrement marchander par aduantage de logis, netaſter les ennemis
de Mechmet. par eſcarmouches & legiers combats, rengea toute ſon armée en bataille;
EIllCIIlDlC.
Liure quatrieſme -
S O N E L O G E O V S O M M A I R E D E S A V I E.
'O RAGE nepeut longuement durer en vn lieu, & laplus violente ebulition eſt eſtein
tepar la # ſeignée. L'Empire Turc qui auoit eſté à deux doigts preſt deſarui
ne, tout tremblant encore d'vneſi lourdeſecouſſe, aprestant depertes, de captiuitez, de
ſaccagemens,
% fermir en fin, demaſſacres, defratricides,&
& reprendreſon de diſſentions conduicte
ciuiles, commença de ſe raf
P"\ ancien luſtreſoul'heureuſe de Mahometpre
". º mier du nom. Lequelſe voyantpaiſible poſſeſſeur del'Empire Otthomanparla mort de
ſon frere, mena ſon armée victorieuſe contre le Caraman qui luy faiſoit laguerre en la Natolie & auoit
-
| -- ,.
". aſſiegé
De l'Hiſtoire des Turcs. lo5
aſigé Burſe : mais ilfut côtrainct deleuerleſiege & d'accorderauec Mahomet qui luy print les •ºi .
resplaces de ſon pays. Reconqueſtale Pont, la Cappadoce & autres Prouinces perduës du tèps deſesfreres.
D#faict (par la valeur deſonfils Amurat) Burzagla Muſtapha qui auoiteſté Cadileſcher du temps de
Afoyſe, qui feſtantreuolté taſchoit de ſe faire Empereur : Vn Moyne heretique en laloy Mahometane .
nommé Torlaces Huggiemal ou Torlacheualayat auſſi pris les armes contre luy l'an mil quatre censtrois,
ſon armée fut taillée en pieces par le meſme Amurat,& luyprispriſonnier &pendu.Il# auſſi Schel
ſtem Bedredin qui eſtoit lepremier en authorité du temps de Moyſe.Dompte la Seruie Valaquie & gran
departie delaSclauonie & Macedoine. Faict la guerre au Prince de Sinope. Et pour oſter à l'aduenir
tout ſubiect de diſcorde : Il chaſſe tous les Roytelets de la petite Aſie yeſtabliſſant vn Beglierbey. Impoſe
rribut aux Valaques, & tranſporteſelon quelques vns,ſonſiege Imperial à Andrinople, donna au Prin
cedesTriballiens vnegrandeeſtendue depays ioignant leſien. Rauagea les terres des Venitiens proches de
lamer Ionie. Mais enrecompence ilsgaignerentſur luy vne batailleau deſtroit de Gallipoli, & luyprin
drent la ville de Lampſaque. Son frere Muſtapha, ou ſon oncle ſelon quelques vns,# retiré vers le
PrincedeSinope,quitaſchoit de deſbaucher lesprincipaux ſeigneurs Turcs fut enfin arreſtéparlesGrecs
à Theſalonicque, & touſioursgardé fidelement parl'Empereur Grec. En recognoiſſance dequoyles Grecs
frent ce qu'il voulurent du temps de ce Prince : Car il demeura touſiours ferme & arreſtéen leuralliance.
Etmeſines poureuitertoute occaſion de querelles Ilnevouloitpoint queles Ianitzaires (gens tumultueux
6- tempeſtatifs) communiquaſſent auecles Grecs,gens demeſine humeur. Les vns diſent qu'il regna douze
ans: les autres dixhuict d'autres quatorze les autres onze.Qºylques vns diſent auſſi qu'iln'ya que vingt
vnan depuis la priſede Baiaz et iuſques à Amurat. L'année de ſa mort eſt auſſi incertaine. Car les vns di
ſent qu'elleaduint l'an mil quatre cens neuf autres mil quatre cens dixhuict, d'autres mil quatre cens dix
neuf d'autres milquatre censſeize, & d'autres mil quatre cens vingtneuf, tant ilyad'incertitude en tou
teceſte Chronologie.Son origine n'eſtpas moins douteuſe. Carles vns veulent qu'il ſoit fils de Baiazet, &
qu'ilaireſté nourryà Conſtantinople.chez vnfaiſeur de chordes de lut : les autres qu'il fut fils de Muſ
ſulman Calapin. Sa mort fut celée quarante & vn iour, & iuſques à l'arriuée de ſon fils Amurat,par vne
inuentionnaifuement repreſentée par noſtre Autheur. C'eſtoit vn bon & equitable Prince, doux & cour
toisenuers chacun, d'vn eſpritmerueilleuſement poſe, & plus fidelle & conſtant enſes promeſſes qu'aucun
deſa race, Ileut cinqfils, Amurat, Muſtapha, Achmet, Ioſeph, & Mahomet, ces trois moururent ieii
fltJ. - --
º
deſpeſchavne autre armée pour courir & gaſter la Valaquie, par deſpit du
'ſupport qu'enauoit tiré Moyſe àl'encontre deluy : mais le ſeigneur du lieu
enuoyaaudeuant pour le rappaiſer, offrant de luy eſtre àl'aduenir tributai
re.Mechmetaureſte, demeura touſiours depuis ferme &arreſté en lamitié
& alliance des Grecs : tellement que l'Empereur de Conſtantinople,Ema
nuel, eut toutloiſir d'entendre à ſes affaires; &là deſſus ſenalla au Pelopo- .
neſe, où il ferma de muraille le goullet & entrée de l'Iſtme, quid'vne mer † de
iuſques à l'autre peut contenir quelques ſix mille pas de trauerſe, & laiſſe de #
toutes les terres & contrées duPeloponeſe encloſes de mer en forme d'vneº
belle grande iſle, il ne ſ'en faut que ceſte aduenuë qui la conioint à la ter- -
lesieux & ſpectaclestant renommez, qu'on appelloit à raiſon du lieu les Pris aitmc$.
- "
Io6 Liure quatrieſme
Iſtmies. Laville de Corinthe eſt ſituée vers le milieu : & deſlors que Xer
puiſſance ſi deſmeſurée contre les Atheniens
xes fils de Dariusamena vne
& le reſte de la Grece,les habitans du Peloponeſe fermerent ce deſtroit de
muraille; pour luy empeſcher l'accez & entrée de leur pays : l'Empereur
Iuſtinianla renouuella longtempsapres.Comme donques Emanuel ſe fuſt
entierement aſſeuré de la paix de Mechmet, il ſ'en vintau Peloponeſe, &
impoſa à tous les habitans d'iceluy certaine contribution d'ouuriers, & d'e
ſtoffes requiſes pour ceſte fortification : de ſorte que tous ces peuples y
E nue pourayans trauaillé comme à l'enuy les vns desautres, elle fut paracheuée en peu
s'aſleurer du
§ de iours. Cela faict, il ſe ſaiſit de la perſonne de touslesgrands perſonnages
†º du païs, qui ſ'eſtoient deſiafort longuement maintenus & portez pour ſei
† gneurs, chacun en ſa contrée, ſans autrement vouloir recognoiſtre les Em
eſtoient " pereurs des Grecs à ſouuerains, ne leur obeïr & deferer, ſinon entant qu'il
leur plaiſoit, ou que le profit particulier, & la commodité de leurs affaires
les inuitoient à cela; & les emmenatous quant & luy ſous bonne & ſeure
arde à Conſtantinople,laiſſant ſon frere ſur le lieu pourgouuerner le païs,
& recueillir letribut qu'ilauoit ordonné eſtreleué pour l'entretenement de
la garniſon, & les reparations de ſa nouuelle fortereſſe. Ce temps pendant
Mechmet, qui ſe voyoit detous poincts confirmé en ſon Empire, entre
prit d'aller faire laguerre à Iſmael Prince de Synope,lequel ſ'eſtoit touſiours
, , monſtré fort affectionné & fidele enuers Moyſe, tant qu'il auoit veſcu.
† Mais luy, preuoyant aſſez le danger de l'orage qui eſtoit tout preſt à luy
†" tomber ſur les bras, allaaudeuant, & enuoya ſesambaſſadeurs pourradou
cir Mechmet, & faire ſon appoinctementenuers luy : car il offroit de luy
delaiſſer parforme de tribut, tout le reuenu des mines de cuyure, qui ſont
ſeules entoutel'Aſie (au moins que ie ſçache)qui en produiſent.Aumoyen
de quoy laguerre qui ſe preparoit, fut conuertie en vne bonne paix : auſſi
ºueitepºmie
re des Turcs que tout incontinentapres,les Venitiens, & lesTurcsvindrentaux armes
- -
. § les vns contre les autres pourraiſon de ce que Mechmet voulut entreprédre
†ie ne ſçay quoy ſur les terres prochaines de la mer Ionie.Et devray,ilyauoit
enuoyé ſon armée,laquelle y fit degrands excez, & dommages. Les Veni
tiens, ſoudain qu'ils en furentaduertis, luy enuoyerent des Ambaſſadeurs;
mais n'en ayans peuauoir aucune raiſon,ils ſe preparerentauſſi à la guerre
de leur coſté. -
chiſe de ſeureté & repos. Mais d'autant qu'ils n'auoient pas le territoire à †
, commandemét pourſe pouuoir exercer au labourage, n'y à nourrir dube-†
ſtail, & autres
contraints telles
en de occupations
petites mottes &del'agriculture, comme àeſtans
turaux à fleur d'eau,qui peine ſ'eſ& §
toutereſerrez #
†º & traf
· leuoient hors § & ſuperfice d'icelle; & que l'aſſiette dnlieu ſe trouuoit
merueilleuſement à propos poury dreſſer quelque notable eſtappe & ap
port de mer, ils ſ'adonnoient du tout à la marchandiſe, & à la nauigation,
qui leur pouuoit fournir en abondance toutes les choſes neceſſaires pour
leur maintenement : ſibien qu'en peu de temps ils ſe trouuerent vne mer
ueilleuſericheſſe & puiſſance entre les mains, & leur cité embellie d'infinis , ".
p#e- LA ville de Millan eſt l'vne des plus belles, des plus grandes , & opu
d§" lentes del'Italie ;fort peuplee, & ancienne, comme l'on dict,n'ayanton
ues ſouffert aucune deſconuenuë, depuis qu'elle fut premierement edi
§ a touſiours excellé ſurtoutes autres au faict delaguerre, & en
preparatifs & equippages d'armees tres-puiſſantes. Audemeurant elle
eſt aſſez auant en pays, quelques trente lieuës loing de Gennes, tout
ioignant ceſt endroict de la Gaule qu'on appelle Piedmont. Mais il
n'ya tant ſeulement qu'vn petit canal d'eau qui ypaſſe, ſansy apporter
† beaucoup de commodité,lequelſe va rendre au Theſin, & le Theſin
§des dans le Pau, au deſſoubs de Pauie, front à front preſque de Plaiſance,
† † eſt vne fort grandeville : Que deuient puis apresle Pau, nous l'auôs
# eſia dict cy-deſſus. Mais pour retourner à ces Marianges, grands &
ils
† faict fort bien armer de toutes piecesluy & ſon eſcuyer, ils s'en allerent
, cu
§" eux deux ſans autre compaignie en queſte duſerpét, lequelils ne mirent
Del'Hiſtoire des Turcs. , I1 i
guere à trouuer.Les ayans deſcouuerts, il ſe vint ſoudain ruerſureux, &
de prim-ſaut engloutit l'eſcuyer iuſqu'à la ceinture , car pour cauſe des
aI'IIlCllICS † ne pouuoit ſi § entfroiſſer,le miſerable demeuraac
crochéen ſa gorge, ſans qu'ille peuſtny aualler du tout, nyle deſmordre
& reietter.Ce qui donnaloiſir au Prince,cependant quc le ſerpent eſtoit
en ceſt eſtrif,de luy donner tout à ſon aiſe tant de coups ſur la teſte, auec
vne hache d'armes dont il s'eſtoit pourueu,qu'en fin illuy fauſſale teſt,&
lerua mort eſtendu emmyle champ, ayant encore ſa proye à demy en
gorgee.Voila en quelle ſortele pays fut deliuré de ceſte peſte,& des dom
mages & cruautez qu'il en receuoit chacun iour : dont en recognoiſſan
ced'vn tel bien faict,ils eſleurent ce Mariange pour leur Duc, & luy mi
rent l'authorité ſouueraine de toutes leurs guerres & affaires entre les
mains; comme à celuy, qui s'eſtoit moſtréſ preux & hardy , de ſa ſeule
bonne volonté & gentilleſſe.Toutesfois comme habile homme qu'il
eſtoit,craignant quelque mutation de volontez en ce peuple aſſez leger
& fantaſtique,& pour auſſienauoirplus d'obeiſſance,ilchoiſitvn nom
bre de bons & aſſeurez ſoldats,pour demeureraupres de luy à la garde de
ſa perſonne,quelque part qu'il ſe trouuaſt.
* 0 • || - VIII.
LE Duché puis † par ſucceſſion de temps,vint à Philippe,le qua-ph§u :
trieſme en ordre de ſes deſcendans,celuy contre quiles Venitiens eurent †
Galeas V1c6
la guerre dont nous parlons, à la conduicte de laquelle ils appellerent †"
tout plein d'excellens Capitaines de fort bonne maiſon,lesvns apres les §e
autres.Et tout premierement Carminiola, qu'ils firent depuis executer †
à mort, & ſubrogerent en ſon lieu Franciſque ſurnomméSforce, auquel†
ils porterent touſiours fort grand reſpect & honneur.Auſſi n'eſtoit-ce 4°°. -
Mais comment l'Italie ſe diuiſa là deſſus en factions & partialitez, les Miil .
vns ſuiuans le party des Venitiens,les autres celuy des Millannois, ie le
racompteray cy-apres:Parquoy ie reuiens à mon propos des Venitiens,
qui cependant eſprouuerentl'vne & l'autre fortune,tantoſt la mauuaiſe,
tantoſtla bonne. Ayans donques cherché les meilleurs & plus experi
mentez Capitaines quifuſſent lors,ils leur mirent entreles mains lacon
duicte & ſuperintedance de leurs armeées : Et tout premierement à ce
Carminiola, que nous auons dictauoir par eux eſtémis à mort, pource
ue ſoubs-main il fauoriſoit à leur aduerſaire, & taſchoit de les trahir
§ ce qu'ils auoient deſcouuert & verifié : Puis apres à Franciſque
Sforce , qu'ils appellerent au lieu de l'autre. Au demeurant i'eſtime
qu'il eſt aſſez notoire à toutle monde, comme les Venitiens ayans ex
ploicté en pluſieurs endroicts de la terre & de la mer,infinis beaux & ex
cellens faits d'armes, ſont demeurez,il ya deſia plus de mille ans, en leur
entier, & en l'heureux ſuccés de leurs entrepriſes & affaires , dont ils ſe
ſont acquis vne gloire immortelle par deſſus tous les autres peuples de
l'ltalie : Mais d'auoir ainſi touſiours maintenuleur Eſtat net &
- - - - - •, - - K ijdehuré -
©
&
Imcnccmcnt
# d'vn gouuernement populaire, cette Choſe-publique paſſa en Ariſto
†
que paſſe en cratie, c'eſt à dire à celuy des plus grands & mieux famez Citoyens. De
- » - -
† puis lequel temps , elle s'eſt touſiours depuis fort heureuſement main
comme meil
§ tenuë, & a acquis vn merueilleux pouuoir. Ils ont entre autres cho
gouuernemét
†" ſes ce † appellent leur grand conſeil, auquel ils s'aſſemblent tou
Maine tes les ſepmaines; & là en ballotant, on eſliſt les magiſtrats des villes eſtás
ºu lºf ſoubs leur obeiſſance , & de la cité encore : Toutesfois leurs loix ne
ſtes, & ſont
d'ordinaire
- cn ce conſeil
N 2 , >• || > •
† qua
-
§" tre ans, & ne ſoit Venitien naturel, Gentil-homme, & exempt de tou
tes les reproches quile pourroient exclurre de ce priuilege & honneur.
Il s'y trouue ordinairement iuſques à deux mille perſonnes , & plus,
qui creent les Officiers de tous les lieux & endroicts où il eſchet d'en
I. Du pouruoir. Quant au Duc, ils choiſiſſent celuy qui eſt tenu de tous
#ººve pourle
•-
plus homme de
tes les deliberations bien, &,mieux
& conſeils & eſt famé, lequelad'vn
fort reſpecté des voix en tou
chacun. Il
faict ſa demeure au Palais de la Seigneurie qu'on appelle Sainct Marc,
où il eſt nourry & entretenu aux deſpens du public , & y a touſiours
oales appa ſix Conſeillers qui luy aſſiſtent, ſans leſquels il ne ſçauroit rien faire;
# car ils
†º
§ & ordonnent de tous les affaires d'importance
auecques luy : Et dure ce Magiſtrat là ſix mois ſeulement : au bout
à ſà main
†.',* deſquels autres ſuccedent en leur place. Apres ce grand conſeil dont
§u
che.
nousàvenons
c'eſt dire desdeſemonds
parler ,ouinuitez,
il y en a vnenautre qu'on
nombre deappelle des leſquels
trois cens, Pregay,
- ſont choiſiz & eſleuzaudict grand Conſeil, de ceux qu'on tient
pourles
#idº
gay. plus ſages & aduiſez. Ce Conſeilicy cognoiſt de laguerre,de la paix, & 2 3
des Ambaſſades : & ce qui s'y reſoult, † ferme & arreſté. Pour
les cauſes criminelles, ils commettent dix perſonnages qui les iugent
en dernier reſſort ; carilleur eſt loiſible de mettre la main ſur la perſon
ne du Prince meſme ſi l'occaſion s'en preſente, & le condamner à la
mort; & neleur oſeroit perſonne contredire ne donnerempeſchement
là deſſus : car les anciennes inſtitutions de leur Choſe publicque le
veulent ainſi. Et ſont expreſſément creez ces Decem virs, pour pu
nir les mal-faicteurs & delinquans qui ont forfaict, ſoit enuers le pu
blic,ſoitàl'endroict de quelque particulier, dont apres auoir bien veu
& examiné le procés ils font faire la punition. Il y a encores d'autres
Del'Hiſtoire desTurcs II3
iuges, tant naturels de la Yºle,qu'eſtran gers, qui vuident les cauſes ordi
naires & ciuiles.Toutest9lsilyavne chambre qu'ils appellent des Qua- 1a chambre
rante,deuant leſquels il eſt Permis d'appeller,à ceux qui ſe ſentiroiét gre- †
uez du iugement & là ſont reueuz les procés,pour § s'ilaeſtébien †
ou malappellé.Que ſid'auenture ils ſe trouuent partis, & ne ſe peuuent di,.
accorder pour le regard duiugement,le tout eſt r'enuoyé aux Pregay, là
où apresauoir bien meurement debattu le droict des parties, ſans y por
teraucune faueurnyaffection particuliere,l'affaire eſt finablement ter:
miné en dernier reſſort. Il y a encore aſſez d'autres magiſtrats & offi- #
ces deſtinez pour la ſeureté de la ville, leſquels ſe prennent garde que
de nuict il ne ſe face quelque tumulte ou deſordre : d'autres ſont com.
† reuenuz , impoſitions, & ſubſides, leſ
mis à recueillir les deniers
quels ils diſpenſent & employent ſuiuant ce qui leur eſt ordonné par le
Duc, & le conſeil; auquelils ne laiſſent pas de tenir vn bien grand lieu
entant que touchent les deſpeſches, tant pour le regard des finances
dont ils ont la totale charge , quc pour la police & les affaires d'eſtat :
neantmoins ils ont des contrerolleurs pourauoir l'œil, & obſeruercom
me ils verſerôt enleurmaniemét. Et ſont ces ces Eſtats icy àvie, parquoy tesreceueurs
on a de couſtume de les mettre ordinairementés mains des plus vieils & §.
honorables perſonnages, pour ce qu'onjeſtime que ce ſeroit choſe trop "
mal aiſee,de rendre compte d'an en an de ſi groſſes receptes, & deſpéfes
enſemble des deniers qui toutes choſes deſduictes peuuent finablement
demeurer de reſte és coffres de l'Eſpargne.De ces treſoriers icy , on a de
couſtume deſlirele Duc,touteslesfois que celuy qui eſt en cefte ſouue
raine dignitévient à deceder. Et ainſi § degré en degréviennent aux
§ honorables, tant qu'apress'eſtre bien & deuëment por
tez en tous leurs exercices & manimens,ils m6tent ſuiuât le deuoir qu'ils
y aurôt fait,iuſques au plus haut ſommet,& dernieraduancement qu'ils
peuuent eſperer. Or cette cité icy ſurpaſſe toutes les autres de l'Italie, en #ence
deux choſes;l'vne en beauté & magnificence d'edifices , & l'autre en †º
ſon eſtrange & admirable ſituation car elle eſt de tous coſtez encloſe de -
mer; & ſemble que ce ſoit quel ue deluge, lequel ayant ſubmergé le
pays d'alentour,l'a arrachee & § # terre-ferme, pour la laiſſer
'ainſiplanteeau beau milieu des ondes. Mais auectout cela elle eſte plei- L,ºlde
ne d'infinies richeſſes, pour eſtre ſi propre & idoine au traffic & nc- †
gociation de toutesles choſes qu'on pourroit ſoubhaitter,ce qui donne lemonde
moyen aux habitans de faire leur proffit par deſſus tous autres mortels.
Ilya des ports & haures ſans nombretoutautour, & dedans les canaux
& carrefours encore, qui tiennent lieu de ruës & de places telles qu'on
voités autresvilles. Mais de toutes les choſes quiyſont,iln'yarié de plus
beau ne magnifique que l'Arcenal, qui eſtàl'vn des coings, là où ſont
· continuellemét entretenus pluſieurs milliers de perſonnes de toutes ſor
tes de meſtiers,trauaillâsaux galleres & vaiſſeaux qui ſontlà touſiours en
fort grâd nombre,lesvns preſts à faire voile,lesautres àietter enl'eau, les
autres qui ne ſont qu'encore eſbauchez, ouparfaicts à º# C'eſt auſſi .
- llj
II.4- Liure quatrieſme
vne trop ſuperbe choſe, que des halles & magazins remplis d'armes &
munitions de guerre, en quantité preſqueincroyable : car ce lieu fermé
tout autour de tres fortes & hautes murailles, contient pres d'vn quart
de lieuë de circuit; & toutes les annees on eſlit deux citoyens, qui ont la
1.e charge & ſuperintendence de tout ce qui en depend.Auregard des che
#, uaux & autres montures, on ne ſçait là que c'eſt, & n'y en a aucunvſage,
†"" cartoutle monde yva à piedle long des quaiz,qui ſont de coſte & d'au
ere des canaux, auec des ponts à chaque bout de ruë ;ou bien ſur de peti
tes barques fortlegieres, proprement agencees, & couuertes de cerge
noire, qu'ils appellent Gondoles,qu'vn ſeul homme conduict, eſtantau
derriere tout ſuſpendu enl'air ſur vn pied, où il vogue d'vn auiron en
auant, d'vne viſteſſe & dexterité nompareille. Les maiſons ſont faictes
en terraſſe, couuertes de thuiles creuſes : & n'y a aucunes murailles nc
cloſture autre que de la mer,quila bat de tous coſtez,& va&vient à tra
comme en uers,empliſſant les canaux d'eaue ſallee,où elle ſehauſſe & augméte deux
†º fois en vingt quatre heures à cauſe du flux & reflux qui eſt plus fort là,
u'en nul autre endroit de la mer Mediterranee Quant aux Magiſtrats,
† § & offices des places qu'ils tiennent, tant en la terre fer
†
qu'en nul au me de l'Italie,que de la Dalmatie,Eſclauonie,& Epire; & és coſtes,& iſles
§e de la mer,on les eſlit en ce grâd conſeil dont nous auons parlé cy deſſus,
†" toutes les fois qu'ils viennent à vacquer Leur temps expiré, ceux qui les
ont adminiſtrez en viennent rendre compte à la Seigneurie : s'ils s'y ſont
bien portez, ils montent de main en main à d'autres plus grandes & ho
norables charges:mais auſſi s'ilsy ont commis quelques #us, on les cha -
-
Del Hiſtoire des Turcs. 1f5
des,audeſſus duPontºin, & dvn autre endroict, tout le long de la
coſte de Barbarieversleºeſtroict de Gilbatar, & horsd'iceluyencore par
la mer Oceane,és Eſpaignes ,
Portugal, France, Angleterre, Flandres,
FHolande, Frize, Dannemarch, Noruege, & autres regionsSeptentrio
nales; où les ieunes Gentils hommes Venitiens vont ordinairement en
perſonne, tant pour gaigner quelque choſe, que pour veoir le monde, -
IX.
-
Mechmet lc
beaucoup meilleure que l'autre,que ſans autre contradiction illa renuer- #"
- - - " - : n1t1cnns.
ſa & mit à fonds. LesTurcs voyans le conflict auoir ainſi eſté commen-
- - - - Batai|!
cé dela part des ennemis ne ſe contindrent plus, mais ſe mirent à voguer §le,
de toute leur force; & les autresauſſi tournerent les proués de leurs vaiſ †º
ſeauxau
lez deuantà d'eux,
& attachez tellement&que
vn tres-furieux toutcombat,
mortel ſoudainils
quiſecouurit
trouuerent meſ †
envnin- Poil.
rent. Cette victoire leur mit tout incontinent entre les mains la ville de t†.
Lampſaque,qui eſtoit pres delà,laquelle ſe rendit ſans coup frapper. Ce-†**
la faict, & apresy auoir laiſſe vne bonne garniſon, ils s'en retournerent
en leur pays où Lauredan n'euſt pas pluſtoſt mis pied en terre, que pour Grande ſeuè
recompenſe deſavertu, & des ſeruices qu'ilauoit faicts en ce voyage, on rité d'iceux.
l'appella eniugement, pource que contreuenant à ce qui luy auoit eſté
ordonné, ilauroit le premier faictacte d'hoſtilité, & rompu la paix que
la ſeigneurie auoitauec Mechmet. Toutesfois le tout bien examiné il fut
abſous à pur & à plain;comme celuy quin'auoit point commeneé la meſ- -
lee: Auſſi que biè toſtapres eſtansallez & venus pluſieurs meſſages d'vne †
part & d'autre,les alliances furent renouuellees, & l'appoinctement re-aueclerº
noüé. Les choſes paſſerentainſi à celle fois entre les Venitiens & Mech- -
" ! . - - • || > - ſ
uoyéſesAmbaſſadeurs au Prince de Valaquie, où il s'achemina en per-"
ſonne bien toſtapres; & fut fort amiablement receu de luy,auec de gran
des offres & promeſſes de luyaſſiſter en tout & partout- Cela luyhauſſa
le cœur d'aſpirer au recouurement del'Empire, mais il perdit beaucoup
de temps à roder de coſté & d'autre auec trois cens cheuaux qu'ilauoit en
r
#
118 Liure quatrieſme
tout; deuers les principaux ſieurs Turcs pour taſcher de les attirer à ſon
· party, & leur faire abandonner celuy de ſon frere. Et voyantàla fin que
perſonne pour cela ne ſe mouuoit, ny que les choſes n'eſtoient pas pour
luy ſucceder ſelon ſes conceptions & eſperances, il ſe trouua en vne fort
grande deſtreſſe & perplexité: car Mechmet qui eſtoitvn bon & equita
Ble Prince, doux & courtois enuersvn chacun, & d'vn eſprit merueilleu
ſement repoſé, auoit ſi bien gaigné les volontez de tous les peuples,qu'il
n'eſtoit pas bien aiſé de le deſarçonner. Ioinctauſſi qu'il mettoit en auant
cettuy cy n'eſtre pas le vray Muſtapha, fils de Paiazet,ains auoir eſté ſup
poſé au lieu de l'autre, qui eſtoit mort petit garçon : Ce que meſme teſ
moignoit celuy quiauoit eu la charge de le nourrir & eſleuer, perſonna
ge d'authorité, & digne de foy : Et devrayil ne rapportoit de rien que ce
ſoit,ny à Paiazet,nyà pas vn de ſes enfans,de façon queMuſtaphavoyant
qu'il n'aduançoit rien, aduiſa de ſe retirer deuers les Grecs, parle moyen
deſquels il eſperoit faire mieux ſes beſongnes, d'autant qu'ils eſtoient
commeau centre de l'Empire desTurcs, & parainſi pourroit aſſaillir ſon
frere de quelque cofté qu'illuyviendroit le plus à propos. En cette de
termination,accompagnee neantmoins de beaucoup d'incertitudes &
| ſoucis, il s'en partit de Valaquie, & prenant ſon cheminatrauers laThra
ce, vintàTheſſalonique, oùiln'eut pas pluſtoſtmisle pied, que le gou
uerneur delaville s'en ſaiſit, & foudain en aduertitl'Empereur pour ſça
uoirce qu'il envoudroit eſtre faict : auſſi que Mechmet ayant eu le vent
de la venue de Muſtapha en la Grece, auoit en toute diligence aſſemblé
vn camp volant, & s'en eſtoitvenu (le cherchant de toustoſtez) deuant
Theſſalonique,où on luyauoit dit qu'il s'eſtoit retiré:Parquoyildeman
doit à toute force qu'illuy fuſt mis entre les mains, commevnaffronteur
ſuppoſé, vraye peſte & note d'infamie pour la maiſon des Othomans.
L'Empereur
1
d'Emanucl.
s O R auoit l'Empereur Emanuel pluſieurs enfans, & en premier lieue
\
Del'Hiſtoire des Turcs. 119
Iean le plus aagé de tous,Andronic, & Theodore, puis Conſtantin,Di
mitre, & Thomas. A Iean non ſeulement commeàl'aiſné, mais le meil
leurencore, le plus ſage, & debonnaire de tous les autres,illaiſſal'Empi ſans, iſºé
re, & le maria auecla filledu Marquis de Montferrat, qui audemeurant †
n'eſtoit pas des plusbelles,mais en ſageſſe , honneſteté, modeſtie & ſem-leo§ &
blables vertus dignes du lieu dont elle eſtoitiſſue, ne cedoit à aucune au †
tre de ſon temps Neantmoins pour tout cela, ſon mary qui viſoit plus†.
au corps qu'àl'eſprit,ſuiuantl'ordinaire des ieunes gens (meſmement où †
l'accouſtumance, qui eſt le plus fortlien qu'on puiſſe trouuer pour arre- §
ſter & retenirl'amour, inconſtant & volage ſans cela, n'eſt point encore -
aſſez bien eſtablie & ancree entre les deux parties)ne laiſſa pas del'auoirà |
apres; car le mal ſe rengregea, quiauccle chagrin & ennuy dont il eſtoit
affligé, pourſevoir en vnſipiteux eſtat, l'emporta hors de cette vie à vne
plus heureuſe; ne laiſſant pourtous enfans qu'vn ſeul fils nommé Theo
dore,lequelauant mourir,ilauoit enuoyéà ſon frereTheodore Porphi-†
rogenite,
•
† ſuccederàla Seigneurie du Peloponeſe, comme il fit §nd
- • , / des enfans
à la fin : & fut touſiours fort gracieuſement traité de luy,
non rant pour §le
luy eſtre nepueu, † pource qu'il eſtoit fils quant & quant de celuy de au
quel ſucceda
tous ſes freres qu'ilaymoitle mieux. Ce Theodore apresle decés de ſon ſe.Pelopont
pont
- - - -- - - - - COIltIC
De l'Hiſtoire des Turcs. I2 I
leils prirent de force. Ils ne s'abſtindrent pas nomplus de courir les ter
res que tenoient en ces quartiers là les Princes du Ponant,oüils firent de tee ,
grandesdeſolations & ruines;carils n'arreſtoient en place, eſtans conti-ºbºgºndº
nuellement le culſurla ſelle à piller de coſté & d'autre.Cela fut cauſe que "
les Neapolitains qui eſtoient enl'iſle de Corfou(carles Rois de Naples la Corfou priſ
tenoient pour lors) ſe mirent en armes pour aller au recouurement de †
l'Acarnanie, & delaville d'Arthé, deuant laquelle ils allerent planter le †"
ſiege.Mais comme ils eſtoient apres à faire leurs approches , & dreſſer " .
leurs machines & engins pour battre la muraille, le capitaine Spadafore
ayant faict vnebriefue remonſtrance à ſesAlbanois,pour leur donercou
rage de ne ſelaiſſer point enuelopper là dedans, tout ainſi que beſtes
muës dans quelque pan de rets, & apres yauoirlanguy en grâde deſtreſ
ſe receuoir quelque vilaine & honteuſe mort, ſortit ſur les Italiens qui
| eſtoient eſcartez,lesvnsàfaire des tréchces,les autres à ſe loger, & la plus
- - L
I22 Liure quatrieſme
sºif def grand'partieallezaufourrage,& prochazdes victuailles,donnantſiver
# § tement ſur ce deſordre, que d'arriueeilles mit tous en routte, là oùil#
† en eut grand nombre de tuez, & beaucop de priſonniers : les autres le
§" ſauuerentàlafuitte le mieux qu'ils peurent.En ce côflictſetrouuaPrialu
pralup Bul. pas le Tribalié,Prince d'AEtolie,& allié de Spadafore ſieur d'Arthé, quiy
† fitvn merueilleux deuoir, en ſorte que pour cette fois ils demeurerent
nie. maiſtres de l'Acarnanie.Mais Charles quelque tépsapres,eſtant ſorty des
chalesTo Iſlesauecbon nôbre de ſes confederez,& autres,qui en haine de la tyran
†nienie.
des en
entrez Albanois,laquelleils auoientleàpays:&
cette ligue,recouurerent tres-grand contre-cœur, eſtoient
ſi conquirét encore la con
neſſe & grande beauté, ou bien pour la legiereté de ſon naturel lubri
que § & laſcifautant † de nulle autre de ſon temps, car elle
n'attendoit pas qu'on la requiſt & priaſt d'amours, ains ayant aueu
glé quelque ieune homme de bonne taille , ſoudain elle le tiroit par
la cappe pour luy dire deux mots enl'oreille.Auſſiadiouſta-ellel'execu
tion à ſon deſir, commevieilſoldat qu'elle eſtoit, practiquee & experi
mentee de longue-main en tels affaires & occurrences:& luy en pleurent
tellement les premieres erres, qu'afin de les pouuoir continuer & entre
§
tenir plus à ſonaiſe, elle tta auec ſon nouueau adultere,l'homi
Lafemme de cide de ſon mary legitime. Le negoce n'alla point autrement en lon
†# gueur parce que la premiere nuict que Prialupas alla coucher auec elle,
| †. il n'euſt pas ſi toſtlateſte ſurle cheuet,qu'ils luy coupperent la gorge : &
§ ſi firent encore creuerles yeux à vnſié fils, qu'elle auoit eu deluy; lequel
† s'eſtoit deſrobé,en intétion d'aller demanderſecoursà Moyſe Empereur
propre fils. des Turcs,pourvégerle meurtre de ſon Pere, & recouurer ſon eſtat:mais
- d'Aualos qui n'eſtoit agreable à perſonne qu'à ſa femme, & elle deteſta
ble à tout le monde,ne gouſterent pas longuement le fruict de leur meſ
chãceté,car Charles ſuruint incontinentapreslà deſſus, quilesietta tous
deuxhors de cour & de procés,ainſi que nousauôs dit cy deuant. Quant
à la ville & au territoire des Ioannins, on n'y alla point pource que
Del'Hiſtoire des Turcs. , I23
de leur bon gréils ſe vindrent offrir & rendre à Charles : lequel depuis
qu'il en eut pris poſſeſſion, ſe maintint fortvaleureuſement en toutes les
guerres qu'ileut depuis Etainſi le pays d'Arcananie,apresauoir eſtéenla
main d'vn Triballe,& delà ſoubs vn Arragonnois,vint finablement ſous -
la puiſſance de ce Seigneur. . - - -
parmy tous ſes voiſins : Car en iuftice & cquité, en valeur & proeſſe, cec§
ilne ceda à nul d'eux,ſibien que ſon faict † de bien en mieux, § # ſage& heu
bles à ſes ſubiects. Il maria vne ſienne fille adoptiue au fils de Galeot
cas pºn Prince del'AEgine,vaillantieune hmome,& fortadroictaux armes,par
#
pouſe la fille quoyille reſpcctabeaucoup, d'autât qu'ilſe ſeruir de ſa valeur & proeſſe
†e comme d'vn rempart, pour ſe maintenir ſeurement en lavie repoſee &
IltllO1nc
§ tranquile,qu'il embraſſa dés lors qu'il euſt arreſté la paix de tous poincts
auecles Venitiés: De ſorte qu'en tout heur & felicitéil paruint iuſques à
ſa derniere vieilleſſe,& amaſſa de grâds treſors;embellit quât & quant,&
decoralaville d'Athenes depluſieurs magnifiques & excellés cdifices,au
Anthoine re lieu des antiques quiauoiét preſque eſte tous ruinez parles iniures& ini
†" leurs
ricS.
quiteztragedies,
du téps,&les
toutlogues guerres
ainſi que quiyauoiét(à
ſur vn maniere deparler)ioué
publiq eſchaffaut. L'autre de ſes
filles,que ſemblablementilauoitadoptée,fut†º à vngentil-hom:
me de Negrepont,riche & de fort bonne maiſon. -
| Del'Hiſtoire des Turcs. º.
-
FinduquatrieſmeLiure. -
A MVR AT SE C O N D DV N O M
dixieſme Empereur desTurcs.
LE CINOVIESME LIVRE
D E L' H I S T O I R E D ES
T V R C S, D E L A O N I C C H A L
C O N D Y L E A T H E N I E N,
S O M M A I R E, E T C H E F S P R I N C I P A V X
du contenu ence preſent liure.
Amurat ſecond fils aiſné de Mechmet, Thuracan dans le Peloponeſe,où ilde
ayant ſuccedé à l'Empire deſon pere, fait les Albanois, & dreſſe vntro
les Grecs luy mettent Muſtapha fils phee de leurs teſtes : voyage del'Em
de Paia Keten barbe,c9 lefauoriſent pereur Iean audičtPeloponeſe,enſem
àl'encôtre deluy;dôt ils ſe viennent à ble quelques affairesdemeſlez dececo
perdre, & eux&rleurs affaires.Ch. 1. ſté là par les Grecs contre les Italiens,
Muſtaphaaſſiſté des Grecs,s'empare des - Chap. 6. -
§ ils vindrent à ſe perdre, & eux & leurs affaires, parvne trop grande haſti
†" ueté & mauuaiſe conduicte : & peus'en fallut, queleurville meſme ne ſe
trouuaſtau dernier peril d'eſtre priſe & ſaccagee par Amurat; parce que
les Capitaines &gouuerneurs quiauoient eſtelaiſſez de Mechmet en Eu
rope vn peu auparauant ſon decés, pour obeyr & ſe donner à celuy qui
luy ſucccderoit,allerent faire inſtance àl'Empereur de Conſtantinople,
de ne permettre aux Grecs de s'entrebroüiller ainſi les vns les autres; ne
que luy meſme pourle deſir&eſperance qu'il pourroit auoir de quelques
nouuelletez, n'attentaftrien au preiudice de ce quiauoit eſtéconuenu&
Del'Hiſtoire des Turcs. 12 9
accordéauecleurfeu ſeigneur Paiazet.L'vn des plus grands de la porte,
& quiauoit eſté deſia nomméàl'vn des Saniaquats & gouuernemens de
l'Europe, eut la charge d'aller porterla parole au nom de tous lequel fit
tout ſon deuoir de ſolliciterl'Empereur d'entrer en nouuellealliance, par
laquelle lesTurcs ſeroient tenus de le ſecourirenuers tous&contre tous,
toutes les fois que l'occaſion le requerroit. Et pourtant plus le mouuoir
à cela, offroit de donner en oſtage douze enfans des meilleures & plus
grandes maiſons d'entr'eux, auecla ſomme de deux cents mille eſcus, &
vne grand'eſtendue de pays és cnuirons de Gallipoli, tout tel que les
" Grecslevoudroient choiſir. Ces choſesicy offroit il à l'Empereur pour
luy faire abandonner Muſtapha, & ſe retenir en neutralité, ſans donner
faueur nyauxvns nyaux autres;ains pluſtoſtles laiſſer demeſler leurs que
relles àla poincte de l'eſpee, & permettre que celuy regnaſt, auquell'e- .
uenement de la guerre decerneroit la Seigneurie. L'Empereur (appellé la lºi eté
Iean) eſtoit encore ſiieune,& auec cela trauerſé de tant defriuoles & mal a†
duis de Iean
demeurant tout entieràl'vn des deux, il n'y pourroit pas eſtre pareil: Au
moyen dequoyiliugeoir cette diuiſion tres-vtile & à propos pourle bien
de ſes affaires: Puis tout ſoudainvenoit à ſe retracter,& reſoluoit de ſe te- · -
nir du toutau
s'eſtoit partydu
pas encore detout
Muſtapha.Mais ſon perelevieilEmpereur,
demis du maniment des affaires, eſtoitquine ºpinio de
bien l'Empereur
Emanuel bié
experimétee. perdue leur ſeroit reſtituee. Cela arreſté, ils emplirent leurs vaiſſeaux de
les Grecs de sens de guerre, & s'embarqual'Empereur Iean pour faire voile à Galli
†
#rº poli,oü pourautant que Muſtapha n'eſtoit C11COIC arriué del'Iſle de Lem
†º nos, il voulut eſſayer quelque choſe qui redondaſt aubien & aduantage
desaffaires del'Europe, & à cette occaſion, pourgaignerauſſitouſiours
autant de temps,ſe delibera del'aſſieger.Zunaites Prince deSmyrne,l'vn
v des plus grands fauorits deMuſtapha s'y trouuaauccpluſieursTurcs qui
c'eſtlage s'y cſtoient deſiaaſſemblez; auſquels, ce pendant qu'on battoit le cha
# ſteau on fit dire, qu'onl'attendoit d'heure à autre auſſivint-il bien toſt
Thrace entre
†. apres, & ſoudain tout le Cherſoneſe le receut, & ſalua à ſeigneur, auec
# vne merueilleuſe deuotion & allegreſſe. Là deſſusl'Empereur luy fit in
i§reste ſtance de la reſtitution de Gallipoli, à quoy Muſtapha eſtoit bien con
† tent de ſatisfaire,mais les Turcs môſtroient d'auoirà trop grand contre
† cœur, de ce demettre d'vne telle place entre les mains des Grecs ; n'eſti
#º mans pas que cela luy deuſt eſtre gueres honneſte, & meſme à ſonadue
nement àla couronne quine luy cſtoit pas encore trop bien aſſeuree; tel
lement que c'eſtoit choſe fort doubteuſe & incertaine à iuger, quel ply
pourroient prendre ſes affaires : Trop bien pourroit-il Promettre aux
Grecsdelaleur fendre,lors que de tous poinctsil ſeroit confirmé & eſta
bly en ſon Empire, & que #yauoit encore rien outre cela qui leur fut à
propos, & dont ils le vouluſſent requerir,ils n'en ſeroient point eſcon
1 #§ de duits ne refuſez. . - -
# ment tous les partis qu'il pouuoit prendre pour ſe mettre à ſauueté,ſere
tI - - - -
" quel ils ſont les eſclaues : Car on les departauxTurcs habitans en l'Aſie,
- pour
Del'Hiſtoire des Turcs. 133
pourleur apprendre lalangue,& lesaccouſtumer au trauail,& à leurs fa
çons de faire, ce qui ſe faict communément en deux ou trois ans. Puis
quandils ſont vn peu renforcez & endurcis,& ont autant appris du par
ler qu'ils le peuuent entendre, & eux auſſi eſtre entendus,alors on faict -
teincte en incarnatauec certaine occre on terre rouge, & aureſte toute telesa .
chamarree de paſſemés
cunefois iuſques à trois,&ſans autres12.ou 15§
profileuresd'or. ilyena deux,au-††
qui ſont d'ordinaire armees guerre.
& tenduës dansle quartiermeſme des Géniſſaires; hors duquelles autres
gens de guerre de la porte dreſſent les leurs:Les Amurachoreés,&ceux du
retraict de Gobellet,qu'óappelleSaraptar,les port'enſeignes ou Emiralé;
les Preuoſts del'Hoſtel, Bixorides; & les courriers du Seigneur: Et côme
toutes ces manieres de gens ſoient en grand nombre, il s'augmente oficie, de.
bien encore à cauſe des valets & eſclaues qu'ils trainent quant & eux, †"º
pourleur ſeruice. Aprcs ceux que nousvenons de nommer , ſuiuent en
l'ordre de la porte du Turc enuiron trois cens Selictars ; tous gens de
cheual, quide ſimples Genniſſaires ſont paruenus à ce degré: Et conſe- .
quemment les Caripi, c'eſtàdire eſtrangers,ainſi appellez pource qu'on sea,,
les prend
lans del'Aſie, del'AEgypte,
& hazardeux, qui ont ſoulde&l'vnauec
del'Afrique. Ce ſont gens
meilleur,l'autre fortmoin-
auec vail-Caripi..
dreappoinctement. Puis les Alophatzi ou Mercenaires en nombre de Alophatzi.
huict cens:& apres cuxlacompagnie des deux cens Spachi , tous enfans
des plusgrands de la cour,& de ceux quiſe ſont pôrtez en gens de bien.
leſquelsapres auoir ſeruy quelque tempsàla chambre,ona de couſtumes .
de mettre là,& en ſubſtituer d'autres en leur place.Voila à peu pres l'or
dre & eſtat de lamaiſon du Turc.Ilya deux chefs au demeurant en toute
cette Monarchie, qui commandent & ſont ſuperieurs aux autresil'vn en
Europe, qu'on appelle le Baſſa ou Beglierbei de la Romanie; & l'au- Deux Begli- |
tre en Aſie, qui eſt celuy de la Natolie : Car toutes les compagnies de § .
gens d'armes, tous les Capitaines & membres d'icelles leur obeiſſent,†
&lesaccompagnent partout;comme font auſſi les Saniaques,ougou-º"
v - M
· I34- Liure cinquieſme
†"uerneurs qu'on appelle Gonfallonniers , leſquels eſtans aduancez à
pays. cette dignité par le Prince,ont priuilege de faire porter autant de ban
nieres ou cornettes deuant eux, comme il y a de villes ſoubs leur de
partement. Ces gouuerneurs icy ſont ſuiuis des magiſtrats & officiers
deſdictes villes , enſemble de leurs gens , quelque part que la guerre .
tire : cariln'ya perſonne qui ne ſçache ſoubs qui il ſe doit renger. Puis
uâd tout eſtaſſemblé en vn camp,l'ordre qu'on y garde cômunément,
eſt de reduire & departir les gens de cheual par regiments, & les Azapes
ſoubs vn colonnel. -
"" ua tout le contour eſtonné & eſmeu, ny plus ne moins que de quel
R, -
- 15 • A e - - •-r-v . - - - - - _-
pour eſmouuoir & faire ſoubs-leuer les Turcs; touchant à la main de de l'Aſie
tous ceux qui ſe preſentoient, & leur promettant le double de tout ce
qu'ils auoient onques euſoubs Amurat. Ce quifut cauſe que quelques
vns ſe rengerentà ſon party, en petit nombre toutesfois, iuſques à ce
qu'eſtant paſſéenAſie auecle ſecours quel'Empereurluy donna, il prit lsorces
d'arriueevn lieu nómé la Chappelle, & de là tirant plus auant en pays, "
les Turcs par tout oü il paſſoit s'alloient ioindre à luy , comme au
fils de leur feu Seigneur. Sur ces entrefaictes, Helias le Saraptar,c'eſtà
M ij t
136 Liure cinquieſme
†" dire Eſchançon,auquelMechmetauoit laiſſé la charge de ceieune Prin
OUIUlcTnCllI - -
§u Palais,oûilleluy liura entre les mains, & fut ſur la place eſtranglé auec
†
cle & ſon fre vn licol, à la maniere accouſtumee. On dict queThezetin, iſſu du no
#* ceux de ble & illuſtre ſang des Rois d'Ertzingan,quandilouyt le tumulte desen
Tous - 2 -
# qu'Amuratalla mettre le ſiege deuant, & la battitfort & ferme auec ſon
#. artillerie,taſchant partoutesvoyes & manieres de la prédre,ſans que cela
## luy ſuccedaſt en rien; nomplus que le complot † aUlO1C1lt faict les ha
Iat . bitans de creuſer ſecrettement des mines en pluſieurs endroicts, par où,
au deſſoubs de la muraille & du foſſé, on s'alloit rendre dans ſon camp;
§ qu'ils furent deſcouuerts parlesVenitiens, & pris preſque tous:
es autres s'auallerent en bas durampart,& ſe ſauuerent deuerslesTurcs.
A la fin toutesfois la ville fut priſe d'aſſaut du coſté du Chaſteau, par
où on l'auoit approchee & commencee à battre.I'ay entendu que cefu
rent les Genniſſaires,leſquels faiſansvn grandeffort monterent les pre
miers ſur la muraille, & firent le cheminauxautres; tellement qu'elle fut
toute ſaccagee,que perſonne n'eſchappa qu'il ne fuſt mort ou pris. Mais
ie croy quant à moy qu'elle fut priſe par trahiſon,car c'eſtoitvne bône &
forte placç, & aureſte riche, grande & puiſſante, ne cedant de rien que
ce ſoit à pas vne des autres del'Empire des Grecs, de faict on ne voyoit
1 venitiens gueres autre choſe partous les marchez del'Aſie & Europe, que les pau
i eſt - - > - X
ſer; & obeyr encore en tout & par tout à ſes commandemens. Amurat Amº #.
luy demanda ſa fille en mariage par le Baſſa Sarazi, mais Chali l'amena †
u Deſpote -
†
† conium ou de Cogni, eſt bien plus riche & plus grande; de longue
§ main reiglee de bonnes oix,ſtatuts,&ordonnances notables,auſſi eſtoit
cel'ancienne demeure & retraicte des Rois. Et pour-ce que les montai
gnes d'alenuiron ſont fortes & malayſees au poſſible, les Turcs ne s'a
muſerent pas à les combattre, ains deſtournerent tout le faix de la guer
re ſur le plat pays, qu'ils alloient conquerans pied à pied. Au regard de
Larande,elle eſt ſituee au bas des montaignes qui ſont en ces quartiers là,
ſans eſtre autrement remparee ne munie pour endurer vn ſiege : I1CaIlt
tre frere nommé Eſtienne y eſtoit deſia. Quelque temps apres , Amurat
- fut aduerty de ſe dönergarde d'eux, pource qu'Eleazar leur pere eſtoita
pres à faire quelque menee àl'encontre de luy, où ſes enfansluyaſſiſtoiét inhumanité
ſecrettement, ce qui fut cauſe qu'illeur fit à tous deux creuer lesyeux:& †"
uers les en- '
ainſi en peu de iours ayant † Spenderouic auec le reſte du pays des †:
- - - - - \Cè: dcS l3lll2a
Triballiens, laiſſa par tout de bonnes & fortes garniſons, puis ſans re-†º"º
• mettrel'affaire en plusgrande longueur, paſſa outre tout de ce pas con
tre la ville de Belgrade en Hongrie. Cette place icy eſt enuironnee de #
I42 Liure cinquieſme
deux riuieres qui la flanquent ; le Danube d'vn coſté , & celle de
Saue de l'autre , qui ſe va rendre dans le Danube vn peu au deſſous:
Parquoy Amurat eſtant arriué là deuant, eſpandit ſes gens à l'en
tour , & l'enferma de toutes parts : Puis auec ſon artillerie ietta
Le 6ege de . " grand pan de muraille par terre , mais ce ne fut pas ſans que
† † ceux de dedans leurfiſſent beaucoup d'ennuis & de † cepen
§ dant, à coups † , d'arbaleſtes , &autres tels baſtons &
†" machines de guerre dont ils eſtoient fort bien munis,de ſorte qu'ils en
| tuerentvn grand nombre : & n'yauoit en toutle camplieu ne endroict,
pourſe mettreſeurement à couuert, que ſoudain on ne ſe trouuaſtac
cablé d'vne nuee defleſches & de traicts, quiy pleuuoient inceſſamment
v .. de tous coſtez.Tant de dangers neantmoins, & d'images de morts ainſi
§ preſentes, ne peurentintimiderHaly fils de Brenezes,ny le deſmouuoir
† de pourſuiure ſon entrepriſe encommencee, de tirer vne grande tren
chee iuſques ſurlebord du foſſé, où ilallabrauement dreſſer ſon pauil
lon, & arborerles enſeignes de ſon regiment tout le long de la douue &
contreſcarpe : & apresauoirà coups de fleſches deſlogé ceux qui du haut
durempart&des platte-formesluyfaiſoient le plus d'ennuy,& recogneu
†, luymeſmelabreſche, en perſonne, donnavnaſſautſifurieux, que de la
† premiere poincte les Genniſſaires renuerſerent tout ce † ſe trouua au
§" deuant.Et eſtoient deſia maiſtresd'vne bonne partie de la ville penſans
# auoirtout aigné, quand ceux de dedans s'eſtans ralliez, & ayans repris
nouuelles † , & nouueau courage,leur vindrentaudeuant comme
ils eſtoient eſcartez & eſpanduz, & en tuerent pluſieurs, rembarrans le
reſte en grande confuſion & deſordre iuſques à la breſche par oû ils e
ſtoient entrez, là oü pluſieurs laiſſerent encore les vies, en la foule de
# ceux qui ſeparforçoient, les vns d'entrer, les autres de ſortir. Amurat
§a cogneut bien par l'iſſue de cette tétatiue,ce † finablemétil deuoitat
de, tendre de ſon entrepriſe : au moyen dequoy ſans s'y opiniaſtrer d'auan
tage, il fit ſoudain trouſſer tentes & pauillons,& s'en retourna à la mai
ſon. Maisillaiſſa de groſſes garniſons tant de cheual que de pied ſur les
-.
frontieres des Scopiens, & des Illiriens, ſous la charge d'vn de ſes prin
cipaux Capitaines,lequelauoit eſpouſéſa ſœur,afin de courir & endom
†
Boſſine voi mager touſiours les peuples delà autour, & les matter àla longue : meſ
†a mement ceux de la Boſſine , pays fort rude & montueux qui s'eſtend iuſ
#e• ques en l'Eſclauonie,le long du goulphe Adriatique. La ville capitale
eſt Iaitza, flanquee de la riuiere de Vukrine, qui ſe va rendre dans celle
de Saue, & delà toutes deux de compagnie dans le Danube.Le Seigneur
dela contreelavoyant perdre & ruiner deuant ſes yeux par Iſaac, auoit
aſſemblé quelques gens poury reſiſter; mais apresauoir à part ſoy bien
examiné quelles eſtoient les forces des ennemis, & meſuré les ſiennes à
l'encontre; de crainte de hazarderſon eſtat tout à vn coup contre vne
telle puiſſance, enuoya ſes Ambaſſadeurs pour requerirla paix, à condi
tion que delà enauantil ſeroit tributaire duTurc, & luy payeroitvingt »
· .. cinq mille ducats chacun an, à quoy il fut receu. A cette region confine,
Del'Hiſtoire des Turcs. 143 \
le pays d'Eſtienne fils de Sandal, qui eſt auſſivn peuple del'Illirie, lequel
s'eſtend iuſques à la mer Ionie : toutesfois ils ſouloient eſtre ancienne
ment ſeparez des autres Illiriens,encore qu'ils ne ſoient aucunement dif
ferends en mœurs ny façons de faire, ſinon qu'ils n'vſent pas de meſmes
loix. Cuduerges ſont appellez ceux qui habitent ce pays de Sandal,entre ººgº .
lequel & celuy del'Epire, ilya quelques places des Venitiens,dansleter
ritoire meſme d'Iuain Caſtriot. Puis ſuit apres celuy de Comnene,la plus †º
grand'partau long de la marine, ſinon que parle dedansils'alonge,mais º
c'eſt par bien petit eſpace, iuſques aſſez pres de la ville d'Argyropoliné;
là oüle Lieutenant generald'Amuratauoit ſon armee,faiſant de grands
maux & dommages partoutes les terres d'Iuain, & des Comnemes; tant
u'à la parfin ce pauureSeigneur entierement ruiné,& n'en pouuât plus,
§ contrainct de recourir à ſa mercy,&mendier enuers luy quelquecho
ſe pour ſonviure : maisapres ſamort,le filsd'iceluy fut reintegré enl'eſtat
& Seigneurie de ſon pere.Arianit tout de meſme,quiauoit pareillement Ananuf,de
eſté deſpoüillé de la ſienne, s'en alla pourſuiure quelque recompenſe à la ſ†
tant rendu à
porte: puisſoudain s'eſtantraduiſé,trouua moyen de faire entendre
main à ceux du pays, dontilauoit eſté mis dehors à force d'armes, que #ſous § COIllIC .
uoient retirer chargez de proye, & debutin, d'eſclaues, & autres tels Lamºrra.
empeſchemens : de ſorte que les premiers qui à leur retour ſe voulurent #º"
eſſayer de forcer le pas,furentbrauement repouſſez parles Albanois:de- .
quoy les autres quiauoiét eſtélaiſſez par Haliàlagarde dupays,s'effroye
^.
§ pellerent
d'Arianit ſe
meſme, &Depas,
ſe rebeller
pourdecſtre
leurleur
partauſſi
chef&contre lesTurcs.
conducteur Parquoyilsap
: ce qu'ils firentd'au
rebellent cö
§.. blé ſes forces, il s'en alla mettre le ſiege deuant, & l'aſſaillir viuement
auec toutes ſortes d'engins & machines de guerre:car ilyauoitlà dedans
vne garniſon de Genniſſaires, & grand nombre de Turcs naturels qui
s'y § retirez : tous leſquels ſe deffendoient d'vn grand courage:Et :
†" mis le ſiege deuant vnetelle & ſi importante place, aſſembla prompte
ºº ment la plus groſſe armee qu'il peut & aueclesTurcs meſmes qui eſtoiét
habituez en Theſſalie, fit telle diligence à trauers les glaces & les neges
(car c'eſtoit en plain cœur d'hiuer)que le ſecond iour il arriua à la veuë
d'Argyropoliné,où il ſurprit les autres,quine ſe doutoient de rien moins
Dcffuite des # ue de ſa venue:Tellement que de plaine arriueeil en tailla en pieces plus
† de mille, & prit le capitaine Depas priſonnier. Par ce moyen fut ſecou
§- rue & deliuree la ville d'Argyropoliné,&les Albanois contraints de nou
" ueau à receuoir leiou g de la ſeruitude accouſtumee.Lesautresquieſtoiét
• à piller à la campaigne de coſté & d'autre comme nousauons dit, & meſ
mes les plus grands de leur armce, quand Thuracan arriua ainſi à l'im
pourueu
De l'Hiſtoire des Turcs. I45
pourueu, n'eſchapperent pas pour cela, car en fuyant ils tomberent és
mains des autres Capitaines d'Amurat, qui les firent tous mourir cruel
lement en diuerſes ſortes. - - ·,
en fort grandeſmoy pourla perte d'vn tel perſonnage, caril n'y enauoit coupdemouſ
quet en reco
plus d'autre pourcomander parquoyils ne firent pas long feiour là de §
- - • I • , - . . - - - llcd'H
uant, & ſe retirerent en diligencevers le Danube Mais ils ne le peurent †
paſſerſi à temps,que ceux du pays qui s'eſtoient mis en armes, ne leur"º
euſſent couppé chemin, oû ils en tuerentvn grandnombre,le reſte eſtât
mis à vauderoutte ſe ſauuerent le mieux qu'ils peurent. Voila l'iſſuë
† voyage de Mezet enTranſſiluanie, auquel il fina ſes iours, & '
1 perdit encore la plusgrande partie des forces qu'il y auoit conduictes,
ſansy auoirrien exploicté. Amurat fut deſplaiſant au poſſible de ceſte †
perte,qu'il reputoit fort grande;mais il remit incontinent ſusvne ſecon- #
de entrepriſe contrelaTranſſiluanie, & enuoya de tous coſtez aduertir†.
ſes gens de guerre,deſetenir preſts à marcher ſur le commencement du †#.
renouueau , ſe deliberant dy aller en perſonne, toutesfois il changea §"
d'aduis fuiuantl'opinion de l'Eunuque Sabatin, homme fort excellent statiº Es.
enl'art delaguerre,auquelil remit ceſte charge, & luy commandant de †
ne partir de la,qu'iln'euſt du tout reduict le paysà ſon obeiſsäce. Sabatin §
auecles forces qu'illuyauoit ordonnees,& bien quatre milleGenniſſeres #º
de la porte,qu'il prit de renfort,s'achemina droictau Danube; & l'ayant
S
†" retraicte, chargez d'eſclaues, & autres deſpoüilles & butins : Ce quileur
§ſ ſuccedaſibien,que les autres ſans ſe douter de rien vindrent en deſordre
nladc. " donnerdans le § oüils demeurerét p
†" > preſque
q tous:Étn'vy en eut p
pas beau
coup qui allaſſent porterles nouuelles de cette ſeconde routte, à ceux de
leurs compagnons qui s'eſtoiét ſauuez de la premiere. Ces deux deffaites, -
autant belles & memorables qu'on euſt point encore obtenues en ces
marcheslà,apporterent vne fort grande reputation à Huniade enuers les
vns & les autres: Aumoyen dequoy il eſt bien raiſonnable de dire quel
que choſe en paſſant de ce tant renommé & excellent perſonnage,qui fit
deſibelles choſes en ſon temps, & meſme à l'encontre des ennemis du
nom Chreftien.Il eſtoit en premier lieuTranſſiluain de nati6,de lieu non
du tout ignoble & incogneu; & vint du commencement au ſeruice du
L,
niade,
en monſtra
Prince desTriballiens, àla ſuitte duquelil demeura bien longuement,&
en toutes les occaſions oü il fut employé,vn fort grâd deuoirde
proüeſſe & diligence. On dict qu'vne fois que ſon maiſtre eſtoit allé à la
chaſſe, ſes chiens leuerent vn fort grand loup, lequelil commanda à
Huniade de pourſuyure à toutebride, quand bienildeuroit gaſterſon
cheual, car il ſe forlongeoit deſia.Il ſe mit apres, & le preſſa de telle ſorte,
qu'il fut contrainct de ſeietter dans vne groſſe riuiere, laquelle il paſſa à
nage, & Huniade pareillement,ſans quelaroideur & § de l'eau
l'en peuſt deſtourner, ſi bien que finablement il r'approchale loup, &
cut moyen de le tuer.Puis le deſpoüllaluy-meſme ſur la plaçe, & repaſ
ſantla riuierevne autre fois, apporta la peau au Prince, luy § : I'ay
faict (Seigneur ) ce qu'il t'a pleu me commander, en voila les enſeignes
- /
2 t, • - - - - -
fois; & ſivſent les gens de cheual meſmes , d'arbaleſtes dacier auec
beaucoup d'autres telles ſortes d'armes offenſiues fort eſtranges, dont
' ils ſe ſçauent bien ayder contre ceux qui leur voudroient # teſte.
Mais ſion leur quitte la place, & qu'on fuye deuâteux,al8rsils ne s'opi
niaſtrét pas beaucoupa chaſſer, ny à reſpandre le ſang: & donnent firia- .
blemét § volôtierslavie ſion la leur demâde, & qu'on aduouë d'eſtre
vaincu,r'enuoyäs ceux qui ſe ſoubs-mettétà leur mercy quittes & exépts
de toute rançon,à la charge delà en auant de ne porter plus les armes c6
tr'eux. C'eſt la forme qu'ils ont aecouſtumé de garderes batailles & ren
contres,où peu deleurs ennemis laiſſent la vie, ſi ce n'eſt enl'ardeur du
combat,& pendant que la victoire ſe diſpute encore, dont ils ſont con- .
† puis apres ſous la conduicte dudict
uoiteux ſur tous autres.Les
Huniade paſſerent en valaquie, là où ils mirentvn Seigneur àleur deuo
tion,appellé Danus ou Daas, & ordonnerent au † de luy obeyr.
#º Au moyen dequoyce Daasayant depoſſedé Dracules,qui fut contrainct
- de ſe retirerà la porte du Turc,s'empara & mit en poſſeſſion du pays, oü
il fit cruellement mettre à mort tous les parens & amis de ſon † -
ſeur, qui luy peurentvenir entre les mains On† que ces Princes icy
† regnerent en Valaquie, eſtoient baſtards de Myrxas; dont les vns,
oubsl'opinion qu'on auoit qu'ils fuſſent ſes enfanslegitimes, furétad
mis à la Seigneurie par certains gentils-hommes des plus nobles & plus
riches de tout le pays;eſtimans que ce ſeroit le bien & le ſoulagement du
peuple, ſi ceux du ſang de Myrxas venoient à commander abſolument.
Ie me ſuis autrefois enquisdel'vn & del'autre,& ay ſceuauvray de quel
le race ils eſtoient, maisie n'ay pasintention de le publier:Aumoyen de
quoy pourretourner à Daas, ayant ainſi eſté auancé par les Hongres §
· la principauté de Valaquie, dont il demeura paiſible de là en auant, i
ſe monſtra touſiours fort fidele & affectionné enuers eux.Et comme
il ſe trouuaſtgrandement moleſté des Capitaines d'Amurat,quieſtoient
en garniſon le long du Danube, & parinterualles ſeiettoiétà l'impour
ueu dans ſes pays,oüils faiſoient de grandes ruines & dommages, il en
#Vºlsques
tributaires
uoya ſes Ambaſſadeursà la porte pour demanderla † obtintà la
§ Parfin, moyennantvntribut de trois milliersdefleſches, & quatre mille
De l'Hiſtoire des Turcs. I4-9
pauois,qu'ildeuoit fournir parchacunah: Tellement qu'il eut lors tout
moyen & commodité d'ordonner & eſtablir ſes affaires à ſon aiſe. Il en
uoya pareillementvn Ambaſſadeurau Prince de laNoire Pogdanie,auec Pºdolie, des
lequelil fit ligue,& en tira depuisvn bien grand ſecours, en l'affaire qu'il†
eut contre Dracules.Telle donques fut la reformation que prirent les
affaires de Valaquie,ſoubs ce nouueauSeigneur.
MA1 s pour retournerà Amurat, il enuoya quelque temps apres ſon , x. .
armee de mer en la coſte de la Colchide, & †. de Trebiſonde r †
pouryfaire vneraze,& taſcher de ſurprendre la ville car il y auoit bien à †º
aigner,tant enricheſſesdetoutes ſortes, qu'en eſclaues : ce que toutes
ois ne luy reuſcit pas, & ne peut eſtre executé.Parquoy cette flotte paſ
ſa outre à lavolte de Gothie,où elle fit beaucoup de maux,& y chargea
vn grand nombre d'ames priſonnieres.maisau retourellcfutaſſaillie #
negroſſela tourmente
appelle & orage
Bize,quiſe leua du vent
ſoudain Aparctias,
ſiroide que vulgairement
& impetueux,que on §.
la plus gran- Naufagede llf •
§ du tout liguez auecles Spinoles, & les Fregoſes auecles Dories. Quand
†" doncques le Duc eſt crée, illuy eſt loiſible d'adminiſtrer la Choſe publi
Ligues des § ſelon ce qu'il luy ſemble eſtre le plus à propos pourlebien & repos
† 'icelle,appellé toutesfois au conſeilauecques luycertain nôbre des plus
§" nobles & apparens Citoyens,& ſans ſe departir de la formalité des loix
& anciens ſtatuts & ordonnances.Au regarddeleur domaine,leurs ſub
ſides,gabelles,& autres impoſitions du public,il en diſpoſe comme bon
luy ſemble; mais de la paix ou de la guerre,le† delibere en pleine
Lauthorité aſſemblee,oûl'affaire ſe determine. Que ſi la guerre eſt arreſtee contre
† quelqu'vn,ils en laiſſent puis apres la charge au Duc,qui prend ſur luy la
† #. conduitte des affaires à meſure que les occaſions ſe preſentent , & pour
# uoit que l'eſtat ne tombe en quelque deſconuenuë pernicieuſe. Au reſte
aſſiſte. les cauſes & procés des Cytoyens reſidens en laville, ſont decidez par des
1aIuſtice de º8º deputez,qu'on a de couſtume d'eſlire de la famille qui eſt alors en
G§ " la plus grande vogue & credit & neantmoins s'iliugent contre lesloix,il
, eſt loiſible à la partie intereſſee d'en appeller par deuât le peuple.Or com
# me ces deux maiſons des Spinoles & des Dories ſe fuſſent animees l'vne
†
vns le Roy, cotre l'autre, & aigries d'haynes & rancunes particulieres côceuës de lon
les autresºu gue main,elles auſſi precipiterent leur cité en de tres-griefues calamitez:
- - - - - -
§N§ ditte la Meſapie, de l'vn de ſes premiers Roys Meſapius, & de ce coſté là
Ie ne ſçay ce s'eſtendle longde la merAdriatique, coſtoyant à main droicte le Du
§ ché de Barri,qui eſt vne contree du tout Royale,& bien digne de ce nom
†.là.
ſi ce n'eſt que Audelà de Gepanum oû ſont les Brutiens, § terre de La -
afin qu'elle paruſt encore plus belle àl'ennemy, & que par ce moyen ce
qu'ils auoient proiecté & baſty ſurlaconcupiſcence d'iceluy, fuſt execu
te plus promptement. Quoy que ce ſoit, la choſe aduint en la ſorte &
maniere que nousauonedit. Mais atant eſt ceaſſez parléd'vne choſe,qui -
AP REs le decés de Vladiſlaus, ſa femme fut fort moleſtee des Ita- l#.
liens pourraiſon du Royaume; & les Seigneurs du pays luy firent quant †º
& quantbeaucoup d'algarades Au moyen dequoyelleſe remaria à René Naples
- - † apres
Comte de Prouence,couſin germain du Roy des François; & luy mitla †
couronne entre les mains. Cette Princeſſe eſtoit fille du Ducd'Ottrante, # #
& dela Poulhe,dela maiſon des Vrſins,riche & puiſſant Seigneur en ces † #
marches là; en la compagnie de laquelle René gouuerna le Royaume §†º
parl'eſpace de douzeans : & cependant Alphonſevenu du ſang des Ducs .
de Medine qui eſtoit Roy d'Arragon, de Sardeigne, & de Valence, ar
II12 grand nombre de vaiſſeaux, qu'il emplit demattelo ts Siciliens, & a
uec ceſt equippage vogua droict en Sicile, qu'il conquit & rengea à ſon
obeyſſance. Puis s'eſtant acheminé à Naples, aſſiega fort eſtroittement
laville de toutes parts,faiſant approchergrand nombre de pieces, tant ,
pour battrelamuraille, que pourrompreles deffences,là où vn ſienfre
refut tuéd'vn coup de canon. Mais incontinent apres la place luy fut tºrtiſe de
rendue : & ſiput encore le fort de terreferme par famine, & celuy de la †
mer par compoſition,pource quelesſoldatsquieſtoient dedansn'eurentº"
pas le cœur de ſe deffendre, ains ſe rendirent aſſez laſchement. Il y mit '
vne bonne garniſon, tellement qu'ilne reſtoit plus que le Chaſteauaſſis
àl'emboucheure du port, & enl'vn des † de la muraille, qui ſe va
eſtendre enforme d'aiſleiuſquesſurleborddelamer. La Roynes'eſtoir
I54- Liure cinquieſme - ,
† tout entierement : Cela faict, & ayant misſus vne groſſe armee, s'en alla
# de rechefdeuant Naples, & la prit encore, tellement que la Royne fut
" contraincte d'abandonnerle chaſteau, & s'enfuyr à garend deuers ſon
fils, le Prince d'Ottrante & de la Poulhe:Carapres la mort de Vladiſlaus,
elle s'eſtoit remariee au Seigneur de cette contree là, dont elle auoit eu.
vn enfant. Alphonſe apres s'eſtre emparé de Naples, & des enuirons,
s'en alla faire laguerre au Prince deſſuſdit, fils de cette Royne Marie : Et
auoit deſia pris quelques places ſurluy, quand parle moyen des Ambàſ
ſadeurs qui alloient & venoient d'vne part & d'autre, la paix fut arreſtee
entreux, & par meſme moyen le mariage de Ferdinand fils naturel d'Al
phonſe, auec la couſine germaine du Duc de la Poulhe, fille du Marquis
' '» de Venouſe; ſous des promeſſes ſolemnelles de demeurer bonsamis,al
liez, & confederez à l'aduenir. Puis s'en allereut tous de compagnie à
Naples ;là où lé Duc prit opinion † luy vouloit faire quelque mau
, uais tour, & en entra envne freneſſe,& deſuoyement d'eſprit.Au moyen
dequoyles Royaumes de Sicile& de Naples,demeurerent lors paiſibles à
Alphonſe. Il eut puis apres de fort grandes & longues guerres, tantoſt
contre les Venitiens, tantoſt § Florentins,puis fit la paix finable
mentauec eux. Le Roy René qui eſtoit allé † du ſecours,ainſi que
• nous auons dict cy deſſus,arriua deuant Naples à toutvn grand §
devaiſſeaux Geneuois; neantmoinsil ne aignarien pour cela,& fut c6
- trainct de retournerarriere; voyant que † † s'en alloit en fu
##† mec. Orauoit Alphonſe quand il partit d'Arragon, laiſſé le gouuerne
§
de Nauarre,
ment du Royaume à ſon frere, auquel les Nauarrois s'eſtoient donnez
- - /
par le moyen apres le decez de leur Roy, dont ilauoit eſpouſé la fille : car la plus gran
†e de partie des peuples du Ponant, encore qu'ils payent de gros deuoirs &
d'iceluy ſubſides, ſi eſt ce qu'ils n'endureroient pas qu'on leur donnaſt des gou
uerneurs outre leurgré, neauſſi peu des gens de guerre pour les tenir en
bride&ſubiectionains creent eux meſmes leurs magiſtrats,&ſegardent
1.r - delºurs ProPres forces, ſans yappeller des eſtrangers : Et ſi ne ſeroit pas
N§ loiſible à leurs Roys, de les contraindre d'adminiſtrer leurs choſes publi
† ques, contreles anciens ſtatuts & ordonnances.Ainſiles Nauarrois ayás
ze ans a l'ad
miniſtrati / I» - 2 - - - -
º
De l'Hiſtoire des Turcs, 155
congéàl'autre; luy diſant que puis † vn fils deſia grandelet, il
falloit qu'il ſe demiſt du maniment du Royaume enſes mains,& qu'il n'y
auoit plus que veoir : cela toutesfois aduint quelque temps apres.
: .1 1 : r - - X II f.
O R pour retournerà Alphonſe, quandil fut arriué en Italie, illaiſſa p#
tous ſes pays patrimoniaux à ſon frere,leſquels prennent leur commcn- #
cement au territoire de Valence, riche & opulente cité, & ſiege capital Valence,
de ce Royaume là. Elle eſt ſituee à l'oppoſite de Sardeigne, s'eſloignant
du deſtroit de Gilbatar quelques ſept cents ſtades. Arragon vient apres
quis'eſtendiuſques à Barcelonne, & Catalongne,laquelleva atteindre le
paysde Lâguedoc & de Prouéce, qui ſont des appartenâces des Frâçois. -
Mais pour parler plus particulieremét de ces confins & limites;le Royau-, Les limites"
me d'Arragon a du coſtéd'Orient la Prouence : Deuers Soleil couchantº
les Eſpaignes : au Septentrion Nauarre : au midy la mer Mediterranee,
front à front de la Barbarie. La ville de Barcelonneau reſte, ſous la per- Barſienne.
miſſion & conſentement du Roy , eſt gouuernee par les principaux &
plusapparens Citoyens, preſque en forme d'vne Ariſtocratie, & eſt à Pline met
3.2ooo. pas
l'oppoſite de l'Iſle deCorſe,anciennement appellee Cyrnus,quicontient ſtades,&a
§Sar.
de circuit deux mille ſtades. † & Minorque ne ſont pas gueres deigne 4576.
- - - | . : . \
que de paſſer en Italie il eut quelques guerres, & differends auec celuy # #
§
† ne, & fut finablement pris en vn gro s conflict par l'vn des Capi †:
Aluarez, auec ſon frere le Roy § Nauarre, dont"
nous auons parlé cy deſſus. Ceſt Aluarez icy eſtoit naturel du Royaume ramºiſe
d'Arragon,venu de fort bas lieu , & neantmoins par ſa vertuil paruint à #
eſtrel'vn des premiers hommes de toutel'Eſpaigne:tellementqueleRoy §n'arra
l'auoit fait ſonLieutenât general,outre autres grâds hóneurs& "
aduancemens; car il ne ſe trouuoit en affaire ſi dangereux qu'il n'en ſor
§
tiſtà ſon honneur.Dequoy les Seigneurs du Royaume ayans conceuvne
hayne & enuie mortelle àl'encontre de luy, pource qu'ils ne pouuoyent
plus comporter devoirvn eſtrangerainſi aduancé par deſſus eux, fuſcite
| • #
- r % e • • .
R§, foislameſlee s'en eſtant enſuiuie forte & roide de tous les deux coſtez,
# Aluarez en obtint finablement la victoire, & mit les Arragonnois en
rez Lieutenât
†" fuitte,oüily en eur grand nombre de tuez : & ſi prit encore les deux fre
- res priſonniers,leſquels il preſentaau Royſon maiſtre. Il ne leur fit au
tre mal ne deſplaiſir, ſeulement les fit promettre & iurer de iamais ne
#" prendre les armes contreluy; & par ce moyen furent deliurez. Mais il
§is fut encore prisvne autre fois, depuis qu'il fut paſſé en Italie, en la ren
contre qu'il eut par mer auec les Geneuois(comme nous auons deſia dit)
· & menéau Duc de Millan,quipareillement le laiſſa aller.Quelque temps
, apresilrepaſſa en Arragon, pourvcoirſafemme qu'il y auoit laiſſee lors
qu'il en partit pouralleren ltalie, caril y auoit fait vn fort long ſeiour,
partieapres les guerres & affaires oü ilauoit eſté occupé, partie apres l'a
mour, & autres plaiſirs auſquels il eſtoit addonné & enclin. De quelle
ſorte les choſes luy ſuccederent finablement, nous le dirons cy apres.
Cependant le Roy de Caſtille s'en alla faire la guerre à celuy de Grenade,
#les qui eſtoit Afriquain & Mahometan.Carles peuples de l'Arabie habituez
de Luntune,
§, en Afrique,ayanslon gtemps auparauant † le deſtroict de Marroc,
#
† de Iean en cet endroict,où la mer quiſepare la terre ferme de l'Europe d'aueccel
†" le de la Lybie, n'a de largeur que deux cens cinquante ſtades tant ſeule
l'an 712.
| ment, s'emparerent d'vne grande partie des Eſpaignes, & apres auoir
| eſtenduleurs conqueſtes & limites de coſté & d'autre, voire couru & pil
| | | | léle Royaume de Valence, eurent bien finablement la hardieſſe d'entrer
|| és Gaules; Mais les François s'eſtans ioincts auec les Roys d'Eſpaigne
, leurallerent au deuant, & les contraindrent de ſe retirer dans vne place
| forte au poſſible, laquelle neantmoins ils prirent depuis, & les rembar
†"
rent du tout rerent bien loin delà.Pourleiourd'huy encoreils vont ſouucnt faire des
chaſſez de - · *-- … -; - - - •
l'Eſpaigne, & courſes iuſques aupres des murailles, & y meinent quelquesfois leur ar
§ mee.Ainſi le Roy
de G de 1. - † Dom Iean,celuy là meſme duquel no°par
2 • - - -
ran ,,.. qu ils eitolet della prelque rcduits a l extremite;lans 1çauoir pl* quel par
ty prendre,quand ils s'aduiſerent d'vne telleinuentiô. Ils chargerét dou
" zemulets de fort belles figures,en chacune deſquelles)lesayâs couppees
parle milieu,& puis reiointes)ils cacherentvne piece d'or,& les enuoye
rent au pauillon d'Aluarez.Il en ouurit quelquesvnes,& fut bienesbahy
quâdil vit ce quiy eſtoit enclos:Parquoy il s'équit de ceux quicoduiſoiét
le preſent,que cela vouloit dire.Ils firentreſpoſe,que leurRoyauoitaſsé
- - . - blé
* 15 r r • ra • :--
drent au ſecours des Eſpagnols, contre les Mores & Sarrazins,qui domi
noient vne bonne partie § pays,& retirerent des mains de ces meſcreás
le Royaume de Nauarre,dontilsiouyrentfort longuemét depuis: Pour- Le Rºyaume
tanton eſtime que ceſte couronneleurappartient,& qu'iln'yaautre que #
ceux de ce ſangtres-Chreſtien,quiſy doiuentimmiſcer Carl'Empereur # §
Charlemagne, & autres Roys de France le conquirent à la poincte de †
l'eſpee ſurlesSarrazins,& pourtäten ont laiſſé le droit à leurs ſucceſſeurs: º
tellement que le frere d'Alphonſe n'y futadmis,ſin6 ſous cette códition,
† tout auſſitoſt qu'ilauroit euvn fils § la Princeſſe ſa femme du parété
es Rois de France,ilremettroit le Royaume entre les mains d'iceluy, &
s'en departiroit totalement.D'auantage que là où il aduiendroit †
mourroit ſans enfans, l'eſtat retourneroit aux Roys tres-Chreſtiens.
Voila pourquoyles Nauarrois (côme nous auons dict cy-deſſus)plante
rentlàl'Infant d'Arragon,pour ſe renger ſoubs l'obeiſſance de ſon fils,
qui du coſtématernel eſtoit deſcendud'iceux Rois de France.Toutes leſ
quelles choſesi'ay bien voulu touchericy en paſſant,car elles faciliteront
grandementl'intelligéce de l'hiſtoire quiſuiuracy-apres: Au moyen de
quoy ie reuiens au propos que i'auois delaiſſé. - O
- | 158
· LE SIXIESME LIVRE · •
D E L' H I S T O I R E D ES
T V R C S, D E LA ON I C CHA L
A T H E N I E N.
coNDY L E \
S o M M A I R E, E T c H E F S P R I N CI PA V x
du contenu ence preſent liure.
deles ſecourir d'vne groſſe trouppe de gens, & ſollicitoit encore le reſte .
de ſe ſouſleuer.Amurat ayant †aduerty de ce quiſe braſſoit côtre luy,
fut contrainct de changerd'aduis, & ſe retirer de ſon entrepriſe ia ache
minee, pour aller † guerreau Caraman mais il depeſcha premie
rement Thuracan gouuerneur de la Theſſalie,auec les forces de ſon re
giment, pour ſe ſaiſir du deſtroit del'Iſtme, qui eſtà l'entree du Pelopo
neſe, & de là courir & gaſterle dedans du pays eſtant encore en l'obeiſ
ſance des Grecs : cela fait qu'ils'en retournaſt au logis. Thuracan pre-†
nant auecques luy les gens
- 8-", de guerre de laTheſſalie, & dela Perabie qui #cº
- -
eſt prochaine du matez, s'achemina droict à cette emboucheure deterre cºurſes des
qu'il gaigna de plaine venue, pource que les ennemis l'auoient deſia †
quictee : Et de là s'efpandant tout à ſonaiſe dans le large du pays, fit par
merueilleuxdegaſt & ruine; car il courut iuſques aux portes de
tOllt VI1
Barons du Royaume, qu'il leur mit en teſte de prendre les armes auec
luy contre lesTurcs:car illeur propoſoit de belles choſes, & faiſoit de
grand's offres,meſmement d'vnegroſſe ſomme de deniers qu'il deuoit
fournir pour la ſubuention de ceſte guerre,dontilleur fit ſurle châp deli
urer vne grand'partie, comme pour arres & ſeureté de ſes promeſſes:
interpoſant à toutl'ayde,moyen,& faueur du Vaiuode, quiſe mouſtroit caens des
fort affectionnéenuers les Grecs.Or cſtoit pour lors Iean l'Empereur de #
Conſtantinoble en pique & mauuais meſnage auecles cº# » Pour†
4J l]
· I6o - Liure ſixieſme
raiſon de ie ne ſçay quelles denrees d'vn marchât de Frâce, tellement que
les Geneuois faiſoient diligence d'equipperleurarmee de mer, chargeás
, ſur de gros nauires de guerre qu'ilsauoient, & ſur treize galeres,lenom
bre § mille ſoldats bien armez & eſleuz,auecleſquelsils cinglerent
droict à Conſtantinople, eſperans que de plaine arriuee ils la pren
droient. Ils auoient lors auſſi ie ne ſçay quoy à demeſler congre les Tar
tares,qui fontleurs demeurances es enuirons du deſtroict de mer appel
léle Boſphore Cimmerien, leſquels eſtans en pique & querelle auecles
, habitans de Capha,ſaccagerentleur ville,& enleuerét tout ce quiy eſtoit
† de bon & debeau, Ceux de Capha en enuoyerent faire leurs doleances à
†
Colonie des Atcigereichef& Empereur desTartares, pour auoir raiſon du tort que
† ſes gens leur faiſoient, & eſtre reintegrez en leurs biens & poſſeſſions
§ mais voyans qu'il ne ſe faiſoit que mocquer d'eux, & tirer l'affaire en
longueur ſans leur en donner autre reſolution, ils eurent recours aux
Geneuois,qui prirent la matiere fort à cœur, de voir leurs ſubiects ainſi
mal menez : Dont ils ſe trouuerentauoir affaire tout à coup en deux en
droicts; & pourtant ſe preparoient pour auoir la raiſon des vns & des
autres.Eſtans doncques venus moüiller l'ancre deuant Conſtantinople,
" ils firent de plaine abordee acte d'hoſtilité, & denoncerent la guerre:
Puis tirans outre parle Pont Euxin s'en allerent finablement prédre terre
· en Capha, oü ſans faire autre ſeiourils deſcendirent en terre dans ceſte
demie iſle qu'on appelle le Cherſoneſe Taurique; & tout d'vn train tire
rent outre pouraller combattre les Tartares.Ceux cy en ayâs cules nou
uelles,& qu'6lesvenoit ainſi trouuer à la chaude,auccvneaudace pleine
de meſpris & de contemnement, coururent ſoudain auxarmes, & ſe ha
ſterent d'allerau deuant là où ils auoient entendu que les Geneuois le
iour precedent s'eſtoient campez, le long d'vne riuiere à l'eſcart les vns
, des autres,& en deſordre, ſans poſer aucunes gardes ne ſentinelles, meſ
Deſordre des mcment en pays ennemy & § ils eſtoient ſi outrecuidez, qu'ils
†
faitte.
ne penſoient
nyvenir pasfermeau
de pied que les ennemis
combateuſſentiamais eule cœur delescoureurs
auec eux;maisaurebours,les attedre,
qu'ils auoient enuoyez deuát pour recognoiſtre ce qui eſtoit en pays,les
ayans de loingapperceuz s'en retournerent fuyâs à toute bride, & ſe iet
terent à trauers le bataillon que leurs gens de pied commençoient de
dreſſer,fortlaſchement toutesfois, & enfiles minces & trop deliees pour
faire plus grande monſtre, ſi bien que les Tartares qui les chaſſoient
, à poincte d'eſperon, y eſtans preſque auſſi toſtarriuez qu'eux,les en
foncerent fort ayſément, & mirent le tout en deſordre & en fuitte,
Routte des preſque ſans coup frapper. Ceux qui eſtoient demeurez vn peu plus en
• • 1, r- - p• l - ":'- , |! - - • ^
autres, qui s'efforçoient de monter à mont en ſorte qu'eux voyans leur §"
entrepriſe aller mal,& que toutl'effort qu'ils faiſoient eſtoit en vain,ſon
nerent la retraicte, & apres pluſieurs riottes & altercatiôs qui ſuruin- choſebier
drent entre eux meſmes,reprirent finablement la routte d'Italie.Toutes-. §
fois la ville de Pera au nom des Geneuois maintint encore aſſez long- #. 1
vns & les autres s'aiderent de canons & d'autres pieces d'artillerie, iuſ- † u dcmcurer
ques à ce que Iean Leontares les eſtant venu aſſieger de pres, & enclor- §
- - - • * - | - - - - -
re tout àl'entour,leur oſta la commodité de plus ſortir, & recouurer des † Geneuois qui
»• - - - -
†. toutes heures qu'il vouloit, & y demeurer tous les ſoirs iuſques bien
§ auant en la nuict, outre l'ordinaire & couſtume des grandes maiſons
" d'Italie, elleluyvint à faire certaines priuautez & attraicts, dont il s'ap
perçeut auſſitoſt, ſe picqua luy-meſme ſi bien que ſans autrement re
mettrel'affaire en longueur, ils commencerent à ioüer leurs ieux. En
quoy ſe paſſa quelque temps qu'ils ne furent poipt deſcouuerts : mais à
la finl'vne des femmes de chambre s'en eſtant aperceuë, ne ſe peut tenir
d'en parleràvn qu'elle aymoit, lequel eſtoit fauorit du Duc, & en auoit
receu tout plein de biens & aduancemens.Ayant doncques entendu ce
beau myſtere parle rapport de la Damoiſelle , & luy-meſme cogneu la
verité du tout,pource qu'il ſe mit à les eſpier,&yprendre garde de pres, il
vint trouuer ſon maiſtre,& luyparla en cette ſorte. Pluſtoſt me puiſſe la
terre engloutir ( Monſeigneur) que de voir plus longuement regner
vn ſi § & deteſtable forfaict en cette maiſon, c'eſt † touteſeure,
§ue propre
la Ducheſſe ſe fouruoye , & abandonne malheureuſement à vo
fils naturel, & moy-meſmelesayveuz enſemble : Parquoy |
à S4.
-
Del'Hiſtoire desTurcs. 163
ſideteſtablement violéles ſainctes Loix de noſtre mariage : A quoy elle
C#ts
Itº fit reſponce : Queie n'ays commis cette faute, que ie ne vousays fauſſéla
-
L'EMPERE vR des Grecs eſtant arriuéà Ferrare, deuers le Pape Eu- Entreueue
• > - • / • ſ" • 1 V » »
.. # de -
gene qui s'y eſtoit retiré, & faiſoit là ſa reſidence, d'autant qu'auſſi bien †
eſtoit-ilVenitien, fut de luy requis fortinſtamment, de le vouloirayder †º
au differendoüil eſtoitauecles Allemans, & s'entrevirentlà deſſus plu-†
ſieurs fois, pouraduiſer des moyens dontlesaffaires de l'vn & de l'autre #º
pourroient eſtre le mieux & le plus promptement accommodez. Delà
† s'en allerent tous deux à Florence, ville capitale de toute la Deſºrtiºn
Thoſcane, &l'vne des plus belles, & des plus riches qui ſoit en tout le #ºtº
O iiij
•.
ua cette belle cité, quine cede en rien que ce ſoit à pas vne del'Italie,ſoit
on richeſſes, beaute de ville, & bonté de terroüer, outre l'eſtude & exer- -
cice des bonnes lettres, dont elle eſtrenommee furtoutes autres.Au re-†"
gard d'Iſidore (perſonnage fort prudent, & grandzelateur de la foy)on
ſçait aſſez comme à la parfin il fut pris des Turcs au ſac de Conſtantino
ple en combattant vaillamment pour la deffence de la ville, & de la reli
i6 Chreſtienne.Et pourautant quele nom&authoritéd'iceluy eſtoient
† grands parmy les Grecs, pour cette cauſe le Pape Eugenel'aduança
au Cardinalat; eſtimant bien qu'ilne luy ſeroit pas de peu d'efficace,pour
faire venir les Grecs à vn Catholique conſentement & accord.
Av demeurant quand ce vint à parler du ſecours que l'Empereur de- mII.
mandoit pour la deffence de Conſtantinople,le Pape fit reſponce en ter
mesgeneraux, que de là en auant luy, ſon eſtat,& tout le reſte de la Gre
ce, luy ſeroient en tres eſtroitte recommandation, & de tout ſon pou
uoirne ceſſeroit de chercher les moyens, pour eſmouuoir les Hongres
& Allemans, à prendre lesarmes contre les Turcs, ſelon que les Grecs
meſmesverroient eſtre le plus expedient, & à propos poureux.Là deſſus de legi
l'Empereurs'en retourna en Conſtantinople, où il ne fut pas pluſtoſtar- †.
riué,queles Grecslaiſſans là tout à plat ce quiauoit eſtéluré & promis en
Italie, recoururentàleurs premieres opinions, ſans ſe plus ſoucier d'ad
hereraux Latins. Au moyen dequoy le Papey enuoya ſoudain quelques
hommes de ſçauoir, pour entrer de nouueau en conference auec ceux
166 Liure ſixieſme
ui contrarioientaux choſes arreſtees en la derniere Synode; du nombre
§ eſtoit Marc Eueſque d'Epheſe, & vn Scolarius, tenu pour le
plus ſçauant homme detoute la Grece, leſquels dés le commencement
auoient touſiours contredict & reſiſtéaux traditions des Latins, ſans s'y
colloque des vouloir aucunementrenger.
L -
&b S'eſtansaſſemblez à vn Colloque & diſpu
- - - >
† te, les Latins ne peurent rien faire, & furent contraincts de s'en retour
es Grecs à
#- ner comme ils eſtoientvenuz. Bien toſtapres Eugene reuintà Rome par
le moyen des Venitiens, qui auoient lors le meilleur de la guerre pareux
. encommencee contre le Duc de Millan , en laquelle ils auoient creéleur
# Capitaine generalle ſieur Franciſque Carminiola Millanois auparauant
§v, l'vn des plus grands fauorits du Duc, duquelil eſtoit auſſi allié aucune
"" ment. Cettuy cy,auſſitoſt que l'armeeluy fut conſignee entre les mains,
chargea ſes gens de pied ſur ſoixante dixgros vaiſſeaux, fort bien equip
ez & munis de tours, paueſades,& autres deffences faictes de bois de
trauerſe ſur le tillac,pour de la combattre à couuert : & les faiſant voguer
· contremont larruiere du Pau, il ſe mit à les coſtoyer par terreauec ſa ca
uallerie, marchant en cette ordonnance contre le Ducnommé Philippe.
† Orauoit le Carminiola pour ſon LieutenantvnNicolas Brachio,hôme
# de fortvaillant & experimentéau faict de la guerre, & qui deſia par ſes ver
tus & merites eſtoit paruenu au plus haut degré d'honneur qu'on peut
atteindre par les armes au moyen dequoy lçs Venitiens demeurerent vi
ctorieux parvnlongtemps. Et comme ils ſe fuſſent attaquez à forcer la
garniſon qui deffendoit lesaduenues dulac de Garde,là où ils s'arreſte
rent par pluſieurs iours, ce Brachio s'en alla cependant, auec partie de
preſſe ſiegee l'armee deuant la ville de Breſſe, ot il fit toutſon effort de laprendre:
†, mais ceux de dedans ſe deffendirent&maintindrent fortvaillamment en
""" rout le ſiege,iuſques à manger par la neceſſité qu'ils auoient les chats &
· les ſouris, & § tous autres meſaiſes & extremitez pluſtoſt que de
ſe rendre, ayant la faction des Guelphes qui eſtoient là dedans en partie
eſté cauſe de cette reſiſtence. Carl'Italie § diuiſce en deuxfactions,l'vne
des Guelphes, & l'autre des Gibellins : Mais comment, ny pour quelle
occaſion cela ſoit aduenupremierement, que toutes les villes ſe ſoyent
ainſi my-parties, & que d'vne ſigrandeanimoſite & rancune ils ſoyent
§ aux eſpees & couteaux, les vns contre les autres, per
ſonne ne m'en a encore rien ſceu dire de certain, ſurquoy ie peuſſe pren
dre pied pour en parler d'aſſeurance. C'eſt bien choſetoute notoire,que
le pays des Geneuois tient le party des Gibellins : Les Venitiens, & les
Romains auecla marque d'Anthone, celuy des Guelphes, & laThoſca
ne, Rhege, Modene, & autres villes delà autour, voire la Poulhe, & la
Calabre, ſi on vcut paſſer plusauant, tous les deux enſemble : carles vns
ſe font Guelphes, & les autres Gibellins, commeilleurvient en fanta
ſie. Le plus ſouuent encore en vne meſme ville, on peut voir à toutes
heures ces deux factions,aux armes l'vne contre l'autre , dequoy ſelon
mon opini6prouiennêt beaucoup de mauuaiſes & dâgereuſes ſemences
de ſeditionsaux peuples del'Italie. Mais pour retournerànoſtre propos,
A.
Del'HiſtoiredesTurcs 167
il aduint que durant la guerre deſſuſdicte, les Padoüans menerent au
camp des Venitiens leurs Capitaines &gouuerneurs,entre leſquels eſtoit
vn Marſilio, de la maiſon des Carrares, quiauoit entrepris de liurer Pa- Padelie, ou
doüe és mains de Carminiola. Or eſt-ce vne fort riche & puiſſante cité, #.
& d'vn grand enclos de muraille, car elles ont plus de deux lieuës de cir-"
cuit : & parle milieu paſſe la riuiere de la Brente, qui l'enuironne encore 7° ſtades.
tout autour, & en rendl'aſſiette preſque inexpugnable.Ayans donques cºplotpour
menéauec eux ce Marſilio, ils prirentiour pour rendre la ville; mais de †
fortune au meſme inſtant que le ieuſe deuoit ioüer, il fitvn ſimauuais & Vºº
faſcheux temps qu'il ne luy fut poſſible des'y trouuer:Au moyen d equoy
l'vn de ceux qui eſtoient de la menee, craignant que quelqu'vn ne le pre
uinſt,s'aduança luymeſme de deſcouurirl'entrepriſe, & manifeſtale tout
aux habitans. Leſquels mirentſur le champ de bonnes gardes par tous
les lieux & endroicts d'importance, & attiltrerent quelques gens en em- -
& fut vnfort grand Capitaine en ſon temps,tres expert à mener des gens -
Sf
Victoire de nuict
-
enſemble s'en reuint au logis, & bien toſt apres s'attaqua auſſi au combat auec
les Venitiens, ou il yeut vne fort cruelle & ſanglante rencontre,maisàla
- fin
) -
-
> º -
nis maux & deſtructions par toute l'iſle, il tint Conſtantin de fort court c§
par l'eſpace devingt-ſeptiours.Neantmoins,combien qu'auec ſon artil
lerie il euſtabbatuvn grand pan de muraille,il ne peut trouuerle moyen
defaire aller ſes gens àl'aſſaut: Parquoy voyant qu'il n'y auoit ordre de
prendre la place, il ſe rembarqua pour retourner en ſon pays. Conſtan
tin depuis eſtant arriué deuersl'Empereur, fut par luy renuoyé ſoudain
querir ſon frere Theodore, auec commandement expres à l'vn & à
l'autre de ſe departir du Peloponeſe,& s'envenir tous deux à Conſtanti
nople : ce qui ſuffira pour ceſte fois.Mais le plus ieune des freres appellé
Demetrie,vint enfort grande altercation & debat auecle frere del'Em
pereur, quil'auoit deſpoüillé par force de la meilleure partie de ſon bien:
& apresquel'affaire eut eſtéaſſez promené envne ſorte & en vne autre,
ſans pouuoir trouuer le moyen d'en auoir raiſon , il ſe retira par deſpit
deuers Amurat, quiluy donna vne groſſe armee, auec laquelle il s'en al •.
la planter deuant Conſtantinople,où il trouua moyen de pratiquer ſon
cndre Aſan,quiauoit toute autorité& puiſſance en laville,& monſtroit
† vouloir tenir la main à recouurer l'Empire : Voyant toutesfois De
metrie qu'il ne faiſoit rien là que ſe morfondre , il leua le ſiege , &
r'enuoya l'armee à Amurat. Quelque temps apres il depeſcha certains
perſonnages deuersl'Empereur ſon frere , puisyalla à la parfin luy-meſ
me en perſonne,là où tout ſoudain il fut empoigné auec le frere de ſa
femme, & mis tous deux en priſon, chacun à part. Quant à luy, à
la perſuaſiond'Aſan quiluy conſeillad'ainſilefaire,ayanttrouuémoyen
d'eſchapper,il ſe retira à Pera, d'où puis-apresilenuoya quelquesvnsde
uersl'Empereur,quifirent ſon appointemét,parquoyil s'en retourna en
la mer Maiour dont il iouyſſoit. Son beau-frere fut auſli par meſmc
- - - - - - • P ij ,
172 Liure ſixieſme
moyen relaſché, & mis du tout en liberté.Quelque temps apresl'Em
recaſion de Pº fitvnaccordauec Amurat, mais ilnelaiſſa pas pourcelade depeſ
§ chervneambaſſadeau Pape Eugene, pour renouueller & remettre ſus
† leursvieilles pratiques & intelligences & vneautre encore à Vladiſlaus,
quinagueresauoit eſté appellé au Royaume de Hongrie, & eſtoit prin
cipalement eſguillonné à entreprendre la guerre contre le Turc, par
Deſpote ou
#º George Bulc,lequel ayant eſte depoſſedé de ſon eſtat,offroit vne groſſe
' ^" ſomme de deniers pour dreſſer ce remuement D'autre part,Iean Hunia
de eſtant † engrand credit & reputation,à cauſe de pluſieurs ren
contres eſquellesilauoit monſtré vne grand'preuue de ſa vertu ſur les
Turcs,eſtoit ſans ceſſe aux oreilles de ceieunePrince, pour luy faire pren
dre lesarmes contre Amurat, comme il fit, & ſe diligenta de mettre en
ſemble le plus grand nombre de gens de guerre qu'il luy fut poſſible:
ayant encore trouuéle moyen d'attirer & faire entrerén ceſte ligue Dra
cula Prince des Valaques,& † , celuy des Triballiens, qui deuoit
eſtre † & conducteur de tout le voyage.Ainſi de compagnie ayans
paſſé le Danube, entrerent dans les terres du Turc, où ils firent de fort
rands maux & dommages,& bruſlerent la ville de Sophie, auec tous les
Maintenant § & villages duplat pays.MaisAmuratayant eu nouuelles, com
§ meles Hongres à tout vne groſſe puiſſance eſtoient partis de leur pays
†"
de.
pour levenir
§ combattrepartout
& ſaccageoient s'il ſe trouuoit au deuantaſſembla
où ils paſſoient, d'eux, &enqu'ils pil
diligence
toutes ſes armees de l'Aſie & Europe, & s'achemina à l'encontre. Èſtant
doncarriuéen ceſt endroit qu'on appelle Baſilitza, il ſceut au vray par
ſes eſpies & coureurs, qu'ils eſtoient logez non gueres loin delà. Par
quoyilenuoyavnegroſſe trouppe de cauallerie deuant pour les reco
gnoiſtre, & remarquerbien la forme & aſſiette de leur camp; leur coms
mandant de ſe ſaiſir par meſme moyen de l'emboucheure & deſtroicts
des montaignes qui gardentl'entree du pays, & y faire abatre & pleſſer
force arbres, pour embarraſſer tellement le paſſage que les Chreſtiens
ne peuſſent paſſer outre. Ce qu'ils executerent fort bien , & tindrent là
les autres acculez,leſquelsauoient faictleur deſſein d'entrer par ceſt en
droict,dans le pays de Thrace. - -
langage.Certes(Sire)il n'y a homme en ceſte compaignie, qui ne doiue aduis Opinion &
de Cha
haut-loüeriuſques au ciel,le propos que ta Majeſté nous vient de tenir, tâtzan Baſſa ſen-.
vn peu ſon
comme digne d'vn ſigrand & valeureux Monarque, iſſu du ſang des courtiſan
fiateur.
&
ſ§ ayons gueres gaigné quand bien nous aurôs mis en routte &deffaictnoz
† ennemis,& n'ya(ce meſemble) prouffit nyaduantage quelconque que
"º nous deuions attendre de cette victoire : Car ton ayeul Paiazet gaigna
groſſe bataille ſurles François, les Bourguignons, &
bien autrefois vne
les Hongres, & neantmoins que luy en reuint il pour cela ; La plus
· · Del'Hiſtoire desTurcs. 175
grand part ſe ſauua de lameſlee, & le garderent fort bien d'entrer plus a
uant en pays. Mais ſile rebours(que Dieu nevueille)aduenoit mainte
nant,&que nous euſſions du pire,ie penſe que chacun conſidere aſſez les
dangers & inconueniens qui nous viendroient menacer. Ce ſera donc
nions à tomberen
† ſeure
ques le meilleurdes'arreſter à la
† confuſion opinion,afin que nous neve
& deſordre qui nous face à la fin
perdre tout , mais pluſtoſt cherchions les moyens d'arracher de viue for
cela victoire des mains de nos ennemis. Or icy en ta preſence ont eſté
propoſez deux conſeils & aduis tous differends , l'vn qui eſt fort dange
reux & peu raiſonnable; l'autre beaucoup plus ſeur & digne de toy. Qui
' eſt ce doncques maintenant qui voudra reuoquer en doubte, qu'on ne
ſe doiue tenir au plus certain ? Qui eſt celuy ( s'il a aumoins le iugement
ſain & entier , qui n'en vueille pluſtoſtprendre la meilleure & plus ſeure
voye ? Et pourtant de retourner en arriere, ne reculler deuant tes en
nemis,ce n'eſt choſe ny digne de ta grandeur, ny à laquelle ie me peuſſe
iamais conſentir: car cela reſſenbleroit à vne vraye fuitte, dont le coura
ge ſe viendroit à leur redoubler, & aux noſtres à diminuer d'autant : De
ſorte queie n'eſtime pas que lors on puiſſe trouuer moyen de retenir les
forces del'Aſie, ne les gens de piedauſli peu.Ie neveux pas dire pourtant,
u'on doiue ainſiàlalegere hazarder tout à l'incertain euenement d'vne
§ bataille;car i'eſtime, que le plus expedient ſera de clorrefort bien(à
toutesaduentures)les vallons & les emboucheures des montaignes auec
noſtre armee, & laiſſerainſi tout à loiſir çouler le temps, iuſques à ce que
les ennemis ſeviennent à matter, & d'eux meſmes ſoient contraincts de
nous quitter là,pourſemettre au retour:Alors nous pourrons allerapres,
enuoyant deuant toute noſtre cauallerie pour leur donner à doz, & les
trauailler en toutes les ſortes qui ſeront poſſibles.
CE s T aduis ſembla encore meilleur & plus certain que le preccdent, V i f f,
Chreſtiens, leſquels firent bien tout leur effort de contraindre ceux qui
eſtoient à la garde del'abandonner;ce qu'ils ne peurent,carlesTurcs leur
reſiſterentvaillamment, & repouſſerent de grand courage ceux quilesy
vindrent aſſaillir de front; tant qu'à la parfin les Hongres, apres s'eſtrc
parquelquesiours opiniaſtrez à ceſt eſtrif & combat ſans pouuoir rien
aduancer, furent contraincts pource que les viures leur deffailloient, de Retraitte des
trouſſervnenuict bagage, & reprendre le chemin par où ils eſtoientve Hongres ſans
rien auoir cx4
nus. LesTurcs ne s'apperceurent point de ce deſlogement que le iour ploité ſur les
Turcs,
ne fuſt deſia grand, qu'ils virent leur camp & les loges toutes vuides : &
neantmoins ſine ſe haſterent-ils pas d'aller apres qu'Amurat ne futvenu,
lequelcommandaau Beglierbey del'Europe de prendre ceux qui eſtoiët
- - - - - P iiij
176 Liure ſixieſme •
- là preſens, preſts & en eſtat de combattre, & ſuiure les ennemis à toute
bride; & àThuracan Saniaque de laTeſſalie, de l'accompagner pour le
ſouſtenir ſi beſoin eſtoit.L'autre prenant ceux que le Seigneurauoitluy
meſme choiſis,s'en alla à poincte d'eſperon pourrattaindre les ennemis,
de Huniadc. v
a part
†
sºatºgene mais Iean Huniade qui auoit
nombre preueudes
d'hommes à tout, ayant auſſi
plus aſſeurez & de ſon coſté
vaillans, trié
les alla
embuſcherenvnlieu à propos ſur le chemin : & luy commeil euſt voulu
attendre de pied ferme ceux qui le pourſuiuoient, tourna viſage.Cepen
dant le † del'Europe, tiroit touſiours auant tant qu'il pouuoit à
tTallCfS la † & ſpacieuſe,ſuiuant les Chreſtiens à la †
ſon frereThuracanl'eſtant venu ratteindre luy eſcria : Et que pen1es-tu '
faire mon frere, de charrierainſiàlahaſtevne ſi lourde & peſante maſſe
de gens à trauers cette campaigne raſe, ouuerte de tous coſtez? Certes
tu ne ioues pas au plus ſeur, car les ennemis ne fuyent point,ie t'en veux
bienaduertir; & ſine pourront longuement endurer d'eſtre pourſuiuis
& chaſſez de nous, qu'on ne lesaye ſurles bras,& nefacent quelque dan
ereuſe recharge, veu que par tant de iours, & d'vne ſi grandeardeur ils
† arforcez de nous attirer au combat, & ont monſtré d'en auoir
ſi § enuie,eſtans(ce me ſemble)bien deſpitez que nous ne voulions
deſcendre à la plaine, poury demeſler la querelle à la poincte de l'eſpee.
Parquoyie ſuis d'aduis que nous gagnions ces coſtaux, & le long d'i
ceux les pourſuiuions ſagement, autant que l'œil nous fera co gnoiſtre
u'il en § beſoin.
Ces paroles toutesfois ne retirerent point Chazan
: § ſon premier propos, tellement quel'autre voyant ſon opiniaſtreté, le
uitta là, & auecles forces delaTheſſalie dontilauoit la conduicte,s'en
† tout bellement en bonne ordonnance, prendre ſon chemin par le
bas de la montagne,cependant que Chaſan ſuiuoit touſiours ſes premie
reserres, ſe haſtant le plus qu'il pouuoit de ioindre les Hongres;leſquels
faiſoient ſemblant de fuyr,iuſquesà ce qu'ils l'eurent attiré dedansl'em
†º
Huniade cö buſcade.Alors Huniadevoyant ſon party à propos, ſortit ſoudainement
§ T§s. de furie&impetuoſitéſurlesTurcs,&en fit d'arriueevn terriblemeurtre,
outre ceux qu'il prit priſonniers en fort grand nombre, parmy leſquels
Autrement ſe trouua Carambecfrere de Chatites, &l'vn des enfans de Priam.Tout
† le reſte fut encore depuis pris ou tué àla chaſſe : Mais Chazan ſe ſauua de
# viſteſſe, ſans s'arreſter qu'iln'euſt gaignéla trouppe d'Amurat,auecquel
# ques Yns qur eſchapperent quant & luy. Eſtant arriuéen ſa preſence luy
' dit telles † Helas Seigneur : à quel partyauons nous eſté reduicts,
parlamalheureté de celuy qu'on ſçait aſſez eſtrele plus meſchant de tous
les hommes, & qui nousaainſi trahis & liurez és mains de tes cnnemis.
Car veritablement il eſt trahiſtre, & ne le ſçauroit nier; leur ayant deſ
couuert tous noz conſeils & entrepriſes,& n'a pointvoulu marcherquât
& nous. Ila(dis-ie) reuelé point par point à ſon tres-grand & ſingu
lieramy George Bulc,toute la maniere dont nous leur deuions courir
ſus; ce quia eſtéla ſeule cauſe de noſtre perte & deſconfiture; & que ſi
peu de nous (encore à toute peine) ſe ſont ſauuez à la fuitte. Là deſſus
| Del'Hiſtoire des Turcs. 177
Chatites fils de Priam chargeant ſurThuracan pourl'amour de ſon frere,
vintde plus belles à enfläberle courroux d'Amurat.luy remettant en mc
moire,comme du temps deThuracan ſeiournoit en la hauteMyſie,ayant
le gouuernement de la contree prochaine du Danube,ilauoit touſiours
eu fort grande amitié & intelligence auecle deſſuſdict Bulc, Prince des
Triballiens, de ſorte qu'en faueur & conſideration de cette leurancienne
accointance, & de pluſieurs grands preſens qu'il auoit receuz de luy, il
l'auroit voulu ſupporter en tout ce qu'il auoit peu.A quoy Amuratad
iouſtafoy : & reputant àvne trop grande faute qu'il euſtainſi abandon- , , .
né le General de la Grece, & pris tout expres vn chemin à l'eſcart, l'en- #†
uoyapriſonnieren Aſie,en laville deThochata,là oû il fut gardéiuſques par calomnie.
à ſon retour; donnant le gouuernement de laTheſſalieàvn autre.
V o Y LA l'occaſion & la forme de l'empriſonnement de Thuracan. 1x,
Mais George Seigneur desTriballiens, lequel ne voioit pas beaucoup
d'eſperance ny de reſſource ſur le ſupport des Hongres pour recouurer
ſon eſtat, depeſchavn Ambaſſadeur à la porte du Turc pour ſonder ſa Gººg Deſ
volonté;aſſauoir-mon s'il levoudroit point reſtablirenſes terres, ſoubs #.
condition d'eſtre delà en auant ſon vaſſal & ſon tributaire, & luy donner †"
par chacun an la moitié de tout ſon reuenu : Encore feroit iltant enuers
les Hongres (s'ille trouuoit bon) qu'ilsviendroient auſſi à quelque ap
pointement, Toutes leſquelles choſesayans eſté expoſees en la preſence
d'Amurat, il promit de reſtituer à George & à ſon fils le pays qu'il leur a
uoit oſté, pourueuqu'àl'aduenirilsluy vouluſſent demeurer fideles. Et Arret ,
là deſſus Bulcſceut
ilperſuada ſi bien
à Vladiſlaus gaignerlesvolontez
d'entrerenl'amitié des Hongres,
& alliance que: meſme
d'Amurat Car ce #† ucClCS l llICS.
n'eſt pas peu de choſe Sire (ce diſoit il) que l'Empereur des Turcs t'offre
non ſeulementvne bonne paix & accord, mais de rendre outre cela à tes
confederez le pays dontil eſt deſia en poſſeſſion & ſaiſine; à quoy tuen
tendras ſi tu me veux croire, & par ce moyen tes affaires ſe §
touſiours de mieux en mieux, pour recommencer vne autre fois cette
guerre en temps plusà propos,& auquellavictoire te ſerabeaucoup plus
certaine & ayſee. Ce † le langage qu'iltintau RoyVladiſlaus, lequel ſe
laiſſa perſuaderà ce côſeil & aduis,& depeſcha ſuiuât cela deuersAmurat,
afin d'enuoyer des deputezauecleſquels on peut traicter,& conſequem
ment receuoir de leurs mains les terres dontil eſtoit queſtion. Ce que le
Turc accorda, & dôna plain pouuoir aux ſiens d'arreſter les articles qu'ils
auoient deſia esbauchez: Aſſauoir que le Prince G eorge rentreroit en tesarides &
ſon heritage,
chacun ſous ladecondition
† moitié par luy parforme
tout ſon reuenu miſe en auant, de luy payer
de tribut:Que par la§de
lesHon- paix, qui
fut inconti- s
· gres en aucune ſorte ne moleſteroient plus les pays d'Amurat deſormais: ºº
& les Turcs auſſi ne paſſeroient le Danube, pour endommager celuy de
Hongrie : & par ce moyen que deſlors lesvns & les autres à l'aduenir de
meureroientbonsamis, alliez, & confederez, ſans aucun dol,deception
ne mauuaiſe foy. Toutes leſquelles choſes ils promirent & iurerent reſ
pectiuement parſerment ſolemnel,de garder chacun endroictſoyinuio
I68 Liure ſixieſme
lablement, ſansycontreuenir , neles enfraindre en façon quelconque,
Et pourle regard desValaques, qu'ils payeroient tribut à Amurat, ſui
uant la conuention deſia arreſtee entr'eux : mais au reſte, qu'ils demeu
reroient comme de couſtume, des appartenances & dependances du
Autre expe Royaume de Hongrie. Cela fait,Amurat s'appreſta pour aller contre le
† Caraman- pour-autant que cettuy cy n'auoit pas pluſtoſt eu les nouuel
†" les dela deſcente des Hongres dans les terres d'Amurat,que prenant cet
· te occaſion à propos pour bien faire ſes beſongnes, il ſeietta à l'impour
ueu d'vne grande impetuoſité & viſteſſe ſur les Prouinces del'Aſie, ren :
geant à ſon obeyſſance tout ce qu'il trouua en chemin. Et apres qu'il eut
entendu comme les Chreſtiens s'eſtoient approchez d'Amurat, il s'en
vint auſſi auec ſon armee pour luy donnerà doz, de forte que lesTurcs ſe
voyans enueloppez par deuant & par derriere de ces deux puiſſances en
nemies, furentlors contraincts de ſeparer & diſtraire leurs forces, pour
entendre aux vns & auxautres; ce quileur reuenoit à autant d'affoibliſ
ſement. Cela fut àlaveritél'vne des principales cauſes, qui meut Amu
rat d'appoincter auec les Hongres, voyant le danger qui ſe preſentoit,
afin que s'eſtant deliuré d'eux, il peuſt aller deſcharger ſa vengeance ſur
les §
du ſeul Caraman, qui luy faiſoit continuellement infinis
†" deſplaiſirs & moleſtes. Mais l'autre n'attendiſt pas ceſt orage, car de peur
# IIlllIat §
à toute outrance le courroux & fureur d'Amurat,il enuoya
- - -
' ſes Ambaſſadeurs pour faire ſon accord, preſt & appareillé (comme ildi
ſoit) de le ſeruir, & obeyr & complaire en tout & par tout, & où il luy
voudroit commander : Et que pour plus grande aſſeurance,s'il ne ſe vou
loit'contenter de ſes promeſſes, & ſe fier à ſa parole,illuy donneroit tels
oſtages & ſeuretez qu'ilvoudroit , afin de le mettre hors de doute & def.
fiance.Ce quiaduintàAmurat du coſté de l'Aſie.Mais ce que les Princes
& ſeigneurs du Peloponeſe entreprirent ſur les Prouinces de l'Europe
Bºgues - nous le dirons preſentement.Theodore, qui fut puis apres eſleu Empe
† reur, eſtantarriuéà Conſtantinople, Conſtantin ſurnommé †
§u &
s'envintau
I1V- meſmementPeloponeſe
delavillelàde
oüil ſe mit en
Sparthe, poſſeſſion des leterres
quiregardevers montdedeTauge
ſon frere,
te; enſemble de tout le reſte de la contree, hors-mis de celle de Thomas,
frere del'Empereur, en deliberation de clorre de muraille l'Iſtme ou de
ſtroict de terre qui eſtàl'entree : & neceſſoit de ſolliciter les peuples qui
habitentau dehorsd'iceluy, ſubiects d'Amurat, de ſe reuolter & §
Neri, - lesarmes contre
Thebains, luy : letellement
auec tout plat paysqu'il
de laretira à ſonquantauSeigneur
Bœoce.Et obeyſſance la villed'A
des
thenes, n'ayant pas eule cœur d'eſprouuerla fortune du combat, il luy
offrit de payertribut delà en auant par chacun an:au moyen dequoyl'ap
pointement fut fait entr'eux. Ils'emparaauſſi de la montaigne de Pin
dus, pour leiourd'huy appellee Mezzono, laquelle eſt habitee des Bla
ciens, quivſent du meſme langage que les Valaques, & ne different en
rien de ceux qui font leurs demeures au long de la riuiere du Danube.
\. Ceux cy s'eſtansvenus rendre àConſtantin,ſe mirent de là en auantà faire
De l'Hiſtoire des Turcs. 179
la guerre auxTurcs delà Theſſalie,ſous la charge &conduicte de telchef
u'il leurvouloit enuoyer Auregard de Leodoricium, qui eſt vne pe
titevillette ſituee en la contree des Locriens, tout ioignant la deſſuſdi
temontaigne de Pindus, du coſté meſme delaville de Phandrium, elle
auoit accouſtumé de prendre & receuoir ſon gouuerneur de la main du
Turc, mais les Arabeens Albanois, qui habitent ceſtendroictdelamon- -
XI.
D'AvT R e part le Cardinal Iulian Legat du Pape, homme fort ver-†"
*, , - ſT, • - - - - - , Iulian Ce - - -
Finiſsijneliure - · · · · · ·
- _ - --- --
-
184
LE SEPTIESME LIVRE
DE L' H I S T O I R E D ES
T V R C S, D E LA ON I C CHA L
- coNDY L E A T H E N I E N.
nople en la
uerre des
* ſoy-meſme lequel des deux luyſeroit plusàpropos,&vti
ongres cö
le pourl'heure preſente,ou de diſſimuler & s'entretenir en lapaix & ami
tre Amurat. tié d'Amurat,oubié de rôpreauecques luy,& luy denoncerla #
ournir des
ſila paix auoitlieu, cela eſtoit bien certain qu'il luy faudroit
Del'Hiſtoire des Turcs. 185
viures à point nómé,& toutes autres choſes neceſſaires pour ſon armee,
cepédant qu'elle trauerſeroitle Royaume de Pont ; dequoyils'aſſeuroit
bien que les Hongres luy ſçauroientmauuais gré,& que partrait de téps
illuy en pourroit venir de l'ennuy & faſcherie,s'ils auoiét le deſſus de cet
te guerre,tellement qu'iladuiſa pour le mieux de ſuiure leur party, & ſe
declarer tout ouuertement côtre Amurat. Mais Chatites fils de Priá eſtár
encore bien affectionnéenuers les Grecs, ſelon ce que depuis on a peu
voir par ſes lettres, n'aduertit pas ſon maiſtre cruëment de cette delibera
tion,ains leurconſeilla de ne rompreſi toſtauecques luy, que premiere
mentils n'euſſentvn peu mieux penſéau traict que ceſtaffaire à la parfin
pourroit prendre.Ce temps-pendât Amuratayant eu nouuelles comme
les Chreſtiens eſtoiét deſiabienauât en pays,ſe mit en chemin pour leur
aller àl'encótre,recueillant de coſté & d'autre les forces qui eſtoient çà &
là eſpanduës par l'Europe:Et tout auſſi toſt † les euſt approchez, il #
aſtuce d'A-,
trouua moyé de gaigner le derriere,pour taſcher àleur couperles viures. IIlUlIat,
## I L n'eut pas pluſtoſt mis fin à ſon parler , quc Huniade auec ſa troup
†" pe deſcocha d'vne grande roideur & furie ſur les premieres trouppes de
2 • Ai 0 , " -
ſiter leur buttin, & le mettre à fauueté. Mais Huniade apres auoir rom
pu & tournéenfuitte les trouppes del'Aſie(côme nousauons deſia dit) #
vinttrouuerle Roy Vladiſlaus,pourluy faire faire haut auec ſa cornette, Hºniadº
au propre lieu où il eſtoit; &l'aduertir de ne permettre que perſonne ſe
desbandaſt à chaſſerles fuyards,à celle fin que ſi enlarecharge qu'ilalloit
faireilluyaduenoit quelque deſaſtre, & qu'il fuſt repouſſe, il euſt pour
ſe retirer à ſauueté ce gros hourt, comme pourvn §& fortereſſe.Et
toutincontinentapres s'en alla attaquer ceux de l'Europe, qui eſtoient à
la main gauche d'Amurat,là où ilyeut vn fort rude conflict , ſe rembar
ranslesvns les autres chacun à ſon tour,iuſques dedans leurlogisiCarde
plaine arriuee les Hongrescontraindrentles autres de s'ouurir, & les me
nerent battans bien pres de leur camp; mais les Turcs s'eſtans ſoudain
ralliez & repris leurs eſprits,les mirent euxmeſmes enfuitte vers le leur.
Etainſi ſe continua la meſlee à charges & recharges, ny plus ne moins
qu'vn ieu de barres parvne bonne † de temps,ſibien qu'il y eut tout
plain
neral de
deſgens tuezCaratz,
Europe d'vne part
qui&fut
d'autre,&
porté parmeſmement le Lieutenant
terreroide mortd'vn coupge-
de † Begli -
eſbei de l' Lu
enquoy Amurat fit vne perte irrecouurable, & le regretta fort rope
lance ; tué en
cette rencon :
-
† † ſont courbes, & auec ce fort lourds & peſants, n'ayans qu'vn tren
§ a § chant,varient fort aiſément au poing de ceux † les mettent en beſon
nier que les gne. Et n'eſtoit les cheſnes ou cordons dont elles ſontretenues aux bras,
eſpces des
†" du beau premier coupellesvoleroient emmylechamp Bien eſtvray que
# Plus pº mortel,
4Il E• là où ellesque
aſſenent à bondes
des eſpces eſcien, l'eſchecOccidentaux.
Chreſtiens en eſt bien plus dan gereux
Durant &
ce gros
eſtour contre les forces de l'Europe, en quoy on ne pouuoit encore ap
perceuoir aucun aduantage,au moins qui fuſt gueres apparentnycertain
pourl'vne part ny pourl'autre, ceux qui eſtoient aupres du Roy Vladiſ
# laus, enuieux & ialoux de la gloire de Huniade, & du deuoir qu'ils luy
# voyoientfaire deuantlesyeux deleurPrince, cependant qu'ils eſtoyent
†" à le contempler, ayant deſia rompu & mis enfuite toutes les armees d'A
º ſie, & tenant defort court ceux quireſiſtoient de l'Europe, où Caratz le
plus eſtimé perſonnage qu'ils euſſent,auoit eſtémis à mort, ſe prirent à
Treigande crier tout haut : Et quoy, Sire, qu'eſt ce que nous faiſons icy? nous at
# tendons paraduenture que c'eſt homme ait luy tout ſeul mis à fin noſtre
† . guerre, comme s'il n'yauoit autre † luy digne de manier ny lance ny
† * eſpee. Alaverité ce nous ſera vn rort bel honneur, quand on dira par
' tout,qu'envn tel affaire nous ſerós demeurez† que des
Dames ſurvn eſchaſſaut,à regarderſes proueſſes,& en auoirle paſſe-téps;
Vous-meſme (Sire)tout le beau premier. quideuriez icyfairevoir quel
que preuue de la bonne opinion § chacun a deſia conceue de voſtre
vertu, ſans endurer qu'vn ſimple ſoldatvousl'offuſque ainſi, & terniſſe
à tout iamais, & cncore en voſtre preſence. Allons doncques donner
dedans, cependant qu'ilya encore † monſtrer ce que nous autres
ſçauons auſſi faire, & n'attendons pas le dernier euenement de la batail
le, dont le mal tournera au danger de nous tous, & le bien à noſtre hon
"--- .. te & ignominie. Ces paroles enflammerent le cœur du ieune Prince, de
† ſonnaturel aſſez chaud & bouillant: Aumoyen dequoy toutainſi que ſi
ſaut les Gen
† on euſt verſévngrand pot d'huile ſur vn braſier de feu ardent, luy qui
leur fort mal - 2 - - -
On dit certes, que toutauſſi toſt qu'il eut veules troupesdel'Aſie tour-Aºunt a
nerle doz, il s'esbranlabien fort , & eut paraduenture pris la fuitte auſſi †.
bien qu'eux, n'euſt eſté quel'vn de ceux qui eſtoient pres de luy s'eſtant †
apperceu de cette contenance, le raſſeura, & tenſa aucc, de quelques # †
paroles piquantes dontil eut honte; & fut cela cauſe qu'il demeura fer-"
mc à † Mais quandil vit puis apresvenirainſile RoyVladiſlaus
la teſte baiſſee droictàluy, dans ce parquet où il eſtoit au milieu de ſes
Genniſſaires,& l'effort que de plaine abordee on fit pourles enfoncer,il
n'euſt pas ( peut-eſtre) ſupporté longuement cette ſirude charge, ſi le
mal-heur des Chreſtiens n'euſttourné la chanſe contr'eux.Car tout auſſi ce qu'impor
toſtque le Roy fut porté parterre,les † & Polaques ne levoyans †.
plus,relaſcherent & amollirentbeaucoup deleur deuoir, & lesTurcsau mº
contraire reprirent cœur,quiles firent lors reculer vnbon traictd'arc;tel
lement que le corps du Roy demeura
del'enleuer. • · ſurla
· ·place,
· & ne· leur
· ·fut poſſible
· · · .
• vulut ſauueràlafuitte auec ſon fils, là où ils furent ratteincts & me- #
- - \ - - - - t Alle -
quelle dura longuement, auec diuers ſuccez pour les vns & les autres, †
iuſques à ce que finablement eſtantvenu à la bataille contre Ilchra,bra § º
ue & renommé Capitaine, il eut du pire : mais quelque temps apres s'e †
ſtant refaict, & remisſus nouuelles forces, & equippage, il en rapporta †
la victoirc. | - \ pouuâteroiét.
sent,& les tourna en fuitte; donnant par ce moyen loiſirà ceux qui le » 3
auoient eſté tirez pour aller à la garde du deſtroit. Toutesfois Mulgeri, & Autremen
quelques autres Grecs en petit nombre ſeſtoient retirez au chaſteau aucc ºº !
§ & enfans; leſquels ſevoyans hors de toute eſperance d'auoir
ſecours,& que lesTurcsayantgaigné le foſſé, ſappoient deſia le pied de la
muraille, ſe rendirent à la diſcretion d'Amurat, qui fit mettre le feu ſur le
champ au chaſteau & à la ville,& les enuoya en † d'Angium. De là paſ
ſant outre il vint à Patras ville d'Achaie, riche & opulente pour lors, mais il
latrouua toute vuide, car les habitans l'auoient abandonnée, & ſ'eſtoient
retirez en laterre-ferme que les Venitiens tenoient vis à vis, fors quelques
outrecuideziuſques au nombre de quatre mille,compris les femmes & en- *.
fans,quiſe pouuoient auſſi bien mettre enſeureté'que les autres, leſquels ſe
voulurent opiniaſtrer de tenir bon dans le Palais; toutesfois ils perdirent le
cœurtout auſſitoſt que lesTurcs comparurent; & furent tous faits eſclaues
iuſques au dernier.Ne reſtoit plus que le chaſteau, là où Amurat fit donner Patras piiſº
quelques coups de canon : & comme les Genniſſeres eſtans allez à l'aſſaut &§
> | _ - - | | | | -
#.
les habitani
N-
R iij
Liure ſeptieſme
G E O R G E S C A S T R I O T ou
Scanderbeg Royd'Albanie.
de l'Hiſtoire des Turcs. - 198
: S ON E LO G E OV S O M.
MAI RE D E S A V I E.
n Nſeul Horace arrgſtatoute la puiſſance desToſtans, vn Marcellu enerua la
(g#puiſſance d'Annibal, & vn Camillusredonna la vie à ſa patrie. Mais vn ſeul
§ # - Scanderbeg plus vaillantque l'vn, plus prudent que l'autre &plus heureux
§\VA# quele dernier,agſténonſeulemét vn Gedeoa,vn Sanſon, & l'eſpée deſapatrie,
#$2) % 3 mais le bouclierdela Chrſtienté ayant appris aux ſiecles futurs qu'vne debille
puiſſanceauecvne bonne conduitte peutterraſſerdes forces tres-redoutables, & qu'vne valeu
reuſehardieſſe donnel'alarme,& faiét beaucoup ſouffriraux pluspuiſſanspotentats dumonde.
orGeorges Caſtriot,autrement Scender,ou Scanderberg, ayanteſtéſîredoutable à ces deux puiſ
ſans Monarques Amurat& Mahomet; que lepremiereſtmortdetriſteſſe des affronts qu'illuy a
faict ſouffrir, & l'autre qui agféſîredoutable à toutl'vniuers, n'aiamais receu que de la honte
de s'eſtre attaquéà luy Eſt-ceſans raiſon ſinous auôs inſeréle Royd'Albaniela terreurdel'Em
pire ottoman parmyles Princes ottomans qu'ila ſîmalmenez par vn ſilongtemps,auec vne
poignée de gens ?Ceſeroit à laveritéeſtre trop ingrats & meſcognoiſtre la graceſ ſpeciale que
les Chreſtiens receurentalors du TovT-P v 1ss ANT, de learauoirdonné vn tel deffenſeur.
Ileut pour pere Iean Caſtriot Seigneurde ceſtepartie d'Epire qu'on appelle Emathia & Zu
meneſtia & de Vorſaua fille du Prince des Triballes,ou de Pologo Paſſe ſon enfance comme
oſtage à la porte de l'Empereur.Amuratqui le faicf circoncire contre ſa volonté. Sa ieuneſſeaux
armées de ce Monarqueoùil fut touſîours employé aux charges plus honnorables iuſques à ce
qu'iltrouuamoyen dedeliurerſa perſonne de ceſte ſeruitude & ſon ame de l'eſclauage de ceſte
abominable croyanceretournant ſecrettement en ſonpays qu'il faicfreuoltercontre lesTurcs &
s'engſfantrendu le maiſtre pour ſon coup d'eſſay taille en pieces4oooo Turcs pres de Dibre con
duits par Haly Baſſa.Recherchéd'amitié parAmurat,illa refuſe,qui pourſe vangerluy enuoye
deux Baſſats l'vn apresl'autre, Ferie Baſſa & Muſtapha qui n'eurent pas meilleure aduanture
que Haly.Les Venitiens luy fontlaguerre pourlaville de Dagnium,ila l'aſſeurance & la va
leurdeleurreſſter,& d'attaquerenmeſme temps les trouppes d'Amurat.Finalementils s'accor
derent.Reſºſte à vne armée de 2ooooo.hommes & à Amurateu perſonneau ſiege de Croye, lequel
fut contrainčt de le leuerhonteuſement dont ilmourut de dueil.Miten routte en diuerſes rencon
tres Ameſabegque Mahometſecondauoitenuoyécontre luy, faiſant ſouffrir la meſme honte
& lameſmeruine à huičtarmées quelemeſme Mahomet yrenuoya depuis à diuerſes fois, lequel
eſtant pourlors l'effroydel'Europe gſtcontrainct de rechercher d'accord le Prince Scanderberg,
faiſantcependantquelques trefues, durant leſquelles noſtre Caſtrioteſfant venuen Italie à la
priere du Pape Pie,& de Ferrandd'Arragon pourles ſecourircontre la puiſſance des François,il
Jit auſſi cognoiſtre ſon couragenompareil&ſa ſageconduite à la plus valeureuſe & victorieu
ſenation del'vniuers.Lestrefuesexpirées,& Mahomet ayant de nouuenuremis le ſiege deuant
Croyeluy ſurmontant la neceſſitée ſa foibleſſe faitvn teleffortqu'ilrauitailla Croyé,& la mu
nitpourvnan,contraignantenfin Balabam de leuerle ſiege,& aumeſme Mahometquiyreuint
en perſonneauecvnearmée effroyable. Eſtanten fin contraincfdeluy laiſſerſon pays enrepos,
& de garderſeulementſes frontieres, & toutesfois pour l'execution de tous ces valeureux ex
ploiéfs,iln'aiamais eu auplus que dix ou douze millehommes, auec leſquels ila paſſé touſîours
ſurleventre à deſ grandes&puiſſantes armées, ſans queiamais l'ennemyluyait peuvoirles
eſpaules,ſîadextre & entendu au faict de la guerre qu'iln'euſtcraintauec 3ooo.cheuaux d'en
attaqueriaooo. D'vne force audemeurant ſîincomparable qu'on tient qu'ilatuéen ſa vie plus
de 2ooo Turcs,& qu'illes fendoitordinairement depuis latiſte iuſques au nombril,ayantimpri
méauxTurcs vne ſi grandecrainte de luy,& quant & quantvnetelle admiration qu'ils onteu
touſ ours ſes os entres-grandereuerence,& celuy s'eſtimoit heureux qui en pouuoit auoir. Il a
paſſé de ceſte vie en lautre en ſaville de Lyſſe,en l'aage de 63ans le 25.Nouembre 1443.& deſon
# le24 en leſtatd'vnreligieux Chreſtien pluſtoſtqued'vn homme deguerre,& d'vn vail
nt Caualier.
Liure quatrieſme
esa # , a , SV* le commencement de l'Eſté enſuiuant,ilſemit en campaigne pour .
do§- aller contre Scender ou Scanderberg ( c'eſtà dire Alexandre) fils d'Iuanes,
taI1t - - - N - 2
>
Turqueſque. beaucoup à la predeſtination, & n'eſtiment pas qu'il ſoit poſſible d'en
†
dis.
rien euiter; ce qui les rend plus courageux & hardis à entreprendre des
choſes hazardeuſes. . ! *.
' •i
2o6 Liure ſeptieſme
que ceux qui n'auoient point trauaillé, feroient les gardes & ſentinelles
requiſes.Voila cóme les choſes paſſerent en cette premiere iournee. Les
Hongres employerent le reſte de la nuict,à côſulter ſur ce † auoiét à
faire,les vns mettans en auât vne choſe,les autres vne autre,ſelô qu'il leur
f Ce fut ce- ſembloit le plus à propos, tant que finablement Thaut fils de f Sauz,
# # qui fut fils d'Amurat premier, & pourtant de la race des Othomans, le
†" quel pour lors eſtoit auecles Hongres ſuyuant leur parti,ſe mit à parler
† " en cette ſorte, Nous auons deſia (ſeigneurs Chreſtiens ) aſſez de fois
yeux. - » - - -
A ,
· Aduis du combattu & en Aſie, & en Europe, & ſi n'auons pas encore bien pris
T r
qui ſuiuoit le
garde à la maniere dont il faut procedercontre Amurat, pour le mettre
§ bien toſt au bas luy & tous ſes affaires: car nous ne viendrons iamais à
" bout de luy, ny ne ferons choſe quivaille, que premierement nous ne
rompions ces gens cy: ceux là veuxie dire qui le remettent touſiours ſur
pied, quelque perte & deffaicte qu'il puiſſe receuoir en tout le reſte de
ſes forces, pourueu qu'ils demeurent en leur entier. Et de faict le plus
- court & abbregé expedient qui puiſſe eſtre pourlegaing d'vne bataille,
eſt de mettre à mort,ou prédre priſonnierle chefde l'armee, qui retient
to°les autres en leur deuoir.Que ſi vne fois ils ſe voyêt priuez de luy,tout
le reſte puisapres ſe met bien aiſement de ſoy meſme à vau de routte, &
quitte la place; tout ainſi que ſi quelqu'vn auoit receuvne playe mortel
le en la teſte,qui eſt comme vn chaſteau ou Citadelle,laquelle commâde
à tout le corps,il rendentierement ſa force & ſavertu,là où eſtant frappé
en autre endroit,il peut encore reſiſter,& ſe deffendre. Oyez dóques ma
côception.N'auez-vous point pris garde,comme la porte d'Amurat s'eſt
toutlelong du iour contenue ſans ſe mouuoir ?auſſi eſt-ce la totale reſ
ſource de luy & de ſon armee, en ſorte qu'ils ſe garderont bien de la ha
zarder ſi quelque grande occaſion, voire extremité notable, neles en
preſſe,de peur que tout ne ſe perde quant & eux. Parquoy voicy ce qu'il
nous faut faire : Allons donner droict à trauers les Genniſſeres, ſans plus
nous amuſer autre part,car ſinous les rompons vne fois,tout le reſte ſui
ura facilement,& n'y aura perſonne quinous face plus teſte:mais ily faut
aller de reſolution ſans marchander,& y employer meſme les carrozzes,
•
| equippezd'arquebouzes
ront & mouſquets
la plus belle ouuerture, : Ce ſeront ceux
& nous les ſeconderons puis qui nous
apres y fe
à coups
de traict, & de main finablement. Et ſi ne faut pas attendre qu'il ſoit
iour,ains executer tout de ce pas noſtre entrepriſe au plus profond de la
nuict, dontl'obſcurité nous fauoriſera beaucoup, pource qu'à lalumie
re on ſe r'aſſeure plus aiſement, & voit-on mieux à qui l'ona à faire, en
choſe meſmement non preueuë & ineſperee. Si vous le faictes ainſi, il
n'ya doute quele Soleil à ſon leuer ne nous voye & ſaluë victorieux &
d'Amurat & de ſes forces iuſques à maintenant inuincibles, & de tout
ſon Empire quant & quant. Ayant mis fin à ſon propos , l'aſſiſtence
adhera ſoudain à cette opinion, qui ſemblala meilleure , & ar1eſterent
tous d'vnevoix qu'il en falloit faire ainſi, car ce ſeroit de vray briſer la
reſte du ſerpent.Et là deſſus ſans faire autre demeure, ayans promptemét
De l'Hiſtoire des Turcs. 2o7 -
Les Hongres
atteléles carrozzes,ſur chacun deſquels ils mirent trois ou quatre groſ à la perſuaſió
ſes harquebouzes, s'en allerent d'vne grande audace ietter ſur le # gis†
d'Amurat enuiron la ſeconde garde; là où de plâine abordee ils mirent §
vn terrible effroy parmy les Genniſſeres , qui n'auoient point encore "
eſté deſieunez de ceſte forme de combattre: auſſi que cela fut ſi ſubit & - .
inopiné, & le bruict que feiſoient ces chariots ſieſtrange, qu'ils demeu
· rerent quelque temps auant que ſe pouuoir recognoiſtre, ne renger en
l'ordonnance accouſtumee pourſe deffendre:Toutesfois ils ſe raſſeure
rentincontinent comme gens de faict qu'ils eſtoient tous,& experimen
tez de longue main aux diuers accidens de la guerre. Les canonniers
uant & quant commencerent à iouër de leurs pieces, dont le parquet
† Gennrſſeres (au milieu deſquels la perſonne du Turc eſt logee,
tout ainſi que dedans quelque gros boulleuard) eſt garni & enuiron
né de toutes parts : ce qui fitvn † grand eſchec à trauers les Hongres
& leur attelage,dontvnebóne partie fut emportee à coups de canon. Le
pis encore fut pour eux,que l'aube iour cômença ſoudain à apparoiſtre,
& les deux grandes aiſles de Turcs, qui iuſques à lors n'auoient oſe ſe
mouuoir à cauſe de l'obſcurité de la nuict,cômençoient deſia à s'eſbran
ler pourlesallerinueſtir & encorre : Parquoy les Hongres ſe retirerent #
tout bellement versleur camp,là oü Huniade mit à lafaſte le reſte de #
ſon armee en bataille, voulant encore eſſayer de rompre & mettre les "
Turcs en deſordre:Et s'en vint là deſſus pour charger à toute bride les
troupes de l'Aſie, eſperant d'enauoir meilleur marché qu'il n'auoit eulc
iour precedent de celles de l'Europe. Maisle Beglierbey de la Romanie
s'enapperçeut auſſitoſt,& enuoyaThuracangouuerneur de la Theſſalie †
bat entre les
auec ſes gens,pourleur allerdonner en queue, & luy auec le reſte de ſon #
regiment les prit de flanc, en ſorte qu'ily eutlà vn grand meurtre & oc- §
ſion de Chreſtiens,pour ſe trouuerainſi tout à coup preſſez de diuersen-"º
droicts : car ceux de l'Aſie ſevoyans ſouſtenus reprirent cœur,&combat
tirent plus aſprement qu'ils n'euſſent faict Les Valaquesvoyâsla conte-infdelitédes
· nance desvns & desautres,& quele perilles menaçoit deſormais de ve-†
nir iuſqu'à eux s'ils s'opiniaſtroient d'attendre d'auantage, aduiſerent †"
d'enuoyer deuers Amurat pour chercher de faire leur appoinctement; "
ſous proteſtation de luy demeurer de là enauáttres-obeiſſans & fideles:
Car ils ne voyoientautre meilleur expedient que celuy-là : & ſçauoient
treſbien que la premiere choſe qu'il † apres auoir gaigné la bataille,
ce ſeroit delesaller tous exterminer en leur pays,& les ruiner de fonds en
comble : Parce qu'il ne ſe voudroit pas contenter des excuſes qu'ils luy
pourroiétalleguer,que la conformitédela religion, & l'alliance, & con
federation que de ſilongue-main ils auoientauec les Hongres, les au
roient contraincts de prendre les armesauecques eux,ayâs eſté meſmc
ment induicts,voire forcez à cela par le Prince que Huniade leur auoit
donné, lequel eſtoit du tout à ſa deuotion.Apres doncques qu'ils eurent
deleguél'vn d'entr'eux, auec vn trompette pour aller porter ce meſſage
à Amurat,il luy parla CIl CCUUC ſorte.Treſp uiſſant & redouté Monarque,
S ij
2o8 Liure ſeptieſme
# º les Valaques tres-humbles & tres obeiſſans eſclaues de ta grandeur,
† m'ont commandé devenir icy deuers toy,pourte ſupplier tres-humble
ment leur vouloir octröyer la paix, & les receuoir de nouueau en tabon
ne grace & bien-vueillance , leur pardonnant la faute qu'ils peuuent
. - auoir commiſe enuerstoy & toninuincible couronne: Carils proteſtent
ſur la foy & ſeruitude qu'ils t'ont touſiours portee en leurs courages,que
par contraincte & malgré eux,ils ont pris les armes contre toy,en la com
pagnie de tes capitaux ennemis les Hongres, que Dieu confonde, puis
† ne ceſſent de troubler ton repos, & diuertir tes glorieuſes entrepri
es & conqueſtes. Plaiſe doncques à tabenignité (Sire)ne'reietter point
la tres-humble requeſte qu'ils te font tous en general, par la voix & or
gane de moy leur deputé,& leur vouloirpardonner le pafſé , à la charge
· que tout de ce pas ils t'aideront à exterminer tes ennemis icy preſens , &
· que d'oreſnauantils obeiront fidelement à tout ce qu'il te plaira coman
Reſponce der. A cela Hali le premier Baſſa ou Viſir prenant la parole fit telle reſ
vne telle cruauté contre des gens nuds, qui auroient deſia eſté receus
à ſa mercy. Mais eux n'eſtans pour reſiſter à vne telle force, finerent là
Del'Hiſtoire des Turcs. 2o9 '
miſerablement leurs iours, en vitupere & ignominie perdurable : Là où -
paraduenture s'ils ſe fuſſent retenus enleur deuoir, & pris le hazard d'vn
combatlegitime,auecleurs alliez & confederez, d'vne meſme creance,
contre leur commun ennemy,ils en euſſent (peut-eſtre) eſté quittes à
meilleur marché,auecvne honorable & glorieuſe memoire. Les Hon
gres cependant ne ſçauoient que penſerlà deſſus , car ayans veu comme
les Valaques les abandonnoientainſi vilainement au beſoin pour paſſer
ducoſté d'Amurat, ils en conceurent de premier mouuement plus d'in
| dignation que d'effroy,s'eſtimans bien-heureuxd'eſtre deffaicts d'vne ſi
mauuaiſe denree : Mais apres qu'ils ſceurent le traictement qu'on leur
auoit faict pour recompenſe de leur trahiſon , alors ils curent la vertu
- d'Amurat en trop plus grande eſtime, qui n'auoit voulu ny le ſecours, ny
· lacompagnie d'vneſi mal'heureuſe race de gens ; & commencerent à le
redoubterplus que deuant. Or ſe faiſoit-ildeſiatard,& s'eſtoitpaſſé cet-#
teiournee auſſi bien que la precedente , en eſcarmouches & legiers com-#re
· bats, tantoſt # tantoſt là,ſans venir à la bataille generale , ne qu'il y doubté par
les Hongres
que la gran
euſtaduantage ſinotable, que les vns & les autres ne ſe peuſſent encore †
· pour celle fois retirer chacun en ſon camp : Au moyen dequoy la re-ºº
traicte ſe ſonna des deux coſtez; & Huniade ayant faict appeller ceux
qui auoient la charge des chariots. Eſcoutez (dit-il) compagnons , ºr si .
viens de recognoiſtre tout à monaiſe,& la trouppe, & le fort d'Amurat, †
là où giſtle centre de noſtre victoire,& me ſuis † bien reſolu du moyen †
qu'il faut tenir pourracler tout cela cette nuict auec peu de perte pour §
nous. Que chacun doncques ſe tienne preſt pour aller donner dedans"
ſur le changement du guet, lors que ie vous en feray aduertir par la
Sourdine, car ie me mettray deuant pour vous faire le chemin & ou- .
uerture. Et ſur ces entrefaictes s'en alla choiſir parmy toute l'armee les
| meilleurs hommes † fuſſent, & les mieux montez, dont quaht &
quantilſe pouuoit fier le plus; leur commandant de repaiſtre en toute
diligence, afin de partir quand il le leur feroit ſçauoir, qui fut vn peu
auantleiour.Maisilne prit pas ſon chemin vers Amurat comme il diſoit, Hunlade,
†
au contraireil tourna court tout auſſi toſt qu'il fut hors des trenchees, laiſ ſºn
pourallergaigner le Danube, & le paſſer auant que ſon deſlogement §
peuſt eſtre deſcouuert. Comme leiour puis apres euſt commencé à ap
paroiſtre,& que ceux qui eſtoient aux carroſſes attendans ce qu'on leur
commanderoit, n'apperçeurent plus ny Huniade,ny marque aucune ou
apparence de luy ne de ſa trouppe ; & que les Turcs d'autre coſté qui
eſtoient en ſentinelle euſſent veu le camp des Chreſtiens plus vuide &
deſnué que de couſtume, demeurerent d'vne part & d'autrevne bonne
eſpace en ſuſpens,ne ſçachans bonnemêt deuiner que cela vouloit dire,
iuſques à ce que quelquesvns de leurs coureurs,qui eſtoient allez la nuict
àla guerre, rapporterent que Huniade auecvn gros hourt de caualerie -
auoit repaſſé l'eau,& eſtoit deſia fort eſloigné.Cela entendu,les Genniſ Bºnfiaius dit
ſeres coururent haſtiuementaux armes,&allerent donnerſur les carroz-†s
zes, oû pourle commencement ily eut de la reſiſtence, pource que ces"
- S iij
2Io Liure ſeptieſme -
- enslà qui n'eſtoient pas des pires,ſe voyans reduicts au deſeſpoir com
§ comme par deſpit,tous forcenez & furieux pour le laſchetour
Entasashi º leur chefleurauoitioué.A la fin toutesfois les Tures en ayant tué
nt16ºf6 dCta1- v. - 2 -
miiie Tures le tuez ſur la place:eſtant fort aiſé de diſcerner les vns d'auec les autres;
#. pource que les Turcs ſont circoncis,& tous raſes » hors-mis vn touppet
† de cheueux qu'ils laiſſentau haut de la teſte, & quelque peu de poil vers
† les temples,là où les Hongres nourriſſent fort curieuſement leurs perru
§ſeule les
ques
IllCIll .
fort longues
enſeuelir & bien
§ bord de teſtonnees.Amurat
la riuiere de Moraue.fit tirerles ſiens à part, &
† de diligence qu'il pouuoit, tant que ſur le veſpre il arriua aupres d vne
§" petiteville des appartenances des Turcs,appellee Sphetzanium, eſtant
en grande perplexité d'eſprit quel chemin il deuroit pluſtoſt prendre
pour ſe mettre à ſauueté,& qu'il ne fuſt deſcouuert des Myſiens, pour ce
qu'il ſçauoitbien que George Prince des Triballiens ſon mortel enne
†
my, ne faudroit ſur ce deſaſtre de luy faire dreſſer embuſche, &
mauuais party s'ilpouuoit.Tellement que ſur la ſeconde garde, faiſant
ſemblant d'aller reuiſiterlesſentinelles qu'ilauoit poſees pour ſa ſeureté,
il ſe deſtourna auec quelquesvns dont il ſe fioit le plus,& prit vn chemin
- à l'eſcart: Puis toutſoudain changeant d'aduis,ſe deſrobaauant qu'il fuſt
iour de ſa trouppe; eſtimant de ne ſe pouuoir ſi bien ſauuer en compa
gnie,côme s'il eſtoit ſeul.Et tout auſſi toſt que le Soleilfutleué, abâdon
nant ſon cheual, s'en alla à pied pour gaigner vne petite colline qui
eſtoit là aupres toute couuerte de buiſſons, mais il apperceut vn Turc
† tiroit pays,ce qui fut cauſe qu'ils'alla cacher dans les cânes & roſeaux
vn marets quicoſtoyoit le pied de ce tertre, iuſques à ce que l'autre
- fuſt paſſé outre. Lorsil ſortit, & pourſuiuit ſon § , tant qu'il arri
ua ſurles terres du Prince George,là oü ayant de premiere entree ren
contré deuxTriballiens,illeur offrit vne bône ſomme d'argent pourluy
monſtrer le chemin; mais ils ne furent gueres loin qu'ils conſpirerent de
- N.
-- #
De l'Hiſtoire des Turcs. 2f1
lemettre à mortpourauoir ſa deſpouille , dequoy luy qui auoit conti
nuellementl'œil auguet s'apperçeut auſſitoſt, deſorte qu'auant qu'ils le vaillancede
chargeaſſentileuſt le loiſir de mettre la main àl'eſpee, dont il auala leſ "
paule à l'vn, & l'autrevoyant ſon compagnon par terre, gaigna au pied
à trauers des broſſailles, oùils'eſuanoyt incontinent de ſaveue.Or auoit Le Deſpote
le Prince desTriballiens,ſoudain qu'il futaduerty de la fuitte de Hunia- #
de, & de la deffaicte deſonarmee, enuoyé en diligence fermerles paſſa- †º
ges, afin que perſonne ne peuſteſchapperſans ſçauoir qui il eſtoit,& où -
lus deſormais.Ils le recogneurent bien à ſon habillement & langage, & '
luy dirent : Eſtranger mon amy, de pain vous n'en manquerez point,te
nez,mangez à la bonne heure, maisil eſt queſtion de vous meneraugou
† celieu, pour ſçauoir qui vous eſtes; là oûapres que vousau
rez eſtéinterrogé, on ne vous fera mal ne deſplaiſir quelconque, de cela
ſoyez en tout ſeur,ains vous lairra-l'on aller voſtre chemin,pource qu'on
neretient perſonne outre ſon gré,& ne cherchcnt § l'Huiade tant ſeu
lement,ſchon ce que nous auons peu entendre.Là deſſus s'eſtans ſaiſis de
luy, il fut contrainct par neceſſité d'aduoüer au plus ancien qu'il eſtoit
|. celuy qu'on cherchoit, mais qu'il leur feroit de grands biens,& leur don
|! neroittant d'argent, d'heritages & de maiſons, qu'ils en ſeroient riches
ll
àiamais,s'ils levouloient conduire à ſauuetéiuſqu'à Belgrade, ſans le deſ
couurirauxTriballiens, Le vieillardle recogneut § , & entreprit
de le rendre ſain & ſauue dans ſon pays; declarant à ſes freres qui il eſtoit,
dont il ſe falloit bien garder de ſonner mot : & pour s'en aſſeurerd'auan
tageles retintauec ſoy. Sur le ſoir puis apres ils le menerent en vn ma
noir où ils gardoient leurs fourrages & beſtail,afin d'apreſter leur cas,&
le faire repoſerla nuict pour deſlo ger àl'aube duiour. Mais cependantil , Malheur de
- - 2 > H - de.
ſuruint quelque noiſe & debat entr'eux, tellement qu'vn des freres ſe"
deſrobba, & alla reuelerl'affaire au preuoſt de la prochaine ville, †
auec ſes archers s'y en alla ſoudain; & ayans trouué Huniade caché dans
vn grostas de foin, le prirent & l'emmenerentaugouuerneur de la con
tree; luy diſans quic'eſtoit, & où ils l'auoient trouué.Celuylà le mit dans .
la fortereſſe,là oûil demeura quelque temps priſonnier,iuſques à ce quc
finablementil trouua † aigner le Capitaine & ſes morte payes,
qui deuoientàla premiere † ſe ruer ſur le gouuerneur,& ſaccager Autre mal
laville maislemal'heurvoulut encore quel'vnd'eux alla deſcouurirl'en- .†
· treprinſe, † ceux là furent tous mis en pieces qui eſtoient partici-mºhº
pans de la conſpiration. Finablement ſe fit vne alliance de la fille de Hu
· niade auecle fils du Deſpote, par le moyen de laquelle il fut renuoyéà
S iiij
Liure ſeptieſme
-
212 ·
Bude. voyla commentles choſes paſſerent en cette expedition de Hu.
niade & des Hongres contrelesTurcs,qui n'eut pasl'iſſue telle que tou
te la Chreſtienté peut eſtrel'eſperoit,attendu tant de belles forces, & vn
telequippage, ſous la conduicte meſme d'vn ſi grand & renommé Ca
· pitaine. - · , '
#e-laiſſant deux enfans, Mechmet qui luy ſucceda àl'Empire, & f vn autre
†, qu'ilauoit eu de la fille de Spender.Ce fut vn fort bonPrince, debonnai
† re,droicturier,& grandamateur d'equité & iuſtice, qui n'entrepritguer
ººº re aucune ſinon en ſoy deffendant, & qu'onl'euſt prouoquéle premier:
Auſſineluy falloit-il pas gueres chatouillerles oreilles pourlemettre aux
- champs; carils'aigriſſoit facilement, & eſtoit lors fort ſoigneuxd'aſſem
bler des forces,& aller la teſte baiſſee où les affairesl'appelloiét ſans crain
te de trauail ne meſaiſe, de chaud ne froid, non pas meſmes des montai
gnesles plus aſpres, & autres difficultez de chemins malaiſez & faſcheux,
#!
so N E L o GE o v s o M MAIRE DE s A viE.
, #$ # En'ſt pas ſans cauſeſ Mahometſeconddunom filsd'Amuratc de laffleda
$ #N # Deſpote de Seruie a voulu eſtre ſurnommé des ſiens Bov 1, c'eſt à dire legrand
-
|
$# } ou laterreurdumonde, puis que toutes ſes actions & inclinations ont eſtéſ#
\ #M , grandes & ſîreleuées qu'il ſemble qu'elles ayentternytoutes celles deſes deuan
§è)S# # ciers. Il fut grand en ſes entrepriſes,granden courage, granden conduitte,
grand en idence & en ce qui de#endoitdugouuernement,grandenſesionqugfes,& grand
-
en beauté&ſubtilitédºſprit. Maiilfut grindauſien impieté,en cruauté, en diſſolution,en
perfidie & deſloyauté,en vengeance & en ambition.Lagrandeurdeſes entrepriſes le portacon
tre les Grecs,les Hongres,les Perſes,Trebizondins,Myſiens,Valaques, Tranſyluains, Boſniens,
Albanois,Rhodiots, j emitiens, & pluſieurs autres peuples. La grandeurde ſon courage luy fit
hardiment expoſer ſa perſonne à toutes ſortes de dangers ſans s'eſpargnerencore qu'ilait eu af
, faire aux plus belliqueuſes nations du monde.$agrande conduitte le deliura maintcsfois deplu
ſieurs grands perils entre autre celuy qu'ilencourut en cçſte grande deſroutte qu'ilreceut deuant
Belgrade qu'ilauoit aſſiégée & où tlperdit yoooo.Turcs auet toute ſon artillerie par la valeur du
redoubtable Huniades, & deuant Croye par le tres-valeureux Scanderbeg comme nous auons
dit en ſon Eloge.Sa prudence ſt remarquable quand il remit ſi facilement l'Empire entre les
mains de ſon pere Amurat, lors que quittant ſon cloiſºre ilvoulut rentreren la poſſeſſion d'ice
luy. Es conquiſtes s'ºſtant rendule maiſfrededouze Royaumes del'Empire de Trebizonde & de
celuydes Grecs auec ceſte ſifloriſante & renommée cité de Conſtantinople le 29.de May 1 z ſ3.prit
la ville de Croye & toute l'Albanie,La Valajuie, Boynie, Scodre, le Pcloponeſe, auec la vii.e a ot
trante en Italie,rangea le Caraman à ſon ob. 5/aace,la Syrie, Carinthie, Sinºpe, l'iſle de Mete
din.Et apres la bataille de Ar/anga qu'il gaigna ſur //uncaſſan,ille contraignit à rechercher/on
amitié,ayant pris en fin ſurles Chrſtiens enuiron deux cens villes..Quant à lagrandeurdeſon
eſprit, il fut ires-docfe en Aſtrologie,& bien verséés langues Grecque, Latine, Arabique, &
Perſîque,fort adonné à l'hiſtoire ayant fut traduire en fa langue la vie des plusgrands 1 rin
ces,entre autres celle d'Alexandre le Grand, laquelle ildiſoit vouloir imiterencore que ce fuſt de
bien loin. Quant à ſes vices ſon impietéſfoit remarquable en ce qu'il feiguoitd'ſtre de toutes
religions & m'en approuuoit pas vne, non pas meſme la ſeane, de laquclle il ſe mocquoit & de
ſon faux Prophete, l'appelant eſclaue, & feignantquelquesfois de fauoriſer les Chrſtiens. Sa
cruautéextreme ſe void au mtſacre de ſes freres en lapriſe de Coſtantinople où tout ce qui ſe
peut imaginerde cruel fut exercé tant contre la figure de l'Empereur du ciel & de la terre que
contre le corps mort de l EmpereurGrec,& contre tous les habitans de ceſte ville deſolée,en lapriſe
deTrcbizonde,en la conquſte de tout le Peloponeſe,& en fin partout où s'eſt peu ſtendre la for
ce de ſon bras, & ſur toute celle de ſes Pages qu'il fit ouurir tous vifspour voir celuy qui auoit
maagévn concombre.Sa diſſolution en ce qu'il ſtoit extremement adonné aupeché contre natu
re, teſmoin Dracula frere du Prince de Valaqute qui luy donnavn coup de poignarden la cuiſſe
pour ſe diſpeirerde ſes mains comme ille vouloit forcer. Sa perfidie à lendroit del'Empereur
Dauid Comene & ſes enfans,contre le Prince Eſtienne de Boſnie, le Prince de Metellin qu'il fit
tous mourrircontre ſa foy& ſa promeſſe apres s'eſtre rendu volontairement à luy.Sa vengean
ce en tous lieux où ill'a peut exercer,n'oubliant iamais vne iniure ou quelque deplaiſir,entre au
tres celle de Haly Baſa qu'il fitcruellementmourir pourauoirremis ſon pert Aaurat à l'Empire
encore que cºſt Haly luy euſt fait depuis de tres ſignalez ſeruices, & jinalement ſon extreme
ambition quiluy dura iuſques autombeau,ſurlequelilvoulut qu'on mitceſte inſcription en lan
gue Latine apres vne longuenarration de tous ſes faits en langue Turqueſque.
Mens erat Bellare Rhodum & ſuperare ſuperbam Italiam, c'eſt à dire,
Ilauoit intention de ruiner Rhodes,& de ſurmonter la ſuperbe Italie.
Ilpreparoit vne grande armée pour alleraſaillir le Souldan du Caire, & deſcharger/acolere
ſurluy de ce qu'ilauoiteſtécontrainct de leuer le ſiege de deuant la ville de Rhodes, mais il fut
ſaiſid'vne ſi violente colique en la ville de Nicömedie qu'ilen mourut, au grand contentement
de tousſes voiſins,&principalement des Italiens qui enfirent des feux de loye,l'an rz81.de ſon
aage le 3.& de ſon regne, le 32.n'ayant pas eſtéſ heureux qu'Alexandre le Grand, mais ayant
euauſſien teſte d'autres Capitaines,& d'autre valeurà combattre queluy.
LE HVICTIESM E LIVRE
| LE HVICTIESME LIVRE -
| DE L' H I S T O I R E DE S
· T V R C S, D E L A ON I C C H A L
#. c o N D Y L E A T H E N 1 E N.
s o M M AIRE, ET cHEFs PRINcIP Avx
du contenu ence preſent liure.
tide : fait faire vne groſſe courſe dans Conſtantin Paleologue le dernierEm
#. le Peloponeſe,pourdiuertirdece coſté pereureſt tué,e9 la villepriſe & de la
· là: & rafflerd'autrepart tous lesfors tres piteuſe & miſerable deſolation
|: d'autourde la ville, afin de ne laiſſer | quiaduint auſaccagement. Chap. 6.
| rien en arriere qui peuſt moleſter ſon | Lapriſede la ville de Pera, & deſman
m armee. Chapitre I. | telementd'icelle : lamort du Chance
# Lé ſiege tant renommé e9º fameux de lier Leontaresauecſes enfans,e9 tous
, Conſtantinople,l'an 1453.c9 la ſitua- les autres Grecs remis nagueres en li
- tion d'icelle : les approches & furieuſe | berté : le tout à l'appetit d'vne Da
| batterie des Turcs : & les conſeils, moiſelle dont Mechmet s'eſtoit ena
, deliberations,& reſiſtences de ceux de mouré, qui l'en requit à laſuſcitation
# dedans, Chapitre 2. | deſonpere, mortelennemydes Grecs.
# Merueilleux ouurage & entrepriſe des Chapitre7.
- Turcs, qui remorquent leurs galeres Mechmet ſe reſouuenant du tour que
| - 69° # ronds iuſques au haut luyauoitiouéle Baſſa Chatites,ayant
#. dynemontaigne, & delà les aualent | eſtécauſederemettreſonpere Amurat
auport, pour s'enſaiſir# le derrie- al'Empire, le faict mourir: Ses ma
re,eſtantferméd'vnecheſne à la bou- gnificencesapres lapriſe de Conſtanti
- che:erdupontpareux dreſſe là deſſus. nople : Et de la Prophetiede l'Empe
|. Chapitre 3. - - reur Leon, de tous les Empereurs &
· Combat parmerde l'armee Turqueſque Patriarches aduenir apres luy.
# enlapreſence de mechmet contre deux Chapitre 8.
# nauires de charge, venans au ſecours | Troubles & ſeditions C0177777º/1C6'6'5 df4
de Conſtantinople, leſquellesſedemeſ | Peloponeſe entre les principaux : la
lent detous ſes vaiſſeaux, & malgré- rebellion des Albanois y habitue K,
euxgaignentleport. Chapitre 4.| ſous laconduicted'vn Emanuel Can
# Pluſieurs allees & venues d'vne part e9 | tacuzene, & l'empriſonnement de
d'autre pour taſcher de moyenner les | Centerion & de Lucanes, les deux
choſes : & ne s'en pouuant trouuer le principaux miniſtres des Princes Pa
moyen,l'exhortation de Mechmet à | leologues en ces quartiers là. -
L'EsT E"
De l'Hiſtoire des Turcs. 217
#GP 'EsT E' † Mechmet fils d'Amu
# rat,ayant faictvn grandamas de chaux en Aſie, ſe mit à
# baſtirlafortereſſe de Lemocopie furle bord de la Pro- .
· pötide du coſté del'Europe, en ceſt endroict propremét ſ†
toit ancien
mºt deuant eſtoit à ſa main droicte vers la porte dorce, fut departy aux forces d'A
#"ſie,àla gauche, celles de l'Europe furent logees en tirant à la porte de
bois; mais au milieu eſtoit fort pompeuſement dreſſees ſes tentes & pa
uillons, & tout à l'entour eſpanduzles Genniſſeres & les domeſtiques de
la porte,qui ont accouſtumé de demeurerà la garde de ſa perſonne quel- .
que part qu'ilvoiſeiamais : visàvis deſquels, au deſſus de la ville de Ga
lathie dicte Pera,s'eſtoit parqué le Zogan ſon allié , auec ceux dont il
auoit la charge & conduicte.Telle futl'aſſiette de ce camp, oû l'on dict
†
y eut bien alors quatre cens mille perſonnes,& deux fois autant que
† de cheuaux de ſeruice, que de beſtes devoicture. Carles Turcs ſeuls en
§- quileur
tre tous autres
IllC8,
queiepartout
faict beſoin ſçache, où
ontilsaccouſtumé de trainer
vont à la guerre quant que
: tellement & eux ce
pour
auoirabondance de toutes choſes,ils menent ordinairement force mu
lets & chameaux; outre leſquels chacun a encore quelques autres che
uaux,chameaux,& mulets †
exquis,pour ſeruir ſeulement de monſtre
1'armesde & parade. L'armee de mer arriua auſſi bien toſt apres, ou il n'yauoit
#º § trente galeres, mais les nauires & autres vaiſſeaux ronds paſſoient
eux cens, Incontinent que les Grecs eurent deſcouuert cette flotte, ils
tendirent la cheſne qui trauerſe de Pera iuſques à la muraille de la ville,
ioignant le chaſteau; & enfermerent au § tous les vaiſſeaux : dont
les aucuns eſtoient venusàleurayde & ſecours, les autres eſtoient naui
res marchands,afin de les mettre en ſeureté, & empeſcher que l'armee
Le port de
Conſtantino
† ne s'enſaiſiſt; & du port pareillement, lequel eſt bien l'vn
§ des plus beaux & ſpacieux qui ſoit en tout le reſte du monde : car il ne
†s contient gueres moins de trois lieuës de circuit à l'entout de la ville ; &
† le long de la Rade ils'en eſtend plus de cinq : & ſi n'y entre point de ri
ººººº uieres telles, que parl'impetuoſitédeleur cours elles peuſſent tourmen
1e, munille,terlesvaiſſeaux † y ſurgiſſent. Quant aux murailles qui regardent la
† marine, elles ne ſont pas des meilleures, mais du coſté de la terre, il y a
#de la foible,eſt
tCITc,
double mur & double rempar.
en recompence Le grand
armé d'vn premier eſtantdeuant,
foſſeau bas & de
aucunement
deux cens .
pieds de large,reueſtu de coſté & d'autre de pierre detaille : l'autre qui eſt
en dedans eſt fort haut & admirable, tellement que l'Empereur & ſon
conſeil eſtoient en doute,auquel des deux deuoit faire teſte : à la fin ils
ſe reſolurent de n'abandonner point le premier nomplus qu'on fit lors
s
- »•
autre au milieu de ces deux , plus grande d'vn tiers, qui amenoit ce
qui eſtoit eſbranlé en bas: car le boullet porté d'vne § violence de
pouldre commeil en falloit pour chaſſervn ſigrandpoix, ne pouuoit ſi
non fairevn tres-grandeſchec, & ruine, l'eſclat meſme & le tonnerre de
ces volees eſtoit # vehement & eſpouuentable,que la terre en trembloit
plus de deux lieües à la ronde.Et ainſi commencerentà battrela premie
recortine, n'eſtant pas la ſeconde exempte des coups qui y pouuoient
arriuer facilemét,pource qu'elle eſtoitbeaucoup plus haute,ſibien qu'ils
yportoient † dommage; non tant toutesfois que les Grecs s'en
deuſſentainſi cſpouuanter.Car ces groſſes & lourdes pieces eſtans tres
malaiſees à manier, ne tiroient que ſept ou huict volees par iour, & la
nuictvnc tant ſeulement, encore n'eſtoit-ce ſinonvers le poinct duiour
Pour ſaluër la Diane,& eſueillerles autres à § execution
& batterie. Mais les Grecs n'eſtoient gueres pratiqués de ſe raſſeurer en
telles neceſſitez, ne de rem parer auſſi peuauec ce qu'ils auoient à faire en
tant d'endroits tout à vn coup, qu'ils ne ſçauoient auquel entendre:
Pource que les Genniſſeres s'eſtans pourueuz de grand nombre de ga- # *
bions, & de mantelets oûils pouuoient demeurer à couuert, gaignerent #.#
lesvnsle foſſé,les autres ayans eſleuévne petite douue ou rempar ſur le §
bord de la contr'eſcarpe, la perçoient par endroicts, & de là com
mc par des canonnieres tiroyent inceſſamment & ſans intermiſſion,
cóme vne greſle de fleſches & d'harquebouzades aux creneaux; de ſor
#e que perſonnenyoſoit comparoir, netant ſoit peuyſeiourner pour #
tremines, leſ
† quelque grand dommage. Mechmet outre tout cela fit faire #
pluſieurs mines, † par deſſoubs le foſſé, & les fondements§"
des deux murs , iuſques bien auant dans la ville : Et à l'endroict où
l'onles auoit ouuertes, afin que les ouuriers qui iroient & viendroient
Pour tirer la terre , fuſſent plus ſeurement , eſtoyent eſchaffaudees,
T ij
22O · Liure huictieſme
quatretours ſur certaines machines de bois, dont on lançoit des lances,
-, pots à feu, & autres artifices contre ceux de dedans. Mais les mines
ne vindrent point à effect, pource que les Grecsallerent au deuant,
& les ayans eſuentees, contraignirent à force de feu & de fumee les
Turcs de les abandonner. Ils auoient encore acommodé vne autre
tour de bois beaucoup plus exhaucee que les precedentes, au haut dela
quelle yauoit grand nombre d'eſchelles, & de ponts portatifs pour iet
ter ſur le rempar.Toutesleſquelles choſes ſe faiſoient du coſté de la ter
re,pour eſſayer ſi elles leurpourroient ſucceder en quelque ſorte & ma
niere à forcer la place.
MArs comment elle fut cependant aſſaillie auſſi deuers la marine,
III.
coupils la peuſſent ſerrer &par la terre & par la mer.Ce fut de remarquer
· lesvaiſſeauxvers l'endroit où eſtoit campéle Zogan,d'ou à force de bras
ils tirerent contre-montvne colline iuſques à ſoixante & dix nauires, &
quelques galeres,auec tout leur equipage devoiles & auirons : Puis les
coulans en bas, lesaualerent derechef en l'eau à la faueur de quelques
pieces, & d'vn grand nombre d'archers & d'arquebouziers arrengez
ſurla greue, qui gardoient les Grccs de ſe monſtrer en lieu dont ils les
euſſent offenſer:leſquels d'autre coſté conſiderans l'importance dont
cela à la parfin leur pouuoit eſtre,emplirent ſoudain de gens de guerre les
vaiſſeaux quiſe trouuerent dans le port, venans d'vne braue & aſſeu
ree contenance pour le commencement aſſaillir ces vaiſſeaux, & y met
tre le feu : mais l'artillerie de pleine arriuee en enuoya deux en fonds,
tellement que ceux qui ne ſceurent nagervindrent enla main desTurcs,
c ede quileur firent fort mauuaiſe guerre; car dés l'aube duiour enſuiuantils
#. les maſſacrerent cruellement deuantl'vne des portes de la ville, à laveuë
§ ctacle,
de ceuxpendirent
(ICS,
qui eſtoient ſur le rempar. Les carneauxtouslesTurcs
ſurl'heuremeſmeaux Grecs irritez de ce criminel ſpe
qu'ilste
noient priſonniers:& ainſi ſe compenſalamort honteuſe desvns & des
#º " autres.Mais cependant le port ſe trouuoitvuide & deſnué de toute reſi
ſtence:carles vaiſſeaux qui y eſtoient, n'oſoient plus ſe monſtrer pour
craincte del'artillerie.Au moyen dequoylesTurcsallerent ietter l'ancre
r deſ ºutau pied de la muraille , & firent vn pont en ceſt endroict de la tCTTC -
†º ferme qu on appelle les Ceramariens, qui trauerſoit d vn boutà autIC,
' lequel eſtoit faict de fuſtailles & tonneaux liez enſemble deux à deux, &
retenus parles coſtezauecdeschables & cordages,pourlestenir fermes,
& les garder de branſler;puis les plancherentd'ais par deſſus,& ſemerent
de grauois & de ſable:tellement qu'ils auQient le paſſe libre pour aller &
venir à toutes heures du logis du Zogan iuſqu'aux murailles de la ville, .
qui demeuroit cloſe & enueloppee de tous coſtez , ſans que perſon
ne y peuſt plus entrer n'en ſortir. Et qui pis eſt leurs forces alloient de
ioureniour diminuans pourlagrande eſtenduë de cetteville,quicótient
De l'Hiſtoire des Turcs. 221
trois ou quatre lieuës de circuit : Parquoyayans à departir leurs gens de †
deffence
leurs ende
corps tant d'endroits
garde tout àvn
ſe trouuaſſent coup,de neceſſitéil
bienfoibles, & que dufalloitauſſi,que
trauail aſſidu, # ODZC 4t2dES,
re,& la muraille preſque par tout fort deſchiree.Ils auoiét bien dés le c6-§ ð
ImlCIlCCIIlC1lt eſſayéde s'aiderde quelques pieces qu'ils auoient, leſquelles †.
portoientiuſques à ſoixante ou quatre vingts liures de boulet; dont ils" '
planterentl'vne en contrebatterie,àl'oppoſite de la plusgrande de celles
de Mechmet;mais quand ſe venoit à les delaſcher, l'eſclat partant de là
eſtonnoit touſioursd'auantage la muraille & le rampart, qui d'ailleurs
n'eſtoient que trop intereſſez , de façon que cela leur tournoit à plus
de dommage qu'aux ennemis propres : auec ce que leur plus groſſe pie
ce, aux premiers coups qu'elle tira ſe trouua eſuentee,dequoy ils voulu
rent par deſpit reietter la faute ſur le canonnier, le ſoupçonnans auoir
eſté pratiqué parlesTurcs, & pourtant le vouloient faire mourir : mais
netrouuans là deſſus ne preuue ne indices ſuffiſans, le laiſſerent aller; & Mati
eurent recours à remparer la nuict auec boys de trauerſe, clayes , ton- #
neaux, gabions, & balles de laine, ce que les Turcs pouuoient faire de † "
breſche le longdela iournee. IIII,
O R comme ces choſes ſe faiſoient, on vintaduertir Mechmet,com
me deux groſſes naues de charge auoienteſté deſconuuertes cinglans le
long de la coſte,qui venoiét deuers la mer AEgee:
- - :) 5. la plus grande -
†
les eſtoit de Geneuois, & l'autre chargee de viures & raffreſchiſſemens,
pour l'Empereur. Cela entendu il1etta ſoudainement ſur ſes nauires & †"
galeres
ſtir, car force ſoldats,
deſia elles leur commandant
approchoient, portees de lesaller
d'vn tout à l'heure
frais gaillard inue- tent
& à ſouhait. † fort mal,
mee de mer, par les ſiens propres, comme il leur reprocha depuis en la #
l'armee #
de
preſence du ſeigneur, & que ſans cela, ioinct leur mauuais deuoir,les que §ſluy ſauue .
deux vaiſſeaux ne fuſſent pas ainſi eſchappez. A laverité cette bleſſeure vic.
la -
luyvint fort à propos pourcolorer cela qu'il reiettoit ſur les autres, car
par ce moyen il ſ'exempta de la puniti6 qui luy eſtoit preparee:& Mech
mettournantſoncourroux ſur ceux qui furent ſoupçonnez d'auoirfait
- T iij
2 22 Liure huictieſme
· le coup,les fit ſur le champmettre aux fers, reſeruant de les faire punir
puis-apres.De là eſtant retournéen ſon logis, comme il euſt faict reco
noiſtre labreſche, & trouué qu'elle eſtoit raiſonnable, il ordonna de
§ feux partout le § la couſtume obſeruee par les Turcs
†º telles occaſions & au reſte fit preparertoutes choſes pour donner l'aſ.
" ſaut au troiſiemeiour, faiſant publier à ſon de trompe , commeil don
noit le pillageauxſoldats, & abandônoit tout le peuple pour eſtre faicts
- eſclaues. -
-
Del'Hiſtoire des Turcs. 223
ilfitaſſembler ſes gens d'aſſaut & leur parla en cette ſorte.Tresbraues & Hºrºsue de
vaillans combattans, qui auezaccouſtumé touſiours de bien faire, quel- †.
que part que nous ayons voulu tourner la fureur & impetuoſité de nos º
heureuſes conqueſtes,envous ſeuls & non autres, conſiſte toute l'atten
teque nouspouuôsauoir de la priſe de cette place. Vous ſçauez quelors
que nous en le vouluſmesauoirvoſtreaduis,vous auriez tous vnanime
ment reſpondu † fiſt tant ſoit peu de breſche, & qu'on vous laiſ
ſaſt cheuir du reſte : Cela eſt executé maintenant, & mieux beaucoup
que vous ne demandiez, carvous-meſmesl'ayant recogneue en eſtes de
meurez ſatisfaicts; en ſorte qu'il ne reſte plus, ſinon † monſtrer qucl
courage vous auez de confirmer en ceſt endroict la bonne opinion que
chacuna de vous; qui en tous lieux, tant ſous noſtre conduicte,que cel
le de nos predeceſſeurs,auezrapportévne tres gran de gloire &honneur,
des choſes fortvaillamment parvous menees à fin. Vous n'ignorez pas
auſurplus, † charges & gouuernemens, & combien nous en auós -
ennoſtre diſpoſition, tant en Aſie qu'en Europe:le plus beau & meilleur Merueilleuſe
de tous ſoit dés maintenant, pour honnorerlavertu de celuy quile pre-§"
mierarriuera ſur la muraille, & quelque riche & opulente Seigneurica-†"
uec, dont il puiſſe en paix & repos viure à ſon aiſe le reſte de ſesiours : Et ºº
ſiieveux qu'il ſoit reſpectéparapres autant que nul autre qui nous ait
oncques faictſeruice. Que ſi nous en ſçauons quelqu'vn ſependant que
l'aſſaut ſe donnera qui pour fuyr la lice demeure au logis, s'en cuidant #
exempter&ſouſtraire,certes quâdil auroit les eſles du plus leger oyſeau, ††
ſine pourra-il
Par ainſi euitervous
preparez pourtant le chaſtiment
alegrement de noſtre
à ce combat, rigoureuſe
le plus main. d'vn
aduantageux § #º citat.
Mort de Can-
nages, acheuer de faire noſtre deuoir contre ces maudits chiens deteſta
V ,* - -
ietter dans la ville apresle pillage tellement que les galeres Venitiennes Ambaladeur
ſe trouuans vuides & deſtituees d'hommes(carlesGrecs les enauoientti
rez pour mettre à la garde & deffence de leurs murailles, où la plus part
auoyent eſtétuez ou pris)s'en allerent flottans à l'aduenture le long de
l'Helleſponte, tant qu'au troiſieſme iour elles aborderent en l'iſle d'E
· gine, & furent les premiers quiyapporterent les nouuelles de cette pi
teuſe deſconuenue. Ce qui mitvn teleffroy à tout le pays d'Alentour,
tant des Iſles que de terre-ferme, que le peuple ſoudain ſans penſer à ce
qu'ilfaiſoit quittalàtout, fuyant en deſordre de coſté & d'autre, & ſi
ne ſçauoiét oü,toutainſi queſi deſiails euſſent eu les Turcs enleurs mai #
ſons, quileur tinſſent le couteau à la gorge. Les ſieurs meſmes du Pelo
poneſe eſpouuantez de cette grande calamité, eurent recours à la mari
ne pour ſe ſauuer; ce qui apreſta vne belle occaſion aux Albanois qui y
eſtoiét habituez,de s'eſleuer & departir de leur obeyſſance accouſtumee. .
ME c H MET s'eſtantainſi emparé de Conſtantinople,ordonna ſou- Vº
dain au Zogan des'aller ſaiſir delaville de Pera qui eſt toutvisàvis,& n'y
a qu'vn bras de meràpaſſer,afin de retenirles habitans qu'ils ne s'en al
laſſent d'effroy. Mais le Podeſtat de la ville voyant commel'autre auoit †
eſté traictce, voulut preuenir l'orage, & s'en allaluy meſme preſenter Pera.
les clefs à Mechmet,lequelle receut benignement; &là deſſus dona char
ge au Zogan d'enaller prendre poſſeſſion. Tout auſſitoſt que les habi
tansl'apperceurétvenirà euxauecles galeres,ils coururét àleursvaiſſeaux
228 Liure huictieſme
pour ſe ſauuer deſſus,là où il y en eut quelques vns de tuez pour intimi
derle reſte; & cependant laville fut priſe; là où on eſtablit vn gouuer
neur : tellement que Mechmet en vn ſeul iour ſe fit maiſtre & Scigneur
de ces deux citez : l'vne toutesfois ſans comparaiſon plus belle, plus ri
ra, che & puiſſante que l'autre : cette-cy receue à compoſition, & celle là
§" miſerablement ſaccagec. Toutesfois il fit deſmanteler Pera du coſté de
la terre, afin de luy oſtertoutesoccaſions & moyens de ſe rebeller àl'ad
uenir, ſous l'eſperance des vaiſſeaux qui pourroient arriuer d'Italie, par
ce quel'ouuerture des murailles leur en retrancheroit la volonté : pour
yauoir auſſil'entree libre à toutes heures † y cuideroit remuer †
que choſe. Tous les autres Grecs qui s'eſtoient exemptez du maſſacre
& execution,furent tranſportez en laditteville de Pera, remis en liber
té, principalement ceux qui eſtoyent de † nom & dignité. Car
†" Notaras meſme duquel nous auons parle cy deſſus, fut rachepté par
†* Mechmet auec ſa femme & ſes enfans; & apresauoir conferé enſemble
iiberté de quelques affaires, il luy donna permiſſion de ſe retirer où il voudroit:
· mais ſe fondant ſurle ſecours qu'on attendoit d'Italie, il voulut demeu
rerà Conſtantinople ; où quelques autres encore ſe ramaſſerent, leſ
- quels ſe ſouuenans de la douceur de la vie paſſee, & de l'ancienne liber
té dont il eſt bien mal-aiſé de ſe departir, ne ſe peurent tenir de faire
Leenaresa , certaines contenances & petites menees, qui furent incontinent deſ
† couuertes, dont ils irriterentleTurc de ſorte
remisenliber † les fit mettre à mort.
# Toutesfois on eſtime que cette ruine leur aduint, de ce qu'ayant eſté
#pour rapporté à Mechmet que Notaras auoit vn fort beau ieune garçon de
" l'aage de douze à treize ans , il luy enuoya demander par vn ſien eſ
Latropgs chançon, & l'autre s'eſcarmoucha vn peu trop viuement là deſſus,de
# laſchant en colere des paroles hors de ſaiſon que cette demande eſtoit
ºgº du tout inique, dèshonneſte & outrageuſe : car puis qu'on leur auoit
vnefois pardonné,& remis leurliberté à quelpropos,nyà queltiltre leur
pouuoit on plus rien demander ? † ſi cette grace n'eſtoit qu'vne fein
te & diſſimulatiô, & qu'en toutes ſortes on euſtarreſté de leur faire quel
que mauuais party,pourquoy ne comandoit onaux peres, de mettre eux
meſmes la main à leurs creatures?Somme toute qu'il n'en ſeroit rien, &
que celuy ſeroit choſe trop dure, voire inſupportable, de ſe voir ainſi
· vollerſes enfans deuantlesyeux,qui n'auoient en rien offenſé ne meffait.
L'eſchanſon luy remontroit d'ypenſervn peu mieux,pour le moins qu'il
moderaſt ſes paroles, carſi cela venoit vne fois aux oreilles du Seigneur.
ce ſeroit pour le mettre luy & les ſiens à perdition ; mais il ne le voulut
croire ne eſcouter.Au moyen dequoyle toutayanteſté rapportéà Mechº
» , met il comandaſur l'heure de les mettre àmort,& le reſte des Grecs qu'il
#auoitſauuez quât & quant.Auregard de Notaras ilprenoit ſa fortune Cfl.
patiéce,&ſe porta en tout & partout fortmagnanimement,ſans môſtrer
ſIlOIt ,
cutdeſpit, & leur enuoya tout incontinent dire par l'vn de ſes Chaoux, †
que ceux qui voudroient continuer ce noir, n'euſſent à faire faute de ſe §.
trouuerle lendemain à la porte:mais eux ſe doutans aſſez que cela vou
loitdire, ſe garderent bien d'y comparoir en ceſt equipage & liurec.
23o Liure huictieſme
Et de faictilauoit deſiaparaſſez deteſmoignages&indices faictcognoi
, ſtre ſa grande indignation, & courroux enuers le deffunct : Car ayant
vne fois apperceuvn Regnardattachéàl'entree du Palais, il ſe prit à luy
#º " dire comme en goſſant; &que fais-tuicy priſonniere pauure beſtiole,eſt
il poſſible que tu ſois ſi deſpourueuë de moyens, que tu n'ayes dequoy
graiſſer la main au Baſſaauſſi bien que les autres : Le bruict commun a
A tºus uoit auſſi eſpouuâté † eſt le plus ſouuent ce qui nous annöce
T§n les choſes aduenir: Au moyen dequoyil ſe preparoit comme pour aller
† en pelerinage viſiter le ſepulchre de Mahomet; eſperant que durant ſon
#.- ab encelemal-talent du Princes'adouciroit : mais ille preuint par malice
†" & aſtuce,luy faiſant meilleure chere que de couſtume, & plus de biens
§ ſomme
que iamais.
robe.
Et meſmele
de deniers; auecvoyant ainſideenbelles
tout plein ſoupçon,luy enuoya
paroles qu'il ne vne groſſe
ſe ſouciaſt
de rien, & ne preſtaſt plus l'oreille à ceux qui alloient controuuans &
ſemans ces faux rapports pour le troubler & mettre en confuſion d'eſ
prit à quoyil ne deuoit adiouſter aucune foy : dont Cathites aucune
ment reconforté luy fit cette reſponce. Il eſt en toy, Seigneur,de nous
contriſter tous, & reſiouyr ainſi que bonte ſemblera : Queſiton vou
loir eſt que nous demeurions triſtes & dolents, certes nous auons aſſez
d'occaſion d'ainſi le faire : mais ſi tu entends que nous facions bonne
chere, & reprenions noz eſpritsàl'accouſtumé,il eſt bien raiſonnable de
t'obeyr. Nonobſtant toutesfois ces beaux diſcours, il ne laiſſa de faire
Mºraiſºn leſaut.Comme † Mechmet en ſi peu de temps, & auec telle fa
†. cilité euſt conquis vn ſigrand & puiſſant Empire,il commença de tenir
†# vne plus grande maieſte; & tout enflé de pompe, & de magni †
" ficence,ſe mit courageuſementapres pluſieurs tres-belles & hautes en
trepriſes;amplifiant de tous coſtez ſa domination, parle moyen de tant
de citez,de Prouinces, & de Royaumes que de iour en iour il accumu
loit à ſa Monarchie ; partie de force, partie qui volontairement ſe ren
geoient ſoubsleioug de ſon obeiſſance. Mais c'eſt choſe bien eſtrange,
† pas vn de tous les Grecs ne ſe prit garde, ou bien n'y adiouſta point
e foy,aux predictions qu'ilsauoient deuantles yeux , veu que le cata
logue des Empereurs de Conſtantinople autres fois deſcrit par l'Empe
reur Leon,Prince tres-ſçauant,venoit à ſe terminer en Côſtantin, qui de
vray fut le dernier, & au Patriarche qui mourut à Florence : Car cetteta
ble ouliſte de Leon ne faiſoit mentionny de Conſtantin mis à mort par
c† lesTurcs,ne qu'ilfuſt decedé au Palais Imperial : Ne auſſi peu de Gre
0 Cl O - > - - 2 - - - V.
§
lle loſephe. goire s'en allant en Italie ( ainſi s'appelloit le dernier Patriarche )là où
• 1 * • - -
" tous les autres,peu ou pluſieurs qui ſoient paruenuz à ces deux dignitez,
†" chacun en ſon ordre,& au propretemps qu'ils deuoient eſtre ſelon qu'il
phetie d'vn
des Empe
reurs de Cö-
ſe verifia depuis,ſe trouuoient marquez en ladicte table ,
- - - -
iuſques à ceſt-
§pi
L .ſ Empereur & Patriarche qui furent les derniers. Ily a encore tout plein
- > - - • » •"
Boitteux, homme deſeſperé & meſchant tout outre, qui les animoit
ſans ceſſe à ſe ſouſtraire del'obeiſſance des Grecs,&eſlire quelqu'vn pour
les gouuerner.Les Albanois pourle commencement firent ſemblant d'y
vouloir entendre, puis tout ſoudain changerent d'opinion : car encore
yauoit-il parmyeux quelques Grecs qui les incitoient à creer vn Prince
dela nation Grecque. Finablement ils s'arreſterent à vn nommé Ema
nuel, dela maiſon des Cantacuzenes : puis tout incontinent donnerent †
ſur lesautres Grecs, pillans leurs biens, emmenans leur beſtail, & fai-§
ſans tous autres actesd'hoſtilité.Or ces Albanois icy ſont Paſtres, qui # -
»' * - º -
234- . Liurehuictieſme
& prendre fin. Ce qu'eſtant venu à la cognoiſſance des Turcsfirent
ſoudain marcher leurs cornettes, & chaſſerent ſi chaudement ceux
qui fuioient, qu'ils en prirentbien dix mille, leſquels n'auoient peu ſui
ure la groſſe troupe. Cela faict, l'armee paſſa outre vers Ithomé;le plus
ieune des deux freres nommé Thomas les coſtoyant touſiours ſurles
aiſles, tantoſt d'vne part,tâtoſt d'vne autre.Et delà allerentaſſaillir la vil
le d'AEthon ou de l'Aigle,quiauoit nagueresſuiuyle party de Centeri6,
& lareceurent à compoſition, qu'elle fourniroit mille eſclaues àl'armee
Turqueſque, auecquelques armes&cheuaux dc bagage. Delà enauant
le reſte des Albanois ne contredirent plus de venir à raiſon:& enuoyerét
lors quelquesvns d'entre eux deuers leurs Princes, pourfaire entendre
qu'ils eſtoient preſts de rentrer en l'obeiſſäce accouſtumee, pourueu
qu'on les laiſſaſtiouyr des lieux dont ils eſtoient ſaiſis,& ne fuſſent con
traincts de rendre le butin qu'ils auoient faict de cheuaux & autre
· beſtail; leſquelles conditiós furêt accepptees. Au regard de Thuracá, il
ne cherchoit que d'affoiblirles affaires des Albanois, pour les rédre plus
ſouples & moins faſcheux à leurs maiſtres; parquoy quandil †
de
# s'en retournerilaſſembla de-rechef le conſeil, & parla en ceſte ſorte. Ie
†,
Turc Thura- vous ay nagueres remonſtré(feigneurs Grecs) comment il me ſembloit
- / - V.
# onlelaiſſe croiſtre, & aller auant ;par ce que bien-toſt il s'eſtend, iuſ
ques à paruenir à deſigrands outrages & inſolences, qu'elles ne ſe peu
uent plus comporterelles meſmes.Prenez y doncques(ie vous prie vne
autrefois) ſoygneuſement garde, & ne vous laiſſez ſurtout endormir
envne oyſiueté & nonchalance, la plus dangereuſe peſte qui ſe puiſſe
XI preſenter en vn eſtat,& quiyameine finablement plus de maux.
' A Y A N T acheué de parler, il tendit la main aux deux Princes,& là deſ
# ſus en prit çongé. Mais ils ſegarderentbien de ſuiure ſes ſages admone
des deux fre
† ſtemens; au contraire entrerent incontinent apres en picque & com
par CS f12 -
' -
236 Liure huictieſme -
autremétNo- Vn fort bon reuenu, prouenant des IIl1IlCS qui ſe trouuent es enu1ros de
# laville.Mais George prince des Triballiens ayant preſſentiſavenue, &
eu peur queſil ſ'arreſtoit en Senderouie, il ne le vintaſſieger là dedans,
Aragnc.
eſtoit deſia paſſé en Hôgrie deuers Iean Huniade, pour luy demander°
ſecours, puis qu'ils cſtoientamis & proches alliez & cependât ne laiſ
ſoit de pratiquer ſon appointemétenuers les Turcs,lequelil obtint à la
arfin;toutesfois il mourutbien toſtapres.Et cóme le plusieune de ſes
†bºt enfans nômé Eleazarfuſt celuy quiluy deuoit ſucceder àl'eſtat, Eſtiéne
potedeseruie & George à quil'on auoitfaictcreuer lesyeux, trouuerét moyéde met
tre la main ſurle threſor,&ſ'eſtás ſaiſis de tout l'argent quiy eſtoit,ſ'al
, ceſsteeee lerent de ce pas rendre à Mechmet, qui leur aſſigna certaine †
," du pays pour leur viure, dont ils eurent moyen de ſ'entretenir honno
rablement:car au reſte la paix deſſuſdicte auoit eſté traicte e moyennât
« vn grand tribut que deuoient payer les Triballiens,lequel montoit
4" • · bien vingt mille ſtateres d'or chacun an. . · · · ·
' XIII, L'AN N E E enſuiuant Mechmet mena ſon armee contre la ville de
. . - Belgrade en Hongrie, laquelle comme nous auons deſia dit en la vie
d'Amurat, eſt flanquee d'vn coſté de la riuiere du Danube & de l'autre
- de celle de Saue, qui entre dans le Danube vn peu au deſſous: De ſorte
· que ces deux groſſes eaux, qui l'enferment preſque de toutes parts -
hors mis d'vne ſeulle aduenue, la rendent d'vne tres-forte aſſiette, &
# bien mal-aiſee à approcher. Ilne laiſſa ncanmoins del'entreprendre
§ mais auant que ſortir en campaigne il deſpeſchaTheriz,& Haly fils de
†" Michel, auec partie de ſon armee contreles Illiriens.Etayantla †
· au meſme temps contre l'Empereur de Trcbizonde'il fit partir ſesga
leres döt eſtoit generalChetirgouuerneur d'Amaſie,pour aller courir
la coſte de la Colchide qui eſt ſur le pont Euxin. De luy,apres que tou
tes ſes forces furentaſſébleesés enuirôs d'Andrinople,ſuiuât le mande
Mºnaei mét qu'ilenauoit fait publier, il ſe mit en campaigne,ayant autourde
† ſa perſonne les Genniſſaires&autres ſtipendiez de la porte,&dreſſa ſon
§ chemin par le pays des Tribaliés faiſant conduire ce-pendant vne fort
†. grâde quâtité debróze, tant par eau contremôt le Danube, que ſur des
†" chameaux par terre pourfodre de l'artillerie ſur les lieux.Il fut fort ma
De l'Hiſtoire desTurcs. 237
gnifiquement receu & traitté, luy & les principaux de ſon armee par le
Prince d'iceux Tribalhés,quileur fit de beaux preſens à tous:carilſe dou
toit bien que ſil'autre venoitàbout de Belgrade,il ne faudroit de leve
nirviſiterincontinent apres, comme celuy qui par maniere de parler ne
reſpiroit qu'armes,guerres, batailles, & aſſaux.Auſſiil ne fut pas pluſtoſt ſiegee
Belgºdeae
arriué deuant Belgrade,qu il ſe mit ſoudain àl'enclorre &aſſieger de tou par les
Turcsl'an
tes parts, eſtant ſon armee fort † & fit ſes trenchees & approches iour
# de Iuin.
parle deſtroict qui eſt entre les deux riuieres, † ne ſçauroit contenir
7.ſtades qui
vn petit quart de lieue au plus, là où les Genniſſaires ſe vindrent de plai font 875. pas
nearriuee loger ſurlebord dufoſſé; & apres auoir accommodé leursga
bions & mantelets ſuiuant leur couſtume, commencerent à tirerinfinies
harquebouzades, & coups de fleſches à ceux qui eſtoientſurle rempar,
de ſorte que perſonne n'oſoit tant ſoit peu monſtrer le nez à vne ſeule
canonniere, ou creneau : card'autre part ſes pieces eſtoient deſia aſſiſes
enbatterie, & commençoient à faire vne merueilleuſe execution & ex
ploict. Or auoit-ilbien preueu que s'il ne ſe faiſoit maiſtre de la riuie
re,pour empeſcher que les Hongtes ne vinſſent de l'autre part ſecourir
laplace, & la raffraiſchir d'hommes & de munitions,ce n'eſtoit rien faict
àluy; caril n'yauoit point de plus beau moyen d'en auoir bien toſt la rai
ſon que çeluy là, & auec moins de perte & de difficulté. Parquoy s'e
ſtans trouuezlàiuſques au nombre de deux censvaiſſeaux tous preſts, il
fitſoudain rembarquer les mariniers qui s'eſtoient deſia reſpandus par
myla plaine au long du Danube; & les faiſoit aller & venir continuelle -
ment depuis la ville de Bidine, vers le camp : ſi bien que par quelques A
|
238 · Liure huictieſme
& reformation de ſavie, & lezele dontileſtoit remply, l'auoit choiſi ſur
tepaysdeBo tous les autres pour aller à Pragheville capitale de Boheme, preſcher le
# peuple quiidolatroitle Dieu Apollon. Et d'autant qu'il eſtoit fort elo
"º" quent, & auoitvne grand'vehemence & efficace enſon parler pourper
ſuader ce qu'ilvouloit, il retira finablement la plus grande partie de ce
· pauure peupleaueuglé; de ſon erreur & folieavne plus ſaine doctrine;&
§ encore qu'vn bon nombre d'entreux, auec pluſieurs Hongres &
Allemans prirent les armes, & le ſuiuirentau ſecours de Belgrade, oüa
resauoir tenu la campaigne par quelquesiours, eſcarmouchans conti
nuellement lesTurcs, ou les tenans en alarmes, quand ils ſceurét quela
breſche eſtoit faicte, & qu'ilyauoit danger deſormais que la place ne ſe
perdiſt, ils ſeietterent dedans tout à leuraiſe parlariuiere, & de là en a
uant commencerent à faire tel deuoir, que les Turcs cogneurent bien
qu'ils auoientaffaire à des gens quin'eſtoient pas à § Mechmet
d'autre partvoyantl'ouuerture que ſon artillerieauoit faicte à la murail
le, ſe prepara comme s'il eut voulu fairevne courſe dans le pays pour al
§ desames; & cependantilordonna qu'on fiſt les feuz parmy
le camp à la mode accouſtumee,& fitdreſſerforcegabions & mantelets,
enſemble toutes autres choſes neceſſaires pour approcher à couuert le
Mert du Bar pied de la muraille, & y donnerl'aſſaut. Mais ſur ces entrefaictes Carats
* º generaldes forces de l'Europe, tres-vaillant & experimenté Capitaine
# touslesautres,fut tuéd'vn coup de mouſquet, dont ſon maiſtre eut
vn extreme deſplaiſir, ſçachant aſſez la faute que feroit à ſon ſeruice la
LaºutdeBel perte d'vn tel perſonnage. Pour cela toutesfoisilne laiſſa de fort grand
* matin à faire donnerle § ducombat, conduiſant luy meſme ſes ſol
dats iuſques ſurle bord du foſſé,lequel de plainearriueeils gaignerent &
monterent encore au haut de labreſche,ſans y trouuer aucune reſiſten
ce:Tellement que ſeiettansàcorps perdu danslaville, ils s'eſpancherent
de coſté & d'autre, penſans deſia auoirtout gaigné, & qu'il n'y euſtplus
†
uiade,&le bel que faire,fors de piller & ſaccageràſouhait. Mais Huniadeauoit ſecret
ordre par luy tement † ſes gens enbataille en vne place, & n'attendoit ſinon que
-
valois quclquc choſe) & cux conſequemment , faictes teſte à ceux qui
nous viennent enfonceriuſques dedans le cœur de noſtre camp, ce que
iamais autres ne firent?Tu ſçais aſſez comme de tres bas lieuie t'ay eſleué
à vn ſi haut degré, comme de te faire chef des bandes où eſt ma derniere
reſſource,& neâtmoins pourtout cela tuas ſi peu de ſoing de mon hon
neur & de mavie. Mais ſiie ſors de ceſt affaire, aſſeure toy queie te trait
teray en ſorte que les autresy prendront exemple.A quoyil ne repliqua
autre choſe, ſinon tant ſeulement : Certes, Seigneur, quant à ceux que
devray tu m'auois laiſſé en charge,la pluſpart ſont mbrts oubleſſez, que
s'ilyena encore quelques vns qui ſoient ſains, ils ne me veulent plus o
beyr. Parquoy ce que ie puis pour cette heure : eſt de m'aller tout de ce
pas preſenter la teſte baiſſeeaux ennemys, & là combattant vaillamment
- pour ton ſeruice,perdre la vie ſelon la fidelité &obeyſſance queiete dois.
Ce diſantil s'en va ſoudain ruertout au plus fort de la meſlee, où il fut
incontinent mis en pieces, à laveuëmeſme de Mechmet, qui en eutvn
cxtreme regret depuis,pource que c'eſtoitvn fort homme de bien.Quel
ques vns de ſes domeſtiquesle ſuiuirent, quifurent tuez aupres de luy.
Etainſiles Hongres de pis en pis malmenoientlesTurcs dans leur logis
propre,lesayans par pluſieurs fois mis en routte, & contraints de tour
nerle doz : quand tout à coup ſuruindrent ſix mille cheuaux à l'impour
ueu, quiauoyent eſté enuoyez pour garderle pays quieſtau long du Da
nube, & empeſcher les deſcentes qu'on y euſt peu faire par la riuiere.
LeHerº Eſtans donques arriuez fort à propos lors qu'ils eſtoientattêdus le moins
† enuelopperent d'arriueeau milieu d'eux les Hongres, qui eſtoient CIlCO
# re en la plus grandeardeur ducombat, dont ils en tuerentvn grád nom
bre,les autres prirent la fuitte vers les trenchees où eſtoit l'artillerie,qu'il
fiege le 6.iour
† commençoit deſia à faire obſcur,ce quiles departit.Mais Mechmetcon
" ſiderant en quel danger & extremitéauoientpreſque eſtéreduicts ſes af.
faires, commença à penſer de la retraicte; pource que la meilleure partie
\
de ſes Genniſſaires, & autres bons ſoldats eſtoient ou naurez, ou telle
.. ment deſcouragez qu'ils n'envouloient plus manger, & n'oſoit de là en
auant y mettre gueres plus d'aſſeurance.Au moyen dequoy tout auſſi
toſt que la nuict futvenue, il commanda de trouſſer promptement ba
gage, & que chacun euſt à ſe tenirpreſt pour deſloger au ſon de la ſour
dine, & ſuiure la file. Et ainſiàlafaueur des tenebres ſe deſroboit, crai
gnant quel'armee de Hongrie ne paſſaſt l'eau pour allerapres: Ce quifut
XI I I I,
cauſe que ſon deſlogement ne luy fut ny difficile,nydangereux.
LEs Hongresluy euſſent fortvolontiers donné en queue , ſi Huniade
|
& images dreſſees à lareuerence de ſon nom, tout ainſi qu'aux autres
ſaincts,voire force miracles attribuez à ſon heureuſe interceſſion. S'e
ſtant donques le Capiſtran rendu ſon diſciple & imitateur, comme nous
auons deſia dit, & s'en allantàl'exéple d'iceluy preſcher de coſté & d'au- .
tre en diuerſes contrees, il arriua finablement en Boheme, où le peuple †
adoroit le feu,tátileſtoit deſuoyé;& ne ſevouloit departir de cette folle #
impieté,pour ſe rengeràlalumiere de noſtre foy,s'eſtans touſiours aupa- †
rauant monſtrez en cela fort opiniaſtres & reboursiuſques à la venuë de ººº
ce diuin perſonnage,que ſoudainils ſerengerent à la communion del'E
gliſe.Delà ayant acquis par le moyen de ſon ſçauoir & bon entendemét,
vn grandaccés & priuauté enuers le Roy de Hongrie, il luy ayda beau
couP depuis, & luy fit de grands ſeruices en ce ſiege de Belgrade, cóme
vous auez peu entendre cy-deſſus. Huniade mort ainſi que dict eſt, les
Hiongres voulurétauoir Ladiſlaus fils de la fille del'Empereur Sigiſmod,
24-2 Liure huictieſme
† côbien que ce ne fuſt encore qu'vnieune enfant, & enuoyerent à cette
gº fin leurs deputez deuers Albert,quil'auoit en ſa garde & tutelle.Car peu
M, apresla mort de Vladiſlaus, qui demeura en la bataille de Varne,ille reti
ra aupres de ſoy,&le mena en Italie toutieune qu'il eſtoit,lors qu'ilyalla
prendre la courone par les mains du Pape Nicolas V. duquelilfut receu
à fort grand honneur, & auecvn merueilleux applaudiſſement de tout
le peuple:Tant pource que c'eſtoitl'vn des plus riches & puiſſans Prin
ces de ſon temps , qu'auſſi pour le zele & affection qu'il monſtroit
auoirà la guerre,contre le Turc. Ainſi les Hongres luy § à
fort § inſtance ceieune Prince, nourry § en ſa cour, en la vil
le de Vienne en Auſtriche , mais il faiſoit difficulté de le leur donner
pourle bas aage oü il eſtoit craignant que quelque inconuenient ne luy
aduinſt: Dequoy s'en enſuiuirent de grandes guerres, qui durerent aſ
ſez longtemps,iuſques à ce que finablemét ayans enuoyé deuers lePape,
le requerir de leur faire deliurer ce Roy, & que s'illes reffuſoit d'vne ſi
legitime & raiſonnable requeſte, ils ne ceſſeroient qu'ilsn'euſſent ruiné
tous ſes pays, il fit tantenuers l'Empereur qu'illeur obtempera ; & leur
| enuoya celuy que ſiinſtamment ils prochaſſoient, pour aller prendre
poſſeſſion du Royaume auquel ils l'auoientappellé.Toutesfois il ne ſur
ueſcut pas longuement à Hunide, car bien-toſtapres eſtre arriué à Bu
de,il fut empoiſonné(à ce que l'on dit) par vn nommé Laurens Cedra
chabare, auant qu'auoir eſpouſé la fille du Roy de France, qui luy auoit
eſté accordee en mariage. Delàvindrent à naiſtre de grands troubles &
partialitez entre les Barons dupays, où les enfans de Huniade ſe trou
Le Renuneº les plus forts; combien que vlrich grandſeigneuren Hongrie,
d § lequel du viuant de leur pere luyauoit touſiours eſté fort contraire, s'op
†
niade.
poſaſt
ne roidementàeux,
fuſſentadmis & qu'il contrediſt
augouuernement 2 de tout
du Royaume; ſon pouuoir
alleguant qu'ils
les ruines & -
calamitez qu'on auoit receuës parle moyen dudict Huniade , qui par
pluſieurs fois lesauoit embarquez à laguerre contrelesTurcs, ſans qu'il
en fuſt autremét beſoin.Les Ho gres d'autre part diſoient eſtre §
inique & deſraisônable de les en fruſtrer & là deſſus cesieunes ſeigneurs
ſe ruerent ſur luy,de ſorte qu'ils le maſſacrerent au
beau milieu du Palais;
Les enfans de - - - > - •r
† gaignez delon† à force de preſens & biens faits, côme riche &
N§ pre.Mais
opulent qu'il
lach.
eſtoit:car la plus part dudetépsilles
Iloces,auſſiennemyancien Huniade,entretenoit duencore
nourriſſant ſien pro
ſes
haines & râcunes inueterees enuers les enfans d'iceluy,refuſa tout à plat
pour le commencemét d'obeirà ce nouueau Roy;puis ils ſe rappointerét
à la parfin & furêt les choſes accômodees entr'eux.En telle manierevint
le Royaume de Hongrie és mains du plusieune des cnfans de Huniade,
- 2 - é - •4 . ' - .
- §é † & offert, les vns des gens, les autres del'argent,finablement fut arre
prendroit le dixieſme de tousles reuenus, & le cinquantieſme .
ſi
desbiens de l'Egliſe, pour employer à cette guerre, & que les deniers #
ſeroiétrecueillis & ſerrez par certains perſonnages, quides lors y furent ººgº
commis. On aduiſa auſſi par meſme moyen de la reconcilation des Hon
gres & des Allemans, & fut à cette fin deſpeſché deuers eux le Cardinal
Beſſarion deTrebizonde,lequeleſtant arriuéſur les lieux, enuoya de
uers les vns
furent & les autres
deleguez encorepour eſſayerendroits,
en diuers d'appaiſerleurs differends.vnPluſieurs
pour enhorter chacun #" Bcflarion.
XVI.
BovR doncques retournerau propos que nous auons delaiſſé, l'Eſté
enſuyuantMechmet encore tout eſtonné & hôteux de la ſecouſſe parluy
receuë deuantBelgrade,ne voulut point ſortir dehors,eſtimant d'en eſtre
† à bon marché ſiles Chreſtiens ne luy venoient les premiers courir
us.Mais ilenuoyavne groſſe armee contre Scender fils d'Ibanes, dont
Amurat n'auoit ſçeu auoirlaraiſon, quelque effort qu'il en euſt fait & en
dóna charge à Ioſué fils de Brenezes † ayât ramaſſe les garniſons de
- Pherres,auecles forces quiſeiournoiétaulögdelariuiere d'Axius,& cel
les de laTheſſalie,ſe mit aux châps,& courut toute cette partie de la Ma
cedoine quic6fine àla mer Ionie,dótilramenavn grâd butin.MaisScen
derauoitdepeſché au Pape,& au Roy de Naples qui luy eſtoit fort amy,
luy offrant la ville de Croye pour recompenſe de l'ayde & ſecours qu'il
luy feroit en cette guerre. L'autreluy enuoya tout incontinent vn bon
nombre de gens de piedſous la conduicte d'vn de ſes Capitaines,vaillant
homme de ſa perſonne,& fort experimentéau faict de la guerre, lequel il
fit paſſer de la Poulhe à Duras & nefurent ſesgens pluſtoſt deſcendus en
terre,qu'ils ſeietterent à corps perdu dans le pays del'ennemy, pillans &
enleuans tout ce qu'ils rencontrerent d'abordee.De là puis apress'eſtans
Del'Hiſtoire des Turcs. 245
| ioinctsauecles forces de Scender, s'en allerent de compagnie mettre le
ſiege deuant la ville de Sphetiſgrad, & l'euſſent parauenture emportee, ſi -
ſecours, auec les forces dont nous auons parlé cy-deſſus; lequelles ſur
prit au deſpourueu, & les tailla tous en pieces. Scender toutesfois qui ſe
trouualors abſent à la bonne heure,euita cettevenuë , & bien toſt apres
ſe retira deuers le RoyAlphonſe, duquel il fut le fort bien venu : Puis
s'addreſſa au Pape, quine faillit de fhonnorer & receuoir comme ſa ver
tule meritoit. De là eſtant retourné à Naples, le Roy luy.fit de grands
preſens; & ainſi plein de richeſſes & de bonnes cheres, s'en retourna à .
la maiſon.Il choiſit ſurces entrefaictes vn lieu propre & aduantageux, -
qu'il fortifia pour s'y retirer quandlesTurcs luy viendroient courir ſus.
Et enuoya ſa femme & ſes enfans d'vn autre coſté, hors du danger.Cela -
faict, & ayant dreſſé vn campvolant de ſes Albanois, il ſeiecta dans les
montagnes, ſe trouuant par tout où ſa preſence pouuoit eſtre requiſe, _
maintenant en vn endroit,tantoſt en vn autre.Et eſtoit continuellement #
auguetà obſeruerce que les ennemisvoudroient faire; leſquels à la par- #º
fin eſtans entrez en ſon pays, à grandes trouppes de gens de cheual & $
ſorte que de cette venuëla contree demeura preſque côme deſerte, ayans *
les Turcs eu le loiſir d'y demeurer par pluſieurs iours ſans y trouuer reſi
ſtence quelconque:A la fin ils s'en retournerent,carScenderauoit fait vn
fort aupres de la ville de Duras deuers la mer Adriatique,là où ilyavn de
ſtroit de terre large d'enuir6vn quart de lieuë, lequelil ferma d'vne bon
ne & forte muraille; & au dedans retire à ſauueté grandnombre de pay
ſans Albanois poury habiter. Il r'emparaauſſilaville bien mieux qu'elle
n'eſtoit auparauant,afin que ſi quelque choſe ſuruenoit de nouueau, &
quelesTurcs desgarniſons de là autour le vouluſſentveniraſſaillir,ileuſt
quelque lieu pour attendre le ſiege. Carilconſideroit qu'à tout euene
ment la retraicteluy ſeroit touſiours aſſeureeparmer,quand bien il vien
droit à eſtre forcéparlaſuruenuë d'vne plus groſſe puiſſance de quitter la
' place tellement quelesTurcs ſ'eſtans preſentez là deuant, l'experience .
leur fit tout incontinent co gnoiſtre, que ce ne ſeroit que perte d'homes, -
§ ſens que luy enuoyoient de toutes parts les Maggiſtrats & officiers en
†
ſes.
tres-grande
uec pompe
les Princes & magnificence
eſtrangers,& : eſtant
non autres luy ſeul
car tout logéeſtoit
le reſte à couuert,
eſpanduaà
la campagne d'alentour,ſous destentes & pauillons qu'il faiſoit merueil
leuſement bon veoir, tant ils eſtoient riches & bien appropriez. Or ces
nopces icy (carainſi appellent-ils la Circonciſion encore ) ſont vne des
choſes de ce monde que lesTurcs honorent, & ont le plus en recom
· mandation; parquoy chacun s'efforce de faire veoir quelques nouuelles
Admirables ſortes deieux & eſbatemens : Et en toutes les Circonciſions des enfans
" dugrandSeigneur,ſevoyentd'eſtranges & merueilleux cas, voire preſ
† du tout incroyables. Vn homme tout debout à pieds ioincts ſur le
- os d'vn cheual, ſe tenir droict ſans appuy ne ſouſtenement quelcon
que, le cheual paſſant vne carriere à toute bride, qui eſt-ce qui compren
dracomment cela ſe puiſſe faire,& quine le reputera pourvncopte faict
à plaiſir, ou pourvn enchantement , Ie laiſſe à part ceux qui vont ſur la
· corde, carles Turcs en ſont les maiſtres ſur tous autres. Ils y font des
ſaults & des tours merueilleux, & courent là deſſus tout ainſi qu'en plai
ne terre : vont & viennent à trauers des eſpees toutes nues qui y ſont
attachees; & infinies autres choſes de tres-grande admiration, qu'on ?
- peutveoir touslesiours augrand marché qu'ils appellent le Tactale, où
" telles ſortes de gens ont accouſtumé de faireleurs ieux : & appellét Tam
pexin ceux de cette profeſſion. Semblables eſbatemens ſe voyent tous
les iours en la place d'Andrinople, où la lucte & l'eſcrime ſont auſſi en
fort grand vſage.Mais qui pourroit croire que ce ne fuſt vn miracle ou
choſe feinte,qu'vn enfant enſeuely bien auant danslaterre, & tout cou
uert d'icelle,reſponde neantmoins diſtinctement à ce qu'on luy deman
de De ſorte qu'ilyabeaucoup de merueilles,quiſefot en ces aſſemblees
par quelque vertu & puiſſance occulte qui eſt bien grande, à comparai
ſon deſquelles,ces danſeurs ſurla cordene ſont par maniere de dire,qu'v
Le preſent ne baſtelerie & petitioüet.Ily eut bien d'autres paſſe-temps encore, &
†recreations durant la feſte;oilepreſent de Machmut Viſir Baſſa, & Be
†,glierbeiquant & quant de la Romanie, ſurpaſſa de beaucoup tous les
de ſes enfans
† ºutres quiyfurent faicts,tant parles Roys & Princes eſtrangers, que par
les gouuerneurs,capitaines,& autres officiers delaporte; car il fut eſtimé
à plus de cinquante mille ducats. -
vnetelle authorité, qu'il paſſa de bien loing tous les plus fameux & re
nommez en grandeur, pouuoir, & credit, qui euſſent eſté auparauant.
Ileſtbienvray
lieu qucf Charaitin,&
aupres d'Amurat, ſoh fils Halyauoient
& de Paiazet,toutesfois tenuvn fort
nel'vn nel'autre grád #
n'eurent " gc.
oncques de ſibelles charges & gouuernemens que cettuy-cy : Careſtant # cheſſe d'vn #
le premier entre tous, il † & quant de ſi grands biens, que de § §la
ſon propreil euſt peu luy tout ſeulſouldoyer vnearmee. Et y eut encore #º
de ſes domeſtiques qui paruindrent à de grandes dignitez & richeſſes : -
º
· · x - . - z -v
;ºnsdeºire extraordinaires qu'ils tirent, & les preſens que les villes, & les gouuer
† neurs des prouinces leur font de ioureniour, ils peuuent en fort peu de
†"
cuſſions de temps deuenir riches grandement. Mais parmy les Genniſſaires, & au
† tresgens de guerre qui ſont ordinaires à la porte, ily en a touſiours quel
OllllCIImc- - - > -
§ ſetenir bien equippez d'armes & de cheuaux,pour ſuiure leur Prince par
t - -" - - » - -
l'Europe qu'en l'Aſie: & d'auantage le tribut que payent les Princes &les #
Roys,auſſi bien Mahometans comme ceux d'autre religion, qui monte §
enuiron cent mille eſcus. Tellement que le tout enſemble ſpecifié ſui- #
uant ce que nous auons dit cy-deſſus, tant ce qui entre de net au Chaſna # #
- outreſor,que ce qui eſt employé pourl'entretenement des Genniſſaires, †
- - - - - - - 2 toutesfois :
peutvaloir par chacunan bien pres de quatre millions de ſtateres d'or, 3doit fignifie
chacun deſquels peſant deux dragmes, ce ſeroient huict millions de du- †º
cats; à quoy depuis le temps de mechmet, a touſiours eſtéeſtimélereue-§e.
- - - - L d
nuduTurc. Il ya puis apreslespreſens, que luyfont ſur le commence-§ Turcmontoit
j
- Fin du huictieſme liure. -
\
25o -
LE NEVFIESME LIVRE
D E ' L' H I S T O I R E DE S
T V R C S, D E L A ON I C C H A L.
A T H E N I E N.
coNDY L E
# #% ## porte,
E cHMET ayant depeſché des Chaoux & Huiſſiers dela
pour aller au Peloponeſe recueillir le tribut qui Troubles de
l§ # a eſtoit eſcheu, ils trouuerent toutes choſes en telle com-†
| # §)
buſtion parmyles Grecs, qu'ils n'en voulurent point au- † #
#s#S# trement preſſernylesAlbanois,neles Peloponeſiens : & #"
luy-meſmevoyant les partialitez & debats qui eſtoiét entreles ſeigneurs .
•4
| 252 - Liure neufieſme
• du pays, meuz à cela de quelque mauuais Ange, pour lesconduire final
blement eux & leurs affaires à vne perdition & ruine,bºurrelaſchaletiers
du tribut, ſans leur faire inſtance d'autre choſe, † qu'à tout le moins
ils ſe vouluſſent contenir dans les poincts & articles de la paix 3l - †
uoit eſtéiuree par eux. Mais apres s'eſtre apperceu qu'ils ne ſe faiſoyent
que moquer, & que toutleurfaict n'eftoit qu'vne vraye piperie, laquel
le à la parfin trompe touſiours ſon maiſtre, il ſe delibera de leur faire la
† guerre. Toutesfois premier que de ſe declarer ouuertemét, il enuoya au
Danube Machmut fils de Michel, deſia eſleu Baſſa & Beglierbey de l'Eu
rope, afin que ſiles Hongresſe vouloient remuer de ce coſté là,iltaſchaſt
par remonſtrances, & menaces de les contenir: Que ſi cela ne luy ſeruoit
en quelque ſorte que ce futilles † d'endommager ſes pays.Cet
tuy cy ayant raſſemblé les forces del'Europé, qui pouuoient faire quel
- ques quatre vingt mille combattans,tira droictauxTriballiens, quiha
- &b - -
ats des Turc bitent la contree eſpandue le long des riuages du Danube : Mais quand
#
§ il vit que les Hongres ne faiſoient ſemblant de rien, alors il ſe tourna du
'tout à la conqueſte de la Boſſine, & pilla toutes les places qu'il peut pren
dre; puis s'en vintaſſeoir ſon campés enuirons du Danube,afin de †
riſer les villes de là autour eſtans ſous l'obeyſſance de ſon maiſtre, & les
garder des incurſions & ſurpriſes des ennemis. Ce fut la charge † eſ
cheut lors augeneraldel'Europe. Et cependant Mechmetayant fait ap
rocher les armees de l'Aſie, tout autant que ſon Empire ſe pouuoit eſté
dre du coſté du Leuant,&les gens de guerre qu'ilauoit faictleuer au pays
· de Theſſalie, & en la Macedoine, auec les Genniſſaires de ſa porte & au
tres ſes domeſtiques,
s'acheminaau Peloponeſe, où tout auſſitoſt qu'il
-
La ville de Co
fut arriuéau deſtroictdel'Iſtme,ilalla mettre le ſiege deuant la ville de
- V I» - - - -
| ieunes
-
enfans.Puisy
le peuple ayantlaiſſé
en obeiſſance,
-
vn Capitaine
il paſſa outre,
- prenantpour cômander,
ſon chemin & dedans
parle
-
retenir †
en la Grece,
C CIl lâUsICCC
du pays, tant que finablement il s'en vint deſcharger ſa colere ſur vne
ville § au haut d'vne montaigne detres-difficile accés, là où grand
nombre de Grecs & d'Albanois s'eſtoient retirez: Mais ils ſe trouuerent
en vne extreme neceſſité d'eau ; car la fontaine dont ils ſouloient vſer
eſtoit horsl'enceinte des murailles,& nonobſtantqu'ilsl'euſſent rempa
ree à leur poſſible, Mechmet neantmoins y eſtantarriuéauecles Genniſ
ſeres, l'emporta de plainearriuee.On dit qu'à faute d'eau ils tuerent des
cheuaux, & auec le ſang deſtrempoient delafarine dont ils faiſoient du
· pain : tellement que ſe voyans preſſez d'vne cruelle & intolerable ſoif,
ſans ſçauoir plus quel party prendre, lesvolontez de tous commencerét
d'incliner àla reddition de la place,& enuoyerent deuers Mechmet le re,
uerir de les vouloir prendre à compoſition.Mais comme ſur ces entre
§ ils fiſſent aſſez mauuaiſe garde, ſe confians ſur ce que leurs de
putez eſtoient allez traicterl'appoinctement,les Genniſſeres les allerent
aſſailliraudeſpourueu, & l'ayans priſe de force la ſaccagerent entiere- -
luy auec tous ſes gens en bataille marcha droict à la ville , dont ceux
de dedans eſtoient deſia ſortis pourluyvenir faire teſte en vne trenchee
horsles murailles,laquelle eſtoit deffenſable.Ayant faict là donner quel
- ques aſſaux tous en vain, & ſans aucun effect, il fit trouſſer bagage, &
regeeville de là au ſec6d logis il entra dâs le territoire de Tegee, oûil s'arreſta pour
†,
Pline liure 4. deliberer s'il tireroit en la Laconie,&à laville d'Epidaure,car cela n'eſtoit
"#edie Pas ſans grand doubté : Mais il auoit vne merueilleuſe enuie de voir
qu'o§e cette place, & encore plus de s'en emparer s'il euſt peu ; eſtant l'vne
" des plus fortes dont nous ayons iamais ouyparler. Auſſi l'vn des deux
†#º Princes s'y eſtoit retiré; &l'autre auec ſafemme, en la Laconie, dans la
§. ville de * Mantinee.
II. M E c H MET ayant depuis entendu que le pays eſtoit tropaſpre &
malaiſé,ſe retint d'aller plusauant; & rebrouſſant chemin en arriere, r'a
mena ſon armee au ſiege de Corinthe, en laquelle (comme nous auons
deſia dit) eſtoit Aſan qui commandoit à tout.Il ſe campa tout aupres, en
"9" ºppº vn endroictaſſez rabotteux & difficile;carla * fortereſſe eſt hauteſleuee
loitaucienne
§ & approcher quelque nombre de pieces quant & quant pour rompre
" les deffences, & fauoriſer ſes gens quandils monteroientſurlamuraille.
/
( ô fils de Brenezes) † nous n'ignorons point qu'en grandeur & ge bien aduiſcc,
neroſité de courage, il ne ſurpaſſe de beaucoup tousles Princes iſſus du
ſang des Othomans, & que ſa puiſſance ne ſoit la plus redoutable de
toutesautres : carchacunle ſçait aſſez ; ceux là meſmement qui en ont
fait l'eſpreuue,& nous encore le recognoiſſons bié pour tel. Maisvoyez
vn peul'aſſiette de cette place, comme elle eſt forte,tant de nature, que
d'artifice & ouurage de main : certes malaiſément ſe pourroit trouuerla
ſemblable;ne onques les Seigneurs Othomans, & meſme celuy d'apre
ſent en tout le temps de ſon Empire,nes'attaquerent àvnetellefortereſ
ſe: cariln'ya en tout qu'vne aduenuë, qui eſt remparee & couuerte de
trois ceintures de murailles tres-fortes, & trois gros rauelins & porteries. Le ſiege de
Ayez - en renuerſé vne à coups de canô,ſivous faut-il venir à la ſeconde: Corinthe.
Et quand bien vous en ſerez les maiſtres , encore vous reſtera la tierce à
combattre,plus forte que tout le demeurant.Quand dóques nous venós
à côſiderer toutes ces § ue nous ſommes certains d'eſtre enclos
en vneplace plus queraiſonnable,auſſiauons nous deliberé d'yattendre
& ſouſtenirvaillamment voſtre ſiege,quand biennous y deurions tous
laiſſer lavie:Sinous le faiſions autremét,il nousauroit en eſtime d'hômes
º, laſches,recreans,& faillis de cœur,qui envain ſe ſeroient misicy,ſi ayans
peur des coups, ils auoient euintention de ſe rendre. Ce fut en ſomme
ce que dit Aſan:Et Ioſué s'en tetournavers Mechmet,lequel toutincon
tinent fit planter ſon artillerie droit audeuant de la premiere porte, ſe
deliberant de faire ſon effort par la plus eſtroicte & ſerreeaduenuë,enco
re que là endroitily euſt (comme nous auons deſia dit)trois murailles,&
trois rempars, peu diſtans les vns des autres. Aſan ſe vint preſenter à la
premiere qui eſtoit la plus foible, pour touſiours faire autant perdre
de temps àl'ennemy,& conſommer en vainſes pouldres & munitiós;car
il ſçauoit bien que la cortine ne pourroit pas à la longue reſiſter à la
furieducano,qu'ellen'allaſt finablement par § ſon eſperâce
Y ij
\
•
·§
oli ſur la red fect, il trouua le moyen de parlementerauec Franco, auquel il tint vn
§ tellangage:Tu as aſſez hanté la cour du ſeigneur (ce me ſemble Frâco)
†º pour cognoiſtre la maniere dontila de couſtume d'vſer touchant les
charges qu'il commet à ceux que bon luy ſéble. Car encore qu'ilt'euſt
donné ce gouuernement à longues annees,ſi maintenant ſon plaiſir
eſt que tu leluy remettes entre les mains, cóment ny à quel tiltre eſt-ce
que tu le puiſſes retenir outre ſon gré: Et certes tu ne dois faire doute,
que ſitu t'opiniaſtres à conteſter contre ſon intention, auſſi bien ne la
garderas tu pas longuemcnt. Pour r'étrer donques en ſa bonne grace
rends luy cette place,& emporte auecquestoy non ſeulement ce qui
t'apartient, mais tous les biens encore quiy ſont & ſite donnera d'a
uâtage pourrecompenſe le pays de Bœoce,auec la ville de Thebes, car
1,s , il ne veut autre choſe que ces murailles toutes nues. Leieune homme
† ayant ouy ce propos,demanda quelle aſſeurance onluy en donneroit
Turc. Et là deſſus Omar depeſcha à la porte pour faire entendre le tout, oü il
obtint aiſémentla ratificatiö de ce qu'ilauoit promis : & Franco rendit
la place,pour s'aller mettre en poſſeſſió de ſa nouuelle ſeigneurie.Voila
en quelle maniere la Cité d'Athenes, parla menee &pratique d'Omar
eſtoit venue en la puiſſance de Mechmet : Lequel s'eſtât mis à côſiderer
de pres la fortereſſe, admiroit infiniment la grandeur& hardieſſe d'vne
telle cntrepriſe, & de tous les autres edifices antiques,dont la ſtructure
eſtoit trop ſuperbe & magnifique.De là ſ'eſtantallé promener autour
de laville, loüa fortl'aſſiette d'icelle;& meſmement pour la grâde com
modité des ports qui ſont tout le long de la rade,ainſi que nous auons
deſia dict cy-deſſus.
1III. enuoya vn Chaoux deuers les ſeigneurs du
SvR ces entrefaictes il
Peloponeſe, pour receuoird'eux le ſerment de fidelité, & par meſme
moyen demander en mariage la fille du Duc de Sparte.Ils iurerent
Thomsp. (quât à eux)tout en la propre forme&maniere qu'ils enfurentrequis,
†.&promirent de luy garder fidelité,&obeiſſance à l'aduenir.Toutesfois
#, le plusieune des deux freres nomméThomas,vint à s'ennuyer&repen
voir ſous la
§a tir de ce ſerment,&cómença deſlors à chercher tousles moyens dontil
- --- ---- · - -
| |) r - r• ſ7 - -
L'importance
auôs dict,s'en alla dôner de cul & de teſte ſur les derniers rangs, auec
- - - > - - -
§ vne cornette de gés de cheual: Toutefois ils furent d'arriuee aſſez bien
† #, recueillis des Grecs, iuſques à ce que grand nombre de Turcs eſtans
ºººº ſuruenus à la fille,les autres prirent la charge,&s'eſtans renuerſez ſur
leurs côpaignons qui eſtoiétau frôt,les mirent en deſordre, &les atti
rerent à fuyr quant & eux,ſi bien que toute l'armee des Grecs fut rom
pue,pour auoir ceux de derriere eſté enfoncez,&contraints de reculer
† " ſurles premiers.LesTurcs qui leur eſtoient aux eſpaules, s'enhortâs à
grâds cris leur chauſſerét les eſperôs de ſipres,qu'ilsen tuerét bien deux
ccns, les autresgaignerent lavilletant que les cheuaux peurent traire,
là où peu s'en fallut que les ennemis n'entraſſent peſle-meſle: carils les
rembarrerent iuſques dedans les portes, & les aſſiegerent là auec leur
prince meſme qui s'y cſtoit ſauué: Toutesfois leur armee ſe trouua lors
fort trauaillee de la famine & de la peſte, à cauſe des eſclaues qu'ils
auoient enleuez d'Achaie, & de là les auoient amenez à Muchla, Au
r se moyen dequoy
metrie pour
frere.
on laiſſalelàſiege
continuer Ianus;leauec
reſtequelques gens,
s'en retourna aux&garniſons:
le prince De
Et
Thomas ſi toſt qu'il en eut les nouuelles, s'en reuint derechef aſſieger
V les Genniſſaires, qui eſtoient demeurez à la garde des fortereſſes.
© Sv R ces entrefaictes Mechmet s'enalla faire la guerre à Senderouie,
†º au pays des Triballiens, pour vnetelle occaſion Eleazar fils de Bul- .
motificelle cus à ſon decés laiſſa la ſeigneurie es mains de ſa féme, & d'vne ſien
ne fille, qu'elle donna en mariage à Eſtienne ſeigneur de la Boſſine,
* fils du prince des Illiriens ; en intention de retenir la ville pour ſoy,
& qu'elle en demeureroit Dame & maiſtreſſe. Ce temps pendant les
Triballiens ſe retirerent deuers Machmut fils de Michel, quiauoit eſté
nourry aupres de leur feu ſeigneur, & l'eſleurent pour chef?le reque
rans de prendre en mainle gouuernement & les affaires de la ville.
Ruſe de la >• »
* qu'il y eut mis le picd, elle le fit empoigner,& l'enuoya lié & garroté en
Hogrie,oüilfut gardé en priſó fort eſtroicte;en ſorte que les Triballiés
De l'Hiſtoire des Turcs. . 26 f
retournerent d'erechef ſous l'obeyſſance du Roy de Hongrie, duquel
ayans eſtéappellezauecla veufue deleur feu Prince, ils luy rendirent la
deſſuſdicte ville de Senderouie. Mechmet doncques voyant le party
à quoy ſes affaires eſtoient reduicts de ce coſté là, eut recours aux armes,
& menaſon armee deuant la ville, pour taſcher à la recouurer de force. -
Mais les habitans ayans entendu ſavenue ſortirent au deuant, & luyvin- La vie de
drent preſenterles clefs ſur le chemin : en faueur dequoyilleurfit à tous †
de beaux preſens;
& cheuances aux vnsveufue
: & receutla en argent comptant,aux
d'Eleazar autresgrace
en ſa bonne en poſſeſſions #scour
& prote- frapper.
ction, luypermettant de ſe retirer librement où bon lu § auec *
tout ſon auoir ; & au demeurant ſe ſaiſit de la fortereſſe, & de laville.
Apres qu'il eut fait cette main,il ſe dclibera de remmener ſon armee au
Peloponeſe, mais il s'en vint premierement à conſtantinople : Et de là
eſtant paſſé en Aſie, alla mettre le ſiege deuant la ville d'Amaſtre, ſituee
ſur le bord du pont Euxin, qui eſtoit pour lors en la puiſſance des Gene
uois. Ceux-cyauoientauparauant enuoyé deuers Mechmet pour luy fai- caerresnue
reinſtance de laville de Pera,laquelle leur appartenoit, & neantmoinsil† les Geneuois
· nent
renduequ'ilyfut arriué,&
à certaines eut commencé
conditions; à faire ſesreceuë,ilylaiſſalatierce
auſquellesl'ayant approches,elleluyfut †, par coponuoi
minuict que laflamme ſe trouua en la plus grande furie, dont ceux qui
•ſtoient enlaville ſe mirent en opinion, que les fauteurs des Circaſſes
V.
A
264 Liure neufieſme
-
auoient baſty quelque trahiſon pourlaleur liurer entre les mains. Tout
le peuple, tant officiers qu'autres, ſe prirent incontinent à fuyr,laiſſans là
leur Empereur pour les † , auec quelques cinquante qui eurent le
cœur de demeurer aupres de luy : tellement qu'il ne ceſſa toutelanuit de
fairelaronde, & aller reuiſiterles portes. †
leiour fut venu, Arta
» a , balºº preſenta,eſperât que la deſſus on luy feroit ouuerture;mais n'ayât
§ rien obtenu de ce qu'il pretendoit, il fut contrainct ce s'en retourner au
†" Meſochalde. Les officiers & autres perſonnes principales de la ville, qui
s'eſtoient retirezau deſordre & § que vousauezouy,les vns par
mer, les autres parterre, pour gaigner l'Iberie ſituce és monts Caſpies,
eſtans finablement retournez à Trebizonde apres qu'Artabales ſe fut re
tiré, eurent tout plein de reproches del'Empereur, les appellant laſches
VI.
& faillis de cœur,deſloyaux à leur Prince, & àleur pays.
Tov T incontinent apres le gouuerneur d'Amaſie nommé Chiter
Les Turcs ſur bergs'eſtant mis en campaigne, vintaſſaillir Trebizonde àl'impourueu,
#" où il trouſſa ceux qui eſtoient au grand marché, & és fauxbourgs, fai
†º ſant bien le nombre de deuxmille. Et comme cette pauure cité ſe trouua
toute deſpeuplee, & preſquedeſerte à cauſe de la cruelle peſtilence qui y
regnoit, n'attendant plus autre choſe ſinon d'eſtre priſe ſi l'ennemy s'y
opiniaſtroit tant ſoit peu,l'Empereur fit tant par argent enuers Mech
met, qu'il ſe contenta del'auoir de là en auant tributaire, moyennant
quoyil fit rédreles priſonniers que Chiterbergauoit enleuez.Auſſil'Em
pereur promit de n'entreprendre iamais rien contre luyne ſon eſtat, ains
que de bonne foyil payeroit àl'aduenir deux mille ducats de tributan
. nuel & perpetuel. Et pourcouclurre & arreſter ce traictéaux conditions
deſſuſdittes, fut depeſché tout expresſon frere le Deſpote Dauid ſelon
que nousauons dit cy deſſus,lequel negocia ceſt affaire enuersMechmet:
Deſcriptiö de toutesfois il fallut encore adiouſter mille ducats aux deux autres † a
. †" uoient eſté promis. Or l'Iberie eſt tout ioignantle pays de la Colchide,
†"* & ne ſont pas les Princes & Seigneurs d'icelle gensde peu de courage,ny
eſans & puſillanimes au faict de la guerre. Elle s'eſtend depuis le lieu
qu'on appelle Bathi, & la riuiere de Phaſis,iuſques à Chalthlichi, qui eſt
des appartenances de Gurguli,Cori,Cachetium,&Tyflis,villes prochai
nes de celle de Samachie,quelesTurcs tiennent &habitent,ſous l'obeyſ
ſance deſquels, plus bas que ladicteville de Cachetium, en tirantvers la
mer, ſont ſituees(chacune à part ſoy toutesfois) Sebaſtopoli capitale de
Mengrelie, & de Dadian, Mamia, Samantaula,Guri,&autres villes ma
ritimes. Car à celles de la haute Iberie confinent les Alans,les Huns , & -
les Embiens, dont les Alans arriuent iuſques aux montaignes de Cauca
ſe, leſquels ſont eſtimez les plusvaillans & aguerris de tous les autres. Ils
tiennentlafoy Chreſtienne , & ont vn langage à part. Au reſte, ils font
de tres-bons corſelets , & ont encore d'autres armeures forgees d'airain
L'origine des
Iberiens, & u'on appelle Alanoiſes eſtansàlaverité Iberiens, mais de quel endroict
† ils partirent premierement pour venir habiter en ces quartiers là; ſi ce fut
º des Iberiens Occidentaux ou d'ailleurs,ie n'en ſçaurois bonnement que
-' - dire:
Del'Hiſtoire des Turcs. 265
dire : Quoy que ce ſoit ils † en bien peu de tempsvn fort grand philirre
pouuoir, & des richeſſes ineſtimables.Au regard de la religion Chre-†
ſtienne,elleleurvint premierement de Conſtantinople : carvne femme †
qui auoit accouſtumé d'yaller & venir pour eſtre inſtruicte en la foy,at- §
tira puisapres ces Iberiens à delaiſſer leurs folles & vaines ſuperſtitions,
pour receuoir noſtre creance, ouuriere de tous miracles : Et les declara
Chreſtiens,ſuiuant l'adueu & confeſſion qu'ils Iuy firent de vouloir vi
ure & mourir tels. Long-temps apres les Scithesleurs proches voiſins,
leurvindrent faire laguerre, & eſtans entrez dans le pays, y commirent
de grandes violences, faiſans eſclaues tous ceux qu'ils pouuoient auoir
en leurs mains : mais les Roys des Iberiens ſe retirerentà ſauuetéaux
montaignes, & quandles Scithes s'en furent retournez,ils deſcendirent
lors, & demeurerent delà en auant en repos, moyennant † tri
but,qu'ils accorderent àl'Empereur d'iceuxScithes,lequelbiétoſt apres
u'ilfut ainſivenu courir ſusaux Iberiens,alla aſſaillirles Alans,lesHuns,
& les Saſiens, dontie me deporteray de parler plus auant, carie n'enay
pas apris d'auantage.Au moyen dequoy pour retourner à Aſan, quand
il fut arriué deuers Mechmet,il §
entendre ce qui eſtoit paſſéau Pe
loponeſe; & luy parla d'Achmat gouuerneur du pays, carſon frere
auoit deliberé n'en bouger.A ſon arriueg Mechmetluy fit preſent de . .
ces Iſles icy en lamer AEgee;aſſauoir de * Lemnos, Imbros,Thaſſus, & †
Samothrace:Toutesfois cela futauant la priſe de Conſtantinople , car †
depuis,& lors meſme que Palamedes fut decedé, Dorie ſon fils s'empara vºgº
de la Seigneurie de* Leſbos,& de Lemnos,& auſſi de celle d'AEnus:Mais ** Methelin,
Mechmety eſtantarriuéauec ſon armee la reprit incontinent, s'eſtans de
plaine arriuee donnez à luy ceux qui eſtoient dedans : & Ianus gouuer
neur de Gallipolifut enuoyé au recouurement des Iſles, auquel Imbros
& Lemnos ſe rendirent ſoudain. Il mit par tout des gens de guerre: mais
comme ceux quiy eſtoient auparauant en garniſon eüſſent eu le vent de
l'armee
core vn de mergros
autre querenfort
le Legatapres,
du Pape amenoit d'Italie,les&I
ilsabandonnerent † yenoit en #triarche d A•
es,& lesTurcs §
ſe mirent dans les places pour les garder. Au regard de Lemnos tout auſ
ſi toſt que la flotte eut pris terre, elle ſe rendit ; & auſſi firent Imbrus.
Thaſſus,& Samothrace.Mais apres qu'elle eut faictvoile à Rhodes, Iſ
maël generaldes galeres † , recouura Imbrus & Lemnos,&
enuoya pieds & poingsliez à Mechmet tous les Italiens qu'il y trouua;
leſquels il fit mettre à mort àleur arriuee. Cela fut à Philipopoli, oû il †
faiſoit lors ſa reſidence
nople pourraiſon de la ;ayanteſté contrainct
peſte quiyeſtoit. de deſloger
Thaſſus de Conſtanti-†
& Samothrace ſe ren- # l)
VII. SvR ces entrefaictes le Prince Thomas arriua d'ailleurs auec ſes for
ces, lequel rengea à ſon obeiſſance la contree de Laconie, & prit la ville
de Calamate au territoire de Meſſene; puis vint mettre le ſiege deuant
celle de Mantinee. Là où eſtimant bien qu'il ne feroit que perdre téps,il
enuoya deuers Mechmet, pour ſonder s'il ſe voudroict point condeſ
Vſuncaſſan.
cendre à quelque appoinctemét,à quoyil preſtavolontiersl'oreille,ayât
deſia entendules choſes que Caſan le longremuoit enl'Aſie Et ne re
fuſa point cette, paix, afin de pouuoir plus à ſon aiſe faire la guerre à
cettuy-cy, & à Iſmael Prince de Sinope , lequel s'eſtoit ligué auecques
†" l'autre. Neantmoins il voulut adiouſter encore les § ſuiuans au
ſ§e traictéde paix:que Thomas retireroit tous les gens de guerre qu'il auoit
mas & Mech - / - - -
§ misés fortereſſes de Mechmet, rendroit celles qu'il auoit priſes ſur luy,
#a & payeroit preſentement douze mille ducats pour arres & entree du
tribut : Au reſte qu'il ne fiſt faute de ſe trouuer à Corinthe dans le vingt
ieſmeiour enſuiuant, pour y attendre ſes deputez. Toutes leſquelles
choſesayans cſté propoſees à Thomas,iln'en reietta pas vne: Mais pour
autât que tout alloit de trauers & en deſordre parmy ſes ſuiects,iladuint
qu'il ne peut auoir le moyen de ſatisfaire au tribut qu'il auoit promis;
dequoy s'eſtant Mechmet deſpite, delibera de luy faire la guerre dere
Ao a chef,& remit ſon voyage contre le Chaſan àl'Eſté enſuiuant, afin de n'a
#nſon • Aſan
mer.
uoir àſeentendre
preſentaqu'au Peloponeſe.
à luy de Eſtant donques
la part de Demetrie arriuébien
s'attendant à Corinthe,
d'auoir la
charge de conduire ſon armee, mais quand ils furêt àTegee,ille fit met
tre en priſon, & ſe ſaiſit encore de tous ſesadherens: Puis s'achemina en
perſonne côtre la ville de Sparte,à toutvne groſſeforce de gés de cheual,
#.
-
| . • • •r - -
•, -
> e - - -
abandonnalà tout, & ſ'en allaau camp de Mechmet ſe preſenter à luy, †" met auec ſa
dont il fut receu & traicté fort humainement; auecaſſeurance que tout pº#
le paſſe ſeroit oublié, & qu'on le recompenſeroitd'vnautre pays au lieu §
de celuy de Sparte, oü rienne luy manqueroit : toutesfois on luy don-†"
na des gardes, & fut retenu. Au deſſus de Sparte droict au pied de la .
montaigne deTaugette,eſt ſituee vne fortbelle ville Grecque,riche,&
opulente, à vne lieuë de Paleopoli, & de la riuiere d'Eurotas, de la
uelle Mechmet ſe ſaiſit, & y mit vne bonne garniſon,ſous la charge de
Chaſan Zenebiſasl'vn de ſes domeſtiques,auquelil en donnale gouuer
nement.Cela faict, il paſſa outre †† Caſtrie, eſloygnee de là se ſtades.
d'enuiron deuxlieuës & demie, où il mitle ſiege. Car les habitans tant
hommes que femmes,ſous la confiance qu'ils auoient en la force & dif- .
ficulté de † aſſiette,faiſoient contenance de ſe vouloir deffendre ſi on
lesy alloitaſſaillir: mais les Genniſſeresn'eurent pas eu pluſtoſt le ſigne
de l'aſſaut, que d'vne grande furie ils gaignerent ſoudain le haut de la
muraille, & les prirent tous enuie. Puis ayans mis ce poulailler en ruine, †
s'en allerentaſſaillirle
montee chaſteau qui eſtoit
aſſez roide & mal-aiſee;outre haut
ce que dedecinq
ceux cens par
dedans pas,lad'vne
reſi- §
Genniſſeres,
-- — ,
- - *
*.
,
les ratteindre, qui entuerent pluſieurs, & firent eſclaues tout le reſte.
Deſiale bruict s'en eſtoit eſpandu parles autres villes de leur ligue, ce
quileur oſtatoute eſperáce de pouuoirtrouuer plus de merci en Mech
met, tellement que chacun endroict ſoy s'apreſta pour ſe deffendre, ſans \
met n'eut accordé de retenir ſon armeevne bonne demie lieue en arriere;
commeil fit, & s'en allaverslaville d'AEgium, laiſſant en ſon lieu Cha
muz qu'ilauoit prouueu du gouuernemât du Peloponeſe,& de la Theſ
ſalieaulieu du Zogan, à cauſe dela rigueur & cruauté dont cettuy-cya
uoitvſé enuers ceux de ſaincte Maure.Maisily fut toutleiour enſuiuant Aſtucs du
ſans pouuoir rien faire, parce que les Grecs qui vouloient ſonder le gué Grºº
de cette capitulation : & voirſi on leurgarderoit la foy promiſe, firent
ſortir quelques vns auecleurs hardes & bagages, pour paſſer en la terre
Z iiij
l
| 272 Liure neufieſme
' ferme qui eſt vis à vis du Peloponeſe, carils
faiſoient leur compte, de ſe
| retirer de làauxVenitiens. Et combien que l'accord euſt eſté faict ſous
cette condition, neantmoins tout auſſi toſt qu'ils furent ſortis pour ſe
^ mettre en chemin,Chamus les fit tous empoigner, & leur mettre les fers
aux pieds;ce qui fut cauſe que les autres quivoyoient cela du chaſteaune
ſe voulurent plus rendre à luy,ains enuoyerent deuers Mechmet pourſe
plaindre de cette deſloyauté & iniuſtice, ayant ſi toſt enfrainct & violé .
ce quiauoit eſté conuenu. Soudain que Mechmet eut entendu le faict,
iloſta cettuy cyhors de charge, & remit de nouueau és mains du Zogan
†º le gouuernemët du Peloponeſe,&delaTheſſalie.Cela faict,il s'achemina
†" parla contree de Phaanum,&enuoya vn trompette auxpetites villes &
bourgades du plat pays,leur ſignifier que pour le regard du paſſé tout
eſtoit oublié,maisauſli qu'ils ne fiſſét faute d'apporter desviures à ſes ſol
dats auſquels ils lesvendroiét degréàgré.Quelquesvnsy obeyrét,&s'en
Grande deſ. vindrent au camp,hantans & † tOUlt priuément aueclesTurcs;
† quand Mechmet tout envn inſtant aſcha ſes Genniſſaires apres,&quel
§. ques gens de cheual encore quiſe trouuerent là à propos,leſquels mirent
tous ces pauures Albanois en pieces, & ainſi attrapperent ceux qui trop
legerement s'eſtoientaſſeurez en ſa parole.LesTurcs puis apres prenans
l'occaſion en main, pillerent leurs maiſons, & emmenerent tout le butin
Phliunte pri- à Corinthe. Ilvſa encore d'vne ſemblable tromperie en la contrce de
' § & attiroient encore les autres à faire le ſemblable. Mechmet s'en retour
†*** na puis-apres d'erechefàAthenes,oü il ne ſe pouuoit ſaouler de contem
pler auecvn grandeſbahyſſement,labeauté&magnificence des antiqui
tez quiy eſtoient encore debout, &la ſuperbe entrepriſe des ports qui
ſont là au long. Cependant les Genniſſaires qui gardoient le chaſteau
luy donnerent à entendre, que quelques vns † Citoyens d'Athenesa
uoient conſpiré de liurer la ville és mains de Franco Seigneur de la Bœoce
lequelauparauant auoit cſté Duc d'Athenes : ce qui mit en fort grand.
danger cette pauure cité, enſemble tout le peuple qui y eſtoit demeuré;
parce que Mechmetadiouſtant foy à la calomnie, fit trouſſer la deſſus
iuſques à dix des plus gros & riches bourgeois , qu'il tranſporta à
Conſtantinople pour y faire leur reſidence. Luypuisapres s'eſtant a
cheminé pour retourner à la maiſon,enuoya dire à Demetrie qu'il ſe miſt
touſiours deuant auec ſa femme, pource qu'il ne vouloit faire que peti
tesiournees. Ce fut alors qu'illuy donna la ville d'AEnus, & le reuenu
des ſalines qui en dependent, outre quelques douze mille eſcus qu'il
De l'Hiſtoire des Turcs. 273
receuoit du caſna ou coffre del'eſpargne. Mais quant à Franco Acciaoli,
delaieuneſſe duquelon dit qu'ilauoit autresfois abuſé, & de fait illuya
uoit mis la citadelled'Athenes entre les mains,ill'enuoya auZogan gou
uerneur du Peloponeſe,qui le fit mourir:Carl'ayant faict appeller en ſon
pauillon, Hl'entretint de propos iuſques bien auant en la nuict, & ainſi
qu'ils'en cuidoit retournerauſien,l'autre lemità mort toutesfois ce fut
apresy eſtre arriué, parce qu'ilrequit d'auoir cette † d'eſtre executé
là dedans. Voila la fin que fit Franco Acciaoli. Mechmet doncques con
tinuant ſon chemin,s'en vint à ſon aiſe à la ville de Pherres,oüil s'arreſta
vniour, pour raiſon d'vn bruit quicourut que les Hongres eſtoient en
cipaigne preſts à paſſerle Danube:mais ſoudain on ſceut que cela eſtoit
faux , parquoyil tira outre, & arriua bien toſt apres à Andrinople, me
nant quand & luy Demetrie & ſa femme : & tout auſſitoſt qu'il fut entré
au ſerrail, il retira l'Eunuque qu'il auoit mis à la garde de la Princeſſe .
· leur fille.
O R le Zogan quiauoit eſtélaiſſé au Peloponeſeauec toutes les forces *
delaTheſſalie, hors-mis les gens de cheual,s'en alloit de coſté & d'autre † Z
terminer celuy qui nel'a point offenſé le premier, ne faict aucun tort ou
iniure, dont il peut auoir la moindre occaſion de ſe plaindre. Et Dieule
ſçait,ſiiamais nous auons ſeulement eu volonté de ce faire, ny cherché
décontreuenir en nos alliances en façon que ce ſoit. Que ſid'auentureil
cſtdeſpité contre moy, de ce †
penſe que i'ay adheré au Caſan, qu'il
: s'en voiſe à labonne heure deſcharger ſacolere ſur luy, & ietter de ce co
ſtélà tout le faix & peſanteur de cette guerre. Mais à tout euenement s'il
aſigrand deſir de retirer d'entre nos mains ce peu d'heritage qu'il auoit
pleu à Dieu nous eſlargir, nous luy en ferons tres-volontiers paſſer ſon
cnuie,en nous donnant pour recompencelaville de Phillipopoli,franche
& quitte de tous ſubſides, charges & impoſitions quelconques : S'il eſt •
-
content de ce faire, nous l'irons trouuer ſous ſon ſauf conduit & aſſeu- -
rance. Or voyez vous point combien eſt forte & mal-ayſee l'aſſiette de
cette place?comment elle eſt remparee, & munie de tout ce qui luy faut?
Car le long de la cortine, & deſſus les plattes-formes & boulleuards, il
n'ya pas moins de quatre cens pieces d'artillerie ſur roue : Voila puis a
pres deux mille arquebouziers d'eſlite, & autres dix mille hommes de
guerre dont on peutaſſez iuger ſinous pouuons ſeurementattendrevo
|
1tre ſiege , & vous portervn merueilleux dommage, auant que vous en
puiſſiez veniràbout. Machmut fut fort aiſe du langage d'Iſmael, & s'en
alla ſoudain trouuer ſon maiſtre, pour luy faire le party qui ſe§
preſentoit, lequel apresauoir bien examiné de point en point, tout ce
qu'Iſmaelauoit touché,luyaccordala paix aux meſmes conditions qu'il " †"
auoit propoſees, & luy donnalaville de Phillipopoli, où l'autre ſe retira §
aucctoutes ſes richeſſes & threſors,apresauoir conſigné Sinope és mains †
t Ilyaau tex -
nous l'auons deſia ditailleurs,lequel eſtle meilleur, & le plus fin de tous 2oooo.
§te# ſtate- .
autres, apres celuy de l'Iberie. LeTurc en tire maintenant plus de qua- §
rante mille ducatsde profitannuel. Or entre les autres vaiſſeaux dontil †
4oooo.du
y en auoitvn grandnombre en l'arcenac de Sinope, eſtoit vn nauire du †
C pour ce que
-T
†º
ne ſeroient qui entreprit vne ſi lourde & peſante machine; & lamena à fin,
- - - - - -
§
- -
§t auecle Duc de Millan en fit d'autres, & le Roy deſſuſdict en eut deux qui
† engrandeur & appareil, ſurpaſſerent tous ceux quifurent onques. Mais
#
teres d'or , s'eſtans de mal-heurvenuzinueſtier dans le port meſme,ils ſe briſerent,
† & nepeurent iamais eſtretirez en pleine mer. Al'enuy de tout cela Me
†" chmet en voulut auſſi faire vn iuſques à trois mille tonneaux, lequel ſe
re ueuu de
teint vne telle felicité;que Prince aucun de tous ceux qui ſont viuans ſur -
Aa iij
-
Del'Hiſtoire
b 4 º
defois à autre il deſcendoit à terre, comme les occaſions s'en preſen- #. (1llCatS. l'af -
me endroitcv
nau-laquie,
^ l ? là où la plus p
part des edifices ſont de bois,, &
& Ppourtant il eſt bié
§ aiſé de les reduire en cédre. Mais les Valaques ayans eu les nouuelles
† de la venue de Mechmetauec vne telle puiſſäce,auoient retiré d'heure
ſomme de cét
† les fémes & enfans; partie dans la montagne de Praſobe, partie en vne
le liures tour
† place merueilleuſement forte, tant à cauſe du rempart & foſſé qui eſt
§ tout au tour, que d'vn mareſt quil'enuironne, & la rend 1I13C †
† ceſſible. Ils en cacherét grand nombre quant & quantau profond des
#"#foreſts, oü il n'eſt pas biéaiſé de penetrer, ſi ce n'eſt à ceux du pays, qui
§s " ſçauétles lieux&les adreſſes;Car ce ſôt de grâds forts ou il ny'a ne voye
1, vºl qui ne ſétier.Ainſi les Valaquesayâsmis en lieu deſeureté ce quileur eſtoit
†º inutile à la guerre,mais le plus prochain de leur cœur,s'aſſemblerétau
| tour de leur Prince Vladus, lequel departât ſes forces en deux, en retit
ca, p , vne partie aupres de ſoy pour faire teſte au Duc de la noire Pogdanie,ſi
† d'auétureil ſe vouloit remuer à la faueur de farmeeTurqueſque de fait
§ la guerre eſtoit deſia allumee entre eux & auoit ce Pogdan enuoyé ſe
†e crettemét deuers Mechmet pour lappeller à cette entrepriſe dela Vala
quie,offrât(pour touſiours le plus eſmouuoir à cela)de ſe ioindre à luy
auec toutes ſes forces : à quoy il preſtavolontiers loreille,& luy manda
de le venir trouuer,afin de s'en aller de côpagnie mettre le ſiege deuant
la ville de Celi6 ſituee ſur le bord du Danube,laquelle eſtoit des aparte
nâces d'Vladus.Cettuicy ne fit faute d'aſſébler † gés en toute diligen
ce,& s'éuint deuât la place deſſuſdicte, qu'eux deux tindrét aſſiegée par
pluſieurs iours: à la parfin toute-fois voyans qu'ils n'ypouuoiét riéfai
re, ils furent contraints d'en deſloger, apres yauoir perdu quelque n6
bre de gens, prenât le Pogdan ſon chemin pour entrer en la Valaquie,
dont il fut empeſché par ceſte portion de farmee qu'on auoit enuoyée
côtre luy.Et cependât Vladusauec le reſte de ſes forces s'eſtoitietté dâs
les foreſts,attendât de voir plus clairemét ce que voudroit faire Mech
1 uueveys-º & quelle partil dreſſeroit ſon chemin lequel apres auoir tranſ
§v# portétous ſes gens outre le Danube entra dans la Valaquie,sâs toutes
# fois mettre le feu nulle part, ny autrement en † le pays, ce †
†* auoit tres-expreſſément deffendu,mais faiſantmarcherſonarmee fort
aduiſément & ſoubs bride,pour raiſon de la difficulté deslieux, les plus
propres&cómodes de tous autres à dreſſer des embuſches, tira droict
à laville où les Valaquesauoient retiré leurs femmes & enfans.Et eux
· le coſtoyoient parles bois & paſſages malaiſez : tellement que tous les
Turcs qui s'eſcartoient,ne failloient d'eſtre incontinenttrouſſez & ſur
le champ mis à quelque cruelle mort ſans remiſſion aucune.Mechmet
apresauoirentendu de ſes coureurs que perſonne ne ſe preſétoit pour
le combatre,& eu d'ailleurs aduertiſſemét qu'Vladus n'auoit point de
renfort du coſté de Hongrie, cômença à le meſpriſer, &ſe tenir moins
ſongneuſemét ſur ſes gardes, ſelogeât en campaigne raſe,ſäs autremét
· fortifier sô câp. Cequ'Vladusayât fortbiéfait rccognoiſtre aiſi que les
énemis gaignoient touſiours pays pour le venir trouuer, éuoya deuers
- •
noſtre pays eſt tout ioignant le voſtre, &§ les vns & les autres habi- Harengue de
tOI1S au long du'Danube. Vous auez au i deſia peu entendre (ſi ie ne †
-
- deur d Vladus
mºmeſcompte)comme le grand Empereur des Muſulmans auec vne #lds ongrie.
puiſſance ineſthmable nous eſtvenu courir ſus.Si donquesil gaſte la Va
laquie,& lareduit à ſon obeyſſance,ſçachez pour vray qu'ilne s'arreſtera
pas à ſi peu, eſtans meſmement ſes affaires paruenus àvn ſi haut degre de
grandeur & proſperité humaine, mais ne faudra incontinent de s'atta
queràvous, & tourner à voſtre deſolation & ruine la fureur de ſes ar
mes, ennemies du nom Chreſtien : dont ie ne fais doute que beaucou
de dangers ne ſe preparent, pour ſevenir auec le temps reſpandre & deſ
chargerſurvos bras. Parquoyl'occaſion preſente vous ſemond à nous
donner ſecours,afin que par enſemble nous taſchions(& au pluſtoſt)de
repouſſer ce commun aduerſaire hors de nez frontieres & limites. Car
il ne faut pas attèndre qu'il nousait acheuéd'accabler du tout, & ren gé
noſtre peuple à vne ſeruitude miſerable, ayantauec ſoyle ieune frere de
· noſtre Prince, qu'il taſche de nous donner pour Seigneur, ains ſe met
tre en deuoir de l'empeſcher,faiſant en ſorte que les choſes neluyvien
nent point du tout à ſouhait, ſelon ſon deſir & intention. Il a meſme
commencé de faire à ceieune homme plus de faueurs que de couſtume,
quandil s'eſt voulu acheminer par deçà: l'a honnoré,l'a aduancé, & fait
infinis preſens, tantenaccouſtremens, qu'en argent comptant & autres
richeſſes. A quelle occaſion tout cela ie vous prie,ſinon pour le gaigner
touſiours de plus en plus,&l'induire à ſemerdes brigues&menees parm
nous, afin de le ſubrogeraulieu de ſon frere; & qu'il nous rende tous †
clauesauſſi bien queluy du tyran auquel il s'eſt donné du tout en proye,
autres-grandſcandale de ſon hôneur,&du nom Chreſtien?Neantmoins
il n'a peu encore faire rien enuers les Barons du pays, deſquels il a eſté
fortvertueuſement reietté. Les Hongres, ces remonſtrances ouyes, vi
rent bien qu'ilsn'eſtoit plus queſtion † temporiſer,&ſe reſolurent deſe
courirlesValaques en toute diligence:Parquoyils ſemirent ſur le champ
à leuer gens de coſté & d'autre; tellemét qu'en peu deiours ils dreſſerent
VIlCgroſſe armee.Et cependant Mechmetgaignoit touſiours pays,met
tant le feu par où il paſſoit, & enleuant tout le beſtail qui ſe pouuoit ren
contrer, car d'eſclaues, ſes gens de cheual meſme n'en eurent que bien
peu, au contraireils ne failloient d'eſtre empoignez toutes les fois qu'ils
s'eſcartoient tant ſoit peu de la groſſe trouppe. On dit qu'Vladus enha dieſſe
Grande har
ou plu.
bit diſſimulévint luy-meſmeau camp, pourvoir à l'œil, & remarquer ce ſtoſt temerité
quisyfaiſoit & diſoit : toutesfois cela ne me ſemble pas vrayſemblable, d'Vladus.
qu'il ſe fut voulu hazarder à vn tel peril, veu qu'il auoit aſſez d'autres
eſpiesdontil ſe pouuoit ſeruir envn ſidangereux affaire : Auſſi pourroit
il eſtre, que cela euſt eſté inuenté pour magnifier
• V • / J) b d'auantage la hardieſſe
-
· NMAIs Mechmet tout auſſi toſt qu'on vit clair, choiſit de chacune xvI.
trouppe les plus legiers & deliures ſoldats, qu'il enuoya à toute bride a
preslesValaques ſous la conduicte de Haly-Beg fils de Michel, lequelles Hºly Bºgdef.
pourſuiuitſiviuement à la piſte, qu'illesvint ratteindre auât que de pou, †
uoir gaignerles bois; & lesayant chargez ſans marchander en fitvngrád º,
meurtre, & en ramena pres de mille priſonniers au camp, où Mechmet
les fit tous ſur le champmettre en pieces en ſa preſence. LesTurcsauoiét
auſſi pris lanuict vn eſpiond'Vladus, lequel fut amené à Mechmet, &
l'ayant interrogé de quel paysil eſtoit, & d'oüilvenoit à telleheure, il fit
reſponce de point en point à tout ce qu'on luyvoulut demander,iuſques Laeniate &
à ce qu'onl'enquit des affaires de ſon maiſtre,&s'il ſçauoit point oû il s'e- †v.
ſtoit
tes'ilretirétil
vouloit,ditmais
qu'ouy,
qu'il ſe&garderoit
que de celail
bienend'en
pourroit bien
rien dire , ſiparleràlaveri-
grande eſtoit #"
y
qui rendoit de tant plus le ſpectacle effroyable & hideux à voir; car ilya- .
uoitiuſques à de petites creatures executees aux mammelles meſmes de
leurs meres, ou ellesauoient eſté eſtran glees, & y pendoient encore : Et
les oyſeauxinfames, dont l'air eſtoit obſcurcy & couuert tout ainſi que - ,
d'vne groſſe nuee,auoient deſiafait leurs aires dans le creux des ventres
dont ilsauoient deuoréles entrailles. Mechmet quant à cela,eſtoit bien
d'vn naturelautant cruel & ſanguinaire que nul autre eut ſceu eſtre ; & ,
-
neantmoins quandil vit qu'vne ſeule rage & forcenerie d'vn petit com
Diuendie Pagnon, auoit ſurpaſſé de † toutes celles qu'il cuſtoncques fait
† º º ſaviesd'vn coſtéeſtoit remply de ſi † merueille qu'il ne ſçauoit que
§ ſoy
d'Vladus.
dire,que
& nô
de l'autre,
sâs cauſeaucunement touché&deredouté
eſtoit ainſi craint pitié &dehorreur: diſant
ſes ſuiccts, à part
celuy qui
auoit eu le cœur de commettre vnetelle inhumanité:Et que malayſemét
pourroit-il eſtre depoſſedé de ſon pays, puis qu'il ſçauoit ainſi vſer de
ſon auctorité, & de l'obeyſſance de ſon peuple. Puis tout ſoudain ſe re
prenoit , ne penſant pas qu'on deuſt faire compte d'vn telbourreau. Les
Vigilance & Turcs meſmes qui contemploient ce tant horrible & criminel cemetiere,
#usv lettoient de grandes imprecations contre Vladus : lequel ne ſe ſouciant
' pas beaucoup de tout cela leur eſtoit inceſſamment ſur les bras, tantoſt
ſurles flancs,tantoſtàla queüe del'armee : tellement qu'il ne ſe paſſoit
iour qu'il n'en miſtà mort vn grand nombre, & ne leur fiſt quelque no
, table & ſignalé dommage, auſſi bien ſur les gens de cheual, comme ſur
les Azapes, ſi tant ſoit peuils s'eſcartoient.Et eſtant ſa principale inten
tion de donner quelque bone eſtrette au Ducde la Noire Pogdanie pour
ſe véger de luy,illaiſſa ſix mille cheuaux pourſuiure &coſtoyer touſiours
l'armee desTurcs, parles bois, & pays couuerts, dontils ſçauoient tres
bien les adreſſes, ſans toutesfois ſe hazarderà aucun combat, mais ſeule
IIlCIlt
- Del'Hiſtoire des Turcs. 289
ment continuer à les trauailler,& trouſſer ceux quiſe deſbanderoient, là
où ils verroient le ieu eſtre ſeur : & luy auec le reſte de ſes forces s'en alla
droit vers la ville de Kilie, que l'autrc auoit enueloppee COIIlIIlC IlOUlS
auons deſia dit. - • -
4 Mechmet.
putation immortelle, ne firent rien de ce qui leur auoit eſté ordonné,
mais au contraire s'en allerent la teſte baiſſee attaquer les Turcs, tout
ainſi que s'ils euſſent voulu combattre en bataille rengee , là où ſoudain
les ſentinelles donnerent l'alarme, & le camp ſe trouua incontinent
preſt, hors-mis les Genniſſeresdela porte quine bougerent: Auſſi n'ont
ils pas accouſtumé de ſe mouuoir legierement, ne ſi ce n'eſt à vn grand
beſoin toutesfoisle Baſſa Machmut enuoya Ioſephe pour les reco gnoi
ſtre, & taſcher de lesattirer àl'eſcarmouche le plus auant qu'il pourroit:
& cependantil ſe tint à cheualauecle reſte des forces qui eſtoient ſous
© t Qu
ſon regiment.Quant à IIoſephe,il
F alla devravattaquer
2 y q les Valaques
V q fort Ioſephemis
viuement, comme ſià ſon arriuee il leur euſt deupaſſer ſur le vêtre:mais les§
Valaques -
cela ne duragueres, & tourna tout incontinent le doz, fuyant luy & les†
ſiens à brideabattue,quand Omar filsdeThuracá quiauoit eſté enuoyé Pº"
pour le ſouſtenir,luy eſcria de loing,Et où fuys tu ainſi vilainement laſ
che & failli de cœurquetu es : De quel œil penſes tu que le ſeigneur te
verra à n'attends tu pas d'eſtre beaucoup plus cruellement traicté de luy
que des ennemis propres, & qu'il ne te face mourir hôteuſement, tout
auſſi toſt qu'il ſçaura que tute ſeras ainſi porté en ſa preſence : Ces re
proches & autres que luy fit Omarleretindrent,&inciterêt de rctourner
auecquesluyau combat;là oûil ſe porta aſſez mieux qu'il n'auoit fait à
lapremiere charge;en ſorte qu'ils mirent à leur tourles ennemis en rout- .
te, dont ſans prendre perſonne à mercy, ils en tuerent bien deux mille , Defaite des
auſquels ils coupperent les teſtes,&les ficherentaubout de leurs lances, †
puis ſ'en retournerentainſi victorieux deuers Mechmet. Il donna ſur le †
chample gouuernement de Theſſalie à Omar combicn que Mazal fuſtie hef
encore envie, lequeleſtoit àla ſuitte du campauecvne trouppe de bra- A
†.bon
quie.
eſcien quelle eſtla puiſſance du grand ſeigneur , Ignorez vous que
vous ne l'ayez continuellement ſurles bras? Car il vient d'autres forces
toutesfreſches, qui acheueront de ruiner ce pays, & piller tout ce qui y
eſt demeuré de reſte.A quel propos doncques refuſez-vous ſonamitié &
bien vueillance2Cherchez(ievous prie) de retourner en ſa bonne grace,
& en ce faiſantvous mettrezvne finàvoz maux & calamitez:& ne verrez
point deuant vozyeuxrenuerſervoſtre pays de fonds en comble, pour
eſtre deſormais vne ſolitaire habitati6 de beſtes ſauuages tant ſeulemét.
Carvous ſçauezbiéquevous n'auez plus de beſtail,ny de cheuaux, dont
vous-vous puiſſiezaider:& toutes ces deſolations vous les auez ſouffer
tes pourl'amour de ce cruel & inhumain tyran; ie ne ſçay commentie le
pourroisappellerfrere,tantilvous amal-heureuſement traicté,voire fait
de ce pauure peuple la plus horrible & deteſtable boucherie dont on ait
oncques ouy parler.Partelles paroles, & autres ſecretes menees qui ſe
faiſoientauecques ceux qui eſtoient venuz rachepter les priſonniers, il
en attira beaucoup à ſa § autres il fit dire, que ſans auoir
crainte de rien, ils pouuoient en toute ſeureté venir parler à luy : leſ
quels finablement ſe reſolurent tous d'vn accord, qu'il eſtoit plus ex
pedient pour le pays & pour eux d'obeyr à Dracula, & l'auoir pourſei
Reueled , gncur,que non pas ſon frere Vladus. Parquoyils commencerent peu à
#
tre Vladus , le peu
%- . à ſe retirer deuersluy, attirans parleur exemple le reſte du peuple à
- -
s o M M A I R E, E T c H E FS P R I N c I P A V x'
du contenu ence preſent liure.
J . Jb j . /
\ •- • e
Liure dixieſme
#@ E v o Y A GE de Mechmet contre les Valaques eutvne
# # telleiſſuë Et Vladus ſentant que ſon frere Dracula ap
# prochoit,conquerant pied à pied toute la Moldauie, ſe
# retiraen Hongrie, oü ceux dontilauoit faict mourirles
§ parés & amis l'appellerent eniuſtice,deuant le Roy Ma
pour ſes mau- T" thias fils de Huniade,& y eut iugement donné cotre luy
† fortrigoureux, ſurles tyrannies, oppreſſions, & cruautez dont il auoit
†º vſé enuers ſes ſubiects : Puis fut mené à Belgrade & mis en vn cul de
§ foſſe Mechmetd'autre coſté deſpeſcha vn courrier pour aller faire ap
preſter ſon armee de mer&aſſembler les gens de guerreau longdelama
· rine. Carl'eſtén'eſtant pas du tout dehors,il ſe deliberoit pour ne perdre
ointinutilement la ſaiſon qui reſtoit encore propre à § guerre,
L'entrepriſe d'aller enuahir l'Iſle de Leſbos auec ſes Genniſſeres, & autres domeſti
de Methelin - - >• -
§ ques, & quelques trouppes de l'Europe qu'il emmenoit quant & luy;
º toutesfois en petit nombre.Or celuy qui § pour lors ſeigneur de cet
te Iſle,la tenoit des Princes Othomans,de leur grace & beneficence par
ticuliere, à quatre mille ducats de tribut annuel dés le temps que Paito
†
-
ſon
† gouuerneur de Gallipoliſous le dernier Amurat, y eſtatabordéauec
armee de mer la pilla, & en emmena grand nombre d'eſclaues , y
ſtateres d'or.
ayant pris laville de Calloné riche & opulente , puis s'en eſtoit retourné
auec ſon butin.Les SeigneursTurcsl'auoient encoreauparauant fait tri
butaire quand & celle de Chio,lors que Ianus Capitaine des Genniſſeres
fut ordonné pouryaller,lequel ſe mit en deuoir de prendre de force la
# ville de Molybe, qu'il affiega fort eſtroittement, toutesfois il n'y peut
§ rien faire : & dict-on qu'Amurat l'enuoya là, pource que le Prince
ll3I1C. auoit receu & fauoriſé en ſes ports les Arragonnois, qui faiſoient le
i
meſtier de Courſaires ; & achepté d'eux vn grand nombre d'eſclaues
· qu'ils auoiept enleuez ſur les terres desTurcs, dequoy il faiſoit vn grâd
| proffit Devray les Arragonnois partans de Leſbos de Conſerue , auec
ceux des Iſles Cyclades qui s'aydoient de lameſme profeſſion, venoient
à infeſter toute la mer de brigandages , par le moyen de leurs
fuſtes & galliotte8: tellement que toutes les coſtes de l'obeiſſance d'A
murat demeuroient preſque deſpeuplees ; & puis apres ſe retiroient à
garand dedans cette Iſle, chargez de tres grandes richeſſes,là oü ils par
| tageoient le butin qu'ils auoient faict, duquel ils faiſoient part au
Le f Prince. Toutes leſquelles choſes eſtans r'apportees à Amurat,ils'appre
c trere m et
†" ſtoit pour luy aller courir ſus : Mais Dominique, que les Grecs appel
† lent Cyriaque,le plusieune des deux Seigneurs del'Iſle, trouua moyen
uoIr le bien
ring " eurentà ſupportertout à vn coup contre les Perſes, & les Bulgares, fu-† .
nt : º rent côtraincts d'emprunter vne groſſe ſomme de deniers d'vn nommé †
lau5 . Martin,auquelils l'engagerent : & puisapresl'ayant rembourſe la retire- †
gſi . rent de luy. Maisles Geneuoisamorſez de la beauté & delices du lieu, §"
au:: ne demeurerent gueres à y retournerauecbon nombre de galeres, & la
# prirent. Ce ne fut pas toutesfois de l'authoriré, ny du ſceu & conſen
kIIE ! · tement du Senat, ne du peuple que cette entrepriſe fut faicte, mais du r. .
%
i " | ſemble
propre motifde neuf ou
pour veniràla dix maiſons
conqueſte de Gennes,
de cette qui s'aſſocierent
Iſle; & deſlors d'vn commun en- # ſuiii D laIls
-
-
-
-
| -
v,
-
º -
ſ: fait choſe, pour laquelle vn pauure Prince deuſtainſi à tort & ſans cauſe *
lſ- eſtre deſherité. Mais puis qu'il plaiſt à la fortune, ie te ſupplie à toùt le
2 moins, Seigneur,que ſuiuant ta magnanimitéaccouſtumce,attendu que
ie me ſuis ainſi franchement ſouſmis à ton vouloir,& fié ſur ta ſimplepa
role, que les conditions ſoient accomplies quim'ont eſte promiſes:& ne
permets, toy quias le cœur ſinoble & genereux, vn homme de maiſon
illuſtrealler çà & là vagabond par le monde, mendierſon pain le reſte de
ſesiours. Ces paroles, & autres pleines de grande compaſſion proferoit
ilà chaudes larmes, eſtant touſiours à genoux deuant Mechmet : adiou
| ſtant que ce n'auoit point eſte par opiniaſtreté de vouloir conteſtercon
: trevne telle puiſſance,la plus grande de toutes autres, s'iln'auoit obeyà
l º,
Bb iiij
• -T
tant d'oſter la vie à ceux quil'auoiét deſſeruy, ſans les § par l'in
º ºu humanité & violence des martyres. Quant au Seigneur de l'Iſle, Mech
Prince de Me- - -
thelin belle met l enuoya à Coifſtantinople auectout ſon auoir, dontil ne luy fut a
#" donc faict tort aucun ;mais il retint pour ſoy bien huict cens que filles
" , que garçons, des meilleures maiſons del'Iſle, qu'ilemmena quant & luy
enſemble toutes les galeres qui y eſtoient, ne laiſſant aux habitans que
de petites barques pour l'vſage de la peſcherie, & pour paſſer de coſté &
d'autre, tant en terre ferme, qu'aux Iſles circonuoiſines oü ils auoient
| affaire. La ſeur du Prince, veufue de feu Alexandre Comnene, laquelle
Mechmetauoit priſe au parauant au paysdela Colchide,fut par luy miſe •
·
- 5 - © * ºw- - -
à mort &l'oc
I II,
VoILA en ſommeles deux voyages & expeditions que Mechmet fit
celleannee : Premierement contre les Valaques, tant que la ſaiſon de
meurapropre pour demeurer en campaigne , & de là en l'Iſle de Methe
lin : tellement que les froidures eſtoient deſia bien aduancees quand ilre
tournaau logis. Le reſte de l'hiuer,ille paſſa à faire faire des vaiſſeaux, #:
& equippervne groſſe armee de mer; eriger des moſquees, & baſtir des §
palais : ſe deliberant d'accommoder Conſtantinople pour ſa demeure,&
y dreſſervn Arcenal pour le ſeiour des vaiſſeaux qu'il deſſeignoit de là en
auant mettreſus, & les tenir preſts à toutes les occaſions qui ſe preſente
roient : caril penſoit bien de ſe rendre maiſtre & ſuperieur de ſes voiſins,
ſivne fois il ſe faiſoit le plus fort par la mer. Il auoit auſſi deſia pris opi
nion de faire vne fortereſſe, la plus belle de toutes autres, apres celle de
298 Liure dixieſme
Lemocopie en la Propontide, laquclle finablementilcdifia ioignant la
porte qu'on appelle doree,& baſtit encore d'autres tours fort grandes &
admirables à voir, enſemble tout le dedans du ſerrail : & vne autre tour
encore àl'entree du pôt des Scopiens ſurlariuiere d'Axius; plus vne fort
belle maiſon de plaiſance à Andrinopleau delà de la riuiere de Taenarus,
à l'endroit ou elle ſe va aſſembler à celle de Hebrus:& deux chaſteauxſur
le deſtroict de l'Helleſponte,l'vn en Aſie aupres de Maditum , & l'autre
tout vis à vis en l'Europe ; leſquels.ferment lepaſſage , & gardent l'aue
nue de Conſtantinople & de la mermaiour, où d'auantage l'on pouuoit
tenirvn grand nombre devaiſſeaux pour la ſeureté de toute la coſte.Ilfit
mettre en chacun trente pieces de groſſe artillerie, & tout plein d'autres
de moindre calibre,quibattoient d'vn bordà autre à fleur d'eau, de ſorte
qu'il eſtoit impoſſible d'étrer en ce deſtroict ſinon à la mercy de ces deux • *1
entre les freres, qui aſpiroient chàcun de ſon coſté à l'eſtat,ils remirent
finablement la deceſion de leurs differends à Mechmet, lequel l'adiu
ea à Sandal, ordonnant à Iſaac gouuerneur des Scopiens voiſin de là, †
del'aſſiſter de tel ſecours dont il auroit beſoing pour entrer en poſſeſ-†"
ſion.L'ayant doncques accommodéd'vne groſſe armee,il commença de †
faire la guerre à ſes freres,& à gaſterle pays,dont lesTurcs qui eſtoient là §.
aupres1çeurét fort bié faire leurs besôgnes,& enleuerent ſous ſe pretexte §º
3OO · Liure dixieſme
luſieurs milliers d'eſclaues,qui furent ſoudain tráſportez en Grece,&en
Aſie.Car deſlors que Mechmet eut enuoyé vne Colonie au pays des Sco
- † & que Ioſué fils d'Iſaac fut par luy continué augouuernement de
on pere,on tira plus grâd nombre d'ames qu'on n'euftiamais penſé pour
vne telle prouince, qui ne contient en longueur à la prendre depuis les
Triballiens, & la riuiere de Dorobize,iuſques au domaine de Sandal, &
ººººººº le goulphe de l'Ionie,ſinon vingt cinq lieues en tout : Il eſt bien vray
2 ooo. ſtades
qu'en ſa largeur plus grande, dont elle ya atteindre les Pannoniens, &
· les meſmes Triballiens elle a bien ſoixante bonnes lieues.Aux Triballiés
commence la region d'Iſaac : Celle de Paule ſuit apres, les villes duquel
- arriuentiuſquesâux Illiriens : & auoient ces gens icy au precedent fait la
guerre contre les Seigneurs O thomans, tantoſtaueclesTriballiens,tan
toſtauec les Hongres, mais s'eſtans depuis reconciliezauxTurcs, ils les
guiderent eux meſmes pouraller pillerles pays eſpandus tout autour de
'Illirie; & delà tranſporterent la guerre contrelesTriballiens, le Prince
deſquels ſe reſſentant de cetteiniure,alla aſſieger quclquesvnes de leurs
laces,puiss'accorderent enſemble.Sandalauſſi de ſon coſté les eſtoitallé
† aſſaillir,auccl'armee Turqueſque , & leurauoit deſia porté vn grand d6
c#es mage : tellement que par deſpit de cela, s'eſtans cruellement animez les
# vns contre les autres,eux meſmesappellerent des Genniſſaires à leur ſe
cours, & acheuerent de ruiner leur pays. Car de toûs les deux coſtez on
prenoit iournellement grand nombre d'eſclaues, qui eſtoient tout ſou
dain deſtournez au loing: & ainſi cette pauure contree ſouffrit en pcu
de temps vne merueilleuſe deſolation, Sur ces entrcfaictes Iſaac , &
Paule ayans faict ligue enſemble, enuoyerent offrir leur ayde au Prince
· des Illiriens, car auſſibien auoient-ils deliberé de ſe declarer du tout con
tre Mechmet, ſi les Hongres ſe fuſſent tant ſoit peu voulu remuer, &
- euſſent eu le cœur d'entreprendre quelque choſe contreluy.
#a M A IS Il C ſe donnant pas beaucoup dc peine des conſeils de tous ces
§ petits compaignons,il ſe mitaux champsauec ſon armee,& s'envint paſ
des brigues & ſerlariuiere de Dorobize qui ſeparelesTriballiens d'auecles Illiriens,&
† 2
†
conſiſte tout de la marcha outre iuſques à celle d'Illiriſſus, qui eſt nauigable, où les
leur faict en bagages & les perſonnes paſſe rent ſur des naſſelles & radeaux baſtiz ſur
l'aſſeurance & - - 2 • - - -
† le lieu, & les cheuaux à nage. Car on dit qu'il eut bien à celle fois cent
†,
L'armee de cinquantemille cheuaux de combat, outre grand nombre de Genniſſai
$C$
incontinent
auec quelqueà trauers
nombrechamps, là oü ſe Princecedes
de cheuaux,attédant queIlliriens eſtoit
les Turcs encore
voudroiét
# faire,caril ne les cuidoit pas deuoir eſtre quittes à ſi bon marché de ce
# paſſage.Et craignant que s'ilſe mettoit en deuoir de ſe ſauuer à la fuitte,
ils il ne § bien r'atteinct par vneſi grande cauallerie, legiere au poſſible,
ilſ & fortvſitee à faire de longues traictes, tout troublé & eſperdu qu'il e- !
# ſtoit, s'allainconſiderementietter dedanslaville de Clytie, oü le Baſſa
#-
ſlº
l'aſſiegea
ville ſurdel'heure.
capitale tous lesMechmet
Illiriens; &ce-pendant prit làle deuant
s'eſtant campé cheminles
dehabitás
Iaitie,
ſans faire autre reſiſtenceluyvindrent au deuant offrir les clefs & le ſup
plier de les prendre à mercy : Cartout auſſitoſt que les nouuelles furent
ſceües de la priſe de Dorobize la plus forte & inexpugnable place de
toutes les autres,l'eſpouuantemét en fut tel, que chacun àl'enuy d'eſtre ,
le premier s'efforça de ce rendre; eſperant par ce moyen de receuoirvn †*
meilleur & plus gracieux §les principaux de †
laities'eſtans venuz preſenter à Mechmet, ſe rendirent à ſa diſcretion;
le ſupplianstant ſeulement de leur laiſſer la forme de viure accouſtu
. mee, & qu'au reſteils luy demeureroient bons & fideles ſujects, preſts
l2 - - - - - - Cc
3O2 Liure dixieſme
d'obeyr à toutes les charges qu'il leur voudroit impoſer. Ce qu'il leur
octroya: & eſtant entré en la ville, mitvne bonne garniſon au chaſteau.
Puis choiſit quelque nôbre d'enfans des meilleures maiſons, qu'ilretint
pour ſon ſeruice, & en departit d'autres à ſes fauorits. Mais pour retour
s . "º Machmut quiauoit enclos le prince des Illiriens dans la ville de
§ Clytie, à laverité cette place eſt ſituee en lieu fort mareſcageux, carily a
º tout plein de lacs à l'entour qui empeſchent de § , & ſeroit"
vne entrepriſe trop grande, voire vn labeur preſque inſupportable de
les penſermettre à ſec: Neantmoins le mal-heurvoulut qu'à celle fois ils
ſe trouuerent tous tariz des chaleurs de l'eſtéquiauoient eſté exceſſiues,
ſi bien que Machmut recogneut incontinët tout plein d'endroicts, par
oü l'on pouuoit aller à pied ferme iuſques ſur le bord du foſſé, auec ce
u'ilyauoit fort grande quantité de cannes & rouſeaux, dont les Turcs
§ r'abiller les paſſages plus malaiſez,& faire des faſſines pour
combler le foſſé. Or § eſtoient ils tous preſts à y mettre le feu, qui
ſe fuſt facilement attaché aux pieces de bois entaſſees les vnes ſur les
capitulation autrcS cn forme de muraille, quant ceux de dedans ſe voyans en tel pe
† ril, firent ſigne du remparde vouloir parlementer; & là deſſus ſe rendi
# rét à compoſition leurs vies & baguesſauues,tât pour eux que pour leur
prince;qui auroit de cela vne ſeureté ſignee de la main du Baſſa, auec
ſerment ſolemneldelaluyfaire maintenir & garder par ſon Seigneur,
de quiilrepreſentoit la perſonne.Ces conditiösacceptees tout ainſi que
les Illiriensle requirent,la place fut rendue au Baſſa, lequellaiſſa ſembla
blement le commun peuple là dedans pour y habiter, mais il departit
la ieuneſſe à ceux qui auoient le mieux faict : Et furent les gros de
la ville menez à Mechmet quât & le Prince & vn ſien frere, qui n'auoit
pas encore treize ansaccomplis.
«ril De SA femme" s'eſtoit deſia au-parauant retiree à Rhaguſe,pours'exem
ote de Ser-
†. pter des perils & inconueniens de la guerre, & y auoit porté de †
- - - / -
#lleſ ira des richeſſes du conſentement meſme de ſon mary. Ques'il nous e per
depuis à Ro- - - - '- , - -. -
§ mis de direicy en paſſat quelque choſe de cette ville qui eſt aſſez fameu
†ſe elle eſt en premier lieu ſituee ſur le goulphe Adriatique , habitee de
† longue main parles Illiriens qui autresfois s'aſſemblerêt là,tous gens de
iours. marque & de noble ſang,leſquels viuâs par enſemble envne fort grád'
paix,amitié,& concorde,la rendirent en peu de tépstreſbelle& floriſſan
te,& l'enuironnerét de foſſez & de fortes murailles : Puis s'eſtans mis à
exercer le traffic de la marchâdiſe tant par la terre que par la mer,amaſſe
rent en peu de temps vn fort grand auoir. Il ont là dedans leurs vs &
couſtumes à part, & viuent ſelon leurs loix ſoubs vneforme d'Ariſtocra
tie,c'eſtà dire le gouuernement des plus apparens & mieux famez ci
toyens. Car entre les autres choſes qui luy ont donnébruict, elle eſt
conſtumiere de produire de bons cerueaux & des gens fort ſages & ad
uiſez, qui la decorent bien plus que tous les beaux Palais & edifices qui
y ſont Le pays de Sandal arriue iuſques aux portes, lequel eut nague
res ie ne ſçay quoy à demeſler auecques eux pourraiſon de ſa femme.
De l'Hiſtoire des Turcs. 3o3
Cette damcauccvn ſien fils encore tout ieune adoleſcent, ne pouuant la#e guerre de
lus ſupporter les rigoureux traictemens de ſon mary, s'y eſtoit retiree: §
Ét Sâdalles leurayant enuoyé redemâder,on ne lesauoit pas voulu ren- #ºgº
dre, parquoyilleur denonça la guerre. Les Rhaguzins de l'opinion de
tous eſleurent pourleur chefceieune Prince,& firent vne bourſe com
mune pour employer aux fraiz, tellement qu'ils receurent beaucou Adultere &
mieuxl'ennemi qu'il ne cuidoit. Or ce qui meut la mere & le fils de fai- †*
recette retraicte, (fut à ce quei'ay ouydire) pource que la femme d'vn †
marchant Florentinqui traffiquoit ences quartiers là, y arriua par cas †º
d'auenture; belle entre les plus belles, gentille, & de § bon eſprit ; #
comme ont accouſtuméd'eſtre tous ceux de Floréce,Sádal qui eſtoit d'a
moureuſe complexion en fut incontinétaduerti; & voulât voirſi ce que
l'o diſoit des femmes d'Italie eſtoitveritable, n'eut pas pluſtoſtiettél'œil
deſſus, qu'ils'en picqua de ſorte que tout à l'inſtant il oublia & l'amour
& le deuoir qu'il ſouloit porter † femme, pour ſe donner du tout en
proye à cette nouuelle amante, laquelle eſtant femme de bonne compo
ſition, ne ſe fit pas longuement faire la cour. Et luy ſoudain qu'il en eut
taſté y prit tel gouſt, que de là en auantil commença à traicter ſa femme
d'vne autrefaçon qu'ilne ſouloit,voire plus indignement aſſez que ſa
vertu, & le lieu dont elle eſtoit iſſuë ne requeroient. Ce qui fut cauſe
que cette princeſſe qui eſtoit de grand cœur, ne pouuant comporter vn
tel tort & iniure, ſe retira à Rhaguſe auec ſon fils.Sandalenuoya incon
tinentapres pour taſcher à la rapaiſer,de peur que demeurât ainſi ſeparce
deluy, cela ne fuſt cauſe de le ſcandaliſer enuers le monde: mais elle ne
voulut retourner,nyle ſenat de Raguſel'exclurre de leurs murailles, que
preallablementiln'euſt abandonné ſa concubine:ſinon, qu'il en ioüiſt à
la bonne heure, & ſ'en ſaoulaſt tout à ſon aiſe.Voila comme l'on dit que
· les choſes paſſerent pource regard: Tellement quele fils eſtant animéà
l'encontre du pere, & eleu chefdes Rhaguſins ,il ſe mit en campagne
º[•
pourallerdroict à luy: là oûy eut bataille donnce, laquelleil gaigna, &
contraignit les ennemisde prendre la fuitte,apres en auoir mis à mort
j: vne grande partieſurla place.Choſe àlaveritévn peu doubteuſe, quel-batailleentre
d:
que pretexte & apparence de raiſon quiyſçeuſt eſtre: car il ne ſe conten.†***
ta pas de la victoire, par le moyen de laquelle il ſ'empara ſur l'heure de
ſl
l'heritage dót auſſi bienil deuoitiouir quelqueiour, mais deſpeſcha de
uers Mechmet pourl'inuiterà prendre les armes auecques luy contre le
Prince des Illiriens, en quoy de ſon coſté il le § Et ſceut ſi
bien poulſer la negociation par ſes pratiques & menees, que finable
mentil attiralesTurcs à cette guerre.Mais ayant ſçeucôme ils venoient
en beaucoup plus grand nombre qu'il n'euſt deſiré,il ſe preparaauſſi, &
tint ſur ſes gardes pour deffendre ſon pays, ſi d'auenture on y vouloit
nen entreprendre. -
yI.
OR pour retourner d'oü nous ſommes partis, apresque Machmut fils
de Micheleut pris le Printe des Illiriens dans la ville de Clytie, ill'em-.
menaà Mcchmet&receut encore parles chemins quelques autres places
Cc ij
3O4- | Liure dixieſme -
|;
-
picdau Peloponeſe,ilvoulut voirl'Euripe ou deſtroit de mer, & le re-† .
#
cognoiſtre luy meſme,enſéblelaville ſituee ſur le bord d'iceluy,laquel-| lide
• - -
†
• •en la Bœ
*
le nous ten6s;&que depuis ily retourna vne autrefois écores, pour fai- #
re ſonder le paſſage.Aquel propos tout celaie vous prie,ſin6 pourl'at-§"
taquer & enuahir,Vous ne ſçauriez pas donquesauoir de plus apparés †
teſmoignages de ſa mauuaiſſe volonté, que celuy là,ſans aſſez d'autres †#
qu'iltrop
noz nouslongues
a monſtrez de vouloirauecles
& ireſolues armes
deliberatiós. bien
Mais entoſt
cettevenir decider
guerre que †º CU11C
nagueres il nousa ouuerte, ſel6 que nous auôs eſté aduertis c'eſt choſe
ſeure qu'il procedera de ruſe & malice : Car il prendra en premier lieu :
tout ce qui luy viendra en main : dont il retiendra ce qui ſera le plus à
propos pour le bien de ſes affaires, & du reſte qu'il verra eſtre de peu
d'importáce, il fera séblant de nous en vouloir faire quelque rais6,de
ſauoüant ſes gens de ce qu'ils auront faict. Et parce moyen pied à pied
gaignant touſiours pays, nous ne nous donner6s de garde qu'il ſera à
# noz portes, ſans que plus il n'y ait moyen de luy reſiſter, pour ce qu'il
)I$ ſera deſiamoté à vne trop grâde puiſſance: Le tout par noſtre laſcheté,
ſly qui nous amuſons à le contépler cependant qu'ilruine noz voiſins,&
s'accroiſt de iour en iour de nouueaux Royaumes& Empires. Quoy
lflt doncques,pourrois-ie opiner qu'il ne faut point faire la guerre à vn tel
ii h6me Et certes ceux là ſe paiſſèt d'vne vaine eſperâce, eux&les autres,
[(º -qui ſe perſuadent que iamais fl ne nous inquietera, ny entreprédra rien
% † nous, quâdbienille pourroit faire tout à ſon aiſe,&pourtât qu'il ne
# · le faut point irriter,ains eſt beaucoup plus ſeur de viure en paix & ami- .
tiéauecques luy;nous tenans neantmoins ſur noz gardes, & pourueuz
à toutes aduentures de ce qu'il faut. Mais ſi parles choſes deſſuſdites,&
tant d'autres encore que ie ne dis pas, on voit euidément qu'il ya deſia
longtemps qu'il nous fait la guerre,lequel penſerez vous eſtre pl°vtile
ou de demeurer en repos, & ſouffrir qu'il nous volle de iour en iour
quelque bonne piece , ou de monſtrer à ce barbare quelle eſt auſſi no
ſtre puiſſance,& combien grandes ſont nos forces Car ſi nous deſcen
dons àvne guerre ouuerte eſtás armez, pour le moins nou-nous pour
rons garder de ſes embuſches & aguets, & auec noſtre armee le co
ſtoyer,nous tenans ſoigneuſement ſur nos gardes, & eſpiâs l'occaſion
propre pour luy donner quelquebône eſtrette.Et ne doit-on pas repu
ter ennemyceluy quitaſche de ſurprendre&rauir ce qui eſt noſtre?Que
ſi nous le laiſſons ainſi faire tout ce que bon luy ſemblera ſans luy don
ner empeſchement,c'eſt autât d'occaſion à noz ſuiets propres de ſe d6
ner de leurbon gréà luy, pour fuyr les dâgers que l'hoſtilité leur pour
roit apporter.Si doncques la guerre nous eſt en toutes choſes plus ne
ceſſaire contre ceſt homme que n'eſt la paix,qui eſt celuy ſiaueuglé,qui
nevoye bié qu'il no°la faut plus-toſt eſlire, que de demeurer touſiours
ainſi àl'ancre, en vn calme & temporiſement ſans aller ny auant nyar
tiere dont rien de plus dangereux & dommageable ne nous ſçauroit
- - - --- -- . - - - - - - -- - Cc iiij -
3o8 . Liure dixieſme -
-
3IO Liure dixieſme
main armee ſur les vns & ſurles autres, dont paraduenture vous pour
riez bien eſtre des premiers quile verrez(ſivous n'y donnez ordre)l'vn de
cesiours pillervoz contrees deuant vozyeux,emmenervoz meſnages en
ſeruitude & captiuité, hommes, femmes & enfans, & paſſer par le fil de
l'eſpee les meilleurs devoz capitaines, & ſoldats.Carileſt, & ſera àtout
iamais irrcconciliable ennemy enuers tous ceux du nom Chreſtien:ne ſe
monſtrant pas plus benin à ce qui luy ſede & obeiſt, qu'à ce qui luy reſi
ſte & fait teſte.Vou-vous pouuez encore bien ſouuenir de ce qui aduint
àvoſtre Roy Vladiſlaus,toutesfois pource qu'il fut tué de bonne guerre,
on n'a queblaſmer en cela : Mais quel tort,quel deſplaiſirou iniure auoit
faictauxTurcs ce pauurebon Dauid, dernier Empereur deTrebizonde,
le Duc de Methelin; le Prince des Illiriens , netant d'autres, que c'eſtin
ſatiable a fait mourir?Au moyen dequoy ſi ſans diſſimuler, ne remettre
les choſes en longueur, vous prenez les armes contre luy, & vous iettez
ſurſes pays, vous luy amortirez certes en brief cette deſmeſuree & inſa
tiable ardeur de conuoitiſe & ambition,laquelle ſe nourriſt & augmen
te de voſtre patience : tellement que vous l'aurez (& ſoyez-entousſeurs)
l'vn de ces iours ſurles bras,auec toutes les forces del'Aſie& del'Europe.
Ie ne ſçay puis apress'ilyaura plus d'órdre de luy reſiſter, ne de garentir
la Hongrie qu'il ne l'empiette, & ne la vous rauiſſe d'entre les mains,auec
vne finale extermination devoſtre nom,&memoire.LesVenitiensayans
Reſpensedu mis finàleur parler, le Royleur reſpondit en cette ſorte. SE1GN EvRs,
Roy de Hon
# aux Am i'auois touſioursaſſez ouyloüervoſtre prudéce,&boniugement en tou
aſſadeurs de
Veniſe. tes choſesmain:tenant i'envoy à l'œilbeaucoup plus qu'ilnes'en dit;que
vous eſtes gensaduiſez,entendus & practiquez non ſeulement en ce qui
concerne le train ordinaire de cette vie, mais aux affaires d'eſtat encore,
& deliberations d'importance, & pourbien maintenirvne choſe publi
que en ſon entier. Toutesfois vous n'eſtes pas bien records ( comme il
nous ſemble) que par tant & tant de fois vousauez eſtérecherchez d'en
trer en ligueauecques nous contre le Turc, dequoy vous n'auriez iamais
voulu tenir compte, combien que noſtre ſainct Pere vous en euſt faict
toutes inſtances à luy poſſibles:mais au lieu de cela, vou-vous en allaſtes
fort bien faire alliance auecl'autre, ſans vous ſoucier de cequinous pou
uoit aduenir, allegans pourtoutes raiſons, qu'il n'eſtoit ne beau §
neſte de vous bander contre celuy, qui ne vous auoit point fait de deſ
plaiſir. Etlà deſſus nous paſſaſmes par pluſieurs fois le Danube ſur les
Turcs,oü la fortune nous fut ſi peu fauorable que chacun ſçait.Car nou
nous ſentós encoredela playeque nous receuſmes,par faute d'eſtre ſecou
rus de ceux quiyauoientautant ou plus d'intereſt que nous. Et tout pre
mierement le tres-preux & vaillant Vladiſlaus noſtre predeceſſeur que
Dieu abſolue,y fut tué en combattant valeureuſement : Puis apres au
| tres pluſieurs grands perſonnages, qui partie finerent leurs iours ſur la
place, partie furent emmenez priſonniers en cette rencontre que nous
euſmes en la plaine de Coſobe,au pays des Triballiens. Toutes leſquel
les choſes nous vousauons bien vouluremettre deuant les yeux,afin que
5) ,r N r » ! J - -
#
pourlabrider, & que celaluy peuſt ſeruir de retraicte és courſes qu'il fe- Exploict de
roit dansla Hongrie,afin d'y mettre ſon buttin à ſauueté: là oûayant laiſ g§
#
ſévn nombre ſuffiſant de Genniſſaires pourlagarde du fort,ils'en eſtoitº"
# allé à la porte. Le Roy Matthias s'en alla auant toute œuure la mettre
†
par terre : Puis paſſa la riuiere de Saue : mit en routte les
Turcs & lesTriballiens, qui luy vouloient donner empeſchement, &
ramenabienvingt mille eſclaues en la maiſon. Qui fut tout ce que les
Hongres exploicterent de leur coſté. -
nombre de ſoldats Italiens,& bien deux mille cheuaux legiers.Et creerét Iacomo Lau
- -
& là par les places, leſquels auoient deſia eul'alarme fort chaude, s'eſti-§
mans eſtre trahiz, & que iamais ils n'eſchaperoient ce danger. Car tout †
& $s auſſitoſt que comparutl'armee des Venitiens,la Laconie, & ceux deTa - †ºvº tlCIl3,
º \
· 3I2 Liure dixieſme
nares & d'Epidaure, enſemble leurs voiſins ſe reuolterent & les Arca
diens & Pelleniens les ſuiuirent : tellement que le gouuerneur du Pelo- .
poneſe, lequel faiſoit ſa reſidence en laville de M§ alopoli, ne ſçachant
uel ordre donner à tantd'emotions quiſe manifeſterent tout à vn coup
§ en diligence vn courrier à Mechmet, pour l'aduertir comme
· les Venitiens eſtoient entrez dâsſes pays,où tout eſtoit deſia en combu
:|.
ſtion. Eux cependant eſtans partis de Nauplium s'en vindrent mettre le
ſiege deuant la ville d'Argos, oü ayans faict leurs approches & batterie
reſts à donnerl'aſſaut, les Genniſſaires qui eſtoient dedans ſe voyans en
† ſi petitnombre (carils n'eſtoient en tout que cinquante) & qu'auſſi bien
#º les habitans parloient deſia de ſe rendre,vindrentauſſi à parlementer de
leurpart, & s'en allerent bagues ſauues. Les Venitiens ylaiſſerent quel
ques gens pour la garder,attendansl'arriuee du ſieur Ieroſme Bernardi.
ni, auquelilsauoient ordonné de s'envenir le long de la mer ietter de
dans auec ſes trouppes, & qu'il ne priſtautre chemin que celuy là. Mais
luyne tenant compte de ceſtadmoneſtement,ſe deſtourna plus en dedâs
pays, àl'entourd'vne montaigne propre à luy dreſſer des embuſches; à
quoy lesTurcs ne faillirent pas : car Ils le preuindrent, & gaignerent le
paſſage ſans qu'il en euſt cognoiſſance; ny de cent hommes pareillement
Ieroſme Ber- qu'ils enuoyerent par le derriere ſurl'aduenue de lamer : & ne ſe donna
|
5° ° ° ° • ^ •e *** -- - " -
Machmut apres auoir tiré hors les gens de guerre qui luy auoient eſté §
deſtinez, dreſſa ſon chemin parlaTheſſalie droit à la montaigne de Pin-#es de l'arriuee
)èS dus,& s'alla camperés enuirons delaville de Larice,ayant auecluy Omar §v§,.
- • -- .
Dd ·
*
•.
3I4- · Liure dixieſme
gouuern eur du pays, lequeleſtoitd'aduis des'yarreſter, ſans paſſer ou
tre que premierement on n'euſt enuoyé remonſtrer au Seigneur, que
ceſt affaire eſtoit de trop grand poix pour ſes lieutenans & que ſa pre
ſence proprey eſtoit bien requiſe. Car ayant nagueres enuoyévn eſpion
Memeilleu, au camp des ennemis pourentendre ce qui s'y faiſoit,ilauroit nombréſur
# le rempar de l'Iſtme plus de deux mille pieces d'artillerie,& bié quatre cés
§
ne luy faiſoit canonniers pour les mettre à execution, recogneu auſſi force gens de
- - - - - V
§ de nuict : & ſur le poinct du iourſe trouua au deſtroit, d'où il peut veoir
" tout à ſon aiſe les vaiſſeaux des ennemis, qui s'eſtoient retirez plus a
uant en la haute mer, & yauoientietté l'ancre. Ayant trouuéla muraille
ainſi abandonnee, il ſelogea là pour le reſte du iour , & le lendemain
prit ſon chemin par Corinthe droità Argos, que quelques ſoixante dix
#
de faute à la ſoldats Italiens tenoient encore ,leſquels il prit en vie, & les enuoya liez
† & garrotez à ſon maiſtre : lequel auoit deſia changé d'aduis, & s'e
ºnſiders durant
IIlCI1C.
ſtoit misl'hyuer
au retour deConſtantinople,afin
deuant cette fortification de ne haraſſer
nouuelle, point
dont ſonpenſoit
il ne armee
ſtination en voſtre faict,ilne faut pas puis apres eſperer de trouuer plus
en luy aucune miſericorde;ains vous traictera tout ainſi que les Veni
| tiens ſes mortels ennemis.Aucuns obtempererent à ces lettres, & rece
uans àvnegrand'grace le pardon que Mechmet leur enuoyoit,ſe retire
rent tout doucement d'auec les Venitiens.Les autres, & meſmement
ceux qui eſtoient aſſiegez à Taenare, trouuerent moyen de faire ſortir
quelques vns, & les enuoyer deuers les Hongres pour ſentir ce qu'ils a
uoientdeliberé de faire. Car les Venitiens n'oublioient rien pourleur
donner courage, & les enhorter à tenir bon; les aſſeurans que tout auſſi
toſt que les Hongresauroient paſſé le Danube, ils ne § de re
tourner en l'Helleſponte auecvne plus groſſe armee.Ce temps pendant
leurs galeres allerent deſcendre en l'Iſle de Lemnos, à l'inſtance d'vn
nommé Comnene Capitaine de la fortereſſe, homme d'honneur & de
reputation.Ilyauoit deſia bien eu quelque propos entre les principaux
d'entr'eux de la vendre & alieneraux Venitiens, mais ceux. cyles preuin
drent, & ſe ſaiſirent du chaſteau, d'oüils deſpeſcherent puis apresleCa
L'Iſle deLem pitaine deſſuſdit en l'lſtme pouramener du renfort, tellement que ceux
nos repriſe
parles Veni
des autres places quitenoient encore bon, ayans eu nouuelles commeil •
E1CI13, cſtoit en mer, monterent de coſté & d'autre ſurdesvaiſſeaux,& ſe retire "
-
A)
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Finde l'Hiſtoire desTurcs.
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DE BLAISE DE VIGE NE R E
l BOVRBON NO I S S V R L'H I S T O I R E D E
à CHAL coND1LE ATHE NIE N, D E L A DE cADENcE
\! de l'Empire Grec, & eſtabliſſement de celuy des Turcs.
† , 'E M P 1 R E tranſlaté de Rome à Conſtantinople enuironl'an
$\ $ de ſalut 33. par Conſtantin fils d'Helene ſurnommé le Grand,
# % l'an 24. de ſon regne, ſe maintint encore par quelque temps en
:! º $ ſa dignité & grandeur, bien que non auec vne telle tranquillité
&# -
-
#
[ / * A, & obeiſſance des nations & Prouinces à luy ſubiectes comme au
º - »N > -
:
318 Illuſtrations de B.de Vigenere
generations en droicte ligne maſculine ſans interruption,par l'eſpace de trois cens .
ans, peu ſ'en faut : Ce qu'oncques n'aduint à nuls autres ſi grands ſeigneurs. Plus
les forces qu'à toutes heures ils peuuent mettre dehors, tant par la terre que par la
mer : l'eſtroitte obeiſſance & reſpect de ces gés là enuers leur Prince, & ſes officiers
& miniſtres tous tels qu'il luy plaiſt les choiſir, bien qu'indignes : leur diſcipline,
ſobrieté , endurciſſement au fait militaire : leurs mœurs, vz, couſtumes, & fa
çons de viure au boire, manger, & veſtir : leur religion, & mariages; l'ordre de la
cour ou de la porte, comme ils l'apellent, du grand Turc ; & ſa ſuitte , tant au
camp ſoubs les tentes & pauillons; qu'à la paix & repos dedans ſes Palais dicts ſer
rails : auec telles autres particularitez qui ne ſeront deſagreables ny invtiles , ains
pourrontamener beaucoup de lumiere à ceſte hiſtoire, qui ne faict que ſuccincte
ment paſſer par dçſſus.
CoN sTANT 1 N o P LE auparauant dicte Bizance, fut fondée premierement par
peſcription , Pauſanias fils de Cleombrot, Roy de Lacedemone, ſi nous-nous en vouloris rap
†"Ple. porter à Iuſtin
fondateur au 4. liure : mais
pourreſtaurateur : Parilceſequ'Herodote
doit eſtre meſconté
ſur la finendecela, ou qu'ildit,
ſon hiſtoire ayequ'à
pris
l'entrepriſe que fit Darius Roy de Perſe, pere de Xerxes, ſur la Thrace, les Bizâtins,
& Chalcedoniens n'attendirent pas la venuë de la flotte Phenicienne, ains ſitoſt
qu'ils en eurent le vent, quittans là ces deux villes, ſe retirerent plus au dedans du
Pont-Euxin, où ils baſtirent Meſembrie. Et Thucidide au commancement de la
guerre du Peloponeſe, enſemble Pauſanias quia deſcrit les antiquitez de la Grece,
mettent que ce Pauſanias fils de Cleombrot prit la ville de Bizance ſur les demeu
rans de l'armée d'iceluy Xerxes : Ce qui aduintenuiron l'an du monde 349o.en la
76. Olympiade : l'an de Rome 278.auſſi Stephanus au liure des villes,& Euſtathius
ſur Homere l'attribuent à vn Bizante fils de Neptune, ou pluſtoſt comme auſſi Po
lybe, & Diodore Sicilien, à Bizés, conducteur de l'armée de mer des Megariens,
qui yallerent fondervne Colonie : Philoſtrate en lavie du Sophiſte Marc Bizantin,
l'appelle Bizante, nom bien plus proche de celuy de Bizantium, que celuy de Bizés.
Brief que toutes ces anciennes origines des villes ſont fort douteuſes : Pour ce que
la pluſpart du temps il aduient que les premiers edificateurs d'icelles ne ſ'attendét
- pas qu'elles doiuent paruenir à la dignité & grandeur, où le ſort des choſes humai
nes les eſleue par traict de temps.Comment que ce ſoit elle fut baſtie, ſelon qu'on
peut voir, meſmes encore pour le iourd'huy, en vne encoigneure d'Europe, ſur le
• Boſphore ou deſtroit de Thrace, qui eſt vn petit bras ou canal de mer ſeparant l'Eu
rope d'Aſie, lequel n'a là que huictou neufcens pas de large; ſi que les coqs ſoyent
chanter, & les chiens abbayer d'vnriuage à l'autre; eſtant Chalcedon visàvis, du
coſté de la Natolie ou Aſie,auiourd'huy Scutari ou Scodra, autrement dicte la ville
desaueugles parl'oracle d'Apollon Pythien,ainſi que metTacite au douzieſme de
ſes Annales; & Pline liure 5 chap. dernier : .9uod locum eligere neſciſſent, ſeptemſta
dia diſtans à BiXantio tanto fœliciore omnibus modis ſolo : Pour n'auoir ſceu choiſir vn
lieu propre pour baſtir leur ville ; ains preferé en cela vn terroir maigre & mal
plaiſant, & vne coſte ſi ſterile en peſcheries, à cauſe que les poiſſons, meſmement
lesThons qui en tres-grande abondance deſcendent de la mer Maiour tous les ans
en la Propontide, Helleſponte qu'on appelle le bras ſainct George; & la mer Egée
ou Ariſipel; eſpouuentez de lablancheur de certains rochers qui ſont ſemez dru &
menu le long du riuage de Chalcedon, ſ'en deſtournentvers celuy de Conſtantino
•ple, ainſi qu'eſcrit bien amplement le meſme Plineliure 9. chap.15. & Plutarque au
traicté de la ratiocination & entendement des animaux terreſtres, & aquatiques : &
encore ayans ſi pres d'euxl'vne des plus plaiſantes & commodes demeures qui ſoit
en tous les quartiers de là.Car outre la campagne d'autour, capable de toutesma
nieres de fruicts& biens de la terre, elle a deux Ports; l'vn entre les deux branches
du Promontoire appellé zipas, corne ou cornu, qui ſe fourche en deux comme la
queuë d'vn poiſſon deſſus l'angle & poincte du deſtroict; embraſſant dedans ſon
pourpris vne bonne cale, où peuuent cómodement donner fonds & ſurgir les bar
- - ques
ſur le Chalcondile. 3I9
, Ct ;
ques à deux ou trois Hunes; l'autre qui entre bien plus auant en terre, entre Con
#l
ſtantinople, & Pera, ſe peut dire l'vn des plus beaux, ſpacieux, & ſeurs ports qui
#y
ſoit en tout le demeurant du monde : Carilà bien vne lieuë de long, àl'abry dc tous
vents, & cinqou ſix cens pas de large , d'vn tel fonds par tout, que les plus grands -
vaiſſeaux péuuentaller ietter l'ancre tout ioignant le moulle ou le quay des deux
villes; & ſi il n'y entre point de riuieres qui le puiſſent moleſter de leurs vagues;
tellement qu'il en eſt touſiours plus tranquille. Outre-plus il ya encore vn bel ha
vre le long de la plage de la Propontide, où les nauires peuuent aſſez commodé
ment demeurer à couuert de beaucoup de vents, voire ſi le temps n'eſtoit par trop
rude & contraire : Ce qui auroit meu l'hiſtorien Denys Bizantin de luy attribuer
trois ports : l'vn au Midy ſur le coſté de la Propontide : l'autre vers le Leuant ence
ſte cale du deſtroit : & le troiſieſme au Septentrion, qui eſt le canal deſſuſdit d'en- .
tre les deuxviles, lequel on peut bien fermer d'vne cheſne à la bouche.. . , .
CE sT E ville de Pera qui ſignifie en Grecaudelà, ouaudeſſus,parce qu'elle eſtau PE R A.
delà du canal pour le regard de Conſtantinople dont elle faiſoit autresfois vne por
tion,& meſmes on peut bien aller par terre de l'vne à l'autre, mais le deſtour ſeroit
en aucuns endroits de pres de deux lieuës , fuſt anciennement appellee Galate ſe
lon Sophian,& quelques autres;des Geneuois qui la fonderent premierement;mais
ils n'en furent que les reſtaurateurs nonplus, car elle eſt bien plus ancienne;du com
kh mencement ditte 2vxgè; Nicephore la nomme Tzei Ka, & Strabon la corne des Bi
ſ#, zantins : Volaterran la prend pour Perinthe, meu, pourroit eſtre, de l'alluſion des
deux noms : Car Perinthe à quil'Empereur Seuere donna le territoire & ſeigneurie
des Bizantins, depuis appellee Heraclee de l'Empereur Heraclius; où il y eutan
ciennement vn amphitheatre d'vn marbre ſeul,reputé pour vne des ſept merueilles
du monde, en eſt bien plus eſloignée; & encore au deſſoubs ſur le bord de la Pro
pontide : Toutesfois quelques vns vueillent dire que l'ancienne Perinthe fuſt ce
qu'onappelle maintenant Rodoſto,entre Gallipoli,& Selybree, enuiron deuxiour
nees de Conſtantinople. Quoy que ce ſoit Pera d'auiourd'huy eſt vne ville ſituee à .
l'autre coſté dugrand port de Conſtantinople vers le Septentrion, ayant vne bonne
lieuë de circuit,habitee au reſte de quatre manieres de gens,de Chreſtiens,aſſauoir,
Catholiques viuans ſelon l'vſage & les traditions de l'Egliſe Romaine, & ceux-cy
ſont les vrais Perotins : d'autres de la religion Grecque : & desTurcs,auec quelques
Iuifs peſle-meſle, parce que la grande flotte d'icéux Iuifs fait ſa demeure en Con
ſtantinople,manians toutes les fermes & admodiations des peages, gabelles, & au
tres ſubſides,tout le train des banques,& des fripperies, voire preſque tout le traffié
de la marchandiſe : mais ces trois demeures ſont ſeparees les vnes des autres par au
tant de cloſtures de murailles. Les Ambaſſadeurs de France, Veniſe; Poloigne;
Hongrie,Tranſſyluanie,Valagnie, Ragouſe, & en ſomme que tous les Chreſtiens y
reſident, auſquels il n'eſt pas loiſible de loger en Conſtanti ople, horſmis l'Ambaſ
ſadeur de l'Empereur & celuy d'Eſpagne quand il y † longueur de Pera s'e
ſtend tout le long du port,au bout duquel eſt vn arcenal pour baſtir desvaiſſeaux,&
mettre la pluſpart des galleres du Turc à couuert,yayant bien à ceſte fin centarcs ou
voultes telles qu'on peut voir en celuy de Veniſe : Et à l'emboucheure du canal qui
apres d'vn mille de large, mais plûs en dedans de quatre à cinq cens pas ſeulement,
eſtl'autre arſenal pourl'artillerie,elle eſt bien peuplee d'habitans& de maiſonnages,
lourds & groſſiers toutesfois, ſelon la mode du pays, & des barbares qui le poſſe
dent,leſquels n'admettent rien d'architecture, ſculpture, peinture, ny autre choſe -
de gentil : aſſiſe partie en vn plain , partie deſſus la pente d'yn couſtau, où ilya force
vignes au haut. - . , ·· · · · · , : . : # -
| CoN sTANT 1 No PLE a ſouffert autresfois de grandes deſolations & ruines par Accidens ar#
· ſont
lesThraciens
vis à vis, &gens
les Gallogrecs, †
felons & farouches;
comme eſpandus Titealentour
Liue au: 38.
Parqui
leslaBithyniens qui §Pic.
tindrent lon- #
guement tributaire à8o. talens chacun an, reuenansà48. mille eſcus : En apres par
lesguerres des Grecs,tantalencontre des eſtrangers qu'entre eux meſines, & fina
- - - - - - EE ij -
32o Illuſtrations de B. de Vigenere
blement des Romains,dont elle fut premierement confederee, puis faite Colonie
Latine; & en fin obtint le droit de la bourgeoiſie Romaine. Mais ſur tous ſes autres
deſaſtres & infortunes , la plus grande qu'elle receut oncques fut de l'Empereur
Septimie Seuere,l'an de ſalut 197.& de la fondation de Rome 948.Qui par deſpit de
Peſcennius Niger ſon concurrentàl'Empire,dont elle auoit eſpouſétrop affection
nement le party, apres l'auoir tehue aſſiegee troisans entiers; & ceux de dedans fait
& patytout ce qu'imaginerſe pourroit, que de deuoir, que de meſaiſes; la ruina de
fonds en comble, & en aſſignala Seigneurie & le territoireaux Perinthiens. Tout
cela eſt bien au long deſcript par Herodian, & Dion, ſelon † l'allegue Zonare,
auec la beauté & magnificence tant de ſa cloſture,que des edifices publiques & par
ticuliers. Elle demeuraainſi deſolee 135. ou36.ans : Toutesfois Seuere en ayant eu
vlepuis ſa ruine quelque remords,la voulut aucunement reſtaurer, & de fait y auoit
deſia commencé vn theatre, vne longue gallerie ou portique, & vn Hippodrome
que les Romains appellent Cirque, ce ſont des liſſes à faire courir des cheuaux de
ſelle, & des chariots, auec desThermes & bains tout aupres : leſquelles choſes ſon
fils Antonin Caracalle acheua depuis,dont elle fut ditte Antonienne ſelon Zozime
& Euſtathius. Mais Conſtantin le Grand l'an 362. à compter de l'Empire ou aire
L'Aire d'Au d'Auguſte, qui tombe en l'an 321, de noſtre ſalut, le 15.du regne d'iceluy Conſtan
guſte,
tin,commença de la rebaſtir,& la dedia dix ans apresl'an 331.l'onzieſme de May,luy
donnant ſon nom,auec le ſiege de la Monarchie de l'Orient, voire de l'Empire Ro
main toutà fait,quine fut depuis pour le regard des Romains, & de Rome qu'vne
ombre & image,apresl'auoirembellie de ſes deſpoüilles,& des autres les plus ſigna
lez lieux de la terre,ainſi que le teſmoigne S.Ieroſme en ſachronique : Hocipſo anno
Conſtantinopolis dedicaturpenè omnium vrbium nuditate.Ilauoit du commencement eu
opinion de l'edifier entre les ruines de Troye lagrand',& le port de Sigee,ſelon Zo
· zime,& Soſimene Salaminien, ou à Theſſalonique,comme met Georges Cedrene,
& puis apres à Chalcedon, dontil en fut deſtourné parie ne ſçay quels miracles d'ai
gles, quitranſporterent les cordeaux des ouuriers de l'autre coſté de la mer à Bizan
ce,à ce que raconte Zonare: les autres dient que ce furent de petits cailloux & pier
t'occaſion de rettes, qu'elles enleuerét. La cauſe au reſte qui le meut de faire ceſte tranſlation de
la tranſlatió de
l'Empire de la ville,& du ſiege Imperial,vint ſelon Sozomene, & quelques autres, d'vne viſion,
Rome à Con par laquelle il futadmonneſté en dormant de ce faire, & aller baſtir vne nouuelle
ftantinople. cité ésparties de l'Orient,à quiil donneroit ſon nom. Aucuns qui ſe ſont hazardez
là deſſus de vouloir diſcourir plus auant, alleguent que luy touché de deuotion,à la
perſuaſion,pourroit eſtre,du Pape Sylueſtre, auqueldepuisſon Chriſtianiſme ilad
iouſta beaucoup de foy non tant ſeulement en la ſpiritualité, mais en aſſez de choſes
téporelles encore,il ceda à la primauté de l'Egliſe,la ville dame & maiſtreſſe de tou
tes autres, & où,depuisque S.Pierre y eut premiereméteſtably le ſiege du ſouuerain
vicariat de noſtre Sauueur icybas,tant pour luyque ſes ſucceſſeurs; auoit parconſe
quentauſſi eſtétranſlatee la preeminence de ſon Egliſe,quiauparauant ſon aduene
ment ſouloit eſtre en la ſaincte cité de Ieruſalem : & luy,Conſtantin ainſi que le bras
ſeculier de ceſte eccleſiaſtique puiſſance,& capitaine generald'icelle,s'en ſeroit allé
# àl'endroit le plus à propos, tant pour reprimer les courſes & inuaſions des
arbares, & infidelles,que pour eſtendre les limites de ceſte monarchietemporelle,
& de lafoy; eſtant pourlors Rome bien obeïe, & en toute ſeureté & repos au long
& au large de tous les coſtezàl'entour. Et de fait nul Prince deuant Conſtantin ny
apres, n'a plus deferé auſainct ſiege Apoſtolique que luy ; affin d'inuiter les autres
† viendroientapres de porter le meſme reſpectaux ſacrez Pontifes qu'ilfitau deſ
uſdit Sylueſtre: ce qu'ont fait depuis à ſon imitation de grands dominateurs eſtran
gers tantinfidelles que Chreſtiens,comme l'an 1268. le tres-puiſſant Empereur des
Tartares Cublailan,ſelon que le raconte Marco Polo Venitientout au commence
ment de ſes narrations : & long temps apres l'Empereur des Ethiopiens Abiſſins
qu'on appelle abuſiuement Pretejan, & aſſez d'autres. Dauantage que cecy eſt aſ
ſeznotoire,que lesTurcs quelques grands & puiſſans qu'ils ſoient,ne laiſſentneant
-
•.
ſur le Chalcondile. 321
pmoins d'aduoüer liberalement, ſelon que leurs eſcriptures propres teſmoignent,
qu'ils ne ſe peuuentattribuer de droit le vray tiltre de la monarchie, que premiere
mentils ne ſe ſoientemparez de Rome, laquelle ils en eſtiment eſtre# vray ſiege &
domicile ſans autre, & qu'ils n'enayent depoſſedé le ſainct Pére, qu'ils voyenteſtre
ainſi reueré des Princes Chreſtiens,toutainſi que leur ſouuerain, iuſques à luy baia
ſer les pieds, & luypreſterl'obedience. Mais les autres quine veulent faire ſi con
ſcientieuxConſtantin,le diſentauoireſté meu d'abandonner Rome,ou par vne vai
negloire d'auoiroſé entreprendre vne telle noualité , ou bien qu'à l'exemple de Iu-.
les Ccſar, lequel pourſe garentir des conſpirations & aguets qu'il ſoupçonnoit ſe
dreſſeralencontre de luy d'heure à autre auroit pris opinion, de tranſporter, com
memetSuetone en ſavie,le ſiege & authorité de l'Empire en Alexandrie d'Egypte, Chap. 73.
ouen Ilion ésruines de l'ancienne Troye,apresauoireſpuiſél'Italic de tous les gens
de guerre qui sy pourroient leuer, & laiſſé la charge d'icelle ainſi affoiblie & deſ .
nuée à ſes plus fidelles amis : En cas ſemblable Conſtantin ſe voyantauoir encouru
la hayne & indignation du Senat,& des principaux,tant pourauoirabandonné leur
accouſtumee religion,aſſauoir le paganiſme, que de ce qu'eſtant baſtardil ſe ſeroit
impatroniſé de l'Empire,ſe ſeroit retiré és parties orientales. Zozime comme ennc
my du nom Chreſtien, & pour gratifier auſſil'impieté de Iullian ſurnommé l'Apo
ſtat,en ameine vne occaſiöaccommodee à ſon propos. Que Conſtantin apresauoir
fait tuer ſon fils Criſpe,& commis pluſieurs autres enormes forfaits, dont il ſe ſen
toittormenté en ſa conſcience, ayant taſché de s'en faire purger & abſoudre par les
Preſtres Payens, ils luy firent reſponce n'auoir le pouuoir & authorité de ce faire,
Trop bien certain Egyptien qui eſtoit lors nouuellement arriué à Rome , auquel
Conſtantin s'eneſtant conſeillé, il luy dit, qu'il pourroit à la verité obtenir pardon
de ſes fautes pour quelques grandes qu'elles fuſſent, s'il vouloit embraſſer la doctri
ne Chreſtienne,qui tenoit entre lesautres articles de ſa creance,que toute perſonne
venantà auoir contrition & vray repentir de ſes fautes, le tout luy eſtoit ſoudain
pardonné.Ce qui l'auroitmeu à delaiſſer le paganiſme, & prendre ceſte nouuelle
religion ſi qu'vniour que ſe debuoitfaire vn ſacrifice ſolemnel dans le capitole,ilre
fuſa de s'y trouuer, dontilacquitla malvueillance de tout le peuple : au moyen de
quoy ne pouuant plus comporter leurs meſdiſances & execrations, il ſe ſeroit retiré
premierement en laTroade,
gnammentSozomene,& & finablement à Bizance : ce que refutent fort pre
Euagrie. - - ·•
reeperdurable,ou pour le moins plus diuturne, pour donner touſiours tant plus de -
vers le deſtroit de Gilbatar & en contr'eſchange des mers d'embas aux parties d'en
haut,tant de l'Europe que de l'Aſie,force bleds,vins de toutes ſortes,huilles, eſpice
ries,draps de ſoye,& de laine,or & argent, cuirs, toilles, & telles denrees : Parquoy
Conſtantinople ſe peut dire comme vne ſerrure, dont la clefferme & ouure infinis
threſors & commoditez reciproques,voire vn abbreuuoir,ou mere nourrice de ces
deuxmondes ſi differends de temperature , & des choſes que la nature y produit
pourl'vſage desames viuantes : ſi qu'il ne ſe faut pas eſbahir,ſi Conſtantin Prince adº
uiſé,lachoiſit pour le domicile de ſon Empire; & que les Turcs aſpirans à la monar
chie de l'vniuers,dontils ont deſiabonnesarres,l'ont ſiardamment conuoittee : car
il n'ya autre aſſiette en toute laterre qui s'y puiſſe parangonner, ny de plus propre - t
91 LA à peu pres qu'elles furent les murailles de Conſtantinople, & ſont enco
#Pºurlepreſent,cariln'yaguere eu de changé depuis leurancienne cloſture, nö
PºquàRome&meſme depuisſix vingtstätd'ans qu'elle fut empietéo des Turcsi
A
•º
Les portes en QyAN r aux portes, il y en a ſix du coſté de la terre : la premiere qu'on appelle
nombre de * de Conſtantin, par ce qu'elle eſtoit pres de ſon Palais : Celle d'Andrinople; & vne
autre qui eſtau ſommet du ſeptieſme tertre : la porte Dorée : celle de Selibrée, &
des ſept tours, le long du port ilyala porte de Blachernes, où eſtoit l'Egliſe noſtre
Dame que Iuſtinian fit baſtir : onl'appelle auiourd'huy Xillopile, ou la porte de
bois, ſur le troiſieſme anglet de la ville : Celle de Cynigos, autrement la Palatine:
la Phanarie puisapres; l'Agie ou Saincte : la Iubalique, Farinaire, lignaire, ſemi
naire : de lapeſcherie, la porte du Port de Neorion : Puis celle de ſainct Dimitre à
lapoincte du premier tertre, mais elle ne ſert que pour le Turc, car elle eſt compri- ;
ſe dans ſon Serrail:& eſt pluſtoſtvne poterne,par laquelle il ſort & ſ'embarque quād | |
il veut alleràl'eſbat à Scutari, & autres lieux de la Natolie ou Aſie ſur lemoule ou :
quay de la Propontide, outre les autres poternes du Serrail du Turc, il yena cinq
ayans toutes leur port & deſcente : à ſçauoir la Stercoraire, la Leonine, la Coinde
ſtale, & deuxautres au deſſoubs du ſeptieſme tertre : Somme qu'ilyena de vingt &
vne à 22.Toutes leſquelles ſe ſont changées de fois à autre; comme auſſi la cloſture
desfaux-bourgs, qu'on appelloit les longues murailles dont il ſ'eſcrit d'eſtranges
choſes : & meſme qu'elles ſ'eſtendoient depuis le Pont-euxin, bien quarante mille,
iuſqu'à laville de Selybrée : eſpoiſſes neantmoins de vingt pieds : Que l'Empereur
1
Ce ſeroient, Anaſtaiſe fit faire pour arreſterles courſes & inuaſions des Bulgares, & des Tartares,
†""º ainſi que met Euagrius, quileur donne dix ou douze mille pas dauantage,à ſçauoir |
42o.ſtades, que Iuſtinian fit depuis racouſtrer. Mais pour mieux vous repreſenter
tout cela, enſemble ce qui ſe deduira cy-apres : nous vous en auons bien voulu icy |
appoſervne petite carte, qui vous le feraà peu-pres voiràl'œil comme en gros, auec |
les pieces principalles de ceſte fameuſe Cité, tant les anciennes en partie ſelon qu'il
eſt demeuréquelque marque & recognoiſſance, que les modernesdel'ouurage des
Turcsdepuisqu'ils ſ'y ſontannichez. - -
LEs
'!
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- - - - - --
l'Hiſtoire de Chalcondile. . 325
LEs ſept Tertres contenus au pourpris de Conſtantinople, ne ſe peuucnt pas
gueres bien diſcerner icy en ce plain, mais il ſuffira de vous aduertir qu'ils ſ'eſleuent
enfilez tout de rang en longueur d'vn bout à autre de la ville, à guiſe des vertebres
d'vnanimal, ou d'vne areſte de poiſſon, du Soleil leuant eſtiualau couchant d'Hy
uer : leſquels auec leurs pentes & aplaniſſemens de part & d'autre par embas,& les
vallées d'entre-deux eſtoient departies en quatorze regions ou quartiers, ainſi que
fut l'ancienne Rome par Auguſte, ce qui eſt tout ſi confondu & brouillé mainte
nant, qu'il eſt bien malaiſé d'en rien atteindre ſinon par quelques coniectures de
ce que les Autheurs en eſcriuent. De ſorre que ces deux belles grandes Citez au
trefois les plus floriſſantes de toutes autres, ontcouru auec le temps pareil deſaſtre
& changement : mais telle eſt la viciſlitude des choſes humaines, qui ne permet
rienicybas de ſtable & longue durée.Or pour vous en dönericy meilleure cognoiſ
ſance, nous confronterons engeneral la déſcription de l'vne & l'autre Conſtanti
nople : à ſçauoir comme eſtoit l'ancienne és mains des Empereurs Chreſtiens, &
quelle eſt celle de maintenant ſoubs les Turcs. -
des edifices publiques, il n'en eſt reſté que quelques marques de ruines : l'Egliſe de
ſaincte Sophie : l'Hippodrome ou pluſtoſt la place où il ſouloit eſtre, car il eſt en
tierement deſnué de ſes ornemens : la colonne de Porphyre, & celle d'Arcadius à a Conſtanti
viz,auecie ne ſçay quelles ciſternes. Au lieu de cela l'on y peut voir plus de trois cés § ople Tur
moſquées toutes couuertes de plomb, tant des Sultans ou Empereurs des Turcs, & queſque.
de leurs Baſſats, & autres plus authoriſez officiers, que des moindres : car à tous il
eſt permis d'en fonder quiena le moyen, embellies des collönes de marbre, & fem
blables deſpoüilles des Egliſes Chreſtiennes , autrefois là en nombre de plus de
ſix cens,y compris Pera : tout de meſme que celles-cy ſ'eºient decorées des tem
ples du Paganiſme : ilyaauſſi des Therhmes & bains † de cent à ſix vingts,
dont ilyena 5o.de doubles,eſgallås preſqu'en magnificéce ceux de Mechmet, que
nous deſcrirons cy-apres. Plus de ſix vingts Imaraths ou Hoſpitaux, eſquels il ya
partout force belles fontaines d'eaux viues, que les ſeigneurs Turcs y ont attiré de
loin, tant par des aqueducts & tuyaux eſleuez, que par des conduits deſſoubs terre,
auec vn tres-grand labeur & deſpence : Car il n'y a moſquée , hoſpital, bains, &
- - FF
326 . Illuſtrations ſur
eſtuues, ne carbaſiſara, ce ſont cöme publiques hoſtelleries où chacun indifferem
ment eſt receu pour ſe mettre luy & ſes montures à couuert ſans rien payer, & fily
a encore quelques diſtributions gratuites de chair & de potage par chacun iour, où
il n'y ait de l'eau abondamment, ny place auſſi & carrefour, outre les Serrails & Pa
lais renfermez comme des Colleges ou Monaſteres, du Prince, & des grands de ſa
Cour, qui reſide ordinairement en Conſtantinople : Ce qui ſert non tant ſeulement
pour l'vſage du viure de bouche, que pour les leſciues, & autres telles neceſſitez:
mais auſſi pour tenir la ville nette, dont ces caux coullans continuellement çà & là,
auſſi bien deſſus les tcrtres & couſtaux comme en bas, emportent les immondices
en la mer.Les maiſons au reſte de Cºſtantinople ainſi que de tous les autres endroits
de Turquie, ſont communément baſſes, & d'vn ſeuleſtage, baſtie fort lourdement
& de quelque mauuaiſe eſtoffe, empruntée ſelon qu'il leur vient le plus en main,
des ruines & demoliſſions qui ſe rencontrent,aduenues par les tremblemens de ter
re, conflagrations, & ſemblables inconueniens dont elle a eſté ſouuent moleſtée.
Pour le regard des Chreſtiens, ilya le Patriarchat, & quelques autres Egliſes des
Grecs, tant à Conſtantinoplc qu'en Pera, iuſques au nombre de ſoixante dix, mais
fort peu de choſe, comme auſſi ſept ou huict des Armeniens, & plus de trente Sy
nagogues pour les Iuifs, qui encores à peine leur peuuent ſuffire pour le grand nom
bre qu'il y en a. |
quileur peuuent faire beſoin,tout ainſi que dans quelque ville cloſe , magaſins aſſa- |#
uoir,iardinages,cuiſines,boulangeries,eſcuiries,eſtuues,voire des Mahommeries &
oratoires particuliers,& ſemblables choſes,tant pour les hommes que pour les fem
mes. Le Turcau reſte en a quatre principaux entre tous les äutres, ceſtui-cy , & le
vieil,où ſont les filles qui ſe reſeruent pour ſon vſage,vnà Andrinople,& vn à Burſie
iadis ſiege des Roys de Bithynie au pied du mont Olympe, & depuis des Seigneurs
Othomans auant qu'ils ſe fuſſent emparez de Conſtantinople. Il y en avn autre en
core en Pera , & en pluſieurs autres endroits preſque par toutes ſes bonnes villes.
Mais celuy dont il eſt icy queſtion,fut baſty par Mechmet ſecond de ce nom, qu'ils Conqueſte de
§ conquerant, parce qu'en vingt-huict ou trente ans qu'il regna , il con-§
quiſt deux Empires,douze Royaumes,& bien deux cens citez ſur les Chreſtiens.Ce | --
Serrail eſt aſſis en la plus belle & plaiſante ſituation de la terre : car des galleries qui
regardent ſur la marine,tant du coſté de la Propontide,que du grand port, on peut
voirarriuer & ſurgir les vaiſſeaux qui viennent d'amont par le pont Euxin, & des
mers d'embas; & ouyr preſque ſans eſtre aperceu, iuſqu'aux menus deuis des nau
tonniers & mattelots. Il y renferma vne portion des cloiſtres, & autres appendan
ces de l'Egliſe ſaincte Sophie, dont ilya encore pour le iourd'huy vne grande galle
· rie le long du couſtau, ſouſtenuë ſur de belles groſſes colonnes, auec plus de deux
cens chambres de coſté & d'autre, qui ſouloient ſeruir de logis aux Chanoines &
Chappelains. Son fils Baiazety edifia depuis vn beau corps d'hoſtel au milieu, où
il ſe retiroit au bas eſtage durant l'Hyuer, pour ſe garantir des véts de bize, qui ſouf
fient lors communément de la mer Maiour : & l'Eſté il ſe tranſportoit au bout d'i
celle gallerie, pour eſtre ce lieu là releué & fort frais, accópagné outre cela de plu
ſieurs canaux & fontaines, dont le doux murmure des eaux prouoque gracieuſemét
le ſommeil.Car ceſte demeure eſt comme au milieu des Boſtans ouiardins, quien- .
, uironnent preſque tout le Serrail : meſmement deuers la marine, ſi qu'ils contien
nent plus de trois mille de circuit, plantez d'arbres exquis tant fruictiers qu'autres,
& de toutes ſortes de fleurs & verdures. Ilyaordinairement de ſix à ſept censiardi- /
niers pour les cultiuer, arrouſer, & les tenir nets, tous eſclaues du Turc, & enfans
de Chreſtiens, qu'il enuoye leuer de quatre en quatre ans par forme de tribut, en la
Grece, Albanie,&c.caril en ſera parlé cy-apres en leur lieu. Ceux qui ſont deſtinez
à ces iardinages ont de trois à quatre aſpres pariour, dont ils viuotét du mieux qu'ils
peuuent attendans vne meilleure fortune qui leurarriue quelquefois : & vn habil
lement de gros drap bleu de Sallonithi tous les ans.Leur Chefſ'appelle Boſfangibaſi, B,ſianitaſk
lequela deux ducats pariour, & deux habillemens par an,l'vn de velours, l'autre de # des *
brocador. C'eſt vn office de grande dignité & credit aupres du Turc, par ce qu'il le " -
eſtre employez à cela : & pourtant mieux traictez que le reſte, au moyen dequoy ce
Boſtangibaſſa, eſtfort reſpecté & careſſé de tous les plus grands,iuſqu'aux Baſſats pro
pres, pourraiſon qu'ayantainſi la commodité de parler au maiſtre ſouuent, il leur
peut bien à l'aiſe faire quelque bon ou mauuais office, & preſter vne charité ſoubs
main; par ce qu'il ſ'informe de luy de leurs actions & comportemens, & du bruit -, -
-
-
l
A quoy s'em-, Lº **V#NV de cesiardins qui n'eſt pas petit, eſt commnnémentreſerué pour
pio ſe § latable & deſpence debouche du Prince , ce que nous appellons la chambre aux
§ ## deniers,quiarriue à bien quarante mille ducats tous les ans,tant de ceux qui ſont en
- Conſtantinople qu'ailleurs,ſans qu'il ſoit loiſible d'eſtre employé à autre vſage. Car
les SeigneursTurcs, à ce qu'on dit,ontiufques icyeu ceſte maxime de conſcience,
de ne ą les deniers leuez ſur le peuple,que pour la deffence & conſeruation
d'iceluy,appellant cela,Haram agemi cani,le prohibe ſang du peuple,comme on peut
voir en l'hiſtoire Romaine que ſouloient faire les bons Empereurs,Auguſte,Veſpa
ſian,Traian, Antonin Pie, Marc-Aurelle, & autres ſemblables : Et lorsqu'il §
prendre les armes,& alleràlaguerre,ils s'aident des impoſitions & ſubſides, mais en
temps de paix & repos,du ſeul profit de leurs iardins : Cartout le domaine du Turc
eſt deſtiné pour l'entretenement de ſa gendarmerie, qu'on appelle les Timariots,
parce que Timaren Turqueſque ſignifie le reuenu ordinaire quiprouient des terres:
ce qui ameu quelques vns d'imaginer que les EmpereursTurcs,& leurs principaux
officiers trauailloienteux meſmes de leur propre main à les cultiuer, ou à faire quel
que autre exercice de manufacture pour gaigner le pain qu'ils mangeoient, voire
que pour cet effect ce grand Solyman qui regna de noſtre temps ſi heureuſement, &
ſilonguement, auoitpour cet effect accouſtumé de coudre des ſouliers, qu'ilen
uoyoit vendre ſoubs main, ſe fondant ſur ce paſſage, mais trop cruëment à la lettre
du 3 chap.de Geneſe : En la ſueur de ton viſage tu mangeras ton pain, d'autant que
ce mot prº Lechem ne ſignifie pas ſeulement tant le pain, comme toutes ſortes de
viandes ſolides, mais c'eſt pource que c'eſt le principal maintenement de la perſon
ne.Ce labeur toutesfois de ſigrands Seigneurs,& ſi delicats eſt vn peu ſuſpect: Tro
bien n'eſt-il pas inconuenient qu'en ceſte vie ſolitaire qu'ils meinent, ils ne s'y †
ſent parfois eſbattre,ne fuſt-ce que pourautant d'exercice,ainſi qu'on lit de Mech
met ſecond, lequelayant pris plaiſir d'eſleuer certains pieds de concombres, qu'il
arroſoit & traittoit en toutes autres ſortes de ſa propre main, tant qu'ils vindrent à
produire leur fruict pluſtoſt que les autres que ſes iardiniers cultiuoient : Et lors arri
ua vn cas pitoyable,car s'en eſtant trouué vn à dire, qu'ils eſtoient encore fort petits
& tendres, il va ſoupçonner que ce ne pouuoient autres que ſes pages & enfans
ſtrá d'honneur quil'accompagnoientésiardins, dont il en fitouurir l'eſtomach, & le
†"ventre toutſurle champaux premiers venus (inhumanité nompareille)& paſſaou
II1Cl,tre iuſqu'au quatorzieſme, où il ſe trouua non du toutacheué de ſe corrompre &
digerer. - |
• - A L'ENTR E E de ce ſerrail grand & ſpacieux, à pair preſque d'vne bonne ville,
† caril contient vne grande lieuë de circuit compris les iardins,du coſté de ſaincte So
' ple.
conſtantino- poſé
phie de
ſe rencontre vn excellent
marbres taillez & beaulettres
à fueillages,& portraict,reſſemblât vn petitdoré,diaſpré
Arabeſques, argenté, chaſteau, com
de
toutes couleurs d'vn riche ouurage damaſquin iameſque, comme auſſi la gallerie
qui regne au deſſus, couuerte de plomb,& ſouſtenue de belles colonnes, où les Ia
· niſſaires qui ſont en garde ſe mettentà couuert,& pendent leursarmes,comme arcs
& trouſſes garnies de fleſches,arquebouſes, maſſes,haches, & cimeterres : car ils ne
les prennentiamais ſi ce n'eſt en cas de neceſſité : de deffenſiues,lesTurcs n'envſent
-
l'Hiſtoire de Chalcondile. 329
comme point, fors de quelques cabaſſets, iacques de maille, & aulbergeons. .. ;
Il yaauſurplus de quatre à oinq cens eapigé ou portiers,partis en deux trouppes,†º**
l'vne de trois cens ſoubs la § vn chefappellé Capigibaſi, quia de prouiſion de "
deux à trois ducats par iour : & l'autre de deux cens appellez Cuccicapigi, & leur chef
Cuccicapigibaſſa, quiena deux : Ceux qui ſont ſoubs leurs charges, depuis ſept iuſ
ques à quinze aſpres, qui plus, qui moins, ainſi que nos ſoldatsappointez diuerſe
ment,tous enfans pareillement de Chreſtiens,& eſclaues du Prince, ces portiers aſ
ſiſtentauec les autres Ianiſſaires à la garde tant de ceſte premiere porte, que de laſe
conde,& quelquesfois tous enſemble,comme quand le Turc tient conſeil general,
ou reçoitvn Ambaſſadeur,ou quand il va à la Moſquee : & quelquesfois vne partie
ſelon que les occaſions ſe preſentent, la moitié ſe rengeant de l'vn des coſtez, & le
reſte de l'autre, pour prendre garde que perſonne n'entre auecarmes, & qu'on ne
faſſe bruit ne deſordre. . , • * - | -- - 1 . !
n'eſt loiſible à aucun d'y entrer à cheual, fors au Prince, & à ſes trois enfans d'hon
neur,qui luyportent ſonarc, ſa valiſe, & vn vaſe plein d'eau pour faire ſes ablutions
accouſtumeesaux Baſſatsauſſi,& Ambaſſadeurs. - -
Io1 GNANT ceſte ſeconde porte à la main droitte désl'entree eſt le chaſha ou
threſor du ſerrail, auecvne belle armeurerie pour la perſonne dugrandTurc : Et à
lamain gauche eſtaſſis l'Aga ou Capitaine des Spacchi,Selictars,& Vlufagibaſſi, & des
Capigi : car de ce coſté ſe rengentdebouttous ceux quivont demanderaudience: & cour du Diai,
delà on entre envne autre cour carree,contenant en tous ſens deux cens pas, qui eſt
enuironnee d'vne gallerie en forme de cloiſtre, ſouſtenue de diuerſes colonnes de
marbre,oùl'on ſe peut mettre à couuert:& au milieu de ceſte couryavne belle fon
taine ombragee de pluſieurs ſicomores & cyapres pour la commodité du Dinan ou
audience publique quiſetientquatre fois laſcpmaine,aſſauoir, Samedy, Diman
. , che,Lundy,& Mardy. -
F F iij
- --------
33o Illuſtrations ſur
| EN l'vne des faces de ce Cloiſtre, à la main gauche de l'entrée regardantvers ſe
Septentrionyavne loge ou ſalette qu'on ne † mieux accomparer, qu'à ce que
nous appellons és Monaſteres le Chapitre : Tout ce que deſſus eſtant de l'ouurage
Le Di d'Imbrahim Baſſa, auquel le Turc Soliman fit trencher la teſte, qui le fit faire à ſes
† §. deſpens. Là dés le grand matin ſ'aſſemblent les quatre Baſſats, és iours deſſuſdicts,
blique. auec les quatre principaux officiers de la Porte, (c'eſt la CourduTurc) le viſirou pre
Les ſeances de
mier Baſſa eſtantaſſis au milieu d'vn banc haut de terre enuiron vn pied & demy, &
ce conſeil. couuertd'vn riche tapis : à ſa main droicte eſt le ſecond : puis le tiers, & le quart : &
conſequemment le Beglierbey de la Romenie ou Europe, auec celuy de l'Anatolie
ou Aſie, ſ'il eſt lors en Cour, par ce que d'ordinaire il ne bouge guere de ſon gouuer
nement : & le Beglierbey ou general de la mer, ſi d'auanture il n'eſt dehors auec l'arº
mée. Puis le Droghman ou trucheman maieur du Prince qui eſt de grande authorité
Comme yn pres de luy. Alapotence au rétour de ce banc eſt aſſis vn Nafangibaſſi qui reçoit &
† littous les paſſeports, ſauf-conduits, permiſſions, & ſemblables dépeſches que les
· Secretaires ont expediées, & les trouuant raiſonnables les paſſe & ſigne: ſ'il y a quel
que choſe à redire, il la marque & corrige, & la leur renuoye pour la remettre au
net.A la main gauche du premier Baſſa ſur le meſme banc ſont aſſis les deux Cadi
lehchers, & à la potence au retour d'icelle les trois Defterdari, à quelque diſtence les
vns des autres : & tout d'vn rang, mais plus bas ſur vn tapiseſtendu par terre, les Se
cretaires & Greffiers quitiennent le regiſtre de tout ce qui entre dans le Chaſna, &
ſ'en tire, à ſçauoir de la recepte generale, & de la deſpence: & aupres d'eux ſont aſſis
les Veradari, à ſçauoir ceux qui ont la charge de peſer, compter, & examiner les aſ
pres, & ſeraphs : & pour ceſt effectya touſiours au Dinan vn fougon auec des char
bons allumez, & vne grand'poëlle de fer pour les eſprouuer en les fricaſſant, & voir
ſi ces eſpeces d'argent & d'or ſont bonnes & loyalles. Ils prennent au reſte les aſpres
.. au poids : car quand ils en ont compté mille quivallent vingt ſultanins ou ducats,
# par ce qu'ils ne comptentiamais plus haut en cas de deniers, que par milleaſpres, ils
aſpresle ducat. les mettent en vne balance, & peſent les autres alencontre, qui ſont ſi iuſtes qu'en
vingt mille aſpresil n'y en aura pas quatre de tare. Quant aux ſultanins ou ſeraphs
qui ſont d'or fin ſans aucun alliage comme ſont de meſme les aſpres de fin argent en
leur endroit, en quoyils ſont mieuxaduiſez que nous, ils les comptent.Le ſembla
Monnoyesdes ble ſe practique és Prouinces & Sanzaquats, par les Receueurs generauxpour lesap
Turcs. porter à l'Eſpargne : & n'ont lesTurcs autres eſpeces que ces deux-cy,auecvne mer
maille de cuiure appellée mangours, dont les ſeize vallentvnaſpre.Ils les enchaſſent
puis apres en des ſacs de cuir, en chacun cinquante mille aſpres : & les ſultanins à
- l'equipollent pour le regard de lavaleur, à ſçauoir mille en chaque ſac : Puis les ca
Le cachet du chettentainſi peſez lesvns, & les autres comptez, du ſceau du ſeigneur que le Viſir
7utc. Baſſa tient en ſon ſein, car c'eſt luy qui le garde,graué en or, non § , ou de
quelque deuiſe, par ce que les Turcs, n'en vſent point, mais de lettres Arabeſques
deſguiſées en forme de chiffre, faiſans le nom du Prince qui regne : cöme auſſi ſont
les marques & les coings de leurs eſpeces,auecl'année qu'elles ont eſté monnoyées,
, , , laquelleils comptent de l'Hegyre ou fuitte de Mahomet de la Mecque, quieſchet
§n- en l'an de noſtre ſalut 593.Tout cela eſt porté ſur le champ au Chaſha ou threſor qui
•ent de l'He fait l'vn des corps d'hoſtel du Serrail, le plus prochain de ceſte ſalle del'Audience,
*#c,,ſ .. ſeparéneantmoins d'icelle : Et là eſt le cabinet du ſeigneur,auecques ſon armeure
rie,l'vn & l'autre d'vne ineſtimable valeur & richeſſe; & tous les papiers, tiltres, &
regiſtres du reuenu; enſemble les comptes qui ſontenuoyez des Prouinces,arren
gez par ordre dans desarmoires & liettes diſtinctes, ſur chacune deſquelles armoi
res eſt eſcrit le nom de la Prouince,& ſur les liettes celuy de l'année.Là auſſi ſe met
tent tous les deniers qu'on apporte de toutes parts en chaque Dinan : Plus les draps
d'or, d'argent, de ſoye,& de laine : les fourreures, toiles & creſpes : & generalemét
toutes autres eſtoffes ſemblables, tant pour les meubles, que pour les habillemés de
la perſonne du Seigneur, & de ſes domeſtiques & appointez , que pour en faire ſes
preſens,à meſure qu'on les apporte destributs & impoſitions; ou qu'on les luydon
ne, ou qu'onlesachepte pour lesvſages deſſuſdits. - -
à - -
largent qu'il faut pour les menus plaiſirs du Seigneur,aſſauoir quarante ducats par †#
iour,tant en aſpres que ſultanins, qu'on luy met dans les pochettes de ſon doliman, -
pour le diſtribuer luy-meſme de ſa propre main comme bon luy ſemble : que s'il en
reſte quelque choſe c'eſt au page de la chambre à qui il touche de le deſ-habiller ce
iour là.Ce qu'il faut pour la deſpence de bouche,& de l'cſcuirie,& pour la prouiſion
desappointez,auiour la iournee,ſe deliure par le Chaſnaemin chefde dixcommis ou chaſnaemin,
petits threſoriers qui ſont ſoubs le Chaſnadarbaſi, lequel a outre plus ſous ſa charge
ſoixante ou quatre vingtsieunes garçós, de ceux qui ſont nourrisau Serrail: & quâd -
il faut tirer quelque choſe du Chaſna , l'vn de ces Checagni , ainſi ſont appellez ces Cºgºi
commis,s'y en va auec tel nombre de ces garçons qu'il eſt beſoin, leſquels tiennent
lesbras croiſez cependant,ſans mot dire, ne faire le moindre ſigne ou mouuement,
iuſques à ce que le commis leur die, Vous, prenez telle choſe, & vous telle, à quoy •
ſoudain ils obeiſſent : mais cela ne ſe faitgueres qu'és iours du Dinan, quand on ou
ure le threſor, & qu'on le referme, à cauſe du ſeellé quiy eſt.
IL ya d'autre partvne petite feneſtre carree qui ſert d'eſcoutte, au bout d'vne ſe- La feneſtº
crette gallerie, qui reſpond du Serrail droit ſur ceſte loge de l'audiéce,auecvn treil-º
lis de cliſſe au deuant garny de creſpe ou taffetas noir,qu'on appelle laialouſie ou fe
neſtre dangereuſe, pource que le Princeypouuanteſtre à tout'heure que bon luy
ſemble; & delà ſans eſtreapperceu,ny qu'on ſçache s'ily eſt ou non, veoir à l'œil, &
oyr tout ce qui s'ypaſſe, ce ſeroit choſe fort perilleuſe de luy en cuider taire ou deſ
guiſer rien.Carenceſte audience ſe traittent toutes ſortes d'affaires tant publics que
particuliers,d'Eſtat,de finances,guerre,iuſtice,police, proces, plaintes des peuples,
doleances de particuliers, de quelque nation & religion qu'ils puiſſent eſtre, hom
mes & femmes, pauures & riches, commençans aux choſes de plus grand'impor
tance,comme à conſulter des propoſitions de quelque ambaſſade, & luy donner là
deſſus reſponce : de pouruoir à ce qui faitbeſoin és Prouinces, expedier des priuile
ges, ſauf-conduits, paſſe-ports : condamner quelque perſonnage d'authorité à la
mort : & de là de main en main, tout ce qui ſe peut preſenter tant que le Dinan du
re,qui eſt communément ſept ou huict heures,iuſques aux plus petits differends.Et
là ſans interpoſition d'Aduocats ny de Procureurs il faut que chacun plaide luy
meſme ſa propre cauſe,mais modeſtement & ſans bruit, ny ſe mettre en celere, car
lesTurcs ſont ennemis mortels de tout bruit & fongofité,autrement on les chaſtie
roit ſur le champ à coups de baſton. Que s'ils ne ſçauent la langue Turqueſque, il y
atouſiours là force truchemens en toutes ſortes de langages : mais pour abbreger &
cuiter la confuſion & deſordre, on les fait renger par petites trouppes de douze ou
332 " · Illuſtrations ſur
quinze à chaſque fois, ſoubs l'introduction d'vn des Capigi, qui les conduit vers le
Baſſa : & quand ils ſont arriuez deuers luy, hors toutesfois de l'auditoire, tout ainſi
comme à vn barreau , ils ſe retournent vers le Capigi, qui entre dedans visà vis du
Baffa,qui en ayant eu la reſponce,illa leur porte dehors: puis luy,ou quelqu'vn de ſes
compagnons,en rameine d'autres : mais ils ne font pas cet office gratis,ains en reçoi
uent de bons ſalaires.Et n'eſt pas là queſtion de ſ'entr'iniurier nyvſer d'inſolence,ou
de faire le moindre bruit ou tumulte, parce qu'on en ſeroit chaſtié tout à l'heure, à
coup de groſſes cannes d'Inde noüeuſes & dures au poſſible, iuſquesau nombre de
centou deux cens ſur les feſſes,ſans autrementaualler les chauſſes; de ſorte que tel
Iuſtice Tur
enya quelquesfois qui de longtemps ne ſe peut releuer du lict.
queſque. O v T R E laiuſtiçe de ce Dinan, il y a celle qu'adminiſtrent les Cadileſchers en Con
ſtantinople & les Cadiz pareillement,qui ſont comme iuges de reſidence par toutes
^
lesiuriſdictions & villes de l'obeiſſance du Turc : & des SouſcadiXés ſieges ſubalter
Les repas
qu'on fait au
nes ésbourgs & villages. Et ſe donne en ce Dinan à repaiſtre à tous les hommes de
Dinan. reſpect & authorité qui yaſſiſtent, commençant de la ſeconde porte à l'Aga des Ia
niſſairesauec tous ſes Capitaines; à ceux-cy vne fois ſeulement deux heures apres
le leuer du Soleil : mais les Baffats & tous les autres officiers de l'audience y mangent
trois fois, l'vne le matin dés l'aube du iour où ſoudain apres qu'ils ſont arriuez ils
deſieunent : l'autre ſur les onze heures à noſtre mode,qui eſt le diſner : & la tierce
quand l'audience vient à ſe rompre : en tous leſquels repas on leur ſert force ris ap
preſté en diuerſes guiſes, car c'eſt l'vn de leurs principaux maintenemens,auec de la
chair de mouton trenchee parmy en menus morceaux,des poulies & chappons tant
boüillis que roſtis,du gibier, & de la venaiſon, horſmis du ſanglier & du lieure qui
leur ſont prohibez en la loy : le tout accompagné de ſaulces d'aux oignons, ſaffran,
eſpices,&ius d'oranges & de limons; & de l'eau ſucrée,ou du ſorbet, & autres breu
uages vſitez d'eux : car le vin leur eſt pareillement defendu, comme à tous autres
-Mahometiſtes,ſomme que leur viure eſt en tout & par tout groſſier,& non ſi delicat
qu'a nous : car en cela ils different peu des Allemands, & encore moins des Polla
ques.Ceux auſſi qui ſont à lagarde de la 3. porte par où l'on entre dans le ſerrail, y
prennent leur refection,& n'en ſont pas non plus exclus ceux qui vont là pour leurs
affaires de quelque religion qu'ils ſoyent : carl'ony porte ordinairement ſix ou ſept
cens plats,ou pluſtoſtbaſſins qu'ils appellentSigin pleins des mets deſſuſdits.& ſont
· ſeruis par autant de Ianiſſaires qu'il y a de plats, leſquels par meſme moyen couppét
le pain,& donnent à boire de belle eau qu'ils vont puiſer à la fontaine. Le premier
repasacheué, l'Aga des Ianiſſaires enuoye dire parl'vn de ſes Capitaines nommé le
Mochtur, au Viſir, qu'il veut aller vers le Seigneur pour le deu & acquit de ſa charge,
& qu'il veut prendre congé de luy. Cela fait l'Aga ſe leue de ſon ſiege, & s'en
va à la troiſieſme porte , là où accompagné des deux Capigibaſſi il entre dedans la
chambre du Seigneur, dont il en reſſort auſſitoſt pour s'en retourner au logis, &
monte à cheual quantà luy:mais les Ianiſſaires quil'accompagnent ſont tous à pied.
Les Baſſats auſſi bien deuant le manger commeapres,donnentaudience:& cepen
dant entour midy la pluſpart du temps : quelquesfois plus toſt ou plus tard le Sei
gneur enuoye par vn Capigi donner permiſſion aux Cadileſchers de venir vers luy, &
alors ils ſe leuent de leur ſeance,& accompagnez du Chaouxbaſi,& du Capigi-checher
Deuoit des ſi,ilss'en vont à la troiſieſme porte,où le Chaouxbaſſi,les laiſſe,& s'en retourne vers les
Cadilſcher les Baſſats:les Cadileſchers entrez où eſt le Seigneur,auec les placets & requeſtes tant du
iours du Dina.
criminel que ciuil,car cela eſt de leur gibier,luy en font leur rapport,voire les liſent
de mot à mot s'il en eſt beſoin : car ils † ſuccincts en leurs eſcripts & procedures.
Le Seigneur leur porte fort grand reſpect, autant ou plus qu'à nuls autres, apres le
Mode de ſa Muphti,& les ſalué la teſte enclinee,la mainplacquee deuant le pis qui eſt leur mode
luer & faire la pour l'amour de laiuſtice qu'ils repreſentent : Puis leur fait reſponce,& leur decla
reuerence à la
Turcque. re ſon intention ſi c'eſt quelqueaffaire qui le merite, mais le plus ſouuentil leur re
mettout,pour en faire ſelon que les loix diuines & humainesl'ordonnent : cela fait,
&ayans pris congé de luy ils s'en vontaſſeoir entre les deux portes, où ils †
iC ClOIlIlCT
l'Hiſtoire de Chalcondile 333
de donner encore vn peu d'audience, puis ſe retirent à leurs logis. .
Sov DA 1N que les Cadileſchers ſont ſortis de la chambre du Prince, les Baſats ſe Les Beglierbeſ .
leuétauec les Beglierbeys,& Defterdari,& ſ'en vont à la troiſieſine porte; & de là accö
paignez du Capigibaſſi, & des quatre Aga d'iceux Capigibaſi, enſemble du Chaſha
darbaſi, Chilergibaſſi, & Aſamiragraſſi, iuſqu'à la porte de la chambre. Soudain qu'ils
ſont entrez dedans, premierement les Beglierbeys font leur rapport ſur les choſes qui
ſont de leur charge en ayant au precedent conferé auec le Viſir ou premier Baſa , &
uis là meſme en la preſence de tous les autres remöſtrent ce qu'ils ont à dirè.Apres
auoir acheué,& eu reſpöſe du Seigneur ſuiuantl'aduis des Baſats,ils ſortét de la chä
bre,& ſ'en vontàleurs logisauecvne lögue ſuitte à pied & à cheualtant de leurs fa
milles que des courtiſans qui les ſuiuent.Les Defterdari eſtás demeurez quant & les Les Deferdari.
Baſſats,font entendre ce qu'ils ont à dire pour le fait de leur charge, chacun en ſon
rang, apres en auoir communiqué au Viſir dés la ſalle de l'Audience : le Teſqueregi
baſi ou Secretaire maieur qui à ſept ou huict mille ducats d'intrade ſur le Timar ou Teſqueregibaſi
- N - - - , | • - 2 • Secretaire ma
domaine, eſtant là preſent, qui tient vne liſte ou memoire qu'ils appellent Ars, de §
· toutes les particularitez & negociations d'importance qui ont eſté traictées au Di
nan, dontl'on doit faire rapportau Seigneur : & là deſſus apresauoir eu ſa reſolution
cöme bon luy ſemble, ils luy font tous vne profonde reuer«nce, & fen vont aſſeoir
ſurvn banc pres de la porte du Chaſna, là où deuiſans de ce qui concerne leur char
ge, ils attendent que les Baſſats ſortent, afin de les conduire au lieu où ils ſ'eſtoient
premierementaſſis au Dinan : Toutesfois les Defterdari ne vont point parler au Sei
gneur qu'au ſecond Dinan qui ſe tient le Dimanche, & au quatrieſme le Mardy.
Pendant que les Baſſats ſont demeurez tous ſeuls en la chambre, & que le Viſir faict
ſon rapport, les autres ſe retiennent coys ſans mot dire, par ce que le premier eſtin
ſtruict de tout : & apres que chacun des autres à fait auſſi ſon rapport à ſon tour, ils
ſ'enretournent derechefaſſeoir en la ſalle de l'Audience, où ils acheuent de depeſ
cher le reſte des affaires qui ſe preſentent,iuſqu'à ce que l'aſſemblée ſe röpe : en Éſté
enuirövne heure apres midy : & és coursiours vers les quatre : & là ayans laiſſé tous
les papiers & memoires és mains des Secretaires, & ſeellé de nouueau le Chaſna,
ils ſ'en reupnt à leurs logis, accompaignez de leurs eſclaues & domeſtiques qui
marchent deuant,& de ceux qui pour leur faire honneur les conuoyent : le premier
Baſſa ſuiuy meſme des autres ſes compagnons, & des principaux de la porte : lequel
acheue en ſa maiſon tout le reſte de la iournée iuſqu'au ſoir à donner audience aux
particuliers, ſans en exclurre les plus petits : ſi qu'ils n'ont comme point de repos,
attendu le grand nombre d'affaires qui ſe peuuentiournellement preſenter en vne
ſigroſſe maſſe d'Empire. . - :
OvTR E ce Dinan & publique audience, les Baſſats, Beglierheys, Cadileſchers, & Audiences pat
autres officiers de la porte, en donnent chacun endroit ſoy dedâs leurs logis, le Me
.credy, & le Ieudy, car le Vendredyleur eſt en la meſme obſeruation & reſpect, que
aux Iuifs le Samedy, & à nous le dimanche: & pourtant reſerué pour aller faire leurs
prieres & deuotions és Moſquées. Es deux iours doncques deſſuſdits, le premier
Baſſa(le meſme ſe doit entendre auſſi des autres trois) faict ouurir dedans ſon Ser
rail la ſalle où il aaccouſtumé de donner audience : en Eſté ſur les trois ou quatre
heures apres midy : en Hyuer entre deux & trois, car Conſtantinople eſt preſqu'au
meſme paralelle que Paris : & là ſe trouuent en premier lieu les Sparſîz, chaoux, &
les vieils routtiers Muttefereca, qui ſignifie autant comme gens ſans ſoulcy : ce ſont Mut,ſer .;
tous Chrêſtiensreniez eſclaues du Turc, leſquels ayans fait quelque preuue ſigna
lée de leur perſonne, ſont fort bien appointez de luy, ſans eſtre plus ſubiects d'al
ler à laguerre, n'yau Serrail, ſibonne leur ſemble : leur Chefa cent aſpres le iour.
Ilyalà encore des autres principaux Courtiſans en fort bon ordre & equipage,&ri
chement habillez de longues robbes de toile d'or, velours & ſemblables exquiſes
eſtoffes, pourl'honorer de leur preſence en ſon auditoire particulier.Tous leſquels
mettent pied à terre dés l'entrée de la maiſon : car tous les Turcs non ſeulement de
qualité, maisiuſqu'aux plus petits compagnons ne vont guereiamais qu'à cheual,
GG
· 334- Illuſtrations ſur
quand ce ne ſeroit que pour aller quelques deux cens pas loin de leur logis : ſ'entre
, , ſalluans humblement quand ils ſe rencontrent par vne baſſe inclination de la teſte,
† † la main droite à l'eſtomac, qui eſt comme il a eſté deſia dit cy-deſſus la maniere de
honneſtetez leurs reuerences, & ſ'honorans les vns les autres de bcaux tiltres ſelon leurs rangs &
†º"
•-
qualitez
Monſieur: comme
: Sultan,deMaiſtre,
Biſſa quiSeigneur,
veut dire&Chef: Aga Capitaine,
dominateur Beg,ceBenc,
: toutefois nomou Beghun,
là eſt pro
prement deuau Prince : mais nous appellons bien de meſme vn marchant, & ſim
ple artiſan, Sire,comme nous faiſons noſtre Roy:encore les choſes en ſont venues là
qu'il les faut maintenât appeller môſieurs: Quelques vns au reſte ſ'efforcent de tirer
ce tiltre royal de SI R E de Cyrus Roy des Perſes tant celebré és hiſtoires ſainctes,&
profanes,mais l'ortographe y contredit.Ilya vn autre tiltre encore parmy lesTurcs,
chumchiera duquell'on n'vſe enuers perſonne que le Seigneur,à ſçauoir Chumchiera,comme qur
diroit Empereur ou Ceſar.Les Courtiſans doncques,pour r'entrer en noſtre propos
ſ'en vötaſſeoir dedans la ſalle ſelon les degrez de leurs charges,ſur vn petit bancar
régé exprés tout autour,&au milieu ya vn ſiege plus releué que le reſte,auecvn tapis
au deſſoubs, où ſe doit mettre le Baſa : attendant la venuë duquel tous ſe maintien
nent en vn ſilence merueilleux, & modeſtie nompareille, les yeuxabbaiſſez contre
terre, & les bras croiſez, tant qu'il vienne. A ſon arriuée ils ſe leuent tous iuſques à
ce qu'il ſoit aſſis, puis ſe remettent en leur place. Alors le Baſa faiſant ſigne de la
main à ceux à qui il veut parler, ils ſ'en vontà luyauec de grandes ſubmiſſions iuſ
qu'en terre, & illeur faitentendre ſon intention : cela fait, ſ'ily en a qui ayent quel
que choſe à luy remonſtrer pour ſesaffaires particulieres, ils y vont l'vn apres l'autre
au meſme ordre qu'ils ſont aſſis. Puisayant là deſſus pris congé, ils ſ'en vont faire le
ſemblableaux autres Baſſats, Beglierbeys, & Cadileſchers,compartiſſans leur temps,de
ſorte qu'ilsayent acheué de faire leur Courauant que le ſoir ſoit venu, les particu
· liers entrent puis apres que les Courtiſans ſont partis, n'eſtans demeurez en la ſalle
que cinq ou ſix Chaoux, ou Huiſſiers,& quclques truchemás en diuers langages pour
ceux qui ne ſçauent parler Turqueſque : & leur donne l'on audience à tous iuſques
au dernier : car ilya des Portiers, Ianiſſaires communément auecques leur baſton
de canneau poing, qui appellent à tour de roolle ceux qui ont affaire au Baſſa, & les
ameinent en ſa preſence, où il les eſcoute benignement, & depeſche ſur l'heure, ſi
c'eſt choſe qu'il puiſſe faire tout leſur châp; ſinon il leur donne vn Teſquere ou petit
Aduertiſſemët billetaddreſſant à ceux qui leur en doiuent faire l'expedition, ſoient Cadileſchers,
Pºur lº "- ticulieres
vCCS.
Cadiz, ou autres,
n'ya pasou bien les remet
longtemps au premierViſir
que Mehemet Dinan. En vne de ces
de Selimpere audiences par
d'Amuratauiour
d'huy regnant, dontilauoiteſpouſé la ſeur, fut tué d'vn coup de couſteau par vnin
ſenſé, ou pour le moins qui le contrefaiſoit, ſoubs ombre de luy preſentervn placet,
& ce pour raiſon de quelque iniuſtice qu'on diſoit luy auoir eſté autrefois faite par
Les Turcs fort ce Baſſa.Sivn Ambaſſadeur veut auoiraudience à part, il l'enuoye demander dés le .
grands mati-grand
lllCIS.
matin
uer quant & leouiour,
le ſoir
& precedent : car tous
deuant encorc; & onlesluy
Turcs ont l'heure
aſſigne cela de qu'il
propre de ſe ve
y doibt le
IllI. • -
VoILA à peu pres ce que c'eſt de leurs conſiſtoires & audiences, tant publiques
que particulieres, en temps de paix à Conſtantinople, Andrinople, ou autre tellieu
Le Dinanau que le Turc eſt de ſeiour : mais au cample Dinan ſe tient ſous vne grande tenteioin
Camp. cte parvne gallerie ou allée de toile, à ſon pauillon : & les particuliers en ceux des
Baſſats.Somme que pour desgens ſiruraux comme on les eſtime, pour le moins qui
n'ont point de lettres, ils obſeruent en tout & par tout vn bien plus bel ordre & po
lice que nous, qui les appellons Barbares : mais cela deſpend en partie de leur pa
tlCIlCC. - - -
1e - ci , L L ya encore vne autre forme d'audience plus ſolennelle que les deſſuſdites, où
i§ §le Seigneuraſſiſteen propre perſonne : laquelle ſe tient à la premiere ſalle qu'on ren
#† contre à l'entrée de la troiſieſme porte, où commence le ſecret enclos du Serrail:
" quandil eſt queſtion de receuoir ou licentier quelque Ambaſſadeur: car ils nevoyet
1aIIldlS
2 • - : - , : . » YI . -
de velours, ſatin, damas, & broccadors de toutes ſortes de couleurs. Q v E ſi d'auä- Les executio#
ture ilauoit à faire mourrir quelqu'vn de la trouppe, fuſt par aucun meffait commis †º
de luy, ou pour vne mauuaiſe opinion qu'on en euſtcóceuë, ila de couſtume de luy
faire preſentervne robbe de velours noir, qui eſt ſigne qu'il faut qu'irremiſſiblemët
il meure : parquoyle repas eſtantacheué quand les autres ſ'en vont les Chaoux retié
nent ce veſtu de noir,& certainsieunes hommes robuſtes qu'ils appellét Geleth, luy
mettent vne corde de ſoye noireau col, & l'eſtranglent couché par terre, ſans que
les Baſſats,nyautres quelque grád & fauorit qu'il peuſt eſtre ſ'oſaſt entremettre d'in
tercederenaucune ſorte pour luy,ſur peine d'encourir au meſme danger& punitiö: - /
Puis le trouſſent ſurvn cheual couuert d'vn drap noir, ayantenuoyé deuantl'vn d'i
ceux Chaoux auecvne longue baguette noire quiavne petite banderolle de taffetas
ou creſpe noir attachée aubout,laquelle il plante ſur le ſueil de l'huys, afin que ſafa
mille voiſe à l'encótre receuoir le corps:cela ſentédàl'endroit de quelque persöna
#G
ge d'autorité,cöme vn Baſſa,Beglierbey, ou Saniaque:car auxautres moindre eſtoffe
ij
-
/
main,& s'en retournent à reculons de peur de luy torner le dos : Là deſſus le Turc ſe
retire,laiſſant l'Ambaſſadeur & les ſiés és mains du Baſſa, lequelles meine tout de ce
Banquet Tur pas banquetter en la ſalle du Dinan, où le feſtin eſt appareillé à leur mode, de force
queſque. potages de riz,& de diuerſes frométees, auec de menus morceaux de chair de mou
ton,qu'ils mangent plus communement, & de poulles hachées dedans, & des reiſ
ſoles & bignets; le toutaſſaiſonné iuſqu'à oultrance de ſaffran & d'eſpiceries : Il y a
auſſi quelque roſtarroſéauecques du beurre,carils ne mangent point de lard ; mais
il ne le faut pas trouuer eſtrange : ny le referer ſeulement à vn ſcrupule de religion,
car les Anglois & Allemands ont la meſme façon de faire,voire ilyabien peu de na
tions, quilardentainſi que le François. -
IL Y A au ſurplus quatre ſur-intendans ſur ces cuiſines : le premier appellé Argi-ºgi# con
baſi prend garde que toutyaille comme il faut, & que chacun faſſe bien & perti-"
nemment ſon deuoir. C'eſt luy auſſi à quiil touche de faire payer les gages des deſ
ſuſdits, & fournir leurs accouſtremens & liurés. Ila ſoixante aſpres d'appointement
chacun iour,auec vne robbe de broccador; & vne autre de ſoye, paranà la volonté E , pagi
du Seigneur.Le ſecond eſtl'Emimmut pagi, autrement Mutpatenin, qui ſont preſque ou #
comme lesargentiers és maiſons de nos Princes & grands Seigneurs,où il n'ya point"éº
de pouruoyeurs & marchands pour fournir les victuailles,ceſtui-cyala charge de la
deſpence des cuiſines; & fourniſt iour par iour les deniers ; ayant d'appointement
vn ducatpariour,auec des accouſtremens comme l'autre,à la diſcretiö du Seigneur
& comme il luyplaiſt le donner à leur Bahiram & Kabir, ou grand paſque : Et eſt de
grande authorité,parce qu'il parle à luyà tout heure,pour ſçauoir ce dontilaura ap
petit de manger. -
qu'à leurs aides, poureſtre là deſſus tous payez de leurs gages, qu'ils reçoiuent tous
les quartiers, outre leurs practiques & menus droicts, leſquels ils partiſſent entre
eux : car ſans le menu, la venaiſon, le gibier, & poiſſon, dont ils mangent indiffe
remmentauec la chair,on tué d'ordinaire pariour pour la maiſon du Prince,de qua
treà cinqbœufs, & cinquante moutons, ſans des boucqs chaſtrez, & des chievres,
| qui leurſont auſſien vſage, comme il ſe dira cy-apres. · · · - -
Sv1T le CheleKXi (tous ces gens icy ſont Eunuques,ille fautainſi † ſuiuant Chºlezzile ,
tequi a eſté dit cy-deſſus) quiatrente autres soubſchelezzi ou commis ſoubs luy, leſ-†
cier ou verdu
quels ont la garde des menuës prouiſions, comme riz, miel, oliues, fromages, beur-rier
re, ſuccre, & ſemblables choſes: & dix Caluagi, tels que ſont les fruictiers en la mai-#ºº
- - - - ctiers.
ſon du Roy; qui font les compoſtes, confitures, & autres tels metz de deſerte. Et
pour ceſt effectyavnautre office & demeureàpartau Serrailditlechiler ou deſpé-# rºi
ce ſecrete, fournie de 25. ou trenteieunes hommes de vingt à vingt deux ans, qui •
ont la charge des ſuccres, dragées, & eſpiceries de toutes ſortes : & des iuleps, ſi- .
rops, & ſorbets pour la bouche. Ils ont de huict à dixaſpres le iour, & ſont habillez
deux fois l'an, de ſatin ou damas de toutes couleurs, ayansvn Chef Eunuque auſſi
comme les autres, appellé Chilergibaſſi, qui en a cent, & deux accouſtremens lan- chiºzit.ſi
née : bouche à Cour, & monture enl'eſcurie : outre quelques cinq ou ſix cens du- .
cats tous les ans que luyvallent les droicts & profits de ſa charge. . · -
LA B ov LLAN G E R 1 E & les fours pour cuire le pain du Seigneur & de ſa famil-Boul#gerie &
le, ſontauſſi dans l'enclos du Serrail, là où ſ'employent continuellement quelquesº -
cent que maiſtres qu'aides. Les Maiſtres de laboullägerie debouche ont dix aſpres " .
le iour, & ceux du commun, ſix : leurs aides & garçons de trois à quatre, auec quel- … ,
ques habillemensd'aſſez bon drapvne fois l'an,à leur Paſque. Leur chef ſ'appelle
11J
338 | Illuſtrations ſur
Echenicherri
baſii. Echenicherribaſi, maiſtre ou ſur-intendant du fournil, quia cinquante aſpres le iour,
& vne robbe de broccador tous lesans,auec quelques dons & bien-faits des Baſſats,
& autres perſonnages d'authorité,quand il leur preſente des marſepans, du meſtier,
biſcuit,& telles autres friandiſes & douceurs de paſte à leur façon, qui n'eſt pas des
plus delicates : -
pumanger,& OR n'yaura-il point de mal,puis que cela vient à propos, de toucher icy quelque
†º choſe du mâger & boire desTurcs,qui ſontfort ſimples en cela auprix de nous mais
ce n'eſt pas parauenture le pis de leuraffaire, encore que nous les reputions lourds,
ruraux,& barbares,car il n'ya rien quinous perde plus, & deſbauche de toute valeur
& merite que l'exceſſif laye & intollerable où nous ſommes plongez à preſent.
Voire les petits compagnons ſans moyen qui ſe veulent eſgalleraux plus grands : ce
qui ſucce,ronge,& deuore inſenſiblement le publiciuſqu'aux os:là où aux Turcs en
premier lieu le vin eſt abſolument defendu par la loy,pour les cauſes toucheescom
me en paſſant dans l'Alchoran, & expliquees plus amplement dedans le liure de ſa
Les incom- doctrine qui ſerainſeré cy-apres,mais la ruze & malice de ce faux legiſlateur, n'eut
#º" autre eſgarden cet endroit,que pourauoir les peuples plus ſoupples & obeiſſans, &
- moins fantaſtiques & ſeditieux,parce qu'il n'ya rien qui eſchauffe plus le cerueau &
le cœur que le vin:Pour les exempterauſſid'infinies maladies,que l'vſage ameine de
ceſte pernicieuſe liqueur l'vn des principaux deſbauchemens du genre humain : Et
pour finablement pouuoir conduire & charrier par pays de plus groſſes armees , &
plus aiſéement : parce qu'outre le couſtange de ce breuuage, la voicture en eſt fort
faſcheuſe, & d'infinis frais, penible tout outre, & le recouurement en pluſieurs en
droits nö que mal-aiſé,mais impoſſible,ſi que vingt Turcs, ou autres tels Mahome
tiſtes viuront de ce que deux ou trois ſimples ſoldats de ces quartiers de pardeça dé
· pendront en vn deſieuner à cauſe principallement du vin.Ils en alleguent encore ie
ne ſçay quelle occaſion, que Mahomet vit vniour certaine trouppe de ieunes gens
| | -- en vn iardin qui banquettoient beuuans du vin,& eut de vray quelque plaiſir de les
voir eſbattre ſiioyeuſement, mais à ſon retouril trouua que s'eſtans depuis enyurez
ils s'entrebattoient à outrance,& s'eſtoient deſialà entretuez la pluſpart, dont co
gnoiſſant le vin en auoir eſté la principalle cauſe & motif, il luy donna ſa maledi
ction,& en interditl'vſage en ſaloy. - - - - -
Le pourceau Ay, RE GARD delachair de porc qui leur eſt auſſiprohibee,ce n'eſtpaspource
§ que Mahometait eſté mangé de ces animaux,ſelon qu'alleguét quelques vns, meus
† Mº† parauanture d'vnzele pour le faire deteſter
metiſtes auſſi # du de lui dedans l'Alcl lus d'
dauantage
droit.l
: cariſ(il eſt nomméement
ſſibien
de
du vi
bien qu'aux rendu de lui dedans1 Alcnoran en plus d vn endroit les raitons auſſi bien que du vin
Iuifs. mais fabuleuſes tout de meſme,& ridicules, en ſont deduittes dedans le liure de ſa
· doctrine, & ſçait-on aſſez que ſon corps eſt inhumé en la Moſquee d'Almedine,
mais il fait cela pour ſe conformer exterieurementà la loy de Moiſe, en cet endroit,
· comme à la Circonciſion, afin de gratifier les Iuifs, & les tirer à ſon party, auſſi bien
- qu'ilavoulu faire les Chreſtiens pourauoiraucunementextollé IE svs-CHRI sT,
' ,
& ſa mere la vierge Marie, pour puis apres blaſphemer plus libertement contre les
principaux points de noſtre creance,ſelon qu'il ſe verra en ſon lieu. Ila ſemblable
· ment defendul'vſage du ſang,& de toute viande eſtouffee, ou atteinte des beſtes,
†, ou trouuée morte : des connils & lieuresauſſi, & des grenoüilles, eſcargots,tortuës,
de Mahomet. & autresſemblables : Toutes choſes empruntées du Iudaïſme,mais ils ne font point
de diſtinction de iours maigres nygras comme nous. Les chairs au reſte dont les
Viande des
Turcs vſent le plus volontiers,ſont le bouc chaſtré,& le mouton : de vache comme
Turcs. point, & de veau,afin de les laiſſer croiſtre, pour, ſi c'eſt vne geniſſe auoir touſiours
plus de laictages,l'vne de leurs principalles commoditez, à cauſe des beurres,'creſ
me,& fromages qui en prouiennent, & qu'ils ont engrande recommandation : & ſi
Paiiramach c'eſt vn maſle,à ce qu'eſtant deuenugrandils en puiſſent faire du Paſtramach , car la
†a cheminée* chair de bœuffraiſche ne leur eſt pas gueres commune, ſi eſt bien accouſtrée en ce
- - - / / w
§le
breſil.
Paſtramach, vne maniere
cheminée,lequel debreſil,
ſe gardefort ainſi appellons
longuement, & leurnous le treſbonne
eſt vne bœufſallé,prouiſion
& fumé tant
à la
- en temps
l'Hiſtoire de Chalcondile. 339
entemps de guerre qu'en paix,allans en voyage,ſoit en camp,ſoit par les deſerts auec
les Carauanes : car l'ayans reduit en menue poudre,& confit d'eſpices,ſaffran, & ſel
compoſéauec des aulx, ils en ſaulpoudrent leurs tourteaux & galettes de farine de
riz,& froment deſtrempee auec de l'eau comme pour faire des oblies, mais eſpoiſſes • '
de deux bons doigts, & les font cuire tout lentement ſur vne lame de fer chauffee
dans vne forme delanterne qu'ils portentàl'arſon de la ſelleallans parpays : Celeur
eſt vne viande de fort grande nourriture, combien'que non ſi delicate que pour
roient eſtre nos tourtes & gaſteaux, ſi que tous en portent ordinairementvn petit
ſachet quant & eux. ILs o N T outre-plus vne autre eſpece de prouiſion qui ſe gar-Autreproui,
derabien vnbon mois ſans ſe corrompre nyalterer, à ſçauoir,de la chair de mouton
- - 5N - / ,a : ſiºº
--
furqueº
que fort pro
o -
cuitte iuſqu'à ſe ſeparer des os,puis hachée groſſieremêt, & cuitte dans de lagraiſſe,2 §
Prc a Vn camp.
auecdes oignons hachez menu ; & le toutaſſaiſonné de ſel & d'eſpices. Cela ſe met
en de petitsbarrils, & eſtantreſchauffé auecvn peu de nouuellegraiſſe ou de beur
re & de l'oignon , approche d'vne fricaſſee ou hachis qu'on viendroit tout à l'heu
re de faire. - - , ' - -
ILs ont encore vne autre eſpece de maintenemen*ortleger, & dont ils ſe ſer-Autre encore
uent comme d'vn aduitaillement de peu de deſpence & appreſt, pour les Carauanes de legumes.
à paſſer les deſerts,& lieuxin-habitez,aſſauoir des poix chiches fricaſſez tous ſecs en Ertuithia.
de grandes poëſles de fer; & appellent cela Ereuithia, dont ilya pluſieurs boutiques
à Damas,&au Caire. - - | | . -
· verité à ces gens là qui communément ne boiuent que de l'eau toute pure , les ris vtiles aux -
chesauſſi bien que les pauures,les aulx & oignons qu'ils mangent leur ſeruentcom-Turcs.
me d'Antidote pour la corriger, & reconforter l'eſtomach alencontre, ainſi que
faitd'autre-part le frequentvſage des bains pour decuire leurs cruditez, ſelon que
le teſmoigne Columelle desanciens Romains, Quotidianam cruditatem laconicis ex
coquimus. Mais cela les preſerue par meſme moyen de la vermine , dont autre
ment ils ſeroient mangez iuſqu'aux os , pour le peu de linge qu'ils ont. Ils v
ſent auſſi d'autres ſaulces encore, & d'appetits qui ne leur couſtent pas beau-saulces.
coup, comme de grappes de verjus confites auec du ſel & vinaigre, & de la grai
ne de mouſtarde concaſſee groſſierement pour letir donner pointe : force raci
nes de blettes , & d'enula Campana; & des choulx à pomme accouſtrez de meſ
me. Mais entre tous autres mets , ils ont en fort grande recommandation les
pieds de mouton, & les teſtes, qu'ils tiennent toutes appreſtees en pluſieurs bou
tiques , auec vne ſaulce de graiſſe & vinaigre, le tout ſaulpouldré de ſel, & d'aubx
broyez parmy du jus de citron, dont illeur vient en Conſtantinople plus de cin
quante tonneaux tous les ans, de Surie : d'eſpine vinette, grenades, & ſemblables , , ,,s
liqueurs aceteuſes. Ils vſentauſſi de petits paſtez de chair hachée , mal baſtis & # das
aſſaiſonnez. Quant à leur boüilly, lors que la chair eſt cuitte ils la tirent du pot, »
· Pain Turqueſ- LE vR pain qu'ils appellent Echmech, n'eſt pas des meilleurs,le blancauſſi peu que
que. le bis; car il eſt ordinairement mal peſtry, & pirement cuit, comme eſtant en vne
groſſe maſſe,où le feu ne peutgueres bien penetrerau dedans : outre ce qu'ils y meſ
lent de la ſemence de cumin, & de pauot, voire d'oppium quelquefois, & d'vneau
Suſam. tre encore qui leur eſt fort familiere,appellée Suſſam, dontl'on vſe auſſien l'Ande
louſie. Ils font outre-plus quelques foüaces & tourteauxauec de la fleur de farine,
& du beurre, leſquels ils dorentauec des œufs pardeſſus.
Breuuages
Turcs.
des belle
L E eau
v R toute
communpure;boire
maiseſtlesleplus
meſme
aiſezqu'à tous
vſent deles animaux
diuerſes de ladeterre,à
ſortes ſçauoir
breuuages comde
poſez à leur mode, & ſelon leurs gouſts, & les commoditez qu'ils en ont : comme
Oxicrat, d'Oxicrat,qui eſt l'eau commune corrigée auec du vinaigre : de l'oxigala deſſuſdit dé
trempé en de l'eau, ce qui rafraiſchiſt & nourriſt beaucoup : IulepAlexandrin faict
Secher. de ſuccre cuit & reſoulsen fine eau roſe damaſquine : ilsl'appellent ſecher, motap
prochant de celuy de ſuccre, de l'hidromet auſſi, qui eſt du miel cuit en de l'eau,
| auec des raiſins de corinthe, ou de damas, & des pruneaux, ce qu'ils appellent Hoſ
Hoſaph ſeriet.ſaph, le ſorbet eſtvne deco3tion de raiſins ſeos, figues, pruneaux,poires, & peſches,
- & ſemblables fruictages aigrets, leſquels ils gardent à ceſte fin deſſeichez, tout lc
long de l'an, & vſentfort de ce breuuage principalementen Eſté, meſlé auec de la
- - glace
` , •. • , ., , 2 - • ! 1 ; -
l'Hiſtoire
1, - r
de Chalcondile. 34i
glace ou neige , qu'ils conſeruentainſi qu'on faiten Italie, enueloppée lict ſur lict
dans de la paille en des celliers & magazins deſſoubs terre. Ils font auſſi quel
† manieres de ceruoiſe, que les anciens appelloient Curmy, auec du froment,
e l'orge , miel , riz , & ſemblables grains. Et ont vne autre breuuage encore
appellé pechmes, faict de mouſt cuit & eſpoiſſi à guiſe de micl , qu'ils deſtrem-p.bou.
pent auec de l'eau, mais ils le donnent aux eſclaues . Plus vne eſpece de zi
tum, ou Poſca, combien que quelques vns le prennent pour de l'oxicrat, & lesau-zitum, Poſa.
tres p
pour ceſte boiſſon que les 8
gens meſnagiers
g1ers ,, principallement en Bourbon
nois,, aPp
appellent deſpance
p , eux le chouſſet, non gueres
> $ -
differend de ce qqu'on chouſſºt.
dict le bouilhon en Picardie qui eſt bien eſloigné de la deſpance ou poſcu, qui ſe
faict d'eau paſſée ſur le preſurage de la vendange, & ce chouſſet approchant du
bouilhon, eſt eſpois & blanc comme laiSt : fort nourriſſant au reſte, & qui ente
ſte comme la biere, iuſques à enyurerauſſi bien qu'elle, qui en prendroit outre
meſure : car il eſt faict de paſte crue , mais leuée, qu'on decuiſt dans vn chaul
deron plein d'eau : & eſtant raſſis & ſeiché l'on en prend la groſſeur d'vn œuf,
qu'on iecte en de l'eau pour boire, laquelle ſ'eſchauffe incontinent, & boult d'el
le-meſme ſans la mettre autrement ſur le feu , de maniere qu'il ſ'en faict vne boiſ
ſon blanche & eſpoiſſe, dont les Turques ſe fardent de l'eſcume, ainſi que les
Flamendes & Angloiſes de celle de biere. Et encore qu'il ſoit fort eſtroictement
prohibé à toutes ſortes de Mahometiſtes de boire du vin, n'y de ſ'enyurer, prin
cipalement quand ils ſont au camp, & durant leurs careſmes, ils ſ'en diſpenſent
bien neantmoins, mais c'eſt à cachettes, ſur peine, y eſtans deſcouuerts & ſur
pris, d'vn bon nombre de baſtonnades à leur façon : Car il n'y a nulle-part de plus
grands yurongnes, ny plus aſpres au,vin, non tant à la verité les Turcs naturels
qui ſont d'ordinaire fort feruents obſeruateurs de leur Loy, comme les Chre
ſtiens reniez, les pires canailles de la terre , & tous Atheiſtes : mais ils ne font
point difficulté d'vſerd'eau devie, qu'ils appellent Archent,voire à toute outrance, Archent, eau
ſans comparaiſon plus aſſez que les Allemans, Hongres, Polonoys , Moſcoui- de vie.,
tes, deuant leur repas, durant iceluy, & apres : ſi que rien ne peut auoir meu
leur Legiſlateur de deffendre le vin, ſinon que pour ſe ſeparer en quelque cho
ſe de toutes les autres Religions : & ce ſoubs vn fort beau pretexte : Car outre
que ceſte liqueur ne ſe trouue pas aiſément par tout, rien n'a eſté produict plus
pernicieux de la nature icy bas, tant pour la ſanté du corps , que de l'efprit,
comme il a eſté ja touché cy-deſſus. Pleuſt à Dieu que chacun les peuſt imiter
en cela. - - -
: L E s Tv Rcs au reſte, ont accouſtumé de prendre leur refection non ſur Mode de ma#:
des tables releuées , ny ainſi haut aſſis, comme nous en des chaires, & eſcabel ger des Turcs,
les, mais par terre, les iambes croiſées à maniere des Couſturiers ſur leur eſtau:
& ce deſſus quelques tapis eſtendus pour ſe garentir de la poulſiere, & ordure,
enquoy ils ſont aſſez curieux : ou ſur des nattes de ioncs & roſeaux, qu'ils ap
pellent en leur langage Haciſer, & les Italiens des Storres : Les Arabes ſaccroup-Haiſir.
piſſent ſur les tallons : leſquelles aſſiettes, combien qu'elles ſemblent tres-mal
aiſées & incommodes à nous qui n'y ſommes pas accouſtumez, comme elfes ſont
à la verité ſelon la collocation de nos membres & ioinctures, cela toutes-fois
ne leur couſte comme rien, fuſt-ce poury eſtre tout le long du iour ſans bouger,
moins aſſez qu'à nous d'eſtre aſſis & appuyez le plus à l'aiſe que nous-nous ſçau
rions mettre dans quelque chaire adoſſée, ou en vn bien proportionné faude
ſtueil : mais auant que ſ'eſtendre ſur ce tapiz ils deſchauſſent , tout ainſi qu'ils .
font en entrans dedans les Moſquées , leurs faulx-ſoulliers appellez Paſimah, la Pºſtmº
plus-part ferrez par deſſoubs, qui leur ſeruent, comme à nous , de mulles :
& reſtent en leurs ſimples eſcarpins , ou bottines , de peur de ſouiller le tapiz.
Les riches, & mieux accommodez vſent de petits bancs garnis de coiſſins pour
ſe mettre plus à leur aiſe. Et là eſtans aſſis en rond , on leur #rs vn cuir
.
# t2; .
-
- " © - - - 1 , -
CE Ceſignir Baſſa au reſte eſt touſiours Eunuque, & a ſix vingts aſpres le iour, auec
# deux accouſtremens tous les ans. Et les Ceſignirs ſont tous enfans de Chreſtiens
ici . auſſi bien que le reſte du ſeruice domeſtique du Turc, appoinctez de dix à douze
# aſpres le iour, & veſtus à ſes deſpens. Ilya l'vn des trois plus fauorits pages qui en
trent à cheual dedans le Serrail auecluy, qui le ſert de couppe; & pendant ſon re
# pas on luylict parfois quelques hiſtoires de ſesanceſtres, ou d'autres anciens valeu
,# reux perſonnages : mais cela change à tous propos ſelon le plaiſir, & le gouſt qu'ils y
prennent plus ou moins les vns que les autres : parquoy il ne ſ'en peut rien detê -
† miner de certain, nomplus que d'infinies autres particularitez du meſme ſubicct,
" L. qu'il ſuffiſt de toucher icy comme en gros. Ils ont tous accouſtumé de deſieu
ner de fort grand matin , diſner à midy, & ſoupper au ſoir ſur le tard : mais le
Seigneur ne boit ny ne mange en ornyargent, ains en vaiſſelle de porcelaine, &
en des verres & vaſes de criſtallin , combien qu'il aye infinis buffets riches ou
tre meſure, d'or & d'argent, enrichis de pierrerie d'vne ineſtimable valeur, plus -
pour vne monſtre, & parade enuers les Ambaſſadeurs eſtrangers, vn fonds de thre
ſor, & le contentement de ſon œil, que pour vſage qu'il en reçoiue. /
/
-
communément forts en bouche, & qui ſ'en vont le nez au vent preſque tous de
leur naturel, roidiſſans le col, mais d'vne grande viſteſſe au reſte, & d'vne force
H H ij
34-4- Illuſtrations ſur
incomparable nonobſtant la ſubtilité de leurs membres, qui ſont tous compoſez de
nerfs. I'ay veu certes à vne iouſte en camp ouuert dedans la ville de Neuers au
Chaſteau, vn cheual Turc de moyenne taille preſqu à pair d'vn barbre, ſ'eſtant
rencontré de droict fil auec vn courſier des plus fort & membrus qu'on euſt ſceu
choiſir, fuſt de la faute des hommes d'armes qui couroient la lance deſſus, qui ne
les ſceurent pas bien addreſſer & conduire, fuſt de la grande animoſité & ardeur
des montures, le courſier en eſtre demeuré roide mort ſur la place, bien eſt vra
que le Turc en fut eſpaullé, mais encore ſeruit il long temps apres d'eſtallon, car
ileſtoit entier. Ils en ont au reſte de tout plein d'endroits de l'Europe, Aſie, & A
frique. De l'Europe, comme ceux de Macedoine, & de Theſſalie, dont la gen
darmerie a eſté de tout temps & ancienneté en grande vogue : Plus les Coruats,
Valaques, & Tranſſyluains. Mais les plus exquis & meilleurs de tous, & du plus
grand corſage, cœur, & effort, ſont ceux de l'Aſie, meſmement les Caramans, ce
qu'on appelloit anciennement la Cilice : En-apres, de la Surie, Armenie, & Medie,
dont Strabon enl'onzieſme liure, parle en ceſte ſorte. Le pais de Medie produiſt d'ex
cellens cheuaux, vigoureux, & de longue haleine & de grandcorſage : bien autres en toutes
guiſes que ceux de Grece, ny des regions de deça : mais l'Armenie ne luy cede de rien en cecy: car
il s'y procrée auſſi des cheuaux Niſeens dont les Roys de Perſe ſouloient fournir leurs eſcuries.
Et Herodote en ſa Thalie : Les animaux de l'Inde ſurpaſſent en grandeur tous les autres,
horſmis les cheuaux : caren cela elle ſt ſurmontée de ceux de Medie qu'on appelle les Niſeens.
Ils en ont outre-plus de fort exquis de l'Arabie Heureuſe : Et des Barbres auſſi,
mais rares, & de petite corpulence, viſtes au reſte, & de longue haleine, aumoins
- les Arabes.
Election des
cheuaux Turcs. .
LE s Tv R c s choiſiſſent leurs cheuaux au contraire de nous, haut-montez ſur
- • / 5• » -
- desiambes greſles & deliées ; ce qu'ils prennent pourvne marque d'eſtre fortviſtes,
& bons coureurs, toutainſi que la corne longue & noire, pour force de vigueur: les
yeux gros & ardens, & le collong, non par trop mince toutefois, ains pluſtoſt aucu
nement groſſelet: la teſte petite, les oreilles courtes, aiguës & dures, labouche lar
ge & bien fenduë , la queuë longue & plantureuſe, comme auſſi le corps du cheual,
Traitement d'vn boyau pluſtoſt eſtroit qu'engroſſi. Quant à les panſer, les Turcs ſurpaſſent en
d'iceux. cela toutes les autres nations de la terre, tant pour l'extréme ſoin qu'ils mettent à
les bien traicter de la main, qu'à les entretenir nets & polis : les nourrir à la toleran
ce & ſobrieté; & les endurcirau trauail, ce qui eſt cauſe de les conſeruer longuemét
en labonté & vigueur que nature leura donnée,voire l'accroiſtre de beaucoup.En
•. premier lieuils ont accouſtumé de les tenir durant les chaleursla nuictau ſerain tout
à deſcouuert, ou ſoubs des Portiques ouuerts de toutes parts pour les eſgayer à ceſte
freſcheur, & les accouſtumer d'eſtre à l'erte quand ils ſont au camp, leur mettans
vne legiere eſclauine ſur le dos pardeſſus leur caparaçon de toile, & en Hyuer de
Chepenet. Chepenec, c'eſt à dire gros feultre ou bureau, qui traiſne iuſques aux paſturons, pour
lesgarder de ſe morfondre.Leur lictiere n'eſtiamais de paille ny de fumier ainſi que
La liaicre aux noſtres, mais prennent leur fiente toute pure ſans vn ſeul brin de fourrage meſ
lé parmy, laquelle ils font deſſecher au Soleil,puis la courroiét,& mettent en deliée
pouldre qu'ils ſaſſent,& l'incorporât auec de l'eau en fontvne aire biébattuë,ferme
& ſolide, qui leur ſert par-apres de lictiere. Quand ils ſont au camp ou en voyage,
ils les font pluſtoſt coucher ſur la terre nuë que de leur en faire de paille : mais par
deſſus l'aire ils eſtendent des feultres & eſclauines pour les ſoulager ſ'ils ſe couchét,
eſtans fort ſoigneux de leur oſter à tous propos la fiente de deſſoubs eux, & faire eſ
#† ºgouſter le piſſat.Tous les matins ils les eſtrillent & bouchonnentfort diligemment,
- & quelquefois ſeront à les lauer & nettoierauec des eſpöges,& eſpouſſettes dâs vne
eau courante bien claire bien deux bonnes heures, ſi qu'il ne leurreſtevn ſeul grain
de poulſiere ny autre ordure; dont leur poil, qui eſt communément fortraz demeu
Leur migeail.re
C, euxplus
peuluiſant
à peu,&&liſſé que ſatin.
en petite Ils lespar
quantité nourriſſent
terre, carde
ils foin qu'ils
n'vſent leurde
point mettent deuant
mangeoüeres
nyderatelliers;de paille ils ne leur en donnentiamais,ſur le midy ils les abbreuuent,
| ) - 9 - - - -
reſueille l'appetit. Alapluſpart de leurs cheuauxils ne donnent point d'herbe non-Mode de les
plus que nous, que s'ils voyent qu'il en ſoitbeſoin,au douzieſme iourilleur font ti-"
rer du ſang desars; & au commencement en lieu d'herbe ils leur donnent de l'orge
verte,lors qu'elle commence àboutter l'eſpy; & ce par dix ou douze iours; puis de
l'herbe.Pendant qu'ils les herbentainſi,ce qui ſe fait au ſeiour, & à l'obſcurité dans
l'eſtable,ils leur donnent beaucoup moins à boire qu'en autre temps, & encore vne
fois leiour ſeulement, parce que ceſte verdure les humecte aſſez, & ne les eſtrillent
ny ne frottent lors : mais ſi c'eſt en allans par pays, ils leur donnentau ſoirvn picotin
d'orge,de peur qu'ils ne demeuraſſent trop vucilhes & flacques,à quoy toutesfois ils
ne ſont à beaucoup presſi ſubiects que les noſtres de pardeça. -
LA premiere iournee en tous leurs voyages eſt fort petite, & donnent auſſi à l'e- Leurs traictes,
quipolent bien peu
tant qu'ils ſoient d'orge,à puis
paruenus vont renforçant
vne raiſonnable peudeà peu
meſure l'vn l'orge de †
ſelon les traictes,
& de l'autre,comme y ont. q
quelques dix lieuës françoiſes au plus; car ils ne vont iamais que le pas; & ne font
qu'vne ſeule traicte, depuis l'aulbe du iouriuſques à deux heures deuant le coucher
du Soleil, donnant quelque goullee d'eau à toutes celles qu'ils rencontrent, ainſi
que font les Allemands : Enquoy leurs montures ne peuuent point encourir d'in
conuenient,parce qu'ils vont tout à l'aiſe ſans les eſchauffer : & delà vient qu'ils ont
en figrande recommandation d'attirer des eaux tout le long des grands chemins,
careux auſſi repaiſſentemmy les champs de ce qu'ils portent; & boiuent de meſme
leurs cheuaux.Eſtansarriuez au logis, ſoudain ils leur deſtrouſſent la queuë, & les
laiſſent vne bonne heure ſans les deſbrider, les couurant d'abondant d'vne eſclaui
ne , puis leur donnent vn peu de foin : & quand ils voyent qu'ils ne mangent plus,ils
acheuent lors de les abbreuuer, & tout de ce pas leur donnent l'orge.Que ſi d'auen- contre les
tureils eſtoient moleſtez de mouches,ils les frottent de beurre,lequel tant plus frais mouches
ileſt & recent, tant plus grand'efficacea-il de les faire mourir. Si que le ſoin qu'ils .
ont de bien panſer & gouuerner leurs cheuaux,ioinct le bon & fort naturel d'iceux,
eſt cauſe qu'ils leurs durentainſi longuement ſains & gaillards, ſans eſtre expoſez à
tant d'inconueniens que ſont les noſtres,nonobſtant que parfois il leur faſſent faire
des traictes & autres courſes preſq'incroyables : Car il ſe lit que deuant Zara ville raia ,
de l'eſclauonie, il n'ya pas gramment encore, la cauallerie Turqueſque fit en vne eſt ges.
nuict plus de vingt-cinqlieués pour ſurprendre leurs ennemis, qu'ils chargerent de
plainearriuee ſans autrement faire alte pour reprendre haleine : & apres les auoir
defaits, rebrouſſerent tout de ce pas le chemin qu'ils eſtoient venus, ſans repaiſtre,
ny que leurs montures ſ'en trouuaſſentautrement ſurgreuees. Et à la veritél'on en -
voit aſſez de bien grands efforts en ces quartiers meſmes de pardeça. L'oRDINAIRE Pourquoy les
aureſte eſt de les chaſtrer, non pour empeſchcr que les Chreſtiens quiles enleuent †
n'en faſſentrace,ainſi qu'on cuide, car de cent cheuaux que les Turcs meſmes gar- leurs cheuaux.
dent poureux,à peines'en trouuera-ildeux ou trois d'entiers;& ceux-là encore ſont -
à meilleur marché que les autres; ains pour euiter qu'ils ne ſoient trop fogoux & ,
&tempeſtatifs,à quoy ils ſont ſubiects naturellement pour leur grand'ardeur &
H H iij
346 - Illuſtrations ſur A
courage, & parconſequentvicieux & enclins à mordre & ruer, ce que ces gens là
pacifiques de leur humeur,abhorrent ſur toutes nations de la terre : pour les garder
auſſi de hennir & criailler en leurs embuſcades, & la nuict ſurtout dans le camp, où
tout eſt lors en vne merueilleuſe tranquillité & ſilence,ſique ſivn cheualeſteſchap
pé, ſon maiſtre n'oſeroit ſur peine de la vie courir apres, ny faire bruit, ou mouue
ment pour le reprendre en ſorte quelconque. Dauantage eſtans chaſtrez, ils ſont
moins dangereux à ſe morfondre, forboire & combattre : & ſe tiennent par meſme
moyen plus gras & refaits , plus polis & luiſans, & la crouppe plus rebondie que les
,, de ºntiers qui ſont ordinairement plus cornus,& ne peuuent endurer ſi bien le trauailà
† la longue. Ils ne ferrentpasauſſileurs cheuauxà noſtre mode,& ne leur creuſent la
- corne quand ils la parét, pouſſans en dehors auecvn bouttouer appuyé ſur la cuiſſe,
ains en retirans en dedans à eux, auec vne plane preſque ſemblable à celles dont
vſent les charrons & torneurs,l'applaniſſans toutvnimêt.Et les fers ne ſont ſi lourds
& maſſifs à la moitié pres que les noſtres, n'ayans point de crampons, ains ſont plats
comme les ſolles des mullets de coffre,parce qu'ils ne les fontiamais torner en rond
de pied coy,& ny ne les manient à paſſades ainſi que nous, bien eſt vray que les teſtes
des clouds ſont plus groſſes,& plus longuettes,à guiſe d'vn cœur de pigeon renuerſé
la pointe en bas,principallement ceux du train de derriere vers le tallon, ce qui leur
ſert d'autant de crampons : & auront bien la patience d'employer vne bonne heure
à aſſeoirvn fer, tantils ſont exactes & ſoigneux en cela , auſſileur dureront-ils cinq
L ou ſix mois ſans ſe deſmentir, ne qu'il y faille rien refaire, en allans meſme par pays.
† LE v R s ſelles ſont fort legieres, & non ainſi materiellement rembourrées que les
noſtres, ce qui ne ſert auſſi bien qu'à ſurcharger & greuer vn cheual, & le caſſer la
pluſpart du temps ſur le dos, & ſur le garrot.Tout le reſte de leurs harnois nonplus,
• auecvn ſimple poitrail qui ne les ſerre ny contrainct, comme ne fait auſſila croupie
re qui n'a pointnonplus de pendans, de peur que venant à battre le long des cuiſſes,
& des flancs celane ſoit cauſe de faire demener le cheual. Mais ſur la crouppe ils
ont ordinairement vngiret,d'eſcarlatte,velours,broccador, ou autre eſtoffe , ſelon
leurs facultez & moyens : & à la ſoubſgorge de longs flots & houppes de ſoye de di
uerſes couleurs; ou de la queuë & creins d'vn cheualteints de rouge, ou iaune do
tſlriefs. ré,telles à peu pres dont vſent les Hongres,Allemands,Polonois,& Valaques.Leurs
eſtriefs ſont larges d'aſſiette, affin de ſe pouuoir ſouſleuer là deſſus, car ils cheuau
chent fort court,comme à la genette, les iambes racourcies & reploiées conforme
Enerons mentà leur maniere de s'aſſeoiràterre , auec de cours eſperons, mais garnis riche
- ment de larges courroyes develours ou draps d'or, quelques vns les portent atta
chez,ou pluſtoſtancrez à la bottine,le tout tres-magnifique & ſomptueux ce qui ſe
peut : car en cela lesTurcs ſurpaſſent de bien loin toutes autres manieres de gens,
comme ceux qui employent la meilleure partie de leurauoir, d'autant qu'ils n'ont
rié en fonds d'heritages à eux en propre, àl'equipage de leurs armeures & cheuaux:
. & n'ya preſque Turc, qui ſoit aumoins de quelque compte & eſtime, lequel n'aye
des reſnes de grosiazerans d'or,pour le moins d'argent, le mords, les eſtriefs, & ar
ons de meſme, & pareillement la ferrure de leurs cheuaux,pour ſe promener par la
ville, auec force pierrerie meſlee parmy, & ſemblables enrichiſſemens, s'ils en ont
- tant ſoit peu le moyen. -
Trois auues EN ceſte premiere eſcurie qui eſt en laſeconde cloſture, bien eſt vray qu'elle a
† encore vne autre entreeenlatroiſieſme où eſt le logis & demeure de laperſonne du
§. Prince, ya d'ordinaire deux cens pieces de grands cheuaux tous deſlitte, tant pour
ſon vſage que pour monter ſes domeſtiques les principaux, auecvn pallefrenier de
deux en deux pour les panſer,qui ne bougentiamais de l'eſtable. Il y en a outre-plus
vne autre dedans le troiſieſme pourpris & enceinte,d'enuiron quarante ou cinquan
te plus exquis encore, pour ſes Eunuques, & les pages plus fauorits : & huict ou dix
autres pour ſa perſonne tant ſeulement, où il n'ya que luy qui monte, au moyen de
quoy on les meine en main pour monſtre & parade, quand il ſort pour aller faire ſes
prieres à la Moſquee, tous alors ſirichementequippez d'harnoyscouuersde pierre
ries, que tel enyaquivaudra plus de deux cens mille eſcus. Il y a encore d'autres
l'Hiſtoire de Chalcondile. 347
cheuaux de reſerue à Andrinople,Bourſie, Salonichi,& ſemblables lieux tant de la
Grece que de l'Anatolie,où il pourroit faire parfois quelque reſidence & ſeiour : &
ſien entretient çà & là en pluſieurs haraz iuſques au nombre de quatre à cinqmille,
pour monter les ieunes gens qui ſortent hors de ſon Scrrail, ce que nous appellons,
mettre hors de page : car n'ayans rien à eux,nypoint de parens,d'où ils ont eſté enle
uezieunes garçons,qui les puiſſent ſecourir d'vn denier,la prouiſion qu'ils tirent du
Prince,de quinze à vingtaſpres le iour,quand bien ilsl'eſpargneroient toute entiere
durant le temps de leur ſeruice dans le Serrail, à peine leur ſuffiroit-elle pour les
monter & equipper; au moyen dequoy le Prince pour la premiere fois ſubuient à
cela;mais delà enauant ſi leurs montures viennent à ſe gaſter ou mourir,il faut qu'ils
enacheptent d'autres à leurs deſpens, ſur la ſolde & appointement qu'on leur don
IlC, - -
braorbaſi ougrandeſëuier, lequela trois ducats d'eſtat pariour, outre trente mille grand Eſcuier.
aſpres, qui font ſix cens eſcus, de Timar ou reuenu annuel qu'il tire des prairies de
l'Anatolie.Ila en premier lieu milleSardeiler deſſoubs luy, appointez de ſix à dix aſ Saraciler,palle
renier.
pres le iour; dontily en a quelques deux cens des plus adroits deſtinez pour les eſ
curies du Serrail à Conſtantinople; le reſte eſt departy ailleurs où il a eſté dit ci-deſ
ſus : & quand le Prince marche en camp, ils ont la charge de panſer non ſeulement
les cheuaux, mais les chameaux encore, & autres bcſtes de voicture,qui portent les
tentes & pauillös du Seigneur; ſon threſor & autre equippage tant de luy que de ſes
domeſtiques; meſmes les armes; car les Turcs ne vont pointarmez à laguerre,ſinon
quand il eſt queſtion de combattre; parquoy il y en a encore cinq cens autres de ſe
cours ſoubs vn Chefappellé Gepigibaſſi,qui a ſoixante dix aſpresleiour,leſquels con Gepigibaſsi
Chef des coii2
duiſent les chameaux chargez de iacques de maille,aulbergeons,targues,arcs & fle ducteurs des 4
ches; auec desaiz & planchages pour remparer,qui ont deux longues pointes de fer Chameaux,
àl'vn des bouts, pour les ficher en terre, pour-autant qu'ils ſe mettent à couuert au
derriere,munis ainſi que d'vne paueſade en gallere,contre les coups de fleches&ar
quebouzades; qui eſt vne eſpece de leurs mantellets. Ilya bien quinze autres mille
Saraciler quandon eſt en camp,appointez de quatre à cinq aſpresle iour, conduiſans -
chacun trois chameaux qui portent les munitions de l'armee; les tentes des Ianiſſai
xlv mille Cha
res,&autres de la cour & ſuitte du Prince; dubronze pour fondre la groſſe artillerie meaux
deſſus les lieux, les poudres,boullets,ponts à baſteaux,& ſemblable attirail requis à cture endevoi
l'ar
laguerre : car lesTurcs n'vſent point de charroy. Mais les deuant dits ſont entrete m ee du Ture
nus d'ordinaire durant la paix, & ceux-cy ſeulement à la guerre : comme ſont auſſi
Voingler,fauls
quelques mille ou douze cens Voingler, ſoubs la charge encore du grand Eſcuier, cheurs,
maisnon pas eſclaues du Turc,ny renicz; auſſi n'ont-ils point de gages,mais en lieu
de cela ils ſont exempts des decimes & autres contributions; eſtans tous Chreſtiens
Grecs,ou de la Boſſine, & Seruie, leſquels quand il eſt queſtion de faire vne armée
Imperialle ſe repreſententà Conſtantinople garnis d'vne faulx pour faucher l'her
be,qu'ils fourniſſentau camp aux cheuaux du Turc. - Ils ſe retirent en l'eſcurie, &
ſont entretenus de leurs gens propres à dix ou douze aſpres le iour. Il y a puis apres
trois cens Mareſchaux,que maiſtres que vallets,appointez ſelon leurs degrez & me Mareſchaux
rites, depuisquatre iuſqu'à dix aſpres, dont les vingt ſont pour mediciner les che
uaux,quaräte des plusieunes & robuſtes forgent les fers,& les clouds, les autres fer
rent les autres chaſtrent, le reſte ſont ſerruriers & eſperonniers : Tous leſquels ſont
payez de leurs vacations & ouurages, outre la prouiſion deſſuſditte qu'ils touchent
preciſement à chaſque quartier de l'anneee. - º , .. • • • -- : ,* i * » .
-
DE L'EscvRIE auſſi dependent encore deux ou trois cens ſelliers,qui ont de ſix à Selliers, & ef.
dixaſpres le iourautantà la paix qu'à laguerre, parce qu'ils ſont tenus de ſuiure le peronniers. .
camp partout où il marche,mais ils ſont payezauſſi de leurs manufactures. Iln'ya
gens au reſte en tout le monde qui plus proprement trauaillent en ouurages de cuir
& plus à profit que les Turcs,ſoient en bottines & ſouliers,ſoient en ſelles & harnaſ
chemensdecheuaux,ne quiayentà ceſte fin de meilleurs cuirs,&mieuxaccouſtrez
-
348 | Illuſtrations ſur
de maniere que toutainſi qu'vn cheual ſeruiraàvnTurc pour toute ſa vie, vne ſelle
& harnois dureröt de meſme à vn cheual pour la ſiéne:cartout eſt couſu de fine ſoie
en arrierepoint,laquelle dure bien plus que le fil,& ſi proprement qu'il ne ſeroit poſ
ſible de plus,ioinct les enrichiſſemens d'autres cuirs de diuerſes couleurs, placquez
& enchaſſez,& ancrez dans l'autre cuir qui ſort de fonds,à fueillages moreſques, &
àguillochis,ainſi que le damaſquin ſur le fer,& la marquetterie ſur le bois.
- L'IM B R o o R B Ass 1 donques ou grand Eſcuier eſtl'vne des plus belles & fru
ºº ctueuſes charges de tout le Serrail, d'autant qu'outre ce qu'il commande&ordonne
en Chefde tout ce qui depend du fait des Eſcuiries & haraz, tant à la guerre qu'à la
paix, & a de fort grands emolumens & proffits, c'eſt luy qui monte le ſeigneur de
•Checaya,de ſa main, & le ſouſleue ſur ſon cheual , qui n'eſt pas petite faueur. Il y a vn Checaya
§ deſſoubs luy, qui ſignifie ſon ſubſtitut & contreroolleur, lequel a trente aſpres le
la# gººr iour : & vn iaizy appointé à vingt, leſquels tiennent le regiſtre & contreroolle des
" Eſcuiiiest Tous les autres offices & dignitez de Turquie,out enleur endroit chacun
ſon Checaya,& Iaizy. - - -
Cucchinc IL ya puis apres le Cucchinc Imbroorbuſi,tel à peu pres que le premier Eſcuier en
Imbrºerºaſi, uers nous,lequela deux ducats par iour, & quatre cens ducats de reuenu ou Timar
§, annuel, ainſi que l'autre ſur les prairies & paccages, auec vn contreroolleur & Eſcri
uain appointez comme les deux autres. Ceſtui-cy en l'abſence & ſoubs l'authorité
Petite Eſcurie du grand Eſcuier commande à la petite Eſcuirie,tant pour le regard descheuaux de
ſelle,que des mullets,Chameaux,& autres beſtes de voicture, qui portét l'equippa
ge du Turc quand il eſt en camp, ou va par pays : & durant la paix encore eſtant de
reposau Serrail : meſmemét pour faire diſtribuer le foin & orge à ceux qui ont leurs
cheuaux à liuree, comme ſont tous les domeſtiques & Ambaſſadeurs,Saniaques, &
autres Capitaines ſuruenans à la porte : & autres qu'il deffroye de leurs montures,y
ayant pour cet effetvn Arpaemin, pouruoyeur d'orge, de foin, & de fourrage, qui a
A paemin ſoixante † le iouri & ſoubs luy deux censArpagilar ſes commis, payez à raiſon
† de de huict à dixaſpres,qui donnent ordre que rien ne manque de ces fournitures, tant
oin & º'ºge à la paix pour les cheuaux du Serrail, qu'à la guerre pour tout le camp : car les ha
Arpagilar,ſes
†" raz, & les Chameaux ne dependent rien meſmement durant la ſaiſon de l'Eſté,
- pour-autant qu'ilya force paccages deſtinez à cela, ioinct que pour le regard des
Traictement Chameaux ils ſe nourriſſent preſque de rien, voire de moins encore que ne font les
deschameaº aſnes , & ſe contenteront de rencontrer quelques chardons, & rameaux d'arbres,
auec autre telle miſerable verdure,au ſoir ceux quiont moyen leur donnent quel
ue petit picotin d'orge,accompagné d'vn peu de paille hachee parmy : quant à les
† & eſtriller, ils n'y ſont pas accouſtumez, & les laiſſent lanuict dehors tout à
l'erte, parce qu'ils ne ſont point autrementſubiects à ſe morfondre : & ſi deux por
teront plus peſant que trois forts mullets: fortaiſezau reſte à charger & deſcharger,
carils ſe couchét pour receuoir plusàl'aiſe les fardeauxſurleur dos,puisſereleuent,
de maniere que trois hommes duits à cela, auront pluſtoſt chargé cent Chameaux
à leur mode, que quatre de deça n'auroicnt ſix mullets ou ſommiers : & vn ieune
garçon aagé de douze à quinze ans ſeulement, en pourra tout ſeul deſcharger plus
,
de cent cinquante en moins d'vn quart d'heure, parce qu'il ne faut que laſcher le
nœud des cordages où les balles ſont attachees, qui s'envont doucementd'elles
meſmes par vn contre-poixtouteſgaliuſqu'enterre, ſans aucune precipitee ſecouſ
ſe, comme ſion les aualloitauec des pollies & vn guindail.Avx Chameaux aure
Deuxilarcon- ſte on donne communément de trois en troisvn conducteur qui s'appelle Deuegilar,
ducteur de de Deueh, qui ſignifie Chameau. Somme que ces animaux leur ſont d'vne mer
" ueilleuſe commodité & ſecours, principallementen loingtains voyages, par des
pays ſecs & ſteriles : car ils ſe paſſeront à vn beſoin cinq ou ſix iours de boire, &
lus encore , outre le peu de nourriture & entretenement qu'il leur faut : auſſi
c'eſt vne choſe preſqu'incroyable du grand nombre qu'ilsen ont ordinairement en
leurs camps & armees : car on dit que Sultan Selim le biſayeul d'Amurat, qui
regne à preſent, lequel defit le Souldan d'Egypte , & mit fin à l'Empire des
Mammeluz,
> • , . - -" - - -
MA 1s pour retourner aux Eſcuries, & meſme celles du Serrail , eſtans ainſi bien
fournies des plus exquis & meilleurs cheuaux de la terre, elles ſont auſſi l'vn des
principaux paſſe- temps du Prince en ceſte ſienne ſolitude, dont il ne ſort en temps La vie du Tºrë
de paix qu'vne fois la ſepmaineau plus, pour aller faire ſes deuotions és Moſquees: §
mais auſſi bien quel plaiſir pourroit-il auoir à ſe promener plus ſouuent par la ville, reciuſe.
parmy des gens ſerfs & beſtiaux auec leſquels il ne pourroit auoir aucune conuerſa
tion familiere : Ioinct que les ſeigneurs Turcs,& non ſans raiſon,obſeruent fort,at
tendu les gens qu'ils dominent, de ne ſe communicquer à eux que le moins qu'ils
peuuét,mais ce n'eſt pas de meſmes és regiös de deçà, où le peuple eſt trop plus franc
&genereux,& veut voir plus ſouuent ſon Prince. Quelquesfois, & quand bon luy
ſemble, le Turc paſſe le deſtroit de Conſtätinople pour aller à la chaffe & à la volie
rie à Scutari; ou bien ſe va eſbattre ésiardinages & lieux de plaiſance qui y ſont : ou
ſans paſſer la mer, faire de petits progrez, à Selinrce, le Fanari & autres cndroits le
long de la Propontide,& la mer-maiour : quelquesfois encore iuſqu'à Andrinople,
où il ya plus de quarante lieuës : mais tout cela eſt à ſon priué, auec peu de train à la
deſrobee & ſans pompe ne magnificence, ny en charriant vne longue queuë &
trai- ·
nee de cour apres luy comme font nos Princes, ce qui reſſemble mieux vn petit
camp vollant qu'autre choſe , attendu les deſordres & maiuerſations que leur
train & ſuitte commettent tant par les villages au plat pays , qu'és villes cloſes,
où l'on ne ſçauroit auoir gueres de pires hoſtes que ce qu'on appelle les Courti
ſans. -
eſclaues, qui à peine oſeroient ietter l'œil ſur ſon ombre, ne ſur les marques de ſes
Pas:auecquelques Eunuques plus mauſſades & decrepites que la vieille de Zeuzis,
dontl'aſpect en eſt non tant ſeulement ridicule, mais deſpriſable quant & quant, &
tres-ennuyeux. Il ne iouë au reſte à ieu quelconque de hazard : car cela eſt nom
méement defendu par la loy, comme ſont auſſi les eſchets & les tables, mais il s'en
diſpenſe aucunement : ny à ceux d'exercice nonplus, car il n'a perſonne aucc qui -
ioüer. Pour toutil boit & mange quand il veut, fort groſſierement toutesfois : ſe .
promeine, & fait de beaux chaſteaux en Eſpagne ſibon luy ſemble, ayant de belles
longues galleries à ceſte fin, & de ſpacieux iardinages : de femmes, & autres vene
riennes voluptez pluſqu'à regorger, mais ſans aucune ſaulce ny appetit pour les ren
dreplus agreables, quieſtle demenement de l'amour, & les obſtacles & refus qui
l'auinent toutainſi que l'eau iettee deſſus la forge d'vn mareſchal , ou vn ſouflet
Pourattiſer le feu, car toute iouyſſance ſitoſt obtenue ſans contradiction eſt fad
de & languide, fuſt-ce de la plus belle creature du monde, s'il n'y a pour lareſ
uciller par interualles, quelques entremets de bonne grace, entretien, affecte
tie, mignardiſes, courroux, deſpit, deſdain , ialouſie, mais c'eſt tout ainſi que du
ſtorax liquida parmyles parfums, ou des viperes dans la theriaque, car ſi l'on ne
veut perdre & gaſter tout, il faut y aller auec grande diſcretion : là où celluy
qui a toutes choſes ſans reſiſtence quel plaiſir y peut-il auoir, aumoins au prix
de ceux qui apres vn long mendié prochaz, viennent à fin de leurs preten
- HE
35o Illuſtrations ſur
tions. Car ces pauures creatures deſtinees pour ſon vſage ſont ſi craintifues &
' eſperdues quand illes vient à aborder pour en aſſouuir ſon deſir, voire eſblouyes
du reſpect de ceſte grande maieſté, qu'elles ne luy oſeroient ietter vne ſeulle
oeillade,ny donner quelque traict de langue pour luy reſchauffer ſon affection, ains
demeurent là toutes mornes , taciturnes , & intimides , à guiſe preſque d'vne
perdrix toute preſte à tomber dans les ſerres de quelque aultour : outre ce que
pour la pluſgrand'part elles ſont lourdes, groſſieres, & malappriſes, comme nour
ries en vne captiuité & ſilencç plus eſtroit & auſtere aſſez que nos religieuſes :
brief que ce ſont preſqu'autant de ſtatuës immobiles , quelque perfection de
# beauté dont nature les ait douées , qui deſire d'eſtre accompagné d'vne bonne
grace, & attraits , mais cela ne ſe peut pas bien obtenir ſans de l'honneſte li
berté. -
Qv ANT aux pierreries & autres richeſſes dont il ſe peut equipper & parer .
en diuerſes , cela eſt à la verité comme ſans nombre.ne meſure , & y peut bien
auoir du plaiſir & contentement, quand il ſor: , à ſçauoir , pour aller faire ſes
prieres , où tout le monde le peut voir emmy les rues auec grande admiration &
applaudiſſement de ceſte ſienne beatitude, qui luy redonde en l'eſprit ainſi que
la reflexion d'vn miroüer , à guiſe des Paons , leſquels plus volontiers font la
rouë en la preſence des perſonncs , que quand ils ſont ſeuls, ſuiuant le dire du
Poëte, Candatts expandit auis Iunonia pennas : mais quand il eſt retiré à par ſoy de
dans ſon Serrail, qui eſt-ce qui le peut admirer, qui luy tourne aumoins à quel
que chatoüillement d'aiſe en ſon cœur, car ce ne ſont que pauures vallets ſtupi
des ſans iugement, cognoiſſance , ny apprehenſion : Brief que tout cela ſe rap
porte à l'exemple d'vn autre Narciſſe qui ſe contemple & admire ſoy-meſme dans
vne fontaine : mais d'autre coſté on alleguera, qu'eſtans dés le berceau nourris en
ceſte maniere de ſolitude, ils n'apprehendent point d'autres plaiſirs, non plus qu'vn
religieux qui ne ſeroit iamais ſorty hors de ſon conuent, ou vn naturel de Seriphe,
qui n'en eſtant oncques party reſtreindroit la grandeur de toute la terre habitable,
àl'eſtendue de ceſte Iſlette : outre ce que toutes nos recreations ſe meſurent ſelon
lesgouſts, humeurs, & enclinemens où noſtre naturel nous pouſſe : car tel par ad
uenture ſe reſiouyra plus de demeurer ſeul tout le long du iour à entretenir ſes pen
ſées, que de ſe trouuer parmy toutes les plus gayes & gracieuſes compagnies qu'on
luy ſceuſtattiltrer pour luy donner quelque plaiſir.Dauantage les Turcs, voire tous
les Orientaux ſont de leur complexion ordinairement mornes,ſolitaires,melancho
liques, & peſans,nourris & accouſtumez des latédreur de leur enfance à oiſiueté &
repos. Puis lagrand'flotte desaffaires ſert à ces ſeigneurs d'autant d'exercice & oc
cupation, d'entretien, & de paſſetemps; leur eſtant beſoin d'auoir ſans ceſſe l'eſ
prit tendu aux negoces qui ſe preſentent : ioinct les guerres continuelles, les longs
voyages, entrepriſes, & expeditions, où preſque tous les ſeigneurs Turcs ont iuſ
ques icy employé la meilleure part de leur aage. En apres le grand contentement
. qu'ils ont en leur eſprit, de commander à tant de peuples, & de telles forces , tant
par la terre que par lamer & à vne ſigrande eſtendue d'Empire : d'eſtre ainſi obeiz,
honnorez , & preſqu'adorez à pair d'vn Dieu , non ſeulement de leurs ſubiects
propres, ains des eſtrangers : ſi craints, redoubtez, reſpectez des principaux poten
tats de la terre : tant de beaux meubles, pierreries, vaiſſelle d'or & d'argent, & au
tres ineſtimables richeſſes en leur diſpoſition & pouuoir : Tant de voluptez & de
lices de toutes les ſortes que la concupiſcéce charnelle ſçauroit ſouhaitter ny appre
hender:Toutes ces choſes certes leur peuuent ſeruir d'vn treſ-grand contentement
& plaiſir.Ils font en outre de petits progrez & ſaillies, quand,& où bon leur ſemble,
pour aller çà & là à l'eſbat de coſté & d'autre à la châſſe & à la vollerie, cöme ila eſté
dit cy-deſſus, à quoy les Turcs ſont plus adonncz que les autres, ſelon qu'on peut
voir vers la fin du troiſieſmeliure de ceſte hiſtoire,que Baiazet,celuy qui fut pris du
grand Tamburlan, encore que l'eſtendue de ſon Empire ne fuſt telle la dixieſme
Partie qu'elle eſtauiourd'huy, cntretcnoit neaumoins d'ordinaire plus de ſept mille
- . pieces
l'Hiſtoire de Chalcondile. 35i
pieces d'oiſeaux de proye , auec des faulconniers à l'equipollent , & ſix mille chiens. Merueiiieux .
Mais cela varie ſelon lcs humeurs des Princes plus enclins qui à vne choſe, qui à vne| # º
| º'conne,ie.
autre. Penſez quel contentement pouuoitauoir en ſon eſprit, Solyman,vne fois §
quepoſſible,
le ſe promenantalentour de Conſtantinople
la pouppe toute tendue dans
& reueſtue de vne galliotte
tres-riches doree & diaſpree # †.
tapis & draps d'or : Et ºº
au lieu de banderoles,panonceaux,& flambars,garnie d'infinies enſeignesgaignees
ſur les Chreſtiens; luy tout couuert de pierreries d'vne ineſtimable valeur, & aſſis
parmy des couſſins eſtoffez de meſme,ſi qu'à peine l'œil humain en pouuoit ſuppor- . - -
ter l'eſclat, vn Royau timon,aſſauoir celuy d'Arger Cairadin Baſſa ſurnommé Bar- .
· berouſſe, & vn autre à l'eſtenterol, Dragut Roy des Gerbes; la Cheurme toute de |
bien & ſoigneuſement leurs cheuaux, & leurs chiens que les Turcs : carils ne deſ- #"
conurentiamais leurs montures de leurs caparaçons de toile fors que pour leur met-§ &
tre la ſelle : ne les chiens de leurs giacques que quand ils les veulent faire courir : les º
tenans nets & polis ce qui ſe peut, voire d'vne plus grande curioſité que leurs pro
pres perſonnes : & les lauans fort ſouuent auec du ſauon noir & eau tiede : Ils ne
les laiſſent point non plus coucher ſur le foin de peur de la galle, parce qu'i! les eſ
chauffe : mais ſur de la paille fraiſche : ou communément ſut vne meſme ſor
tedelictiere que les cheuaux, faite de fiens deſſeiché, & broyé menu, bien battu,
auec des eſclauines & mantes eſtendues deſſus. Le matin ils leur donnent du pain
competemment, mais peu à peu par petits morceaux, & non pas tout à vne fois,
ce que nous ne practiquons pas ſi exactement , & de l'eau bien nctte. Puis le
ſoir autant encore, ſans broüet, chair ny potage, ne des os ſur tout, de peur
de leurgaſter les dents : Trop bien leur font-ils manger tous les mois deux à deux
Vne teſte de mouton cuitte, & ſaulpoudree de ſoulphre , pour leur nettoyer le
ccrueau , & les inteſtins, les mettre en haleine, & leur entretenir l'enſentiment,
& quand aux liſſes & leuriers , ils les tiennent beaucoup plus maigres que non- -
Pas les maſles ; ne les laiſſant toutes-fois porter en tout plus d'vne fois en leur ·
Vie L E s M A R Q v E s qui leur plaiſent le plus és leuriers , ſont vne che-si ucs d vit
rcmorne & melancholique , tenans la queuë ſerrée entre les iambes , lon- §'
gue & deliée à guiſe d'vn rat, ou pluſtoſt d'vn Lion , bouquettée à l'extre- " "
º de derriere
mité , la patte longuette, la crouppe large, l'entre-deux dp -
- 1 lj , "
:
352 Illuſtrations ſur
fortbien ouuert, comme auſſilaharpeure,venantà ſe reſtroiſſirparle flanc, le mu
Equipage de ſcau
pointu,& le poil raz & liſſé : Toutes leſquelles cognoiſſances nous approuuons
†du à peu pres és noſtres. A v R E G A R D en particulier de l'equippage de la venerie du
Turc. Turc,il varie auſſi ſelon l'affection que les vnsyont plus que les autres : mais d'ordi
seimenbaſſi
grand Veneur. naire il yavn Seimenbaſi ou Chef des Veneurs, qui a cent aſpres le iour, & ſoubs
luy mille que Seimen, picqueurs à chcual,quevallets de chiens à pied : ceux de che
uai ont de douze à quinze aſpres, & de pied huict ou dix, qui meinent chacun vne
Tagarzibaſ$i,
maiſtre des
leſſe de deux leuriers. Il ya dauantage vn TagarXibaſ,qui commandeaux bracques,
braconniers. & chiens courans, lequel a mille Ianiſſerots deſſoubs luy, dont chacun endroit ſoy
en gouuerne & conduitdeux ou trois coupples, de maniere que le nombre en eſt
Les maſtins. grand : mais tout cela eſt ſoubs la charge du grand Veneur. QvANT aux maſtins
ils n'ont communément point de maiſtres particuliers és bourgs& villages, & ſine
laiſſent pas pour cela d'eſtre nourris & entretenus,ſans entrer toutesfoisés maiſons,
à cauſe qu'ilyapartout des tapis eſtendus par terre : Parquoyils tiennent au dehors
en quelque coing de petites aulges de pierre, où ils portent leurs reliquats : & les
chiens ſelon ce qu'ils ſont accouſtumez d'yfaire la garde,ſyaddreſſent pour ſ'enre
paiſtre,ſans permettre aux autres d'en approcher. Ils en repouſſent quant & quant,
Adils, Loups mais c'eſt la nuict,& dechaſſentvne eſpece de petits loups qu'ils appellentAdil,fort
del'Aſie.
friands d'entrer és villages, pluſtoſt pour y larreciner s'ils trouuent rien dequoy à
l'eſcart,ſoyentbottines,ſouliers,chappeaux,brides,courroyes,& ſemblables hardes
car ils ſont enclins de leur naturel à cela, combien que meſmes ils ne les rongét pas,
tants'en faut qu'ils les deuorent, que pour rauir nyfaire aucune nuiſance aux per
ſonnes,ny au beſtail : en vulgaire Grec on les nomme Squilachi, vn peu moindres
qu'vn loup commun : & abbayent à guiſe d'vn chien, ayans le poil d'vn fort beau
iaune paillé.Ils vontàgrandes trouppes iuſques au nombre parfois de deux cens &
plus.Somme que l'Aſie en eſt pleine,principallement la Caramanie.
Faulconnerie
Turqueſque.
MAIs lesTurcs ſont encore plus adonnez à la faulconnerie qu'à la chaſſe, d'au
tant qu'elle n'eſt d'vn ſi violent & laborieux exercice, parquoy ils entretiennent à
ceſte fin vn grand nombre d'oiſeaux de leurre,& de poing encore : les gerfaux leur
viennent de Norvegue,Suede,Moſchouie, & ſemblables regions Septentrionalest
Les Sacres, de la Caramanie & autres endroits de l'Aſie, où l'on eſtime qu'ils font
, leursaires mais les meilleurs ſe prennent au paſſage des Iſles,& tant plus loing dont
ils procedent,tant meilleurs ſont-ils,& plus excellens.Quantaux Laniers,Faucons,
Gentils,& Peregrins,baſtards de Sacre,& Tagarols,ils leur viennent de barbarie, &
des Iſles circonuoiſines de ceſte coſte les Eſperuiers,& Aultours,de tout plein d'en
droits de l'Europe,où il ya bien ſix mille meſnages de Chreſtiens, qui ſont exempts
du Carazzi, & tous autres tributs & impoſitions pour fournir chacun anau Prince
certainnombre d'oiſeaux de poing, lequel apres en auoir retenu l'eſlitte pour ſoy,
depart le reſte où bon luy ſemble,& pour cet effect entretient encore quelques mil
le Faulconniersd'ordinaire, qui ont de douze à quinze aſpres le iour, & deux che
uaux à liuree : auec autant d'accouſtremens de gros drap tous les ans, ſoubs la char
g#
rand Faul- . ge d'vn Doganxibaſſi, autrement Tſacregibaſſi, qui a deux cens aſpres de prouiſion
connier. chacun iour ils portent ordinairement deux oiſeaux ſur le poing , mais c'eſt ſur le
droict,au rebours de nous qui les mettons touſiours ſur le gaulche : Et ſi nourriſſent
parfois leurs oiſeaux d'œufs de poulle durcis,à faute de chair,leur façon de les leur
rer & reclamer eſt beaucoup plus ſimple que la noſtre, & ſans tant de tons& de voix
accompagnees de criailleries iuſqu'à ſ'eſgorger:carils ne font ſeulement que houp
per, & les oiſeaux ſont duits à les entendre de fort loing auec le branlement du
$ariana.le pºi-leurre. OR quand le Seigneur veut aller Sariana , comme ils dient, à ſçauoir,
ſir de la chaſſe,
& dc la volle prendre le plaiſir, & s'eſbattre à la chaſſe, & à la vollerie, qui eſt le plus com
rie. munément és entours de Scutari, delà le canal en la Natolie , il nomme ceux
dont il veut eſtre accompagné ; aucunefois d'vne grande trouppe, & des Baſ
ſats meſmes, enſemble des autres principaux, & plus apparents de la porte :
Par fois à peu de bruit, & ſeulement de quelque nombre de Spachis, & ſes plus
\ -
.l'Hiſtoire de Chalcondile. | 353
priuez domeſtiques. Par fois il dreſſera des parties dé chaſſes royalles , où il cſt
ermis à chacun d'aſſiſter, & participer au buttin : & là il prend tel deſduit qu'il
† plaiſt, à toutes ſortes de ſauuagine & de gibier : bien eſt vray quc le ſan
glier leur eſtant defendu par la loy pour eſtre du genre des porcs, il eſt abandon
né, apres en auoir eu le plaiſir, aux Chreſtiens : ſi la beſte quelle qu'ellc ſoit vient
à eſtre eſtranglée des chiens, ils ne la mangent point nomplus,par ce que toute vian ·!
de eſtouffée leur eſt interdite, & le ſangauſſi, commeaux Iuifs. Mais en ſomme ils
ſont grands chaſſeurs, combien que non ſiartiſtes & induſtieux comme nous : car
ils n'ont pas la traditiue ny methode ainſi exacte, cauſe de leur peſant naturel,groſ
fier, hebeté, de courre à force lesbeſtes faulues, & les noires; auſſi n'yail gueres de
gens ou point du tout, quifacent ce meſtier ſi exquiſement que font les François.
Av RE GAR D de la vollerie, nonobſtant qu'en toutes leurs actions ils ſoient fort
lourds, & bien peu ſpirituels, ſieſt-ce qu'en ceſtendroit ils ne nous doibuent pas
beaucoup , n'yaux Italiens en cas de vollerie, qui leur eſt en aucune recommanda
tion : mais de la groſſe chaſſe à force, ils ne ſçauent bonnement que c'eſt nomplus
que lesTurcs : mais chaque nation a ſon exercice à part qui luyplaiſt, ainſi que le
reſte de leurs couſtumes. - -
Le dedans du
Serrail du
L'V N des bouts de la ſeconde cour deſſuſdite, pres l'auditoire
Turc. du Diuan, eſt vne autre loge ou ſalette toute de marbres exquis, où
les Empereurs Turcs ont accouſtumé quelquefois de ſe preſenter
en public; & ioignant icelle eſt la troiſieſme porte du Serrail, gar
· dée de vingtcinq ou trente Eunuques : car là n'ont plus que voir ny
les I.iniſſaires,nyles Capigi, par ce qu'on entre par là dedâs en la de
meure priuée du Prince, où il n'eſt loiſible à perſonne d'aborder ſi l'on ne l'appelle:
& n'y a homme d'audeſſus vingt ou vingt deux ans qui ſoit entier, fors luy, & le Bo
ſtangibaſi, chef desiardiniers, comme il a eſté dict cy-deſſus : tout le reſte ſont ou
Monuques, c'eſtà dire taillez ric à rac; ou ieunes garçós enfans de Chreſtiens qu'on
yeſleue pour le ſeruice de ſa perſonne : & de là quand ils approchent l'aage viril, plu
ſtoſtou plus tard les vns que les autres ſelon leur diſpoſition naturelle,illesaduance
à telles charges que bon luy ſemble. SvR Qvox, il faut préallablemétentendre que
tout le faict du Turc, toutl'eſtabliſſement tant de ſa maiſon, cour, & ſuitte,en parti
culier qu'engeneral de ſon Empire, & du principal nerf de ſes forces, deſpend d'vn
- , perpetuel ſeminaire de ieunes garçons qu'il leue parforme de tribut ſur les Chrc
#†. # ſtiens reduits ſoubs ſon obeiſſance & ſubiection : ou qui ſont pris à la guerre, ou
penddesChre- les
1CI1S.
en cours
ayans tant par la terre
recouurez que pard'argent
à chreſme la mer; de
ou coſté
ceux &qued'autre
les marchants
: car il a luy preſentent,
de tous la fleur
& eſlite. Et n'y a charge, office, ne dignité, depuis la moindre iuſques à la plus gran
Toutes les de, fuſt-ce celle du Viſir propre, ou premier Baſa 'qui ne tombe és mains de ceux
· charges & di- cy; car les Turcs naturels en ſont du tout exclus ; ſoit que le Prince ne veuille com
† mettre aucun maniement nyauthorité à des perſonnes de condition franche, &
que, és mains apparentez: parce que les autres ſont touſiours eſclaues; (bien eſt vray que les Turcs
#º meſmes ſ'intitulent tels, mais c'eſt par vne forme d'höneur & reſpect qu'ils portent
- à leur ſouuerain) craingnant quelque reuolte & remuëment, à l'exemple qu'Au
guſte Ceſar ne ſe voulut oncques fier du gouuernement de l'Egypte à pas vn Sena
. teur Romain, de peur que par leur credit & moyés ils ne ſ'emparaſſent de ceſte Pro
uince, riche & puiſſante entre toutes autres, ains ſeulement à ceux de l'ordre des
Cheualiers : ſoit qu'il ſe trouue plus fidelement & ſoigneuſemét ſeruy de ceſteieu
" neſſe Chreſtienne Mahometiſée qui n'ont feu ne lieu, parents nyamis, non-pasſeu
lemcnt rien de ſouuenir de leur propre naiſſance, n'y autre attéte pour le faire cour,
qu'au ſeul eſpoir de la grace & faueur du Prince, qui les peut, ſ'ils trouuent gré de
uant ſaface,aduancer au rang de grands Roys : de maniere qu'on ne ſçait point que
iamais ils luy ayent fait faux-bon, ny manqué en rien de leur loyauté & deuoir, ains
, luy ont touſiours eſté ſi conſtamment affectionnez & fideles, que tout tant qu'ils
| ſont expoſeroient volontiers dix mille vies en vn ſeuliour, ſ'ils les auoient, pour ſon
ſalut & accroiſement. - -
Mode du Turc , L E Tv R c doncques de quatre en quatre ans, & bien ſouuentau bout de trois
†º ſelon que les occaſions ſ'en preſentent,ade couſtume d'enuoyer des Commiſſai
Chreſtiés, deſ res recueillir non la decime des enfans dont deſpend le deſſuſdit Seminaire, ſe
† † lon que quelques vns preſuppoſent, ce qui ſeroit bien moins onereux, & intolle
§º" rable, mais de troisl'vn : & encore celuy qu'on voudra choiſir, enquoy il ne faut pas
douter que ce ne ſoit le plus beau, ſain & robuſte, & le mieux formé de ſes mem
bres, des ieunes garçons fautentendre : car ils ne touchent point aux filles pour ce
regard, & ce depuis l'aage de huict à dix ans, iuſques à ſeize ou dixhuict : ce qui ſe
peut
l'Hiſtoire de Chalcondile. | 355
peut dire la plus enorme cruauté qui ſe puiſſe exercer des ennemis du nom Chre
ſtien, non tant pour le corps de ces miſerables infortunez, qui de libre condition
· ſontrauiz à vne trop execrable ſeruitude, & tranſportez en'eſtranges & loingtaines
contrées, ſans aucun eſpoir de reuoiriamais plus leur chere patrie,ne leurs deſolez
arens & amis:mais ſurtout de l'ame qui ſ'en va à perdition par ce que tout auſſi toſt -
qu'ils ſont arriuez àConſtantinople on leur fait leuer le doigtindice de la main droi
cte,& prononcer, ces mots icy; LA ILLAH ILAHAH, MvAMED REsvL ALLAH, Mots † -
Dieu eſt Dieu, & Mahomet eſt ſon Prophete : En-apres on les circonciſt, & alors ils ſont §"
Muſulmans, c'eſt à dire fideles Mahometiſtes : car ils abhorrent le nom de Turc,
comme eſtant ignominieux, & qui ſignifie en leur langage autant preſque qu'a
bandonné ou mauldit. | - - -
AINqui
ſtiens s 1 ſont
ce tribut
ſoubsdes enfans ſe du
l'obeiſſance leue indifferemment
Turc ſur toutes
: Grecs à ſçauoir, tant deſortes
l'Aſiedeque
Chre- ce que ſigni
de # IllOt
l'Europe, de la terre ferme & des Iſles : de la Boſſine, Albanie, Seruie, Raſcie, Mol- prouinces
dauie,Valaquie,Tranſſyluanie, Hongrie : & d'autre coſté en la Circaſſie,Trebi- †
ſonde, Mengrelie, Zorzanie , D'Armeniens point du tout, encore qu'ils ſoient §
Chreſtiens, & ſoubs ſa domination : car ils ne les font point eſclaues, à cauſe de †
certain priuilege qu'ils eurent de Mahomet, pour l'auoir vne fois recueilly & fa-§
uoriſé au beſoin, & auſſi qu'ils eſtoient Neſtoriens comme luy. DE Iv 1 F s, ils n'en & pourquoy.
enleuent point nomplus, car ils n'en font cas, & ne les eſtiment propres à rien qui #º
vaille qu'à traffiquer. T urcs.
chent que ſur la dure, & pour tout leur nourriſſement ont quelque petit meſchant †º
morceau de pain bis, auec de l'eau telle quelle, & à peine encore la moitié de leur »
ſaoul, habillez au reſte de meſme. #
Le legs du trePAssE
Turc.
E ceſte
dans vne ſalle troiſieſme
de moyenne porte qui eſt gardée
grandeur dontilaperles Eunuques,ſoudainl'onen
eſté parlé cy-deſſus, richement
- tapiſſée tant les parois que le par-terre, auecvn daiz à l'vn des bouts, eſleué de cinq
ou ſix marches, où le Turc reçoit les Ambaſſadeurs, & tient ſon conſeil general
quand les occaſions ſen preſentent: Puis mötant2.ou 3. degrezl'on entre en vneau
tre moindre ſallette carrée, trop plus magnifique que la precedéte : car les murailles
. ſontincruſtées de lames d'or,& d'argent,ouurées à la damaſquine & iameſque & de
pierreries ſans nöbre qui ſont enchaſſées parmy. Le plancher qui eſt voulté à cul de
four eſt tout orné d'vne ſi excellente muſaique, de petites pieces de criſtal argentè,
doré,& diaſpré de toutes ſortes de couleurs,comparties & rapportées en maniere de
marqueterie, à fueillages moreſques & guillochis : car de figures d'animaux, nópas
ſeulement d'herbes ny fleurs que la nature produiſe, ils n'en vſent aucunement.
AuxMahome-C'eſt là où les Baſſats, Beglierbeys, Cadileſchers, & les autres grands de la porte
†## viennent faire leur rapport au Prince tous les iours du Diuan : les ambaſſadeurs y
trefaire enleurs vont auſſi quelquefois luy baiſer la main. De là ſuiuent conſequemment forceau
# , tres ſalles,antichambres, chambres,garderobbes, cabinets, galleries, & ſembla
§ p§ " exquis
duiſt,
bles pieces pour ſon vſage,&&par
à Conſtantinople, ſecrette
tout ledemeure : cartout
reſte de leur ce qui
Empire, eſtoit
a eſté de plus rare
tranſporté &
en ce
lieu pour l'embelliſſement & decoration d'iceluy, le tout à vn eſtage tant ſeulement
COIllIllC
5 | T * ſ) ° . , . • • || " ' . . . **
|é apprennent à lire & eſcrire en Turc, Arabe, Perſien, Eſclauon, & autres langues, & †
à ſe deſnoüer à tirer de l'arc, lutter,ſaulter, courir, eſcrimer, & ſemblables exerci-" º (
ſieſme corps d'hoſtel ſ'appelle Chiler, où demeure le Chilerhaſi, qui a la charge des grand cteden
breuuages, & des confitures du Prince, & auec luy ſont bien deux cens pages pour"º
le ſeruice de ſa table : tous leſquels ſ'exercent comme les autres. Le quatrieſme eſt Le uatrieſine
le Chaſna, ou threſor, & y loge le Chaſnatarbaſſi, auec les pages dont il a eſté parlé le c† ou
cy-deuant
reille : leſquels
prouiſió que lesapprennent
autres: maislailsmuſique, & à ioüer des
ſont plus richement inſtrumens,
habillez, & ont pa-º !
de ſatin,velours, •
-
# damas, toile d'or:& ont de haults bonnets en teſte vallans de cent à deux cés ducats.
Ilya puiscapres
A LA L os vers
Tv RlaE marine la demeuregrand
de ce Serraililya du Boſtangibaſi,
nombre de & de 6.&à 7oo.
tours, iardiniers.
12. portes, cha- # du
cune garnie de gros huyz de fer,pourl'vſage du Prince,& des ſiens toutesfois on ne "
les ouure pas ſouuent, & ſinon au beſoin : ſept, à ſçauoir du coſté de la ville, & cinq
le long de la mer, dont celle du milieu qui regarde droit à Soleil leuant vers Scutari,
eſt flanquée d'vn gros tourrion de chaque coſté,bien garnis au reſte d'artillerie groſ
ſe & menuë : & au deuant en vne place large ſeulement de huict ou dix pas, & lon
gue de trente,ya bien cinquante autres bouches à feu affuſtées pour battre à fleur
d'eau : car c'eſt la ſecrette iſſue du Prince, par où il ſort quand il ſ'embarque dans ſa
galliote pour aller à l'eſbat en la Natolie. . | : . . . , --
: OR dans ce Serrail,comme il a eſté deſia dit cy-deſſus, n'ya homme au deſſus de Le dedans du
5 vingt deuxans qui ſoit entier, ny habile à cognoiſtre femme, fors le Seigneur, & leº
maiſtre desiardiniers: tout le reſte ſont Cadum, c'eſt à dire Eunuques du tout : & A Cadum, Eunu
· zemoglans. Quant aux Eunuques il y en peut auoir quelque cent d'ordinaire, de- ques.
† à diuers offices & charges : entre leſquels enya3. de plus grand'autorité que • • '
es autres: dont le premier eſt le Capigibaſi, le capitaine des portiers,qui en a ſous luy Cºpisiºaſi.
3o. deſtinez à garder la 3. porte, par où l'on entre au logis du Prince : & la nuict veille -
auec ſes Eunuques à tour de roolle, en l'vne des ſallesouantichâbres. Le ſecond eſt chaſiatirtaſt.
le Chaſnatarbaſſi, ou grand threſorier, duquela eſté parlé cy-deſſus,quiala charge du
threſor : & ſoubs luy4o.ou 5o.ieunes Azemoglansappcllez 4ſlaaglandari, qui ont de A la glandari.
—T
Turc. ment touſiours,& entrent à cheual quant & luy iuſqu'à la 3. & derniere porte. Cou- .
chét auſſi en ſa chambre, où l'vn d'entr'eux veille autour du lict, auec trois autres du
nombre des 2o. mentionnez cy-apres,qui ſont pareillement de la chambre:ſi qu'ily
cn a deux au cheuet,& autantaux pieds,auec 2.gros tortiz de cire blanche qui ardét
toute la nuict ſ'ils ont froid, ils prennent ſur eux des mantes fourrées de martresſu
blines tres-riches,& quelque liure en la main pour ſe des-ennuier,& garder de dor
mir : laquellegarde ſe fait ſeulement pour luyadminiſtrer les choſes requiſes: cöme
ſi d'auāture il ſe vouloit leuer pour faire les prieres de la minuit ou aulbe du iour,&à
ceſte fin ſe lauer;ou quelques neceſſitez de ſon corps.Tous ces pages là ont par mois
dix ducats d'appoinctement,& ceux qui ſont de garde partagent outreplus entr'eux
Menus plaiſirs tout ce qui ſe trouue de reſte au ſoir dans les poches de ſon Doliman ou ſottane : là où
†º le grandthreſorier eſt tenu de mettre tous les matins la valeur de 4o. ducats pour ſes
- menus plaiſirs,& aumoſnes,partie en ſultanins ou ſeraphs,ce ſont ducats de la valeur
des noſtres,& partie en aſpres: & ſont nourris de ce qui ſe deſſert de deuātle Prince,
tres-pompeuſement habillez au reſte,develours,ſatin,& draps d'or & d'argent,auec
de larges ceintures ouurées,de la valeur de 4o. ou 5o. eſcus,& des ſcoffions d'or, qui
en vallent plus de deux cens : Eſtans appellez à ce miniſtere depuis l'aage de 15. à 16.
ans,iuſqu'à ce que la barbe leur commence à poindre. Mais au ſortir de page ils ſont
touſioursaduancez bien pluſtoſt que pas vn des autres,iuſqu'à paruenir à † Agaz,
ouSaniaques,c'eſt à dire capitaines ougouuerneurs de quelque Prouince: & delà de
main en main àl'eſtat de Beglierbey,& finablemët de Baſſa,qui eſt la plus haute digni
té dc toutes : comme faitauſſi l'Iſaga leur chef Eunuque,car ces gens là bien que de
my-femmes, ne ſont pas exclus pour cela des grandes charges & manimens, meſme
desarmes, ains ſ'en eſtbien ſouuent trouué de tres-valeureux & grands Capitaines,
auſſi bien que Narſes ſoubs l'Empereur Iuſtinian : comme du temps de Selim pre
SinanBaſſa Eu-mier, pere de Solyman qui defit le Souldan du Caire parl'entremiſe de Sinan qui
†º" ſyportatres-vaillamment, & obtintlavictoire ſur les Mammeluts, où il fut tué: car
c'eſtoit luy qui commandoit en chef à toute l'armée Turqueſque.
Aſonglanlar , IL Y A en outre autres2o.pages qui ſeruentauſſi à la châbre appellez Aſongleanlar,
† enfans fauorits,ouscialangar,familiers , bien que de moindre credit que lesdeſſus
§ dits; leſquels de cinq en cinqà la fois font la garde en l'antichambre : & ont cinq ou
• ſix
l'Hiſtoire de Chalcondile. 359'
ſixducats le mois, ſans leur nourriture,veſtemés, & monture aux deſpens du Prin
:: ce. Leur chef pareillement eſt Eunuque, dict Tauétaga, lequel a trois ducats d'ap Ta…iagº
poinctement par iour, & vne prouiſion de plus de ſix cens,aſſignée ſur le reuenu du
Timarou domaine des villages & hameaux deſtinez pour l'entretenemét des Cour
tiſans,auec de fort richesaccouſtremés & fourrures, & des cheuaux en l'eſcurie tels
qu'illuyplaiſt. Ces pages-ey ont la charge de nettover la chambre du Prince,& faire
ſon lict, qui n'eſt pas dreſſé ſur vne couche de bois hauteſleuée ainſi qu'à nous, nais TLeurc..
lict du
ilya en la chambre de ſon repos de riches tapis cairins, deux matterats, & vn lict de
plume de velours cramoiſi en lieu de couttis, auecvn cheuet eſtoffé de meſme, &
trois oreillers, des coctepointes pareillement,& le reſte de l'equippage conforme; le
tout roullé ſuriour à vn des coings de la chambre : Puis ſur le tard quand il eſt heure
d'aller dormir, ils eſtendent le tapiz, & les matterats ſoubs quelque pauillon ou ciel i
carré,ſelon les ſaiſons,& le plaiſir du Prince: & mettent premierement vn gros mat
teraz de cotton tenant comme lieu de paillaſſe,& pardeſſus le lict de duuet : Puis fi
nablement vn autre matteraz plus delié,& vne coctepointe qui enueloppe & bande
le tout.Les linceux ſont de fine toile de Hollande qu'on leur porte de ces quartiers
de pardeçà, & leur eſt engrande recommandation, encore que par la loy il leur ſoit
§ de ſe deſpouiller,& coucher entre deux draps de lin ne de châvre.tellemét
qu'au lieu de cela ils ont accouſtumé de veſtir de longues chemiſes, & des marineſ
§ mais le Prince,& les grands de ſa Cour ſ'en ſçauét fort bien diſpenſerainſi que
e beaucoup d'autres choſes : ſi que la rigueur de la loy comme en toutes eſpeces de
religions,tombe ordinairemét ſur les petits,& le commun peuple.Aucunefois pour
lachaleur ſi elle eſt grande,le dernier matteraz eſt reueſtu de camelot ou de ſatin, &
ſemblables eſtoffes plus fraiſches que n'eſt le velours; auec des linceux de taffetas
armoiſi.En Hyuer leTurc Solimá,à ce qu'on dit, lequel deceda en sö extréme vieil
leſſe ayât pres de 8o.ans, auoit de couſtume de ſe ſeruir en cet endroit de fines four
rures de martres,&de certains renars noirs,dont le poil eſt lög&douillet ſurtous au
tres,mais telles peaux ſontfortrares & cheres,couſtans 5o.ou 6o.ducats la piece.par
quoy on les reſerue de toutes parts où l'on les recouure pour le ſeul vſage du Prince:
Neâtmoins il me ſembleroit qu'il n'ya pas grãde delicateſſe,ny gueres de volupté &
amour, au prix du linge qui eſt ſans comparaiſon trop plus aggreable & plaiſant à la Le dormir du
chair.Ce lictainſipreparé loin des muraillesſi qu'on peut aller tout autour,&lePrin;| Turc.
ce couché dedans,ils allument deux flambeaux de cire vierge,l'vn au pied,& l'autre
aucheuet,de l'autre coſté qu'il ſ'eſt endormy: & ſ'il ſe tourne il les eſteignent, & al
# lumétles autres,afin que la lumiere ne luy donne dans les yeux, & luy empeſche ſon
repos : toutes leſquelles ceremonies pourroient bien auoir quelque lieu à l'endroict
d'vne perſonne mal diſpoſée, mais pourvn homme ſainelles me ſembleroient mer
ueilleuſement importunes. - - , - -
Le reſpeaque QVA NP Vn enfantaacheué d'apprendre à lire, & eſcrire, car l'eſcriture n'eſt
§ les pas guere commune enuers les Turcs, ſes compagnons le conduiſent parmy la ville
# † iuſqu'à ſonlogis, chantans ſes loüanges auec de grandes & ioyeuſes acclamations,
VIC Z. luy marchant le premier de tous richemét veſtu & paré, ce qu'inuite les autres à gai
gner le temps, & ſaduancer d'apprendre. · . · · ·
-
l'HiſtoiredeChalcondile. 36t
Les -----
A2 E 1.M o GL A N s deſſuſdits ont la premiere annce deuxaſpres le iour,
• - ," 7-1- - - - - ». la» , ſe- ieuncs
Prouiſion des
Azenoº.
conde trois, la troiſieſme quatre, & ainſi vont croiſſans de gagesauecques ! aage,iuſ-†
qu'à huict ou dix, qu'ils peuuent mettre en eſpargne & reſerue : carils ſont nourris §
aux deſpens duTurc, & habillez d'eſcarlatte vne foisl'an : Pour le chaud on leur
donne quelques legiers veſtemens de toile. Leurs maiſtres ont dc dix à douze aſpres -
diſciples plus d'vne fois chaſque iour, & encore auec vnc petite houiſine deliée & §
mince, dont ils leur donnent quand ils faillent ſoit à apprendre leur leçon, ſoit à ra
ger,ou autrement,iuſques à dix coups,& non plus,ſur la plante des pieds, par deſſus
leurs brodequins toutesfois, que ſimeus de cholere ou de felonnie ils excedoient,
comme fontaſſez ſouuent & mal à propos quelques mal-aduiſez ignorans pedants
parmy nous, iuſqu'à deſchirer inhumainement de pauures enfans, penſans par là ſe
monſtrer plus habiles hommes , on leur coupperoit la main ſur le champ : auſſi de
leur pardonner trop legerement,il n'y pend que d'eſtre depoſez de leur charge,ſom
me qu'il faut qu'ils y procedent par meſure. Qy AN D ils ont fait leur apprentiſſa
ge,ils ont accouſtumé de faire preſent à leurs maiſtres de quelques huict ou dix du
cats qu'ils ont eſpargné de leurs appointement deſſuſdit : leſquels partiſſent cela en
tre eux quatre,autant ſont-ils de pedagogucs,qui font vne bourſe commune.
DE LA ces ieunes garçons paſſent puis apresau ſecond logis, où on leur monſtre
à tirer de l'arc; ioüer des armes à leur mode , & picquer les cheuaux , enquoy ils
n'ont pas tant de ſubtilitez &addreſſes que les Italiens,excellens en ceſte profeſſion
pour le iourd'huy, & encore plus autresfois puis cent ans en ça, ſur tous les peuples
de la terre : car il ſuffitauxTurcs de ſe bientenir à cheual,encore qu'ils cheuauchët
fortcourt, paſſer vne carriere à toute bridde; & en courât aſſener droitvn coup de
fieſche, ou de iauelot, au lieu deſtiné, & l'y enfoncer fermement; ſe haulſer deſſus -
les eſtriefs, & delà ramener quelque grand fendant de leurs cimcterres lourdes &
peſantes au poſſible;dont le coup en eſt tant plus fort : & faire tourner à propos leurs ".
montures, nonobſtant que pour la pluſpart fortes en bouche, & non ſiaiſées à ma
nier que les noſtres de pardeça,on leur monſtre encore par mcſme moyen quelques
lettres ſelon qu'ils y ſont plus ou moins cnclins & addroits , & meſmement de la
loy,& des diſciplines humaines; comme des mathematiques, philoſophie, & Poë
ſie,dont ils ont quelque vſage auſſi bien que nous; horſmis de la Rhetorique qu'ils
appellent Mantic; mais ils l'eſtiment eſtre ſuperflue & inutile, parce qu'ils ne font
pas profeſſion d'haranguer, ains eſt leur parler court, ſimple & rond ;auſſi n'ont-ils
point de procez ny de differends, ou s'ils en ont ils ſe vuident tout ſur le champ, de
meſme comme à nous és Conſuls, ſans vſer de tant de formalitez, & de ſubterfu
ges, de l'hiſtoire,ils ne ſyadonnensgueres, eſtimans que la pluſpart doibuenteſtre
fauſſes,ou deſguiſées,pour le dangerauquelon peut encourir en eſcriuant la verité.
OR devoirainſi inſtruire & exerciter ces ieunes enfans, c'eſt l'vn des principaux PlaiſirduTure
plaiſirs du ſeigneur en ceſte ſienne ſolitude, ce qui fait que luy meſme les choi-º
ſità ſavolonté, pour lesappeller pres de ſa perſonne, ſelon qu'il les peut cognoiſtre
eſtre les plus propres, & à ſon gouſt : & aaccouſtumé de leur faire diſtribuer quel
ques quarante ou cinquante ducats,auec vn habillement de broccador,& coiffeure
plus ou moins riches comme illuyplaiſt, quand il les tire de ces eſcoles & logis, à
chacun deſquels lieuxpreſide vn Eunuque pour ſeprendregarde de tout, qui a vn
ducatleiour,& des habillemens deux fois Pan : & ſoubs luy vingt autres Eunuques
moindres qu'on appelle Capioglans, appointez de douze à quinze aſpres par iour, & aapioglant,
departis par des chambrées,où ils dormentaupres des enfans, pour leuradminiſtrer
leurs neceſſitez; & ſe prendre garde qu'ils ne commettent quelques deſordres l'vn
enuers l'autre;dont le taire eſt plus honneſte que n'eſt le dire & eſclaircir plus auant.
VoILA l'ordre à peupres du Serrailence qui depend des Azemoglans,& des pa
ges,& Eunuques que le Turc employe au ſeruice de ſa perſonne : outre leſquels il y
#ncore quelques Pallegä,porte-bois ou vallets de fourriere: & douze Sacquaz ſoubs palai
lacharge d'vn Sacquabaſi, ou ſert de l'eau,leſquels ont de ſix à huictaſpresſe iour : & sººººz
K K iij
-
2 - - 22
qui le pan de ſarobbe, qui les pieds, ſans mot dire Apres qu'ils ont tous fait ceſte ſºutes choſei
ſubmiſſion,illes ſalue gracieuſement d'vn tour de teſte, auquelils correſpondent †"
parvne inclination iuſqu'aux genoux,remercians Dieu qu'ils ſortentainſi en ſa bö- quées,
ncgrace hors de ſon Serrail,& de le voir ſain & ſauue. Là deſſus il leur fait vne ſuc
cincte remonſtrance,qu'ils perſeuerent à bien faire leur debuoir és charges où il pre
tend les employer & aduancer ſelon qu'ils ſe comporteront : & au reſte de tenir ſe
cret ſans le reueler à perſonne, tout ce qu'ils peuuentauoir cogneu &apperceu du
rant le temps qu'ils ont pris leur nourriture en ſa maiſon: & ſurtout d'eſtre touſiours
& perſeuerer à eſtre bons & fideles Muſulmans, ſans iamais ſe deſuoyer de la loy &
doctrine de leur ſainct prophete, à quoy ils ſe ſont obligez par vœu & ſerment ſolen
nel,en leuans le doigt en ſigne de ce,& receuans la Circonciſion marque exterieure
de leurcreäce.Cela fait,& leur ayanteſté deliuré à chacun vn habillemêt,& vn bon
cheual ſelon leur degré, auec quelque ſomme d'aſpres & de ſultanins, & vn ſerre
teſte de la valeur à quelques vns de trois à quatre cens eſcus, pour mettre en leurs
bonnets : car ils ne portent point encore de turbans , ils ſ'acheminent à la ſeconde
porte où leurs montures les attendent,& mettans le pied àl'eſtrier ſ'en vont en grâd
triomphe & allegreſſe, iettans à poignées les aſpres qu'ils ont pour cet effect dedans
leurspoches & mouchoirs tantqu'ils ſoienrarriuez au lieu à eux deſtiné : car à cha
cun eſt ſon rang aſſigné,auec la ſolde qu'ils doiuentauoir : Parquoy ils ſont cöduits
parles Capigi ou archers de la porte deuers l'Aga des Ianiſſaires, auquel ils baiſent la
main : & delà aux Saniaques,Beglierbeys, & Baſats, pour ſçauoir d'eux où il faut qu'ils
ſereduiſent,& lesyintroduire.communémentils viennent à eſtre Selictars,Spanglis,
Chaoux,& autres tels gens de cheual, auec prouiſion de vingt à trente aſpresle iour,
& leurs Oddobaſi, Caps deſquadre, ou Chefs de chambrées quarante ou cinquante.
Mais les trois pages deſſuſdits qui portent lavaliſe,l'arc,& le vaſe, ne ſortent qu'vn à
lafois : & ſont au partir de làfaits imbraourbaſi grand Eſcuier,ou Capigibaſ Capitai
ne de la porte,ayans de trois à quatre ducats par iour, auec deux ou trois mille autres
ducats,& encore plus de Timar, ou reuenu annuelaſſigné en fonds de terre : ou bien
ſont faits Saniaques & gouuerneurs de prouinces , ou autrement aduancezà de
tres-honnorables charges,& de grand profit & authorité.
MAIs auant que ſortir du Serrail & enclos du Prince,il vaut mieux tout d'vn train
Pourſuiurele reſte : car ces pallais ſont fournis & accommodez de toutes choſes ne
ceſſaires,comme pourroit eſtre quelque bonne ville : & en premier lieu il y a vingt
lauandiers ordinaires appellez les Chiamaſtir, dont les deux ſont deputez pour blan- chiamăſtir.
chir ce qui eſt de la perſonne & bouche du Prince : & le reſte pour le commun, leſ- Lauand§.
quelsont ſix aſpres leiour, & les deux du corps douze, auecquelques habillemens,
ſans autres droits, profits ne practiques quelconques, fors les vieils linceux & che
miſes.On leur fourniſt quelques cinqouſix caiſſes de ſauon, carils n'vſent point de
leſfiues de cendres comme nous faiſons, ce qui cauſeroit à raiſon de lagraiſſe&on
ctuoſitéduſauon,vne merueilleuſe vermine & ſi ce n'eſtoitle frequent vſage qu'ils
364 · Illuſtrations ſur
ont de ſe baigner de iouràautre,ils ſeroient mangez de poulx : au † dequoy les
petits compaignons ont accouſtumé de porter des chemiſes teintes de bleu, ou au
tre couleur qui empeſche leur procreation ; ainſi que les Reiſtres pour le meſme ef- .
Bains & eſtu
fect font boüillir les leurs en de la ſuye & du ſel deſtrempez auec du vinaigre.
ues du Serrail. A PR o P os de ces bains, il y en a vn en certain endroit du Serrail, dans vn pauil
lon voulté & couuert de plomb, ſi ſpacieux que deux cens perſonnesy pourroient
demeureràl'aiſe, auec force chambres & cabinets alentour pleins d'eau chaude &
froideau milieu de ce bain ou eſtuue qui eſt continuellement reſchauffée,& dont la
voulte eſt en cul de four enrichie de muſaique, & par embas pauee d'vne maniere
de marqueterie de petites pieces de marbre, & ſemblables pierres de diuerſes cou
leurs,il y a vn baſſin de fontaine,qui eſt de marbre blanc eſlcué à la haulteur de huict
ou dix pieds, auquel par certains conduits deſſoubs terre ſe vient rendre vne eau
freſche au poſſible, qui delà ſ'eſpend par toutes les chambres : & là aupres eſt vne
grand'aulge de pierre, dans laquelle ſe rapportent deux robinets, verſans l'vn de
l'eau chaude, & l'autre de la froide, tellement qu'on les peut recontemperer com
me on veut. Ilya en outre en ceſte eſtuue vn cabinet ſeruant de bain, paué de mar
bre, & remply d'eau tiede à la hauteur de quatre ou cinq pieds, ſi qu'on ſ'y peutre
creer meſme en nageant, & de là ſ'en aller rafreſchir dans l'autre d'eau froide. Là ſe
va baigner le Seigneur quand il veut,au lieu qui eſt ſeul reſerué pour ſa perſonne : &
· en tout le reſte ſes domeſtiques ;y ayant douze hommes prouiſionnez de huict à dix
aſpres, qui tiennent continuellement le tout preſt & appareillé: carles Turcs ſe la
uent preſqu'à toutes heures, tant pour la diſette qu'ils ont de linge, que pource que
la loyle commande : principallement le Ieudy, parce que c'eſt la veille du Vendre
dy, qui leur eſtcomme à nous le Dimanche : & ce àl'imitation, ainſi que beaucoup
d'autres choſes, des eſcritures Iudaïques : car Iob au premier chap. ſanctifie ſes en
fans chaſque ſeptieſme iour de la ſepmaine, afin qu'ils puiſſent le lendemain iour du
Sabbat aſſiſterau ſacrifice : & ce par certaines luſtrations & lauement la nuict prece
dente,laquelle ils veilloient,à raiſon dequoy les Iuifs qui vindrentapres appellerent
· ceſte veille qui ſe faiſoit le Vendredy, Herub, aſſauoir la paraſceue ou preparation,la
Sultane a auſſi ſes eſtuues à part dedans ſon pourpris & enclos, pourelle, & pour ſes
· damoiſelles.
Echin,mede
· DANs le Serrail ſont auſſi entretenus d'ordinaire dix Echin ou medecins,dont les
cins du Serrail. trois ſont ordinairement Iuifs, & dix Geracler chirurgiens & barbiers, qui ont cha
Geracler,
chirurgiens.
cun douze aſpres le iour pour panſer les malades & bleſſez, lauer la teſte, tondre &
raire tous les Ieudis aux ieunes gens du Serrail; (le Turc a ſon barbier à part)neau
moins la pluſpart de ſes pages, & nomméement les fauorits ne ſe tondent pas, ains
portent leurs perruques & treſſes entieres,auec meſmes des paſſefillons. Les mede
cins au ſurplus, & les chirurgiens n'oſeroient mettre la main à perſonne pour les
panſer,ſans en auoir eu premierement congé du Seigneur; non pas meſmearracher
vne dent, ſur peine qu'on leur en tiraſtvne en contreſchange. Mais ce ſeroit trop
longue & ennuieuſe choſe de vouloir parcourir tous les autres officiers & artiſans:
Therſler, cöme les Therſiler, ou tailleurs, en nöbre de plus de trois cens, qui ſuiuent le Prince
tailleurs.
- quelque part qu'ilaille,fuſt-ce à la guerre, & ſont montez à ſes deſpens, ayans huict
ou dix aſpres le iour pour leur viure, & ſont outre cela payez de toute labeſongne
qu'ils font. Mais il y en a trente quine trauaillent que pour le Prince, & les autres
ſont pour ſes domeſtiques,quelques vnsauſſi pour le Serrail des femmes.
Ciumgeler, IL ya outre-plus quelques ſoixante dix Ciumgeler, ou orfeures, dont les maiſtres
orfeures. ont dix aſpres pariour,lesſeruiteurs cinq ou ſix : & ſont payez de leurs ouurages, les
vns eſtans Perſiens & libres : & les autres eſclaues du Prince, ayans tous neaumoins
leurs boutiques au cœur de la ville,& au Bageſfan.
Les trompet- . L E Tv Rc entretient outre-plus d'ordinaire plus de cent cinquante trompet
tes du Turc.
tes,clerons,fiffres,haulbois,cornets,tabourins à leur mode,qui ont de douze à quin
· zeaſpres le iour, deſquels trompettes & clerons il y en a trente deputez ordinaire
· ment pour Conſtantinople, quinze aſſauoir ſur vne haute tour aupres du Serrail, &
M. - quinze
l'Hiſtoire
5 • -
-- -
de Chalcondile. · 365
quinze àvn autre bout de la ville, leſquels ſonnent à deux heures denuict : Cela fait
perſonne n'oſeroit plus aller par la ville, autrement ſile Subaſci, qui eſt comme le -
Mais nous en parlerons pºus à plein cy-apres , auecques les deux cens Ciaderme- ca irmttt !
den, ou Tchtiers, & leur Chef Metarbaſcia, leſquels dreſſent les tentes & pauil-tentiers.
lcns. , • -
To v ràce
pourvenir que deſſusde
la ſpirituelle concerne le corps,
ces infidelles & les commoditez
barbares, il ya dedans letemporelles, mais †
Serraild'ordinai- #† Ul
requarante
leur Taliſmans
pſalme dit Ezeam,leurs
ſi longminiſtres,
qu'il fautdits
plusparticulierement Eneangiler,
d'vne bonne heure à le dire.deCeux-cy
certain Eneangiler.
Taliſmanº
ne ſont pas eſclaues mais Turcs naturels, qui ont cinq aſpres par iour pour leur pei
ne & viennent tous les matins au Serrail, ſi toſt que les portes en ſont ouuertes, où
s'agenoüillans tous en rond dans la Moſquée qui y eſt, chacun leur liure au poing,
ſe mettent à lire à haute voix ( les Eſpaignols diroient, Rezar) le deſſuſdit Pſal
me, auec quelques autres menus ſuffrages à leur façon, le tout fort poſéement
& diſtinctement : car il y a là des ſuperieurs qui les contreroollent & ſurueil
lent, à ce qu'ils n'obmettent rien , & ne fourehent d'vne ſeule ſyllabe. Les relle eſtoit
Turcs ont fort grande deuotion & creance à ceſte forme de priere, & trouuent 1'ancienne
dans leurs liures que la diſans quarante fois, ils impetreront de Dieu toutes leurs † #
requeſtes, voire qu'en quelque tribulation & aduerſité qu'ils puiſſent eſtre, ils §
en ſeront ſoudain deliurez. Parquoy le Turc les fait venir en nombre de quaran- †s
te pour le dire pour luy tous les iours durant ſa vie, & apres ſa mort font le meſ- † ſlUlX
me ſur ſa ſepulture pour le ſalut de ſoname: car les Turcs admettent les prieres pour #
lestreſpaſſez : & cecy eſt ordinairement compris és fondations de leurs Moſquées §le
& hoſpitaux dits les Amarats. - · - - · †
· MA 1 s pour retourner encore à ce qui concerne le ſeruice de ce grand Scigneur †.
Turc pour ſa perſonne, ils entretient ordinairement à ſa ſuitte quatre vingts ou
cent Peichs,
cntr'eux ou lacquais,
courir vn bruit les
queplus
pourexcellens ccureurs
les entretenir de tous
en vne autres,
ſi longue ſi qu'ilsilfont
haleine, y a Peichs.lacquais
du Turc.
conſumer de ieuneſſe la ratte, ce qui eſt paſſé par forme de ſobriquet iuſqu'aux
noſtres, leſquels quand on les void trop lourds & peſants, on dit qu'il les faut
deſratter : la pluſpart de ces lacquais ſont Perſiens de nation , ainſi que les baſ
qucs à nous, qui ſont communément les meilleurs que nous ayons point, tant
Pour la ſobrieté de leur viure, que pour leur legiere & diſpoſte taille, ioinct le
continucl exercice, à quoy on les employe & accouſtume par maniere de dire Leuthabille.
dés le berceau. Ces Peichs ont de douze à quinze aſpres le iour, courtementha-m§.
billez au reſte, d'vne cazaque à l'Albanoiſe,iuſte au corps, de ſatin rayé, ou da- -
mas, de diuerſes couleurs mais plus communément de vert,.dont les pans de : ·
deuant qui s'allongent en pointe, ſe viennent recueillir & trouſſer à vii Gothiach, †º
c'eſt vn large tiſſu, ou longiere de linge, ou †
ſoye enrichie d'or, d'argent, & §q§
ouurage fait à l'eſguille, lequel leur ſert de ceincture faiſant deux ou trois tours !
autour du corps : & par le derriere ceſte cazaque eſt toute ronde , & à plein
fonds, leur venant battre ſur les iarrets, leurs chauſſes ſont toutes d'vne venuë
ainſi que de tout le reſte des Turcs, & plus longues beaucoup qu'elles ne doib
uent, afin de faire pluſieurs replis, à maniere de courquaillet, comme des bot- *
tes à l'Allemande : & par deſſus paſſe leur chcmiſe d vne fine toille de cotton
blanche. Mais ils portent communément vne mutiiere de garderobbe de taf
fetas, fronſſé menu vers la ceincture , lequel arriue iuſqu'à myiiambe, & re
trouſſé & ouuert par deuant, pour ne les empeſcher de courir En la teſte ils --
Vlachs,cour- .
LE Tv Rc a encore d'autres courriers à cheual dits Vlachrar, non qu'il y ait en riers à cheua!.
aucun endroit de Turquie des poſtes aſſiſes ainſi qu'à nous , mais quand leur che Calchondyle
ual eſt recreu, le premier paſſant qu'ils rencontrent, Chreſtien, ou Iuif, & Turc au 9. liui e,
encore illuyfaut mettre pied à terre ſans conteſter : car la vie y pend, & qu'ils le
fuiuent à beau pied s'ils le veulent r'auoir, ſans qu'il leur ſoit loiſible de monter
ſur celuy qu'il aura laiſſé, ains demeure là en plaine campaigne à la mercy des beſtes
ſauuages,ou à ſe morfondre & ſe perdre, au moyen dequoy pour ſ'en redimer on
eſt contrainct de leur donner quelques ducats, plus ou moins ſelon la valeur de la
ſ, monture , ſi aumoins la choſe ſe peut accommoder auec de l'argent , & que le
cheual du courrier ne fuſt encore trop haraſſé; car tous ceux qu'ils trouuent par les
chemins, combien que le leur futaſſez frais potir paſſer outre, ils vſentneaumoins
de ſemblables menaces, tellement qu'ils commettent infinis rançonnemens &
abuz : & ne vont que de iour ſeulement ; la nuict ils ſe retiennent au logis, à rai
ſon dequoy ils ne peuuent tant aduancer que les noſtres qui vont iour & nuict
ſans aucune intermiſſion, dont il s'en eſt veu d'eſtranges diligences, meſmement
: de l'Abbé Nicquet, lequela eſté de nos iours le plus fort courrier, & qui a duré le
- plus longuement que nul autre dont il ſoit memoire, caril eſt allé pluſieurs fois en
ſixiours quatre heures de Paris à Rome, oùily a pres de trois cens cinquante lieuës
comparties en ſix vingts poſtes. |
I L Y A puis apres les Peluanders, autrement Gureſ#, ou lučteurs, à quoy le Peluanders, ou
#ureſ$is,lu
Turc prend par fois plaiſir , & en entretient à ceſte fin quelques quarante d'or- cteurs.
dinaire, à dix ou douze aſpres le iour, qui vont veſtus d'vne longue iuppe de
drap, ceinte d'vne longiere ou large ceinture de toille barree d'or à la mode Tur
queſque : & par deſſoubs ils ont desgregueſques fort iuſtes, & iointes à la chair,
d'vn cuir oinct & liſſé, pour y auoir tant moins de priſe, qui arriuent au gras de
la iambe. En la teſte pour les diſcerner ils portent vne maniere de bonnet dit
Taquia, fait en forme de mouffle, ſemblable à ceux des Polonois, horſmis qu'il Taquia, b6net:
n'eſt pas pliſſé ſi menu , lequel eſt de velours noir, ou de quelque peliſſe d'ai
gneaux creſpes, de la meſme couleur, dont la bourſe panche à l'vn des coſtez, &
ſe vient rendre ſur l'eſpaulle. Ce ſont gens membruz, forts, & nerueux, & ad
droits au poſſible en ce meſtier, la pluſpart mores de la barbarie, indiens, ou Tar
tares, non eſclauesâutrement du Turc, ains libres, & de bonne-vogle, qui ſe con
tiennent en chaſteté pour eſpargner leur force & vigueur , à l'exemple des an
ciens Athletes & Pancratiaſtes qu'ils imitent en beaucoup de choſes, car ils s'ai
dent non ſeulement de clinquets, tours de bras, trappes, & crocqs en iambe pour
renuerſer leur aduerſaire, mais pochent quant & quant , mordent, eſgratignent,
& fonten ſomme du pis qu'ils peuuent, quand ils s'acharnent l'vn ſur l'autre, tout
ainſi que des dogues ſur des ours ou taureaux, ce quiaduientaſſez de fois, tant pour
l'ambition d'obtenir chacun endroit ſoylavictoire en lapreſence du Seigneur, que
pour la friandiſe de quelques ducats qu'il a de couſtume de diſtribuerà ceux qui
obtiennent le deſſus de leur apparié compagnon : & encore à l'vne & l'autre des
deux parties, ſi d'aduanture ils ont bien faict à ſon gré & contentement. Au par
tir de là pourſ'eſſuyer de la ſueur, ilsiettent vn barragan ou petite mante de cot
ton ſur le dos, billebafrée à treillis de fil bleu : & vont communément douze ou
quinze en trouppe, eſtans touſiours appareillez de preſter le collet à quiconque ſe
veut attaquer à eux.
L e T v R c entretient auſſi quelque nombre de Maccheia (&i, qui font des ef- #
forts merueilleux à tirer de l'arc , car ils perceront d'vn coup de fleſche non ſeu-§
L L ij
368 Illuſtrations ſur
lement le plaſtron d'vn corps de cuiraſſe de tres-bonne trempe, d'outre en outre,
ainsvne lame de cuiure de l'eſpoiſſeur de quatre doigts.I'envisvn l'an 1543.quel'ar.
mée de mer TurqueſquevintàToullon ſoubs la conduitte de Cairadin Baſſa,dit Bar.
berouſſe Admiral du grand Solyman, perceràiour d'vn coup de fleſche vn bourlet
de canon.Ilya tout plein d'autres manieres de gens en Turquie, quifont des choſes
excedans toute creance, comme noſtre autheur meſme certifie ſur la fin du hui
ctieſmeliure, dontil ſ'en reiterera pluſieurs cy-apres à la circonciſion du fils d'A
murath qui regne à preſent, /
-
-
:
D E LA PVISS ANCE
D V T v R C.
#E S T E maintenant de parler des forces de ce grand redoubté Mo
narque, tant par la terre que par la mer : leſquelles conſiſtent ainſi
< preſque que de tous les autres Princes & Potentats, de gens de chc
ual, & de pied , les vns & les autres de deux eſpeces : dc Turcs natu
pl,!$relsaſſauoir,& de Chreſtiens Mahometiſez, qui procedent tous du
Seminaire deuant-dit des Azemoglans, ou ieunes enfans qui ſe leuent par forme de
tribut ſur les Chreſtiens de trois l'vn en ames viuantes; & de ceux qui ſont pris en
guerre, ou qu'on achepte pour en faire preſent au Turc. Ceux qui ſont diſtribuez
de coſté & d'autre pour apprendre la langue Turqueſque, & les mœurs, & ſ'endur
ciràl'agriculture, ou à garder le beſtail : & pareillement les Boſtangi ou lardiniers, en
nombre de plus de quatre mille en tous les Serrails du Prince, quand ils ont atteint
l'aage de vingtcinqans, des plus robuſtes & martiaux on en fait le ſuppléement des
gens de pied : le reſte plus lourds & moins proprcs aux armes demeurentaux autres
exercices : mais les plus gentils & adroits qui rencontrentvne meilleure fortune, &
ſontreceuz & inſtituez pres de ſa pertonne dans les Serrails, paruiennent à eſtre hö
mes de cheual, qui ſont de pluſieurs ſortes de degrez, comme il ſe verracy.apres.
Quant aux gens de pied où conſiſte tout le principal nerf de leurs forces, toutainſi
qu'anciennement les Romains le ſouloient mettre en leur infanterie de legionnai
res, ils ſont tous d'vn ſeul mot appellez Ievnitzeri, auſſi bien ceux de la marine, que himologies
de laterre, tant à lagarde des fortereſſes, qu'aupres des Saniaques, & desgouuer- † §
neurs des Prouinces.carily en a touſiours quelques vns des plus anciens,bien qu'en zeri, -
petit nombre, comme à la Cour & ſuitte du Prince, qu'on appelle La Porte, où eſt la
groſſe maſſe d'iceux Ianiſſaires : ce qui pcutauoir induit quelques vns ſuiuant meſ
me ce qu'en touche Chalcondile au premier liure, de tirer l'ethimologie de ce mot
là, de janua porte, mais cela a plus d'affinité au Latin que nompas au Grec, Eſcla
uon,Turc, ny Arabe : ainſi la vraye deriuation de ce vocable Jennitzeri,bien qu'au
cunement corrompu,vient de la langue Tartareſque,Cham,qui ſignifie Seigneur,ou
Prince,mais les Turcs le prononcentTham,& de je,ſer eſclaue, comme qui diroiteſ
claues du Seigneur : non eſclaues toutefois de la meſme ſorte que ceux qu'on vend
ºn plein marché, leſquels ils appellent Coul, Coullet, ou Cul, ains comme deſtinezau
ſeruice du Prince,cöbien que par vne forme de reſpect & ſubmiſſion les Baſats meſ
mes ſ'appellent les Culi duPrince. Les autres tirent ce mot d'vne ville appellée sar,
dºntle Souldan Aladin, enuiron l'an de grace Ii8o.fit preſentàvnTurc de laracé
desOguſéens,alienédeſon entendement, pour auoir defait en camp clos vn cheua
lier Grecbraue & vaillant qui luyauoit tué tout plein d'hommes, ſi que Gianud (&ari
ºn langue Turqueſque ſignifie enfans de Sar, ou procréez en Sar. Amurath II. fut † #
le premier qui les inſtitua reiglez comme ils ſont encore pour le iourd'huy, ainſi †
ºn peut veoir au 5.de ceſte hiſtoire & ce en nombre de 8 ou dix mille,que ſon fils -
s
37o Illuſtrations ſur
craingnant qu'ils ne luyioüaſſent le meſme tour à le depoſſeder de l'Empire, que
par leur moyenilauoitfaità ſon pere, ainſi que ſouloient faire communément les
ſoldats Pretoriens aux Empereurs Romains,dont les Iennitzaires ſont en la pluſpart
vnevraye repreſentation & image, comme ceux qui introduiſent au ſiege Imperial
quand il vientà vacquer celuyquileur eſt le plus agreable, c'eſt à dire qui plus leur
donne,àl'imitation d'iceux Pretoriens , des enfans du Turc fautentendre lors qu'il
vientà deceder : car iuſquesicyla ligne maſculine n'ayant point encore manqué de
pere en fils en la race des Othomans Empereurs desTurcs,les Iennitzaires ne ſe ſont
pointauſſiingerez d'eneſtablir d'autres au ſiege Imperial que les enfans de leur def
funct Prince : lequel n'a pas pluſtoſt l'œil fermé, qu'ils ſe diſpenſent devoler tou
te la ſubſtance des Iuifs & Chreſtiens qui ſe retrouuét parmyeux, comme ſi c'eſtoit
vnbuttin qui leur fuſt acquis de bonne guerre : ſçachans bien que le tout leur ſera
ardonné du nouueau Seigneur, & qu'outre-ceils auront encore de grands preſens
à ſon aduenement à la couronne : ſans cela ils ne luy confirmeroient pas, & ne luy
preſteroient le ſerment de fidelité & obeiſſance.Neantmoins ce ne ſont pas à beau
coup pres les donatifs tels qu'auoient les Pretoriens, quitelle fois fut arriuerentà
cinq cens eſcus pour chacun : ſi que Iullian ſucceſſeur de Pertinaxachepta ſon Em
pire d'eux quatre millions d'or : là où il ne ſe trouue point que les Iennitzaires ayent
Solde & ap
plus eu à vne fois, de mille aſpres (ce ſont vingt eſcus) pour homme, que leur don
oinctement nerent Selim, & apres luy ſon fils Solyman. Ils ſont au reſte appoinctez diuerſement
des Iennitzai en leur ſolde, qui parttoute immediatement des coffres du Prince; les vns à plus les
ICS.
autres à moins, ainſi que nos lanſpeçades, depuis trois iuſques à huict ou dix aſpres
le iour : le tout ſelon leur valeur & merites qui ſont cauſe de leur faire accroiſtre la
paye, & non les recommandations & faueurs. Ils ſont puis apres habillez de pieden
cap deux fois l'an, de quelques draps de peu de prix, bleuz ou rouges, dont on leur
fait des chauſſes tout d'vne venuë, mais reployez comme ila eſté dit cy-deuant; &
Leurs habille vneiuppe ou doliman long iuſques à la cheuille du pied, eſtroit & ceintaufau du
IIlCI1S,
corps d'vne longiere de ſoye, ou de fil, barrée d'or, ainſi que communément tous
lesTurcs,leſquelles tant plus elles ſont larges,& font plus de plis, tant plus ſont el
Leur accou
les eſtimées honorables. EN la teſte ils ont vne zarcola de feultre blanc, qui les fait
ſtrement de diſcerner partout, & cognoiſtre pour Iennitzaires, car il n'ya qu'eux qui la portent
teſte.
de ceſte façon & couleur: bien eſt vray que tous lesTurcs en general portent le bläc
en leurs Turbants, deſquels les Iennitzaires n'vſent pas, ains de ceſt accouſtrement
en particulier qui approche des chapperons de drap des Pariſiennes, horſmis qu'ils
ſe haulſent plus droit contremontà la hauteur d'vn pied & demy moyennât vn gros
fil d'archat qui le tient droit, au haut duquel yavn petit cercle de fer dont part le
pennache : & lazarcole ſe vient rabbattre en vne large queuë en arriere, qui vabat
tre ſur les eſpaulles, bordée àl'entour d'vn cercle d'or traiSt, ou d'argent doré large
de trois ou quatre doigts,duquel ſe haulſe àl'endroit du frontvn tuyau de la meſme
eſtoffe iuſques au cercle, enrichis l'vn & l'autre de turquoiſes, grenats, & ſembla
bles pierres, de peu d'importance, voire de quelques ſaphyrs & rubis balais, ſelon
que leurs facultez le permettent : carlesTurcs ont cela de particulier entre tous les
autres, de conſtituer le principal de leurs richeſſes, en la magnificence de leurs ar
mes, & l'ornement de leurs perſonnes,montures & armes.Du haut de ce tuyau ſ'eſ
pand contre bas le longdesreins vn beaugrand pennache de naifues plumes d'au
ſtruche, ſans toucherà rien : ſi que cela eſt meſmementenvn telnombre, eſt de fort
belle monſtre & apparence : car ils ſemblentautant de geans : quelques vns encore
yappliquent quantils vont à laguerre, vn vol d'aigle, & le pennage de diuerſes cou
leurs toutentier d'vn oiſeau nommé Rhintaces, des Modernes Apus, que Belon préd
pour le Phenix d'autant meſme qu'il vient d'Arabie, dont le corps qu'ils font deſe
cher, n'excede pas vn eſtourneau, & ceſte maſſe de plumes eſt bien du volume d'vn
gros chappon : ſique cela les rend fort ſpecieux & eſpouuétables par meſme moyen,
ioint les groſſes & longues mouſtaches heriſſées qu'ils entretiennenttout expres, le
reſte de leur barbe eſtantraze. Il n'eſt pas neantmoins loiſible à tous de porter indi
feremmerſ
?
l'Hiſtoire de Chalcondile. 37 -
feremment ces pennaches, ains à ceux làtant ſeulement qui ontfaict quelque acte Pennaches ſt
ſignalé à la guerre, & tué beaucoup d'ennemis : ce qui ſe cognoiſt à la quantité de gnes de valllä
ces plumes. Quand ils ſont en paix & repos ils en vſent plus ſobremcnt, & ne por ce parmy leà
tent aucunesarmes, ſi ce n'eſt vn couſteau attaché à la ceinture pour leurs menuës Turcs.
neceſſitez: car de frapper de glaiue aucune perſonne quelconque, c'eſt vn crimc ca
pital & irremiſſible, quand bien il n'y auroit qu'vne petite eſgratigneure; reſeruâs
leurs felonnies & acharnemens contre leurs ennemis legitimes, où ils eſtiment de
uoir leur ſang & leurs vies pour le ſeruice de leur Prince, & nompas leur eſtre per
mis d'en abuſer en leur courroux & querelles particulieres; contre les ſubiects d'ice
luy leurs confreres. Mais communément ils portent vne canne d'Inde au poing,
telle qu'il a eſté dit cy-deſſus des Capigis, ou portiers, qui ſont du nombre des Ien
niſſaires, & gens de pied auſſi bien qu'eux, & n'ya que leurs chefs quiaillentà che
ual:à ſçauoir les odäobaſi caps deſquaddre, dont chacun d'eux fait le dixieſme de
ſa chambre, eſtant le plus ancien mais nompas le plus vieil d'ieelle : Les Centeniers,
&le grand Aga leur Coronel general : auecques le Chegaza, ou Protagero, qui cſt en
cet endroit comme vn maiſtre de camp: de maniere que quand ils eurent eſtably
Solyman à l'Empire, toutesfois ce fut ſans aucune effuſion de ſang, pancé qu'il n'a
uoit point de freres, ny de cópetiteurs, ils luy requirent ceſte grace, que puis qu'e
ſtans tenus de luy comme pour ſes propresenfans, ils alloientneantmoins à pied, il
ne fuſt loiſible à aucun Giaour, c'eſt à dire Chreſtienne Iuif, d'aller à cheual par la
ville : & que ſ'il faiſoitgrace à quelquesvnsd'ypouuoirvſer de montures,aumoins
ce ne fuſt que ſur desaſnes & mullets, & non des cheuaux : ce quia eſté obſerué de
puis, excepté enuers les Ambaſſadeurs, & ſemblables perſonnes publiques, Magi
ſtrats, Officiers, & autres gens de reſpect & authorité. Quant à leurs armes pour la
Armes desſen
guerre, car à la paix ils n'en portéten aucune ſorte,outre le cimeterre & le poignard, nitzaires.
ilsont communément l'arc turquois qui eſt de corne, & les fleſches, dont ils ſ'aidét
excellemment, & en fontd'eſtranges merueilles: Quelques vns ſoulloient porter
vne maniere de longs bois, plus courts toutesfois que les picques, comme iauelines,
eſpieux, partuiſanes, auecvne targue ou pauois : mais depuis trente ou quarante
anslapluſpart ſont deuenus arquebouſiers, & ya à ceſte heure des moſquetaires car
onne les haraſſe pas continuellementà des eſcarmouches, longues traictes, & ſem
blables coruées,eſtás leurs arquebouzes toutes de calybre & peſantes,dontils ſe ſça
uentfort bien aider, leſquelles ſont portées aux deſpés du Prince ſur des chameaux,
iuſques là où il faut prendre les armesàbon eſcien,l'ennemy eſtant pres, ſe reſeruás
àguiſe d'vne ſacrée anchre pour le dernier mets du ſalut & cöſeruation de leur ſou
uerain : & le reſtaurement d'vne batailleà demy perduë, ſi d'auanture l'affaire arri
uoitiuſqu'à ſa perſonne : carils en ont autresfoisremis ſus de bien eſbranlées, com
me on peut voir au 7. de ceſte Hiſtoire, d'Amurath contre Vladiſlaus Roy de Hon
Le zele & fidé
grie,pres de Vvarne : eſtans tous ſiloyaux & bienaffectionnez à leur maiſtre, qu'ils lité des Iennit
cndureroientpluſtoſt mille morts que de luy faire iamais faux bon,nyle laiſſerex zaires enueis
poſé au moindre danger,ains mettroient mille & mille vies, ſiautant en pouuoient leur Prince,
auoir, pour ſa gloire, reputation, & grandeur : auſſi appellcnt-ils communément
quand il marche en camp perſonnellement, Baliſababa, l'Empereur noſtre pere, &
luyreciproquement les tient comme pour ſes enfans. De faict, quelque grieffor
fait qu'ils commettent lapremiere fois, ſi d'auanture ce n'eſtoit à la guerre, carrien
quelconque ne ſ'y pardonne, iuſque meſme aux moindres fautes,(dont pour les
plus atrocesils tiennenteſtre les querelles & batteries, & les larrecins & piilages ſur
lebon-homme :)quand bien ils auroient maſſacré & vollé quelqu'vn, encore que
la Iuſtice parmy lesTurcs ſoit tres-rigoureuſe, ſi ne les feroit-on pas mourir pour
cela, ny ſouffrirautre punition que de les caſſer.Au demeurant les autres offenſes
plus legieres ſont chaſtiées par leur oddobaſſi, ou Iaiabaſſi, de quelque nombre de Iaiabaſº ees
coups debaſton, ou de lattes, dans leurs chambres ou pauillons à part pour ne les teuier
diffamer en public : à quoy ſid'auanture les chefs deſſuſdits conuenoient, & qu'ils
ne donnaſſentle chaſtimétrequis & eniointparleur diſcipline, auât que le Iaiabaſſi
"
feu, toutes les villes ſont departies & ordonnées par quartiers & parroiſſes à leur
façon, dont l'vn d'eux ainſi que pourroit eſtre enuers nous quelque Marguillier,
tient le regiſtre des chefs d'hoſtel : & chacun d'eux eſt tenu de faire le guet de
nuict à ſon tour; ou bien ſil ſe veut exempter de ceſte coruée, payer quatre ducats
à ceux qui la feront pour luy tout le long de l'an : ſi qu'il aduiendra, par ce que
erſonne n'en cſt cxempt, qu'vn Iuif, vn Chreſtien, & vn Turc, feront en vne
meſme nuict tant qu'elle durera ceſte ronde en leur quartier , auec vne torche
ou lanterne à l'vne des mains, & vn baſton en l'autre : que ſ'ils rencontrent quel
qu'vn faiſant mal, ou qui ne ſoit de cognoiſſance, ils le meinent ſoudain en pri
ſon : ſ'ils trouuent vn huyz ouuert, ils font condamner à l'amende le maiſtre de
la maiſon, par ce que paſſée certaine heure de nuict chacun eſt tenu de fermer
ſa porte, à cauſe que la laiſſant ouuerte, ſoit par meſgarde ou nonchallance, les
, larrons prenans de là occaſion d'y entrer, celuy qui cſt lors en garde en ſeroitre
ſponſable , car tant des larrecins que du feu, c'eſt luy à qui l'on ſ'en prend le
premier : à raiſon dcquoy ſoudain que quelque feu ſe manifeſte eſpris en vne che
minée ou autrement , la garde en va ſoudain aduertir le maiſtre du logis, que
ſ'il eſt Chreſtien pour ſi peu qu'il puiſſe durer, il eſt condamné en la ſomme de
cent eſcus : & ſ'il aduient tant ſoit peu de dommage, tout ſon bien en eſt con Punitions du
fiſqué, & par fois perd la vie encore : ce qui eſt cauſe qu'ils font petit feu, prin 1cu.
, cipallement pour ce que la plus-part des maiſons ſont de bois, & couuertes de
chaulme : parquoy ils ſont ſoigneux de faire ſouuent ramonner leurs cheminées.
De meſme tous les artiſans qui trauaillent de feu, comme orfcures, maréſchaux,
ſerruriers, & ſemblables,ſoudain que le Soleil ſe couches ſi l'on trouue du feu en
leurs forges & officines , ils ſont punis en leur endroit d'vn correſpondant cha -
ſtiment. Les autres boutiques ſe ferment vn peu deuant qu'il ſoit nuit cloſe : non
à ſerrures & verroux par le dedans, mais à cadenats en dehors : & pluſieurs mar
chans bien ſouuent laiſſent de grands ſacs pleins de leurs denrées hors deſdit
tes bouticques , auec deux groſſes pierres deſſus ſeulement, ſans qu'il leur en
ſoit fait tortquelconque : car ces gardes là font la ronde, & tournoient inceſſam
ment de cofté & d'autre, qui empeſchent qu'on ny touche point, par ce qu'il
n'eſt loiſible à perſonne d'aller de nuict par la ville , ſ'il n'eſt bien aduoüé & co
gneur - . -
DEs IEN N I T z A I R E s puis apres il y en a quelques vns de mariez, mais non Iennitzaireà
en grand nombre, eſpandus par les villes & bourgades tant de la Grece, que de mariez.
la Natolie : viuans là auec leurs meſnages de la ſolde qu'ils tirent du Prince, trans
muez en vne penſion qui leur eſt aſſignée ſur le reuenu des lieux meſmes. Et
quand il eſt queſtion de quelque guerre proche de là, on les y appelle ſoubs les
Beglierbeys , & Saniaques : mais le plus ſouuent on les employe par la mer ſur les
Charitables
vaiſſeaux où ſe dreſſent les ieunes Ienniſſerots, qui ſont le ſeminaire & pepiniere conſideratiori$
des Iennitzaires : ou bien ſils ſont habituez en Conſtantinople, l'ona de couſtu pour desTurcà;
me en conſideration de la charge qu'ils ont de femmes & enfans, à quoy leur ſol
de ordinaire malaiſément pourroit ſuffire, de les departir aux Ambaſſadeurs, &
autres qualifiez eſtrangers, ſelon qu'il a eſté dict cy-deſſus : Bien eſt vray que le
Prince leur faict grace ordinairement d'vn aſpre par iour, pour chaque enfant
qui leur vient à naiſtre, & à quelques vns d'auantage , ſelon la recommandation
& faueur qu'ils ont pour les aider à eſleuer, attendant qu'ils ſoient en aage de fai
re ſeruice. Ceux pareillement qui caſſez de vieilleſſe, ou pour quelque bleſſeu
re ou autres indiſpoſitions & empeſchemens ne peuuent plus porter les fatigues
accouſtumées : ou qui pour autres occaſions ſont licentiez de leur place de Ien
nitzaires,on les depart tout de meſme en garniſon, comme on ſouloit faire lesan
ciens Veterans Romains apresauoir accompli & parfaict le temps de leur milice à Aſſareli, mcr2
porter lesarmes, & ont ſemblable prouiſion pour leur nourriture que les mariez : ou tes payes,
bien ſontfaits Aſareli,à ſçauoir mortes payesdesvilles,chaſteaux & fortereſſes,leurs
chefs,capitaines & chaſtellains,auecvne péſion equiualente à la ſolde qu'ils ſouloiét
M M
374 Illuſtrations ſur
auoir : de ſorte qu'ils ne peuuent tomber en neceſſité pour le ſurplus deleur vieil -
leſſe, ce qui les rend tant plus prompts & affectionnez à ſ'expoſer à tous les hazards
& dangers de laguerre. -
ILs ſont encore departis aux chefs d'armees,& d'ordinaireaux Saniaques & gou
Belle diſcipli- uerneurs de Prouinces, comme pourvne ſuitte & parade honoraire de leur digni
Il©. té: Pour executerauſſi leurs commandemens : & n'ya ville, bourg, ne village, où
quelques vns de ces Iennitzaires ne reſident, pour empeſcher les emotions & tu
multes qui pourroient ſourdre : & garentir les Chreſtiens, & les Iuifs paſſans, ou
qui y ſont habituez de pied ferme, des outrages & inſolences de la multitude
Turqueſque. Ilyena meſme touſiours vn bon nombre pour ſeruir d'eſcorte aux
Carauanes contre les aſſaulx & agreſſions des Arabes, & autres ſemblables voleurs
qui les eſpient és deſerts & paſſages des grands chemins.Les autres qui ne ſont
· 1 ieaiens mariez, qui eſt la groſſe flotte des Jennitzairesreſidantsordinairement à la Porte,
§& leurs ont pluſieurs quartiers aſſignez en Conſtantinople pour leur retrai3te en temps de
†* repos & ſeiour, où ils logent ſoubs la conduitte de leurs chefs, les oddobaſſiaſſauoir
ple. ou dixeniers, qui ont chacun vingt aſpresle iour : & les Iaiabaſ ou cinquanteniers
cinquante : leſquels Chefs qui ſur le nombre de douze mille Iennitzaires peuuent
faire plus de treize cens, vont à cheual magnifiquementequippez eux & leurs mon
tures : veſtus au reſte d'vne autre ſorte que les ſoldats; car pardeſſus leur doliman ils
ont vn caftan ou longue robbe de drap de ſoye, & broccador, & en la teſteau lieu
de la Karcola, vn bourc ou haut bonnet à la marineſque, dont la poincte ſe replie
quelque peu en auant, enrichy d'vn beau cercled'or tout eſtoffé de pierreries, a
uecques le tuyau de meſme dont partau ſommetvn grand pénache de plumes d'ai
graitte qui ſe rehaulſe droit contremont: de maniere que deux outrois cens quiac
compaignent le Prince quand il ſort dehors pour aller faire ſon oraiſon çà & là és
Moſquées, car ils ſont lors quelque deux mille Iennitzaires à pied ordinairement
auecluy, pour vne plus grande monſtre & parade : ioint le grâd bourdon qu'ils por
Bourdonbelli-tentau poing, (c'eſt vne groſſe lance plus longue beaucoup que les noſtres & creu
que. . ſe dedâs, mais renforcée tout du longauec de la colle forte, & des nerfs hachezme
nu,comme ceux qu'on appliqueaux rondelles,& peinte de quelquesgayes couleurs
Buſdeghä, maſ
& fueillages : les Aouſſarts,gendarmerie Hongreſque en vſent)& à l'arçon de laſel
ſe d'armes. le le pauois enrichy de meſme : & le Buſdeghan ou maſſe d'armes : que ne feroient
ouze ou quinze cens cheuaux des noſtres.
FINABLE ME NT ilyalegrand Aga ou coronneld'iceux Iennitzaires quicom
LAga ou co- mande à tout ce gros regiment, & à vingt eſcus par iour d'appoinctemét, outre ſept
†** mille ducats de jimarou penſion paran,aſſigné ſur vn reuenu qui en vaut bien dix:
· & ſieſt habillé par le Prince cinq ou ſix foisl'an de riches broccadors & fourrures de
grande valleur, auec des diſtributions & liurées qui luy ſont fournies iournellemét,
de pain, riz, chairs,foin, & orge, pour entretenir ſa famille qui eſtfort ample,com
me de plus de trois cens bouches, & vn grand nombre de cheuaux, pour dönerauſſi
vnrepas deux fois la ſemaine aux Iemnitzaires, & leurs chefs ſulbalternes, leſquels
ne faillent de ſe trouuer tous les matins à ſon leuer, pour luy faire la cour,& receuoir
ſes commandemens.C'eſt vne charge de fort grande authorité & pouuoir, comme
d'vn qui cömande à ceux deſquels deſpend la cöſeruation de lavie du Prince,& ſon
maintenemétenl'Empire : de maniere qu'ila accouſtumé d'en pouruoir celuyqu'il
eſtime luy deuoir eſtre le plus fidele, & le plus ſouuent luy donner ſes lilles, ſœurs,
ou telles plus prochaines parétes en mariage. Ettoutes les fois que le Turc ſortpour
aller à la Moſquée, ceſt Aga cheuauche tout ſeul à par luy derriere la trouppe des
Iennitzaires, monté ſur quelque cheual de prix, dont le harnois eſt garny de tres
riches parreures & orfeuerie : mais luy encore d'auantage, il y a ſix ou ſeptans,
que l'Aga qui eſtoit pour lors achepta de certains Italiens , vn rubis ballay , du
poids d'vne once, octogone, & plat comme de l'eſpoiſſeur de deux iocondal
les, & beau en toute perfection, qui auoit eſté autresfois de la maiſon de Laval,
pour la ſomme de douze mille eſcus : c'eſt dommage qu'vne telle piece ait eſté
alienée
<
l'Hiſtoire de Chalcondile.
-
\
-
375
alienée hors de ce Royaume , car outre ce qu'elle fut venduë à vil prix,ou pluſtoſt
que ce barbare la retint de puiſſance abſoluë, l'acheptant, & payant encore à ſa di ' .
ſcretion, malaiſément ſ'en pourroit-il gueres recouurer de ſemblable : maison me
dira que toute ces beatilles là ſont choſes mortes, inutiles & ſuperflues, ne ſeruans
que de deſbauchement Ie l'aduoüe certes : mais de priucr du tout les perſonne des
plaiſirs & contentemés qui ſe peuuent receuoir de ce que produit la nature de beau
àl'œil,& indifferent, ce ſeroit le reduire au rang, & pis encore, des beſtes brutes. . - : •
Au reſte cet Aga a ſoubs luy vn Checaya ou Protagero, qui eſt comme vn maiſtre de †
- camp,ayant cognoiſſance de tout ce qui peut ſuruenir entr'eux, & quiles concerne §
iuſques à les renger en bataille quand il faut combattre. Il a quatre ducats par iour ºPPººººººº
& ſix cens de Timar par an ; auecvn Iazgi ou eſcriuain pour faire les roolles & tenir Iazgi, Secretai
le regiſtre de ceſte charge, appoincté à deux eſcus par iour, ſans aucun Timar ny re ou Grefher.
· • autre choſe que ce qu'il peutpractiquer de ſes emolumens& profits qui ſont grands:
car il prend ie ne ſçay quoy ſur la paye des Iennitzaires : ſi qu'il entretient plus de
cent çheuaux, deſquels il va accompaigné quand il marche.Au ſortir de ceſte char
ge ſion ne l'aduance à autre plus grande, on a de couſtume de luy donner vn Sub
lic ou appoinctement de cent mille aſpres paran, qui peuuent reuenir à deux mil
le de nos eſcus, - - ·
Voila à peu pres ce qui concerne ce regiment & milice de Iennitzaires : par le
moyen deſquels lesTurcs ont eſtably & conſerué iuſques icy ceſte groſſe maſſe de
: • Monarchie , ſans iamais encore perdre ny relaſcher vn ſeul pied de terre qu'ils •
ayent vne fois empieté. - - - -
DE LA FLE vR & eſlite de ces douze mille braues ſoldats de race & ſemence ^ºº de *
. -- - - \ - arde du corps
Chreſtienne,reſidans continuellement à la porte & ſuitte du Turc, ſe prennent en §
premier lieu quelques quatre ou cinq cens archers pour lagarde du corps, appellez les Solah .
Solachi plus ou moins ſelon qu'il luyplaiſt : mais au reſte tous vieils routtiers des plus
experimentez & vaillants.Ils vſent d'arcs & de fleſches, & non d'arquebouzes de
peur d'effroyer ſon cheual, & de l'offenſer quant à luy de la fumée de leurs meſ- †º
ches, par ce qu'ils marchent touſiours coſte à coſte tant à la ville comme au camp, des S§.
l'arc tendu, & la fleſche encochée deſſus la chorde, preſte à delaſcher: dont la moi
tié,à ſçauoir ceux à la main droicte, ſont tous gauchers, & au contraire à la gauche
droictiers : afin qu'en tirans, ſilen eſtbeſoin, ils ne ſoient contraincts luy tourner le -
doz, qui ſeroitenuers eux vne irreuerence trop grande, & entierementillicite. Ils
ont de douze à quinze aſpres le iour, & deux accouſtremens chacun an, tous d'vne
pareure, d'vne iuppe de † , ou de ſatin blanc, qui leur arriue par derriere iuſ
ques à my-iambe, comme fait auſſi leur chemiſe blanche & deliée qu'ils laiſſent
flotter pardeſſus leurs gregueſches : mais les pants de deuant ſont plus courts, &
retrouſſez encore à leur Couſſac ou large ceinture tiſſuë de ſoye & de fil d'or : en la
teſteils ontvn bourc ou hautbonnet broché d'or, accompagné d'vn cercle & tuyau
d'or auſſi ou argent doré, enrichy de quelques pierreries ſelon leurs moyens : du
haut duquel partvn beau grand pennache blanc auec vn gros floc de plumes d'ai
grette, comme il a eſté dict cy-deſſus des Iennitzaires. outre leur arc qui eſt do
ré, & leur trouſſe pareillemét, d'ouurage damaſquin, ils ont le cimeterre à la cein
ture & le poignard, C'eſt la principalle & prochaine garde du corps, qui empeſche
quand le Prince va par pays que perſonne n'en approche ſinon ceux qu'il faict venir
parler à luy: & le premier Baſſa,ou Viſir,qui à toute heure le peut aborder à la guerre,
mais nö au Serrail, ſi ce n'eſtaux heuresaccouſtumées,ou qu'ille mande.Que ſ'il ſe
rencontre quelque riuiere, ils la paſſentàguayioignant ſon cheual, & ſ'il eſt beſoin
nagent tous coſte à coſte, carils ſont duicts à ce meſtier. Si l'eau leutarriueauxge
nouils, ils ont accouſtumé d'auoir en preſentvn eſcu chacû : ſi elle paſſe la ceinture,
deux : ſi plus hault trois : ce qui ſe doit entendre à la premiere tant ſeulement, car
delà en auâtils n'ontrien.Et ſi elle eſtoitpar trop roide & profonde, on les fait mö
terà cheual, par ce que ſont ceux qui en ce cas prennent garde de ſa perſonne, où -
MM ij
-
EN ces trois ordres, neantmoins tous d'vn corps : les ſimples Iennitzaires aſſauoir,
les Capigi, & Solachlar, conſiſte toute l'infanterie de la Porte, & ſuitte ordinaire du
Turc; qui ſe rempliſt & abbreuue de main en main de la pepiniere des Ienniſſerots,
dontil a eſté parlé cy-deſſus : ſi que iuſques à preſent rien ne ſe peut imaginer de
mieux ordonné:ſileurtrop grandes richeſſes & pouuoir ne les deſbauſchent & per.
uertiſſent, comme les autres Monarchies que le luxe a eſté cauſe de renuerſer & fai
re perdre : car il n'ya rien de permanenticy bas : mais la pluſpart du temps nous al
l:#:
lons au deuant du coup, & accelerons nous-meſmes noſtre ruine, & extinction,ſans
cela auſſi bien ineuitable à la longue. · · · - .
Les Capigi ou CEs CAP 1 G 1 ou portiers en nombre ordinairement de trois cens,font la garde
- - -
ortiers, & à tour de roolle departis de cinquante à ſoixante, plus ou moins ſelon que les oc
º caſions ſ'en preſentent, à la premiere & ſeconde porte : & parfois tous enſemble
quand vn Ambaſſadeur va baiſer la main au Seigneur, ou ſi quelque Saniaque ou
Baſa retourne d'vn ſien voyage & entrepriſe. Ils introduiſent auſſi les iours du Diuan
ceux qui ont affaire au parquet de l'audience, comme il a eſté dit cy deuant : & gar
dent que perſonne n'yentre auecarmes.Seruentencore à donner la queſtion & tor
ture où il eſchet: & ſont en ſomme ainſi qu'Huiſſiers, qui en ſemblable ont pris leur
ancienne appellation des huyz qu'ils gardent, dont on dit encore chez les Roys, &
les Princes, Huiſſier de chambre, Huiſſier de ſalle par ce qu'ils engardent l'entrée.
Ceux-cyà la guerre font de meſme la garde à l'entrée du logis du Turc, aſſauoirau
pourpris de ſes tentes & pauillös, & ont de douze à quinze aſpres le iour, auec quel
ques accouſtremens, ſemblables à ceux des Iennitzaires, excepté qu'ils ſontvn peu
plus riches, & portent comme euxla Xarcolabläche, mais toute brochée d'or traict,
& non rabbatuë en arriere ainſi que l'autre : leur Capigibaſi ou chef a trois ducats par
iour, auecvne bonne penſion ſur le domaine ou Timar: & ſoubs luy trois Boluchbaſ
ſileCapitaines, qui ont
Iazgi eſcriuain, cinquante aſpres : le Checaya ou
trente. -
Contreroolleur
· · · ·
quarante, &
r -
#
D E S G E N S D E CHE VA L
: D E L A P O R T E. -
· Ex en premier lieules Spacchi , & Spanglans, en nombre ordinairement de trois Gardes ordi
mille, qui logent en diuers quartiers de Conſtantinople, dont il n'eſt poſſible de naires à cheual
voir rien de plus ſuperbe ny remarquable, ne mieux en ordre eux & leur montures.
Alaguerre ils marchent & campent à la main droitte de leur Prince,comme ils font
auſſi,mais deux à deux quand ils l'accompaignent à la Moſquee,non tous à vne fois,
ainslatierce partie tant ſeulement pour euiter la confuſion d'vn ſigrand nombre de
cheuaux : car il n'y en avn ſeul de tous ceux-cy qui n'en entretiennent deux ou trois
pour le moins, ſelon qu'ils ſont appointez, parce que pour chaſque cinq aſpres de
iournelle ſolde, ils ſont tenus d'auoirautant d'hommes à cheual entretenus à leurs
deſpens à laguerre : ſi que celuy qui en avfngt, eſt luy quatrieſme : & par ce moyen
les huict mille qui ſont d'ordinaire à la ſuitte du Turc en font plus de vingt. Ils ont
doncques chacun par iour,les vns plus,les autres moins ſelon leur merite & faueur,
depuis quinze iuſqu'à trente aſpres : & de vingt en vingtilyavn Boluchbaſſi qui com
mande, ainſi qu'eſtoient preſque les Decurions en l'ancienne gendarmerie Romai
ne;lequelena quarante : le Spucchi-aga ou leur Coronnel a quatre ducats; & deux
ou trois mille de penſion annuelle ſur le Timari car apres le Ianiſeraga ceſte charge
eſt des plus honorables de la Porte. Son Checaya ou contreroolleur en a vn : & l'eſcri
uain, demy. - - -
LE s c AR 1 P 1 en nombre de mille n'ont pas eſté non plus nourris és Serrails, ny caripi.
ncſont pas eſclaues comme les autres, ains la pluſpart ſont mores, ou Chreſtiens
reniez, pauure,&eſtrangerauſſi,quiaueclesAccangi,
ſignifie qui ont fait le train & meſtier de pauuresaduanturiers
& AKapes:ſontparleur
car ce mot dedexte-
Caripi Accangi, »
Azapet,
| iij A7
378 · Illuſtrations ſur
rité & valeur paruenus aurangdesgens de cheual de lagarde du Prince: ils marchét
auec les Vlufagi à main gaucheau derriere de luy,& ont de dix à douze aſpresle iour,
ſans eſtre obligez d'entretenir plus d'vn cheual s'il ne leur plaiſt.Leur Aga en a cent,
& leurs membres & officiers à l'equipolent.
PAR M 1 les Spacchis, (mais il fautentendre que ſoubs ce mot ſont compris auſſi
les Selictars, & en ſomme toutes ſortes de gens de cheual, comme ſoubs les Iennit
zaires,toutes manieres de gens de pied,) il y a de leurs enfans receus qu'on appelle
Spaoglans li Spaaglans,leſquels ne ſont pas proprement eſclaues comme leurs peres ont eſté,bien
bertini,ou af
franchis Ro que tous Turcs engeneral,ainſi qu'il a eſté dit cy-deuant ſe dient Culi ou eſclaues du
mains.
Prince,neaumoins ils iouyſſent des meſmes gages & priuileges du pere,ſ'il ſ'eſt bien
porté : mais pource que ſi cela ſe continuoit à perpetuité de race en race ainſi qu'à
nous enuers la nobleſſe, il tireroit en preiudice pour les droits du Prince; leurs im
munitez ſe terminent communément en deux ou trois generations, ſ'il ne luy plaiſt
les leur prolonger d'auantage, ſi qu'ils reuiennent lors au rang des Turcs naturels
appointez ſur le Timar. Les armes dontils vſent ſont l'arc, le pauois, partuiſane,za
gaye : mais plus courtes que celles des mores, & Arabes qu'on appelle les Zenetes,
d'où eſt venu le mot de cheuaucher à la genette, auec la hache à la ceinture quant
& le cimeterre, le poignard, & la maſſe d'armesàl'arçon de la ſelle.Toutes ces qua
tre trouppes de cauallerie font la garde à tour de roolle autour des pauillons du
Turc quand il eſt en camp : & à la paix és iours de Diuan ils ſe tiennent debout en la
ſeconde porte à la main gauche du coſté des eſcuries, & l'accompaignent qºand il
ſort dehors, en nombre chaque trouppe de cinq à ſix cens.
V o 1 LA la cauallerie de la ſuitte & garde ordinaire du Turc, tant à la paix com
me à la guerre,qui peuuét faire vingt mille cheuaux, aſſauoir quelques ſeptouhuict
mille maiſtres,& le ſurplus, de leurs eſclaues & vallets qu'ils entretiennent de leur
ſolde, & ne ſont moins bons combattans qu'eux : car en toute la domination du
Turciln'ya point de Princes ne de gentils-hommes, ny ſemblables diſtinctions de
nobleſſe,quiſe puiſſent dire plusgenereux que le populaire,ains ſont toutes creatu
res viuantes compoſees de chair & d'os,de nerfs & de ſang, bien qu'il y en ait , ainſi
que par toutailleurs, auſſi bien que parmy les beſtes brutes, de plus courageux &
vaillans les vns que les autres. -
Schaoux. Sv 1 v E NT maintenant les Schaoux, ou maſſiers,gens de cheual pareillement,en
nombre de cent cinquante, plus ou moins, car ce n'eſt pas vne compagnie arreſtée,
toutesfois en plus hautgrade que les precedents : car leur charge s'eſtend en plus
d'vne ſorte,eſtans en premier lieu ce que ſouloient eſtre les Fecialiens aux Romains
& les Heraux en noſtre endroit : de fait le Turc ſe ſert d'eux à enuoyer faire les de
' fiemens en l'hoſtilité , ſommer les places de ſe rendre, former quelque complain
te ou demande,porter meſſages & ambaſſades aux Potentats eſtrangers. Item à la
guerreils ſeruentcomme de ſergens de bande pour renger les gens en bataille, &
leur faire garder l'ordre qu'ils doibuent tenir : que ſi quelqu'vn ſort de ſon rang, ou
qu'il fiſt ſemblant de tourner le dos au combat,ils le rameinent à coups de maſſe,qui
eſt la ſeule arme, & marque qu'ils portent. A la ville ils marchent deuant le Prince
quand il ſort dehors,afin de faire retirer le peuple,& faire large : Prennent quant &
quant les requeſtes,que ceux qui veulentremonſtrer quelque choſe, eſtans proſter
nez contre terre ſans leuer l'œil, tiennentattachéesauboutd'vne canne : & les lu
preſentent qu'il attache à ſonTulban, pour eſtant de retour au Serrail leur faire rai
ſon là deſſus. Il ſ'en ſert encore à porter ſes mandemens de coſté & d'autre, & tien
nent en ce cas lieu d'huiſſiers : meſmes à prendre au corps, & conſtituer priſonniers
iuſqu'auxplusgrands, voire les executer à mort de leur propre main ſur le ſimple
commandementàbouche du Prince, ou de quelque Teſquere,& commiſſion du Di
uan,laquelle apresauoir communiquée au Saniacqougouuerneur de la prouince,ou
en ſon abſence au Cadi,ſubaſſi, ouiuge du lieu, pour auoir main-forte s'il en eſtbe
ſoin,oresque ce fuſt le Sanxacq propre, il eſt creu, & obeytout ſur le champ, car la
reſiſtance n'auroit point de lieu,ioinct qu'ils ſont tous ſi obeiſſans à leur Prince, que
4.
l'Hiſtoire de Chalcondile. 379
- ſans autre ſubterfugenycontradiction ilspreſenteront alaigrement leur teſte,quâd
# bieniln'yenauroitrien par eſcript de ſigné ny de ſeellé: & le schaoux ! apporte à la
cour pour teſmoignage de ſon execution, là où quelquesfois il y en aura vingt ou
#
-l
trente pour vnautres
baſſadeurs,& ſeul iour,on a accouſtumé
perſonnages auſſi de departir
de qualité,auec quelquesdeIennitzaires
ces Schaoux, aux Am
auſqucls ils
• commandent en ceſt endroit : & ce comme pour vne forme de ſauuegarde à l'en- .
s contre des inſolences & outrages qu'on leur pourroit faire autrement ſans cela : car
, ils ont le pouuoir de chaſtier à coups de baſton ceux que bon leur ſemble,ſans qu'on
:| º
leuroſaſtreſiſter, dont ils commettentaſſezd'abuz & de concuſſions, parce qu'ils
ne ſont ſoubſmis ne reſponſables à perſonne qu'au Prince ſeul,& à ſon Diuan : Tou
# tesfois ils ont vn Chefappellé le Schaouxbaſi, lequela trois ducats pariour,auec plus Schaouxbaſi,
s de deux mille de penſion ſur le Timar chacun an, & deux Caffetans de drap d'or, ce #des maſ
#
l#
ſont
te oude longuesaſpres
quarante robbes qui ſe portent ſans
d'appointement ceindre
le iour. par deſſus
Et toutainſi le doliman,
qu'ila eſté dit auec tren-"
cy-deuant -
,lr des Iennitzaires, il n'y a chef d'armee, Beglierbeyne Saniacq,qui n'ayent quelques vns
# de ces Schaoux aupres d'eux,pour executer leurs commandemens,&pour les autho
# riſer en leurs charges,car on leur porte vn grand reſpect.
# OvT R E ce que deſſus il ya vne autre bande de trois cens hommes de cheual, Muteferega,
$ . appellez Muteferega, quivaut autant à dire comme gens viuans ſans ſoucy, leſquels § ſouci
# ont de quarante à cinquante aſpres le iour, & approchentaucunement de l'ancien
#. ne inſtitution de deux censgentils-hommes de la maiſon du Roy, qui y ſouloyent
eſtre tant ſeulementappellez des vieils Capitaines & autres hommes de valeur ayās
#. longuement ſeruy à laguerre pourvne recompenſe de leurs merites & trauaux, ſur
li leurs derniersiours : en ſemblable quand quelqu'vn aura faict vne ou pluſieurs ſi
: gnalées preuues de ſa perſonne,& qu'il eſt deſormais aduancé ſur l'aage, le Turca
: de couſtume de le pouruoir d'vne place de ces Muteferga , qui varient de nombre à
# tous propos, car cela demeure à ſa diſcretion de les croiſtre ou diminuer : & ne ſont
#. point tenus à aucune faction ny couruée, non pas meſme d'aller à la guerre quand
# bien le ſeigneur dreſſeroit vne armée Imperialle pour yaller en propre perſonne:
I$ . neaumoins ſilavieilleſſe ou indiſpoſition ne les en empeſche, ou que le voyage ne
fuſt trop loingtain,ils nc faillentgueres de l'accompagner:comme ils fontauſſi tous ,
[! les Védredis quandilvafaire ſonoraiſon àla moſquée en pompe & parade.Au cāp,
# ſile Princey eſt en perſonne, ils ſont commis à la garde des bannieres & eſtendars, Eoialo,
s lors qu'on les deſploye,ſoubs la charge de l'Emiralem ou gonfallonnier general,pour #º
: lesgarder. '- - * general.
tout cela pour leur regard, quand bien ils demeureroicnt cinq ou ſix ans ſans retor
ner à leurs meſnages : car ils n'ont rien en propre,ſi que leurs tentes & pauillons ſont
plus magnifiques, que les baſtimens où ils reſident de pied ferme,ioinct que le plus
beau, & plus precieux de leurs meubles, qui conſiſtent en l'equippage de leurs ar
mes,& de leurs cheuaux, ils le traiſnent par tout auec eux. Pour tous vſtanciles, &
mcubles,car ils n'ont couches,tables,dreſſoüers,bancs,chaires,ny eſcabelles, linge,
ny tapiſſeries, ny vaiſſelle, ils ont vne belle nappe de cuir qui ſ'ouure & ferme com
me vne bourſe de gettons, & n'eſt point de beſoin de la mettre à la leſſiue pour la
reblanchir,vn petit vaſe de cuir qui ſe ploye auſſi, pour boire de l'eau.vn petit chau
deron couuert, qu'ils portent à l'arçon de leur ſelle, où en allant ſe peut cuire leur
viande,par le moyen d'vne lamine de fer eſchauffée qui eſt au fonds: & vn large plat
de bois ou eſcuelle pour dix ou douze : auec quelque meſchant tapis ou natte de
ioncs & rouſeaux,à ſeſtendre deſſus pour dormir : leurs cheuaux n'ont iamais non
plus de rattelier, ny de mangeoire, ny littiere, vn peu d'herbe, ou de paille hachée,
ºlllCC VI1C poignée d'orge au ſoir,les maintientforts & vigoureux, de treſbon trauail
& longue durée : & ainſi comme ils fontvne deſpence tres-petite, peu de ſolde leur
ſuffit auſſi, carils ne ſçauroient deſpendre homme & cheual ſelon qu'ils viuent, ſoit
- * e a envoyage parpays, ſoit au camp, la valeur de trois ſols pariour à tout rompre. En
Turc. apres le Prince qui proiette de longue main ſes entrepriſes & expeditions,a loiſir
de faire ſes preparatifs,& pourueoir de viures par les lieux où ſon armée doibt paſſer,
leſquels il reuend à ſes gens de guerre,& gaigne beaucoupla deſſus, outre ce que la
pluſpart d'iceux luy eſt fournie & donnée gratis par ſes ſubiects, de maniere que là
où tous les autres Princes deſpendentinfiniment en leurs guerres,luy ſeul au con
traire faités ſiennes vn grandgain & profit : car il ne luy eſt point de beſoin de met
tre la main à la bource pour ſouldoyer des eſtrangers : toutes les forces qu'il a ſont
d'ordinaire entretenues auſſi bien en temps de paix que de guerre. Surquoy il faut
Perſonne ne notter qu'en toute ceſte large & ſpacieuſe eſtendue d'Empire, il n'ya homme quel
#.. qu'il ſoit,ſi ce ne ſont d'aduenture les Chreſtiens, dont la condition en ce cas eſt en
† core pire, & plus onereuſe, quiſe puiſſe dire auoirvn ſeul poulce de terre en propre
#º " à luynyaux ſiens, tant ſ'en faut qu'il peuſt eſtre ſeigneuriuſticier de quelque cha
- ſteau, bourg, ou village, ny autre terre & ſeigneurie, nyauoir des ſubiects & vaſſaux
ſoubs luy; ains eſt tout le § departy aux vns & aux autres par forme d'vſu
fruict ſeulement; & encore non pas à vie, ainstant qu'il plaiſt au Prince de le leur
COllIlIlllCV
- ) - - ©. _| - - |! • ' f • - - - -
les, les officiers principaux : le nombre des forces de Turcs naturels de cheual,& de
pied, tant par la terre que par la mer,ſurquoy, & comment elles ſont ſouldoyées & • º :
"
pieres de Perſe. Du Septentrion d'autre partau midy, depuis Capha qui eſt yers les
paluz Meotides, & le fleuue de Tanaïs,iuſqu'à la ville de Siené en la baſſe Ethio
pie, où à peine les armes Romaines penctrerent oncques, & à l'emboucheure de
la mer rouge , il y a plus de mille lieuës , le tout ſans aucune interruption d'vn
ſeul pied de terre : car les Turcs marchent touſiours de proche en proche en leurs
: conqueſtes. - - - -
4 A v regard des mers, toute la mediterranée à peu pres ſe peut dire eſtre ſoubs
ſon obeiſſance,tant pour les coſtes & iſles qui luy ſont ſubiectes, que pour lesgroſſes
flottes devaiſſeaux qu'il peut mettre dehors à tout'heure,horſmis le goulphe Adria
tique , & la mer inferieure comme on l'appelle, depuis le Far de Meſſine iuſ
qu'à
touteMarſeille, & de là iuſqu'au
du nom Chreſtien. deſtroit
Mais pour venirdeauGilbatar en en
particulier, Landelouſie , quipoſ-
Europe le Turc eſt
| , •
ſede toute la Hongrie à ceſte heure , & vne encoigneure des appartenances de la
Poloigne vers Chionie le long du fleuue Boriſtenes, ou Nieper, qui s'en va tomber
dans la mer-maiour vers Moncaſtre, anciennement Hermonaſſe : la Tranſſylua
nie, Moldauie, & Valachie, luy eſtans non ſeulement tributaires, ains du tout
à ſa deuotion. Le long du Danube de coſté & d'autre il occupe tout , la Ser
nie, à ſçauoir, ou Myſie, tant la ſuperieure que l'inferieure : Raſcie , que
NN . . . -
382 Illuſtrations ſur
Strabon & Ptolemée appellent les Scordiſques, & quelques autres la Dardanie,
c'eſt la Boſcine de maintenant : Plus la Bulgarie ou Triballiens, & le long du goul
phe adriatique la pluſpart de l'Eſclauonie, Croatie, Dalmatie, & l'Epire, auiour
d'huy Albanie.La Grece toute d'vn bout à autre, auec le Peloponeſe ou Morée, &
les Iſlesadiacentes de toutes parts.La Macedoine, Theſſalie, & laThrace, iuſques
au deſtroit de Prerop, & plus haut encore,où il va confineraux Moſcouites & Tar
tares vers le Tanais, des modernes appelle le Don. Et pour reprendre la marine de ce
coſté là,quiſe varendre où nous auons dit cy-deſſus, tout le pont Euxin ou mer-ma
iour, (les Turcs † Caradenis, la mer noire,) auec ſes riuages tant en l'Euro
pe qu'en l'Aſie, eſt de ſa domination : puis la Propontide, Helleſponte,la mer Egee,
· ou Archipel, Phenice, Ionie, enſemble toutes les Iſlesy contenues horſmis Sgo,
| Leſbos ou Methelin, & quelques autres de peu d'importance, qui luy ſont neau
moins tributaires, à trop meilleure & plus fructueuſe condition pour luy, toutes
fois, que ſi elles eſtoientreduittes abſolument ſoubs ſon obeiſſance & ſubiection,
car toutes les fois qu'il luy en prendroit enuie il les pourra empietter d'heure à au
tre, les choſes eſtansés termes où elles ſont,auſſi bien commeil a fait Chypre,& eſt
en dangerfaire de Candie qui n'y pouruoira. EN As I E , l Empire de Trebizon-'
de, auec la Mengrelie, & Zorzanie confinans d'vn coſté auxTartares, c'eſtoitl'an
cien Royaume de Colchos tant fameux pour la toiſon d'or, & le voyage des Argo
nautes. En apres la Gallatie ou Gallogrece, Cappadoce, & Paphlagonie : la Cara
manie conſequemment quiconſiſte en la Cilice, Cycie, Lycaonie, & Pamphylie:
Toute la petite Armenie ou Aladuli, y compris les monts du Taur, & de Caucaſe en
vulgaire Coca{: l'Anatolie, ou Aſie mineur, & Turquie, où ſont contenues Bithy
nie, Lydie, Phrygie, Meonie, Carie. Item toute la Surie, & Phenice : l'Aſſyrie,
. ou Aſamie, (l'ancienne Chaldée) dont Babylone, Bagadet, ou Baldach, eſt le chef
encore : Medie, & Meſopotamie qu'ils appellent le Dierbech, l'Arabie pierreuſe, &
la deſerte où ſont les villes de Medinatalnabi, & de la Meke : & vne portion de lafer
tile ou heureuſe, aumoins le redoubtement du nom Turqueſque ſeſtend iuſ
ques là. Et finablement en Afrique toute l'Egypte, qu'ils appellent Mitxir, du
mot Hebrieu Mixraſim, angoiſſes, dont le Caire eſt le ſiege capital à ceſte heure,
& la reſidence du Baſſa, gouuerneur de ceſte prouince , qui ſ'eſtend iuſqu'au
Royaume d'Arger le long de la coſte , & plus de cent cinquante lieuës contre
mont le Nil. -
-L E R E V E N V D V T V R C.
carazzi, tribut , Tovs LEs cHR EsT 1E N s, & les Iuifs quiviuent ſoubsl'obeiſſance du Turg
ſonteſcriptsau papier du Carazzi, depuis qu'ils ont l'aage de quatorze ans ( i'en
tends des maſles, car les femelles en ſont exemptes ) qui eſt certain tribut en
argent qu'ils payent pour teſte ſelon la taxe qui ſe fait ſur l'eualuation de leurs
facultez & moyens, au teſmoignage & rapport de trois Turcs naturels, ne pou
uant toutes-fois exceder deux cens aſpres qui font quatre eſcus, ny auſſi eſtre
moindre que d'vn eſcu, auec quatre aſpres outre cela pour les frais de la cueil
lette des deniers. Et pource que ceſte taxe demeure à l'arbitre des Turcs, ilſy
commet de grandes iniuſtices & deſraiſons, d'autant qu'eſtans corrompus par
les riches , la charge ſe reiette ineſgallement, comme il aduient par tout preſ
qu'ailleurs, ſur les pauures & foibles, qui ſont contraints la pluſpart du temps
de donner leurs propres enfans pour eſclaues en lieu d'argent, pour n'auoirde
quoy ſatisfaire à ceſte charge & impoſition , & à d'autres dont ils ſont ſurchar
gez encore , meſme pour l'entretenement des mattelots & gens de rame quand
Le carazzi du on dreſſe quelque armée de mer. Ce Cara{Xi , doncques peut arriuer pour lo
† iourd'huy à bien deux millions d'or de liquide, par communes années, & plus:
do c§. Car du temps de Baiazet, il y peut auoir quelques quatre vingts &. dix ans,
- par la deſcription qui ſ'en fit, ſe trouua enuiron le nombre d'onze cens, douze
- - mille
l'Hiſtoire de Chalcondile. 383
mille Chefs de Chreſtiens : & ſoubs ſon fils Selim biſayeul d'Amurath qui regné
à preſent, treize cens trente trois mille, outre les priuilegez & exempts, n'eſtans
encore annexées à l'Empire Turqueſque, la Surie, & Egypte, la Mcſopotamie,
& Armenie, que conquiſt iceluy Selim : Solyman puis apres la Hongrie , &
Rhodes : & ſon fils Selim Chypre, ſi que le Carazzi peut bien arriuer de nect main
tenant aux deux millions d'or deſſuſdits, outre toutes les non-valleurs quiypeu
uent eſcheoir, & encore plus. Bien eſt vray , que là deſſus a eſté aſſigné par les Fondations
Empereurs Turcs l'entretenement des Moſquées & hoſpitaux de leurs ſepultures, des Turcs
comme de Mehemct ſecond, qui reuient à cent mille ducats par an de deſpen
ce, à quoy eſt affecté le CaraXXi de Coron, Modon, Lepantho, & Pattras. Et de
Baiazet, tout plein d'autres reuenus de coſté & d'autre. Quand à Selim le biſayeul
de celuy qui regne, pource qu'il ne conquiſt rien ſur les Chreſtiens , ains ſur les
Mahometiſtes tant ſeulement, comme ſur le Caraman, le Sophy, & le Souldan
du Caire, il fit la fondation de ſon Imarath, ſur le domaine, & non ſur le Carax to,ai hor.
i. Et ſon fils Solyman au rebours, parce qu'il eſtendit toutes ſes conqueſtes ſur pital.
le nom Chreſtien , horſmis quelques entrepriſes qu'il fit contre le Sophy , plu
ſtoſt par oſtentation & brauade, que pour y rien empietter de pied ferme, ilaſ
ſigna le ſien , dont le baſtiment couſta plus de douze cens mille eſcus, ſans les
marbres , & autres precieuſes eſtoffes qu'il enleua d'infinis endroits , ſur le Ca
razzi, qui monte plus de ſept vingts mille eſcus tous les ans : & ce qui eſt vne fois
li#
deſtiné à ces laiz charitables , ne ſe peut aiſéement reuocquer ne diſtraire à au
&
tres vſages par les ſeigneurs qui viennent apres, ains demeure perpetuellement
affecté à cela. -
OvT RE le CarazXi deſſuſdit, dont les Turcs ſont du tout exempts, les Chre- Impoſition
ſtiens, les Iuifs, & les Turcs meſmes payent certain autre impoſtannuel, qu'on ap-pour la deſpé
, pelle pour la deſpence,aſſauoir les Iuifs,& Chreſtiens trente aſpres pour teſte, & lesºº
#
Turcs vingtcinq, qui reuient à plus de douze cens mille eſcus tous les ans, car il n'y
faut pas comprendre les gens de guerre , ains les laboureurs & marchands ſeule
ITlCIlt.
-
1.i
-
IT E M pour chaſque chef de beſtail, de quelque ſorte indifferemment qu'il rºtut ſur le
puiſſe eſtre,d'vn aſpre,à vn aſpre & demy : dequoy on peut faire eſtat à plus de quin-beſtail.
ze cens mille eſcus, - -
che. · " ,
L E s deniers reuenans bons par la mort,ou demiſſion des officiers & Timariots, & aulbeines,
d'autant que cela ne paſſe pas à leurs ſucceſſeurs, ains retorne au profit du Prince,
quatre cens mille eſcus. - -
NN ij
384 Illuſtrations ſur
CE qu'il tire de la monnoye, cent mille.
LEs PR Es ENT s quiluy ſont faits de toutes parts, & meſme en temps de guer
re par les officiers des prouinces,à l'enuyl'vn de l'autre, ſont eualluez par commune
eſtimation à plus de trois cens mille eſcus paran, deduits ceux qu'il fait en contreſ
change. - - -
· EN cE que deſſus,qui eſt extraict des relations des Bailes ou Ambaſſadeurs que
les Venitiens tiennent d'ordinaire à Conſtantinople, qui ſont tenus, comme par
tout ailleurs où ils en ont aupres des Princes & Potentats, de leur apporter de trois
en troisans,vn diſcours bien ample de tous les affaires des lieux où ils reſident, n'eſt
compris le reuenu du Royaume de Chypre puis n'agueresannexé à leur Empire,qui
peut reuenir par an de cinqà ſix cens mille eſcus. | .
IL Y A puis apres les tributaires,comme du coſté de la Barbarie tous les Roys, &
Seigneurs particuliers qui commandent en Arger,Thunes,Telenſin, Tripoli, Fez,
Marroch,les Gerbes, & autres,cela peut monter compris les preſents & paſſe-droits
qu'ils fontaux armées de mer, à plus de cent mille eſcusl'vn portantl'autre tous les
aIlS. -
Les gens deLEs huictmille que Spacchis, que Seličtars, & Vlufagi qui font, auec leurs cou
#! º" ſtilliers entretenus,bien vingt mille cheuaux, on les peut mettrey compris leursha
- billemens, montures, & autres preſents, paſſedroits, & ſurgraces qu'ils ont du mai
ſtre, à cent eſcus auſſi paran, tant les maiſtres que les vallets, ce qui reuiendroit à
deux millions d'or.
SI que ces forces de la Porte, qui paſſent en pompe & parade toutes les au
tres qu'a le Turc, ſont auſſi l'vn des principaux & plus lourds articles de ſa deſ
, pence. -
† | QyANT à ſa maiſon, il entretient plus de deux mille bouches dans ſon Ser
Turc. rail, ſelon qu'on a peu voir cy-deuant : Tous leſquels outre leur deffroy de bou
- che,ont des gages,&accouſtremens,la pluſpart fort riches A les prendre doncques
ſeulement
-
• • - - - - - - • . : "-- *
Chambre aux
SA c H A M B R E aux deniers ou deſpenſe de bouche, y compris ces ſix cens plats deniers.
|
ou baſſins de viande qui ſe ſeruent quatre fois la ſemaineau Diuan,ne ſçauroit moins
monter de cent mille eſcus, attendu le grand nombre de bouches qui viuent ſur ſes
cuiſines; & le deffroy des Ambaſſadeurs, & ſemblables perſonnages de qualité qui
reſident aupres de luy, auſquels il donne iournellement certaines liurécs & diſtri
butions de riz, grains, chair, foin, orge, & autres telles victuailles : & certes ſi ce
n'eſtoit leur parſimonie, prouiſions de longuemain comme en demeures de pied
ferme, leur ſobrieté & bon meſnage, ils n'en ſeroient pas quittes, aumoins nous, ſi
#!
ſ
l'ony veut comprendre les larrecins qu'on appelle practiques, pour quatre ou cinq
fois autant. , - . -
#:
#.
S Es Esc v R 1 Es, y compris les achapts de cheuaux, & les preſens qu'il en Eſcuries.
faict de coſté-& d autre , auec leurs richcs harnachemens : Ceux qui les pen
ſent, & leurs ſuperintendans , & officiers , à cent mille autres eſcus pour le
II1O111S. - - -
SA VENN E R I E & fauconnerie ſelon qu'ila eſté ſpecifié cy-deſſus, à plus de vénsrie & fad
- - COIlllCI1C,
| cent millel'vn portant l'autre.
ILs ſont au reſte ſi peu curieux de baſtir, que cecy ſe peut paſſer comme en blanc: paaiments.
toutesfois ilya eu des EmpereursTurcs qui y ont faict d'extrémes deſpences.
HoRs de ſon Serrail il entretient plus de trente mille artiſans , qui ont tous Entretenemét
de luygages outre leurs manufactures : comme armeuriers, ſelliers, eſpronniers,º
mareſchaux, tentiers, conducteurs de chameaux & beſtes de ſomme, & autres ſem
blables, qui à les prendre de ſix iuſques à dix aſpres le iour, arriueroient à plus de
douze cens mille eſcus paran. - - Gaiges d'ofH
L E s G A G E s de ſes principaux officiers, & les preſens qu'il leur fait outre ce qui cie# -
leur eſt aſſigné ſur le Timarou domaine, plus de deux cens mille. -
L E s SERRA 1 Ls des Dames qui y ſont gardées pour ſon vſage fi bon luy ſemble
en nombre tres-grand de coſté & d'autre, iuſques à douze ou quinze cens, voire en
core plus, tant pour leur viure & veſtemens, & les dons qu'il leur fait de grace ex
traordinaire en les mariant, que pour ceux qui ont la charge de les garder & ſeruir,
plus de deux cens mille eſcus. - - - - - "
Les FoN PAT 1oNs des Moſquées & Hoſpitaux de ſes predeceſſeurs iuſques †
icy, montent à ce que i'ay peu entédre, compris les œuures pitoyables que le Prince §"
#
- N N iij -
".
386 | Illuſtrations ſur
faict durant ſavie, & les entretenemens de ces lieux auec les baſtimens des autres
qu'ils fondent pour le ſauuement de leurame, ſiaumoins il y peut auoir ſalut hors
de l'Egliſe de Dieu Catholique, à plus de ſix cens mille eſcus, mais cela va ſur la
deduction de leur reuenu.
EN temps de guerre, encore que pour le regard de ſes forces il ne deſpende point
plus qu'à la paix, par ce qu'il les entretient d'ordinaire; ſi ce n'eſt d'aduanture pour
quelques azapes gens de pied, & Turcs naturels,mais c'eſt peu de choſe : & pareille
Artillerie.
ment que lesviures lui tournent à plus de profit que de deſpenſe:neaumoins le train
de l'artillerie qui eſt fort grand en ſes voyages & entrepriſes; dont ſi c'eſt au loingil
fait porter le bronze ſur des chameaux, afin de fondre les pieces ſur les lieux où il
en peutauoir affaire : & les pouldres,boullets, cordages, affuſts, & tout le reſte de
l'attirail, ne luy peut eſtre que de grands frais: combien que cela n'arriue pas tous les
La marine. ans, ce nonobſtant il ne laiſſe d'entretenir continuellement plus de quarante mille
perſonnes en ſesarcenats, qui à cinqaſpresl'vn portantl'autre ſans les eſtoffes, mon
teroiét à plus de douze cens mille eſcus tous les ans.A ceſt article l'on pourroit auſſi
Arcenal, mot ioindre la deſpenſe de la marine, par ce que ce mot d'Arcenal qui eſt Turqueſque
Turqueſque. concerne tantl'artillerie que les vaiſſeaux, dont le Turc entretient d'ordinaire plus
de deux cens groſſes galleres, & centgalliottes & fuſtes. Il ya puis apres la deſpenſe
des mattelots, forçats, & gés de guerre qu'on charge deſſus Parquoy on peut bien
mettre icy pour tout cela vn million d'or : car ſon equippage de mer eſt fort grand:
Bien eſt vray que quand ſa flotte ſort dehors, ils ont de couſtume deietter vne creuë
ſur le Cara{ºi de † eſcu pour teſte, car ils n'ont que ceſt impoſt qui puiſſe aug
menter, comme à nous les tailles, & autres aides & ſubſides.Mais il vaut mieux re
ſeruer tout ce fait de la marine ſur le chapitre de l'Arcenal qui eſt en Pera, où il vien
draplus à propos : il ſuffiſt d'auoir touché icy en paſſant ceſt article parvne commu
ne eſtimation. -
A 1N s 1 ſa deſpenſe arriueroit à quelques dix millions d'or peu ſ'en faut.Mais tout
l'eſtat que nous en pouuons faire eſt enl'air, & comme ſil'on y alloit à taſtons, parce
que les choſes ſe changent de iouràautre ſelon le naturel des Princes, & les occa
ſions qui ſuruiennent, meſme en vne telle & ſivaſte eſtenduë de Monarchie. A ce
compte le Turc pourroit mettre en reſerue deux millions d'or chacun an, ce quine
ſ'eſloignegueres de la raiſon : tellement qu'ils deuroient auoirvn fort grand fonds,
que quelques vns qui font profeſſion d'entendre leur fait, eſlargiſſent à plus de cent
millions d'or, qui ſont (dient-ils)és ſept tours dont nous parlerons cy-apres.Lesau
tres qui ſont parauanture plus clair-voyans, & qui examinent de plus pres leursaf
faires,ontopinió que le Turc meſme eſt courtd'argent,& neceſſiteux la pluſpart du
temps, quelque bonne mine qu'ils facent : & là deſſus alleguent ce qui ſe dit meſme
pardelà de Ruſtan Baſſab que la cauſe principalle de ſon aduancement enuers Soly
man,fut ſa dexterité à trouuer desinuentions pour luyamaſſer des finäces,iuſques à
vendre des meſchantes hardes & deſpoüilles priſes ſur les Chreſtiens,eſtant lors le
Chaſna ou threſor de l'eſpargne fort eſpuiſſé : auquel en l'vne des chambres d'ice
luy eſtoittaillé en groſſes lettres ſur la porte; L E s F 1 NAN c E s A c Q v I s E s Av
PR 1 N c E P A R LE M o Y EN ET D E x T E R 1 T E DE Rv sT AN. Lequcl,
cöme porte vne des Relations des Bailes Venitiens, ſe laſchavn iour de dire, que le
Seigneur pouuoit maintenir laguerre plus de cinquante ans des deniers ſeulement
du Chaſha; ce qui reſſent plus ſon odeur d'vne vanterie & piaffe Turqueſque pour
intimider vn chacun, que de vray-ſemblance réelle.Trop bien le bruit communeſt
que Solyman au voyage qu'il fitl'an 1566.en Hongrie lors qu'il mourut deuant Seg
het,auoit portéauecques luyplus de quarante millions d'or : & que ſon fils Sultan
Selim en paſſant par Conſtantinople pour aller à l'armée prédre poſſeſſion de l'Em
pire voulut ouurir le Chaſna pour prendre de l'argent, dont il peuſtfaire des largeſ
ſes & donatifs ſelon la couſtume,aux Iennitzaires & autres forces de la Porte à ſon
nouueladuenement à la couronne : mais que ſa ſœur Camerie veufue dudit Roſtan
luy remonſtra, qu'outre ce que leur deffunct pere auoit portéauecques luy vn tres
grand
-
O v T R E les quatre Baſſats deſſuſdits ilyen a vn cinquieſme appellé le Baſſadegnis Baſſa Degn#
ou de la mer, qui eſt comme vn Admiral, & general de la marine,tel que fut ſous le Admiral.
dit Solyman Cairadin Baſa dit Barberouſſe de par ſon oncle Roy d'Arger; & nague
res Occhiali; lequel Degnis a ſeance au Diuan auec les autres Baſ/ats, combien que ſa
reſidence ordinaire ſoit à Gallipoli, & parfois à Pera, où il commande, par ce que là
eſtl'Arcenal, & la plus grand part des vaiſſeaux, auecl'attirail & equippage de mer:
&y commet meſme vn Subaſſi ou Caddi pour y exercer la Iuſtice. Ce mot de Baſ
ſa eſt auſſi deferéaux Beglierbeys,& Saniaques,gouuerneurs des Prouinces, & groſ
ſes villes, comme à celuy qu'on'appelle le Baſſa de Budde de la Morée, du Caire, &
autres ſemblables.Et finablemét à tous les chefs des officiers pour petits qu'ils ſoiét,
comme les Boſfangibaſſi chef desiardiniers, les Odobaſi chefs deſquaddre ou cham
brées, Chaſnadarbaſi, &c. Quant au premier Baſſa ou Viſir, il n'abandonneiamais le
Prince quelque part qu'il aille, ſoit à la paix, ſoit à la guerre : ſi font bien les autres
à qui il donne charge d'armées, & entrepriſesd'importance quand il ny veutpasal
leren perſonne, tant par la terre que par la mer : comme à Muſtapha Baſa au ſiege de
Malthe: & depuis à Chypre lors qu'elle fut priſe,les Baſſats donnentaureſte audien
ce aux Ambaſſadeurs, & conſultent de toutes ſortes d'affaires : Car le Prince nene
gocie iamais quant à luyimmediattement auec perſonne que ce ſoit, nyne fait rien
fors que par eux & auec eux : voulant qu'ils examinent & eſpluchent diligemment Notables ad
toutes choſes, afin que le rapport luy en eſtant par eux faict,il ſ'en puiſſereſouldre à uertiſſemens
les Prin
loiſir.A ce propos le Roy Catholique Dom Ferrand d'Arragon ſouloit dire, que les pour
ces ſouuerains,
Conſeillers des Princes eſtoient leurs lunettes : maisle Turc Solymanyadiouſtoit,
qu'il n'eſtoit pas expedient qu'ils commiſſentiamais tous leursaffaires à vn homme
-
388 Illuſtrations ſur
ſeul : Parquoy ceſte façon de faire desTurcs eſtvnetres-bonne forme de gouuer
nement; & vaut mieux la pluſpart du temps eſtre vn peu plus peſant & groſſier, voi
re comme l'ondit, cheminer à pieds de plomb 'és grands affaires, que ſubtil & har
ſtif. Ce ſont les Baſats au reſte qui ordonnent des finances, & quiconferent les pro
uiſions des Timariots au deſſus de ſix mille aſpres de reuenu, qui valent ſix vingts
eſcus : & en ont quant à eux chacun vingt mille de penſion , le Viſir vingt-cinq
mille, & celuy de la mer quinze mille, aſſignez ſur les plus certains & meilleurs
endroits de tout le domaine; car ils les choiſiſſent comme bon leur ſemble , de
maniere qu'ils leur'arriuent au double , & leurs practiques encore plus , ſi qu'il
n'y a Baſſa quine puiſſe faire eſtat de pres de cent mille eſcus tous les ans; auſſien
tretiennent-ils ordinairement vn grand train & famille, de plus de trois ou qua
tre mille bouches , & mille cheuaux , pour en employer la pluſpart à la guerre.
Et n'y a qu'eux outre le Prince, & les deux Beglierbeys qui ayent leurs tentes & pa
uillons de couleur rouge. -
- -
- . -
, Le Beglierbey
, . '
LE T R o 1s 1 E s M E eſt celuy d'Amaſie ville capitalle de Cappadoce ou Toccat, §
reſque à deux cens lieuës de Conſtantinople, auquel reſſortent Galatie,Paphlago
nie & Trebizonde. Il a huict mille ducats de penſion ouTimar, quatre Saniaquats, &
ſixmille cheuaux deſſoubs luy, - | | • - » * " -
ſ ! Halep, ou en Damas. Il eſt tenu de rendre de net dans le Chaſna ou eſpargne chacun
-
-
an,lestimariots payez. & toutes autres charges acquittées vn million d'or. -
MAIS pour retourner à noſtre propos pour diſcerner les ſuſdites bannieres des Sa
miaquats, ces pömes & flocs ſont § de quelque eftendard ou drappeau,
comme on l'appelle en termes de guerre, qui eſt de taffetas de diuerſes couleurs &
de[liſes, ainſique les enſeignes & guiddons de noſtre gendarmerie : car ſoubs ceſte
banniere colonnelle marchent les cornettes particulieres des Subaſſis,qui à guiſe des
anciens Decurions Romains ont quelques trois cens cheuaux ſoubs eux,afin de gar
der touſiours tant mieuxl'ordre qu'on doit tenir, & ſçauoir où ſe renger tantaulo
gis, qu'au combat, & ralliemens. Car les Turcs bien que fort exactes obſeruateurs
de la diſcipline militare, ſont neaumoins vn peu groſſiers & mal-adroits à tenirba
taille, & combattent à la deſbandée comme en eſcarmouche, à frequentes charges
& recharges, en ſe retirant & fuyant la pluſpart du temps, à la maniere des Tarta
res dont ils ſont venus, d'autant qu'ils ſont legierement armez & embaſtonnez:
& leurs montures de fort longue haleine , ſi que quant on cuidde les auoir du
tout rompus & deffaicts, les voila retourner ſur vos bras ainſi qu'vne groſſe nuée
& orage : par ce moyen emportent le plus ſouuent la victoire ſur des gens pe
ſammentarmez, pluſtoſt parles haraſſer & matter à la longue de chaud & trauail,
que parvaillance & effortd'armes. Ils ſont ſtipendiez au reſte ſur le meſme Timar
- - O O ij
392 · Illuſtrations ſur
de leurgouuernement & iuriſdiction, les vns plus ou moins que les autres, ſelon
l'eſtenduë d'iceluy, & l'importante dont il eſt; ou qu'ils ſont fauoriſez du Prince,
Appoinctemët des Baſſats & Beglierbys, les teſmoins de leurs bons deuoirs & comportemens, de
des Saniaques.
puis quatre mille ducats,qui eſt le moins, iuſqu'à douze ou quinze, ſans leurs prati
ques & profits : car outre ce qu'ils ſurchargét le reuenu qui leur eſt aſſigné pour leur
ſolde & appoinctement, ils corbinétencore ſur celle des Timgriots qui ſont ſous leur
charge, toutainſi que nos Colonnels ſur les Capitaines , & les Capitaines ſur leurs
ſoldats, autres grand detriment du Roy : car c'eſt par là oſter le courage aux gens de
valeur de ſ'eſuertuer,pour paruenir à vne meilleure fortune & condition: diſcipline
la plus loüable qu'ayent pointlesTurcs,& qui plus les maintient en leur reputation,
& grandeur,n'yayant artiſan, ny homme de guerre parmyeux quine puiſſe parue
nir à cueillir quelquefois le fruict de ſes perfections & merites : ce qui inuite les vns
au trauail,& les autres à ſ'expoſer aux plus grands dangers & hazards,ſ'attédans bien
qu'ils ne ſeront point fruſtrez de la recompenſe à eux deuë. Et n'y eut onques nati5
en toute la terre,où ces deux points ſur leſquels tous les eſtats les mieux eſtablis ſont
Prœmium , & fondez, ainſi que ſur deux fermes & puiſſantes ooulonnes Prœmium, & paena, le
pœna le fonde
mentde toutes loyer dubien faire, & le chaſtiment des mesfaicts, ayent eſté plus exactement prati
dominations. quez qu'enuers les Turcs. Il n'ya point là de nobleſſe hereditaire, ny degétilleſſe de
race,qui acquiſe par oiſiue ſucceſſion de pere en fils face exceller les indignes deme
ritoirement ſur de plus dignes qu'ils ne ſont : ny d'heritages & poſſeſſions nomplus
| delaiſſées à de laſches & puſillanimes faits-neants, leſquels ſans ſeruir nyau Prince,
nyau public de rien quelconque, conſument ces biens deus aux gens de bien & aux
vertueux, à ſe peruertir eux & leur ſequelle à toutes ſortes de delices & deſbauſche
mens : & attirent par meſme moyen ceux, qui ſont aptes & capables de ſ'enfourner
au bon chemin, à ſ'en deſbaucher: lavertu ſeule,& la valeur, le ſens, ſuffiſance,& les
preuues ſignalées de leurs perſonnes où chacun ſe parforce de relûire & ſe faire pa
roiſtre les rendentd'eſclaues en vn inſtant non que gentils-hômes, mais Princes,de
pauures & ſouffretteux,opulens & riches:d'incogneus,celebres & renómez.L'hon
neur & le reſpect qu'on leur porte vient de leurs charges& dignitez ſeulement,& de
la preud'hommie qu'ilsyexercét,auſquelles leurs merites & ſuffiſance les pouſſent.
Iln'ya point là de diſputes, de rangs & degrez qui leur ayent eſté laiſſez comme en
heritage de leurs anceſtres: chacun ſçait ce qui luy appartient ſans rien eniamber ſur .
autruy: car l'authorité où le Prince les cöſtitue reigle le tout ſans aucune alteratiöny
mutinement pourcela : le moindre indice † rien moins que leur teſte
ſans autre forme de procés.Et n'eſt point queſtiºh de faire du malcontent,ny de ſe
retirer chez ſoyſil'on n'obtient ce qu'on deſire. La recommandationauſſi peu nyla
faueur n'y ont point de lieu, ſinóaccompaignées de merites dontl'onait fait preuue
euidente.Parquoyles enfans de bonne maiſon ſiautre choſe ne les ſeconde ſ'y trou
ueroientvn peu freſque, & malappoinctez. Et à quel propos auſſi commettre vne
cauſe de grande importance à vn ignorant & non experimenté Aduocat, pour eſtre
fils de quelque Preſident ouConſeiller,riche & d'anciéne race,pluſtoſt qu'à vn vieil
routtier eſprouué, ores qu'il fuſt le premier de la ſienne incogneuë auparauant, ouà
vn Medecin traiſnantvne grande robbe de veloursauecvne longue ſequelle,& qui
ade belles maiſons à la ville & aux châps & forces rentes cöſtituées, qu'à vn de ſim
ple pompe & equippage bié practiqué & verſé en ſa profeſſion? C'eſt ce qui abuſe le
plus les perſonnes que l'apparence exterieure:là où parmy les Turcs,quelques rudes
& groſſiers qu'ils ſoiét, la dexterité d'eſprit & la preuue de leur deuoir va pour toute
nobleſſe de ſang, & ancienneté de race : le ſoin, vigilance, & teſmoignage apparent
de ſes faicts, pour les richeſſes & facultez.Selon ce qu'ils paroiſſenteſtre capables &
idoines pour l'exercice d'vne charge, les yvoila tout ſoudain & à l'impourueu aduä
cez, la pluſpart du temps outre leurattente & pourſuitte : ſi qu'iladuiendra, comme
ils dient en leur maniere de parler, que tel quine ſouloit eſtre que pieds, ſ'il ſe porte
valeureuſement ſera teſte, & au rebours.Söme que la gentilleſſe,les facultez, ne les
honneurs,ne ſe produiſent pas là de races, ainſi que les herbes font de leurs ſeméces,
/
t
l'Hiſtoire de Châlcondile. . 39;
ne la vertu & les bons debuoirs ne paſſent point hereditairement de pere en fiſs,
nomplus que lesarts & ſciences,ou autres perfections qui ſ'acquierentatfecle temps
trauail aſſidu,exercice & cultiuement de l'eſprit, mais outre ce que le ciel leur peut
impartir de beneficence tout leur prouient par leur labeur,induſtrie,hardieſſe,vail
lance, bons debuoirs & merites, par leurgrande ſobrieté de vie, tollerance, & en
durciſſement de fort longue main aux meſaiſes, incommoditez, & trauaux, obeiſ
:
ſance enuers leurs Chefs & ſuperieurs,& autre telle diſcipline militaire,nourriture,
& inſtitutions treſloüablcs.Au moyen dequoy les belles charges,dignitez & aduan
:
cemens, le credit & richeſſes immenſes où ils paruiennent, ſont le prix & loyer de
leursvertus & merites : là oùl'inutilité & pareſſe, la nonchallance, gourmandiſe &
#:
laſcheté demeurent enſeuelis auec ceux qui ſ'y ſont laiſlez peruertir, dans le goul
phed'indigence,de meſpris & contemnement.Dont nous deburions rougir de hö
te,ſiaumoins elle peut auoir place dedans nos cœurs, de voirvn ſibel ordre oſtably,
& toutes choſes ſi bien reiglez parmy des gens que nous tenons pour ſi hebetez &
barbares : & qu'en des nations ſi bien polies & cultiuées on viue d'vne telle ſorte
que n'y ayant aucune place reſeruée pour la vertu rout ſ'en voiſe ainſi ſottement à
vne vaine adombrée nobleſſe de race,& à desfaueurs la pluſpartmendiées à deniers
comptans.Mais c'eſt aſſez de ce propos.
OR toutainſi que les Saniaques ſont ſoubs l'authorité des Beglierbeys, de meſme les
subaſſi ſont ſous la charge des Saniaques. Mais pour mieux le donnerà entédre con- Les Sutaſi
formementà nos anciennes façons de faire,les Saniaques eſtans cóme les Lieutenans
de Royés prouinces, les Subaſ(t ſerapportent à nos Bailliz, Seneſchaux, Vicontes,
Preuoſts,Chaſtellains; car ils cognoiſſent des cauſes tant ciuiles que criminelles,º
de la police ſoubs les Saniaques, particulierement chacun endroit ſoy en ſon refiort
& kiriſdiction : & ſont defrayez eux & leur ſuitte trois iours de rangoù ils vont te
nir leursaſſiſes, faiſans à ceſte fin des cheuauchées en certaines ſaiſons de l'année
pour ouyr les plaintes & doleances, combien qu'il y ait desiuges de reſidence trien
naux,qu'onappelle Cadiz, ſoubs les Cadileſcher, dontnous parlerons cnleur liéu : &
· conduiſent ces Subaſſi leur banc & arrierebanc à la guerre, chacun ſoubs ſa cornet-'
tequireſpondent puis apresàlabanniere des saniaques : & ceux-cyaugonfalon ou
indeſtendart du Beglierbey.Ils ſont en nombre preſque de quatre cens ſoubs le rç
giment de l'Europe : & yena en l'Aſie à l'equipollent, comme à raiſon de trois ou
quatre Subaſſi pour mille cheuaux : Tous leſquels ont quelque mille eſcus de pen
ſion aſſignée ſur le Timar : & moyennant ce,ſont tenus d'entretenir du leur huict ou
dixcheuaux de ſeruice.
Av regard des Timariots à peu pres comme noſtregendarmerie des ordonifin- Les Timarlik
ces,compoſée d'hommes d'armes & archers, à la grande & petite paye, ils ſont ap
pointez diuerſement,à quatre ou cinq mille aſpres du moins, vallans centeſcus : &
pour le plus haut à vingt mille : mais ils ne ſont pas obligez de marcher ſ'ils ne paſ
ſent huict mille aſpres,ou huict vingts eſcus, ſi d'aduanture il ne ſe faict vnc armée
Imperiale où le ſeigneur ſe retrouue luy-meſme en perſonne : car lors il n'y en a nul
exempt. Tous les eſtrangers quivont & viennent par le pays du Turc, faut que de
lieu en lieu ils ſesvoiſent preſenterau Saniaque, ou au subaſ en ſon abſence, pour luy
monſtrer leur paſſe-port, ou en prendre vn nouueau,fil n'eſt general, & de la Porie,
auec vn guide & truchementſil'on en veut,& des Iennitzaires encore pour leur eſ
corte & ſeureré: mais tout cela ne ſe fait point ſans mettre la main à la bource:car les
Turcs ſont gensauaricieux ſur tous autres,& ardants apres la pecune,d'autant qu'ils
ne peuuent laiſſeraucuns heritages ne poſſeſſions à leurs hoirs,nygeneralement rien
quelconquefors vne portion de leurs meubles : parquoyils ne font rien pour rien,&
& en ce cas ne pardonneroient meſme à leurs propres peres. -
L'eſlection CoMME doncques quelque Saniaquit vient à vacquer ſoit par mort ou autre
des Saniaques, ment, c'eſt le faict de l'Emiralem qui en tient les regiſtres d'en aduertir les Baſſats,
pour le faire entendre au ſeigneur,& il regarde auecques eux à quiille deura confe
rer; de ſorte qu'on les eſlit ſans que la pluſpart du temps ils le ſçachent : car les char
ges ne ſe mendient point par delà par vne importunité & faueur,ains par la ſeule ſuf.
fiſance & merite : l'Emiralem en ayanteſté aduerew,luy enuoye ſur le ſoirforce trom
pettes & clerons,fiffres, tabourins & haulbois, & autres inſtrumens de guerre à leur
mode : car c'eſt luy qui ena la charge auec les enſeignes, pour luy donner vne ſon
nade d'allegreſſe de ſapromotion à la charge du Saniaquat, entremeſlée de ſes loüan
ges & ſeruices qu'on publie à haute voix,& tout ce qu'il peut auoir fait de beau & de
bon à la guerre.Puis le matin enſuiuantil s'en va trouuer ledit Emiralem qui luy faict
entendre le gouuernement dont il eſt pourueu; & là deſſus le meine baiſer la main
aux Baſſats, qui le conduiſent vers le Prince pour preſter le ſerment, & luy baiſer les
pieds de lagrace qu'il luya faite. Cela fait les Baſſats le renuoyentàl'Emiralem, le
quel luy met lors entre les mains la banniere de ſa charge, dont elle eſt la marque &
enſeigne : & le Saniaque luy fait preſent de deux ou trois censeſcus,plus ou moins ſe
· lon la dignité & valeur de ſon magiſtrat. Ses lettres luy en ſont expediées par le Teſ
queregibaſi ou ſecretaire maieur,& ſeellées par le Naffangibaſsi, qui ſont deux offices
de fort grande authorité à la Porte : carce Secretaire d'Eſtattout ſeulen chefdepeſ
e toutes les choſes d'importance qui ſe reſoluent au Diuan, & par le Prince en ſon
priué,les lettres patentes,& miſſiues,paſſe-ports, § aLlUfCS 1llaIl
".
- -
- - -
-
-
-
- -
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* L ! , ſl-,-, , d | d| - -
L'E M I R A LE M ou Imral maga eſt vn office de fort grande dignité & profit : & Eolat ,
qui ſe peut mettre pour l'vne des premieres apres les Ba/ats, Bºglierbºys, Cadi4/chers,
& l'Aga des Iennitzaires : car il a la garde de tous les eſtendars des prouinces, qu'il
met és mains de ceux qui font faits de mouueau Saniaques : plus de ceux de la per
fonne propre du Turc, lequel quand il va à la guerre, ceſtui-cy marche immediate
ment deuant luy, faiſant porter vne cornette mipartie de blanc & de verd, pour la
marque de ſon office : & n'eſt loiſible à aucun autte de la porter de ceſte parure &
· deuiſe qu'à luy tout ſeul : apres
laquelle viennent les ſix bannieres ou grands eſten
dards du Seigneur, portez par autant de forts & robuſtes hommes. Ceſt Emiralem a
quatre mille ducats de penſion annuelle,ſans ſes profits qui ſont treſ grands,& deux
riches habillemens de drap d'or ainſi que les autres principaux officiers ſoubs ſa
charge ſont encore les trompettes, phiffres tabourins,atabales, & ſemblables ſon
neurs d'inſtrumens ( à nous cela depend de l'eſcurie) en nombre de plus de deux
cens, dont eſt chefſoubs luy vn Mechterbaſsi qui a de penſion vn eſcu par iour : & les
ſonneurs de douze à quinze aſpres les Baſats, Beglierbys, saniaques , & autres per
à
ſonnages d'authorité entretiennent les leurs à leurs propres couſts & deſpens. Au v
regard de leurs trompettes & clerons, ils ſont preſque ſemblables aux noſtres : mais ·•
leurs tabours ſont differents,& ſi en ont de pluſieurs ſortes. L'vne eſt de deux petits Les tab ours
boucliers d'airain qui ont leurs anſes en dehors , leſquels ſe venans à rabattre l'vn Turqueſques.
contre l'autre, rendent vn ſon fort eſclattant & aigu, qui eſt ce qui leur agrée le
plus. L'autre de deux petits chauderons d'airain auſſi, pendus à l'arçon de la ſelle,
dont l'vn eſt plus petit, pour faire quelque maniere d'accords, du tout ſemblables
auxatabales § mores, & aux tabourins des Reiſtres. La troiſieſme ſont de groſ
ſes caſſes de tabours à guiſe des noſtres, ſinon qu'ils n'ont tymbre ny chorde par le
deſſoubs, pour-autant qu'ils les ſonnent des deux coſtez, par le deuant de la mdin
droitteauecvn baſton tors & recourbé comme vn billard : & par derriere de lagau
che d'vne baguette deſliée qui redouble plus dru & menu que la droitte : mais ils ſe
ſçauent ſi bien accorder enſemble quand on les bat de compagnie , qu'on diroit
que de deux ou trois cens que le Turc a ſoubs ſa cornette, ce n'eſt qu'vn tout ſeul
reſonnant profondement d'vn ton qui reſſemble au murmure ſourd d'vne meragi
tée devents & de vagues qu'on ouiroit bruire de loin, en lieu de phiffres chaſque
-
# -
-
Les Baſats. --; EN premier lieu on peut bien prendre l'eſtat & penſions des cinq Baſats,ycom
pris celuy de la mer qui a plus de ſix vingts mille eſcus tous les ans, auec celles de
leurs officiers,& leurs plus valleurs, à deux cens mille eſcus.
officiers de la CE LL E s de Muphti, & Cadileſchers, & generalement de tous les officiers de la
Porte. Porte, & des forces quiyreſident,outre leur liurée & diſtribution ordinaire; qui ſe
Le Beglierb
e Beguerbey
prend ſur les coffres de ſon eſpargne,à autre deux cens mille eſcus.
> -
-
le Timar, ſe peut mettre icy, auec l'eſtat de ſes officiers, & le parenſus que leur va
lent les terres à eux aſſignées, car pour ce regard il faut preſque touſiours redoubler
à cinquante mille eſcus. -
Ses saniaquu. SE s Saniaques en nombre d'enuiron cinquante, à raiſon de dix mille eſcus l'vn
portant l'autre à D. mille. SE s quatre censSoubaſſis, qui ont de mille à douze cens
eſcus,preſqu'autant,les cinquante mille cheuauxeſtans ſoubs ſa charge, qui en font
plus de ſix vingts mille auec leurs couſtilliers, à cent eſcus chacun, cinq millions
d'or.
Somme de la deſpence de l'Europe aſsignée
Surle domaine d'icelle enuiron ſix millions d'or.
* 2
- L' A S I E. .
*.
Somme totale de l'entretenement des forces d'Aſie, xy.millions, D cc.xxx.mille eſſus, leſquels
auec les ſix millions d'orde l'Europe arriuent à enuiron;vingt millions, dont le dixme que
prendle Prince fait deux millions, qui ſt-ce que nous pretendions de verifferen cſt endroit
parla deſpence. - " • •-
, DE cecy ſe tire outre-plus que le Turc peut auoir cent mille cheuaux de l'Europe
à tout heure qu'il en abeſoin,& de l'Aſie deux fois autant, bien que non tels à beau
coup pres,& ce ſous Lxx.Saniaques,& Dc.Soubaſſi,car il faut redoubler pour le moins
le nombre des entretenus d'ordinaire,voire en tripler la plus grand'part.
OvT RE les forces deſſuſdittesilyavne autre maniere de gens de cheual & de
pied,tous Turcs naturels,& enfans de Turcs, qui ſe leuent extraordinairemët ſelon -
le beſoin qu'on en a.La cauallerie eſt des Accangis, comme qui diroitgaſteurs on ad-Arcangi.
uanturiers cherchans leur fortune,leſquels ſeruent de cheuauxlegers & auant-cou
reurs, ſ'eſpandans au long & au large de toutes parts, ſoubs leurs cornettes toutes
fois,& la conduitte de leurs Chefs,quatre & cinqiournées, voire encore plus quel
† , à la teſte du camp, & ſur les efles, enquoyils font pluſieurs bons effets, &
'importance. En premier lieu de deſcouurir,recognoiſtre, & nettoyer le pays, ſi
qu'on n'y peut dreſſer embuſches, ny moleſter les fourrageurs. En apres de conſer
uer les victuailles par où l'armée doibt paſſer, & entrans auant comme ils font dans
les limites des ennemis,yfaire le gaſt,& les priuer des cómoditez qu'ilsy pourroient
auoir.Plus de faire r'habiller les chemins,&lesguez,dreſſer des ponts & explanades,
tenirl'ennemylarge du corps de l'armée, qu'il ne la puiſſe inquieter ny donner des
alarmes, meſmement de nuict, l'vne des choſes que les Turcs abhorrent autamt,
carils ſont lors ſi exactes obſeruateurs du ſilence, que my pour cheuaux qui eſchap
pent, ny pour eſclaues qui ſe deſrobbent & enfuyent,ny pour autre choſe qui peuſt
ſuruenir, ils ne ſe mouuront en ſorte quelconque, ny ne feront bruit , comme on
peut veoir en ceſte hiſtoire, & d'autant que ces Accangi font des traictes preſqu'in
croyables, & des diligences extremes, leurs montures eſtans plus propres à cela que
pour combattre de pied ferme,illeur eſt aiſé de ſurprendre le peuple eſcarté encore
dans le platpays,& emmy les champs,& par conſequent faire de grands butins,prin
cipalement de perſonnes,dont,enſemble de tout ce qu'ils peuuent buſquer & rafler
faut qu'ils en donnent la dixieſme partie duplus beau & meilleurau Prince, duquel
- - PP
A -
- b -
Axapes. LEs AzAPE s ſont les gens de pied, à maniere d'eſtradiots, Turcs naturels,
toutainſi que les Accangi, leſquels on leue extraordinairement & en tel nombre que
les occaſions ſ'en preſentent, tant pour la terre que la marine, neaumoins il y en a
touſiours d'entretenus dans lesvilles & places fortes auec les Iennit{aires, qui ont
communément la garde de la fortereſſe ou chaſteau, & les Azapes de la ville, mais
en plus grand nombre que les IennitXaires, pour eſgaler le contrepoix car les Iennit
zaires eſtans tous enfans de Chreſtiens, & plusvaleureux ſans comparaiſon que les
AzapesTurcs naturels,ily a ordinairement de l'emulation & riotte, de façon que
ſ'ils eſtoient pareils en nombre, ils ne pourroient pas reſiſteraux Iennit{aires, qui les
voudroient trop gourmander : & à laverité ce ſontgens de peu d'eſtime & de faict
que ces Axapes, & dontl'on ſe ſert par maniere de dire, comme de lictiere, pour les
coruées & premiere pointe des approches & aſſaux des places, és paſſages de quel
ques riuieres,& deſtroits qui ſont ſcabreux, toutainſi que de gabions, ou de faſſines
& gazons qu'onietteroit en vn bourbier pour paſſer les autres deſſus, afin de meſna
ger les Iennitzaires & autres hommes de valeur pour les bons affaires, & les reſeruer
au dernier beſoin.Ces Azapes icy,pour les diſcerner d'auec les autres portent tous,à
Tathia.
guiſe preſque des Accangi,vn hautbonnet de laine rouge à la marineſque, dont les
oreilles refendues de coſté & d'autre pendent en pointe iuſques ſur les eſpaules, &
pour armes vſent de l'arc,de la cimeterreauec la rondelle, & vne maniere de iaueli
nes & partuiſanes,leur ſolde eſt de trois à cinq aſpres le iour:& ſe leuent communé
ment en la Natolie,plus propresbeaucoup pour lesvaiſſeaux & combats de mer que
de terre. .
bub,fol,hardi , IL ya encore vne autre maniere de gens de guerre parmy les Turcs, mais en pe
titnombre, les plus braues & hardis de tous autres, appellez Dely, c'eſt à dire, fols
hazardeux, comme à la verité ils le ſont, & pluſtoſt eſtourdis qu'autrement, de
fexpoſer ainſi de gayeté de cœur, à des perils ſi manifeſtes : car il faut ſur peine
de perdre ce tiltre & leurs marques, qu'ils ne faſſent difficulté d'aſſaillirvn tout
feul huict ou dix hommes de cheual , ce que la pluſpart du temps leur ſucced
de,ſoit pour leur grande force & addreſſe : car encore qu'ils ſoient de lourd &
groſſier
- - 4"N M. | ' • .. | | , g -, «. **. --
l'Hiſtoire de Chalcondilê. 39 9
groſſier eſprit, ils ont neaumoins quelques ſecrets tours d'eſcrime qu'ils ſe laiſſent
demain en main les vnsaux autres; ou que ceux a qui ils s'addreſſent ſyent gens
laſches & de peu de faict , ou pour lcur eſpouuentable equippage,ou bien, ce qui eſt
plus à croire, que la fortune les fauoriſe, comme on dit communément qu'elle faict
aux fols & aux temeraires : auſſi mettent-ils toute lcur confiance en la protection & Naſſup, ou
ſecours de ceſte Deeſſe ditte Naſ/up, ou Ctuſara, comme font generalement tous les Ctuſara, la
Turcs, qui par-deſſus tous autres mortels attribuent tant à la predeſtination, tenue deſtinée.
d'eux pour leur heure fatale & preordonnée, qu'ils ne penſent pas que pour danger
où ils ſe puiſſentabandonner, elle s'aduance ou retarde d'vn ſeul moment ; ſi qu'ils
ont à tous propos ces mots icy en labouche : Iakilangelurbaſſina,qui ſignifient,le/cri
ture arriuera à ſa tgſfe : comme ſ'ils vouloient dire, que tout ce que la fortunea eſcrit à
l'heure de leur naiſſance en leur teſte qui cſt la principale partie du corps, il eſtim
poſſible de l'euiter, encore qu'on ſe fuſt renfermé en vn fortinexpugnable,ny plus
ny moins qu'il ſe lit du Poëte tragique Eſchyle,auquel ayanteſté annoncé d'vn de
uin qu'il ſegardaſt bien vn tcliour d'eſtre accablé de ie ne ſçay quoy qui luy tombe
roit d'enhaut ſur la teſte,il ſ'alla placerau beau milieu d'vne campaigne,large & ou
uerte de toutes parts,où il faiſoit ſon compte de debuoir cſtre hors d'vn tel danger, ſi
le ciel d'aduanture ne tomboit ſur luy, quand vne aigle qui ſ'eſtoit ſaiſie d'vne tor
tue,cuidant de la teſte chauue de ce bon vieillard quc ce fuſt quelque groſſe pierre,
lalaiſſa cheoir deſſus droit à plomb pour la rompre,dont il expira toutàl'heure. Ces
Dely au reſte,autrement Chalizar Behadur, hardis & vaillans, & Zataxaici deffieurs,
ſont tous Européens & non de l'Aſie, pour la pluſpart de la Boſſine,Seruie,Bulgarie,
Croacie,& ſemblables regions adiacentes; vieils ſoldats practiquez & eſprouucz,de
•
taille robuſte & membruz pour pouuoir correſpondre à leur hardieſſe , qu'elle ne
demeure inutile & courte par faute de force , tendans ſans ceſſe à ſurprendre leur
ennemy à deſcouuertou ſur la teſte,ou ſur les bras, à quoy ils viſent, & # vn coup de
taille : car ils tiennent à grand vitupere les eſtocades,auſſi que leurs cimeterres tor
tes & courbes dont vſent generalement tous les Turcs, ne ſont pas propres pour
donner de pointe, leurs autres armes ſont la targue, & la lance creuſe qu'on appelle
ourdon,beaucoup plus groſſe & plus longue que les noſtres,ayant vn fer long d'vn
empan,auquel àl'endroit où il eſt enchaſſé dans le bois eſt attachée vne plume d'Ai
gle en lieu de banderole, puis le cimeterre, & le bouſdeghan ou maſſe d'armes à l'ar
çon de la ſelle : en la teſte pour ſalade ou cabaſſet ils ont vn large chapeau, dont le
rebras leur vient battre ſur les eſpaules, fait de la peau de quelque once ou leopard
moucheté : & en lieu de pennache vn grand vol d'aigle auec la queuë, le tout tendu
& ſupporté par le moyen d'vn fil d'archal : la targue eſt equippée tout de meſme, ſi
qu'ils ſemblent à les veoir de loin à cheual l'enchanteur Atlante du poëte Italian.
Arioſte, monté deſſus ſon hypogriphe, leur cazaque puis apres eſt d vne deſpoüille
de lyon, comme auſſi le caparaçon du cheual, & leurs Saluares ou longues chauſſes
de lapeau d'vn ieune ours,ou d'vn loup,le poil en dehors, auec des bottines qui les
viennentrencontrer à my-iambe, pointues au pied par deuant, & hautes derriere,
ferrées par deſſous, auee degrandseſperons à la Hongreſque longs d'vn bon pied:
Somme que c'eſt vn eſtrange & hideux ſpectacle que de leur fait. Mais ſur toutils
ont de tres bons cheuaux, carils ſont fort bien appointez, de quatre à cinq censeſ
cus de penſion, n'y ayant Baſſa, Beglierbey, ny Saniaque de compte qui n'aye quelques
vns de ces fols hardis auec eux,pour autant de pompe & reputation allans à la guer
re.Les Tartares ont auſſi de ceſte maniere de gens parmy eux, & lesappellent Talu
bagater, comme met Ioſapha Barbaro en ſon voyage de la Tane ch. 6.où il les deſcrit
fort par le menu.Au ſurplus le pourtraict ſuiuant qui les vous repreſente au naturel,
aeſté emprunté de Nicolas Nicolaï, mais la deſcription deſſuſditte de certains trai
ctez Italians d'vn Antonio Menauino Geneuois,Theodoro Spandugino, & autres,
afin de ne m'accuſerd'aucun larrecin recelé & diſſimulé. - -
PP i,
:
r- Illuſtrations ſur
4OO -
Chaſnadarbaſi LA troiſieſme eſpece des financiers ſont les deux Chaſhadarbaſsi,l'vn pour les de
Threlorier de
' l'eſpargne. niers prouenâs de l'Europe,& l'autre de l'Aſie,comme threſoriers de l'éſpargne, qui
reçoiuent chacun endroit ſoyles deniers prouenans de ces deuxgrandes prouinces,
dont ils fourniſſent à toute la deſpence du Turc,tant pour l'entretenemét de ſa mai
ſon,que des forces reſidentes à la Porte,ſelon qu'ila eſté dit cy-deſſus, & au bout de
l'année mettent les deniers bons, & qui leur reſtent entre les mains , dedans
les
- - © - " I - 1- -
IL Y A puis apres deux Veſuadur, qui ont charge de peſer les ſeraphs & les aſres à
meſure qu'on les apporte de coſté & d'autre és iours que le Diuan ſe tient, où tout
ſexamine de iour à autre ſans rien laiſſer traiſner en arriere, qui eſt l'vne de leurs
bonnes façons de faire : & ſix Seraffers, car tous ceux la ſont des finances, leſquels
ſeruent comme d'eſſaieurs és monnoyes, pour fricaſſer les eſpeces dans le Diuan
propre en la preſence du conſeil, pour voir ſ'il y aura rien de faux, ou d'autre titre
qu'il ne doit : Puison les peſe & enſache, & les deliure l'on aux Chaſnadarbaſſi qui en
tiennent le compte. Les huict derniers ont demy eſcu par iour.
L E s Dephterderis ont ſeance au Diuan, & entrent aucc les Cadileſchers, Baſſats,
Beglierbeys, & autres principaux du Conſeil, deuers le Prince; & où ils ſont tous les
derniers à ſortir de la chambre, luy rendans raiſon de ce qui dépend de leur charge;
de laquelle comme gens plus verſez aux lettres qu'aux armes, ils ont accouſtumé
de monter à celle de Cadileſcher : mais les Dephtercmim n'entrent point au conſeil du
Diuaa, ny deuers le Prince , auſſi ne viennent ils pas guere ſouuent à Conſtantino
le, ains ſont tenus de faire reſidence ſur les lieux de leurs charges, & des cheuau
chées de coſté & d'autre ſelon que l'occaſion ſ'en preſente. /
Tov T E s F o 1 s & quantes que lc Turc veut armer, & ie3ter des forces dehors
tant par la terre que par la mer de quelque coſté que ce ſoit , il ne luy conuient point
autrement pour cela mettre la main à la bourſe pour leuer des ſoldats eſtrangers,ny
de ſes païs, ny de faire ſes preparatifs de longue main, carila ſes forces touſiours pre
ſtes &à toutes heures, entretenuës en tout temps auſſi bien à la paix qu'à la guerre;
& ſi puiſſantes en nombre d'hommes, qu'autre, ſi ce n'eſtoit d'auanture le grand
Cham Empereur desTartares orientaux, ne ſ'y ſçauroit point eſgaller : mais celuy là
en eſt par trop eſloigné : Et quant aux autres Chefs des Hordes d'iceuxTartares, ils
ne ſe pourroient pas meſurer au pouuoir Turqueſque, ſi ce n'eſtoit pour quelque
rencontre campalle qui ſe demeſlaſt de pleine abordée; encore y pourroientils faire
mal leurs beſognes ſila fortune ne leur eſtoit particulieremétfauorable,car ils n'ont
pointde gens de pied,& meſmemétd'arquebouziers,ny d'artillerie,nyautre equip
page requis pour vne guerreguerroyable; & rien que ce ſoit par la mer, qui peuſtaſ
ſiſter de commoditez leurs armées de terre.Lors doncques que le Turc veutarmer,
ſi c'eſt du coſté de l'Europe, il n'a à faire que de mander au Beglierbey de Romenie ou
de Grece, defaire aſſembler en tel temps, & en tellieu:(toutesfois c'eſt communé
ment autour d'Andrinople que la maſſe ſe fait) les forces qui ſont entretenuës ſous
ſa chargé, iuſques à tel nombre qu'il aduiſe eſtre requis pour ſon entrepriſe; car ils
n'ont point accouſtumé de laiſſer rien dedans les places, d'autant qu'ils n'ont com
me point de fortereſſes, & auſſi qu'ils ſont maiſtres de la campaigne : & ce Beglierbey
faictentendre le rendez-vous aux Saniaques, qui enuoient des mandemens à leurs
Subaſſi, leſquels leurs meinent chacun cndroit ſoy leur cornette de cauallerie, pour
de là marcher tous enſemble ſoubslabanniere du Saniaquat vers le Beglierbºyau lieu
§ quant & eux les viures & les munitions, à quoyles ſubiects du
dit Saniaquat auronteſté cottiſez par le Prince.Au regard des Accangiz, & Azapes,
l'on en depeſche les commiſſions de la Porte par des Vlaques ou courriers expres,aux
Commiſſaires à ce deputez, qui en font comme en moins de rien la leuée, & les
:
- P P iij
* • " • - - -
4 O2 Illuſtrations ſur
meinent où le camp ſ'aſſemble.Cependât le Prince ſ'achemine tout à ſon aiſe, auec
ſes Iennitzaires,Spacchis, Seličtars, Vlofagi,Caripi,& autres forces de ſa Porte, ſelon qu'il
a eſté ſpecifié cy-deſſus : & celles de l'Aſie, qui ſeruent comme d'vne arrieregarde
viennentapres paſſer le deſtroit de l'Helleſpont qu'on appelle le bras ſainct Geor
ge,à Gallipoli, où le gouuerneur aura faict à ceſte fin prouiſion de maormes, palan
dries, & ſemblables vaiſſeaux propres pour les gens de cheual. Tout le meſme ſe
practique du coſté de l'Aſie ſil'armée ſ'y dreſſe, où le Begliérbey de la Natolie meine
l'aduantgarde & poincte gauche à ſon tour, comme fait celuy de la Grece en Euro
pe : car le coſté gauche au contraire de nous eſt le plus honorable enuers les Turcs,
pour autant que c'eſt là où ſe porte le cimeterre, que celuy qui eſt à la gauché pour
roit ſaiſir ſurl'autre qui ſeroit à ſa droicte, & ainſi qu'à la façon des Hebrieux & Ara
besils eſcriuent endedans de la main droicte vers la gauche, & que ce ſe tournans
vers le midy pour faire leurs oraiſons & prieres, la partie de l'Orient qui eſt la princi
palle & plus excellente que l'Occident, leur demeure à gauche. Ces deux Beglier
beys ſont de pareille authorité & commandement comme le Conneſtable en noſtre
endroft, carles enfans propres du Prince,qui pour le plus ne paruiennent qu'à quel
que bon saniaquat durant la vie de leur pere, leur obeiſſent à la guerre, combien
qu'ils leur portent touſiours beaucoup de reſpect à cauſe du ſang Imperial dont ils
ſont. Quantaux Iennitzaires, & spacchis de la Porte, car les Beglierbeys & Saniaques en
ont touſiours quelque nombre à leur ſuitte, comme auſſi des Chaoux pour vne plus
grande authorIté,ils ne bougent d'aupres la perſonne du Prince,& n'ya que luy ſeu
lemét qui leur cómande,ou de ſabouche propre,ou de celle du Viſir & premierBaſt
qui cheuauche ordinairement pres de luy à la guerre,pour ordonner de ce qui peut
ſuruenir d'importance : auſſi ces forces de la Porte ne combattent qu'au dernierbe
ſoin, laiſſans § la premiere poincte, & entamer comme on dit le gaſteau, auxTi
mariots, Accangtz, & Azapes,& meſme à ceux de l'Aſie moins valeureux que de l'Eu
rope, leſquels ores qu'ils fuſſent rembarrez & rompus,car de deffaire tout à tracvne
ſigroſſe nuée de gens de cheual,plus dâgereux en ſe retirant & fuyant que lors qu'ils
demeurent fermes, ce ſeroit choſe trop malaiſée, voire preſque impoſſible : Ceſte
ſeconde trouppe ſe trouue en teſte freſche & entiere, de douze mille arquebouziers
eſprouuez de fort longue main, auec vingt mille cheuaux tous d'eſlite, & vne infi
nité de pieces de campaigne audeuant, auec des paueſades portatiues, aſſauoir de
gros aiz ferrez par le bout pour ficher en terre : ſi que c'eſt comme vn fort preſqu'in
expugnable, qui peut ſinon remettre ſusvn combat du tout eſbranlé, & obtenir
nonobſtant cela vn final gain de cauſe, à tout le moins ſauuer le maiſtre auec ſon
threſor iuſques en lieu de ſeureté, & faire eſpaule à tout le reſte de l'armée quelque
diſſippé qu'il peuſt eſtre, pour ſe rallier de nouueau. Par ainſi le Turc ayant conti
nuellement toutes ſes forces entretenuës, il ne deſpend nomplus à laguerre qu'en
temps de paix, ainsy gaigne au contraire de tous les autres : car quant aux viures &
munitiös qui outre la ſolde des gens de guerre ont accouſtumé d'eſtre de fort grâds
frais à nos Princes de pardeçà, il eſt luy meſme le marchand munitionaire, qui vend
à tel prix que bon luy ſemble, non toutesfois ſi exceſſif que ſes gens n'en puiſſent
viure chacun endroit ſoy de leur paye & appoinctement, les prouiſions que de lon
gue-main ila fait amaſſer en des eſtappes & magazins dreſſez és lieux où il ſçait que
ſon armée deura paſſer,caril préuoit ſes entrepriſes,& ce ſans qu'illuycouſte vn ſeul
aſpre, pour ce que ſes ſubiects, principalement les Chreſtiens, luy contribuenttoutes
ſes fournitures gratis, & les conduiſentà leurs propres couſts & deſpensiuſques aux
lieux qu'on leur à mandé, auec des artiſans neceſſaires pour la ſuitte du camp: ioint
que les Beglierbeys meſmes, les saniaques, Subaſſi & autres perſonnes aiſees qui ont
fait deſialeur main és charges pareux obtenuës, pour paruenir à de meilleures, ſ'ef
forcent de luy faire de beaux preſens à l'enuy, quid'vne choſe, qui †. , cn
argent comptant, viures,draps, toiles,beſtes de voicture, & ſemblables cómoditez,
leſquelles venant à reuendre à ſes gës propres, la guerre ſans doute luy eſt d'vn mer
ueilleuxprofitiioinct que de tous les buttins qui ſe font ſur les ennemis de quelque
- IlatllTC
- l'Hiſtoire de Chalcondile. 4o3
nature qu'ilspuiſſent eſtre,il en prend la dixieſme partie à ſon choix.Que ſien quel
querencontre moins fauorable,il perd quarante ou cinquante mille hommes,com
meil n'y a pas longtemps contre le Sophy, cela luy reuient à autant de gain, pour
raiſon des places vacantes dont il reçoit le reuenu , car desgcns de guerre ny de che
uaux il n'en peut manquer, eſtans ſes pays ſi peuplez, & les Turcs ne ſ'adonnans à
autre profeſſion ny meſtier que des armes : de maniere quc pour rien preſque il peut
compter la perte de ſes hommes, ſelon qu'on a peu voir par la grande deſconfiture
nauale qu'il receut pres de Lexanto l'an 157I. par les Chreſtiens, dont il ſe reſtaura
auſſi-toſt ſans qu'on peuſt rien eniamber ſur luy pour cela ; ſ'il ne perd quant & quât
le pays qui les ſouldoye, ce qui ne leur eſt point encore aduenu iuſques icy, ne leur
ayant peu eſtre ecclypſé vn ſeul pied de terre qu'ils ayent conquiſe,ains ſe vont tou
jours dilatäs ſur leurs voiſins de proche en proche,& accroiſſans de iour à autre,pied
à pied leur domination & Empire. - - s. . • -
O R L'AR M E E Turqueſque approchant les frontieres de l'ennemy, l'ordre qu'el
le tient à marcher eſt tel à peu pres. En premier lieu les Accangé coureurs & gaſteurs , , ,,
de pays ſ'aduancent deux ou trois iournées, & quelquesfois plus ſelon que les occa- †.†a
ſions ſ'en preſentent; & ce ſur les eſles, & à la teſte du camp, ſ'eſpandans au long & §
au large pour prendre langue, & pour les autres effects & factions deſduictes cy-deſ- cºlº
ſus.Apres ſuiuent vne bonne iournée toufiours deuant les Mareſchaux de camp;
auee les pionniers ſoubs la conduitte de leur Saracmim ou Maiſtre des explanades, Saracmim Ca
auſquels vne partie des Accangiz & AKipes fonteſcorte afin de r'habiller les chemins § desGa
& mauuais paſſages, & dreſſer de coſté & d'autre de gros tas de pierres, & pieux de ſtadours.
bois,auec autres ſemblables marques ſeruans à monſtrer labrizée que le camp doit
tenir pour autant que la couſtume des Tutcs eſt de partir ordinairement à minuict,
& chemineriuſqu'à midy qu'ils ſe campent, faiſans à ceſte fin porter force fanals, &
meſmementautour du Prince, la premiere chambre duquel, c'eſt à dire l'vn de ſes
logis qui conſiſte de tentes & de pauillons, marche à la queuë de ceſte trouppe: car il
en porte touſiours deux du tout ſemblables quand il va à la guerre, ſi qu'auant qu'il
deſloge de l'vn, l'autre eſt deſiapreparé & tendu au lieu où il doit aller ce iour là : & #
le ſecond ſe trouſſe engrande diligence; caril n'ya nation au monde qui ſe campe
mieux nyplus promptement, & plus magnifiquement que les Turcs : pour paſſer
outre tout d'vne traicte iuſqu'à l'autre logis du iour enſuiuant, ainſi qu'enuers nous
: de tout temps les deux chambres du Roy.
AP R E s ceſte premiere trouppe des Mareſchaux de camp, commence à marcher
le corps de l'armée , à ſçauoir le Beglierbey de la Grece, auec les forces tant de caual
lerie, que d'A{apes ou auanturiers gens de pied, dont les bataillons ſont entre
meſlez auec les eſquadrons de ceux de cheual, ainſi que vous pouuez voir en lafi
gure ſubſequente , où il faut eſtre aduerty de prendre les choſes toutaurebours, aſ
ſauoir la main droicte pour la main gauche, pourautant que le peintre l'ayant deſſei
gnée ſur la planche ſelon que le tout deuoit eſtre, quand c'eſt venu à l'imprimer les
choſes ſontallées à contre-poil. Le Beglierbey doncques auec la cornette de ſes do
meſtiques qui font ordinairement quelques mille cheuaux, & quatre ou cinqmille
autres de tel Saniaque que bon luy ſemble, ſe plante à la teſte de la poincte gaulche
en vn eſquadron carré,& aucunefois le Seigneury commetl'vn des Baſſats auecluy,
quia de ſa part auſſi ſa cornette, de telle couleur qu'il luy plaiſt de mille ou douze
cens cheuaux de ſes domeſtiques, la pluſpart eſclaues, qu'ils entretiennent à leurs
deſpens ſurl'cſtat qu'ils ont, tous gens de guerre,&braues hommes. Lesautres sa
# niaques ſont eſtendus, chacun auec ſon regiment à part, en vn demy cercle : & de
meſme le Beglierbey de la Natolie auec ſes Saniaques & leurs regimens,comme vous
pouuez mieux apperceuoir par la figure,qu'on ne le ſçauroiteſcrire: ſi qu'il n'yarien
à quoyl'armée Turqueſque rangée en bataille, & marchantparpays reſſemble plus
proprement qu'à vnfer de cheual, dont les deux cramponsvers l'ouuerture vuide
dutallon repreſentent les ºrdeux Beglierbeys,aſſiſtez des Baſſatsauecleurs cornettes,&
|. -
•
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4 C 4- Illuſtrations ſur
le tour d'iceluy, les deux grandeseſles de cauallerie & infanterie de Natolie, & Eu
rope, qui enferment au dedans d'eux, ainſi qu'en la Solle parée, la trouppe du Turc,
auec les forces de ſa Porte, de ceſte maniere. T o v T premierement ſa perſonne
eſt ſeule dans vn grand eſpace en forme d'vn parquet quarré d'vn bon get de pier
re en tous ſens, fors du premier Baſſa, & quelquefois deux qui l'accompaignent : &
au derriere de ſon cheual tout ioignant ſont les trois enfansd'honneur qui portent
la valize, l'arc & les fleſches, & le vaſe : Tout cela ſans plus eſt dans ce parquet; &
autour d'iceluy les Soulachs ou Archers du corps de coſté & d'autre, auec quelque
nombre de Chaoux au deuant pour porter ſes commandemens çà & là, & faire lar
ge, empeſchans que perſonne n'approche ſ'il n'eſt mandé. Et là meſme auecques
Coſuigiti por eux ſont quelques quarante Coſuigiti qui portent le mangerau Diuan les iours qu'il
te-plats.
ſe tient; ſix deſquels à tour de roolle, car cela ſe change de iour en iour, portent
autant de lances pour la perſonne du Prince dedans des riches fourreaux d'eſcarlat
te; tous bien en ordre, & montez ſur de bons cheuaux, leur Chefa quatre eſcus
par iour, & eux demy : les Mutteferaga ſont deuanteux. En-apres à quelque diſtan
ce des Solachs marchcnt les Capigi ou portiers eſpandus pareillementautour du par
· quet, dont le Capigibaſi qui eſt leur Chef, a la charge de mener au Prince, & luy
· introduire ceux qui luy viennent baiſer la main ; les inſtruiſant de la ceremonie
qu'il leur faut faire; & les faiſant conduire vn à vn quand ils ſont deſcendus à ter
re, par deux de leurs gens ſoubs les bras à la mode accouſtumée qu'on garde au
Serrail. Et finablement les douze mille Iennitzaires enferment le tout en vne oua
le, ſans eſtre ordonnez autrement en rangs n'y en files diſtinctes ſoubs des enſei
gnes particulieres, mais par chambrées de dix en dix, & en centaines, preſqu'en
foulle; auecques leurs Odobaſſi, & Boluchbaſt à cheual, comme eſt auſſileur Aga ou
Coronnel maieur lequel eſt au milieu d'eux tous : à l'oppoſite du cheual du Prince,
accompaigné de ſon Checaya ou Lieutenant. Toute ceſte maſſe au reſte de gens de
pied eſt flanquée de la cauallerie de la Porte; des Spacchis aſſauoir à main droicte,
en nombre de ſept à huict mille, auecvne banniere rouge; & des Selictars preſ
que autantà la gaulche, dont la leur eſt iaulne, & celle des Olofagi verte, de qua
tre à cinq mille, qui ſont derriere, y compris les Caripi, comme il a eſté dit cy-de
uant. Mais entre les Iennitzaires & la cauallerie deſſuſdite yavn grand interualle,
auquel eſt l'attirail & equippage du Turc, & de ſa maiſon auec ſon threſor, &
grand nombre de pieces de campaigne dont les gens de pied ſont couuerts, ſi que
fort malaiſément les pourroit-on aborder pour donner dedans qu'auec vne tres
grande perte & danger. Au deuant des Chaoux & Coſuigiti marche l'Emiralem ou
Gonfalonnier, accompaigné de ſix forts & robuſtes hommes qui portent autant
d'eſtandards du Seigneur, leſquels ne ſe voyent ny ne ſe deſployent iamais ſinon
quand il eſtau camp. Puis ſönt les deux Cadileſchers qui ne vont point nomplus à
laguerre ſ'il n'y eſt en perſonne, autrement, & que l'armée ſoit ſoubs la charge d'vn
Beglierbey ou Baſſa, ils commettent quelqu'vn en leur lieu pour adminiſtrer la Iu
ſtice, dont ils ſont les ſur-intendans, & comme deux grands Chancelliers outre
plus : auſquels ſ'il eſt queſtion de combattre en bataille rangée, ou d'aſſiegervne
place, ou faire quelque rauage dans le païs de l'ennemy, le Turc auant que de paſ
ſer outre a de couſtume d'en demander leur aduis, pour ſçauoir ſien cela ilyaura
ricn contre laloy, & ſa conſcience, afin d'auoir quelque iuſte pretexte en ſon en
trepriſe, & mettre lebon deuersluy, toutainſi que ſouloient faire anciennementà
leurs Fecialiens les Romains. On peutvoir de cecyie ne ſçay quelle adombration
vers la fin du ſecond liure de ceſte hiſtoire, des difficultez que la femme de Temir
ou de Tamberlan luy propoſe de mouuoir la guerre contre Baiazet. Deuant les Ca
dileſchers marchent les Dephterderi ou Threſoriers generaux, accompaignez chacun
de quelques quatre ou cinq cens de leurs domeſtiques, tous bien montez &ar
mez de cabaſſets, iacques de maille, targues, lances, maſſes & cimeterres. Delà
en hors à lateſte de l'armée ſont les eſquadrons des deux Beglierbeys,ou des Baſits,
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l'Hiſtoire de Chalcondile. 4 C5
commeil a eſté dit cy-deſſus. Et entre la cauallerie de la Porte toute de Chreſticns
Mahometiſez, & ceſte grande & profonde mer de Turcs naturels, tant de l'Euro
pe que de l'Aſie,eſtendus en deux eſles qui ſe viennent rencontrer & ioindre en
vne ouale, marchent les monitions & bagaiges du camp,yayant pluſieurs schaoux -
Q. Q
- - - = r = --
4o6 Illuſtrations ſur
D E L'A RTILLERI E.
O V T ce que les Turcs ont eu iuſques icy de ce tant pernicieux &
damnable artifice en inuention, practique, & vſage, ſe peut dire eſtre
(ſ prouenu des Chreſticns : car ces barbares là n'eſtoient pas ſi ſubtils &
# induſtrieux qu'ils ſ'en fuſſent peu preualoir ſans l'aide de gens plus ſpi
rituels qu'ils ne ſont,tât pour les fontes des pieces & boullets,que pour
leurs affuſts & equippages propres pour les traiſner par pais, & les mettre à executi6.
Pour la confection auſſi de la pouldre à canon où conſiſte tout leur effect, qui a cau
ſétant de calamitez & ruines, tant de deſolations de belles villes & fortereſſes qui ſe
fuſſent peu conſeruer ſans cela : de la mort & affollement de tant d'illuſtres & valeu
reux perſonnages : de la perte d'vn ſi grand nombre d'excellens Capitaines, & vail
· lans ſoldats, miſerablementexterminezauant leurs iours : à qui pour ceſte occaſion
les moyens ont eſté retranchez de mettre en euidence les preuues de leur hardieſſe
& vertu,que lagrandeur de leurs courages les eſguillonnoit de pouſſer dehors.Brief
que l'ordre entieremët de la guerre & diſcipline militaire ont eſté du tout peruertis
&annichilez par ceſte malheureuſe imitatiö de ces dcrniers temps, pluſtoſt tirée du
profond des Enfers ſelon le Poëte Arioſte, que des effects de la nature en la moyéne
region de l'air, és eſclairs, fouldres, & tonnerres. Neaumoins on peutaſſez voiren
pluſieurs endroits des œuures Chimiques de Raimond Lulle, qu'il auoit fort bien .
deſcouuert la qualité du ſalpetre principalingrediët de ceſte mixtion,eſtre merueil
leuſementaëreuſe,& qui ſe reſoult& dilate d'vne terrible impetuoſité en vn tres-fu
rieux eſclat tout à coup, auecvnegroſſe vapeur : mais plus de centans auant luy en
core, Roger Bacchon tres-ſubtil Philoſophe Anglois, lequel en ſon traicté de l'ad
mirable puiſſance de la nature & de l'artena eſcrit ce qui ſenſuit. Auecvn bien peu de
matiere appropriée à ceſt effect, à la groſſeurdu bout dupoulce,ſe peut faire vn ſon & eſclairſur
paſſant ceux de la nature ce quiſefait en pluſieurs/ortes,dont iln'yafortereſſeny armée quin'en
fuſt deſtruicfe : de la meſme ſorte quefft Gedeon, lequelauec certaines petites boulettes de terre,
dontlefeuſortoitſuiuyd'vn tonnerreeſpouuentable,luyſeulementaccôpaigné de trois cens hom
mes deffit toute l'armée des Madianites. Et encore que celane ſe trouue ſi preciſément à
la lettre dedans le texte de la Bible ch.7. du liure des Iuges, neaumoins ilya plus de
35o.ans qu'iceluy Bacchon l'aainſi eſcrit.Et deux ou trois lignesau deſſus Ia omnidi
ſtantia qua volumupoſſumusartificialitercomponereignemcomburètem exſalpetria,& aljs.
Ce qui ne ſe peutentendre que de la pouldre à canon pour ceſte grande diſtāce qu'il
dit où ceſt effect ſe peuteſtendre.Quelques vns veullent auſſi referer ce lieu de Plu
tarque en la vie de Marcel, qu'Archimede delaſchoit de ſes machines & engins,des
pierres peſans dix quintaux, deux ou trois à la queuë l'vne de l'autre, auec vn mer
ueilleux tonnerre & témpeſte : àl'effect de lapouldre à canon, n'eſtimans pas qu'il y
peuſtauoir contrepoids nyreſſorts ſiroides, qu'ils peuſſentenuoyer de tels fardeaux
ainſi au loin, & d'vne telle violence. On allegue en outre, que ce que les Poëtes ont
feint Promethée auoir ſigriefuement encouru l'indignation des Dieux, & eſté cha
ſtié d'vne ſi rigoureuſe ſorte, ne ſe doit pas ſimplement entendre du feu commun,
ains des artificiels compoſez de ſalpetre, ſoulphre, & autres tels inflammatifs mate
· riaux : pour autant qu'il n'eſt pas (ce dit-on) croyable que les Dieux ſibenins & bien
affectionnez au genre humain, nous euſſent voulu priuer touſiours de ceſte parcel
le de la nature, ſans laquelle noſtre vie ſeroit trop plus pire,& de plus miſerable cö
dition que celle des beſtes brutes : mais que voyant la ſigrande curioſité & teme
raire entrepriſe de ceſt humain là ; & encore vne choſe non tant ſeulement in
utile, mais ſi dommageable par meſme moyen, en voulurent chaſtier ainſi aſpre
ment le premier autheur, nyplus ny moins qu'vn ſecond attentat des Geantsen
fans de la terre, enl'exaulcementinſolent de la tour de confuſion : car ceſt par trop
entreprédre à la creature de vouloir parvn ſi outrecuidé artifice imiter les ouurages
de ſon Createur, en contrefaiſant les eſclairs, fouldres & tonnerres qui ſe forgent
naturellement
l'Hiſtoire de Chalcondile. 4o7
naturellement en la moyenne region de l'air de meſmes ſubſtances,côbien que ſans
comparaiſon celles d'enhaut plus depurées, pius ſubtiles & eſſentielles que d'icy
bas, qui ſont aſſez plus groſſieres ; d'aurant que les autres ſont attenuees iuſques au
dernier degré d'vne ſpiritualité vaporeuſe par le moyen de leureſleuement cauſé de
deux chaleurs, l'vne pouſſante, & l'autre attrayante, dont ſ'enſuit que ce qui ſ'en
forme & procrée eſtaüſſi ſans comparaiſon de plus grand effect.Comme que ce ſoit
de ceſt artifice, ou que l'vſage n'en ait eſté ſi parfaictement cogneu des anciens, ou
qu'eux pouſſez d'vne loiiable intention ils ayent mieux aimé le cacher & enſeuelir
ſoubsvn ſilence perpetucl que de le deſcouurir aux mortels, n'ayans que trop de
moyens ſans celade ſ'entrenuirc & offenſer, ou que par vne diuine prouidence il ait
eſté reſerué à ces derniers temps empoiſonnez d'vne tres-cruelle inhumanité: ceſte
compoſition de pouldre à canon n'a eſté practiquée, pour le regardaumoins de l'ar
tillerie iuſques enuiron l'an 14oo. de ſalut qu'vn certain moine Allemapd comme
on dit, commença de le mettre envſage, non ſi exactement toutefois qu'ila eſté de
puis, & ſur tout à ceſte heure qu'on faide de petards, de ſaulciſſes, & autres ſembla
bles plus que diaibleries tout nouuellement eſcloſes & ſorties en lumiere.Car meſ
meiuſqu'auregne de l'Empereur Charles le Quint, & du grand Roy François I. de
ce nom, ce n'eſtoit quaſi rien de l'artillerie & arquebouzerie, qui ſeruoient pluſtoſt
de monſtre & oſtentation pour faire peur aux femmes & petits enfans, que d'aucun
effect d'importance : de fait tout ce qu'on tiroitalors pour battre des places, d'vn pe
titnombre de pieces, & encore de mauuais calibre, & de loin à coup perdu, eſtoit
cinq ou ſix vollées pariourtout au plus , ou bien de ie ne ſçay quelles longues fluttes
de baſilicqs, ou de courts mortiers accrouppis pour laſcher contremont de groſſes
demeſurées balles de pierre qui au recheoirvenoient effondrer les maiſons, comme -
· Av R E GAR D des roſettes & cuiures ils leur viennent de Cappadoce & Paphla
gonie, és enuirons de Caſtamone & de Sinope, vne ville ſcituée en vn Cherſoneſe
ou langue de terre qui ſ'aduance vn bon mille outiers de lieu en la merMaiour,ſelon
que vous le pouuez voir au 9. de ceſte Hiſtoire : Plus de Gomene, & de Pantracha
en la Natolie. Le ferils le ſouloient prendre en la Grece, en vn lieu appellé Lauroca
uo, mais à cauſe de l'incommodité du charroyils le font venir de la Natolie où il ſ'en
trouue en pluſieurs endroits, & encores au deſſuſdit Pantracha où ilya de fortbon
nes minieres de fer,d'acier,& de cuiure.Les ſalpetres,ils les tirent preſque tous d'vn
endroit de la Natolie, dit le Caſir, ayans eſté contraints de laiſſer pour la plusgrande
part ceux de Surie, pour eſtre trop moiſtes : Quant au ſoulphreils en ont des minie
res en aſſez de lieux. Et ſont tous ces materiaux conduicts à par-ſoy en Conſtanti
nople, où les pouldresſe fontaupres des ſept tours, oùilya commodité de moulins
l'HiſtoiredeChalcondile. . •e»
tantàeau, & cheuaux, qu'à bras, des forçaires & eſclaues quiytrauaillent : puis les
avans enfoncées dans des barrils & doubles caques, on les retire en la fortereſſe
comme en lieu ſeur, & qui eſt gardé ordinairement par certain nombre de Menuit
zaires pour raiſon meſme du threſor quiycſt.
Lamvde de camperdes Turcs.
Il n'yagens en tout le monde quiſe campentmieux & nyplus magnifiquement
uelesTurcs,cöme ceux qui ſe reſſentent touſiours des meurs & façös des Tartares
§ ils deſcendirentpremierement, toutletrain de lavie deſquels conſiſte à roder
ſans ceſſe par les campaignes çà & là ſoubs des tentes,pauillons,& chariots couuerts
de feultre ou de drap,ainſi qu'en quelques maiſons deambulatoires, dont le deſſous
ſert à mettre les cheuaux à l'abry, & du hautils font leur habitatiö & demeure.Tout
de meſme lesTurcs ne recognoiſſansguieres d'autre meſtier que la guerre, & la vie
paſtorale plus que l'agriculture,ſont par conſequent plus exquis, & plus curieux de
leurs pauillons, que de leurs edifices particuliers : car au reſte ils ſont aſſez ſplendi
des en leurs Moſquées & bains publiques,où giſt toute la magnificence de leurs edi
fices. Si qu'ils deſpendront pluſtoſt en leurs tentes & autre equipage de camp qu'à
baſtir, ioinct que rien d'immeuble ne paſſe en propre apresleur decez à leurs heri
tiers.Dauantage ce ſont gens lourds, groſſiers, peſants, & pareſſeux, qui n'ont pas -
'
-
Mačterlers, &
cens Mačterlers ou Hortagilars tentiers & dreſſeurs de tentes ſoubs leur Capitaine:
Hortagilars. leſquels en premier lieu choiſiſſent quelque belle place au milieu du camp,commu
nément ſur quelque petittertre ou couſteau,pour eſtre d'vne plus ſuperbe apparen
ce,& flanquée de quelque petite touffe d'arbres ſil'aſſiette du lieu le permet. Là ils
dreſſent le pauillon de ſa perſonne fort haut exaulſé grand & ample,ſoubs vne tente
pour mieux le deffendre de l'ardeur du Soleil,ou des pluyes, & des autres iniures de
l'air : le tout, tant latente que le pauillon, & le reſte de ſon logis, eſtant de toille de
cotton teinte en eſcarlatte, de laquelle couleur il n'eſt pas loiſible en ce cas d'vſer à
autres qu'à luy,ſes enfans,les Baſats,& Beglierbeys:chamarrée au reſte de rubents,paſ
ſemens, & autres tels enrichiſſemens de diuerſes couleurs d'vn fort bel aſpect, mais
par le dedans toutbroddé d'vn ouurage tres-excellent d'or,d'argent,& de ſoye, que
rien ne ſe peut veoir de plus magnifique,ioinct les tapiz eſtendus partere.A ce pauil
lon ils accoupplent vne gallerie ou allée de la meſme eſtoffe, qui ſe va rendre à vne
tente ſeruant à tenir le Diuan,où le Prince peut eſtreaux eſcoutes toutainſi que dans
ſon Serrail à Conſtantinople : & de l'autre part toutàl'oppoſite ily en a vne ſembla
ble qui ſert du Chaſna ou threſor, auquel ſe mettent les deniers qu'il porte touſiours
quant & luy en grand nombre:car à l'entrepriſe de Zeguet 1566.on dit que Solyman
auoit plus de vingt millions d'or,auec ſon cabinet de pierreries, & ſagarderobbe de
tres-riches meubles & accouſtremens, & de faict le camp leur eſt comme vne belle
grande cité qui ſeroit deambulatoire. Toutautour puisapres ſont ſes offices, & au
tres pieces tant pour l'vſage de ſa perſonne,que pour ſes domeſtiques qui le ſeruent,
le tout enuironné d'vne haute muraille de la meſme toille,en forme ronde ou ouale
ſelon l'aſſiette & diſpoſition du lieu, auec des creneaux qu'on diroit à veoir ce logis
de loin que c'eſt vne ville : carilya des croiſſans ſur les combles, des pommes, gi
roüettes,bannieres & panonceaux appoſez au feſte ainſi qu'en nos couuertures d'ar
toiſe,dorez,argentez, diaſprez, qui rendentvne merueilleuſe lueur & eſclat. Il y a
dedans ce pourpris encore vne autre tente pour les Soulachs ou archers de lagarde du
corps: & deuxgrandes portes en iceluy,où ſont les Schaoux,Capigi,ou Portiers,& au
tres quiy font la garde toutainſi qu'au Serrail,l'vne du coſté de l'aduantgarde à la
pointe gauche qui eſt la plus honorable : & l'autre de l'arrieregarde à la droitte : car
ces deux † d'auantgarde & arrieregarde ne marchent pas, ny ne ſe campent
diſtammentl'vne deuant,l'autre derriere le corps de labataille où cſt le Prince ainſi
qu'à nous, & ſelon que le portent leurs appellations, ains ſ'eſtendent en de
- -
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-
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l'
l'HiſtoiredeChalcondile. 4
4 II
-
: eſlescomrhe les cornes dvn croiſſariº ou les deux bouts d'vn arc tendu, au fonds
: & milieu duquelendroit la poignée eſt la trouppe du Turc, qui conſiſte de ſes Ien
#- niſſaires,Spacchis,& autres gens de cheual & de pied, commeila eſté dit cy-deſſusi
& qu'il eſt fortelegamment exprimé au 6.de ceſte hiſtoire,és remonſtrances que fait
# Thuracan à Amurath : Tout autour puis aprcs de ceſte enceinte ſont dreſſées les
- tentes des Iennitxaires,puis des Spacchis, Selictars, & I lufagi,ſelon l'ordre declaré cy
#. deſſus,dont les cordages ſont entrelaſſez d'vne telle ſorte qu'on ne ſçauroit en façon
| . quelconque arriuer à cheualny à piedaux murailles, ioinct auſſi la palliſſade qui eſt
s au deuant,compoſée de gabions portatifs, qui ſont certainesplanches ouais eſpoix
- de pres de demy pied, auec vne pointe de ferpar embas pour les pouuoir ficher en Au commens
, terre : & ainfilesarrangent & emmortaiſentlesvnsaux autres en forme d'vn gabion † .
. carré, mais nonpasàangles eſgaux,ains barlongs & en lozange, qu'ils empliſſent "
- puisapres de terre, tellement que c'eſt comme vn fort rempar, accompaigné parles
, endroits où ſont les lumieres & canonnieres, armées toutesfois de mantellets qui ſe
, hauſſent & baiſſentàguiſe de baculles bu ponts-leuis, d'vne infinité de bouches à
, feu. Ils ſ'en ſeruent auſſiés ſieges des places pour ſe mettre derriere à couuert. A la
| porte versl'aduantgarde eſt planté le pauillon de l'Emiralem ou garde des enſeignes
- . & eſtendards, & tout vis à vis celuy du Baſſa, ou du Beglierbey qui commande, auec
# ! ſes Saniaques,& leurs regimens de cauallerie eſtendus en eſle, qui ont ordinairemét
· de quarante à cinquante Chaouxauec eux galloppans à toutes heures à l'entourdeſ
# dits regimens pour garder qu'on ne ſe deſbande, & à coups de maſſe faire retourner
|
l .
bon-gré mal-gré
ſonniere au combat
: & aduenant ceux quicuideroient
que l'ennemyvinſt faire l'eſcolle,comme
charger,aller & venir de fois àonautre
dit buiſ
vers
- le Prince à toute bridde,pour luy donneraduis de ce qui ſuruient, & auoir ſon com
## · mandement là deſſus, ſans lequel,ou du Viſir qui eſt à ceſte fin touſiours pres de luy
- rien d'importance ne s'execute,ſoit au combat en campaigne raze, où au ſiege & aſ
, ,
ſaut des places fortes : le meſme ſe fait en la poincte droitte ouarrieregarde.Somme.
:: que la trouppe du Prince, qui eſt comme vne citadelle en quelque grand'ville, &
d'où dependtout leur recours,cariuſques icyil n'en eſt oncques meſ-aduenuny n'a
peu eſtre enfoncée pour eſtre ſon camp defait tout à trac, eſt couuerte parle deuant
de la groſſe artillerie & d'vne partie des IennitXaires,auecques la cauallerie de la por
2 te parles deux flancs des deuxgros hourts de la Romenie,& Anatolie, & par le der
. riere des bagages qui ſont ſans nombre, auec quelques forces pour leur eſcorte, &
: les artiſans,marchands,vallets & eſclaues, viures,munitions, & autres commoditez
# qui ſuiuent l'armée. Et encore que les Iennitzaires ſoient communément les pre
miers à marcher,ils ſont neaumoins les derniers à combattre:car on les reſerue com
- me vne ſacréeanchre pourreſtaurer & remettre ſus ce qui pourroit eſtre eſbranlé,
: ou à touteuenément ſauuer la perſonne du Prince aucc ſon threſor : cela garenty ils
n'ontrié à craindre de laroutte de tout le reſte : carils n'ont que trop de Turcs natu
relsgens de guerre, pourremettre incontinent ſus vne autrearmée auſſi forte voire
: plus fil en eſt beſoin que laprecedente ; ayans vne ſource ou ſeminaire comme in
! expuiſable d'hommes & de monteures,armeures,& autre equippage. Les Iennitzai- .
& res au reſte maintenant tous arquebouziers, qui marchent à la deſbandée ſans tenir
: files ne rancs,ne deſchargent pas tous enſemble ainſi qu'à nos eſcouppetteries & ſa
: luës : mais peu à peu, & l'vn apres Pautre comme fils tiroient au gibier & en mire de
#| | | pied-ferme & celuyquiade
leuer qu'il n'aitrechargé delaſché ſe metbas
nouueau. . à terre,faiſantplace ·aux•autres, ſans· ſe
. • •
º
l'Hiſtoire de Chalcondile. 4I3
de Dragutraizi Piali, Occhiali, † ayans fait leur apprentiſſage cn
l'artpiratique, luy ont eſtétres-propres & neceſſaires pour luy dreſſer & conduire
letrain de la mer : ioinct le grand nombre de Chreſtiens reniez dont eſt procedé la
pluſpart de l'accroiſſement & conſeruation de ce grand Empire tant par la terre que
par la marine carau reſte les Turcs ſont d'vn lourd groſſier,& peſant naturel, choſes
mal-propres entre les autres à nauiguer, combien toutesfois que ſans celails ne lair
roient de dominer eſtansſi puiſſans par la terre vne ſigrande eſtédue de coſtes qu'ils
poſſedent,depuis les marets de la Meotide iuſqu'au deſtroit de Gilbatar deuers l'A
frique & la Barbarie,qui eſt entierement tout le cours de la mer mediterranée.
• LE s Turcs doncques iuſqu'au temps de Mehemet ſecond,apres la priſe de Con
ſtantinople, & de la Morée, n'eurent comme rien de pouuoir par la mer, auſſi ne ſ'y
amuſerent-ils gueres,addreſſans toutes leurs conqueſtes dans le cœur de la terre fer
me d'Aſie & Europe, mais ce prince courageux & entreprenant ſur tous les autres
de ceſterace,luy eſtant ſi heureuſement ſuccedé eiftant de maritimes contrées,peu
auparauant qu'il mouruſtl'an 148o.auoit equippé bien deux cens galleres, & trois
cens autres voiles carrées latines comme on les appclle, en intention de donner ſur
- Rhodes,& d'vn autre endroit en la Poüilhe, pendant qu'en perſonne il ſ'achemine
roitparterre en Surie contré le Souldan du Caire,auecvne armée de deux cens mille
# combattans.Son fils Baiazetayant encore accreul'Empire, ſe renforça de vaiſſeaux
#
auſſi,bien qu'il n'en fiſt pas de fort grands exploits : mais Selim qui luy ſucceda agră
:
ditfort le train de la marine,meſme depuis qu'il eut defait le Souldan, & cöquis l'E
gypte,Arabie,&Surie,dont la pluſpart s'eſtend vers la Paleſtine & Phenice,& fitba
ſtirl'arcenal qui eſt en Pera tout au föds du port, clos de hautes murailles & de tour
rions,auec des loges par le dedans, tout ainſi qu'on peut vëoir en celuy de Veniſe,
pourretirerau ſec à couuertautant de galleres,là il y a d'ordinaire plus de trois mil
le que cordiers, charpentiers, ferronniers, & ſemblables artiſans entretenus pour y
, trauailler, quiontdixaſpres le iour quand ils beſongnent, & ſix quand ils chom
ment, auec cinquante ſur-intendans ou Protos, appointez de trente iuſqu'à quarari
:
teaſpres,vn Checaya & ſcribe qui a dix ou douze commis ſoubs luy, Maison ne tra
uaille pas continuellement en ceſt arcenal de Pera à faire des galleres comme à Ve
niſe,car ſ'il cſt queſtió de dreſſervnearmée de mer & baſtir des vaiſſeauxtoutàneuf
ou en r'habiller de vieils,onaſſemble tous les ouuriers de Conſtantinople & Pera, &
parfois desiſles circonuoiſines, & lesyfait-on trauailler à la haſte en toute extreme
---:
diligence : neaumoins ce ſontgens fort preuoyans, & qui ont touſiours de longue
: main leur equippage dreſſé & appareillé.Ilya outre les ouuriers ordinairement qua
tre ou cinq cens Azapes entretenus, qui ont de cinq à ſixaſpres le iour,pour ſe pren
dregarde qu'on ne mette le feu, ou mesfaſſe de quelque autre ſorte auxvaiſſeaux.
Et reſpond tout cecy ſoubs la charge & authorité du Baſſa Degnis, lequel auſſi con
duit l'armée quand elle ſort pourallerencours, ou à quelque entrepriſe & voyage:
& ſouloit à ceſte fin faire ſon ordinaire reſidence à Gallipoli, dont il eſt Saniaque,
Ceſt office luy vautºplus de vingt-cinq ou trente mille ducats touslesans, qui luy appointement
La charge, & .
ſont aſſignez partie ſur le peage & traiect de ce lieu , partie ſur les iſles de Rhodes
- - - - _ - º» de I'Admiral
Methelin, & Negrepont, outre infinis autres profits & emolumens qui luy vien- Turqueſque.
nent d'extraordinaire : carila ſa part & portion de toutes les priſes,buttins, & ſacca
gemés que l'armée fait,& participe encore meſmesaux volleries des courſaires. Les
Boſtangibaſſi qui ſont les Chefs desiardiniers du Serrail de Conſtantinople, ſouloiét
communémenteſtre aduancésàceſte charge d'Admiral,lequela ſa ſeanceau Diuan
quant & les Baſſats, & au meſme ranc, dont il fait le 5. & rend compte pareillement
bouche àbouche de ce qui concerne ſon faict,au Prince, commandantau reſte iuſ
quesaux murailles de Cöſtantinople.Orauant que Cairadin Roy d'Arger ſurnómé
Barberouſſeyfutappellé parSolyman fils de Selim,lesTurcsauoient eu encore fort :
peu de practique&vſage de la marine, excepté les Pirates dontils ſe ſeruoient par
fauted'autres,mais durantle longtemps qu'il demeuraen ceſte charge ſansl'enre
mucr, & ce pourtenir cötrccarte àAndré Dorie qu'ils redoutoiét ſur tous lesautres
D. n
414- Illuſtrations ſur
Capitaines Chreſtiens par la mer,ils commencerent de ſ'yinſtruire, tant qu'ils ont
atteintau plus grand pouuoir, & à la plus grande ſuffiſance & dexterité où leurs fa
cultez & moyens, & la capacité de leur eſprit ſoient peus arriuer : car ils entretien
- nent d'ordinaire bien quatre cens voiles, que galleres la pluſpart baſtardes, & plus
# fºrce dº2 renforcées que les noſtres, plus lourdes auſſi à manier, que galliottes, fuſtes,brigan
†** tins, gallions, mahones, ſchiraſſes, palandries, & ſemblables vaiſſeaux garnis de
tout leur equippage,attirail, & commoditez neceſſaires, biſcuits, ſalines, & autres
viures,artillerie, pouldres, boullets, & munitions, tantà Conſtantinople qu'à Ni
comedie, Amaſie, Gallipoli, Rhodes, Chypre, & la Vallonne : car de nauires &
vaiſſeaux ronds ils en ont trop plus qu'il n'en faut, & bien trois cens RaiKou Capitai
nes de galleres, appointez de cinqiuſques à douze cens eſcus de gages paran , auec
tous les officiers neceſſaires. Quantaux gens de rame, ils ont d'ordinaire vn grand
nombre de forçats Chreſtiens mis à la cadene,car de leurloyil ne leur eſt pas permis
d'enauoir,de Iuifs nonplusils rºen ont point,mais ſi cela ne ſuffiſoit , ils en leuent
encore de bonnevogle,de ces Gomarirs paſtresTurcs de la Grece & Anatolie, dont
ila eſté parlé† en l'artillerie : & encore des Grecs, & autres Chreſtiens qui
ſontſoubs leur obeiſſance. Et pour cet effect deuxou trois mois auant que l'armée
faſſe voile, ils ont accouſtumé de depeſcher des Schadux auec des mandemens aux
Saniaques, Cadiz, Soubaſſis, & autres officiers de reſidence en chaſque prouince , leſ
uels ſont tenus d'enuoyer nomméementauiour quileur eſt prefix,certain nombre
§ , & à faute de ce,fournirvingt eſcus pour chacun de ceux qui ſe trouue
roient defaillans.Ils en mettent communément cent cinquâte pourvoguer en cha
Chº, que gallere,appellez d'eux ChiureX&i,qui ſont payez à raiſon de trois aſpres le iour : il
"º" yapuis apresles # leue par meſme moyen pour les armer,à raiſon de qua
circiſ atºu : rante en chacune,outre quelques lennitzaires anciens qu'on meſle parmy,auec des
•lofori ' , Iennitxerots,& d'autres ſoldats dits Giergi,ſcapoli,& olofori, comme qui diroit, portans
tout leur vaillant ſureux, ſi que tous enſemble ilspeuuent faire quelquescent ou ſix
vingts hommes de combat, equippez partie d'arquebouzes, & arcs, partie de pic- ,
ques,eſpieux & corſeſques, & ont de cinqà ſix aſpres par iour, plus ou moins, ſelon
que le voyage eſt† courtou plus long : car on leur aduance tout à vne fois neuf
cens aſpres quandils ſ'embarquent : comme auſſiaux rameurs au prorata, & auxma
telots,patrons,comites,pillotes, & autres officiers : Tous leſquels ſont diuerſement |
- | RR j
416 - Illuſtrations ſur
5 • ----- - ' | . - • *
& ſuperſtition de ces ignoransbarbares, qui ont entre les mains vn telioyau ſans en
cognoiſtre la valleur. Et de faict les anciens l'ont accomparé au Soleilainſi que dict
Manaſſes en ſes Annalles, & tous les autres edifices à la Lune & aux eſtoilles.Le pre
mier Atchitecte & conducteur de ceſt œuure fut vnAnthemie de la ville de Tralles,
ſelon Procope au traicté des baſtimens de Iuſtinian, & au premier liure de la guerre
Perfique, auec lequel fut depuis appellé encore vn autre Ingenieur plus expert, Iſi
dore aſſauoirnatif de Millet, lequel exaulſa de vingtcinq pieds d'auantage lagran- -
de Retube ou voulte ronde en cul de four, qui par vn tremblement de terre ſ'eſtoit
aucunement dcmentie, voireeſbranlée à bon eſcien, iuſques à en tomber degrands
tas ſur le maiſtre Autel, comme l'eſcriuent Agathius, Zonare, & Cedrene; & ce en
reſſerrant deux arcades où elle poſoit, & la confortant auec des arcs-bouttans par le
dehors; dans leſquels eſtoientdeſrobées certaines viz,& cſcalliers pour monteriuſ
ues au haut de la lanterne:Euagrius liu.4 chap.31. met par vne forme d'hyperbole
que la hauteur de la voulte droit à plomb eſtoittclle qu'à peine la veué y potiuoitar
riuer, pour y recognoiſtre, faut preſuppoſer quelque choſe diſtinctement : & que
du hautaureciproque on n'euſtoſé ſans trop grande hideur regarder en bas : mais
pour reſtraindre cela à certainesarreſtées proportions & meſures,f fait ceſte hau
teur eſtre de neufvingts pieds, peu moins que les tours noſtre Dame de ceſte ville
# de Paris : ſa longueur depuis le grand Autel iuſques à la porte qui eſt à l'oppoſite,
: neufvingts & dix; & la largeur cent & quinze. mais ceux qui l'ont plus moderne
' ! ment obſeruée, ont trouué la longueur eſtre en tout de 24o. pieds, la largeur de
# 213. & la hauteur du† iuſqu'aux arcs qui ſouſtiennent la voulte, 142. le renfon
[l , drement puisapres depuis la corniche iuſques au centre du cul de four qui eſt com
# me vn creux hemiſphere, ou la concauité d'vne demy boulle, qui ſ'eſleue ſur leſdits
UT, arceaux, de quclques quarante pieds : ce qui ſe conforme à peu pres aux dimentions
# d'Euagrius. Ceſte Egliſeau reſte eſt toute baſtie de briques tres-fortes & de grand
# calibre, eſleuës entieres & ſaines, & maçonnées d'vn ciment àl'eſpreuue de toutes
# les iniures de l'air, & efforts du temps; le tout incruſté & reueſtutant par le dedans
tz que par le dehors, degrandes tables de porphyre,ſerpentin,iaſpes,albatres, & mar
# res miſques,gentils, & crenez, & autres pierres les plus rares : comme ſont auſſiles
- colonnes toutes d'vne ſeule piece,admirables tant pour leur longueur & groſſeur,
# que pour l'eſtoffe, dont l'edifice eſt enrichi & par dehors, & par dedans ſemblable
|. ment, pluſtoſt pourvn ornement & decoration, que pour aucune néceſſité duſou
à ſtenement de la maſſe, qui ſemble toutesfois fappuier là deſſus : mais cela ne ſeroit
pas ſuffiſant pour la ſouſtenir ſans les † maſſifs de maçonnerie qui ſuppor
: tent ſecrettement la meilleure partie du faix. Quantaux voultes, elles ſont par tout
. couuertes & enduittes d'vne Muſaïque admirable : c'eſt vne compoſition & aſſem-Muſaique.
, blement de petits fragmens de criſtal, d'eſmail, & de verre, dorez, argentez, & -
diaſprez de toutes couleurs, pourrepreſenter ce qu'on veut, ainſi que d'vn ouurage
damaſquin ſur l'acier, de marquetterie ſur le bois, & deiameſque ſur les draps de
|. ſoye, de laine, & les toiles : ainſinaifuement que ſçauroit faire la platte peinture, de
quelque rare & excellente main qu'elle ſçeuſteſtre,ſans qu'on fapperçoiue de ceſte
|. ſi ſubtile liaiſon, & menuë qu'on n'ait l'œil tout contre, ainſi qu'on peut voir en plus
: ſieurs endroits d'Italie, & meſmemétceftenaſcelle de ſainct Pierre,lequel eſt trop
l
| plus
tée degrand queleletout
vagues, naturel, ſur ledu
de la main portail de ſon
Ghiotto Egliſe auleVatican,
Florentin auec vne
plus excellent meragi- .
quifutonc
: ques enceſte maniere d'ouurage : & au Porche de ſainct Marc à Veniſe, deux ta
, bleauxcontenans pluſieurs perſonnages, où il n'ya homme qui ne les prinſt, voire
& - de pres, pour platte peinture. Ceſte muſaique doncques de ſaincte Sophie à Con
:: ſtantinople eſtoittres-exquiſe pour le temps d'alors que les bonnes arts & ſciences
# auoient deſiade longuemain commencé à decliner & ſ'abaſtardir : & les barbares
# | du Septentrionempoiſonné tout d'vnegoffe lourdeſſe sº#
: faicte aureſte à
# - - -- -
1
· R R iij
418 Illuſtrations ſur
figures de perſonnages,& beſtions,oiſeaux, fueillages,guillochis, & choſes ſembla
bles, qui ont eſté cauſe en fin de la difformer comme elle eſt; pour-autant que les
Turcs, & tous autres Mahometiſtes n'admettent aucune repreſentation ou image
de choſe qui ſoit produicte de la nature, alleguans n'eſtre loiſible à la creature de
contrefaire les ouurages de ſon Createur. Le paué eſt d'vne autre ſorte de marque
terie, mais correſpondente à celle d'enhaut, de nacques de perles, caſſidoines, cor
nalines,agattes, lapis, lazuli, onyces, coral, proëſmes d'eſmeraulde, & ſi quelque
autre choſe de ſemblable ſe peut retrouuer de plus beau & plaiſant à l'œil : & à ce
propos, afin qu'on ne trouue cela trop eſtrange,ie ſçay auoir veu en l'Egliſe ſuſdite
de ſainct Marcà Veniſe, envne chappelle à main droicte du chœur, vne pierre au
paué d'icelle, qui ne ſçauroit auoir plus de demy pied de long, & quelques quatre
poulces de large, dont pluſieurs ont voulu donner plus de quinze censeſcus.Au re
gard de lagrande § ou cul de four, elle eſtàguiſe de celle de la Rotonde, au
trement le Pantheon à Rome, mais trop plus ample & ſpacieuſe ſans comparaiſon,
& plus eſleuée, & quant & quant plus delicate, ce qui la rend tant plus admirable;
toute enrichie & reueſtue de muſaïque ſelon qu'ila eſté dit cy-deuant; & ſouſtenue
ſur quatre grands pilliers maſſifs, reparez tout autour de groſſes colonnes, & enta
blemens de Pie Ies exquiſes; ſur la frize, architraue, & corniche deſquels poſent &
viennent à ſe recourber les arcades, & lavoulte par conſequent; deux d'icelles plus
exaulſées, au leuantaſſauoir, & Soleil couchant, & les autres plus baſſes, qui re
gardentvers le Midy & Septentrion : le reſte du corps de l'Egliſe, carce cul de four
couure le grand Autel, & le chœur ſeulement, conſiſte en trois nefs ou paſſages,
celle du milieueſleuée à pair desarcades qui ſouſtiennent la profonde cube ou cou
polle; & les autres deux ſur les eſles, à deux eſtages l'vn ſur l'autre, celuy d'embas
pour l'vſage des hommes, & d'enhaut pourles femmes, quine ſe meſlent pas peſ
le-meſle ainſi qu'à nous parmy les hommes, nyenuers les Grecs, nyenuers les Ma
hometiſtes § les temples, où les Turques n'ont point accouſtumé d'entrer ſi
non rarement, car elles ne ſortentgueres de lamaiſon ſinon pour aller aux eſtuues,
ou aux nopces,& font leurs prieres& oraiſons au logis,ou en quelque oratoire à part:
auſſi ſelon l'Alcoran elles n'ont que la preſente vie temporelle; & apresleur mort
leursames vont en certain lieu où elles ne ſentétne bien ne mal ;l'vne des plus gran
des impietez du Mahometiſme. Les galleries de ces nefs tant parle basque par le
haut, ſont de chaque coſté ſouſtenuës ſur des groſſes colonnes de marbre, d'ordre
dorique, tant que ſçauroientembraſſer deux hommes,huictembas, & ſixtantſeu
lement en haut, vn peu moindres, & d'ordre Ionique : mais de ſerpentin, vne pier
reverde mouchettée de blanc, dure à pair du porphyre,voire plus : & y en a encore
grand nombre d'autres moindres en ces deux eſtages, tant pour ſeruird'embelliſſe
ment, que pour les diuiſer chacun en trois eſpaces ſeruans de chappelles carrées par
les trois faces, & la quatrieſme ſe recourbant en forme d'ouale à lareſſemblance de
tout l'edifice qui eſt carré par le dehors, & par le dedans ſe rapporte à vne ouale
mouſſe & camuſe, dont il ſ'enſuit que les portes des arcs & voultes ſoient merueil
leuſementſpacieuſes & forthardies. En Procope l'on peutvoir deux exemples de
l'induſtrie & promptitude d'eſprit de Iuſtinian en ceſte fabrique, où il trouuale
moyen de remedier à deux inconueniens qui ſuruindrent, ayans eſtonné tous ces
Architectes,de ſorte qu'ils eſtoient preſts de quitter tout là : l'vn que le grand arc
qui regardeau Soleil leuant, pour ſon deſmeſuré fardeau eſtantvenu à ſurcharger
tellement les pilliers où il poſoit de part & d'autre, qu'ils faiſoient contenance de ſe
renuerſer, il ordonna de § en toute diligence parfournir le ceintre de l'arcade,
qui eſtantacheuée les couppes d'icelle ſe ſouſtiendroient en partie d'elles-meſmes
liées qu'elles ſeroient les vnes aux autres : cöme iladuint, car il ſemble que tout ſoit
ſuſpendu en l'air. L'autre fut, que pour la peſanteur des deux autres arcs tournez
au Midy & au Septentrion, la ſtructure du deſſus ne pouuant ſupporter ce trop
grand fardeau, commençoit à ſe deſmentir, & les colonnes à ſ'eſcorcher en cer- .
taines petites eſcailles, comme ſi c'euſt eſté de detreſſe qu'elles ſentiſſent, à quoy
- l'Empereur
l'Hiſtoire de Chalcondile. 4I9
: l'Empereur fit remedier, en abattant ce qui eſtoit deſiaedifié de la voulte, dont la
maçonneriefutdelà en-auant conduicte parinterualles peu à peu,& nó tout à coup,
ains à meſure qu'elle ſeichoit, afin que l'humidité du ciment exhalée à loiſir & par
les menus, le poids exceſſif qui en prouenoit accablant ce qui eſtoit au deſſous vint
à ſalleger. L'edifice finablementayanteſté conduict à ſa derniere perfection, non
ſans vn trauail & deſpence extréme, il fut forteſbranlé toſtapres, du viuant meſme
de Iuſtinian, par vn gros tremblement de terre, ſi que la coupoulle ou cul de four
eſleué au deſſus de tout le reſte de l'edifice, ſe deſmentit, ainſi qu'eſcrit Agathius,
, & creua : Zonare met que l'arc du coſté du Soleil leuant vint à bas : à quoy Georges
Cedrene adiouſte qu'ilacrauantale poulpitre, & le grand Autel, auec le Ciboire:
les autres dient que toute la coupoulle tomba, maisque les arcs demeurerent de :
bout. Quoy que ce ſoit Anthemie eſtant deſia mort, Iuſtinian fit ſoudain reparer
#
••
ceſte ruine par Iſidore, & autres cxcellens Architectes; faiſant haulſer les quatre
pilliers qui les ſouſtenoient de vingt cinq pieds, & la coupoulle à l'equipollét, mais
, plus eſtroicte & plus aiguë qu'elle n'eſtoit, & par conſequent plus ferme & ſolide
contre tous inconueniens. Quelques 33o.ansapres, l'arc qui regarde deuers l'Oc
cident ſ'eſtant deſmenti par d'autres tremblemés de terre, fut refait parl'Empereur
Baſile, & encore longtemps depuis, apres la mort de l'Imperatrice Irené femme de
l'Empereur Andronic Paleologue, partie de l'argent qu'elle laiſſa fut employé,ſe
lon que le racompte Gregoras vers la fin du 7.liure, à faire ces deux groſſes pilles
#
ſeruansd'arcs-bouttans en formes de pyramides du coſté d'Orient & de Septétrion,
: ſans leſquelles & le ſupport qu'elles donnerent à la ſuſdite ſtructure elle menaçoit
vne bien prochaine ruine. Si que tant d'accidens ontfait croire à quelques vns que
ce temple là ne ſoittel, ne ſi ſpacieux à beaucoup pres comme il fut premierement Les portes de
baſty par Iuſtinian : caril ſe lit qu'ilyauoitbien cent portes : à ceſte heure deuers So ſaincteSophie.
leil leuant par oùl'on deſcend cinq degrez pour entrer au temple, lequel eſt tout
enuironné par dehors de portiques & galleries ornées de belles colonnes de por
phyre, ſerpentin, & bronze, auec force muſaïque és parois & planchers du dedans
ainſi qu'à ſainct Marc de Veniſe, dont l'exterieur ſe conforme aucunement à cecy;
ilyenaneuf, les deux du milieu leſquelles ſ'ouurenteſtans doubles,& plus grandes
que les ſeptautres qu'on tient fermées. En la face qui regarde versl'occident où eſt
la principalle entree à rez de chauſſée en ya cinq doubles auſſi, & toutes de bronze,
d'vn tres-excellent artifice & ouurage, comme celles de la Rotonde à Rome; les
trois du milieu ſeruâs pour entrer en lagrand'nef, & les autres des deux coſtez pour
les deuxpetites nefs d'embas, & monter par meſme moyen aux deuxgalleries d'en
haut. Et de ce portaill'on deſcend par pluſieurs degrez à vn grand paruiz, où ily a
forces belles fontaines d'eauviue amenées de loin à grands frais & trauail pour la
commodité des ablutions auant que d'entrer au temple pour faire les prieresaccou
ſtumées : tout ce pourpris eſtant planté d'vn grand nombre de palmiers, lauriers,
cypres,orengers, citronniers, ſicompres, & autres tels arbres d'ombrage, verds en
tout temps. Du coſté de Septentrion il n'ya qu'vne ſeule aduenuë : mais de celuy du
Midy ſix portes toutes de bronze autrefois, maintenantil n'y en a plus que troisſeu
lement de ceſte eſtoffe, mais d'vn rare & exquis ouurage.Tout le dedans du temple
eſt fort clair, comme y eſtant la lumiere admiſe par pluſieurs feneſtres, dont en la
muraille qui ſ'eſleueau deſſus des quatre arcades ſouſtenans la grande coupoulle y
en aiuſques à quarante, & par le deſſous vingtſix.Tout le long puis apres des deux Les feneſtu:
petites nefs, de chaque coſté par embas, trente deux, & en laface de l'Orient vingt, ges,
ſans tout plein d'autres qui eſclairent la lanterne qui eſt au feſte du cul de four : le
chœur,& les galleries d'enhaut, & celles qui ſont ſur le portail expoſé au Soleil cou
chant.Ilya puis apresquatre grands arcs-bouttans & conſolateurs par dehors pour
ſouſtenir les grandesarcades,& la Retube, ſoubs laquelle droitàplöbeſtle chœur,
quioccupe tout ceſteſpace : au dedans deſquels arcs-bouttans ſont deſrobées cer
tainesviz & eſcalliers paroùl'on monte à la voulte & couuerture du temple, toute
deplombainſique desautres Moſquees faites ſur le patron de ceſte fabrique : mais
-
4-2 C Illuſtrations ſur
anciennement doré ê: diaſpréla pluſpart. De là on deſcouuroit non ſeulement tou
Merueilleux te la ville bien à laiſe & diſtinctement, mais par meſme moyen les faulxbourgs, qui
faulxborugs
de Conſtan
ſe ſouloientiadisettendre iuſqu'à Heraclée, deuxiournées de Conſtantinople; &
tinople. les larges campaignes de la Thrace du coſté d'Occident en la terre ferme d'Europe:
# & au delà du deſtroit vne bonne portion de la Natolie au Leuant, meſme le mont
Olympe qui ſemble ſurpaſſer les nuës, en tout temps couuert de neiges & glaces:
Plus la mer Maiour vers le Septétrion,&au Midy la Propontide,& le canal de l'Hel
leſpont,voire les Iſles de l'Archipel, ſitant ſe pouuoit eſtendre la veuë : De façon
que rien ne ſe ſçauroit trouuer nulle part de plus belaſpect. -
$
l'Hiſtoire de Calchondile. 42 I
pas la quarte partie qu'elle ſouloit en ſagrandevogue,leſquels ſe met
habitée ce
tent en reſerue dans le chaſteau des ſept tours pour les employer à la guerre contre
les Chreſtiens.
my les autres , dont le Muphti, les deux Cadile chers, les Seytes, & Taliſmans, & au
tres miniſtres du Mahometiſme ont ie ne ſçay qu'elle ombre de conformité auec -
les ordres & dignitez de l'Egliſe Grecque, iln'yaurapoint de mal d'en dire icy quel-†
que choſe : leſquelles dignitez conſiſtent premierement au Patriarchat, & delà au Grecque "
Metropolitain ou Archeueſque, Eueſque, Hieronomaque ou Caloyer Preſtre, &
Preſtre ſimple ou Papaz : Tous leſquels chantent Meſſe : Puis il ya le Moine non
conſacrant; le Diacre, & Souſdiacre qui ſeruent à l'Autelau Preſtre : & l'A nagno- -
ſte qui lit l'Epiſtre au peuple, le tout en vulgaire, les iours de Dimanche : les Moi
nes ont auſſileurs Igoumenes, & Archimandrites, à quoy ſe peuuent à peu pres rap
· porter les Abbez, Prieurs,Souſprieurs, & autres dignitez de nos Conuents & Mo
naſteres. - -
B1zAN cE doncques ruinée de fonds en comble par l'Empereur Septimius Se- • ---
uerus l'an de Salut 197. que le Chriſtianiſme auoit deſia pris pied en diuers endroits †
de la terre,illa ſoubſmit à la luriſdiction des Perinthiens ville de Thrace depuisap- § -
pellée Heraclée, ſi que par meſme moyen le Dioceſe y fut tranſporté, & y demeura -
PR vs E
- - b - l . _ •, . f — - * -- ",
R HY s E. - · · ·
LY c E, ( Laodicée) en la Phrygie. . - - -- . - · ··
RH o D E s, iſle & ville en la mer Carpathie. Elle fut priſe ſurles Cheualiers de
# Sainct Iean de Ieruſalem par le Turc Solymanl'an 1522. où ils ſouloient vſerd'vn
S S ij
• 1
ſceau à triple croix.Et à ce propos faut entendre qu'ilya deux ſortes d'Egliſes Grec..
ques; l'vne qu'ils appellent çaupomntaxi croiſée, que le Patriarche adminiſtre par
ſes vicegerens, nonobſtant qu'au deſtroit & iuriſdiction d'vn autre, comme à Nau
lium & Athenes : & Evoeuax qui eſt adminiſtrée parvn Metropolitain, comme
eſtant dedans ſon reſſort.
CH1 o (Scio) iſle & ville en l'Archipel. Elle ſouloiteſtre des appartenances des
Geneuofs, tributaire au Turc de dix ou douze mille ducats paran; maisl'an 1566.
Piali Baſſa de la mer ſ'en empara. L'Egliſe des Grecs eſt en la montaigne à deux
lieuës de la ville,edifiée iadis par l'EmpereurConſtantin Monomaque,enuiron l'an
de ſalut 1o5o. Le plus ſomptueux & magnifique edifice de toutes les Iſles de ces
quartiers là. Chioau reſte n'eſt qu'à trois iournées de nauigation de Conſtantino
ple, mais par bon temps, & autant de Rhodes, & de Rhodes autant iuſqu'en Ale
xandrie d'Egypte; d'où l'on compte iuſques à Conſtantinople par mer neuf cens
mille, qui peuuent valoir trois cens lieuës des noſtres ou quclque peu plus; d'Ale
xandrie au Caire on va en deux iours.
P1 s 1D I E en l'Aſie mineur ou l'Anatolie.
EPHE sE ville fameuſe de longue-main en la Prouince d'Ionie en Aſie.
SM Y RN E en la meſme Prouince.
P E R I TH E o R I E.
| IM B Rv s ou Lembro, Iſle en l'Archipel.
AND Ros, de meſme. -
DE M ET R I A D E en Macedoine. _'.
EN Tovs ces benefices & aſſez d'autres de moindre nom,ila pleine ſuperio
rité & pouuoir en ce qui depend de la religion: confere les Archeueſchez Eueſchez
&autres benefices d'importance, les demet & depoſe preſqu'à ſon arbitre : Donne
les principales excommunications,quiy ſont de fort grand reſpect & tremeur : con
uoque les Synodes, cognoiſt des differends pour les pacifierauant qu'ils viennent à
la notice des Baſſats & autres officiers de la Porte : & pour ceſt effect va de quatre en
quatre ans faire ſes viſites où bon luy ſemble : eſtant partout defrayé & nourry auec
ſa ſuitte, outre le preſent & don gratuit qn'on luy fait ſoubs main,appellé piAºTuor,
& à ſes miniſtres & officiers chacun ſelon ſa qualité, il enuoie d'autre part ſes Exar
ches qui ſont comme Legats ou grands Vicaires, de coſté & d'autre, tant pour faire
leſdittes viſites, que pour recueillir les deniers qu'il eſt tenu de contribuerauTurc
pour le Carazzi,c'eſt certain tributannuel,dont il y en a de deux ſortes,l'vn eſt le du
cat que payent pour teſte tous les Chreſtiens, exceptez les Armeniens, qui viuent
ſoubs la domination Turqueſque,qui ſe monte à de grands deniers chacunan,l'au
tre touche en particulieraux Archeueſques & Eueſques, qui en compoſent en bloc
auecle Turc pour tous les Eccleſiaſtiques de leurs dioceſes. Le premierautheur d'i
celuy peu apres la priſe de Conſtantinople par Mehemet II.l'an 1453.futvn Seruian
nommé Raphaël, qui paruintau Patriarchat moyennantl'ouuerture qu'il fit de ce
Cara (ºi à deux mille ducats paran ſeulement, mais il monte à ceſte heure à plus de
ſix mille,que le Patriarche recueille,& porte tous les ans à la porte durant que le Di
uan ſe tient, le iour S.George. Ilya puis apres le wvoxéoio quand ilyeſchet, qui en
vaut plus : c'eſt vne autre contribution par forme de preſent &.don honnorable; '
que les Patriarchcs ont accouſtumé de § au Turc dés la ſuſditte priſe de Con
ſtantinople, quand il vientnouuellementàl'Empire, ou que le Patriarche ſe renou
uelle,ſoit par mort,demiſſion,ou depoſement,car les Grecs gens mutins, ſeditieux,
turbulents,fantaſtiques,acariaſtres,legers,inconſtans,deſloyaux, ne les tollerent pas
volontiers longuement ſeiourner au ſiege , ains en changeroient s'ils pouuoient
d'heure à autre, meſmement ſ'ils en rencontrent de preud'hommes dočtes, & de
bonne vie, ſuffiſans & dignes de ceſte charge, car ils en tolleroient pluſtoſt de meſ,
chans vicieux ignorans : comme ils ont fait auſſi de leurs Empereurs, dont il ne ſe
faut pas eſbahir ſi Dieu les afflige de ceſte ſorte,les ayansreduits ſoubs le ioug & ſer
uitude de ces barbares meſcreans , là où fils auoient tant ſoit peu d'eſprit & de cous
rage, ils deburoientaimer mieux mourir mille fois le iour que d'ycrouppirvn ſeul
moment pour ſouffrir de tellesindignitez mais telles ſont finablement les verges &
fleauxdelaiuſtice diuine,&l'inſtable reuolutiô & viciſſitude des choſes humaines.
- - SS iij
426 - Illuſtrations ſur
Ces Exarches doncques vont & viennent de coſtê & d'autre recueillir les droicts du
Patriarchattant ſur les Prelats, que ſur les particuliers, outre cela leur pouuant de
meurer tous les ans trois ou quatre cens ducats pour leurs eſtaffes. Ce que practi
quent auſſiles Archeueſques & Eueſques en leur endroit,quileuent certaines ſom
mes de deniers en leurs dioceſes, tant pour le Turc, & le Patriarche, que pour leur
entretenement auſſi,ſans leurbaiſe-main, & le droict qu'ils prennent pour conferer
les ordres appellé ºu2aTixxo : Toutesfois il n'y a que les Archeueſques qui donnent
| celuyde Preſtriſe.Ils ordonnent auſſiles Eueſques de leur reſſort, & des Archeueſ
ques auſſi, mais c'eſt par la permiſſion du Patriarche, comme les Eueſques fontvn
autre Eueſque,& des preſtres du conſentement de leur Metropolitain. Telle eſt la
Hierarchie de l'Egliſe Grecque,les Archeueſques ont outre-plus, comme a auſſi le
Patriarche, leur domaine, quiconſiſte en terres labourables, prez,vignes,iardins,
bois taillis, & autres heritages affectez à leurs benefices, dont ils reçoiuent le reue
nu : & les offrandes qu'on leur faict quand ils vont celebrer la Meſſe de part & d'au
tre en leurs dioceſes, meſme le Patriarche, qui s'en va faire l'office tantoſt en vne
Egliſe,tantoſt en vne autre dans Conſtantinople, où ily en a douze ou quinze de re
ſte de ce qu'ily en ſouloitauoirparle paſſéau Chriſtianiſme, autant (ce dit-on) que
deiours en l'an : & montent ces offrandes à de grandes ſommes de deniers : car tely
a quiiettera trois ou quatre ducatsaubaſſin : ſi que celane peut pas fortbien conue
nir qu'aucuns dient,qu'il n'a pour tout que deux cens ducats tous les ans : & de faict
il ſ'en eſt trouué ſoubs les Turcs meſmes qui ontamaſſé de fort grands threſors:& ſe
lit qu'à la priſe de Conſtantinople Mechmet trouua de ſi grandes richeſſes au Pa
triarchat, que iuſqu'à Selim fils de Baiazet l'on en employoit tous lesans ſoixante
- mille ducats à laguerre contre les Chreſtiens, & à l'entretenement des Moſquées,
mais iceluy Selim contre le Sophy Roy de Perſe l'eſpuiſa du tout,pour leiourd'huy
· Le Patriarchat le train des Patriarches eſt fort peu de choſe,& leur train encore plus maigre. Ils ont
#" leur habitation en Conſtantinople, non à ſaincte Sophie comme du temps des Em
- - * ereurs Chreſtiens : car pour n'eſtre ceſte Egliſe là qu'à 6o.ou8o. pas de la premiere
porte du Serrail, qui eſt en partie baſty ſur ſes anciennes dependances : & auſſi pour
l'excellence de ſaſtructure,lesTurcs l'ontappliquéeàl'vſage d'vne Moſquée, où le
Prince vale plus communémentfaire ſonoraiſon tous les Vendredis. Le Patriar
| chat doncques eſt pourle preſentàl'vn des coings de la ville, àl'autre bout, comme
#i vous le pouuez voir en la carthe ſuiuante, pres laporte de Cöſtantin,où ſouloiteſtre
vn monaſtere de religieuſes ſoubs le nom de la VIERGE MARIE du tiltre de Pam
macariſte totalementtres-heureuſe,en vn lieu vn peu releué qui regardeau Septen
trion ſur le port de Pera , dans vn aſſez grand pourpris clos de murailles, de figure
preſque carrée,yayanteſtétransferé parla permiſſion de Mechmet ſecond, de l'E
gliſe des ſaints Apoſtres,André,Luc,& Timothée, qui eſtau ſecond tertre de la vil
le, fondé comme met Cedrene, l'an23.del'Empire de Iuſtinian, qui tombe en l'an
de ſalut 55o.parl'Imperatrice Theodore ſa femme : mais d'autant que ceſt endroit
cſtant vn peu à l'eſcart & des-habité apres la priſe de Conſtantinople, & par conſe
quentvnpeu ſuſpect & dangereux, car on y trouua vne matinée le corps d'vn hom
mefreſchement tué,ils obtindrent ce monaſtere : où depuisſoubs le regne de Soly
man Ruſtan Baſſafitabbattre la croix qui eſtoit au haut du clocher, ſi qu'on la deſ
couuroit de fort loin tant par laterre que par lamer. Ceſte Egliſe des ſaints Apoſtres
fut conuertie envne Moſquée où ledit Mechmet II.eſt enterréauecvn Imarath,ou
hoſpitalyannexé tout ioignant.Quantaubaſtiment du Patriarchat, il n'eſt pas des
plus magnifiques,ains commevn ſimple monaſtere,ayant pluſieurs petites pieces,&
force cellules pour retirer les moynes, & autres Eccleſiaſtiques quiy arriuent iour
nellement de pluſieurs endroits : mais l'Egliſe eſtaſſez belle pour ſa petiteſſe yayant
pluſieurs peintures de IEsvs-CHRIST, & la VIERGE MARIE , des Prophetes, Apo
ſtres,& autres ſaints,& forces hiſtoires du viel & nouueau teſtament,auecvne gran
de quantité de reliques,& entre autres, à ce qu'on dit, la colonne où le Sauueur fut
flagellé. Quandon paſſe deuantlaporte de ce Patriarchat, homme ou femme, des
', · · · Chreſtiens
l'Hiſtoire de Chalcondile. | 427
Chreſtiens fautpreſuppoſer, carlesTurcs tiennentfort peu de compte du Patriar
che meſme,qu'ils deteſtent&villipendent quand ils le rencontrentallant&venant
par les ruës,ilsy font vne grande reuerence & ſubmiſſion, non pas en ployant les ge
noiiilsainſi que nous,ains mettant la main à l'eſtomach,& inclinans le chef à la mo
de lurqucſque,ſans ſe deſcouurir autrement. -
O R encore que les Turcs ſe ſoient emparez de tout l'Empire Grec, tanten'l'Eu
rope qu'en Aſie & Afrique,ſi laiſſent-ils viure neaumoins les Iuifs & Chreſtiens en
leurancienne religion, en payans certains droits & debuoirs, ſans forcer perſonne à
prendre le Mahometiſme,horſmis en certains cas:& les Agemoglans ou enfans du tri
but,les femmes auſſi qu'on metés Serrails. Trop bien ne permet-il point qu'il y ait
diuerſité d'opinions en chacune loy,de peur que cela n'amenaſt quelque trouble en
l'Eſtat, comme à laverité il n'ya rien de plus propre à broüiller les cartes , d'autant
que ce qui touche la conſcience, principallement en genszelatifs, eſt d'vne efficace
perſuaſiue ſurtoutes autres pour faire remuer les perſonnes qui autremient ſe tien
droient coy.Etainſi les Turcs ont laiſſé les Grecs en leuraccouſtumé Chriſtianiſme
ſans les ytroubler,auec leurs Patriarches & autres Prelats, & la police de leurs Egli
ſes,meſmement à Conſtantinople côbien que ce ſoit la demeure ordinaire du Prin
ce,& de ſa Cour qui eſt fort grande : & ce nonobſtant qu'ils ayent de toute ancien
neté vn ſtatut, qu'és villes Chreſtiennes emportées de force, & qui ore ſe ſeroient
voulurendre, ils ruinent toutes les Egliſes, ou les accommodent à des Moſquées;
Somme qu'ils en banniſſent tout l'exercice de la religion. Ce qui fut cauſe que l'an
:
1536.ſoubs le regne de Solyman cela ayant eſté refreſchy & renouuellé, peu ſ'enfa
lut que les Turcs n'accouruſſent de toutes parts pour ruiner les Egliſes de Conſtan
tinoplc,n'euſteſté lafaueur ſoubs main du Viſirou premier Baſſa Tulphi, qui conſeil
la ſecrettement le Patriarche de méttre en termes que la ville n'auoit pas eſté priſe
d'aſſault par Mechmct II. comme le bruit commun portoit, ains par compoſition
volontaire de Conſtantin Palleologue le dernier Empereur Chreſtien,& offrir de le
prouucr par des Iennitzaires viuans encore en Andrinople, quiauoient lors porté les
armes,encore qu'il y euſt plus de 8o.ans.Ce quifutfait par les practiques & menées
duditTalphi, & parauanture du conſentement du Turc meſme qui fitainſi ioüer ce
ieu, de peur de perdre les emolumens qu'il perceuoit du Patriarchat lequel par ce
moyen demeura en ſon entier à Conſtantinople,auec toutes ſes anciennes obſerua
tions,combien que non en telle ſplédeur que par le paſſé, mais quant à ſon eſtenduë
plus grand encore : car comme ila eſté dit cy-deſſus à luy reſpondent tous les Chre
ſtiens de la Grece,Macedoine Theſſalie,auec les iſlesadiacentes : Thrace, Bulgarie, Leſtendue du
Valaquie,Raſcie,les deux Seruies, & la pluſpart de la Hongrie où ilya encore quel Patriarchat de
Conſtantino
que exercice de la religion Grecque, la Ruſcie, & la Moſcouie : Plus tous les mo ple,
naſteres du montAthos en nombre de 24.bien fortifiez contre les ſurpriſes & inua
ſions des courſaires, où il ya de cinqà ſix mille religieux dits Caloiers : les Albanois;
Eſclauons,& Croats : & d'vn autre coſté les Mengreliens,Zorzaniens, & Circaſſes,
auccles autres nations qui habitent les riuages de la mer-maiour. Pour tous leſquels
le Patriarche paye douze mille ducats de tributannuelau Turc. -
LE Patriarche d'Alexandrie reſideau Caire en vn pourpris non moins ample & Le Patriarche
d'Alexandrie,
ſpacieux que celuy de Conſtantinople, & a ſoubs luy toute l'Egypte, & Arabie : les
monaſteres du mont de Sinaï,& desdeſerts de S.Antoine, & S. Macaire verslaville
duTor, enſemble tout le reſte de la mer rouge où reſident les Caloiers maronites,
Arabes viuans ſelon l'Egliſe Grecque : l'Abima meſme qui eſt le grand Patriarche &
Pontife de toute l' Ethiopie,ſe prend de ſa main, en Alexandrie ilya quatre Egliſes
Chreſtiennes,S.Georges,S.Sabée où ilya des Latins,S.Marc,& S.Michel. -
Le troiſieſme Patriarche tient ſon ſiege en Ieruſalem, & parfois en Damas,2 le-,.r...
• , - - - - Le Patriarche,
quela toute la Paleſtiné & Phenice,auecvne portion de Surie,comme Baruch,Tri-§ /
Poli,& autres lieux de ces marches là. Il eſt tenu d'aller tous lesans celebrer la Meſ.
ſeleiourdel'Aſſomptionnoſtre Dame, 15. d'Aouſt,aumonaſtere des Caloiers ma
ronites,& Grecs,baſtyſur le montde Sion.
4) 8 · Illuſtrations ſur
D'antioche, LE quatrieſme eſt celuyd'Antioche,qui regiſt le ſurplus des Egliſes de la Surie:
car Antioche eſtantfort ruinée, & n'y ayant pour le iourd'huy qu'vn pauure petit
bourg de Chreſtiens d'enuiron 6o.feux,auec vne Egliſe,le Patriarcheatranſporté ſa
demeure en Damas,où ilyavne belle Egliſe,& plus de mille maiſons Chreſtiennes.
Pov R venir maintenant aux particularitez de l'authorité & reſpect que nous
auons dit cy-deſſusauoir cſté trop plus grande, comme il eſt bien raiſonnable de
croire, de ces Patriarches du temps des Empereurs Chreſtiens, que non pas depuis
ſoubs les Turcs,nous en amenerons icy les teſmoignages des Grecs modernes.Et en
premier lieu quant à ce nombre de quatre,voicy ce qu'en met Gregoras liu.5.cha. I.
Michel Paleologue ayant enuoyévers le Pape pour traiéfer la reunion des deux Egliſes, de lan
cienne, & nouuelle Rome, mit en tuant pour gratiffer les occidentaux, ces trois articles entre les
autres.gu'es hymnes,& autresprieres & menusſuffrages du ſéruice diuin és Egliſes Grecques
on feroit commemoration de ſa ſainčtetéauecles quatre Patriarches. Item,qu'il ſeroit loiſible à
chacun d'appeler à la Courde Rome,comme la ſouueraine,&plus parfaicfe.Ettiercement,qu'en
tout & partout la ſuperioritéluy demeureroit. Ce qui eſt compris en ce peu de mots par
Pachimerius au 5 mais à recullons : Tè oº2Téo,Tº éxxxnro,Tºurvuºoºor : mais cela ne
ſ'effectua pas.Etau dernier chap.du 1o. liure, Auec le Patriarche de Conſtantinople doib
uentauſſi ſtre appelleX celuyd'Alexandrie,de Ieruſalem,& d'Antioche.
Leſection du Av regard de celuy de Conſtantinople,quand il venoit à vacquer par mort, de
Patriarche.
miſſion,incapacité,ou maluerſation,anciennement l'eſlection en appartenoit à l'Ar
cheueſque d'Heraclée le meſme Gregorasliu.6.ch.1.A l'Archeueſque d'Heraclée appar
tenoit le droičt d'cſlire le Patriarche de Conſtantinople, car le grand Conſtantin meſme quides
ruines de Bizance en auoit faicfcſte inclyte cité de la nouuelle Rome, ne voulut pas pourcela
abolirles priuileges des anciens Empereurs, ains confirma ce que Septimius Seuerus auoit ſoubſ
mis de tous points Bizance aux Perinthiens Heracleitiques. Mais par traict de temps les
ſucceſſeurs dudit Conſtantin ſ'en approprierent la collation, ſi que les Prelats auec
le clergé de ſaincte Sophie apresauoir fait vn examen de la vie, mœurs, doctrine, &
ſuffiſance de celuy qui ſembloit eſtre le plus digne d'eſtre mis au ſiege,le preſentoiét
à l'Empereur qui le confirmoit : & l'Archeueſque d'Heraclée le ſacroit, le meſme
Gregoras liu.9.ch.13.Les choſes eſtoient ainſi ordonnées,que comme l'Empire auoit ancienne
ment octroiéà l'Egliſe les droits,priuileges, & preeminences dont elle iouyt encore àpreſent, en
contreſchange l'Egliſe auoit auſſi deferéàl'Empereurd'admettre pour Patriarche celuy que bon
luy ſembleroit de tous ceux qui auroient ſtédeſignex. Et au rebours liu.6.ch.9.Iean Sozopo
litain ſuiuant la nomination de l'Empereur, & les voix & ſuffrages du ſacrécollege entra au
ſiege Patriarchal. Plus liure7.ch.16. Niphon Archeueſque de CiXique eſt admis au Patriar
chat parles Prelats obtemperans à la volontéde l'Empereur, lequel ſoudain apres ſa petite
denonciation qui ſe faiſoit indifferemment à tout'heure, & lagrande confirmatiue
de l'autre,ſolennellement touſioursàl'entrée de veſpres,dont la formule eſtoit telle
apres l'auoir reueſtu des ornemens pontificaux.La diuine & ſacrée ſynode desſacreſaints
Metropolitains,des tres-deuots Eueſques,& le reſte du tres-venerable Clergé, enſemble des tres
àobles ſeigneurs & de tout le peuple Chreſtien,a appellévoſtre Pontificale dignitéduSſiege Me
tropolitain de N.en cetres-haut & ſouuerain Patriarchat,throſne ſuperieurde latres ſainte &
vniuerſelle Egliſe de IE sv s-CHR 1 s T. Apres doncques ceſte dcnonciation & auoir
rendu les condignes remerciemens, & receu le Pedum oubaſton paſtoral de la main
de l'Archeueſque d'Heraclée (maintenant ils le prennent de la main du Turc) les
Prelats l'vn apresl'autre luyvenoient baiſer la main,& il leur donnoit à tous labene
diction : Puis veſpres finies ſortant au Paruiz de l' Egliſe conſequemmentà tout le
pcuplc, qui luy faiſoit de ioyeuſesacclamations. Cela faict il ſe retiroitau logis à luy
deſtiné, reueſtu de ſes habits & ornemens pontificaux en la ſorte qu'elle vous ſera
: "
repreſentée cy-apres.Et à ce propos Gregoras liu. 6. ch. I. L'EmpereurAndronic fils de
-
:-
-
-
Michel Paleologue deſiroit promouuoirau Patriarchat Gregoire Cypriot, & de faitapres les ſuſ*
frages accouſtumeK,ſurles atteſtations de ſa preud'hommie & capacité il ly inſtalla luy met
tant en main ſurl'eſchaffaut à la veuède tout le monde,ſuiuant la couſtume ancienne la croce ou
biſton piſtoralmarquedecgſte dignité.Suitapres en ce meſme lieu,ſon ſacre, voire inſti
- tllU1OR
l'Hiſtoire de Chalcondile. 4 29
tution par l'Archeueſque d'Heraclée Metropolitain de la mer ma-iour, auec
-
ques les occaſions de cela. L'Eueſque de Mozyle à l'inſtance du Patriarche deſgnédºſ
ia par l'Empereur, nomme certain Moine appellé Germain , pour Archeueſque d'Heraclée,
auquel de tout temps & ancienneté appartenoit le droict d',ſlire le Patriarche de Conſlam
tinople. Car Conſtantin le grandn'ayant rien voulu abolir des anciennes conſtitutions, meſ
me du temps du paganiſme en ce qu'elles ne derogeoi#t en rien à la foy Chriſtienne, ſui
uit en cela l'ordonnance de l'Empereur Seuere , lequel apres auoir ruiné Bizance , la ſoubſ
mtt à la iuriſdiction des Heracleotiques de Thrace , pour y commander ainſ qu'à l'vne de
leurs bourgades. Le meſme traicte auſſi Michel Glycas en la quatrieſme ſection de
ſes annales. -
gard, ſoit la volonté & inclination de l'Empereur : Car il falloit inger pour le plus idoine
& capable celuy qui luy agreoit le plus. - - - -
EsT ANT donc eſleu & amcné ſur l'eſchaffaut Imperial, tout le Clergé, &
le peuple apres, luy faiſoient à haute voix ceſte ioyeuſe acclamation, comme met
Zonare au troiſieſme tome. V I v E E N T o v T E P R o s P E R I T E ' E T R E p o s
P A R Lo N G v E s A NN E E s C oN sT A N T I N P A T R I A R c H E oE cv M E N I -
oy E. Outre ceſte dignité generale, il auçit ſon Eueſché affectée à part en Con
ſtantinople, dont il ioüiſſoit ainſi que les autres Prelats, & ſa demeure à ſaincte
Sophie. Greg. liu. & chapitre ſixieſme, parlant du Patriarche Athanaiſe. Il eſli
moit ſtre raiſonnible que chacun allaſt reſider/ur ſon benefice, pour y gouuerner ſon trou #
peau , comme il faiſoit quant à luy le ſien en Conſtantinople. Et de fait outre la qualité
de Patriarche œcumenique, il prenoit quant & quant le tiltre d'Archeueſque de
la nouuelle Rome. - - - | | - ' '' - ' N - º :
D E L E s , A INsI Q v E s I M O N L E M A G I C I E N L E F V T P A R M o Y
T I E R R E. -
Nous auons en apres aueréque ſans aucun beſoin qu'ilen fuſt, ſans le conſentement de la
Synode, ſans le veu & ſceu de clerc ny de Preſtre, ilaalienédes poſſeſſions de la ſouueraine Ca
tholique Egliſe, conſacrées de tout temps immemorial pourleſeruice diuin en l'iſle de Candie,
comme il a auſſi confeſſé: & ce contre la teneurexpreſſe du 26.Canon du Concile de Carthage, qui
porte en C€.5 ft'77/26.5 .
Autre Canon
# † N o v s A v o N s D'AB o NDA N T o R D o N N E' Qv E P E R soN
#º N E N'A I T A v E N D R E NY ALIENER RIEN oy Elcos qyE
- D E C CLE s IA sT I Q v E : Q v E s 1L N A Dv R E v E N v C oM PE
T A N T P o v R s ENT R ET E N 1 R , ET Q y'I L s o IT PR Ess E DB
T R o P GRA N D E NE C Ess IT E , Qv'IL E N A D v E R T I s s E L E
PRIMA T D E s A PR o v 1 N CE , L E Q v E L A P P E L L E A v E & L vY
C ERT A IN NoM B R E D E v E s Q v E s D E s o N R E s s o RT , I L s AD
vIs E R oNT PA R E N s E M BLE CE Qy'IL FA vDRA F AIR E. Q v E
sI LE s CH o s E s E s T o I E NT s I H A s T E E s P o v R L E s A FF A I
REs D E L'E GLI s E Qv'o N N'E vs T LE LoIsIR D'EN DE L IB E
R E R A v A N T Q v E D E v E N D R E, A T o v T L E M o IN s Q v E C E s T
E v E s Q v E Y A P P E L L E DE s v o Is I Ns LEs PLv s s I G N A LE z,
G E Ns D E F o Y , P o v R E N T E s M o I G N E R , s'A P PRE sTANT A v
sv R PLv s F o RT s o I G NE vs E M E NT A R E N D R E B o N C o NTE
A LA P R O C HA I N E S Y N O D E DE TOV S LES AFFA IRES DE
-- .
de Calchondile.
-
43I
PEINE DE DEME vR E R čov L P A B LE ENvER s DIE v, ET RE s
P oN s A B L E A LA DIT T E S Y N O D E D E CE s T È A L I E N À T I o N,
ET D'E s T R E D E M Is D E s A DI G NI T E'. .
ce Patriarche dauantage aſté conuaincu d'auoir depoſé des Prelats ſans occaſion, & enre
ſituéi#gitimementd'autres qui auoient forfaict s'eſt trouuéauoiraaſi conferédes ordres hors
de ſes limites, comme és diocèſes de Calcedoine, Heraclée, Salomiſe,Theone & Metoymne, &
encore ſans examen ne preuue de la capacité requiſe, leſquelles charges & accuſations ſontac
couplées à d'autres crimes tous manifeſtes & prouue{ Pourceºſt-il que voyans tels abus, &
craignans d'encourirlameſme dpoſition & cenſure, comme ceux quicommunicqueroient auec
vn excommunié, nousl'auons decernéindigne du Pontificat,ainſique le premier autheur d'en
· fraindre les diuins & ſacre{Canons, & dés à preſent nous le depoſons,le declaranspour priué,
depoſé,& demis, tantde la dignité Patriarchale, que du nom & tiltre d'icelle:Tellementqu'en
ſortequelconque il ne puiſſe iamais plus rentrerayea la chaire Patriarchale,nyen la dignitéd'i
celle, ains ſe retiendra en la vie & profeſſion d'vn ſimple moine. Queſîaucun d'entre nous icy
ſoubſgnez contreuenant à ſa ſoubſgiption lºgitime vouloitattenterdelerſtablir& abſoudre,
puis qu'ila ſtéainſideuëment depoſe de ſon ſiege, fuſt parvne certaine coñtumacité& preſom
ption, ou parquelque affection particulierequ'illuy portaſ*: Nous dés àpreſent declarons ce tel
là s'eſtre luy-meſme dipoſé par ſon propre faicf, de ſa dignité Epiſcopale, & auoir encouru ce
faiſant ſemblables peines & cenſures que l'autre. En teſmoin dequoy, & pour plusgrandeap- -
probation de ce que deſſus a ſfédonnélepreſent ArreſfSynodal, ayans icydeuant les yeux le tex
te des ſainčtes Euangiles,ſuiuant l'excommunication deſia prononcée, Fait au mois de Ian
uierl'an de la creation du monde 7o73.indiction VI I I. Surquoyil faut eſtre aduerty que
les Grecs de tout temps comptent depuis laditte creation iuſqu'à IEsvs-CHRisT,
1545.ans plus que l'Egliſe Romaine, ſi que ceſte datte tombe en l'an de ſalut 1564.
uelquesfois les Patriarches ſe depoſoient eux-meſmes de leur bon gré , Gregoras
liu.6.chap.dernier. Le Patriarche Iean ſe voyant à tous propos gourmander & iniurier des
Prelats, ſans quel'Empereurfiſt aucun debuoirde le ſupporter, il luy vint preſenter la demiſ
ſion de ſa dignitéqu'il pretendoit faire. La formule de laquelle ſe commençoit ordi
nairement en ces termes, ſelon Pachîmerie liu.1o. Ataro To uº 4xe 22.aixed , g vu34
Jiavo(2 ug 4yºo a pxºrêts, iyo tè opoto aaapto^à été2, éuautor : &c. Sainct Empereur
Monſeigneur, & vous meſieurs les ſaints Prelats , me recognoiſſant en premierlieu eſtre pe
cheur,ie mettois toute diligence pourme deliurerde peché Au reſte leur charge eſtoit d'vne
grande peine & ſubicction,mais accompaignée de beaucoup d'honneur,carés prie
res & ſuffrages on faiſoit comme a eſté dit,cömemorationd'euxtant vifs que morts,
auec les Empereurs,ainſi que nous faiſons du Pape.Le meſme Gregor.liu.8. chap.6.
pour prouuer parauthoritez tout ce que nous propoſerons. LepremierSamedy de Ca
reſme, comme le lendemain on deuſt faire commemoration tout haut des bons & Catholiques • -
Empereurs, & des Patriarches. Les Empereurs outroplus eſtoient couronnez de leur †
main,liu.6.chap.9.Le Patriarche Iean couronna du diademe Imperial Michelffls d'Andronic § §
Paleologue. Les marques & ornemens deſquels Empereurs eſtoient ſiparticuliere- †
mentaffectez à la couleur rouge, que meſme leur ſignature ſe faiſoit de vermillon, † antino
liu.4.chap.15.L'Empereur Michel Palleologue permit à ſon fils Andronic deſigner les Edits
& lettres patentes d'eſcripturerouge, mais ſans ymettre aucune datteny du mois, ne del'indi
ction, ains tant ſeulement s'y ſoubſcrire en ces termes : A N D R o N 1 C PAR LA GRA C E Tiltre des Em
DE IE svs-CHR 1sT, e M P E R E v R D E s R o M A 1N s. Quieftoit le tiltre dont ils ºº
vſoient, & au 9.liu. chap. I1 parlant de la deſconfiture que trois censTurcs d'Orca
nesauoient fait de l'armée Grecque : Le lendemain ſitoſt que le Soleil fut leué, les Turcs
apperceuans ceſteroutte & desfaitte incroiable des Grecs,& dans le camp force armeures,les ten- Tout leur
tes & pauillons vuides d'hommes,& les montures de l'Empereurauecleurs rougesſelles & har-equippage de
machemens de lameſmecouleur,Au 6.liu.auſſi del'hiſtoire de Geoffroy de Villhardouynº
Mareſchalde Champaigne & de Romenie, de la conqueſte de Conftantinople,Le
Marquis Boniface de Montferratprit l'Empereur Alexis qui auoitfait creuerles yeux àſonfrere
Iſaac,& luy oſtales brodequins de pourpre, auec les ornemens Imperiaux qu'ilenuoya àl'Em
- - : ' TT 5
,
4-32 | Illuſtrations ſur
pereur Baudouyn en Conſtantinople.Car ces brodequins & bottines de pourpre eſtoient
l'vne des marques de l'EmpireiTellement que les fils aiſnez des Empereurs eſtoient
ſurnommez Porphyrogenites, comme qui diroit naiz ou engendrez au pourpre ou au
cramoiſy.Cc qu'ils retindrent des Romains,& le ſiege Romain de ſa partauſſiàl'en
droit du Pape & des Cardinaux, comme la plus haute & excellente couleur de tou
tes, ainſi que nous l'auons plus à plein deduit, auec les raiſons de ce, ſur Philoſtrate
au tableau des beſtes noires. Cela eſt paſſé aux Turcs pour le regard au moins de
leurs tentes, ſelon qu'on a peuveoircy-deſſus,quiontherité de cela des Grecs auec
l'Empire, & beaucoupd'autres choſes encore. Orpuisqu'il vientàpropos nous ap
poſerons icy le portraict des anciens Empereurs Grecs en leur ſolennel equippage,
& à la fin de ceſt œuure vn autre,auquel ils alloient veſtus ordinairement.
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Le reſpect que QyANT au reſpect qu'on leur portoit, iuſques aux Empereurs propres, outre
†" ce qui ena eſté allegué cy deſſus, Nicetas le teſmoigne aſſez quand il dit : Andro
· nic deſia deſigné au gouuernement de l'Empire , vint à beau pied au deuant du Patriarche
· Theodoſe eſtant à cheual, & ſe proſterna iuſques en terre luy baiſant leſtrié Et Gregoras
liu. 6. chap. I. Le corps du Patriarche Arſenie auecle conuoy eſtant arriué à laported'Eugene,
le Patriarche accompaigné du Clergé, & de l'Empereur auec ſes Princes, & ſon Conſeille vin
drent trouuer, & en la pompe accouſtumée le conduirent en l'Egliſe de ſainčte sophie. Son
accouſtrement ordinaire eſt tel qu'on le voit cyrepreſenté : mais vous en aurez vn
autre portraict encore à la fin de ceſt œuure, où il eſt reueſtu de ſes ornemens Pon
tificaux.Au reſte en toutes ſes ſignatures & ſoubs-ſcriptions il vſoit d'vne plume
d'argent, & tousles autres de certains calames ou ioncs delicats, quiviennentde
Perſe. .
-
-
CE cRAND
-
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--
438 | Illuſtrations ſur
l'Hiſtoire de Chalcondile. 439
CE CRAN D large chapeau ou ſombrere ſ'appelle en Grec vulgaire ºgguNa6y1,
le voile d'audeſſous, ou le capuchon qui a deux pendants, larges & frågez gu4xa#o;
qui repreſententenuers eux à leur dire les liens dont noſtre Sauueur fut mené lié &
garrotté à Caiphe, Herode, & Pilate, A ce propos le Flamendialanciennemcnt à
Rome durant le Paganiſme, vſoit d'vne maniere d'habillement de teſte à guiſe preſ
que d'vn cabaſſet de Suiſſe,mais il eſtoit de peau,du haut duquel ſ'eſleuoit vne poin
te d'vn certain bois,& ſous la gorge ſe venoient rendre deux pendans pour le brider,
lequel eſtoit appellé apex de apere,qui ſeló Feſtus,& Seruius ſignifioitioindre & lier,
à cauſe de ces deux fils de laine qui venoient ſeruir de bride ſoubs le menton : Ceux
des Cardinaux en leurs chapeaux gris cordonnez de ſoye cramoiſie & fil d'or; ie ne
parle pas du plat de bois comme on l'appelle , & des Eueſques pareillement qui les
portent § , ſe rapportent aucunement à cela : mais les larges pendans de leurs
mittres qui ſ'auallent ſur les eſpaulles, ſignifient ſelon Durandus liu.13. c.I. nomb.3.
l'eſprit & la lettre de l'eſcriture. Pour reuenir donc à nos Patriarches de Conſtanti
nople , tout leurgrand manteau qu'on peut voir icy ſ'appclloit nau pºpeux, & eſtoit
de laine, repreſentant labrebis eſgarée que le bon Paſteur emporte ſur ſes eſpaulles. .
La ſottane ou longue iuppe d'audeſſous qui eſt de taffetas, ſatin, camelot, ou autre † †
drap de ſoye noir, Pgx : & la Croce oubaſton Paſtoral, tatoea a, les ſoulliers, zv4y- -
ao@. Quant aux Moines & Caloyers, ils portent ſur leur camiſolle dicte jb0Aoua,
mot conforme du doliman, vn pourpoint dit & mºuvº, qui approche aûſſi du gippon,
lequel ſ'attache aux 2e2x , ou brayesauoc le bas de chauſſes xg AT#. Puis ilyavne
tunique ou ſottane dicte IIgxº, & pardeſſus vn x96a ), chapeauec le capuchon, &
le xguiAaGo. Le bonnet d'audèſſous oxépia , & le chappeau x2zrna oi ; ſi que la plus
part de ces mots vulgaires approchent des noſtres, ou les noſtres d'eux. -
- VV ij
CESTE HISTO IRE ESTA NT PRINCIPAL EME NT
des Turcs qui ſont tous Mahometiſtes; il eſt bien requis de traiéter icy vn peu
· au long de ceſte maudite c9 damnable ſeéte, quia ainſi empoiſonné lapluſpar
de la terre habitable, & icelle remply preſque de ſes conqueſtes. Et en premier
lieu de la naiſſance de ce faux prophete, de ſa religion auſſi & doétrine.
# V E L S furent les cóportemens de ce ſeducteur désauparauant
& depuis qu'il eut vſurpé le nom de Prophete. Et commencé à
eſpandre ſon peſtifere venin : quelles ſes briques & menées, ſes
conqueſtes, ou pluſtoſt brigandages, & deſtrouſſemens, qui don
@ ſl 7, #) nerent le premier pied où paruindrent ſes ſucceſſeurs pour le re
#º ) # gard du temporel, tout Cela ſe racomptera plus au long, & par le
menu en ſon rang ſur la Chronique Sarrazineſque qui ſuiura cy-apres. Icy nous n'en
prendrons tant ſeulement que ce qui concerne leur ſpiritualité aueuglée, & faulſe
creance, tant en general de toutes ces manieres de gens qui embraſſent le Mahome
tiſme, qu'en particulier pour les Turcs. Surquoy deux choſes entre les autresſe pue
ſentent de prime face, dignes de conſideration : la premiere, qu'vn telabuz, ſi ridi
cule, abſurde, & groſſieraye peu ainſi parvne ſilongue ſuitte de ſiecles tant obſtiné
ment déuoyer vn ſigrand nöbre de pauures ames.Car il ne regne que trois religions
pour ceſte heure, voire ilya deſia longtemps , bien que ſoubs-diuiſées en pluſieurs
branches & rameaux de ſectes : la Iudaique aſſauoir, la Chreſtienne, & Mahumeta
ne; & non ſeulement des gens lourds, idiots, ignorans, & par conſequent fort aiſez
à perſuader, ains des plus excellens eſprits parmy eux en toutes ſortes de doctrines,
arts, & ſciences qui furent oncques autre part, ainſi que leurs eſcrits en peuuét por
ter bon teſmoignage : comme d'Auerrois, Auicenne, Algazel, Almanſor, Rhaſes,
Meſne, Alpharabe, Geber, Alkindi, Albumaſar, Racaidibi, Habi Aben Ragel,
Thebit Ben Corath, & infinis autres que nous toucherons ſuccinctement cy-apres
en ladite Chronologie : Tous leſquels furent Mahometiſtes,& ſi fermes & conſtans
en leur loy, qu'ils ne ſ'en voulurentonques departir ny tant ſoit peu aliener. Bien eſt
vray qu'ils ne furent pas du temps de lagoffe & barbare lourderie de Mahomet, ny
plus de 5oo. ans apres, ains en vn plus heureux ſiecle de lettres, lors qu'elles cömen
cerent à ſ'abaſtardirenuers les Chreſtiens pour faire leur tranſmigration ailleurs; &
tout ainſi que quelques oiſeaux de paſſage ſ'en voller des parties Occidentales aux
Arabes du Midy, & de l'Orient, il y peut auoir de trois à quatre césans : & de là ſ'en
retournerent de rechef deuers nous du temps de nos peres,n'en ya pas cent, laiſſans
les autres à leur tour en vne plus grande barbarie & ignorance qu'auparauant : mais
clles ſ'enfuyent de nous bien au loin; & ſiie ne ſçay où elles voudront eſlire leur do
micile & reſidence. Telles ſont les viciſſitudes & alternations des choſes humaines,
eſquelles il n'ya rien de ferme ny de permanent nulle-part. L'AvT RE poinct digne
de remarquer, eſtlagrande Domination qu'en ſi peu de temps vn peuple de ſi peu
de moyen, de ſi peu de pouuoir, ſçauoir, & auoir; de ſi mauuaiſe, ou point du tout
diſcipline militaire : gens ſimiſerables, mal garnis d'armes, & munitions de guerre:
& au reſte ſi contemptibles comme les Arabes : la pluſpart confinez dedans des de
ſerts & lieux ſolitaires, diſcommodes de toutes choſes, empietterent la plus graa
de & meilleure part de l'Aſie, & Afrique, & vn tresbon eſchantillon de l'Europe,
· l'Hiſtoire de Calchondile. 441
meſme en Eſpaigne qu'ils occuperententierement & de viue force plusde ſept cens
- ans tout de ſuitte; auec la Sicile par interualles, & les autres iſles circonuoiſines;
enſemble vn bord de l'Italie en terre-ferme : le tout ſoubs l'authorité & obeiſſance
de leurs Caliphes ou grands Pontifes, qui ont eſté leurs Monarques tous abſoluts, .
#
; auec vn ſouuerain pouuoir tant au temporel qu'au ſpiritucl. Deſquels deux particu
laritez malaiſément en pourroit-on aſſigner autre raiſon, fors qu'ila pleu à Dieu de
le tollerer de la ſorte; pour punir ſon peuple peut-eſtre de ſon ingratitude & meſco
gnoiſſance, de ſes vices, deſbordemens, & autres telles iniquitez. vne autre choſe
vient encore à eſmerueiller, comme il ſ'eſt peu faire que tant de peuples & nations
de ſi differëtes & bizarres humeurs, & entre autres les Aſiatiques ſi delicieux de tout
temps en leur viure ſe ſoientainſi voulu ſoubs-mettre à l'auſterité & rigueur de ce
ſte loySarrazineſque, iuſques meſmes à ſabſtenir du tout du vin, vn breuuage ſi
friant & ſauoureux, & ſi conuoitté de toutes ſortes de perſonnes, outre ce que c'eſt
l'vn des principaux ſouſtenemens de la vie humaine, & qui la reconforte le plus , &
reſioüiſt non ſeulement les creatures, mais Dieu meſme , & encore croiſſant parmy † Io4.
eux en telle abondance, & ſi excellent, ſans qu'ils leur conuienne le faire venir de gcS 9.
loin, comme font les Pollonois, Moſcouites, & autres peuples Septentrionaux; at- .
tendu que les Romains ſe ſont trauaillez plus de 4oo. ans pour ce meſme effect,
Il1al1S Cll Va11l. - "
OR pour venir aux traditions de ce cault & pernicieux affronteur, l'ombre & pre
curſeur du vray Antechriſt, annoncé tant par Daniel que les autres Prophetes; le
quel eſtant nay d'vn pere Payen, & d'vne mere Iuifue, toutainſi que de l'accouple
ment d'vn aſne auec vne jument ſ'en vient procréer vne tierce eſpece meſtifue qui
n'eſt ne l'vn ne l'autre, & neaumoins participe de tous les deux, qui eſt le mullet : il
fut tenu plus de dix ans des Samaritains alors bänis de la cömunauté des vrais Iuifs,
pour leur Meſſie, iuſques à ce que ſes fraudes & deceptions deſcouuertes, & le maſ
ue leué de l'ambition où il aſpiroit, ils le quitterent : mais ce fut à tard, car ayant
• ſon credit pris deſia racine, il en fit mourir la pluſpart, & ſe ſaiſit de la Meke, où ils
| ſ'eſtoient habituez. Tout ſon but doncques & ſon deſſein fut de venir donnçrà tort •
& trauers des deuxreligions, Iudaïque aſſauoir, & Chreſtienne; & les ſupplantant
cruellementl'vne par l'autre, en introduire vne troiſieſme qui luypeuſt donneren
trée & accez à la domination temporelle qu'il ſe forgeoit en l'eſprit, mais ſur tout,
d'eſteindre & annichiler ſ'il pouuoit, le Chriſtianiſme, voyant qu'auſſi bien les Iuifs
auec leur loy eſtoient deſia de longue-main aſſez deprimez. Et pour paruenir à cela
, pritvn pretexte le plus plauſible qu'il euſt ſçeu choiſir, d'abolir l'idolatrie & venera
tiö d'vne pluralité de dieux,& meſme des creatures mortelles,ainſi que Moyſe auoit
fait iadis enuers le peuple Iudaïque, d'vnzele bien different, pour ne propoſer en
auant qu'vn ſeul Dieu Createur du ciel & de la terre : enquoy toute l'eſcriture con
uient, & meſmes les plus aduiſez des Gentils. Voyez que te ſuis ſeul, & n'y a autre Dieu
que moy, Deuter.32. Je ſuis le premier, ie ſuis le dernier: & n'yapointd'autre Dieu que moy,
Iſaie 44. Mais plus expreſſément encore auxCorinth.8. Nous ſçauons que l'idole n'eſt
rien au monde, & qu'iln'ya autre Dieu qu'vn tout ſeul. A quoy ce faulſaire ſ'approprie le
plus pres qu'il peut en maints lieux, meſmes en l'Azoare 122. ſous le perſonnage de
Dieu, qu'ilintroduit là, luyparlantainſi : Dis leur, ô Prophete, tout reſolument qu'il n'y
a qu'vn Dieu, neceſſaire à toutes ſortes de creatures, & incorporel qui n'a oncques engendré
d'enfans, ny m'a eſté engendré nomplus, n'ayant aucunpareilàſoy. Ce qui battout directe
ment contre le myſtere de la ſacre-ſaincte Trinité, & l'incarnation du Verbe Diuin;
& ſomme la diuinité de IE sv s CHR I s T. Comme auſſi en la 33.Azoare, Dieu n'a
point admis d'autre Dieupourſon fils participantauecluy deſa diuine Eſſence. Et en la 29. Ils
recognoiſtront d'auoirproferévne tres-vilaine parole, en diſant que Dieu auoit eu vn enfant
En la 13. auparauantil introduit I E s vs CHR 1 s T ſe purgeätenuers Dieu le Crea
teur, d'auoir oncques rien voulu attenter de donner à entendre aux hommes que
luy nyſa Mere fuſſent Dieux : Car(adiouſte-il) toy qui cognois les plus interieures pen
- ſées de tes creatures, tu penetres bien aiſement iuſques au plus profond
•
de mon caur, mai
• V V iij
-
4
' \
A
# E PREM 1E R d'iceux ſieges eſtoit à la Meke & Medine, auec toute l'Arabie Les cinq prin- .
ſoubs luy. LE s E coN D en Bagadet ou Babylone,autrement Baldach,ayant en ſon cipaux ſieges
obeiſſance toute la Chaldée,Perſe,Medie,Parthie,Aſſyrie,Meſopotamie, Carama du Mahome
nie, & autres regions adiacentes, tellement que c'eſtoit quant au temporelle plus tiſme.
puiſſant Caliphat de tous, & tenu pour le Principal. L E T R o 1 s 1 E s M E à Damas,
auec la Surie, & la Paleſtine pour ſon departement. Et encore qu'il ne fuſt pas de ſi
grand pouuoir que les autres,toutesfois illes deuançoit en la ſpiritualité,& en repu
tation de ſaincteté & de doctrine,car de ce ſiege, & de la faculté y inſtituée des mai
ftres & docteurs de la loy, dependoient toutes les deciſions des doubtes qui pou
uoient ſe former és points & articles de leur creance,iuſtice,& police.Et en ceſteau
thorité il ſe maintintfort longuemét, iuſqu'à ce que les Souldans du Caire ſe furent
emparez del'Egypte,& de la Surie. LE QVATRI E s M E eſtoit audit Caire ville ca
pitale d'Egypte, edifiée ſur les ruines de Memphis, ou là'aupres, par vn Lieutenant
general du Caliphe Eſchaim, lequel ſ'appelloitGeohar,Albanois de nation,& fortva
leureux à la guerre, afin de luy ſeruir de retraitte en ſes entrepriſes : & enuiron l'an
4oo.de l'Hegire,qui tombe en l'an de noſtre ſalut 993. furent làbaſtis deuxtemples
ou Moſquéesàl'honneur de deux de leurs ſainctes nommées Fatima fille de Maho
met, & de ſa premiere femme Gadiſa,& d'vne autre de ſes parentes ditte Nafiſſa,dans
le tronc des offrandes de laquelle furent trouuezen deniers comptans bien cinq cës
milleducats, ſans les ioyaux & pierreries d'vne ineſtimable valeur, lors que Selim
Empereur des Turcs prit le Caire 1517. Mais il fit reſtituer le tout, auec ce que les
Ianiſſaires auoient d'autre part ſaccagé en ce temple. LE c 1N Q v 1 E s M E ſiege
eſtoitau Cairohan, ville edifiée preſqu'au meſme temps que le Caire, par vn autre
lieutenant general du Caliphe otmen,appellé Hucba Hibnu Naffch, en la Cyrenaique
pres les Syrthes, à quelques quarante lieuës de Carthage. Ceſtui-cy dominoit tou
te la Barbarie, & la Numidie, auec la coſte de la marineiuſqu'au deſtroit de Gilba
thar,& le montAtlas, quiconfine à la mer Oceane,& laterre des Noirs. -
Que veut dire ce qui ſ eſcript en Daniel2. Et yaura vne lumiere auecques luy. Rºffond
Voyez les in-
certitudes des - > - " A »• - \ --- " - - - -
§ Rabbi Abba : c'ſt la lumiere du Roy Meſſiſe : & cela nous monſtre que delà Dieu la fiicf, & que
pour ſa generation ilauoit enferméceſſe lumiere deſoubs le throſhe de ſa gloire , ſurquoy Sa
than s'en vintpreſenterdeuant Dieu, & ditcecy : s E I G N E V R du monde, ceſ 'umiere
encloſe ainſi deſſoubs le throſne de ta gloire,pourquleſt-elle ?Dieu luy reſpond : pour la geaert
- tion du Mgſie. Sathan replique, Seigneurdumonde permets moydoncques de le tenter. Dieu
dit:Tuneſaurois auoir puiſſanceencontre luy. Sathan derechef octroye moy ſeulement cela,
& laiſemoy faire du reſte, cari'en viendray bien à bout. Dieu luydit lors : Si tu te ioiies à cela
ie t'exterminerayhors du monde : & de ceſte heure là Dieu commença à faire vn contract d'al
liance auec le Meſie. Ceſte lumiere doncques emprainte de Dieu en la face d'Adam,
auſſitoſt qu'il euſt engroſſé Eue de Seth, paſſa en elle, & puisaudit Seth apresqu'el
le l'eut enfanté, qui † à ce que dient les Mahometiſtes la tige & ſource de tous les
Prophetes & meſſagers de Dieu. Cela eſt pris de l'hereſie des Sethiens, qui veulent
tirer de Seth dontils ont pris leur appellation,l'origine de tous les Prophetes. Bien
eſt vray que les Rabbins mettent ſelon Moyſe Egyptien liure § chapitre 3I.
de ſon moré Neuochin , que l'eſtre des hommes ne commença bonnement qu'en
/ Seth, qui repreſente le Septenaire, & le Sabbath , comme nous l'auons dit ail
leurs : Car(dit-il) apres les ſept premiers iours de la creation, où toutes choſes furentfaicfes
en leur ſtat de perfection & beauté complette , rien ne fut changé de la nature. Au moyen
dequoy, ne vous eſmerueilleX pas de ces paroles, parce que iuſqu'au ſptieſme iour n'y eut
point de nature ferme & ſtable, qui ſe retrouue en l'abſence & priuation de lt lumiere. Et
de fait les tenebres ſont vne nature exiſtente en tout ce monde inferieur, & la lumiere eſt
vne choſe qui ſe renouuelle ſur iceluy , par leſquelles tenebres ſe doibt entendre le premier
feu , qui eſt l'vn des quatre elemens, ſuiuant cecy du quatrieſme & cinquiefme du Deute
^ ronome : V o vs Av E z o Y s Es PAR o LLE s Dv M 1 L i E v D v F Ev : E T sA
voIx DE L'o B s cv R 1T E. Eten Iob vingtieſme. Toute obſcuritéeſ#muſée en ſes ſe
crets,&c. Tellemët que beaucoup de choſesamenées de Mahomet,& ſes ſectateurs
ſemblent à quelques vnsauoir eſté dittes à lavollée, ce qui n'cſt pas,ains non ſans
de malicieuſes fignifiances, toutes tirées oula pluſpart des Talmudiſtes Et en ceſt
endroit le liure d'Azear enfile vne autrefable, que l'Ange Gabrielaccompagné de
6o.dixmille de ſes compaignons, chacun auecvnroulleau de papier blanc comme
nege,& vne plume de celles de Paradis pour eſcrire, vint pour mintiter lé contract
d'entre Dieu & Adä, touchāt la continuati6 de ceſte lulniere de Pere en fils iuſqu'à
º -- - - Mahomet,
-
- l'Hiſtoire de Calchondile. 4 47
Mahomets ce quifut ſigné dudit Gabriel, & ſeellé de ſon ſeau. De Sethelle paſſaà
Enos,& de luyà ſon fils Chainan, Etainſi de main en main ſubſequemment iuſqu'à
Abraham,auquel elle redoubla,dont vne portion vintà Iſmaël, & de luy à Chaidar,
dont deſcendit Mahomet : l'autre paſſa à Iſaac,qui eſt la ſouche de la generation du
CH R 1 s T. Mais toute ceſte fiction de lumiere a eſté forgée à l'imitation de ce que
les Cabaliſtes mettét, qu'apres qu'Adam pour ſa tranſgreſſion euſt eſté chaſſé §
radis terreſtre, Dieu pour le conſoler luy enuoya l'Ange Raziel qui luy fºtentendre,
comme de ſa propagation viendroità naiſtre vn iuſte innocent, dont le nom en ſes
miſeratiös ſeroit de quatre lettres, lequel repareroit ſon offéce, & expieroit le pcché
originel : ce qu'ayant communiqué à ſa femme,ſoudain ils dreſſerentvnautefoù ils
ſacrifierentvn ieune taureau, & là deſſus Eue deuenue groſſe ſe reſiouyt fort,eſti
mant que ce deburoit eſtre le reſtaurateur nommé, auquelils impoſerentàceſte oc
caſion vn nom de quatre lettres Cain, qui ſignifie poſſeſſion ou acquis : mais pour le
veoir de peruerſes mœurs & complexions ils transfererent leur eſperance à Abel,le
quelinformé de ceſte promeſſe ne recula point d'eſtre occis de la propre main de
ſon frere,l'ayant veu meſme prendre vn gros baſton pour l'aſſommer, eſtimant que
ce deburoit eſtre le bois de vie , qui tout ainſi qu'il auoit introduit le peché & la
mort, ſeroit cauſe de la iuſtification & de la vie. Delà puis apres ceſte eſperan
1 --
- º , ce paſſa à Seth , & de luy à ſes deſcendans, ſelon qu'il a eſté dit cy-deſſus de ce
-*
----
ſte lumiere. · · · .
Av R EsT E Mahomet naſquit en Retrib, ſon pere eſtantja decedé ſix ou ſept
moisauparauant, le douzieſmeiour du mois de Sahaben, qui reſpondoit lors à no
ſtre Feburier, enuiron l'an de ſalut, cinq cens cinquante.comme nous le monſtre
rons cy-apres : Tout eſtant s'en deſſus deſſoubs en trouble & combuſtion, & guer
res mortelles par tous les endroits de la terre, au rebours de la natiuité de noſtre
SA vv E vR qui aduint ſoubs vne paixvniuerfèlle, le temple de Ianus ayanteſté fer
mé à Rome par Ceſar-Auguſte : ſa mere Emina ne luy ſurueſcut depuis que deux
ans. De ceſtenaiſſance ſe voyent des comptes trop inſupportables dedans le liure
d'Azear & ailleurs : qu'il ſortit du ventre de ſa mere tout circoncis : & au meſmein
ſtanttoutes les idoles de la terre ſe noircirent comme poix, & ſe renuerſerent, que
les Anges ſur ces entrefaictes ſaiſirent Lucifer au collet, & le precipiterentau fonds
de la mer Alcazun, d'où quarante iours apres à toute peine ayant trouué le moyen
d'euader, il ſ'enfuitau mont Kobels, là où auec horrible eſclat & mugiſſement ilap
pella tous ſes ſatellites à ſon ſecours : & comme eſperdus de frayeur qu'ils eſtoient
ils l'euſſent enquis de ce quil'eſmouuoitainſi, par ce,leurva-il reſpondre, que Ma
homet le fils d'Abdalla eſt nay, produit de Dieu, & enuoyé auec vn glaiue flam
boyant, dont le trenchantaceré penetrera toute reſiſtance, à noſtre entiere confu
ſion & ruine certes, ſi que rien ne nous reſtera plus au monde, ny endroit quelcon
ue où ſa doctrine ne paruienne del'vnité d'vn ſeul Dieu, lequela creé toutes cho
† : & par ce moyen oſtera l'opinion qu'ilaye aucun coégal ny participant auec luy.
Auecinfinies autres telles reſueries. Comme d'vniouuenceau veſtu de blanc, qui
luyvint apportertrois clefsayansvn luſtre de perles orientales, l'vne de prophetie,
l'autre des loix,& la troiſieſme de victoire,leſquelles au ſortir du ventre de ſa mere il
prit en ſes mains, comme pour apprehender la poſſeſſion de toutes ces choſes. Plus
que les oiſeaux,les vents,& les nuées eurentvn fort grand debat &diſpute enſemble
pour ſa nourriture,les oiſeauxalleguans d'eſtre plus propres à cela, pource qu'ils luy
pourroientaiſéement apportertoutesſortes de fruits,de tous les endroits de la terre; -
Tovr cecy eſt de motàmot contenu au lieu allegué : & l'auonsbien voulu ame
nericypour monſtrerl'affinité qu'ont les fables du Mahometiſme,auec les comptes
de lacicoigne des Talmudiſtes,& des Rabbins.
· MA H o M E r
l'Hiſtoire de Calchondile. 449
[ MAHoMET fut depuis acheué de nourrir chez ſon grand pere Abdalmutalifiuſ
ques à l'aage de huict ans, ſoubs la ſecrete aſſiſtance & protection des Seraphins
(pourſuit ceſtementeuſe reſuerie d'Azear) & conſequemment ſoubs celle de l'An
ge Gabriel par 29.ans; qui durant ce temps luy enſeigna & dicta l'Alchoran, qu'il
tint encore ſecret & caché à par luy ſans en rien publier par trois ans. mais en l'aage
de quinze il fut commis à la conduicte des chameaux d'vne ſienne riche parente
Arabeſque nommée Cadiga, fille de Hulert, & dame de la contrée de Corozonie : &
par ce moyen allant & venant ordinairementen Babylone, Surie,& Egypte, luy qui
eſtoitd'vn eſprit cault, ſubtil & malicieux, trouua moyen de ſ'informer de pluſieurs
choſes de la ſoy Iudaique, & Chreſtienne, mais de ſuperſtitions, vanitez, & here
, ſies tant ſeulement; de maniere que ceſte dame le voyant par ſucceſſion de temps
aſſiſté d'vn grand nombre de Iuifs, & Chreſtiens,& de Sarrazins idolatres pour lors,
comme elle eſtoit auſſi de ſapart, adiouſtafoy à ce qu'il luy donnoit faux entendre
d'eſtre le vray Meſſie promis aux Iuifs,lequel deuoit eſtre Monarque de toute la ter
re,& l'eſpouſa en fin aagé de vingtcinq ans,apres la mort de ſon mary,auquel il trou
ua moyen d'aduancer ſes iours par poiſon. Il en eut trois filles en tout, & vn fils; la
premiere nommée Fatima, l'autre Zeyneb, & la troiſieſme Vmicultum : & le fils Cazin,
qui deceda en l'aage de 22. ans. Parle moyen de ce mariage ſ'eſtant accreu de facul
tez, & deuenuriche & puiſſant; il commença d'exercer, non le traficq comme au
precedent, ains les brigandages,accompaignéd'vne trouppe de bandolliers & guet
teurs de chemins : & tantoſt donner ſur les paſſans. & les Carauanes malapparen
tez, tantoſtcourir, piller, & ſaccager les contrées circonuoiſines, & monſtrer d'a
ſpirer à la tyrannique domination des ſiens propres : ce qu'il continuaiuſqu'à l'aage
de 38. ans. mais ne ſe voyant pas encore aſſez ſuffiſant pouryprocederà force ou
uerte, il prit le pretexte de Prophete enuoyé de Dieu por les retirer de l'idolatrie, &
les reduire à la vraye religion & cognoiſſance d'vn ſeul Dieu. -
OR eſtoit-il ſur ces entrefaictes grandement affligé du haut mal dont il tomboit
de fois àautre : pourraiſon dequoyſafemme le voulant laiſſer, il l'engeolla que ce
laprocedoit de boire du vin,ſique de là en-auant il ſ'en abſtint du tout. mais pour
tout cela le mal ne ſ'allegeant point, il va controuuer que c'eſtoit l'Ange Gabriel,
lequelquand il levenoitviſiter,luy rauiſſoitainſi tous ſes ſentimens envne profon
de ecſtaſe; & au ſortir de ſon accez auoit de couſtume de prononcer touſiours ces
mots icy, qui paſſerent depuis pourvn préambulle de tous les Soraths & chapitres de
ſon Alchoran : Biſmi lahi rachmain rachimi: Aunom de Dieumiſericordieux & propice : A
quoy il enfiloit quelques lieux communs par luy deſia premeditez, cóme ſ'illes euſt
receu toutàl'heure par l'inſpiration de l'Ange. Etainſi peu à peu pareſchâtillons &
menus fragmés deſcouſus futbaſtie ſa loy toute en rithme Arabeſque, dont les vers
ſont plus longs beaucouples vns que les autres:ce qui eſt cömun auſſiaux Poëſies de
toutes lâgues : & compila la pluſpart de ce beau chef-d'eeuure en l'eſpace de dix ans
à la Meke : d'où ayanteſté contraint de deſloger ſans trompette, & gaigner le haut,
il paracheuale reſte en Almedine en 13.ans qu'il y demeura iuſques à ſa mort : car
tant qu'ilveſcutily repetaſſatouſiours quelque choſe. Et de là vient que quelques
vns de ſes Soraths ſont dits les Mekiya, & lesautres Medinya. Toutesfois il dict auoir
receu toute ſa loyen vn ſeul iour; & en vn autre endroit, envn moys : & que ce n'eſt
pasvn ouurage d'homme,ains de Dieu propre : car toutes les creatures qui furent
oncques, ne qui ſeront, n'en ſçauroient iamais compoſer vn tel. A cela au reſte il
fut premierementaſſiſté de deuxfourbiſſeurs Chreſtiens faiſeurs d'eſpées, eſclaues
d'vn citadin de la Mekeoùils trauailloient de leur meſtier, qui luy cömuniquoient
ce qui leur pouuoitvenir en memoire de noſtre Eſcriture : & cela eſt cauſe qu'il ya
tant de falſifications & contrarietez en ſon faict : pour n'auoir eſté ces gens là point
lettrés, nyeu lors aucunsliuresauecqueseux ſurquoyils ſe peuſſent reigler. mais il
tirabien puis-apres plus de ſecours d'vn Moine § appellé Sergius, lequel
ſ'en eſtoitfuy de Conſtantinople ences marches là pour raiſon de ſon hereſie : & de
- là vintqueles Neſtoriés ſontapprouuez de Mahomet pourles meilleurs & plus purs
- - XX iij
45O , Illuſtrations ſur
Chreſtiens de tous autres,pour ce qu'ils ne vouloiétadmettre la Diuinité en Iesvs
CHR 1 s T, qui eſt tout ce à quoyil tend principallement en ſon Alchoran : lequel
auſſin'eſt autre choſe qu'vne rapſodie des eſcritures anciennes, mais deprauées &
corrompuës de leur naïfue verité. Mahomet donquestint bien longuement ce Ser
gius caché en vne cauerne pres de la Meke, dicte en Arabicq Garhera, la cauerne de
Hera, où il l'alloit voir de fois à autre, tant qu'vn iour ilyfut deſcouuert & ſurpris
par ſon petit fils Hali, qui fut depuis le quatrieſme de ſes ſucceſſeurs, auquel il fit
iurer qu'il ne le reueleroit iamais à persöne. Le liure d'Azear porte que c'eftoit pour
y faire desabſtinences fort auſteres, & des prieres au vray Dieu du ciel : Surquoyil
entroit lapluſpart du temps en ecſtaſe & rauiſſement d'eſprit, tant à l'occaſion (dit
il) de ſesieuſnes, que de ſes profondes meditations, & del'effroy que luy cauſoitde
pleine arriuée la ſplendeur § l'Ange Gabriel, dontil n'eſtoit capable de ſupporter
eſtant en ſes ſens entiers, la viſion; comme eſt l'ordinaire de l'apparition des bons
eſprits, qui de prime face eſt horrible & eſpouuentable, & puis conſole & reſiouiſt
au departir. Mais tout cela proccdoit de ſa maladie qui l'auoit rendu preſque com
me hebeté, ſi qu'on le reputoit pour vn Meginum, c'eſt à dire idiot ouinſenſé, ſelon
que luy meſme le teſmoigne en ſon Alchoran. En-apres feſtant accoſté des Iuifs
de la Meke,leurs traditions luy ſemblerent plus à propos pour les fins où il preten
doit, que nompas le Chriſtianiſme, contre lequel ils l'armerententant qu'ils peu
rent : auſſi voit-onbien qu'il leur incline en la plus grand'part de ſa loy, & ceremo
nies, combien qu'il les peruertiſſe & altere : cöme de la circonciſion,& de leurs fre
quentes ablutions, de ne manger point de chair de pourceau, ny de ſang, ny de be
ſte eſtouffée, ouatteinte des loups, & des chiens; ny de ce qui auroit eſté offertaux
idoles, & ſemblables ſuperſtitions. Ce qui le rendit aggreableaux Iuifs, & fut cau
Azoares 2. 6.
12. I6.
ſe de luy faire eſpouſer des Iuifues fortriches, des moyens deſquelles il ſ'aidabien
fortenſes entrepriſes. Et pour autant qu'il ne ſçauoit pas eſcrire, & peut eſtre àgrâd
peine lire,illuy dönerent des plusdoctes& ſuffisås d'entr'eux pour recueillir ce qu'il
dicteroit; & y changer, adiouſter, diminuer, retrancher; ce qui pouuoit faire pour
ou contre leur party. Le premier deſquels futvn Abdalla Ben Sallem, qui luy ſeruit
de ſecretaire bien ſept ans, luy reformant & corrigeant ſes rithmes à tous propos,
eſparſes ſans aucun ordre ne methode, & appliquéesà des lieux communs ſelon la
premiere occaſion & obiect qui ſe preſentoit à ſa fantaiſie , dont ceſtuy-cyen ayant
amaſſé la pluſpart : Quand il vit le but où il aſpiroit, de renuerſeraſſauoirauſſi bien
la loy Iudaïque que la Chreſtienne, & en forger vne neutre toute nouuelle entre
les deux; il ſe departit d'auec luy; & fut cauſe qu'à ſon exemple vn bon nombre de
Iuifs ſe reuolterent : mais il trouua moyen de le repatrier, & pour recompenſe de ſes
ſeruices le fitvne nuict eſtrangler dans ſon lict,& puis flamber,afin qu'on creuſt que
le feu du ciel l'auoitars pourraiſon de ſon impieté & blaſpheme enuers le Prophete
Il eut encore pour coadiuteurs de ſes eſcritures pluſieurs autres Iuifs; & meſme
Nehaban, fils de Mahanias, & Chabin, les deux principaux de leur Synagogue : auſ
quels il fit ſemblabletraictement à la fin : ce qui fut cauſe que les Iuifs le quitterent
du tout, & retournerent à leur premiere traditiue. " . *
l'Hiſtoire de Chalcondile. * 5I
excitervne ſedition à la Meke, mais ils ne furent pas les ,lus forts, & yeuſleſtémeſ
, me tué Mahomet, ſil'on ne l'euſt tenu pour fol. · •
, LEs cHosE s demeurerent ainſi par dix ou douze ans, durant leſquels par les
- menus ſe publioittouſioursie ne ſçay quoy de ſa doctrine, neaumoins de bouche tät
- ſeulement, ou par petits fragments & eſchantillons, dont de main en main l'on ſ'en
, tredonnoit des copies, l'original demeurant ſerré en pluſieurs coffrets ſoubs lagar
de de ſept perſonnages par luy deputez à cela; à la meſure qu'il compoſoit, & met
toit dehors ſes Soraths chants ou chapitres, ſelon les occaſions qui luy ſuruenoient.
- | Et deſlors vn peu apres ſon dechaſſement de la Meke,d'où ils commencent à cópter
> • ^. - N - N - - - -
, leursannees; & qu'il ſe retira à Medine, & à Echeſep, vne petite ville prochaine, il L'Hegire,
º , prit tout appertement le nom de Prophete &de meſſagier de Dieu, ſoy diſanteſtre
- le ſceau d'iceux Prophetes , c'eſt à dire tout le dernier, & le parfaict accompliſſe
, ment,d'autant qu'apres luyil n'en viendroit plus.Toutesfois Iean Leon conuerty du
-- Mahometiſme à la foy Chreſtienne du temps du Pape Leon X. en ſon ſecond liure
: de la deſcription de l'Afrique, dit qu'en la ville de Meſſa, ilya vn temple ſur le bord
, de la mer fortreueré de tous les Mores, parce qu'ils tiennent communément que
- de là doit ſortir le iuſte Pontife & Prophete promis par Mahomet : ce qui contre
" . dit à ce que deſſus. | , - -
#s A 1N s 1 parl'eſpace de dix ans iuſques à ſa mort quifutl'an 63.de ſon aage,allant &
s venant de coſté & d'autre, il eſpancha le venin de ſa faulſe doctrine, accompaigné ·
pour le commencement de quelques ſoixante brigands, auec leſquels il voulut
faire derechef vn effort ſur la Meke, mais ils en furent repoulſez, & luy contraint
ſ.i de ſe retirer en Ieſrab autrement Yetrib, où il acheua le reſte de ſa loy, & ſes iours
#z par meſme moyen : Parquoy ceſte ville prit lors le nom de Medinah al Nabi, la cité
-- du Prophete, qu'elle garde encore pour leiourd'huy : mais en fin ils prindrent la
# · Meke. Il mourut au reſte d'vne pleureſie audict Medine, où il fut enterré par ſes
:: * Saipler, ou diſciples, dedans le temple à la main droicte de l'autel, en vne petite tour
::: relle; & n'eſt pas ſa ſepulture de fer ſuſpenduë en l'air par le moyen de la pierre d'ai
#r mant, dont le paué, les voultes & parois du temple ſoient faictes à ce qu'ont voulu
# ſonger quelques vns, ains dans terre ſans aucune magnificence ;neaumoins les Ma
#. · hometiſtesy vont tous les ans en pellerinage, pour y faire leurs offrandes & deuo
# tions, comme il ſe dira en ſon lieu. · · · · - - - -
# qui la haulſe & retarde le plus; & le deſſuſdit Iean Leon auſſi, pour autant qu'ilad
|. iouſte l'an de l'Hegire dont nous parlerös cy-apres, àl'an de ſalut 591. toutefois c'eſt
593 & il eſchet enl'an 52.ou 53. de la vie de Mahomet. Palmerius, & Functiusapres
,: luy , Nicolas Zeno, & pluſieurs autres enuiron l'an 6oo.Volgand Dreſler en ſon
Chronologicq Sarrazineſque,en l'an 567 & la confection de l'Alchoran vers le 623.
y ayant cinquante ſept ans de diſtance de l'vnàl'autre, & neaumoins il met ſonde
cez en l'an 4o. de ſonaage. Celius Auguſtinus Curio en lameſnie hiſtoire, en l'an
56o. & ſa mort en l'an 637.aprcsauoir regné dix ans : ce qui eſt bien vrºy, mais à ſon
compte il auroitveſcu 77.ans, ce † eſt faux, & n'ayantbien ſceu faire ſon calcul,
il dit quel'an 1567.lors qu'il compoſoit ſon Alchoran, couroitl'an 9oo. du premier
eſtabliſſement de l'Empire Sarrazineſque, ſi qu'ilaupit ſeulement cômencé en l'an
667. trente ans apres la mort de ce ſeducteur : là où tous les Mahometiſtes comptét
tous vnaniment leurs ans de l'Hegire deſlors que Mahomet auec ſes complices fut
contraint de ſ'enfuyr de la Meke dix ans auant qu'il decedaſt.Et de faict encore que
*- ce mot d'Hegirah en Arabe ſignifie fuitte ou retraicte,neaumoins ils en vſent auſſi
3 en quelques endroits pour cela que nousappellons Regne, aſſauoir le téps que cha
que Prince acommandé : comme en la Chronique de Mahomet, & de ſept de ſes
ſucceſſeurs, en laverſion Latine ilya ainſi , Illius Alhigeram ideſ regnum, integrède
: cenne ſºatium menſum eſt. Et au chapitre enſuiuant où il parle d'Eubocare : Anno ſue
- - è
-
theurs nonchallans & oiſifs : Parquoyil faut eſſayer d'adiuſter cecyle mieux qu'on
pourra, pour autant que ces varietez de dattes peuuentamenervne bien grandeta
re & confuſion en l'hiſtoire qui en depend.
To vs les Mahometiſtes doncques commencent à compter leurs années de ce
ſte Hegire ou retraicte, toutainſi que nous autres Chreſtiens faiſons de la Natiuité
de noſtre SAv v E v R; & les Eſpaignols anciennement ſouloient faire de Liera de
Nabonaſſar; & depuis de celle d'Auguſte,celle là748 ans,& ceſte-cy38.deuant IE
sv s CHR 1 s T : Ce qu'ils continuerent iuſques au temps du Roy Iean premier de
ce nom l'an de ſalut1372. qu'ils ſe mirent à compter comme tout le reſte de la Chre
ſtienté.Au demeurant ceſte Hegyre ou fuitte aduint la nuict enſuiuant le 15. iour
de Iuillet, l'an 53. de l'aage de leur Legiſlateur, & 593. de noſtre ſalut ſelon la plus
commune opinion:Tellement qu'à ce compte il faudroit de neceſſité qu'ileuſt eſté
nay l'an 54o. & ce au mois de Decembre, auquel reſpondoit alors leur Sahaben, &
mourut l'an 6o3.en celuy de Dulchegia ou Almuharan, qui ſe rencontre en la Lune
de Mars : Carl'année Arabeſque dont vſent tous les Mahometiſtes,Turcs, Perſes,
& Mores : & leurs mois auſſi deambulatoires & vagabonds, ſont d'vne autre façon
que les noſtres, quivont ſelon lareuolution du Soleilés douze ſignes du Zodiaque,
L'an & lesmois qu'il parcourt en 365.iours & ſix heures, moins douze ou treize minutes; là où leur
des Mahome année eſt de douze lunaiſons ſeulement, dont ils en conſtituent les ſix du nombre
tans.
impair, de trente iours, & les ſix autres du nombre pair de vingt neuf: qui font en
tout 354. ioursauec huict heures, & quarante huict minutes de plus : par ce que
chaque Lune contient 29. iours, douze heures, & 44. minutes : lequel ſuccez de
huict heures & quarante huict minutes, les a contraints de faire vn cycle de trente
ans, auquelils intercalét & enchaſſent en onze années d'iceluyou ceſte creuë ſe ren
contre d'outre-paſſer 24.heures,vniour de plus aux 354. à ſçauoirà commencer à
la 3o. & finir à la 29. où toute la reuolution ſe trouue accomplie ſans vne ſeule mi
nute de reſte, la 2.5.8.1o. 13.16.19.21.24.27. & 29. & en cela i'ay ſuiuy la pluſpart
de ceux quienonteſcrit.Que ſion vouloit commencer à la premiere année, la meſ
me reuolution ſe trouueroitaccomplie en la 3o. & ſeroient ces annees d'vne autre
ſorte; à ſçauoir 3.6.9.II.14.17.2o.22.23.28 & 3o. Toutes neaumoins auſſi bien
que les deſſuſdites de 355.iours, & les autres 19. de 354.ſeulement. Car multipliez
leſdites huict heures par les trente ans du cycle, vous aurez 24o. heures, qui de- .
parties pat vingtquatre, autant qu'il y en a en vn iour naturel,feront dixiours, mul
tipliez pareillement les 48.minutes par 3o. ce ſeront 144o. minutes; partez les par
6o. carily en a autant en vne heure, ce ſeront vingtquatre heures, ou vn iour; qui
adiouſté aux dixautres ce ſerontonze. Voila pour le regard de ce parenſus des huict
heures ſuſdites, & 48.minutes chacunan, outre les354.iours de l'année Arabeſque
auſquels ils ontaduiſé d'intercaller le Reſultat en la ſorte ſuſdite, afin de faire reue
nir le commencement de leurs mois aux nouuelles Lunes ainſi que ceux des He
brieux : ce quine ſe pourroit autrement, ains iroit le tout en confuſion ſ'ils n'inter
calloient ces menus fragmens mis enſemble. Reſte maintenant l'autre tare des on
ze iours & ſin heures, moins douze minutes, dont l'an ſolaire ſurpaſſe leſdicts 354;
iours : car les huict heures 48. minutes dont les douze lunaiſons excedent les 354.
iours, ont eſté employées ésintercallations deſſuſdictes. Ce ſurcrez doncques faict
que trente deuxans ſolaires equipollent à peu prestrente troisans lunaires Arabeſ
ques, il ſ'en peut faillir de cinqà ſix iours; car de cuider eſtablir aucune iniuſte pe
riode de l'an des Arabes commun qu'il n'yait touſiours quelques menus fragments
& parcelles de reſte, il n'eſt poſſible. Cela ſe peut verifier groſſierement en ceſtefa
çon. multipliez les trois ſoixante cinqiours de l'an ſolaire par trente deux, vous au
rez II68o.iours, adiouſtezy huict autresiours parles32. fois ſix heures, par ce que
quatre fois ſix heures fontvn iour naturel,& quatre fois huict trente deux, ce ſeront
en tout 11688.iours, pour leſdits 32.ans ſolaires, moins quelques ſix heures 24.mi
nutes pour les douze minutes qui manquentauſdites ſix heures, outre les †
CIldCUlIl
l'Hiſtoire de Chalcondile. . 453
#. chacun an, car 12 fois32.font384 minutes,leſquellespartiespar 6o.autant qu'ily
# enaen vne heure font ſix heures 24 minutes, qu'il en faut defalguer. D'autre part
#: - multipliez354.iours del'an lunaire par 33.ce ſeront 11682.iours, qui ne diferent que
de ſix des autres,adiouſtez y les onzes iours d'intercalation, ce ſera le compte deſ
ſuſdit,que32.ans ſolaires equipolentà 33 ans lunaires, moins cinqiours ſix heures,
& 24.minutes.Plus facilément encore vous le pourrez trouuer par ceſte autre voye:
multipliez les onze iours dont l'an ſolaire aduance le lunaire, par 32. ce ſeront 352:
iours : adiouſtez les8. iours pour les 6. heures, vousaurez36o.iours, qui font vn an
lunaire,& ſixiours de plus; leſquels diſtraicts des onze de l'intercalatiö,reſteront les
cinqauectant d'heures & de minutes deſſuſdites. Carau ſurplus les 8. heures, 48.
· minutes qui ſont és douze lunaiſons outre les 354.iours, ſont compriſes & comptées
és onzeiours de l'intercalation &adiouſtement Chaque année dôques de plus qu'il
fautadiouſter en chaque reuolution de 32 ans Arabeſques,eſt cauſe qu'en ce terme
là tous leurs mois auront fait leur reuolution & circuit,& ſe ſeront promenez par les
12.mois de l'année ſolaire;de maniere que où l'vn des leurs conmécera ceſte annee,
d'icy à32.ans ſolaircs des noſtres,ou33. des leurs, il recömencera à la nouuelle Lune
du meſme mois, par ce que le cycle deſſuſdit de 3o. ans où ils enchaſſent les II.iours
prouenans de 8.heures 48. minutes du parenſus des35.iours, ſera parfaict & accom
ply : ce qui eſt cauſe d'adiuſter le commencement de leurs mois aux Neomenies ou
nouuelles Lunes: & cela ſert entre autres choſes pour eſtablir la celebration de leurs
Bahirans, qui leur ſont comme à nous nos Paſques,aubout d'vne maniere deCarcſ
me, mais d'autre ſorte que n'eſt le noſtre, & nosieuſnes,comme il ſera dit cy-apres :
" O R l'an de ſalut622.& de l'Hegyre 29.laquelle aduintl'an 593 la Huict du 15.au 16.
iour de Iuillet,en la6.ferie qui eſt leVendredy tenu des Mahometans pour ceſte oc
#
caſion au meſme reſpect qu'enucrs les Iuifs eſt le Sabbat, & à nous le Dimanche, le
:
15. du cycle ſolaire, courant pour la lettre Dominicale C. & 19. pour le nombre d'or;
en la nouuelle Lune dudit mois,commençal'ordre de l'anChaldaïque à ſe peruertir
& changer, iuſqu'à lors obſerué parles Hagareens dits ainſi d'Hagar chambriere de
# Sarra femme d'Abraham, qui en eut Iſmael, tige deſdits Hagareens autrement ap2
:
pellez Sarrazins, mais nompas de ladite Sarra cóme on preſuppoſe, car eux meſmes
n ,
l'aduoüent de ceſte ſorte, & ſe glorifient d'eſtrevenus de Chaidar fils d'Iſmaelnay
d'Hagar,14ans deuant Iſaac,& ce pour lesgrandes benedictions qui luyfurent pro
miſes de Dieu és 16. & 17. de Geneſe. mais là deſſus il faut entendre que les enfans
d'Abraham ſont doubles,l'vn de la chairainſi qu'Iſmaël,& ſes deſcendans;& l'autre
de la foy, aſſauoir Iſaac, & ſes hoirs,auſquels eſt promisl'heritage celeſte ch. 15.Con
tiplemaintenantleciel, & compte les ſtoilesſîtu lepuis faire teleſera ta lignee Carle ciel &
# les eſtoilles denotent la partie intellectuelle de l'homme: comme il eſt encore dere
chefexprimé au 22.en ces mots cy, Ie multipliraytes deſcendans comme les eſtvilles du ciel
(qui eſt la lignée d'Iſaac, deſignce par les éſtoilles) & commeleſable qui ſºſhrle riuage
delamer les hoirs aſſauoir d'Iſmael, par ce que le ſable eſt vne choſe terreſtre, peſan
te,& infructueuſe: qui ſymboliſe à la chair & au corps,doat les fruicts ne ſont en au
cun compte & reſpect deuant Dieu.Et cela fait dauantage alluſió du haut au bas, &
du grandau petit, d'autant que chaque eſtoille eſt grande à pair preſque de toute la
terre & lamer,lesaucunesplus làoùlesgrains de ſableſontl'vne des pl°petitespaf
celles qui ſ'y retrouuét.Cecy eſtvnemarque&ſymbole encore du myſtere des deux
loix:comme l'Apoſtre meſme le teſmoigneaux Galat.4.dont celle de Moyſe qui eſt
corporelle precede celle de IE svs CHR 1 s T,qui eſt la ſpirituelle,ainſi que la gene
ration d'Iſmael fait celle d'Iſaac, & en la production de la creature le corps ſe forme
aucunement enl'embrion auant que l'ame ſ'y introduiſe : De meſme auſſi la loy de
Moyſe qui n'eſtoit qu'à temps preceda la Chreſtienne, qui eſt eternelle ainſi que
I'ame. En-apres celle-là fiit donnée en des tables corruptible de pierres, & particu
liereau peuple des Iuifs ſeulement, comme il eſt dit au Pſeaume 147: Lequelannonce
ſaparole à Iacobsſes iuſtices & iugemens à Iſraël. Il n'apasfait ainſi à toute mation, & ne leur
a donné à cognoiſtre ſes iugemens. Et la Chreſtienne doibteftregrauée en nos cœurs,
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4 54 · Illuſtrations ſur
, c'eſtà dire au fonds de noſtreame qui eſt immortelle : en leremie 3I. & en la 2.aux
Corint. 3. Plus aux Hebrieux 8. - -
MA1s auant que partir encore de ces deux enfans d'Abraham,l'vn baſtard, l'au
tre legitime,& de leurs myſteres & ſignifiances: merite bien de n'eſtre laiſſé en arrie
re ce qui eſt eſcritauTalmud : que le Patriarche Abraham impoſa des noms ords &
ſalles aux enfans de ſes concubines, ſuiuant ce paſſage de Geneſe 25. Abraham laiſſa
toutes ſes poſſeſſions & cheuāces à Iſaaccome legitime,& aux baſtards qu'ilauoit eu deſes Con
cubines, des dons en biens meubles, & les ſepara durantſavied'auec Iſaac. Ce que les Ca
baliſtesinterpretent plus modeſtement , Shemoth Steltoma, noms eſtranges, par ce
qu'ils ne receurent pas labenediction de leur pere ainſi que l'hoir legitime, & ne fu
rent pas attribuez au ſouuerain Createur Tetragrammaton rrrv, comme Iſaac, ains à
des Deïtez eſtranges, d'où ſe vint à eſpandre l'idolatrie en tout le pourpris de later
re : ce qu'il ſemble que vueille inferer Moyſe aux enfans d'Iſraël au 29. de Deutero
nome : quelle eſt doncl'occaſion de ce deſmeſuré courroux de la fureur Diuine ?Ils reſpondront,
parcequ'ils ontſeruy aux Dieux eſtranges,& ont adoréceux qu'ils ne cognoiſſoient, & auſquels
ils n'auoient pas eſté ordonnez. Comme ſ'il vouloit dire que c'eſtoient les baſtards qui
auoiéteſtéattribuezaux Dieux eſtrâges, pourreſeruer la race legitime à la cognoiſ
ſance & adoration duvray Dieu.Et de faiten Ioſué 24.il ſe voit comme apreslacon
queſte de la terre de Chanaan, & le departement des lots & portions à chacune des
12.Tribuz, luiquiauoitaſſez eſprouué l'humeur bizarre, & lalegiereté de ce peuple
fantaſtique & refractaire, les metau choix de retourner à l'idolatrie où leurs prede
ceſſeursauoiét veſcu en la Meſopotamie: ou de ſuiure celle des Amorrhéens, crai
gnant qu'ils ne peuſſentaſſez fidelement perſeuerer au ſeruice & adoration duvray"
Dieu,lequeleſtantialoux de ſon höneur, ſ'ils euſſent tant ſoit peu fouruoyé ne leur
euſtpas legierement pardonné,ains punyrigoureuſement, ſelon que le denote aſſez
ce quieſteſcriten Exode 23. Voicyque i'enuoyemon Ange deuant toypour tefaire eſcorteen
lavoye: Regarde de le bien reſpecter, & ne luy contredire enrien que ceſoit, carilne t'eſpargnera
pasſi tu l'offence,parce que mon nom eſt en luy.Tellement qu'ils n'auroient pas eu ſimau
uais marché de ſeruirauxidolesqu'à Dieu, ſ'ils ne le vouloientſeruir deuëment, &
ſans varier.Ce qui ſeconde le propos intété cy-deſſus, que Mahomet n'a rien fait de
bien de retirer les humains de l'idolatrie en les precipitant en des impietezenuers
Dieu le Createur,& ſon V E R B E: carileuſt moins eſté mauuais poureux de demeu
rer en leur premier aueuglemét, que de blaſphemer comme ils fontapres leur ſedu
cteur,ſelon meſme que nous le teſmoigne S.Lucau 12.Leſeruiteurqui cognoiſé la volo
tédejon maiſtre & neſe diſpoſe del'accôplir, receuraplus debaſtónades que celuyquil'a ignoree,
& aura commis choſe digne deſtre battu.Et S.Pierre en ſa 2.Can. ch.2.Illeureuſº bien eſé
meilleurde ne cognoiſtre la voye de Iuſtice, qu'apres en auoireu la reuelation, rebrouſſerchemin
en arriere, & ſe deſtournerduſainct commandement à eux donné.
L Es SARRAz INs donques,en Arabe Elſarak, comme qui diroit brigands & de
ſtrouſſeurs,ſontainſiappellez de certains volleurs bandolliers vagabonds, voltigeäs
ſans ceſſe ſur les marches circonuoiſines de l'Arabie & Idumée, deſquels Ptolomée
faitmention,& Ammian Marcellin liu.14. en la vie de Iulian l'Apoſtat. Mais quant
, au cycle Chaldaïque enneadecateride ou dixneufuaire donticeux Hagareens ſou- .
loientvſer, il commença de ſ'abolirauec l'introduction de lanouuelle ſecte Maho
metique. & au lieu d'iceluyauoir lieuvn nouueau Almanach & reiglement de leur
annee,parce que ceux qui embraſſerent ceſte doctrine voulurent† touſioursdö
nervn plusgrädcreditau Legiſlateur, de là enauât pour l'amour de luy cómencer à
cópter les leurs de ſa retraicte,qui aduint le 53. de aage,& de noſtre ſalut 593.au mois
d'Almuharan,qui reſpondoitlors à noſtre Iuillet,oùileſtoit auparauant le 1o.carleur
année cömençoit lors en Rabbe ſecond, à la nouuelle Lune de l'Equinocce de l'Au
romne, comme le Tiſri des Hebrieux, ce qui ſe rapporte de noſtre Septembre à
l'Octobre : afin qu'outre la conſideration deſſuſdite leur grand Behiran vint à ſe ce
lebreràl'imitation de la Paſque des Iuifs & de lanoſtre,vers la pleine Lune de l'E
quinocce du Printemps, aux Hebrieux le mois de Niſan : & à nous de Mars à
" . - º l'Apuril
l'Hiſtoire de Chalcondile. - 455
· I'Apuril ſelonlesrencontres des Lunes, au mois de Schevval, qui ſuit celuy de Ra
madhan, lequel ils ieuſnenttout du long, mais à leur mode; car d'autant que leurs
mois ſont deambulatoires pour les raiſons cy-deſſus deſduictes; & auſſi que leuran
née eſt moindre que la noſtre ſolaire de douzeiours, il ſ'en faut trois heures, la ſo
lemnité de leur Paſque ſe varie par chacun an, plus beaucoup que celle des Iuifs, &
la noſtre, quine ſortiamais des deux mois deſſuſdits, Mars & Apuril; là où la leur
ſe promeine à tour de roolle par tous les mois & ſaiſons de l'année. Pour exemple,
afin d'abreger,laleur qui reſpondàla noſtre preſente 1585.ne commencera qu'au 2I.
de Decembre prochainvenant; carcelle d'octante quatre qui commença le pre
mier de Ianuier dernier paſſé courtencore; & par conſequent leur mois de Rama
dhan & leur Careſme ſe rencontreront le 25. iour d'Aouſt; & leur Behiram & Labir
ougrand Paſque qui vient à la fin dudit mois, ou le premier du ſubſequët dit schev
val, le 23. de Septembre : leurautre petite Paſque puis-apres de Behiram & zaguer
quivienttouſiours deux mois & dixiours apres le 1o. de celuy de Dulcheggia le der
nier de leur année, au dernier de Nouembre, car il commence le 2I. là deſſus ſe
pourroit adiuſter tous les autres.Voicyla table deſdits mois, & leur ordre, tant de
l'ancien Sarrazineſque & Agureniſme auant Mahomet, que de celuy quia eſté chä
gé depuisl'eſtabliſſement de ſaloy: dontilyena quatre deſtinez chacun an à l'Alha
ge ou pellerinage ; deux deuant leur grand Behiram, aſſauoir Muharan, & Regiab, &
deuxapres, Dulchaida, & Dulcheggia : pendant leſquels il ne leur eſt pas loiſible de
chaſſerny tueraucune beſte ſauuage ou oiſeaux : nompas meſmes les poulx & les
pulces : & ce àl'imitation de l'ancienne idolatrie inſtituee par Chaidar fils d'Iſmaël.
On dit que les Fueillans ont cela en leur reigle eſtimans que cela leur ſoit donné
pour autant de vexation & mortification de la chair, d'eſtre moleſté de ces inſe
ctes.
7. ll Sc HE vvAL. VI i. ll R E G 1 A B. | | :
_8 | Dv LcHA1DA. | |VI I I. | SAHAB E N. -
9._| DvLcHE G1A. | | | I X. | RAMADHAN.
º:_| MvHARA M. X. ScH E vvA L. . 4 :
II | T z E P HAR. : x I. | DvLcHA1DA. .
1*_| RABE premier. x 1 1 | DvL cHE G 1 A. | |
- - — 1. | | s
"-
—
Y Y ij
Illuſtrations ſur
D E L'A L C H O R A N O V c A L F V R C A N,
le texte de la Loy Mahometaine. -
ſciteray d'entre vousſera ſans pere,ſuiuantce qui en eſt eſcrit au Iro. Pſeaume, DE LA MA
T R 1 c E D E L'Av R o R E T E s E R A LA Rov s E E D E T oN E N F AN c E. (ainſi
liſent les Hebreux, ante luciferum genuite.) De tout ce qu'il peut doncques eſtre in
ſtruit ences deux loix,neaumoins la pluſpart à faulx,il en fitvn patricottage & nou
uelle loytenant des deux,qu'il intitula Alchoran, cóme qui diroit Recueil & amas de
preceptes, & Alfurcan, chants & chapitres ſeparez qu'ils appellentSoraths, le tout en
rithme Arabeſque, & deſcouſu ſans aucune methode, ordre ne ſuitte, ains ſaultant
çà & là du coqàl'aſne : neaumoins iln'eſt pas totallementſideſtitué d'artifice,qu'on
n'apperçoiue que c'eſt vn des ouurages plus malicieux qui ſçauroit eſtre,& tres-que
bien approprié pouAdes gens rudes, ſimples, & beſtiaux : car tantoſt il yintroduict
Dieu qui parle, & tantoſt l'Ange Gabriel; & les fideles d'icybasinuoquans labonté
diuine, & luy rendansgraces de ſes beneficences : Puis tout ſoudain luy Prophete,
comme il ſ'appelle,vient à la trauerſe,tanſant, & menaçant les incredules, auecau
tres telles baſtelleries; de ſorte que ceſte maniere de dialogiſme, & entrelaſſemens
de perſonnages,ſans les pouuoir aiſément diſcerner de primeface, apportent ie ne
ſçay quelle majeſté & luſtre à ſon dire. Au reſte ceſte loyne †
faite toute d'vne
teneur comme le Pentatheuque de Moyſe, carilyrauaudatouſiours quelque choſe
tant qu'ilveſcut, ſelon les occurrences quiſe preſentoient; de ſorte que ſiſes iours
ſe fuſſentprolongeziuſques à ſixvingts ans,iiyauroit ſans ceſſe forgé de nouueaux
† & tiltres de loix; & n'euſtiamais ceſt Alchoran eu fin. Il commençaàen
reſpandre les premiers erremens vers le 4o. an de ſon aage, & les pourſuiuit parl'e
ſpace de dixans à la Meke,iuſquesàce qu'il fut contraintluy & ſesadherâs d'enſor
tir pourſe retirer à Medine,où durâtles 13.ans qu'ilveſcutencore ilacheuale reſte;
de façon que ſes chants ou chapitres ont pris leur denomination de ces deux villess
partie d'iceux eſtansappellez Azoar Mikia, cantiques de la Meke: & les autres Azoar
Medina, ceux de Medine. Neaumoins il allegue que ceſt Alchoran eſt vn ouurage
de Dieu : & qu'illuy futapporté de ſapart envne nuict par l'Ange Gabrielle 15.du
mois de Ramadhan : ſurquoyen memoire & reuerence de celailfonda l'inſtitution
• ^ - º-- - •| | , - • • " T | • | | ) • * --
Le premier qui mitla main au recueil de ces menus fatrats de memoires, tant de
la caiſſe deſſuſditte, que des trous de murailles eſquels on les auoit ſerrez, partie
rongez des ſouris,partie effacez ou corrompus de moiſiſſeure, & autrement par l'in
iure du temps & des lieux,fut O D M EN gendre de Mahomet,& le troiſieſme de ſes
ſucceſſeurs tant en la puiſſance terrienne & laïque, qu'en la ſpirituelle du Caliphat,
& encompilal'Alchoran : & pource qu'il eſt diſtingué par liures & Soraths, il eſt dit
auſſi Alphurcan, & les articlesAiet, miracle ou merueille : Tous ces chants & chapi
tres eſtans comme il aeſté dit cy-deſſus diſtinguezen Mekiens, ou Mediniens, du
nom des lieux où ils eſtoient baſtis & forgez.Leſquels d'autant qu'ils varient le plus
ſouuent,& ſe contrediſent, quelques vns les ont encore ſoubs-diuiſez du depuis en
des Muquemath, comme qui † iugemens & points reſolus, & en gaſîr muquemah
non deciſifs.Ils ſont en outre de deux ſortes, les vns dits Naceh poſitifs, & les autres
Manſophderogatoires oureuocatifs des precedents,vneruzetrouuée depuis par les
Caliphes & Alphaqui.(, pour aucunement ſauuer leurs contradictions. Au §
nonobſtant qu'ils ſoient diſtinguez par liures & chapitres, ce n'eſt pas toutesfois de
ſorte qu'ils doibuent demeurerainſi, ains preſqu'à guiſe de la metaphyſique d'Ari
ſtote,où il n'importe de rien lequel doibue aller deuant ou apres,le dernier pouuant
eſtre mis le premier, & aurebours ſans leur faire tort, cariln'ya rien qui ſe ſuiue &
: entretienne,& pource que ceſte loyeſtoit encore toute nouuelle & recente, peu de
gens s'en trouuoient d'accord l'vn auec l'autre,la premiere choſe que fit Odmen, fut
d'enprendre l'aduis des proches parens du legiſlateur, & des ſept qu'ilauoit eu les
º plus familiers, ſurquoyily eut de fort grandes contentions & diſputes, mais en fin
l'authorité d'odmen preualut, ioinct qu'Axa la plus fauorite des femmes de Maho
met,laquelle auoitrecueillylapluſpart de ſes bullerins & memoires à meſure qu'il
lesforgeoit, les conſignaés mains #Odmen, mais il ne peut pour tout cela empeſ
cher qu'il n'y euſt plus de deux cens Alchorans tous diuers.Au ſurplus le ſien eſtoit
- - »- YY iij
-
458 Illuſtrations ſur
bien plus grandalorsque celuy u'ils ont de preſent, dont pluſieurs choſes furent
eclypſées apres les douze ſucceſſeurs, & meſmes plus de centaiets ou articles oſtez
dupremier chapitant ſeulement,& d'autres de nouueau ſubſtituez en leur lieu,mais
en moindre nombre, à l'exemple dequoy pluſieurs ſ'ingererent encore de faire de
meſme,ſique finablement toute leur loyſelon qu'elle auoit eſté premierementeſta
blie ſe trouuaallerée & eſuanoüie.
L'ALcHoRAN doncques compilé par Odmen à l'imitation du Talmud, fut
de luydiuiſé en quatreliures de ceſte ſorte.
Le x I. Dutreſpas de Mahomet.
Le x I I. De la cauerne,& des ſept dormans.
Letroiſieſme contient xix. chapitres.
Le 1. De la VIERGE MARIE mere de IEsvs-CHRIST.
Le 11. De Taha. -
Le 11 I. Des Prophetes.
Le 1 v. Dutremblement de terre.
Le v. Des fideles croyans.
Le v1. | De la lumiere.
Le v11. . Des fourches patibulaires.
Le v1 1 1. Des executeurs de lahauteiuſtice.
Le 1x. · Des fourmis.
Le x. Du Cazaz.
Le x1. - Desaraignées.
Le x 11. De Lucamonvn ſainctfort aimé du Prophete Da
- uid,ſelon Mahomet. -
Le x1 I I. Del'inclination.
Le x1v. Des Romains.
Le xv. Du Createur.
Le xv I. Du Sabbat.
Le xv11. - Desadditions.
Le xvIII. · · Del'homme.
Le xIx. DesAnges.
Av
-
-
- -
de l'Alchoran. Car il contient tout de meſme ſix parties dittes Sedarim, ordres ou di
ſtinctions,dont la premiere eſt des ſemences laſeconde du reiglement des feſtes,la
troiſieſme celuy des femmes,la quatrieſme des degaſts & dommages, la cinquieſme
des ſanctifiemens : & la ſixieſme des purifications. Ceſte partie puis apres de ces ſix
eſt ſoubſdiuiſée en pluſieurs Maſſachtiths ou traictez, & chaſque traicté puis apres
en pluſieurs Perakim ou chapitres.CE sT œuure doncques de la Zune,& les decrets
y contenus furent digerez par ces ſix docteurs, tant des diuers textes de l'Althoran, -
que des gloſes & interpretations que les Mores auoient deſia tiſſu là deſſus en tres
grand nombre,& preſque toutes repugnantes les vnesauxautres, döt peu de temps
apres vindrent à naiſtre quatre principales ſectes du Mahometiſme introduictes par
autant de leurs plus ſçauants Alfaquiz ou miniſtres, qui eurent la charge depuis de • • • •, • •4 •
5 mes le threſor des ioyes celeſtes iuſques à l'aduenemét du Meſſie:& les Talmudiſtes -
Mais ce Chaos ou confus deſordre n'eſtoit pas du tout ſans corps,ſans mouuemét,
& ſansame,trop bien ce quiypouuoit eſtre de corps eſtoit cöme informe,& ſans cö
ſiſtance reglée,& l'ame d'iceluyinconſiderée & vagabonde à l'eſtourdy,ſans enten
dementne diſcours de raiſon.Au reſte,orcs qu'ilait eſté ainſi crée ou pluſtoſt formé,
il ne doibt pas pourtant prendre fin, non qu'il preuue cela par aucunsargumés valla
bles,mais ſeulemët par le benefice & bonté de ſon facteur, quine voudra pas defaire
ZZ i)
464 · Illuſtrations ſur
/
vn ſibelouurage, & où il s'eſt tantagrée, enquoy on ne peütalleguer aucun incon
uenient ny defaut, parce que nous tenons bien,& les gentils meſmes, que les ames,
nonobſtant qu'ellesayent commancement, ne laiſſent pas pour cela d'eſtre immor
telles & perdurables à tout iamais,comme ſont de leur part les Anges, & les intelli
gences ſeparées, parquoyil peut ainſi eſtre du monde. Mais ceſte infinité ſans fin, à
laquelle Platon veut eſtendre la durée du monde, equipolle preſqu'à vne eternité .
ſans commencement, car poſons le cas qu'il n'euſt eſté fait que le iourd'hier, neau
moins à cent millions de millions d'ans, & autant de millions de milliars de ſiecles,
ceſte vaſte & immenſe durée en auant qui n'a point de borne, viendroit correſpon
dre àvne eternité de premier Principe,toutainſi qu'vne ligne droitte imaginable de
pouuoir eſtre tirée en vne infinie longueur,ceux qui ſeroient bien auant en elle,ſieſ
loignez du commancement qu'ils ne le peuſſentapperceuoir,& n'y voyans point de
finale termination,latiendroiét comme pour infinie ſans aucun Principe ne fin,auſſi
bien qu'vn cercle ou globe ſpherique.Mais ce que nous en croyons finablement cö
me les Iuifs,& les Mahometiſtes, eſt que ce monde a eſté crée de rien, & ſa matiere
pareillemét le tout de Dieu,quile defera au temps par luy préordonné en ſa preſcié
ce,non pas qu'il le reduiſe du tout à rien, ainſi qu'auant ſa creation,mais parle moien
de l'vniuerſelle conflagratió il l'immuera & changera de meſme que nos corps,(par
celles d'iccluy,)àvne meilleure diſpoſition & nature,exempte de tout changement
& corruption.OR pour retourneràl'aduis d'Ariſtote,& à ſes raiſons de l'eternité du
monde,ilenameine 4 ou5 les plus pregnâtes,la I.que le mouuement n'eſt mygene
rable,ny corruptible ſimplement.Car ſ'il eſtoit renouuellé, il auroitbeſoin d'vn re
nouateur qui euſt mouuementdeuant luy, ce quine ſeroit autre choſe que ſortir de
puiſſance en action & effect, & commécer d'eſtreapres n'auoir encore eſté:& ſerale
mouuement d'iceluy certain eſtre,parlequel de neceſſité ilyavn poſterieur mouue
ment.Ce qu'eſtantainſi il faut en toutes ſortes que le 1.de ces deux mouuemens ſoit
eternel,ou bien il faudroit proceder en infiny,ſelon ce qui a eſté dit de Platon,& ſui
uant ceſte maxime Ariſtote preſuppoſe que le temps n'eſt nygenerable,ne corrupti
ble,veu qu'il ſuit,& accompagne le mouuemét, lequel ne peut eſtre ſinon au temps,
nyle temps eſtre cogneu & apprehendé fors au mouuement : & delà ſ'enſuiura l'e
ternité du möde. La2.de ſes conſequences eſt que la matiere I.cómunicableaux 4.
· elemens n'eſtauſſine generable ne corruptible:carſielle eſtoitgenerable,ilfaudroit
qu'elle euſtvne autre matiere preiacente dontelle futengédrée; & delà ſ'enſuiuroit
que ceſte matiere engendrée euſt quelqueforme, qui eſt le propre de la generation,
& que ceſte matiere preiacente fuſt matiere de la ſubiacente & inferieure, parquoy
elle ne pourroit en ſorte quelconque auoir eſté engendrée : & par conſequentil de
meure qu'elle aiteſté ſempiternelle, ſans qu'elle puiſſe eſtre deſtruitte & annichil
lée:& delà ſ'enſuiural'eternité du monde.La3.eſt qu'en lamatiere du ciel,à la pren
drevniuerſellement, il n'y a point de contrarieté, car le mouuement circulaire n'eſt
nyvariable ne diſſemblable,làoùilypeut bien auoir de la diuerſité en celuy qui ſe
fait par la ligne droitte,ainſi qu'és quatre elemens, dont les deux, terre, & eau, pour
leur peſanteur tendent en bas,&les deux autres air & feu pour leur legereté en haut.
Or ce qui cauſe la corruption de toutes choſes corruptibles eſt la contrarieté ſi donc
il n'ya point de contrarieté en la matiere & ſubſtáce du ciel,il n'yaura par conſequét
point de corruption ne generation,cartoutengendrable eſt corruptible,& tout cor
ruptible eſt generable. Doncques ce qui n'eſt point generable n'eſt point corrupti
ble nonplus,& aureciproque.La 4.eſt qu'en toutes choſes nouuellement faictes, iI
faut preſuppoſer qu'ilyait eu poſſibilité de les faire, & ioindre leur eſtre à certain
temps, car en toutes choſes muables precedevne poſſibilité de leur mutation en vn
temps.Au moyen dequoy deuant que le monde fuſt fait,ſa creation & facture eſtoit
ou poſſible,ouimpoſſible,ouneceſſaire,ſi neceſſaire,c'eſt à dire qu'il falloit de neceſ
ſité que celaaduint,il ne pouuoit eſtre que le monde ne fuſt, ſi impoſſible, de celail
ſ'enſuit que iamais il ne pouuoit eſtre,ſi poſſible,enquoy eſt-ce quegiſt ceſte poſſibi
lité, car il eſtoit neceſſaire qu'il y euſt quelque Eſtant ou ceſte poſſibilité ſe trouuaſt,
l'Hiſtoire de Chalcondile. 4.65
dontilſe peut dire que celafuſt poſſible. Et ne fait rien ce qui ſe pourroit alleguer
à l'encontre, que ceſte poſſibilité eſtoit au facteur &agent, & nompas en la facture,
& la choſe agie; car ilya double poſſibilité, attendu que toute choſe quia principe
eſt preceder de ſa poſſibilité, qui eſt en ordre premiere qu'elle, l'vne en la matiere, à
ce qu'elle ſoit de ceſte ſorte; & l'autre au facteur & agent pour la faire ainſi.
IL Y A encore d'autres telles ſubtilitez en ce ſubiect, excogitées par les ſectateurs
d'Ariſtote : comme, ſile Createura creé le monde apres la priuation ou le non-eſtre
d'iceluy, ilyauraeuauant la creation du monde vn operateur en puiſſance, lequel
quandill'aura creé ſera par là deuenu operateur en action : Que ſi ainſi eſt, donques
le Createur ſera ſorty depuiſſance en action : en quoy de neceſſité il y auroit eu be
· ſoin d'vn autre qui l'ait tiré de ceſte ſourde puiſſance en action.
ITE M, ce quel'operateur ou agent faitenvne certaine heure, & non en vneau
tre; eſt ſelon les empeſchemens qu'ilya; ou les motifs qui l'y induiſent : les empeſ
chemens cauſent la priuation de l'ouurage qu'il pretendoitfaire; & les motifs l'ex
citentàvouloir ce dontauparauant il n'auoit point de volonté : mais l'vn ne l'autre
ne pouuans eſtre au Createur ;il ſ'enſuit de là qu'il n'a voulu faire le monde en vne
heure pluſtoſt qu'en vne autre : car ſes actions ſont eternelles toutainſi qu'il eſt eter
nel,& en perpetuelle action ſans point d'oiſiueté iamais : eſtant outreplus tres-que
parfaict en ſon Eſſence, & ſans fin : parquoy ſes ouurages ſont du tout parfaicts &
accomplisſans aucune defectuoſité ny excez,ne rien quelconque qui ſoit en vain:
& pourtantil eſt Eternel; & ſa ſapience pareillement qui eſt ſa propre ſubſtance, e
ternelle auſſi. dont, puis que ſon Eſſence eſt eternelle, & ſans aucun commence
ment, qu'eſt ce qui le pourroitauoirinduit de ceſſer de toute œuure, & de demeu
rerainſi longuement ſans rien faire auant que ſe mettre à créer le monde ? Car ſoit
qu'à ceſte heureicyoù nous ſommes ilyait deſia cinq ou ſix mille ans que le monde
aiteſté creé,voireautât de millions d'années cöme il faudroit de grains de ſable tres
delié pour remplir toute la concauité de ceſt Vniuers,ainſi que taſche de le ſupputer
Archimede autraicté del'arene, neaumoins tout cela à comparaiſon de ſon Éterni
té d'Eſſence qui n'a point de commencement ny de fin, ne ſeroit nomplus que ſ'il
nel'euſtcreé que hier : Parquoy ſ'enſuiuroit qu'il euſteſté eternellementoiſif, ſans
I. rien faire qu'à ſe contempler ſoy-meſhme. · •
Illuſtrations ſur
alleguer qu'ilsayent eſté faicts & formez ainſi qu'vn homme ou vn cheual, ny què
la corruption ſuiue leur compoſition & facture, comme és plantes & és animaux, à
cauſe de la contrarieté quiy eſt, ains par la ſeule volonté de leur Createur.Aure
gard de l'inconuenient qu'Ariſtote propoſe, que ſi le monde auoit eſté creé, il fau
droit que le Createur fuſt ſorty de puiſſance en action, attendu qu'il auroit ouuré
en vne heure, & non cnvne autre, au moyen dequoy ilauroit en ce cas eu beſoin de
quelque extracteur , il faut cntendre là deſſus qu'iln'y a point de comparaiſon ne
ſimilitude entre ce qui a corps, & ce qui eſt du tout incorporel : Car ceſte obiection
pourroit bien auoir lieu és choſes qui conſiſtét de forme & matiere, ou premier que
de venir en action il falloit qu'il y euſt quelque choſe en puiſſance qui eſt finablemët
venuë à effcct; & pourtant en toutes manieres elle auroiteu beſoin d'vn extracteur:
mais en la ſubſtance du ſeparé, c'eſtà dire de ce qui n'eſt corps, & n'a point de ma
tiere, il n'ya rien de poſſibilité en aucune ſorte,ains tout ce qu'ila eſt en action ſeu
Le Createur ne lement : Parquoyil ne luy eſt ny neceſſaire, nyimpoſſible de faire vne choſe en vne
ſort point de beure pluſtoſt qu'en vne autre; ny de ſortir pour ceſt effect de puiſſance en action:
puiſſance en par ce qu'à l'intelligence agiſſante, d'autant qu'elle eſt ſeparée de toute matiere, il
nction.
eſt poſſible, voire remis à ſa volonté, de faire en vne heure ce qu'elle n'aura faict en
vne autre, ſuiuant le teſmoignage propre d'Ariſtote, & d'Abimac Philoſophe Peri
pateticien, mais Arabe, & Mahometiſte : Qu'à ce qui nous peut apparoir de l'intelligen
ce agiſſante, c'eſt qu'elle n'agiſtpas touſiours, ains parfois, & quelquesfois non : Sans que delà
il faille inferer qu'elle ſe change nonobſtant que ce qui eſtoit auparauant en puiſſan
ce ſorte en action. Et encore que l'action de la forme en la matiere, & l'action de la
ſubſtance ſeparee de toute matiere ſoient equiuoquement appellees toutes deux
d'vn meſme nom, il ne ſ'enſuit pas que ce que la ſubſtance ſeparee ne faiſoit en vne
heure, & elle le fait puis-apres en vne autre, doiue eſtre eſtimee de ſortir par là de
puiſſance en action, enquoy elle aitbeſoin d'vn extracteur, comme és choſes com
poſées de la matiere & de la forme : mais il ne faut pas pour tout cela accomparer les
actionsd'vne intelligence ſeparée à celles du Createur, car ce ſeroit vn erreur trop
euident : trop bien peut-on dire que puisquel'intelligence agiſſante quin'eſt point
corps, ny puiſſance en vn corps,peut agir en vne heure pluſtoft qu'en vne autre, ſans
queneaumons elle ſorte de puiſſance en acti6; enquoy elle aitbeſoin d'extracteur:
à plus forteraiſon le meſme peut conuenir au Createur qui eſt pardeſſus tous autres
E s TAN s; ioint que n'eſtant ny corps, nyaucune puiſſance qui ſoit en corps, muta
tion quelconque n'y ſçauroit adherer nyentreuenir,ores meſme que n'ayât rien fait
auparauantil vintà agir. E T quand on allegue en cet endroit, que puis que Dieu eſt
totallement immuable, ſans qu'aucune variation puiſſe eſchoir en ſavolonté, par
conſequent les difficultez qui l'engarderoient de faire vne choſe ; ne les motifs, &
les moyens qui le pourroient ſemondre à l'entreprendre, ne peuuent pas arriuer en
luy, ſi qu'il opere vne choſe pluſtoſt en vne heure qu'en l'autre : & par conſequent
d'auoirfaitle monde à certain temps determiné : comme ſi quelqu'vn ayant delibe
ré de baſtirvne maiſon ou autre edifice, & il en fuſt diuerty par des empeſchemens
quiarriueroient,ou qu'il ſ'en trouuaſt degouſté pour n'en auoir plus de beſoin:Tou
tes leſquelles difficultez luy eſtans oſtées il luy prendroit enuie de l'effectuer , mais
ce n'eſt pas à dire que pour n'yauoir rien qui nous deſtourne de faire quelque baſti
ment, nous le vueillions neaumoins entreprendre à toutes heures, puis que cela de
pend de noſtre pure volonté : Ce neaumoins(pourroient-ils repliquer encore) de le
vouloir pluſtoſt en vne heure qu'en vne autre, c'eſt touſiours de la mutation: Ce qui
eſt vray.mais autre choſe eſtvne volonté adherante & cöpliquee à vne matiere pour
laquelle on aſpire à quelque but hors de ſoy; car en tel cas ceſte volonté ſe pourroit
muer ſelon la qualité des occurrences qui ſe preſenteroient d'empeſchemens, ou
commoditez : & autre choſe la volonté d'vne ſubſtāce ſeparee de tout corps,& tou
te matiere, & laquelle ne cherche rien hors de ſoy : Parquoy elle ne peut auſſieſtre
variable en façon quelcóque: car de vouloir demain vne choſe qu'elle n'auroitpoint
voulu auiourd'huy, cela ne ſe peut dire variation en ſa ſubſtance. mais ce qui nous
pourroit
+ • · • · · · · , " , -' · · · , . , ----
l'Hiſtoire de Chalcondile. 467
, pourroitabuſer en cetendroit eſt qu'encore que lavolonté qui eſt en nous, & cel
:- îe d'vne ſubſtance ſeparee ſoient bien differentes, & qu'il n'yait aucune ſimilitude
entre elles, ne conformité, on ne laiſſe neaumoins de les appeller d'vn meſme nom.
IL Y EN A d'autres qui admettét bien que Dieu eſt le Createur du monde : mais au
reſte qu'il l'aeſté de toute eternité comme il l'eſt : & ce qui nous faict mettre ceſte
creation à certain limite, c'eſt parce qu'il faut de neceſſité pour noſtre regard ſup
: poſer, par ce que nous ne le pouuons comprendre autrement, qu'en tout ouurage,
il faut quel'ouurier en ordre de temps le precede, & pourtant cela infere quelque
priuation : & que l'ouurieraiteſté premieremét en puiſſance que de ſortirenaction,
ce quiaduient lors qu'il commence ſa beſoigne : mais n'y ayant au Createur ny pri
uation nyrien en puiſſance, il ne ſçauroit eſtre par conſequent deuant ſon ouurage -
ainsa eſté de toute eternité touſiours en continuelle action. Et tout ainſi que ſa ſub
ſtance eſt ſeparee de la noſtre en toute extremité qui peut eſtre de ſeparation, ainſi
eſt la comparaiſon de ſon ouurage pour ſon regard ſeparce de la comparaiſon de nos
actions pour le noſtre. - - - -
, deſſus de l'authorité des Cabaliſtes, noſtre creance, & celle des Iuifs, & des Maho
- metiſtes encore, les ſinges des vns & des autres,ſe conforme plus à l'opinion de Pla
ton qu'à nul de tous les Philoſophes Gentils : que le monde aſſauoir ait eu vn com
--
•--
mencent,
auant ſa creation; ainsnedemeurera
mais qu'il en ſaaneanty,
doit pas eſtre au moins
nature que du tout,
luya donnee le Createur, eſtoit
comme il com
bien qu'il ſoit en ſa diſpoſition & puiſſance de reduire tout naturel E s T R E à priua
- tion , (ce ſont les mots de Rabi Moyſe Egyptien au 3o. chap. du 2.liure de ſes Per
- plexes)Trop bien à certain temps determiné en ſa preſcience, pourra-il ſouffrir vne Azoare ... ra
, immutation ou renouuellement de ſa nature precedente; comme meſme le mar-terre ſe change
: que l'Apocalypſe, I'ayveu vn cielnouueau, & vne nouuelle terre : Car le premier ciel, & g#
: la premiereterre s'en eſtoient allez : & la mer n'eſtoit plus. Plus en Iſaie 65. Carvoicy que ie reillement. .
: crée nouueaux cieux, & nouuelle terre : Eten aſſez d'autres paſſages de l'Eſcriture : le teſ
" moignage de laquelle eſt la plus valide & demonſtratiue preuue que nous puiſſions
: auoir en ce que nous deuons ſentir & croire de cet article. Car ce ſeroit vne ſimpleſ -
: ſe par trop grande de ſ'en cuider nettement reſouldre par vn diſcours de ratiocina
# tion humaine, qui eſt contrainte en cet endroit de cligner les yeux, cöme encontre
_vnetres-forte lumiere,& ployer ſes eſpaulles ſoubsvn ſi peſantexceſſiffardeau,ainſi
-
qu'Atlas ſous le ſouſtenemét & appuy du ciel,ſi ce n'eſtoit l'aide d'Hercule,aſlauoir
: lafoy. Et de faict nousauons bien meilleur compte de croire la creation du monde,
| d'où dependent les principaux poincts de noſtre Religion, que de la remettre aux
Ariſtote & ſes ſectateurs à vne eternité infinie, qui nous amèneroit trop de confu
ſions & perplexitez en noſtre ame; voire meſme des impietez iuſques preſqu'à l'ab
negation d'vn Createur. O R voicy quelques raiſons des plus apparentes qu'alle
guent ceux qui ſe veulentretenir à la creation de cet Vniuers en vn point de temps,
, lequel a eu commencementauecluy. En premier lieu que ce qui ſe voit és parties
doit eſtre tout de meſme en leur tout. Pour exemple, on ſçait bien que le corps de
- Samſon n'a pas touſiours eſté tel qu'apres le dernier & perfaict accompliſſement d'i
: celuy , ains du commencement eſt venu de la ſemence de ſes peres meres, qui ſ'eſt
L muee de diſpoſition en diſpoſition iuſques à ce qu'ilait atteint ſon dernier finalbut
: mais ces changemens & alterations ne ſe ſont pas effectueesd'elles meſmes,ains ont
|. eubeſoin d'vn moteur extrinſeque, & d'vn ouurier pour façonner ceſte ſemence,
ſ, ainſi qu'vne primeraine matiere : le ſemblable eſt il d'vn arbre, & de tous les autrcs
- compoſez & mixtes elementaires : Parquoy telle doit auſſi auoir eſté la facture du
468 Illuſtrations ſur
monde, dont l'homme eſt comme vn petit exemplaire & modelle. Mais la conſe
quence n'eſt pas trop bonne, d'eſtimer que tout ce qui ſe retrouue en vn corps doi
ue conuenir & quaddrer à tous autres.SEcoNDEMENT que de la production des par
ticuliers indiuidus ſe tire vné preuue, que le monde en ſon vniuerſalité doibt auoir
eſté creé; &ce en ceſte maniere. On ne peut nier que Ioſeph n'ait eſté apres n'auoir
encore eſté.ſileſtainſi, il faut qu'ilaiteſté precedé de ſon pere Iacob, & Iacob tout
de meſme d'Iſaac, Iſaac d'Abraham, Abraham de Tharé, ceſtuy-cy de Nachor, &
ainſi en retrogradant iuſqu'en infiny. mais de copſtituer vn infiny c'eſt choſe abſur
de, par ce qu'on peut voir par demonſtration qu'il eſt impoſſible d'aſſigner nombre
ny magnitude qui ſoient infinis, d'autant qu'on y peut touſiours adiouſter & accroi
ſtre.Etainſival'ordre d'vne naturelle ſubſtance, où l'impoſſibilité d'vn infiny reel
lement & en acte eſt aſſez cogneuë : trop bien la peut on preſuppoſer en puiſſance,
ou ſelon l'accident,toutainſi que la diuiſion d'vne magnitude en infinies parties par
puiſſance : & du temps de meſme : mais nompas que l'eſtenduë pour cela, ny d'vne
magnitude, ny d'vn nombre en ſuitte de ſiecles quelques immenſes qu'ils puiſſent
eſtre, ſoit actuellementinfinie. le ſemblable eſt de l'accident par vne continuelle
ſucceſſion de quelque choſe qui ſ'introduit, en la place d'vne autre par la priuation
d'icelle; & celle là par vne ſuccedente; & ainſi imaginairement iuſques en infiny.
Sidóc l'infini actuellement & ſubſtantiellemétne peut eſtre en l'exemple cy-deſſus
amené, quand on aura rebrouſſé chemin iuſques à Adam, ſe repreſentera lors vne
queſtion, dequoy eſt prouenu Adam qui n'a point de pere ny mere ? à quoy on reſ
pondra, de pouldre : & ceſte pouldre dequoy d'eau. Sil'on paſſe encore plus outre;
, & dequoy ceſte eau on dira qu'il n'eſt pas poſſible d'alleriuſques en l'infiny: & qu'il
ſuffiſt d'eſtre arriué à vne exiſtence de choſesapres vne abſoluë & totalle priuation
au moyen dequoyle möde aura auſſi eſté faitapres vne vraye & parfaicte priuation.
TI E R c E M E N T on argue ainſi, que les ſubſtances ou ſont iointes à la matiere, ou
ſont ſeparées; & peut eſtre que quelques vnes ſont parfois conioinctes, & par fois
ſeparees : Car ſileur naturelle & quidditatiue diſpoſition eſtoit d'eſtre ſeparees tant
ſeulement, il ſ'enſuiuroit que iamais elles ne ſe conioindroient, ou ſitant ſeulement
conioinctes,iamais elles ne ſe ſepareroient : de maniere que leur conionction, & ſe
gregation ne ſont point de neceſſité l'vne plus que l'autre : Parquoy puis qu'elles
peuuenteſtre tantoſt conioinctes, & tantoſt ſeparees,les aucunes en diuerſes ſortes,
il ſ'enſuit qu'elles ont beſoin d'vn aggregateur qui les conioingne en leur compoſé,
& d'vn ſeparateur qui les diuiſe en leur diuiſé. dontils inferent la creation du mon
de par la meſme voye. mais ceux là baſtiſſent ſur le fondement qu'eux meſmes ont
poſé pour maxime; laquelle eſtant contredicte & deſniee, tout le reſte de leur in
ductionvientà ſe renuerſer. QyART E M ENT, que tout le monde eſt compoſé de
ſubſtance & d'accidét; car il n'yapoint de ſubſtance ſans quelque accident,ou plu
ſieurs. Or tous les accidents ſont nouueaux, & non eternels : ſ'enſuit doncques que
la ſubſtance ſera ſubiecte & expoſee au temps, qui eſt vn accident, & partant nou
uelle : car tout ce qui ſe vient ioindre & annexer à ce qui eſt innoué, ne peuteuiter
qu'il ne ſ'innoue quant & quant : Que ſi ainſieſt, le monde en ſon vniuerſalité ſera
nouueau, c'eſt à dire aura eu vn commencement. Surquoy ſi quelqu'vn vouloit al
leguer que la ſubſtance n'eſt pas nouuelle, mais ſeulement les accidents qui ſe re
nouuellent ſucceſſiuementl'vn de l'autre iuſques en l'infiny, il ſ'enſuiuroit ſelö leur
dire qu'ily euſt infinies renouations, ce quine peut eſtre ſuiuant leurs maximes pro
pres. d'auantage pour confirmer cet argument qu'ils tiennent le plus fort de tous, &
preſque comme demonſtratif, ils mettent trois ſuppoſitions neceſſaires, mais qu'on
pourroit impugner auſſi. La premiere que c'eſt choſe abſurde de mettre vne ſucceſ
ſion infinie. laſeconde, que toutaccident eſt nouueau , à quoy contrediſt Ariſtote,
uitient le mouuement circulaire n'eſtre nygenerable, ne corruptible; & parcon
§ mobile où eſt ce mouuementintroduit, ne ſerane generable, ne corru
ptible.la troiſieſme, qu'il n'ya rien quine conſiſte de ſubſtance & accident, leſquels
ne peuuenteſtre l'vn ſans l'autre : Ce qui pourroit conuenir de vray à vne ſubſtance
- ſeparée,
$
l'Hiſtoire de Chalcondile. 469
ſeparee ; & aux accidents qui y ſont : mais c'eſt vn corps compſé de matiere &
de formes, il faudroit prouuer que la premiere forme, & premiere matiere ſont
generables & corruptibles, ce que nie pareillement Ariſtote.
v INTE MENT, qu'à prendre le monde en ſon vniuerſalité, & en ſes parties,
tant èn ſa figure, quantité, couleur, temps, & lieu, & autres accidents ſembla
bles, il n'eſt pas impoſſible qu'il ne fuſt moindre ou plus grand, ou d'vne autre
forme qu'il n'eſt : ne qu'il n'ait eſté pluſtoſt ou plus tard, ou en autre lieu & aſſiet
te. Or de le voir determiné ainſi de ceſte grandeur & figure, il a eu beſoin d'vn
determinateur pour le faire tel : dont il ſ'enſuit qu'il a eſté creé à temps ; Car il
n'importe rien au reſte, qu'on die determinateur, ouurier, facteur, renouateur,
appropriateur, Createur : par ce que tous ces mots là reuiennent à vn. Et de faict
il n'eſt pas neceſſaire de toute neceſſité vrgente , que la terre ait eſté deſſoubs
l'eau, & non deſſus : mais puis qu'ainſi eſt, qui eſt-cc qui luya determiné ce lieu
là pluſtoſt qu'vn autre : Ny que le Soleil aiteſté pluſtoſtrond que carré ou trian
gulaire : Pour autant que la raiſon comparable de toutes ſortes de figuresaux corps
qui en ſont figurez, eſt vne meſme. Qui eſt-ce doncques qui aura arreſté ceſte
ſi exacte rotondité au Soleil ? Et pareillement que les fleurs qui prouiennent tou
tes d'vne meſme terre, & d'vne meſme eau , ſoient neaumoins ſi differentes en
figure, couleur, odeur, ſaueur, proprietez, & effects : Ce qui ne peut eſtre ſans
vn ouurier qui lesait voulu diuerſifier en la ſorte, tout ainſi que quelque imagier
ou ſculpteur , qui d'vn meſme bois, pierre, metal, & ſemblables eſtoffes feroit
de differents ouurages : lequel ouurier ne peut eſtre autre que le Createur, quine
ſe peut ainſi appeller, que pour le regard des choſes qu'il a creées.
EN s 1x1 Es M E L I E v, qu'il a eſté poſſible ſelon que tout entendement hu
main le peut conceuoir, le monde eſtre, ou non eſtre, dont l'vn ne luy eſt pas
plus proche que l'autre, aſſauoir pluſtoſt l'exiſtence que la priuation. Or ſi lapoſ
ſibilité de ces deux a eſté egalle, il ſ'enſuit de là, que puis qu'il eſt, l'exiſtence a
:-: preualu ſur la priuation : & que ce choix ait eſté pardeuers ſon facteur, qui ne
le pourroit auoir eu en ſon arbitre & diſcretion ſi le monde euſt toufiours eſté.
mais il y peut auoir pluſieurs contradictions en cela : & entre autres que ce
choix & determination ne peut eſcheoir qu'à vn E s TA N T ſuſceptible de va
riation.
| • • , • - - . -
commandé de ſ'humilier deuant Adam, & de l'adorer, la plus grande party obeit A . r. 45º ,
, fors Beclzebuth , autrement Sathan, & ſes complices , alleguans qu'ils auoient 27. 48.
eſté formez d'vne plus parfaicte ſubſtance, aſſauoir de feu, & Adam de pouldre:
Parquoy ils furent maudits de Dieu, & precipitezaux Enfers. (cecy eſt pris de mot
a mot des Commentaires de Rabi Moyſe Hadarſan,ſur le cinquieſme chapitre de Genèſe , où
- il cite Rabi Iehoſue fils de Leui. Que Dieu ayant formé Adam appella tous les Anges, &
- · l ur dict : Humiliez vous deuant cgſt homme , & luy/oyez obeyſſans : à quoy la pluſéartſa
tiſit, & ſe proſternerent à luy ſuiuant la volonté de Dieu. Mais Sathan, à ſauoir Lucifer
le plus excellent d'entre eux, auec ſa ſequelle faict reſponſe à Dieu, & va dire, o ſouuerain
- Seigneur du monde, tu nous as créez de la clarté de ta gloire, & maintenant tu nous com
' . , mande de nous incliner deuant ceſtui-cy lequel tu as formé de terre. Alors Dieu treſſiné#
& benit luy replique : En cºſt 'homme icy nonobſtant qu'il ait eſtéformé de pouldre terreſtre;
y a nedumoins plus de ſapience & d'entendement que oomparen toy. Mais voyant que pour
tout cela Sathan ny ſes ſectateurs ne vouloient fleſChir, ny rendre obeyſſance à Adam, il le
chaſſa du ciel, & fut faict Diable. C'eſt pourquoy Eſaie a dict au quatorzieſme chapitre.
- C o M M E N T E S T - c E Q v E T v E s T R E B vs c H E D v c I E L L v c I F E R,
Qv 1 A v M A T 1 N T'Y s o v L o Is L E v E R ? A cela auſſi ſe rapporte, ce que cite
-
- l'-
g E poſtre
L1 Daux
E 1:Hebrieux
mais c'ſtchapitre premier. ET
du ſecond.Adam, A D onoſtre
le celeſte R E NRedempteur.
T E V M Leso M NAnges
E s aure-*
A N- ſeaum.
. 92.
..
- ſée portans enuie à l'homme pourvoir en luy vne plus expreſſe image de Dieu que nompts en
- eux ils conceurent de là leurenuie à l'encontre de luy, dont s'en enſuiuit la mort, comme il eſt
•- dict au 2. de la sapience : D I E v A c R E E L'H o M M E I N E x T E R M 1 N A B L E,
º ET L'A F A I CT A L'I M A G E D E S A S E M B L A N C E : M A I s P A R. L' E N v I E
D v D 1 A B LE LA M o R T E s T ENT R E E E N T o v T E L A T E R R E. : Ce qui
, - eſt plus à plein traiété au 12. de l'Apocalypſe, du draghon qui eſpioit la femme enceinte pour
# deuorer ſon enfant,ſurquoy interuimt vn gros combat de l'Archange Michel, & des ſens,con
tre luy qui fut iecté en terre, & ſes adherans auec luy. Et à ce propos S. Bernard ſurce lieu du
premierde Ionas : PR o P T E R M E T E M P E s T As H E c G R A N D 1 s v E NIT sv
P E R v o s, Interprete ceſte tourmente pour la diſſention des Anges & d'Adam : ceux là
l - pource qu'ils ne vouloient le recognoiſtre pour Seigneur : & cſtuy-cypource qu'à leurſagge
- ffion il voulut imiter le Meſſie à taſter de l'arbre de ſcience de bien & de mal: Ce qui eſtoit re
- férué audit Meſſie ſuiuant ce qui eſt diten Iſaie7. B va Y R v M E T M E L c o ME D ET,
r. V T S C I A T R E P R O B A R E M A L V M 5 E T E L I G E R E B O N V M. -
- O R ceſte cheutte de Lucifer, & ſes adherans n'a pas eu tant ſeulement lieu enuers les Iuifs
-- les Chreſtiens, & les Mahometiſtes, mais les Gentils auſſi & idolatres, Chaldees, Egyptiens,
- Grecs, & Arabes : meſme Pherécide de l'Isle descyros l'vn des Precepteurs de Pythagore la
deſcript ſoubs le nom du malin eſprit qu'il appelle # p13 ſerpent, lequel fut chef de la ligue des
Demons rebelles; comme fait auſſi Mercure Triſmegiſte en ſon Pymandre : & Homere ſoubs le -
nom d'Atéou Nuiſance, qu'il feint auoireſféprecipitee du cielpar les Dieux, comme furent les
, malins eſprits, ce dit Empedocle en Plutarque au traiétéde l'vſure, & ee dedans la mer, qui les
reietta ſur la terre; & la terre les fit rebondir au Soleil, qui les renuoya derechef au Ciel. Ce
qui batſurce reſtabliſſensent des Demons qu'à voulu toucher Mahometapres quelquesChreſtiens
non de petite authorité, comme Origene,ſiaumoins cela eſt de luy, & non choſe à luy ſuppoſée: le
, queltientque les Demons, qui de leur propre motif& arbitre à l'inſtigation de leurchef, ſéde
partirentdu ſeruice & obeyſſance de leurCreateur, s'ils/éveulent tant ſoit peurecognoſtre,ſ
- ront veſtus de chair humaine, où ayans faict leurpenitence apres la reſurrection generale par
º la meſme adreſſe qu'ils ſont arriuez à la chair, ils ſeront reſtituez comme auparauant, à la vi
ſion de Dieu; & deliurez meſmes de leurs corps etherées & aériens , afin que puiſſe eſtre ac
-, comply ce que dit l'Apoſtre : Tov T G E N ov I L s E c o v R E E E T F L E s c H 1s- -
, tomme ceux qui ſont faicfs de terre ººººy le leur eſt plus propre à agir qu'àpatir. -
2 - 1 · AAA ij
- -
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Azbare 2. . L E D I A B LE doncques par deſpit d'auoir eſté ainſi banny de la gloire de ſon
Createur pour raiſon d'Adam , le vint ſeduire auec ſa femme , & leur fit trans
greſſer la deffence que Dieu leur auoit faicte de manger de l'arbre à eux prohibé;
les Gloſſateurs Mahometiſtes l'appellent Loba, l'arbre de la trompette, dont les .
grains à leur dire eſtoient ſemblables à ceux du froument : Adam en prit vn eſpy
ayant ſept grains, trois deſquels il mangea; trois autres il donnaa Eue, & du ſept
ieſme qui eſtoit plus grand qu'vn aigneau, il en fit ſix cens parcelles, qu'ayant ſe
mées, en prouindrent toutes ſortes de grains & ſemences. ( Surce propos Rabi Moy
ſe Egyptien liure deuxieſme chapitre 3. de ſon M o R E , met qu'vn de leurs Docteurs a eſ
crit, que le Demon qui tenta Eue ſe nommoit ZAM A E L : auquelmot il y a certaineproprie
té latente, comme en NA H : Moyſe appelle ainſi le ſerpent, grandà paird'vn chameau, &
preſque de la façon : ſur lequel ſtoit monté Zamael: Tout ainſi que long temps apres quand
il voulut deſtourner Abraham de ſacriffer ſon fils Iſaac ſuiuant le commandement de Dieu:
lequel voyant venir le Diable ainſi monté & equippé ſur ce ſerpentin dromadaire pourſe
duire Eue, ne ſe peut engarder de rire : & le laiſſa faire pour voircomme ils luy voudroient
obeir. mais il ne s'adreſſa pts à Adam, craignant de le trouuer plus conſtant que ſa fem
me : qui ſuiuant la legiereté de ce ſexe ſe laiſſa ſéduire : & tout de ce pas s'en alla peruertir
ſon mary : dont vint depuis la grande inimitié entre la ſemence de la femme , & celle du
mauldit ſerpent : où il y a vne relation reciproque : & ſemblablement de la teſte qu'elle luy
º , doit briſer, auecle talon d'elle qu'il vaguettant. Toutes ces choſes met ce Rabi apres les autres,
les ayant bien voulu inſérer icy pour monſtrer les badineries des Talmudiſtes, ſîon les veut
prendre cruèment à la lettre, & non ſelon le ſens allegorique, où Mahomet a peſché la pluſpart
de ſes reſueries & impietez. " .
§ phelins, viſité les malades : & au ſurplus eſté ſoigneux de faire les AX&ala ou prie
-
res, cinq ou ſept fois le iour, aux heures determinees, auec les ablutions requi
ſes : qui n'auront vendu qu'à bon poids & loyalle meſure : payeront ſyncerement
& de bonnefoy les Alzaches, ou decimes au Prophete (luy aſſauoir) & à ſes mini
ſtres : pardonneront les vieilles offences & iniures à eux faictes, ſans en réſeruerran
cune quelconque, ny reſſouuenir de vengeance. Qui auront creu fermement au
Prophete,& combattu de bon courage pour le maintenement de ſa foy contre leurs
aduerſaires & meſcreans. Qui ſeront ſimples à croire, & non arrogans nycontuma
ces & refractaires, ou curieux de rechercher autre verité que la ſienne. Qui requie
renthumblement pardon à Dieu de leurs fautes,lequel eſt tout pitoiable & miſeri
cordieux : & fait croire & deſcroire comme il luyplaiſt ceux quibon luy ſemble, &
qu'ilapredeſtinez à ſalut : Auec infinies telles autres choſes,partie tirées de la loy de
nature, partie de la Iudaïque, & Chreſtienne : le bien touſiours entrelaſſé parmy
le mal pourſeruir d'amorce & apaſtaux impiete
-
gachées deſſoubs le maſque de ces
º -
« . - - • ,º - , 4 - :
engens de bicn,auroient merité les peines d'enfer dont ils ſortiront plus noirs qu'vn
charbon eſteint, mais apres qu'ils auronteſté laués en ceſte eau, de laquelle Maho Apocal.21.
- - - - • . .
met leur doit quant & quant donner à boire de ſa propre main, & leur faire vn ban- # à,
quet ſolennel,iamais ils ne ſentiront plus faim ne ſoif, commeil eſt dit au liure de la ## #
- - " . 0lf, 40 077 •
Zune, & en celuy des fleurs, & deuiendront lors blancs comme neige. Puis ſeront §
$
colloquez en Paradis au meſme ranc que les autres quin'ont point merité de peine, de N /2e4/3f.
Pºur
outre plus les vns & les autres ſeront reduits à vne meſme corpulence, ſemblable 4 Plus au 22.
scelle d'Adam,& leurface belle & reſplendiſſante comme le Soleil.Cecya quelqueaf Azoare4
Jinitéaueccequenoſtre eſcripturetient des deun Adams,& des deux loix,dont le terreſfrerepre
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f • . .
| ' - « - | . - ! - • - -
ſênte le corps,& leceleſte leſprit,par la face qui eſt la plus digne partie del'homme, & que tous
animaux redoubtent,pour le caractere de la Diuinitéqui y eſt empraint.
EN la 65.Azoareil conſtitue deux Paradis : qui cheminera (dit-il) en la crainte
de Dicuil obtiendra deux Paradis pour ſon heritage, tres-fertiles & accommodez
de toutes manieres de biens,& arrouſez de belles fontaines tres-pures, là où il yaura
de tous les fruicts qu'on ſçauroit deſirer. CE LA ſignifie, dient leurs commentateurs là
deſſus, la double beatitude que doibuent attendre ceux qui craindront Dieu, & obſerueront ſes
commandemens du corps aſſauoiren ce monde içy,ſuiuant ce que Moiſeprometaux enfansd'I
raëlen Deuteronome28.où il ne parle que de la felicitétemporelle, comme s'il vouloit reſeruerla
| ſºirituelle & permanente à la loy de grace. Ce qui monſtre que Mahomet s'eſt plus ſtudié qu'on
ne penſe à contrefaire le Iudaiſme, & Chriſtianiſme, vſant partout d'allegories & paraboles à
l'imitation des Rabins.Carau traiétéde la doctrine du Prophete ſont conſtitue (deux ſiecles de
beatitude,le preſent & l'aduenir, dont ne s'en peut point donnerde ſimilitude, parce que les
iours de ſa durée ne ſont foubmis à aucun nombre, ny les habitans d'iceluy à la mort, maladies,
Apocalypſ 2I. hngoiſſes, tribulations, ny autres accidents quelconques. Leſquels deux ſiecles ſont repreſentez
. parles deux citez de Ieruſalem, dont celle d'emba eſt appelée la ſainčte & henoiſte habitatio ,
parcequ'elle eſtſituée vis à vis de la Ieruſalem celeſte ce qui conuient auecle21.de l'Apocal pſe,
afin de manifeſter touſlours # en plus, & conuaincre ſa fiaude & deception.
L E s habitans au reſte de ſon imaginaire Paradis ſe pourront veſtir de toutes les
couleurs que bon leur ſemblerafors de noir reſerué pour luy ſeul afin de le pouuoir
diſcerner des autres. C E s T l'occaſion pourlaquelle les Turcs, & autres Mahometiſtes ne
- s'en habillent iamais gueres.Et àl'entrée dudit Paradison leur donnera à tous à gouſter
du foye de certain poiſſon dit Alheiit,d'vne ſaueur ſi delicate,que nul ſens humain ne
ſçauroit arriueràl'imaginer ne comprendre,& puis vſeront de tous les fruits, & des
breuuages à leurappetit,car ce foye là eſt ce qui leur donne la ſaueur. CE c Y eſt orgé
à l'imitation de ce qui ſt dit au Talmud, du grand poiſſon Leuiathan, du bœuf/auuage, & de
l'oiſeau. Quant aupoiſſon que Iobau3 & 4o.appelle Leuiathan,& le Pſeau.io Draghon,ſainit
Thomas l'interprete pourvne baleine à la lettre, & allegoriquementpourle diable,/uiuant Iſaie
au 27.Leuiathan ſerpentem tortuoſum : & cetum qui in marigſt. Que Iobauzo.appelle auſsidu
meſme nom de Leuiathan,comme le denote aſſeX ce qu'il dit,an extrahere poteris Leuiathan ha
mo,&c. Et là meſme ils'ſtendbien plus amplement ſurce Baeuf dit de luy Vehemoth dontilen
dit deſfranges choſes,& les Rabins encore plus, que c'ſt vn animal terreſtre de telle grandeur
qu'en vn iourilpaiſtroit les herbages de millemontaignes, & le lendemain ils y renaiſtroient
comme au precedent : outre plus qu'en la reſurrection generale Dieu le fera tuer pour en faire
vn banquetaux iuſtes paroù l'on peut voiraſſez clairementl'affinitédu Mahometiſme auecles
· traditions Iudaiques.Saincf Auguſtin au rſte au 2 de la citéde Dieu,ſurl'aſſertion de Rau Kat
- tina au Talmudique ſix mille ans doit durerle monde, chaſque iour de la creation denotant vn
Pſeau º º millierd'années, ſelon que met le Pſalmiſte, mille anni in conſpečfutuoſicutheſternadies que
· #§, preteriit, & mille autres demourront pourle grandSabbath & iourduSeigneur, n'eſtime pas
" " , quereſte opinion ſoit du tout à reietter,ains aucunement tollerable, ſi l'on vouloit interpreterles
delices & volupteKque les Rabins alleguent deuoirgſtre en ce dernieriourde mille ans, pour la
beatitude ſpirituelle que les bien-heureux peuuent perceuoirde la fruition de la gloire & pre
ſence de Dieu,& non pas pourvn boire & mangercharnel, hors non ſeulement les bornes de la
modeſtie,ains de toute veriſimilitude & creance.
MA1 s pource qu'il preuoyoit aſſez qu'on luy euſt peu aiſéement obiecter,que ſi
ces repas ſe debuoiententendre charnellement à la lettre. Que deuiendroient les
excremens & ſuperfluitez de ce boire & manger qu'il dit ſe debuoir conuertir en
vne odeur plus flagrante qu'ambre gris, ne muſc, ſes interpretes taſchent de ſauuer
ceſte abſurdité par vne ſimilitude des creatures eſtans au ventre de la mere, où non
- nobſtant qu'elles reçoiuentnourriſſement, ſine rendent elles pas pour cela aucune
egeſtion, ioinct que ce ne ſera point par neceſſité & beſoin de ſuſtentation qu'on re-.
ceura (dient-ils)en Paradis toutes ſortes d'aliments, horſmis ceux qui ſont prohi
bezenlaloy,ainstant ſeulement pourvn plaiſir & volupté,afin que le corps aye auſſi
ſa part de labeatitude , comme l'ame aura de la ſienne en la contemplation de la
gloire
-
les clefs,& en ira ouurir le Genetualcoduz le Paradis ſainct,qui eſt le ſixieſme pourpris
& cſtage des ſept, où ſeront lors introduits tous les eſleuz, quitrouuerontla nappe
miſe,auec des ſieges d'or & d'argenttoutautour de la table,d'vne ſeule piece de dia
mant,longue & large de ſept cens mille iournées,eſtans aſſis à banquetter viendront
ſoudain les pages ſuſdits pour les ſeruir,& apres auoir bien repeuà leur volonté, on
leur viendraapporter de tres-ſomptueux veſtemens, auec infinies bagues & ioyaux
ours'en parer.Cela fait,quand ils ſeront bien equippez, les pages leur apporteront
à chacun dans vne taſſe d'ortoute enrichie de pierrerie,vn gros poncyre,que le Muſ
ſulman n'aura pas pluſtoſt flairé qu'il n'en ſortevneieune pucelle d'vne trop exquiſe
beauté,ayant les yeuxgrands comme vn œufd'Auſtruche, qu'elle ne iettera iamais Azoare 54•
47.&
ſinon fur celuy à qui elle ſera deſtinée,& leviendra embraſſer,& luy elle : & ainſide
meureront en ceſt acte venerien cinquante ans,ſans ſe ſeparer ne diſioindre,prenans
enſemble tous les plaiſirs que la ſenſualité ſçauroit deſirer.Cela fait,chacun viendra
auec ſa bien-aimée compaigne,deuant le throſne du grand Dieu,quioſtera à ceſtin
ſtant le voile de deuant ſa face, dont ſortira vne ſigrande lumiere que tous tombe
ront en terre comme tranſis, mais il les en releuera foudain : & le verromt lors face à
face: puis ſ'enirontés autres cloſtures de Paradis,chacun accompaigné de ſa vierge,
& de ſes pagesauxpalais àeux ordonnez,où ils demourront à perpetuité en ioüiſſan
ce perpetuelle des plaiſirs & delices du lieu. QvANT aux femmes Mahometanes,
elles n'entreront pas en Paradis comme les hommes, ains demourront apartées en
vn lieu ſequeſtre,où elles ne ſentiront ne bien ne mal: & voila pourquoy icybaselles
n'entrent pointés moſquées & Mahomeries, choſe bien eſtrange comme ces miſe
rables creatures peuuent comporter de ſe voir priuées de l'eſperance de ſalut, dont
par touteslesloix de ce monde, voire meſme du paganiſme ce ſexe là n'eſt point ex
clus. Etcertesil faut bien qu'elles ſoient plus ſtupides que pierres, & les hommes
tres-iniques & cruels en leur endroit, ne pouuant bonnement comprendre pour
476 Illuſtrations ſur
quoy ny à quelle fin ce malheureux legiſlateurl'ait voulu eſtablir de la ſorte. .
O R encore qu'à la lettre il monſtre de s'eſtre voulu entierement arreſter à vne
beatitude charnelle & voluptueuſe, comme ayant affaire à des gens confits du tout
en la ſenſualité,& és delices corporelles : Quibus, comme dit Pline des pourceaux,
anima data espro/ile,neaumoins en la quatrieſme Azoareil ſemble qu'outre lesbiens
& plaiſirs charnels, il en vueille promcttre à ſes ſectateurs de plus excellés ſans com
paraiſon, ſoubs la couuerture & inuolution de certaines allegories & paraboles. Et
quantà la viande celeſtielle dontila eſté parlé cy-deſſus, qu'il taſche de peruertir &
adulterer deteſtablement en la ſacre-ſaincte Cene de noſtre Seigneur, voicy ce qu'il
en met en latreizieſme Azoare.Dieu demandant à des hommes reuºſtus de belles aulbes &
robbes blanches,s'ils ne croyoient pus en luy,& en ſon meſſager Mahomet, ouy, reſpondirent-ils,
mous y croyons voirement, & tu en es toy-meſme teſmoin,la deſſus ces gens là demandans à IE
sv s fils de MAR 1 E, ſi Dieu leur pouuoit impartir à tous lerepas celeſte ? A quoy I E s vs fit
reſponce, craigneXDieu ſîvous eſtes fideles. Et eux repliquans, nous en voulons certes man
gerpourla confirmation de nos caurs,aſîn queparnºſtre teſmoignage nous approuuions que vous
nous aurex dit verité. I E s vs va faire ainſ ſapriere : 0 Dieu donne nous s'ilteplaiſt la vian
deceleſte quinous ſoit en bonne Paſque, & miracle venant de toy, à tous les preſens, les paſſez,
& les autres qui viendrontcy-apres.Dieul'exauçant dit, Ie la leurbailleray devray, mais qui
conqued'icy en auant ſera incredule, ie le puniray de peines & demiſeres que iamais n'en ſera
de ſemblables. Ces paroles icy ont accouſtumé d'eſtre leuës par les AlfaquiX & Taliſ
mans à toutes ſortes de Mahometiſtes en leurgrand Bayran ou Paſques, quand ils ſe
reconcilient les vnsauxautres. -
NoN moins fabuleuſe & ridicule que ce que dcſſus eſt ſa deſcription de la fin du Azoare 49.
ſiecle,& du iugement vniuerſel, duquel quand l'heure approchera ordonnée en la
preſcience de Dieu,il commanderaàl'Ange de la mort daller tuer toutes les crea
tures animées, Anges, diables, hommes, beſtes, & puis le fera venir deuant ſoy,luy
diſant : O Adriel, ce qui ſonne autant que priuation de Dieu, y a-il plus aucune de
mes creatures envie ? A quoyil fera reſponce, non Seigneur, excepté moy ton pau
ure inutile & chetifminiſtre. Et Dieu luy dira derechef, puis donc que tuas priué
de vie toutes mes autres creatures, va t'en entre Paradis & enfer, & tc met là à mort
toy-meſme. Alors le miſerable ſe tranſportera au lieu deſigné, & ſ'eſtantenueloppé
de ſes eſles ſeiettera par terre d'vne grande furie, & ſeſtouffera auecvn enorme cry,
& gemiſſement tel, que ſi meſmes les intelligences celeſtes & toutes les autres crea
tures eſtoient encor viuantes,cela ſeul ſeroit ſuffiſant pour les faire mourir d'horreur
toutàl'hcure : A ce propos Rabi Simeon au Talmud, Sathan, c'gſt à dire le diable eſt la mau
uaiſe creature, & l'Ange de la mort, & au liure de Zora , Rabi Racanath ſurle quatrieſme de
Geneſe, In foribus peccatum, dit ainſi la preſence de Dieu ditte Atta ſurmontera l'Ange de la
mort, c'eſt à dire le diable.Ce qui conuient fort bien à ce que deſſus, qu'Adriel ſignifie priuation
de Dieu : laquellepreſence de Dieu denote ſa ſapience, & le verbe qui doibtſuppediter le Prin
ce du monde, ou la Sathanique puiſſance, autrement appellé le grand Roy, comme met Moyſé
Egyptien liu. troiſieſme chapitre vingt trois.Apropos des afflictions de Iob, & la mauuaiſê
creature,là où la bonne gſt dittel'homme pauure & ſage, tel comme a cſié I E svs-C H R 1s r .
en la chairhumaine, lequeleſt la ſapience de Dieu, le fils de l'homme, (ſainčf Matthieu 8.) n'a
bonnement où pouuoirrepoſer ſon chef C'eſt le vrayAnge auſſi de grand conſeil, en Iſaie 9.
Surquoy les Rabins ſur ce paſſage:Tu aimeras le Seigneurton Dieu de toutton cœur,& de toute
ta penſée, qu'ils expoſent, de tes deux creatures, deux Anges ſont conioinéts à toutes perſon
mes,l'vn à dextre, qui ſt le bon, & l'autre à ſeneſtre le mauuais, qui s'introduit en l'homme à
l'heure de ſa naiſſance, ſuiuant ce qui eſt eſcript en Geneſe fixieſme. Creatura cordis hominis
mala ab infantia ſua : mais la bonne creature ou bon Angene s'y retrouue qu'apres ſa complet
te cognoiſſance e3- perfection de l'entendement. Tout cecy met le meſme Moiſe Egyptien au
lieu allegué. - - • .
OR il vaut mieux inſerer icy tout d'vn train, le voyage que ce bon pelerin Ma
homet fit au cielenſonge, & conſequemment le colloque de luy, & d'vn Iuif, par
où ſe pourra aiſéement veoir le reſte de ſes impoſtures effrontées & impudentes,
dont tant de pauures ſimples ames ont eſté & ſonttous lesiours miſerablement con
duittes à perdition, eſtant choſe preſqu'incroiable comme vne creature pour ſi peu
qu'elle puiſſe eſtre doüée du diſcours de raiſon, ſoit ſiabeſtie que de ſe laiſſer tranſ
porterainſià de ſilourdes & brutales badineries, que lesbeſtes meſmes deteſteroiét.
De là puis apres nous viendrons à leurs myſteres & ceremonies, & en ſomme à tout
BB B
-
vIsIoN
|
l'Hiſtoire de Chalcondile. 47 9
-
##
| |
ueilla en ſurſault pour les grands coups qu'il oyoit frapper à ſa •
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•- orte , & ayant mis le nex à la feneſtre pour veoir qui c'eſtoit,
apperceut l'Ange Gabriel garny de ſeptantes paires de grandes eſles plus blanches i · · ·
-
" . !
que neige, & ſa face plus claire & resplendiſſante que criſtal, auec vne longue
perruque de rougeur plus que coralline, vesiu au reſte dvne belle aulbe enrichie
de perles c9 de gros diamants , ceinte &" retrouſſée en deux endroits , auec des ·
ceintures de fin or battu, larges dyn bon demy pied, toutes garnies de pierres i | |.
precieuſes d'vne ineſtimable valeur : & auoit d'autres moindres eſles encore aux
pieds, vertes & brillantes comme eſmeraulde : Lequel luy dit qu'il s'appareillaſt, | •
parce que Dieu luy vouloit communicquer la pluſpart de ſes plus ſecrettes mer | | | |
.
ueilles. Eſtant ſorty de ſa maiſon, il le voulut faire monter ſur vn animal qu'il
menoit en main par les reſnes, nommé Alborach, plus grand qu'vn aſne, & vn ## .
peu moindre qu'vn mullet, ayant face humaine, les yeux clairs à pair du Soleil, | -
les creins treſſez de gros vnions, le poitrail eſtoffé deſmerauldes, & la croup |
piere, & ſacquarelle d'eſcarboucles , & de ſapphirs, comme estoit la ſelle, en ···' !
• .
chaſſez en or cizellé, & eſmaillé de toutes ſortes de couleurs , mais il ne le vou
lut pas endurer, ains ſe retira à coſté , demandant à l'Ange comme il s'appelloit,
lequel fit reſponce,que c'eſtoit Mahomet le meilleur homme qui ſut oncques,e9 leplus - , •
aggreable à Dieu.L'Alborach repliqua qu'ilnemonteroitpoint ſur luy,quepremieril | -* •
ne luy promiſt le faire entreren Paradis : c9 Mahomet dit qu'il ſeroit ſans doubte } -
| •
ſelle, Gabriel luy tenant leſtrié: Puis ſe mirent à cheminer deſ grandealleure que -
|
chaſque pas s'allongeoit autant que ſe pourroit eſtendre la meilleure veuë dvn clair
voyant en quelque grande campagne raxe , non empeſchée d'aucun obſtacle, &°
ce tout le droiét de chemin de Ieruſalem, Gabriel le coſtoyant comme vn eſtafier à
main droicte : & là deſſus par les chemins ouyrent la voix comme d'vne femme
qui ºppelloit par ſon nom, à quoy il ne daigna reſpondre , ains paſſant outre | | .
s'ouyt derechef appeller d'vne autre voix encore plus claire & hautaine que la #
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le eſtoit, il fit responce que la premiere eſtoitlaloy Iudaique, vers laquelle s'ileuſttour
|
nél'ail, & luy euſttant ſoit peu preſté l'oreille, tout le monde ſe fut fait Iuif Laſe
: conde, la loy Chreſtienne, & que s'illuyeuſt parlé, tous fuſſent deuenus Chreſtiens.
-
Mais la troiſieſme eſtoit la ſienne, qui ſeroit remplie de tous biens plaiſirs & delices
: · en cemonde icy, & en l'autre. Et là deſſus deuiſans ainſi arriuerenten Ieruſalem au
| i ! |
temple de Salomon, là où ilmitpiedàterre, c9 apres que l'Angeeut lié l'Alborach à
| | - )7/2º groſſe pierre qui là aupres, ils entrerent dedans, où ils trouuerent tous les Pro
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** phetes quil'attendoient là de piedcoy,aſſemblez à ceſte fin comme à vne generale ſy
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node. Ils le receurent à fort grande ioye, & lemporterent entre leurs bras iuſques à
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la maiſtreſſe chappelle appellée Mihrab, le requerans de vouloir faire la Zala ou
| : priere pour tous, & les auoir puis apres pour recommandez enuers Dieu quand il
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ſeroit arriué deuant ſa face. Cela faiéiils ſe diſparurent, & il demeura ſeul à ſeul
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| | | |. | auec Gabriel, lequelluy monſtra lors vnelongue eſchelle quiatteignoit de laterre iuſ
, - - # ques au premier ciel, le piedd'icelle appuyé contre ceſte pierre noire ſuſditte où eſtoit
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|
•
attaché l'Alborach, Ses brancarsau reſte eſtoient de fin or, c9 le premier eſchellon
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deſmeraude, le ſecondde diamant, le troiſieſme deſaphir , le quatrieſme de iacyn
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the, le cinquieſmed'eſcarboucle, c9 ainſi du reſte, ſouſtenue des deux coſtez d'vne
• • ſ'. ..| ·
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• de & protection de chaſque peuple & prouince, mais pluſtoſt ſe deburoitentendre
|
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Adam, & delà dcpuis Abraham iuſques à la vierge ſa mere. Ce que Dieu eſtoit
l appuyé ſuricelle, monſtre que la Deité eſtoitvnie à la chair en vn ſeul ſuppoſt Dieu
-
|
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homme, ou homme Dieu. A ce meſme proposauThalmud encore il eſt dit ſur
: •. I
l'allegorie de Rabi Tahunna, touchant le nombre quaternaire qui eſt admirable,
- 1 -
qu'ilyauoit quatre eſchellons en la ſuſditte eſchelle de Iacob plantée ſur la terre,
! · qui denotoient les quatre ordres d'Anges, les autres interpretes en mettent ſept,
1 ! -
mais tous conuiennent qu'il n'yauoitquc quatre Anges preciſément, & non-plus,
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ny moins auſſi, deux aſſauoir qui deſcendoient,& deux qui montoient, de maniere
à -
: º .
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qu'ils ſe vindrentrencontrer en vn eſchellon, dont la largeur contient toute l'eſten
i . ! due du monde, & de fait la largeur d'vn Ange eſt miſe és viſions prophetiques pour
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,º ' ,- - | latierce partie de l'vniuers, à propos de ceſte grandeur d'Anges dont il eſt icyque
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ſtion, comme met Rabi Moïſe Egyptien en ſon aggregation du Thalmud, #º 7.
· · · • ! | & II.chap. du ſecondliure de ſon moré.
• , | | || Sv1T apres au liure d'Azearintermis, cet Ange qui vint audeuant de Maho
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leans ayant continué le feu, blanccomme neige: Puis noir, obſcur, enfumé apres au
tres ſeptantemilleans.Etdequoyſontcompoſezles Diables qui tourmententlesames
damnées ?adiouſta Mahomet encore; de feucaligineux & eſpoix (reſponditl'Ange)
duquelils viuent, & ſans luyne ſçauroientconſiſtervn petit moment, nomplus que
le poiſſon ſans eau. Que Dieu les auoit au reſte faits ſourds & muets,afin qu'ils ne
peuſſen touyr les clameurs trop eſpouuentables, & cris hideux des pauures ames qu'ils
tourmentent à grands coups de maillets de fer embraſez, & les deſchirent auec de
longs crocqs & hauets de meſme, & n'en euſſent pitiè. DE LA eſtans montez plus . . •
| #
"
:
haut ils arriuerent au premier ciel fait de fin argent de couppelle, dont leſpoiſſeur # a -
•º -
eſtoitautantqu'vn bon lacquais pourroit aller en cinq cens ans : & tel eſtoit leſpace
dece premier ciel iuſques au ſecond. Soudain que Gabriel eut heurté à la porte elle
leur fut ouuerte, où ils trouuerent à l'entrée vn vieillard merueilleuſement aagé c9
:
chenu, aſſauoirAdam, qui vint embraſſer Mahomet, remerciant ſon Createurde
cequ'illuyeuſt donné vn tel fils, & lepriadele vouloir auoirrecommandéenuersluy.
Vn peu plus outre ils rencontrerent vn Ange de telle longueur qu'elle pouuoit bien
contenirmilleans de chemin, accompaignéd'vnetres-grande multitude d'autres An
ges, les vns de face humaine, les autres de cheuaux, d'oiſeaux, & de baufs; ceux-cy
en nombre de ſeptante mille, ayans chacun ſeptantemille teſtes, chaqueteſte ſeptan
temille cornes, chaque corne ſeptante mille nœuds, dont l'interualle del'vn àl'autre
contenoitquarante années de chemin. Et de tous generalement chaqueteſte auoit ſe /
ptantemille faces, chaquefaceſeptantemille bouches, chaque bouche ſeptante mille
(#. langues, qui parloient chacunemille langages, eſquels ils loüoient Dieu ſeptantemille
BBB iij - -
-
#
| /
· exemplaire de celuy là, & loiient Dieu en leur langage, qui ſignifie; Vous toutes
: ' - c # creatures qui eſtes obeïſſantes à Dieu, eſleuez vos cœurs à chanter ſes di
coqs dient en
•. - § uines loüanges. Le ſemblable font ceux qui ſont én dautres figures, chacun en
, # a - droit ſoy, & en ſon langage. Cecybat ſurce lieu du 15o. Pſeaume O MN 1 s s p 1
-
| -
- LeC II. ciel
1 l, C1Cl,
GA B R I E L doncques & Mahomet montans touſîours arriuerent auſecond
- • |) - - - -
ciel tout faitd'or bruny, là ou ſi toſt que le portier ſeut qui ils eſtoient, les portes
leurs furent ouuertes, qui auoient le nom de Dieu engraué aucc celuy de ſon Pro
|
|
phete, comme deſſus : LA HILAHE HILL A LA, M E HEM ET REs vL
2 - - -
uoient bien auant en la terre, & la teſte au huiétieſme ciel. Il y a en auoit enco
revn autre fort eſmerueillable, compoſé en partie de feu, & partie de neige; priant
- Dieu ſans intermiſsion , que tout ainſi qu'il auoit conioint amiablement ces deux
- - ſubſfance ſi contraires & differentes, il luy pleuſt de meſme vnir les cœurs de tous
- les peuples delaterre à luy obeir, & le reuerer d'vn accord. CE cx bat ſur ce
que Rabi Eliezer met en ſes chapitres, que les cicux furent creez de la lumiere
• ſi , | du veſtement de Dieu , & la terre de la neige eſtant deſſoubs le throne de ſa gloi
1 - ; re : comme ſ'il vouloit denoter par là, ſelon qu'il eſt allegué au 27. chapit. du 2.
liure du Mo R E de Moyſe Egyptien, qu'il ya deux matiercs,aſſauoir la ſuperieu
re, dont les cieux ont eſté formez, qui eſt ignée & lumineuſe, de nature de feu &
d'air, mais trop plus purs que les Elemens d'audeſſoubs. Et l'inferieure, donta eſté
compoſée la terre, froidde & eſpoiſſe comme eſt la neige, qui conſiſte d'eau, §
- C
|!
".
( -
-:
l'Hiſtoire de Chalcondile. 483 ,
de limon meſlé parmy, ſelon qu'on le peut aiſémentapperceuoir en ſa ſeparation
par le feu. Eſquelles deux parties Moyſe a diſtingué tout l'vniuers; au commen
cement (dit-il) Dieu crea le ciel & la terre. Et à l'entrée du 2. chapitre, les cieux
& la terre furent parfaicts, & tous les ornemens d'iceux. mais cela pourroit bien
auſſi denoter le double Adam, terreſtre, & celeſte; & les deux natures conioin
ctes au M E ss 1 HE, diuine, & humaine; toutes deux pures ncaumoins comme eſt
le feu en ſa ſubſtance, & la neige en ſa parfaicte blancheur; Ce que les Mahometi* :-
ſtes meſimes ſont par fois contraincts d'aduoüer. à
EsT A Ns arriuez au troiſieſme ciel qui eſtoit de criſtal, desboiſſeur & di-11 I. Cic.
ſtance pareille que les deux autres, les portes leur furent defermées par vn Ange de
- - - ò
telle grandeur, que ſi tout le monde, & ce qu'il contient euſſent eſté mis dedans la
paulme de ſa main, il l'euſt peu aisément clorre; accompaigné au reſte d'infinis au
tres anges grands extrémement, ayans la face comme vne vache, & ſi ſerrez les
vnsaux autres, qu'on n'euſt ſceu ietter vn eſtœuf à trauers, Parmy eux eſtoit aſſis
Abraham, qui luy fit le meſme accueil & requiſition que les precedens.
L E IIII. Cieleſtoit tout de fine eſmeraude, ayant pour portier vn autre ange ſi I II I. cici
grand qu'au creux de ſa main droiéte euſſent peu tenir toutes les eaux douces du
monde , eg de la gauche toutes les mers ; lequel pleuroit à dhaudes larmes les pe
chez des hommes , comme le ſçeut Mahomet de ſon conducteur, meſmement de
ceux qui pour leurs demerites eſtoient condamnez aux Enfers. Il eſtoit au reſteaſ -'
| |
ſiſté de ſeptante mille anges ayans la teſte & le becq comme vn aigle; chacun d'i
ceux garnix de ſeptante paires deſles; & à chacune ſeptante mille pennes, longue
chacune de ſeptante mille couldées. Au milieu d'iceux én vne chaire claire au poſSi
ble & reſplendiſſante eſtoit aſſis Ioſeph fils du Patriarche Iacob, qui le receut de
la meſme allegreſſe qu'auoientfaict les autres. Pov Rsv Iv A N s leur routeils
paruindrent aucinquieſme Ciel, faict de rubis, & de la meſme eſpoiſſeur que les v. ciel
quatre precedens, où la porte leur fut ouuerte parvn ange embraſé & ardentcom
me feu, ayant ſept mille bras ; & à chacun diceux ſept mille mains; & à chaque
main ſept mille doigts, qu'il eſleuoit ſept mille fois tous les iours à la mode que font # --
les Mahometiſtes pour louèr Dieu leur Createur. Auec luy y auoit plus d'anges
encore, & plusgrands aſſez que les deſſuſdits, la teſte & le becq ſemblables à ceux
d'vn vaultour: & aumilieu le Prophete Moyſe aſſis en vn beau ſiege clair relui
ſant,lequel auſſi toſt qu'il vit Mahomet, il le vint ſaluer à grands careſſes,lad
uertiſſant comme Dieu auoit reſolu de charger ſon peuple de beaucoup d'abſtinen --
ces & ieuſnes auſteres, parquoy il le deuoit requerir que ſon plaiſir fuſtdelesmo -
vn Roy couronné d'vn beau diadéme, & aſſis dedans vne riche chaire de parement, Le Pſeaultie,
- -
:
auec vn tres-precieux liure eſtendu tout ouuert deſſus vn poulpitre où ils chantoient --
lesloüanges du ſouuerain. Ce Roy là,aſſauoir Dauid, car ceſtoit luy, n'eut pas plu --
ſtoſt deſcouuert Mahomet comme il entroit auec l'Ange, qu'il courut audeuant de
luy pour le feſtoyer, luy diſant; Bien veigne le plus excellent de tous les mortels,
le preud'homme tant cheryde Dieu, & le dernier de ſes Prophetes; certes tres deſiré :
484 Illuſtrations ſur
& loyal miniſtre de ſa parole, bien heureux ſontceux quiviuent pour leiourd'huy
, au ſiecle d'embas; vueillez donc auoir pour recommandé ce peuple rebours e9 con
tumace, dont i'ay eu autresfois la charge , c9 l'adreſſer en la droiéte voye de verité:
car c'eſt à vous que ceſte graceeſtreſeruée.Apresquelques autres menus deuis, ayant
VI I. Ciel.
pris congé l'vn del'autre, Gabriele9 luy paſſerent outreau ſeptieſme Ciel faict de
iacynthe, qui leur fut ouuert par vn Angeaſsiſté d'autres infinis ſes conſemblables,
aumilieu detoute laquellecaterueeſtoient Enoch & Elie aſſu ſurvn bancq de por
phyre, viuans encore la viemortelle, & attendans l'heure préordonnée pour ſe faire
venir icy bas maſſacrer de la main ducruelcº impie enfant de perdition, quiſe vou
dra approprierl'honneur & gloire deuëautres-haut. LE vR s congratulations &
V III. Ciel.
bienvenuës parfournies depart & d'autre, Mahometauecſaguidepaſſerêt auhuici
ieſme Ciel fait deſaphir, & aornéd'infinies eſtoilles attachées à des chaiſnes, dontla
plus grande ſelon quillapeutmeſurerdelail, n'excedoitpointlemontde Nghopres
Almedine,à l'entréeſepreſentavn Angedautreforme que les precedens, & ſigrand
Au liure des -
fletits, & en
au reſte qu'il euſt auallé tout le globe de laterre & des mers auſSi aisément que feroit
la Zune.
quelque Geant enorme vn poix chiche; auec infinis autres de meſme. Là il trouua
S. lean Baptiſte veſtu encore deſa pelliſſe de chameau qu'il ſouloitporter au deſert,le
quel luyſaccouttatout basieneſçay quoyenl'oreille. Pv Is ſe departirent, & arri
I X. Ciel.
uerent au neufieſme Cieltout d'vne ſeulepiece de diamant, & de meſme eſpoiſſeur que
, · -,
-•
meureraſſourdis de leurproprevoix.Aumilieud'eux tous eſtoitaſis IEsvs-CHRIST,
en vn riche throne touteſtoffé depierreries, deuât lequelſhumilia Mahomet,& ſere
commanda à # ilcommença à monterparpluſieurs eſtages & ſeparatiôs luy
Lermament tout ſeul,parce que Gabrieln'oſa allerplus auant : lesſeptantepremiers deſquels eſta
ges eſtoienttous deperles : les autresd'audeſſus enpareilnombre d'eauglacée: Puis au
tresſeptantedeneige:7o. degreſle, & autantpar apres denuages : Puis 7o autres
detenebres, & 7o.defeu,ſeptante de clarté, & autant de gloire : Tous ces eſpaces
rempliesd'infinies intelligences quiloiioientle ſainétnom de Dieuſans intermiſſion,ſt
que Mahometauantque de paruenirau dernier ſe trouuaſ las & recreu qu'il ne
pouuoit
l'HiſtoiredeGhalcondile. 485
pouuoit plus allerauant deſormais ; 9uandil vaentroiiirvnevoix commed'vneſloi.
gnétonnerrequipartroitfºisluyditainſi,èmonbien aimécºloial Ahmat appro-A. #
#etoy, & ſaluéton Createur ce quiluy fit prendrecourage, tant qu'ilſapprocha à
deuxtraiſ#dare du throne de Dieu,oupeu moins, mais il en ſortit vne telle lumiere
que«laleblouiſſoit tout nonobſtant que Dieueuſtſptantemille voiles ſur ſa face, -
dontlaclartéles penetroit tous, inſupportableàtoutesſortes decreatures.Alors (com:
meildi) Dieueſtendit la main ſurſonombre, & # , qu'il
cuida tranſir & geller S'eſtantproſterné pourl'adorer, Dieule ſaluaamiablement,
comme le plus fauorit de tous ſes Prºphetes & meſſagers; & lenquit comment ſe
| comportoit ſon peupleſ A quoy il fit reſponſe, Que bien la ſienne merci.Là deſ
ſus il luy enioignit de le# par ſoixante iours tous les ans; & faire des
prieres & oraiſons quarantefois chacun iour; mais il fit en ſorte ſuiuant ladmo
· neſtement de Moyſe, que ces ſoixante iours de ieuſne furent ramoderex à trente;
& les prieres à cinq le iour & la nuict Dieu outre cela luy fit tout plein dau
tres graces particulieres pour luy tout ſeul, qui oncques deuant ny apres nè furent , J°
octroiées à pas vn mortel; & par eſpecial cinq préeminences ſur tous les hommes:
la premiere, qu'il fuſt la plus eſleuée creature qui oncques euſt eſté creée nyen later
re,ny au ciel: laſeconde,leplus honoré de tous les fils d'Adam quandceviendroit au
iour du Iugement : latroiſieſme, tenu pourle Redempteur general,ſi qu'il ſ'appellaſt
|
ALM E HI, celui qui oſte les pechex : la quatrieſme, qu'il ſgeuſt toutes manieres de · : -
langages : & lacinquieſme, qu'à luy ſeul fuſſent concedées les deſpouilles & buttins Deſcriptiondti
delaguerre. Av RE GAR D du throne de Dieu,ſelon qu'ileut le moien de le voir& throne diuin.
conſiderer, qu'il eſtoit composé des quatres elemens; Plus du ſiecle paſſé, du preſent, -
|
c du futur: duciel, & de laterre auſſi, du Paradis, & del'Enfer: aſſis aureſte ſur
quatrepieds, chacun ſeptante millefou plus longeº haut eſleué qu'iln'ya de diſtance : •- º :
• - |
delaterreiuſques au dernier ciel, le tout chargéſur les eſpaulles dequatre Anges qui le Pris d'Ezech :
ſouſtenoient, chacun d'iceux ayant quatre faces; l'vne d'homme, l'autre d'aigle,la
tierce de lion, c9 la quarte de bœuf, & leurs corps totallement remplis & couuerts # #
: • , . '
d'yeux.Celle d'hommeprioitpour les hommes daigle,pourtoutes manieres d'oiſeaux,
delion,pour les beſtesſauuages; & de bœuf, pour lespriuées c37" domeſtiques. T ov :
·
TEs ces choſes parluyveués, Dieu lelicentia; & il ſ'en reuint par le meſme chemin
qu'ileſtoit venu iuſques là ou lange Gabriel luyauoitfaulsé compagnie,aſſauoirvers | | | |
le throne de I Esvs CHR I sT; lequelalors luy mit vnliure entreles mains fermé
à quatrecadenats d'orpur, dont il luy donnales clefs de lameſme eſtoffe, luy diſant; -
|
Tien, regarde à moy, ô dernier enuoiéde Dieu pourradreſſerſes creatures à laco | | | º *
clefpour l'ouurir, Puis redeuallerent encore iuſques à Adam , là où Gabriel luy dit -
qu'il auoit charge de ſon Createur de luy faire voir tout d'vn train le Paradu, &
l'Enfer, qu'il trouua conformes à la deſcription que vous en auex peu veoir cy
deſſus, # parmi les autres particularitez de l'Enfer, il y en a deux ou trois
fort plaiſantes; qu'il ytrouuapluſieurs perſonnes aſſiſes à table, hommes & femmes,
CCC
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| | - 486 | Illuſtrations ſur
: | où les Diables leur ſeruoient debonnes viandes & ſauoureuſes, entremeſlées de cer
t| || | - tainsmets tropdeteſtables & fetides,neaumoins ils laiſſoientcelles dubon gouſt pour
| |
- ſeteniràces ordes & ſalles. Mahometayant demandé à l'Ange que cela vouloitdi
| | || || re il luyfitreſponſe,queceſtoient les gens mariez, quine ſe contentans de leursfem
| | ||| mes,nyelles encaspareildeleurs maris, couroientapres des adulteres de moindreeſti.
· · · me. L'autre, que les Diables ne ceſſoientde verſer du plombfonduen la gorge deiene
| - - ſçai quels miſerables, qui venoit ſoudain à percerleurs boiaux,puis ſe refermoient;
| | || · creſtoitcetourment ſans relaſche, & touſiours à recommencer,ainſî quele rocher
| | | • de Siſyphe, & la roüe d'Ixion dans les fables Grecques. mais toutes ces fadezesſe
| - roienttrop longues à parcourir;aumoyen dequoypourymettrefin, Gabriel apresla
· uoirreconduiten # illefitremonterdeſſusl'Albºch, & leramenalameſme
| | | | nuictauantquelaulbe duiour apparuſt, iuſques en Almedine, où iltrouua ſa tres
- chere & bien aimée compaigne Axa qui dormoit encore, à laquelleil communiqua
- l tout ce que deſſus, dontpluſieursſe ſcandaliſerentletenansàfable & menſonge, mais
- - - - J> • | •
, º ' il trouua moien de le faire croire, par quelques vers qu il inſera dans ſon Alcho
' ! | V4/3,
- 1, - -
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l'Hiſtoire
b
de Chalcondile.
tres; lequelles ayans rencontrez à laporte les ſalua, en leur diſant ;ſalut à toy ô Ab
| dias fils de Salon; & nomma encore tout le reſte parordre : dequoyſeſtans eſmerueil
lexluydemanderent qui luyauoitainſi reuelé leurs noms; ny d'où ilauoit ſçeu qu'ils
deuoient venir#ilfit responce que c'eſtoit Mahomet ſon oncle qui luy auoit ainſi or
donné.Et là deſſus deuiſans entr'eux, tous esbais de ceſte choſe, ils entrercnt où eſtoit -
point de voiel- - -
indignation. ET comment cela ? PAR-
Aºbº n'ºnt tié c9 miſericerde preuient ſon courroux & .
† CE qu'Adamſîtoſt qu'il eut eſté creé,ſe leuant debout eſternua, & dit loiiéſoit Dieu,
He- ) - - - - - - -
§. ce qu entendu par les eAnges ils ſe prirent à dire; & la miſericorde de Dieu ſoit ſur
† toy ô Adam : à quoyilreſpondit, ainſiſoit-il. Surquoy le Seigneur repliqua;
tre prennie : ---» iax •
I'ayoui -
† vos propos qui m'ont pleu. TovT cela va de ceſte ſorte, fait A dias : Pourſuy
phabet, iºs doncques , & racompte moy ſ'il te plaiſt qui furent ces quatre manieres de cho
· ſes que Dieu fit de ſes propres mains : DIE v auecſes propres mains, reſpond AM4
homet, edifia le haut & plus grand Paradis : planta l'arbre de latrompette : forma
cAdam : & eſcrit les tables qu'il donna à Moyſe , Rabi Rambam à ce propos
au premier liure de ſon Moré, ch.65.l'Eſcriture dit, les tables de Moyſe ſontl'ou
urage du Seigneur Dieu; & leur eſſence eſt naturelle; cartoutes les oeuures de na
ture ſontappellées les œuures du Seigneur. Et de fait quand Dauid eut fait men
tion des Plantes, desanimaux, vents, pluyes, & autres choſes naturelles, il adiouſte;
rſeaume lo,. ô combien ſont magnifiques tes œuures Seigneur : & là meſme encore, les cedres
du mont Liban que tapropre dextre à planté.Pareillementl'eſcriture dit que lesta
Exode 24.34. bles eſcrites du doigt de Dieu, aſſauoir auec lapremiere volonté d'iceluy, & non
Deu , i, auec aucun inſtrument, tout ainſi que les eſtoilles : Dont nos Sages ont dit, que
l'eſcriture de ces tables fut vne de ces dix choſes qui furent créez en l'ouuragede .
Bereſit.
ET quieſt-ce quit'a reuelétout cecy ?pourſuiuit Abdias.L'ANGE Gabriel, reſpon
dit. Dymoyauſurplus,ieteprie, & par ordre,que ceſtqu'vn,puis, deux, trois, qua
tre, V. VI. VII. VIII. IX. X. & ainſi derangen rangiuſqu'à cent. MA
HoMET reſpondit, Vn c'eſt Dieu, lequeln'aaucun compagnon,nyenfant, &)enla
main d'iceluyeſt la vie & lamort; & eſtpuiſſantſur toutes choſes. Deux, Adam &
Eue, & eſtoitceſtepaireen Paradisauant qu'ils en enfuſſent chaſſex.Trou, Gabriel,
-
Michel,e9-Serafiel, Archanges ſecretaires de la Déité. IV. laloy de Moyſe ; le
Pſeaumes de Dauid, l'Euangile, & l'Alfurcan. Cinq, ſont les oraiſons & prieresà
I'Hiſtoire de Calchondile. 489
Dieu,quimefurent enioinéies deluy,& àmö peuple,non encore ordônées à aucun des
ProphetespaſſeK,ny neſerontparcyapres à l'aduenir.Six,les iours eſquels Dieu ache
uatous ſes ouurages. Sept,les cieux,carileſ dit en l'Alchoran, Ilaeſfablyles ſept
cieux. Huiéi ſont les Anges qui auiourdu iugement porteront le throſne de Dieu.
Neuf, les miraclesde Moiſe. Dix, les iours duieuſne, dont il y en atrois pour l'al -
lerdu pelerinage, & ſeptauretour. Onze, les eſtoilles que Ioſeph viden ſonge qui -#
l'adoroient. Douze,les mois del'an. Treize, onxe principales eſtoilles auecleSoleil, * |
& la Lune. Quatorze,les chandelles pendues autour du throſne de Dieu, longues - - s-
-
ſont les legions des Cherubins qui font lagarde autour du throſne de Dieu, loüans le
i -
nom de leur Seigneur.Dixſept, les noms de Dieumis entre le bas de laterre, cº len i - -
fer, ſans leſquelsl'exceſiue inflammation & ardeurquien ſort, conſommeroit tout : | !"
-!. -
, :*
lemonde. Dix-huict les interualles & espaces d'entre le throſne de Dieu, cºlair, -
|
MARIE,l'oraiſon de Dieu ſoit ſur luy.Levingt-quatrieſme, Dieuparlaà Moi
ſe Levingt-cinquieſme,lamers'ouurit deuant le peupled'Iſraël Levingtſixieſme, -
· |
- **
Dieuluy donnales tables du decalogue. Le vingt-ſeptieſme, labaleine engloutit Ionas -
Iudas luyapportalachemiſe de ſon fils Ioſeph. Le vingt neufieſme Dieu rauit à ſoy : | !
vint interrompre en luy diſant, abbregevn peu ô Mahomet, & te depeſche, car tu
pourſuis trop particulierementtoutes choſes. IE le feray, dit-il, mais pour ne laiſſer ' ! |
tarequiſition imparfaiéte. Quarante furent les iours que ieuſna Moiſe. Cinquante,
denotent que le iourduiugement durera cinquante mille ans. Soixante, ſont les di |
i
perſonnes pourles diſcernerlyne de l'autre. Septante perſonnages choiſit Moiſepour Nºººº -* • 1
Nonante, parce que l'Ange qui futenuoyé à Dauidluyditainſi,nonante brebisauoit Azoareſs " ,n
cemien compagnon, & moy vne ſeule qu'ilmerauit. Cent, ſont les coups que doibt 2.desRoys Iº -
ſouffrir celuy qui ſera trouué en adultere. ALoRs Abdias, en verité ô bon Maho -
mettout cela va de la propre ſorte que tule dis, pourſuis donc s'ilte plaiſt le reſte, cy |
expoſenous comme ceſtque fut faicfe la terre, & lesmontaignes,quels noms elles eu -
rent, & quand ce fut. IL FAIT reſponce, Dieu formacAdam du limon, & ce -
- : l'
· · ·,
,
:
| ||
| |
4-9 O Illuſtrations ſur
la penſée delaiacynthe, & laiacynthe du commandement. IL N'Y A aucune dou
te en cela, fai .Abdias, mais dy moycombien d'Anges aſſiſtent aux hommes ?IL reſ
|
º 4
,
pond, chaſque perſonne eſtinceſſammentcoſtoyée de deux Anges,l'vn à dextre,lautre
| | | à ſeneſtre : celuyqut eſt à la main droitte eſcrit tout le bien qu'on fait, & l'autre de la
gauche le mal. ET o v aſſiſtent ils ainſiàl'hommenycomment, & en quoy eſt-ce
qu'ils eſcriuent : ILs ſontaſſis, reſpond il,ſur ſes eſpaules, oùleur langueleur ſert de
plume, leurſaliue d'anchre, & leur cœur de papier. Tov T cecy eſt encore vray,
mais pourſuis encore de grace, qu'eſt ce que Dieu fit puis apres. LA Charte c9 la
plume, QvELLE carthe, & quelle plume : VNE carthe certes, où eſt enregiſtré
tout ce qui fut, eſt, & ſera,tant en la terre commeau ciel , la plume eſt faite de lu
mieretreſ-slaire Qv ELLE eſt la grandeur deceſte plume : ELLE tient de long le
chemin de cinqcens iournées,cº quatre vingts de largeur, & a quatre vingts becs,qui
neceſſerontiamais d'eſcrire tout ce qui ſe fait au monde iuſques au iourdu iugement,
car il eſt dit enl'Alchoran, Nun vvacalam vuame aſturum.ET la carthedequoy
eſt-elle ?D'v NE belleeſmerauldetres-verte, les mots y inſerez de perles, c9 le dos
-
eſt de pieté ET combien de fois regarde Dieu enceſte carthetant leiourque lanui(f.
Hvi CT vingts fois, à chacune deſquelles ileſleue & aduance celuyquebon luyſem.
ble, & rabaiſſe qui illuy plaiſt: carileſtainſîeſcritenl'Alchoran. Il n'eſtiour que
Dieu n'accompliſſe ſa volonté CE RTE s en tout cecy iln'y arien que de veri
table.Ordeclaremoy pourquoyle cieleſtappellé ciel# PovR cE, dit-il, qu'ilaeſté
crée de fumée, & la fumée del'exhalation de lamer, carl'Alchoran met en la ſorte,
Vualmeam vuegeheu. ET dont vient qu'il ſt ainſi verd ? D v M o NT Kaf,
qui eſt tout fait deſmeraudes de Paradis, laquelle montaigne quienuironne toute la
terre ſouſtientleciel, ſuiuantce que dit l'Alchoran, KafVvalcoran elmegid. LE
C I E L d doncques desportes : O v Y,mais pendantes. ET les portes des clef ? DE
vray,qui ſont gardées au cabinet de Dieu. ET ces portes dequoy ſont-elles ? D'oR
fin, les ſerrures de lumiere, & les clefs de pieté. SANs doubte, mais ce ciel noſtre
que nous voyons dequoy a-ileſté crée! LE PREMIE R d'eauverte, le ſeconddeau
claire,le troiſieſme deſmeraude, lequatrieſme d'or pur, lecinquieſme de iacynthe, le
ſixieſmed'vne nuée reluiſante, & le ſeptieſme de la ſplendeur du feu. CE LA me
peut estre ſinon veritable, fait Abdias : Mais qu'y a-ilau deſſus deces ſept cieux!
VNE merviuifiée. ET quoy plus, VNE autremernebuleuſe. PovRsv 1s de
grace par ordre iuſques # Av deſſus de ces deux vient en apres vne mer aérée,
•
Puis vnepierreuſe : vne obſcurcie de tenebres vne autre de reſioiiiſſance eºſoulas : &
· au deſſus eſt la lune: deſſus la lune le Soleil : par deſſus le Soleil eſtle nom de Dieu, &
conſequemment laſupplication,& plus haut encorel'Ange Gabriel. Au deſſus deluy
· · · vn grand parchemin raz & paré: puis vn autre remplydeſcriture,& au deſſus ſºp.
' tante interualles & rengées de lumiere : Au deſſus ſeptante mille vertus de ces inter
ualles:puis ſeptante mille interualles demontaignes , & ſur iceux mille eſpaces : En
chaſque eſpace ſeptantemille trouppes & legions d'Anges, en chacune deſquellesyen
acinq mille, quineceſſent de louèr le grand Seigneur de l'vniuers, & au deſſus ad
detalmuncihe,c'eſt à dire la borne de la dignité Angelique.Puis au deſſus eſtplanté
leſtendard de gloire : puis des interualles & diſtances de perles : puis dautres inter
ualles de grace,c9 puis des interualles de puiſſance : En apres les interualles de la diui
| _ T) · nité,
-
-
l'Hiſtoire de Chalcondile. 4 9I
nité: & plus haut des interualles de la diſpenſation & gouuernement : & plus haut
lemarche pied : & au deſſusd'iceluyle throſneſurlequel eſt aſſis le Seigneur de lv
niuers. C ERT Es tu m'asmerueilleuſement bien deduit toutes ces choſes,comme elles
ſont ſans aucune doubte:ilnereſte plus ſinon deme dire ſile Soleil, & la Lune ſont
fideles ou meſcreans. FI DE LEs devray, & obeiſſans à tous les commandemens de
Dieu. ET dont vient doncques qu'ils neluiſent pas eſgallement , D1E v à la vèrité,
reſpond il, les creatous deux dvne meſme ſplendeur & vertu, mais iladuintqu'e
ſtanrencore intertaine la viciſe deduioure9 de lanuiét, Gabriel volletant par là
dauanture, touchala Lune du boutdel'eſle, dontelle deuint depuis obſcurcie,carileſt
dit en l'Alchoran, I'ay commis à la charge du iour & la nuictles deux lumi
naires,donti'ay eſteint celuy de la nuict,& allumé celuy duiour. Erpour
quoy, replique Abdias,eſt donclanuictappelleelanuiét ? PAR cE que la nuiét eſt
le voile quicouure le maſle & la femelle : & de faict l'Alchoran met en ceſte ſorte:
I'aymislanuict pourleveſtement, & le iourle prochas de la vie. TELLE
' eſt auſſi la verité,dit Abdias.Mais au reſte dis-moys'ilte plaiſt, combien ilyaderen- .
gées & ordres deſtoilles ?TRoIs: le premier,decelles quipendent du ſiege de Dieu,
attachées à des chaiſnes d'or,d'où elles eſtendent leur lumiereiuſqu'au ſeptieſmethrone.
Le ſecondeſt des autres dont le cieleſtembelly & orné, & quandles diables cuident
venir poure,pier les ſecrets celeſtes, elles ſemettent au deuant, & leur donnent bra Azoiie, 47.77
nement la chaſſe, carileſtainſîeſcrit en l'Alchoran, Nous auons paré le cielauec† .
les eſtoilles, & icelles plantées au deuant des diables. Letroiſieſmeeſt des pla ººº
nettes pour la diſtinéhon des temps, & des ſignes, & preſages. CE LA eſt encore
vray,dit Abdias, & ne ſe peut faire autrement : mais dis moy, ſi Dieu te gard de
desfortune, combien ya-ildemers entrenous & le ciel , SE PT, reſpond il, Er
combien devents?TR o1s : le premier eſt ſterile, que Dieu enuoya ſur le peuple
d'Abat: le ſecondnoir, lequelenfle & eſleuelamer, & cºſtui-ey rengregera le feu
auiourduiugement, le troiſieſmeeftceluyqui ſert à laterre, & àlamer. Tv As
raiſon.Au ſurplus combien ya-ild'interualles depuis le eieliuſques à nous ?VN tant
ſeulement,ſans lequell'ardeurceleſtebruſleroit icybastoutes choſes. CE cY eſt en
tore ſans doubte.Mais ſîlaterre eftoit osiée où ſelogeroit le Soleil. EN vne fontai
ne deauchaude, & la fontaine en vnecouleuure, la couleuure en vn interualle, e9
tinterualleaumont de Kaf, lequel eſt en lamain dvn Ange quitientlemonde iuſt
ques aniourduiugement. Il eſtainſi Orquelle forme tiennent les Anges à porter
lachaire de Dieu. LevRs tefies ſont ſoubs le ſiege, & les pieds au bas des dixſept
marches du throſne, leſquelles teſtes ſont ſi grandes, que ſile plus vifte & & legier
ºiſeau volloit ſans intermiſſionne repos à peine pourroit-ilarriuerd'vne oreilleàl'au
treenmilleans, c9 leurs cornes ſont entrelaſſées au haut de leurſdittes teſtes. Leur
viande & breuuageaureſte n'eftans autre choſe que la loüange & gloire de Dieu:
& lebattement de leurs eſles ſi prompt, qu'autre ne le pourroitconceuoirſinon Dieu. , ---
3 - N
,
4 92 · · Illuſtrations ſur : |
meſlezeſgallement de fer& de feu,ſans aucune confuſion entre eux. La ſixieſme,
d'or cg d'argent,autant del'vn comme del'autre.La ſeptieſme,moitié loiiange, moi
Azoare 79. tié gloire. Et la huictieſmed'vne tres resplendiſſantelueur. CE LA va ainſi que tu
# l du, reſpondcAbdias, & ne pourroit eſtre autrement, maintenantdy-moy,ieteprie,
" leſpace qui eſt de nous iuſqu'auciel DE nous certes iuſqu'au plus bas, autant qu'on
pourroit faire en cinqcens ans de chemin, e2 ainſi par ordre derancenranc, del'vn à
lautre,telle eſt àlaveritéleſpoiſſeur de chaſque Sphere, où ily a en toutes ſi grand
nombre d'Anges,quenulne les ſauroit compterſino,Dieu. CE LA eſt ſans doubte
pareillement. Or dy moy doncques, quels oiſeaux ſont qui habitententre nous cºle
- ciel?CERT A INs oiſeaux quinetouchentiamais nyàla terre, nyauciel,ayans la
† queuë comme vne couleuure,cº de couleurblanche, des creins àguiſed'vn cheual, de
†º
ſez qu'on ap- longs cheueuxcomme vne femme, & au reſte des eſles d'oiſeau La femelle pond ſes
• - . .
po
des, mais tous aufs
" en vne petite foſſette enfoncée dans le crouppion dumaſle, où elle les couue,c9 eſt
§ cloſt : & cetant que le monde dureraiuſques auiour du iugement. CE LA va de la
ne les prend / " .
: - - -
- &
-|--
:
l'Hiſtoire de Calchondile. 4 93
venons au reſte, qui eſt ce qui le premierde tous commençales pelerinages ? A DA M.
ET qui luiraſalateſte # G A B R 1 E L. Qv1 fut ce qui le circoncit , L v Y-meſme.
A PREs Adam qui fut circoncis le premier?ABRAHAM. CE LA eſt ſans doubte,
Mais i'aybien d'autres choſes à te demander.Dy ſibon te ſemble.QyELLE terre eſt
ce que leSoleilnevit oncques qu'vne ſeule fois, c9 ne la reuerraiamatsplus qu'à la fin
du ſiecle.Quand lamer rouge fut ſeparéepar Moiſe, le fonds d'icellevint àſe deſcou
urir,ſique le Soleilla peut voir alors,mats les ondes eſtansretournées iln'yauraplus de
moyen del'apperceuoir,que t'en ſemble ildonc Abdias,trouue turien de tout cecy en ta
loy. No N devray, ni beaucoupd'autres telles choſes que ie deſtre fort d'apprendre.
Orpaſſons outre,qui eſt la maiſon qui a douxeportes,parleſquelles ſortent douzepor
tions,auecdouzelignées.LE rocherqueffappa Moiſe deſa verge,auquel ſefirent dou
ze creuaſſes & ouuertures, dont ſortirent hors douze ſources pourles douze tributs
d'Iſraël.Vray,muis dy-moy à laquelle terrefit-ce que Dieuparla.A celle dumont de
Sinai,quandilluiordonna deſleuer Moiſeiuſqu'au ciel.Tu dis bien,mais quelle choſe
eſt-ce quivit,c9'ſîn'apoint deſprit.La nuiéf,carſon eſprit ne retourne iuſqu'au matin. »
Cela vrayencore.Orſus qu'eſt-ce quifutpremierement bois, cºpuis eut vie.La verge
de AMoiſe,tantoſt bois,tantoſtcouleuure.Ileſtainſi. Dymoy doncques conſequemment
quellefemme vint duſeul maſle.Ev E,qui vintdu ſeul Adam,comme CH R I s T de la
ſeule vierge Marie.Sans doubte,pourueuquetume dies encore qui ſont les trou choſes
quifurentproduittes ſans aucune commixtion demaſle.ADAM,lemoutöd'Abraham 4
c9 IEsvs-CHRIST. Bon. En apres quel fut leſepulchre qui ſe remua auecce qui y
eſtoit enſeueli.La Baleine auecIonas.Ainſieſt-il. Orquiſont les deuxſeuls dont l'on
ignore lesſepultures.Abitabil,cº Moiſe.Et comment celadyle moi degrâce comme il
aduint del'vn & del'autre.Abitabilpreſſentant ſamort,ordonna qu'apres qu'ilſeroit .
expiré on mitſoncorps ſurvn chameau,& qu'on le laiſſaſtaller où lafortune le côdui
roit,leſuiuant deloin iuſqu'àcequ'ils'arreſtaſtdeſoimeMe.Celafutexecutéde laſor. *
·te,&'ayant cauéen terre où le chameauvint à ſe coucher,onytrouua vn monumêt que
Noéauoitpreparéà Abitalif,ſelon queleportoitl'inſcriptionyengrauée, là où l'aians
enſeueli,e5 couuertpuis apres le lieu de terre,onnela iamais peu retrouuerdepuis.Au
regard de Moyſe,commeilallaſterrant toutſeulparmile deſert,iltrouua d'auanture
vnſepulchrevuide & ouuert,iuſtementcreuſeàlameſure deſon corps,côméilleſprou
ua s'yeſtant couché,dequoi eſtant tout eſmerueillé, voici là deſſus arriuer l'Ange de la
mortpourl'occire,que Moiſe recogneutſoudain, c9 lui demandapourquoyileſîoit là
| venu.Ilfit † auoirtoname.Commêt penſes-tudoncques,repliqua Moiſe,
demel'arracherhors ducorps,car parla bouche ilne ſe peut,de laquellei'ayparlé auec
le Seigneur,niparles oreilles dontiayoylavoixdelui,niparles yeux deſquels ie lay
veufaceàface,niparles mains quiontreceu ſon tant richepreſent,niparles pieds dont
iaimontédeſſus lemont de Sinai.Cela oy,l'Angeſedepartit de lui,cºaiantpris nou
uelleforme apportavnepömede Paradis qu'ildönaà Moiſepour lafleurer,cºlaiant
approchéedunex,l'Angele pritparcetendroit cômes'ill'euftvoulumoucher, & luy
arrachalame,tellement que le corps priuéde vie demeura là enceſepulchre, quine fut
iamais plus retrouué.Cela va comme tu ledis, mais quelfeu eſt-ce qui mange & boit,
& depuisqu'ilefteſteint vne fois ne ſe rallume iamais plus iuſques au iour du iuge -
ment : LE FEv qui eſt au corps humainest ſustanté & maintenu deviande &
", -, DDD
|
-
| | |
|
' -
! -
- -
:
à plombſoubs la Ieruſalem celeſte, e9 que là Dieu & les Anges ont parlé auec
-
| | |
||| les Patriarches, & Prophetes. Dieu y donna auſſi à Moïſe troismille cinqcens
|| || quinze preceptes.DY MoY encore, qu'elle humeureſt-ce qui ne prouientniduciel
, , ! " , ni de la terre ?LA ſueurdes animaux qui trauaillent. CoMME NT fut faicte la
·. "
- l' - : † premierebarque ?Noé commençale premierdetous àen faire, dont Gabrielluidon
|
|
|
| | ||
| †
ceptes, ſelon nales eſtoffes,où il entra auec ſa famille, & partant d'Arabiepardeſſus la Meke,la
- - - - - - -
| | † circuit par ſept fois : de là nauiguantau deſſus de Ieruſalem, ill'enuironna auſſi par
§ † ſept fois, c9 puis vintaumont de Iudée,où les eaux eſtans venues à s'abaiſſer, s'arreſta
dit - - - - - >
|
-
| | 1
-
quoy ſoubs la pierre ſur laquelle il eſt ſtally : VN E montaigne appellée Zohot. -
--
la terre de Therib, & puis vne autre ditte Agiba,blanche comme laiét,ſentantcom- .
muſc,molle àguiſe de ſaffran,cº luiſantea pair de la Lune : Sur ceſie-cy Dieu aſ
7/16
• •
ſemblera tous lesiuſles,car il eſt dit en l'Alchoran. En ce iour là Dieu commuera
vne terre pourl'autre.Au deſſous decºſte-cy,ſt lamer Alkintar, c9 au deſſous en
- - A. (. D ' / -
• º r
i •:
core vnpoiſſon appellé Albehbut,dont la teſte eſt en Orient, cz la queuë en Occid,t, , "
îir le dos duquelpoſent les terres,& les mers,les tenebres, l'air, c9 les montaignes luſ
qu'à la fin de tous les ſiecles. Au bas dupoiſſon ya vn mont qui ie ſouſtient : ſoubs le ,
:
mont vn tonnerre,e9 au deſſous vngrand eſclair : plus bas que tout ce que deſſus il y a |.
'
vnemerdeſang, c9 au deſſous lenferbien clos & bacclé: plus bas vnemerdefèu,puis -
|
#;
vne autremer opaque,puis lamer de lapuiſſance,puis vne autremernebuleuſe, cº au -
, l
deſſous ſont les loiianges, puis laglorification, puis le throſne, puis vne carthe toute
blanche, puis vneplume, & finablement le grandnom de Dieu. ET quoy encore au
deſſoubs, fait Abdias # HA t# demandes s'eſtendent tropen infiny, reſlond Maho -
met: & qui eſtceluiqui peuſt paſſeroutre : Te ſuffiſe que la toute-puiſſance de Dieu
eſteſgalleen tous ſens, c9 de tous coſtez Choſe eſtrange,fait Abdias,e9 certes ilya
-
c9 Ieruſalem. CELA eſt vray : mais quelles ſont les quatre qui y ſont venues denfer? - 1
| ,
tient vne iournéedechemin. Commentcela : Parcequele Soleille parcourt tout en vn - •º :
ſeuliour depuis ſon leueriuſqu'àſon coucher. A la verité ceſte conſideration eſt ſubtile
& ingenieuſe. Maintenantpuis que tu cognois ainſi toutes choſes en haut, c9 en bas,
deſcrits moile Paradis s'ilteplaiſt, & la vie quel'onymeine. I'en ſuis bien content,
reſpond il,puis quepar ordre cºdeuëment tu faistes interrogatoires, Sois doncatten- . . } l,
tifà ce queiedirai.En premier lieu le plancher de Paradis eſt tout d'or enrichi de for +
ceiacynthes & eſmeraudes, & planté au reste de toutes ſortes d'arbres fruiétiers les |
plus exquis,c9 arrouſe d'infinis ruiſſeaux tres plaiſants, quicoulent ſans ceſſe, les vns : -
-
de laiét,les autres demielblanccommeneige, & les autres devin pur excellent. Les : |
|.
iours y ſont demilleans, c9 chacun an dure quarante mille denos années. Qvox |
| "
' doncques,celanete ſemble ilpas ſuffiſantpourvneparfaitebeatitude. SI fait à lave :
|
- *
rité,reſpond Abdias,pourueuquetume declares les habillemens c9 occupations des ha
bitans en icelui.Quantaux habitans,va-il dire,tout ce qu'il ſeroit poſsible de ſouhait
ter leur est incontinent en main, c9 ſe veſtent de telle couleur qu'il leur plaiſl, º
|
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-
l'Hiſtoire de Chalcondile. 497
gros rat,lequelſemità ronger les aix & cordages de l'Arche : Siquenoſtrepereayant
pris derechef le conſeilde Dieu là deſſus,frappale lion emmilefront,lequelirrité de ce
coup,ſouffla vn chat hors deſes naſeaux. Lo R s Abdias;certes iln'eſtpas poſsible de
mieux deduire,ôgentil Mahomet,commeallatoutce fait. mais c'eſtaſſez decepropos;
carpuisquetu nous asſîbiè diſcouruduviure des habitans de Paradu entât que touche
leur viande & breuuage, il reſtemaintenant depourſuiure quels y ſont leurs plaiſirs
c9 leurs voluptex. Et en premier lieu puis qu'ils y mangent & boiuent,ſ'ils y ont des
femmes, & comment, ny de quelle ſorte. IL R E s P o ND,ſiaucune eſpece devo
lupté y manquoit leurbeatitude ne ſeroitpaspleine & entiere; &) en vain iouiroient
ils de tant dedelices, Si ce grandcontentement defailloit auquel nul autre ne ſe peut
pas accomparer; ains qui plus eſt, à toutes heures, en tous endroits, c9 en toutes ſortes
qu'ils le ſauroient ſouhaitter, ils auront tellesfemmes qu'ils deſireront en leursſecret
tes volontex,ſans aucune difficulté neretardement; Sique celles quileur auront eſté
loyalles eſpouſes en ce monde icy, tiendront encore le meſme lieu depardelà; & lesau - - * r
tres de concubines; car les chambrieresſerontſans nombre. FoRT BIE N certes,c9
exaétement tout cecy, mais ie me reſouuiens de ce que nagueres tu as dit, qu'ils auront
toutes les viandes & breuuages qui leurviendront leplus àgré,forsles deffendus: Puis
qu'à ton direilyaura là des ruiſſeaux coullans devin excellent, dequoy leurpourront :
, º .
ils ſeruir,ſiceſt vne choſeillicite ? & ſileſt licite, pourquoy eſt-ce que ta loy le deſ - l,
:
fend en ceſiecle-cy. TE s demandes ſontſiſubtiles que deneceſſité vne ſeule requiert ,
double reſponſe : le ſatisferay doncques à l'vn c9 à l'autre, que le vin eſt licite depar -
-! :
ter du vin, & les inuitant àſonpoſſible vouloirboire à elle. Que voulez vous plus? , :
es amadouèmens & importunitez le gaignerent ſur le bon droiét: tellement ques'e
ſtans eſchauffez dedans leur harnois, ils la requirent deſon amour, ce qu'elle leurac | •.
corda ſoubs condition que l'vn luyenſeignaſt lemot du guetpourmôterau ciel,e9 l'au. # ,
trepour en redeſcendre: & ainſi fut ſoudain enleuée là haut. Ce que paruenu à la
cognoiſſance de Dieu,illa transforma en la belle eſtoille du iour, la plus claire de tou -
tes les autres,ſelon qu'elle auoiteſtéicy bas la plus belle de toutes les femmes. mais les
Anges ayans eſtéappellezen iugement, Dieuleurpropoſa le choix deſtrepunis de leur
delict en ceſiecleicyouenl'autre; & ils choiſirent ceſtui-cy: Parquoy ilsfurentſurle
champpendus parlespieds à de longues chaiſnes defer la teſte en bas,aupuits de Bebit,
où ils demouront ainſiiuſques auiour du Iugement.Quoy doncques, ô bon Abdias,ne
|
teſemblepas ceſte cauſe bien ſuffiſante pourquoyle vin ſoit là haut permis, & icybas
prohibé du tout : S1à la verité, & à bon droit. mais puis que tout ce qui concerne le
Paradis m'a eſté ainſiclairement expliqué de toy, ievoudrou bien ſilteplaiſoit que tu
me parcoureuſſes ſuccinétement quelquechoſe auſſi de l'Enfer. , A demande eſt per
DD iij
º - 1 - -
# |
,! | |
| : ' i, |
| ";.*
·
,|'; | |
| 498 Illuſtrations ſur
|| | | |
|| i
-
|
'
- -
tinente, & ie le feray. Or quant eſt du pauédel'Enfer,ileſtfait de ſouffre,fumant
· ſans ceſſe, auecforcepoix y entremgſlee, cºard tout deflammes trop cruelles & eſpou
|i || | | ni l
|
| ||
-
uentables.Ily a quant c9 quant des lacs, & des puits tres-parfonds, pleins de reſine
!| | |
- 4
| - boiiillanteparlemoien dufeuſouphreux qui eſt allumé audeſſoubs, oùl'on plongeiour
| '1 -
| - nellement, les damnex : c9 des arbres de coſté c9 d'autre pour les repaiſtre de leurs
' ! -
ti,
-
1"
-
| |
•
-
, .
· fruiéis, dont rien neſeſgauroit imaginer qui fuſt d vngouſtplus horrible & inſuppor
| | ' table. CERTE s ieſuisfort bien ſatisfaiéi c7 inſtruit de tout, mais que tume dies
,• | .
º , ,
• | |
!
-
:
-
l , ; ",
dirles oreilles detes criailleries cºbraillemens : Qu'elleconfiancetemeine, nyen quel
:
·. ·
.
|
t
º,
- · merite puis tu aſſeoir ton eſperanceº Et il respondra gcmiſſant : Monſeigneur mon
- ·.
-,
|! •
- Dieu,ien'aypoint dautre Dieu que toy, quimepuiſſe faire grace c9 mercy : Tuen
dS aſſez d'autres que moypour y deſcharger ton courroux, cºy exercerta vengeance,
i | · · -
- |
fais moy doncques miſericorde Seigneur, & ayes pitié de moy ſilteplaiſt. LA DE s
| |
|
-
: | ' :º 1 !
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-
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•,s
ir
!
1 -
" †º"- dispourront compatir auecluy, alors il leurcommandera de lallerlaueren vne fon
|
| taine aérée, dont ilſera rendu toutblanc,fors qu'vne tache emmi le front : cg ainſi
|
nettoié ſepromenerapar le Paradis à la veiie de tous, qui le monſtrerontau doigt ſe
! , mocquans de luy, & murmureront de ce qu'on laretiré d'Enfer. Dequoyilſe trouue
|
|
t raſ honteux & confus,qu'ildira auoirplus cherº retourner que d'endurerpluslon
| | guement de tels opprobres c9 vituperes. mais le miſericordieuxpitoiable dira à ſes An.
|
1 !
* . -
ges qu'ils laillent derechef relauerparcinq fois en lameſme fontaine; ce qu'ayansfait
- · · 4 -|
la marque s'effacera du tout de ſon front, & ſera rendu ſemblableaux autres conci
" . |
| | | toiens de Paradis,ſiqueceſſeraſa vergoigne.Voila à monaduis Abdias,ce que tu vou
| i| |·- '| loisſauoirdel'Enfer: acheue doncde m'interroger ſiltereſieencorquelquechoſe.
|
l
l
:
CE R T Es tum'asſeuſi bien & exaétement eſclaircirdetout, que tu n'en as oublié
' ; vn ſeul poinét. Parquoy ieterequiers au nom de Dieu, puis que tu as ainſîen main
' ' •,
- ! | toutes choſes, me vouloirdeſcrire en apert quel ſera leiour du grand Iugement. I'EN
"4,
- ſuis content,pourueu que tu t'y rendes attentif Ce iour là Dieu ordonnera àl'Ange
-
-
de la mort de tuer toutecreature ayant eſprit de vie, tant les Anges entierement,que
| !
|
les Diables; & les Diables,enſemble les hommes,poiſſons, oiſeaux, c9 beſtes brutes,
Car ileſtainſi eſcrit en l'Alchoran; Toutes choſes mourront ſinon Dieu. Le
| |
, ' .
· ·
'
·
|
quel appellerapuis apres ceſt Ange, luy diſant, ô Adriel, yailplus rien en viedere
,º t" ! |
| ſte de toutes les creatures , & ilreſpondra,non Monſeigneur, horſmis moy ton pau
- i -
ureſeruiteurimbecille. Et il luydira; Puis que tu as mis à mort toutes mes creatures,
!
|
vat'en d'icyentre Paradis c9 Enfer,c9 tetuéfinablemêt toy-meſme,ſiquetumeures
C0777/fié
| | |
- -
| -
-
ſera arriué en Ieruſalem, laſonnera de tout ſon effort; & ſoufflera hors d'icelle dyne
grande impetuofité & roideur toutes les ames tantiuſtes qu'iniuſtes, qui yonteſtéce
pendant gardées, leſquelles volletans decoſté & dautrechacuneà retrouuer ſôn pro
pre corps quelque part qu'il ſoit,ſe diſperſeront en tous les endroits dela terre : c9 au |
premierſon de la trompette tous les oſſemensſeraſſembleront. Paſſezautres quarante
ans l'Angeſonneraderechef, auquel ſon les os reprendront leur chair & leurs nerf .
Et delà à autres quaranteans quandelle auraſonné pour la tiercefoi,toutes les ames
ſe reueſtiront de leurs corps: celafait, vngrand feu s'eſtantalluméen lapartie du Po
nant, ilchaſſera toutes les creatures vers Ieruſalem; où ſoudain qu'ellesſeront arriuées Azcare ,.
ilceſſera. Là dôques apresquepar4o.ans ellesſeront demeurées nageâtes en leurſueur Iln'y aura per :
ſonne qui ne s'a
en attendant le Iugement,affligées à laparſin detât detrauaux,elles viendrontàinuo-#
auquelles incre
querAdä,luydiſant,Pere Adam,Pere Adä, & pourquoynou as tuengendrez pour §
jouffrirtant deſicruels tourmens & martyres?ſouffres tuainſi(noſtrepere) nous tes #.
pauures enfansmiſerables flotterſilongtemps entrel'eſperance & lacrainte,attendas #"º
vneincertaine & douteuſefin !Que ne requiers tu pluſtoſt Dieu de vouloirprompte
mentacheuer de nous toutcequ'ila deliberé d'en faire,ſoit du Paradis,ſoit d'Enfer? -
cAdam leurfera reſponſe;Certes mes enfans vous ſçauez comme à l'inſtigation de Sa.
thaniefus deſobéiſſantau commandement de mon Createur; ce qui eſt cauſe que ſuis
- indigne de faire ceſt office que vous demandex : mais allez vous en à Noé; auquel fa
dreſſans ils diront; intercede pour nouseſleu de Dieu, Pere Noé.Et il reſpondra,iay
fait ce que i'aypeupourvous, & vous ay ſauuex au deluge : icyie n'ay plus rien que
yoir: Retirezvous doncvers Abraham. Là deſſus ils l'inuoqueront, luy diſans,ô Pe
re de lapure foy, c9 deverité, Pere Abraham,regarde ces pauures miſerables, c9
en aye compaſſion.Auſquel ildira, Qu'eſt-ceque vousallexainſirecherchans de moy?
evous remettezvouspasenmemoire,côme iefusſi longuement vagabondidolatre,
errant çà & là auant que deſtre circoncis. Ieneſuis pas ſuffiſant de m'entremettre de
voſtre requeſte, mais appellex Moyſe à voſtreſecours & interceſſion , Ce qu'ils feront -
:
5oO Illuſtrations ſur
t'eſmeuue à pitié, & ſois noſtreinterceſſeur enuers luy, CE Qv E vous recherchez
de moy, dira-il, vous l'auez perdu parvoſtrefaute; car ievous ayeſté enuoyéen la
vertu, & au nom de Dieu, & en laparole deverité;mais vous-vous eſtes extraua
guex; &plus queienevouspreſchois,auexvoulufaire demoyvoſtre Dieu, aumoien
dequoy vous eſtesdecheusdeceſtemiennebeneficèce.Oradreſſez vous au dernier Pro
phete denotantparlà celuy auquel vous parlex maintenant, Abdias; Alors s'eſtans
conuertis à luy, ils diront, ôfidelle Meſſager c9 amide Dieu, combien auons nous
offensé & mesfaict à maisnelaiſſepourcela de nous exaulcer, pitoyable P rophete de
Dieu; Tout le ſeuleſpoir qui nous reſte; caraprestoy, en qui pourrons nous mettre
noſtre attente Exauce nous doncques ſelon le pouuoirqu'il a pleu à Dieu te donner.
Là deſſus Gabrielſepreſentera, quinepermettrapas cegrandamyſien eſtre deffrau.
dé de ſonzele; & s'en iront decompagnie deuant laface du Souuerain, qui leurdira,
·ieſçaiaſſez ce qui vous meinejaneſoit que ie vueille en riéfruſtrer le deſirdemonfide
Azoa. 17.apres
le & bien aiméſeruiteur& pourtant ayâtfaictdreſſervn pontſurl'Enfer, àl'vn des
*. T> - - -*
Daniel, & l'A boutsyaura degrandes balances oùl'onpeſeratogs lesfaiéts deceux quimôteront deſ
pocalypſe.
ſus.Là les ſauuexpaſſeront outreſains & ſauues, c9 les damnextrebuſcheront dans
les Enfers. Demandemaintenant, Abdias,tout ce quite viendra à gré. Lv Y alors,
A - - > • - / > - - . /
ô moy miſerable; & quelle folliem'a iuſques icy poſſedé l'eſprit de ne voir la verité,
ui eſt plus claire que la lumiere ? mais puis qu'il eſt en ta puiſſance de me ſatisfaire
# à tous mes deſirs, acheue,iete upplie degrace, carienemepourrois iamais ennuyerde
t'ouir, à me racompter les trouppes degens qui ſe trouueront à ce iour là; & memets
| à part les fideles des infideles. IL Y AvRA,reſpond-il,ſix vingts bandes detousles
hommes, trois tant ſeulement de fideles, & lereſte de meſcreans; & contiendracha
que bandemille ans dechemin en long; en largeurcinqcens. IL EsT ainſi à laverité
· que tu dis,fait Abdias : mais concluds ce quice fera finablementdelamort,apresque
toutes les creatures auronten lamaniere que tu las deſcripte eſtédeparties en ces deux
endroits, ELLEſeratransformée en vnmouton qu'on ameneraentre Paradis & En
fer; & là s'eſleuera vnegrande contention & debat entre les habitans de deux regiô ;
parcequeceux de Paradis inſiſteront qu'elle mèure, de peurdeſtretuésparelle; & les
infernauxaurebours, qu'on la laiſſeviure,ſoubs eſperance demourir: mais ceux de
Paradis gaigneront leurcauſe, & s'en iront tuerlamort entre Paradis & Enfer, où
Azoare 67. l'on edifieravnegroſſetourpourſeruir de borne: àl'vn des coſtés de laquelle il yaura
ioye,plaiſir, contentement & repos; & à l'autre, douleur, tourment, & trauailſans
ceſſe. LA DE s sv s le Iuifs'exclamant; Tuas vaincu, ôtres-bon Mahomet,arre
ſte toy doncſanspaſſerplus outre; &) reçois maconfeſſion de moy: Cariecroycºvoy
:
clairement qu'iln'yapointpluſieurs dieux,ains vn Dieuſeulquieſttout puiſſant,dont
tu esſans doute levrai Meſſager& Prophete.
DE
DE LA RELIGION MA HoMETANE ENcoRE,
ſelon les textes de l'Alchoran.
E ce que deſſus on peut aſſez voir quclle eſt la doctrine de ceſt
impoſteur , pleine par tout de ſi impudentes baguenauderies,
dent il n'a laiſſé neaumoins d'engluer les dcux tiers du mon
de : Bien eſt vray que le tout n'eſt pas de ſa forge, ains de ceux
qui ſont venus apres luy, ſuiuantl'ordinaire des choſes humaines
de touſiours enrichir le compte, & baſtir ſur les fondements ja
oſez, iuſqu'à ſurcharger l'edifice, tant que ſa peſanteur l'amci
ne à bas. Car en ſon Alchoran qui eſt le texte de ſaloy, eſbauché ſeulement de luy
par parcelles, ſelon que les occaſions ſ'offroient propres à ſes deſſeins, qui n'eſtoient
autres que de regner, & ſe baſtir vne domination téporelle par le moyen d'vne nou
uelle ſecte relaſchée à toutes ſortes de voluptez, & depuis couſu & repetaſſé par ſes
ſectateurs, de dix mille menus lambeaux au contexte que nous voyons : il eſt beau
coup plus cault & ruzé qu'on ne cuide, n'y ayant blaſpheme, dont il eſt par tout far
· cy à outrance, qui ne ſoit aucunement adombré de quelque traict deſtourné du
vieil & nouueauTeſtament : & des rapſodies des Rabins quiy ont interpoſé leur de
cret. ET en premier lieu que pourroit-on voir de plus zelatif de prim-apparence,
ny de plus deuot, que ce preambule commun à toutes ſes AXoares ou diſtinctibns,en
Arabe Phateſen elchitabl'entrée du liure, qui eſt vne formule de priere dötvſent tous
les Muſulmans, ainſi que nous de la Patenoſtre : diuiſée au ſurplus en ſept clauſes di ºr
· tes Aiet, ou miracles : lequel mot ſ'eſtend encore à toutes les periodes de l'Alchorã:
& la proferoit touſiours Mahometau ſortir de ſes accez du mal caducq dont il tom
boit fort frequemment : le palliant du nom d'ecſtaſe ou enthuſiaſme, qui eſt vnra-oriſon de
uiſſement d'eſprit. Av N o M de Dieu miſericordieux & propice, I. Loiiange à Dieu le Sei-Mahºmeº # #
gneurdes ſiecles.2.Le Roy du iourdu Iugement.3. Ha !/eruons le, & nous en aurons prompt
ſecours. 4.Adreſſe nous au droict chemin : y. Le chemin de tes fauorits & eſleus : ô. Et non de
ceux auſquels tu es indigné, & des infideles. 7. Et nous nepourrons pointerrer. Autrement,
& plus dilaté.Av N o M de Dieu miſéricordieux, benin,pitoyable Loiiangeſoit auſouucrtta
Dieu Roy desſiecles : Roy debonnaire du iourdu Iugement. Recognoiſſons le tous nous autres ſes
creatures : ſeruons le, honorons, reuerons, en nous humiliant deuant ſa face. Requcrons le, cº
mettons noſtre aſſeurée confiance en luy : carnous n'enſerons pointeſconduits, ains ſiſtez & /c
courus deſa tres-liberale main. Adreſſe nous donc, ô Seigneur, à la voye droicte, la voye de tes
bien-aimez fauorits, que tu as eſleus à ſalut : & non de ceux auſquels tu és courroucé, les inſ
deles : & nous neſcaurions plus faillir. Les Taliſmans qui ſont leurs miniſtres, repeterôt
cent & deux cens fois en faiſant lazallah ou priere ces deux ou trois mots, pour ſup
pléerà ceux qui croiroienttrop froidement : Alhamdu lilahi hamdu lilah,hamdulilah.
Poſtelle auecques peu de changement,en ſa concorde du monde accommode ainſi
ceſte maniere d'oraiſon. Av N o M de Dieu miſericordieux & clement. Loiiäge ſoit auſou
uerain Roy des eternels ſiecles: tres puiſſant,tres-ſage, & tres-bon : duquel prouiennent toutes
choſes,parlequeltoutes choſes/ubſiſtent & auquelſont toutes choſes en leurparfaicfeſtre. Paix
ſoit àſesfideles, & à ceux qui le cherchenten verité. La clemëcedebonnaire de Dieu,ſagrace,ſa
mereyc> miſericordeſoit eſtéduëſurtoutes creatures.AINSI soIT-IL:mais ſous cesamorces
de pietéil tend des fillets plus ſubtils que la pentiere d'vnearaignée ny que le rets où
furët euuclopezMars&Venus parVulcă en leur adultere,fable qui n'eſt icy alleguèe
| EEE
,
l -|
---
l'Hiſtoire de Chalcondile. 5O3 -
:
-
·
neziamais vos yeux aux femmes d'autruy, quelques belles & gratieuſes qu'elles puiſent/em- 3°. " •
bleraumonde. Il puniſt au reſte l'adultere de cent coups de baſton en public, ſ'il eſt
aueré par quatre teſmoins : que ſi le dclateur ne le preuue ſuffiſamment, il en doit
-"
vin, combien que cela participe de l'hereſie des Seueriens, & des Manichéens; & - - - - -- .
toutes ſortes de berlands. Si l'on vous enquiert du vin, du icu des eſchez, tables, dez, & 3. - - -
autres/emblables : dictes que ceſte eſpece de breuuage, & tous ces ieux, ſont vn grand & enor- - - • • ' .
me peché Plus, ô gens de bien, laiſſez la levin, les eſchez, ieux de tables, de carthes, & de 13. + ' - · • - •
dez : carcene ſont point choſes licites, ains inuentions & artifices du diable pourſemer moiſè - ° •
e diſcord entre les perſonnes, & les desbaucher des prieres où ils doiueat vacquer, & de l'in- - -
uocation de Dieu, à quoy ce commun ennemy tend le plus. L'Av T R E poinct eſt la deffen
ce ſi eſtroiéte, voire # peine de la vie, de reuoquer en diſpute ne doubte rien quel- '
conque de ſa doctrine: Il ne veut pas ſeulement permettre qu'on en deuiſe auec per- -
ſonne, fuſt-ce de ſa mefme loy; & par conſequent tant moins auec les incredules, l - - " ! -
-
comme il appelle
luy que vous tous les autres. Si quelqu'vn veut diſputer de la religion auec vous,diétes
auez du tout conucrty voſfre courage à Dieu, & à ceux qui enſuiucnt /es C02/27/24/2-
"
j.
-
| ' :
· •
-
r
|- -
demens : ce qu'accompliſſans tant ceux qui ſont ſcauans en la loy, que les non lettrez, ils enſui- - | •*
uront vne bonne doétrine. O G È N s de bien, pourquoy communiquez vous auec les incredur !º- - | • |
les, dont perſonne de vous autres ne doit praétiquer l'amitié ne la compagnie. N'EN T R Ez r # ! - |
point donc en propos auec ceux qui ne ſçauroient ouyr ce que vous direz. Q v E *5: | #
s'ils veulentdiſputerauecvous, dicfes leur qu'il n'ya que Dieu ſeul qui cognoiſe toutes vos 3* - - l • • •
aétions , lequel au dernier iourſcaura fort bien decider tous les différends & contrarietez : ' • ;
d'opinions de ſes creatures, ſoit des croyans, ſoit des Iuifs, des Chreſtiens, & des idolatres. -- . - | · | . -
de leurloy. N E permettezpoint, vous gens ffdeles & croyans, qu'on gſtabliſſedeſſus vous des . . - | | - -
· gouuerneurs,nydes iuges Iuif , ou Chrſtiens : carquiconque enfera ainſi, ſera rendu ſembla- * - |
ble à eux. ' - - - • • - · - · - #- # -
· Tovs ſes preceptes au ſurplus conſiſtentou de loix,ou de priuileges.Les loix ſont - - - • " - -
generales pour tous les Mores ou Mahometiſtes : les priuileges & diſpences, pour le : | | -
Prophete tant ſeulement; car il ne ſ'aſtreint pas à beaucoup de choſes a quoyil veut ' : - - -
aſſubiectir les autres, au côtraire de tous les autres Legiſlateurs,Payens meſmes,qui Priuilcgcs dé ' , " : . -
ſe ſontſoubſmisàleurs loix : & ſ'eſpandêt ces priuileges à 4 poincts, le premier qu'il § pout | -- | | :
nefuſt loiſible àaucun d'cſpouſerl'vne des femmes du Prophete, tât repudiées, que luyºul. | |
vefues; au moien dequoyſes neuffemmes qui reſterent apres ſon decez,furent con- *3* · ' ; - - -
"- -
·
trainctes d'acheuer leurs iours en perpetuelle viduité. L E ſecöd,que toutes les fem- , - * -
mes qui ſe voudroient offrir à luy,ſielles luy eſtoientagreables, il les pourroit prédre *3* - - |
cn mariage, ſans aucun contract ne ceremonie : ce qui ne ſeroit loiſible à nul autre. ,. -
tout à vne fois,& non plus, mais luy tant qu'il en voudroit eſpouſer.Toutes les femmes - -
à quitu aurasfait des preſens ô Prophete, ou que tu auras achetéde ta bourſe, ou qui volontaire- 43e - | | -
ment s'offriront à toy, ilt'eſt permis, & non aux autres, de les accointer comme tes legitimes | | |
femmes. ET le quatrieſme, pour autant que ſaloy portoit que toutes les quatre fem- . - | | |
mes qu'il eſtoit loiſible à ſes ſectateurs d'eſpouſer, de leur loy toutesfois ſeulement, | -
& non d'autre, & ce à l'imitation du peuple de Dieu, en Geneſe ſix, vingtqua- " !
- -
manger, & veſtir, ſans aucune particuliere affection ny faueur plus enuers l'vne |
-
que les autres, afin de retrancher toute occaſion de ialouſie, & noiſe entre elles: - · |#
-
-|
5O 4 . Illuſtrations ſur
l
tellement qui ſ'en ſentiroit greuée ſ'en pourroit plaindre, & faire conuenir le mary
en iuſtice; Quantàluy il ſ'en exéptoit, faiſant vne ordonnance expreſſe que ſes fcm
:
i
|
l .
|, |
#!#
il
- |
|
- 43º 76, mes n'euſſent à ſe meſcontenter de rien, ains trouuerbon, & prendre en gré tout tel
traictement qu'il lcur vouldroit faire, ſans leur eſtre loiſible de ſ'en douloir, nyen
- - * - -
·!| ; ' | il | quereller par enſemble. Toutes choſes dependantes d'vne tyrannique lubricité:
| | | · | i
-
-
|| j ?. 8o,
comme auſſi la permiſſion qu'il donne à tous Muſulmans, outre leurs femmes legiti
- º • ,! . "; º mes de pouuoirvſerindifferemment de leurs eſclaues chambrieres, comme de cho
r"
1 !
|| - *
º
:
'
| | ſe qui leur eſtoit acquiſe en propre de leurs deniers;ce qui n'eſtoit permis auparauât:
» | | • | Parquoy ce futl'vne des choſes dont il gratifia autant ces peuples adonnez à toutes
|
-
! . ·
-
· |
ſortes de paillardiſe : car ceſte permiſſion ſ'eſtendaumoins ſelon ſes gloſateurs, à des
| | | | | | | | | choſes trop deteſtables, meilleures à taire qu'eſtre dictes.
# -
| i
||
-
•l
: ||
Tov T E ſa doctrine au reſte n'eſt qu'vne tres-orde cloaque & egouſt des immon
|
| | dices Tamuldiques; & vne rapſodie de toutes les hereſies qui pullulerétés premiers
| | | l |
progrez du Chriſtianiſme iuſques à luy qui les eſcuma & ſuccea, auec beaucoup de
| .. ! | | || Payennes ſuperſtitions,nonobſtant qu'il monſtre en apparence de les vouloir toutes
- : 1 |
-
| extirperauecl'idolatrie; & ce à l'imitation de Moyſe. O R il nie en premier lieu la
: | | | " !
- ;
,
||
|
|
|
| 1
|
|
-
-
32 »
-
Trinité auec Sabelliq. Il ya des meſcreans qui alleguent y auoirtrois Dieux, mais il n'yen
|
a qu'vn ſeulement. Neaumoins il admet en Dieu le Binaire, aſſauoir ſon ſainct Eſprit,
- !. '; '
: |
,
-
º : pour en exclure I E s v s CH R 1 s T, auec Arrius, qui ne le tenoit que pour vne ſim
, 1 ! " ple creature , bien que iuſte, ſimple, ſainct, innocent, & exempt entierement de
- i, : |
, -- • ,!
peché : Comme auſſi Lerdon & Marcion maintenoient : Duqucl Arrius il a prins
· · · . quant & quant l'exemple de pourſuiurc par lavoye du glaiue ceux qui voudroient
| | | i -
contrarier à ſa doctrine. IL permet la pluralité des femmes eſpouſées, auec les Ni
: |
' -
colaites, & les heretiques Nazaréens, ſe couurant en cela du pretexte de quelques
# vns des anciens Patriarches, dont Lamech fut le premier de tous qui eſpouſa deux
· - ºli 1 - - Gcneſe 4•
femmes,l'vne pour en auoir lignée,& I'autre pour ſa volupté.Il conſtituë vn Paradis
de delicesapres Cherinthus,& Papias Hierapolitain autheur de l'hereſie des Chilia
| : • •"
ſtres.Auec les Meſſaliens,Pepugiens,& Manichéens il contemne les Sacremens de
- ! - | |, 1* -
- -º l'Egliſe, car quant à la circonciſion, il ne l'admet que pour le reſpect d'Iſmaël fils de
,
.
| | - Abraham, dont il tire ſon origine. Briefque ce ſeroit choſe trop longue que de par
-
| ,
courir toutes ſes impietez & blaſphemes. -
! -
|
· · ·
-
-
Av R E G AR D de ſon Alchoran, ou Alfurcan, que ſes interpretes alleguentauoit
| cſté eſcrit en la peau dumouton qu'Abraham ſacrifia au lieu de ſon fils Iſaac,ileſten
-
i
-
| 7
versArabeſques,non tiſſus toutefois de pieds meſurez de certaines quantitez de ſyl
' | !
|
| |
: | ||
labes, comme ſont les Grecs & Latins, mais en rithme telle que la Françoiſe ou Ita
- 1 | " lienne, de diuers nombres de ſyllabes; ſi que tels en ya de plus longs trois ou quatre
| fois que les autrcs:mais cela ſe practique bien auſſiés Odes,Tragedies,& Comedies.
1 !
,
4
• -
:
l, Et pour en parlerau vray ſans § ne paſſion, encore que ceſt œuure à le prendre
en toute ſa maſſe ſoit vnvraycoqàl'aſne, ſortant ordinairement pluſtoſt d'vn pro
- | - , , , i - pos qu'il n'y entre, ſans aucune ſolidité ny apparence de raiſon ne de fondemét, qui
peuſt eſbräler meſme vn eſprit mediocre, ains toutes fables deſcouſuës & ridicules.
| plus que celles de l'Icarominippe de Lucian, à les examiner vn peu de pres, ſi ya il
neaumoins des lieux communs entrelaſſez fortelegans, principallemét en ſalangue
•! | 32s Arabeſque, auec des ſentences non à reietter, comme, L'aueuglemët des yeux eſt moins
- 1 - -
nuiſible,que celuy ducœur. Item, Vos enfans,& voſtrepecune,vousſont leplusſouuent occaſion
, · 1 74, de beaucoup de maux. Etinfinis autres ſemblables traicts, non alienez au ſurplus de la
* | . vraye foy & creance; Caril taſche de ſe couller tacitement, & faire ſes approches
| i 1 , pour la demolition de la foy Chreſtienne, ſoubs quelques pretextes tortionnez du
- º,
-
º, - ' r vieil & du nouueauTeſtament, ainſi que ſoubs deux gabbions ou mantellets : &
· · ·
#!
· |
-
- ce qui eſt
tudes, encore
d'vne plus &dangereux,
poincte air delicat lecetout
qui enrichy
ſe peut. deDecertaines
manierephraſes & n'a
que cela ſimili
de
- cº . . ' | | |
- ! • · · peu ſeruy pour attraire les cœurs de ces peuples Orientaux, & Meridionaux con
· · i ,i ||
fits en délices, & peu capables d'vne vraye verité & raiſon. Ce qui eſt l'ordinai°
|
|
re des hereſies, ainſi que quelque difforme putain, qui pour couurir ſes imPcr
| |'
| |
· ' ! # ! -
- -
-
# ! i - |
|
* tº || ||| |
· 'l. : ' . |
il il |
- , , l '
l'Hiſtoire de Chalcondile. 5o5
# fectionsabeſoin de ſe parer , farder, attiffer. Au moyen dequoy ceſte doctrine qui
yreſſemble malaiſéementeuſt peu prendre pied entre des hommes d'eſprit, de iu
gement & de lettres, combien qu'on ne puiſſe nier qu'il n'y ait eu des Arabes Ma
hometiſtes tres-excellens tantaux armes, qu'és arts & ſciences, mais ils ont voulu
pluſtoſt obeir & ſ'accommoder ſimplementaux traditions de leurs anceſtres,que de
• ſ'en enquerir plus auant,& ſubtiliant là deſſus diuiſer leur creance en ſectes : choſe à
la verité fort loüable quant à ce point, qui impugnc nos trop grandes curioſitez &
diſputes en ce qu'on doibt tenir pour vnirrefragrable article de foy.Mais de ces Ara
bes ſi celebres & valeureux la race en eſt eſteinte de longue main, pour raiſon entre
autres choſes desTurcs qui en ont empietté la domination, gens les plus beſtiaux
de tous autres,& qui ont tout empoiſonné de leur barbareſque ignorance. .
MA 1s pour venir finablementaux particularitez de la ſecte Mahometaine , en
premierlieu elle recognoiſt & admet vn ſeul Dieu eternel, mais qui n'a point de
compagnonnyeſgal à luy, lequel a fait & crée toutes choſes de rien par vn trop ad
mirable & incomprehenſible artifice, en nombre,poids & meſure, cela pris de la Sa 64.
Qui en ſix iours crea le ciel& la terre,auectoutes les choſes y contenues,puis remon- 17.35. 67.
pience II. Qu -
· ta en ſon hautthroſue,qui couure le iourde la nuicf. Qui de ſou ſeulcommandement fait mou
uoirlesoleil,la Lune,& les aſtres d'vn cours ordonné Qui commideaux vents, eſleue les nuées ".
| & de là enuoye de l'eau ſur la terre morte, pourla procreation & accroiſſement des arbres,her
bes,& autres verdures. guiu vn tres-exacte ſoin & cure de tout iuſques aux plus viles & ab- Pſeaurne 14é.
iectes choſes,en les produiſant, maintenant, nourriſſant,gouuernant par ſa prouidence infalli
ble, autheur de tout bien en nous,& non du mal.CAR tout ce qu'aucun fera de bien eſt de Dieu, 9.
tout le malille doibtimputer à ſon ame. . - " .
L'vN E de ſes maximes, & de cela vous pouuez iugertout le reſte, ainſi que le
lion des ongles, eſt que toutes religions ſont vncs, & qu'on ſe peut ſauuer en toutes.
IL faut entendre en general, que toute perſonne viuant bien, qui adore vn ſeulDieu ; & fait Azoare t.
de bonnes œuures,ſoit Chreſtien,ſoit Iuif, ou qui laiſſe ſa loy pouren prendre vne autre, indu -
bitablementelle obtient l'amourde Dieu, & ſa grace. En quoyila voulu imiter,ou pluſtoſt
ila deſtourné faulſairement ce lieu du dixieſme des actes : Dieu n'eſt point accepteurde
perſonnes,mais de toutes nations qui le craint, & fait les œuures de iuſtice, il luy eſt aggreable.
Car on ſçait aſſez que cela eſt dit pour raiſon que les Iuifs n'eſtimoient pas qu'il y
euſt peuple ſur la terre agreable à Dieu ſinon qu'cux, & cecy veut möſtrer que Dicii
reçoit toutes creatures à ſalut, qui cheminent la droitte voye en la creance de IEsvs
CHRIST. Auregard de la creation ill'admet auec Moïſe, & la ſepare tout de meſme
en ſix iournées, mais il embroüille tout cela, comme le reſte de l'eſcriture, de plu*
EEE iij
5o6 Illuſtrations ſur
17.21.22.ſieurs ſortestropabſurdes & impertinentes. Vous autres à quelpropos vouleK vous don
3o. 31.36. mer des eſgaux à Dieu le seigneurdu monde ?qui crea en deux iours la terre, & en icelleferme
38. 5o. 6I. eſtablie & retenue pardes montagnes,commeauecques des anchres & fortes gumenes,en deux
64.81.89. autres emblables iours, toute manicre de nourruure pour le maintenement des animaux qui y
89. viuent, multipliant à ceſfe ffn toutes eſkecesde ſemences. En apres de la fumée qui exhaloit, en
|l deux autres iours forma les ſept cieux, en chacun deſquels ilordonna tout ce qui yeſº, à ſon bon
- plaiſir& vouloir, leur demandant s'ils ſe mouuoient de leur bon gré, ou par contrainte, Et
# -
77. amſidecoralemonde de pluſieurs reſplendiſſantes lumieres. PovR chaſſer les diables delà,
82. leur faiſant peurde leurclairté: QvAN D ils vont ſºierce qu'on fait au ciel Car les gſprits
aſſtans aux eſtoilles les pourſuiuent à toute oultrance, ayantchacun endroit ſoy leſoin de cha
52. cune choſe icybas : SAN s leſquels Anges gardiens qui adorent inceſſamment Dieu,& leprient
4. 49. 61.pourles habitans de la terre,toutpitoyable & miſericordieux pardonneurqu'ilgt, le cieltombe
- roit deſſus eux. - - -
2» IL ſuppoſe au reſte que tous lesAnges s'humilierent deuant Adam ſoudain qu'il
euteſté crée,& ce par le commandement de Dieu, excepté Belzebuth & ſes com
- · plices,dequoyleurayanteſté demandé l'occaſion,pource reſpondit Belzebuth, que
17. 25. ie ſuis trop plus excellent qu'il n'eſt ayant eſté formé de fange, & moy de feu. Ail
65. leurs il met que l'homme futformé du Celal, de l'ombre, & les diables de flammes
de feu.Ceſte des obeiſſance deſſuſditte fut cauſe de la condamnation, où il doit de
: 48. meurer iuſqu'à l'heure d'obtenir ſa grace. SoRs donc d'icy ô decheu de la diuine eſpe
# rance dont tu es remis à vn autre temps, & comme ildemandaſt ce terme luy eſtre preffx au iour
de l'vniuerſelle reſurrection, Dieu luy dit, ton terme t'eſt a %ignéau iourde l'heure parmoy co
gneuë. Carilaſſere la reſtitution des demons en leur beatitude premiere, lequeler
56. reur on attribue à Origene,ou à ſes ſectateurs : Et dit qu'ils ſe conuertiront à la lectu
re de l'Alchoran. -
|
-
—-in-II-I IIILI t I iL l
rH iſtoire de Chalcondile. 5o7
Dieu. Item. CE vx qui ſe deuoiieront du tout à Dieu homes & femmes, qui croiront en luy, 43.
& feront deuotement les prieres, qui ſerontveritables & patients, pleureront leurs peche Xſ3
offenſes,fleſchiſans humblement les genoiuls à Dieu : ieu/neront, feront desaumoſnes, & ſe
maintiendront chaſtement,obtiendront de luy pardon de leurs fautes, auec pleniere reſioiiiſſan
ceen 'autreſiecle. Somme qu'il recommande fortvne charité reciproque des vns aux
autres.IE ne demande rien de vous, dit Dieu ſinon que vous aimieX voſtre prochain. Et ſur
toutildeffendl'vſure. CE vx qui viuent de preſterà intereſf, ne reſuſciteront qu'en guiſe
de demoniacles, attendu qu'ils ont annexéaux choſes permiſes, ce que Dieu a voulu gſtre tenu
pour prohibé& illicite, alleguans que c'eſt intereſº, & comme vn gain en marchandiſe. Et pour , '
-
-
tantàtout homme quicraindra Dieu, il ſe faut ſouuerainement garderde viure d'vſure : car,
il ſe faut entreſecourir gratuitement l'vn l'autre : racheter les Muſulmans, & mettre parfois
les eſclaues en liberté. Ce qu'ils font d'ordinaire en leurs eſpouſailles auant que de
toucher leurs femmes : & ſur tout qu'on vacque à la continuelle lecture & obſerua
tion de l'Alchoran. CA R qui contreuiendra à la loy, defraudera ſes orphelins de leurlegiti
me ſubſtance, negligera les prieres & oratſons aux heures prºfixes, ne fera point d'aumoſnes
de fes biens ſinon parvne vaine gloire & oſtentation,ſera du tout exterminécº mauuais. Et
envnautre endroit de ſa doctrine il eſt dit, qu'on doibt touſiours exercer quelque
charité & bienfaitenuers les ſouffreteux qui en ont beſoin,iuſques à ietter des mor
ceaux de pain dedans l'eau,parce qu'il pourra aduenir que quelque poiſſon les en ti
rera à noſtre benefice Ce qui ſemble ſe rapporter à ce qui ſe racompte de Polycrates
tyran de Samos,lequel pour eſſayer la faucur extraordinaire de ſabonne fortune,qui
iamais ne luy auoit encores manqué,ietta vn anneau, la plus chere choſe qu'il euſt,
aſſezauant en la haulte mer, mais ayant tout ſur le champeſte englouty d'vn poiſſon
& ce poiſſon pris le lendemain par des peſcheurs,comme onl'appreſtoit ceſt anneau
futretrouué dans ſon ventre. | : -
cela,car Dieu gſ tout miſericordieux, lequel pardoune les mesfiiéfs. Plus.Quenulne laiſſe de 5I. . *
-
prier pour le bien qu'ilen doibtattendre. Et pour ceſt effect il ordonnè tant & tant de †
les treſpaſſez. " |
prieresleiour & la nuict, non ſeulement pour les viuants, mais pour les treſpaſſezº -
grandliure qui comprendtout. Item. Si nous voulons (dit Dieu) Nous enſeignerons le bon
& le droict chemin à chaſque peuple, mais noſtre parole eſt deſia arreſtée à ce quel'enfer ſoit en
tierementremply de ſa ſocietédes diables, & des hommes.OR à ceux à qui Dieu ouure le caur
à ſa creance,il enuoye parmeſme moyen ſa lumiere. Le meſme tient-il de la fatale deſti | | |
née, que les Grecs appellent euafuen, ou &vayxà, les Latins fatum, qu'il tient pour #
-
ineſuitable à toutes creatures. Nv L ne peut encourir la mort ſinon parla diuine diſpoſ 61.
tion, au temps aſſauoirqu'elle a prefix.Plus.Aucun ne ſçauroit preuenirne dilayerleterme qui
lyeſt limité Item.La vie de perſonne ne ſe prolonge, nyne s'abbrege , ſinon par la predeter
mination du liure. S 1 l'on demande le terme de ceſ*aduenement, reſponds qu'ilſ de tout temps
33
45 .
44:
·
:
!
|
eſtablytelqu'iln'eſtpoſſible de l'anticiperneretarderd'vneſeule minuted'heure. ET n'ya que 89.
Dieu ſeulqui le ſçache , & ſon Prophete. Derechef. NvL ne ſçauroit euiter ſon heure, 82.
| |
r
*i
yo, l'aduancerny la prolonger. PAR ovoy auant que la mort arriue, faites des charitez & au
|, | i |
-
-
67.
73.
moſhes des bien qui vous ont eſtéeſlargis, affn que la neceſſité vous prºſant vous ne ſoyez con
traints de dire, O Scigneur prolonge moy par ta grace
: , -l
menderay. MA I s ce ſera en vain. CA R luy ſachant
- +
encore la vie, carie feray du bien, & m'a
diſcernerl'intention, & les faits de ſes
- : /. -- - - -
| creatures,iln'allonge à pa vned'icelles le but qui luya effé arreſlé DE ceſte deſtinée ineſ
- - uitable,ſi telle eſt,les Princes Turcs en ont ſceu fort bié faire leur profitenuers leurs
l
|
-
| | | - - ſoldats,pour les rendre plus hardis,hazardeux,& entreprenans, quand ils ſe ſeroient
- reſolument Imprimez ceſte opinion,que pour quelque danger que ce ſoit,leur hcu
•
-
4 « -
| - re ne peut
auecvn eſtre
fort haſtée,
plaiſant comme
compte à ceil propos
eſt bien: de
à plein deduit
maniere au 7.
que liureils
quand devont
ceſteà quelque
hiſtoire,
| | aſſaut, ou autre combat perilleux, ils ont accouſtumé communément de proferer
- ces mots,Allah Verah, Dieu a ordonné ce qui en doibtaduenir, & ſoubs ceſte aſſeu
rance font ſouuentesfois d'eſtranges preuues de leurs perſonnes. .
L E s Mahometiſtes conuiennent des points ſuiuants auec les Iuifs,& auec nous,
i , mais aſſaiſonnez à leur mode, comme nous le parcourrons icypar les textes de l'Al
· · · choran,car ce qui en eſtamené cy-deſſus eſt des gloſes de leurs docteurs, qui en ont
| | | | | | | enrichy le compte. Et premierementilafferme vne fin de ſiecle, & vne renouation
| i | 26. de la terre,& du ciel par lc feu. Q v I ne croira vn ſiecle aduenir, a le cœur refraétaire &
. | | | | | 24. malin. A v Q v E L la terre ſe changera en vne autre, & le cielauſſi : & compareſtront deuant
-
| -
| * -
* 47. le ſeul Dieu tout-puiſſant, toutes les creatures qui furent oncques. CAR va ſeul ſon de trom
'. /.. - , f -
, · - l'ºſ , 88. pette les reſuſcitera toutes. MESMEs les Anges, EN ce iour de la verité que les ames reſuſciteront
' ' * 8o. & les Anges pareillement en leurs ordres.ET lors le ciel s'eſaanouyra enfumée , & la terre s'eſ
| | | ' : 88. charpira comme de la laine qu'on carde. LE ciel s'ouurira en pluſieurs portes, & ſe reployera par
, , , ' , " | 91. menus fragments & lambeaux, ainſi que de petits billets de pipier: & vn feu deuorant allumé
· · · · · | | Iſai.34. de toutes parts embraſéra tout. Le Soleil perdra ſa lumiere, les eſtoiles cherront à bas. ET les
, l t
- -
!
, |
| | -
# -
montaignes qui auparauant ſe monſtroient ſifermes ſtablies iront voltigeans çà, &rés là/2 à: guiſé de
- - - - - - - - -
·
'
·
! -
·
- |
· - · muées,&ſeront en fin concaſſées en menue poudre, plus deliée qu'atomes. CE s T aduenement
-- - - 2 * - -'
· · · · · · - * trop horrible & eſpouuentable ſera plus viſte qu'vn clin d'œil,qui penetre en vn momët de later
· · · , · · · · ·· ·· '
42 re·orsiuſques au ciel. ET lors au premier/on de la trompette toutes choſes ſuccomberont à la mort,
ce que Dieu en voudra garentir. CAR toute ame viuante gouſtera la mort , mats diuerſe
,
- , "
- ) XV •
39 que D dra garentir. CAR tout te g la mort, d
- • • · - 89. ment : PARCE que les Anges tireront les ames des peruers d'vne grande force & violence hors
! - | . | • : de leurs corps, comme contraintes d'enpartir, & celle des bons doucement, & de leur bon gré.
- · | - - - » - » •- - -
- , | | 49. Av ſecond ſon elles reuiuront,& le ciel & la terre reſplendiront de la lumiere de leur Createur.
- | | | ' ! i' 9I. SI que les ames retournans és corps,recognoiſfront chacune endroit ſoy ſes actions : E T compa
- · - | | 24. roiſtront toutes deuant le grand Iuge pour ouyr leurderniere ſentence. LEQvEL arriuant auec
- · · · · i 49. les Prophetes qui ont eſtémis à mort icy bas,iugera tout d'vne verité cquitable, ſans faire aucun
| * # # | 4. 2o, 3o. tort à perſonne, ains retribuant à chacun ſelon ſes merites. DoNT les vns diront n'auoirgeu
| | l . #† • ig que ſix iours, & d'autres plus conſiderez & diſcrets,ſinon qu'vn. D'autres vne heure. Et
- | | | | d'Origene. " derechef TovTEs choſes chacune àpar ſoyretourneront à Dieu en celle grande ſpacieuſé iour
· i - | - 42. mee contenant preſque autantque mille de nos annees temporelles. Enquoy il ſemble faireal
- - ' luſion au Pſeaume9o. Mille ans deuant tes yeux ſont comme le tour d'hyer qui eſt paſsé. Et
| : ; en la ſeconde de ſainct Pierre troiſieſme. I n iourenuers le Seigneurcomme mille ans , &
| • mulle ans comme vn iour. Là deſſus interuiendrale iugementvniuerſel,auquel ſeront
- 24. remunercz les bons,& punis les meſchans. Q v E perſonne n'eſtime que Dieu ignore les
• 1 - auures & deportemens des peruers incredules, encore qu'il prolonge leurcondamnation iuſques
|
| :
:
|
- auiourdu iugement,où ils comparoiſtrontd'vn courage toutproſterné,voire mort,ſans oſer tour
• | | - -
| | º - mer
, les yeux nullepart.
Neaumoinsiladuoüe en vn autre endroit,que ſoudain apres leur trcſpas les mcſ
- -
| - - -, ' ' • - - - - - - -
- | | . : º . chants iront en enfer, là où ils commenceront à ſentir le tourment qui leur eſt prc
, , , | · 33. paré pour toutiamais. C E LA dit le condamné entrera au feu, & y demeurera iuſques ex
· · •
·
* '
· · ·:| | | |
| | | |
· la reſurrection. Apres laquelle reſurrection leur peine leurrcdoublera, comme eſtans
- » - - » . / 2 - - » ,/ -
, * • " | | | | - 29. en corps & en ame. IL fautſeauoirqu iln'ya perſonne qui apres ſa mort ne s'en voiſº paſſer
· · · · | | | | | | par le feu, auquelles incredules ſouffriront meſmes corporellement. Au liure de la Zunc, où
| | | | | |
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-
eſtinterpreté ce lieu du chapitre Elneſa, Q v E Dieu gſleua à luy I E svs-C H R 1 sT,cſcrit
il eſt -
| | # | -
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• ! | - -
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- · 4
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1
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4 | -
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- * - ri • . " , J -
- l ? |
·. : | ||
· l'Hiftoire de Chalcondile. 5O9
eſcriten ceſte ſorte : IE sv s fils de MARIE deſcendra du cielen laterreau iourde la reſur : • »•
reétion,& iugera les hommes en iceluy d vn iuſte iugement equitable. LE Parenſus de ce pro-*º rectió.
pos depend de laditte reſurrection,à quoyil eſtincorporé laquelle Mahometadmet
toutreſolument,auec quelques allegations non impertinentes,ſi elles n'eſtoient en
farin ées de tantd'impietez & blaſphemes,& de plus que pueriles fatras. D 1 E v d'vn 2. 3 .
non eſtre nous ayantproduit en gſtre devie, ilne luy ſera non plus malaiſéapres noſtre mort nous
reſuſciter.CAR tout ainſi que Dieuſans peine & trauail,& ſans aucunementſe laſer,crea le ciel 56.
& laterre, à plus forteraiſonpeut-ilbien, luy tout puiſſant qu'ilgſt, reſuſciterles morts qui ont
deſiaſtéquelquechoſe.Maisſion allegue comme ilgſfpoſſible der ſuſciter & rëdre de nouueau la 46.
chairquiauraeſtévnefois conuertie en terre,à des oſémens deſia tous reduits enpoudre,& les re
ſabliren leurpremiereſtat,reſpondez que celuy qui vous aformez premierement vouspourra bié
reuifferſecondairement,carileſt tout-puiſſant,tout ſachant,laſcule ordonnance duqueleffectue
& met à execution toutes choſes,la main duquelgouucrne tout,& tout retournera à luy.Voirefuſº 27. '
ſie{vous de marbre ou defer,ou de ie ne ſçay quoy deplus durencore,celuyqui vous a crée la 1.fois
vousreſuſcitera & rappellera de nouueau en vie.CE LA luygſt-ildoncquesplus malaiséque de 2.9.
• t
creerderien le ciel & la terre#Ov de vous reſtituer vgſtre corps qui deſa a eſté,quedel'auoirfait 32..
n'eſtantpoint. EN premierlieu deſimple terre, & eaapres de laſemence venantſucceſſiuement 33. . 85.
du 1 hommelaquelleſeconuertiſtenſangdedans le ventre delafemme,puis en Embrion, tit que
fnablement au temps determinéilparulentà ſaforme complette.Ainſi toutes choſes enuers
Mahometreſuſciteront au dernieriour,cöme il eſt dit auTheſchere Eliman,le manuel
des preſtres,qui eſt vnabregé de la doctrine Mahumetique.ET tout retournera à Dieu, 6o,
parle commandementduquella terreſé diuiſeraſoudain,à ce que toutes choſes retournent à celuy
#
quileura auparauant donnévie,& puis apres mort.ALoRs Dieu iugeant vn chacun ſelon· Mahomet du
ſesmerites,aux fideles gens de bien,les bons Muſſulmans, Qy1aurontexercéleurs au-§
moſnes & chariteXenuers lespauures indigens, aſſiſtéles orphelins,fait deuotement les prieres 86.
aux heures deués,eu leſoin de ſe lauerounettoyercome il faut,guerroyéde tout leureffort les ido
latres & meſcreans pourl'exaltation de lafoy,obſeruéles ieuſnes des Ramadans & autres choſes
à euxeniointesparle Prophete,illeurdira Entre{vous autres mes bien-heureux eſleus au Para 6o.
dis qui vous aeſléprparé. Mais ce Paradis n'eſt pas eſtably ſur lafruition du ſouuerain
bien,que l'œil n'aveu,nyl'oreille oy,ny n'eſt entréau cœur & apprehenſion des per
ſonnes,ny en labeatitude nonplus de la ſocieté des Anges,& viſió de la diuine maie
ſté,ains du tout tel que la chair & le ſangontreuelé à ce faux prophete.EN ce Paradis *s
doncques ces heureux eſleuziouyront en l'autreſiecle d'vnefelicitéeternelle, comblée de plaiſirs
& reſiouyſſances de toutesſortes de volupte% Qui aura eu crainte d'offenſerDieu, deuant lequel 65.
tous nos faits & cogitations/ontenplaine veuè,receurapourſon heritage deux Paradis,abôdans
detoutes manieres de biens.(Auſſi conſtitue-il deux morts & deux vies.)&arroſe (deplai 5o.
Jantes & delicieuſes fontaines, & ruiſſeaux cristalins coulansſouefuement.Là ils ne ſentiront 28.
:
aucuneennuyeuſe ardeurduSoleil,nypoint demoliſtes & picquantes froidures,ainsſerôt en tou 86.
tesſaiſons en vn tres-attrempéombrage de beauxgrands arbresſpacieux,qui inclineront d'eux 66.
meſmes leurs branches, à ce qu'ils cueillent ſans peine & trauailles ſauoureux fruičts dont ils
ſontchargez en tout temps,auecinnumcrables petits oiſeaux perchez deſſus, qui de leursgorges
armonieuſes deſgoiſeront vne plus plaiſante muſique, que tous les concerts d'inſtruments &
de voix qu'on ſcauroit accorder enſemble. I L s ſeront au reste veſtus de triomphantes &° 28.
pompeuſes robbes de ſoye verte, brochée d'or, auec de riches chaiſnes & carquants au col verte
La couleur
fauorite
tous ſtoffez de pierreries, & des braſſellets de grande valeur DoRM 1R oNT quand de Mahomet.
vouloirleurprendra de ſerepoſer,en detrop ſuperbes lits de drap d'or, d'argent, & de pourpre, 46.98.
auecdes oreillers garnis de groſſesperles,& autres pierres precieuſes.Ov illeurſera loiſible de 65. 66.
prendre leurrecreation auecdes filles touſîours vierges, & non encore depucellées parles hommes
neparles demons,belles aureſte en toute perfection,& agreablesplus que les perles neiacynthes. -
à leurs bien-aime{ eſpoux. Eux alors auecleurs tres-cheres compaignes, ſans plus ſeſoulier 48. 62.
derien qu'à ſe donner du bon temps, appuyez ſur detres-exquis ç doiiillets couſins de duuet, 46., |, h
- FFF
A
# ·
5Iô Illuſtrations ſur :
d
#8. reueſtus de ſoye : D E ss ov B s de gracieux ombrages de dactiers & de vigne grimpante le
: 86. longdebeaux verdoyans cycomores en toute ſaiſon, M A Ne E R oNr de tels fruičts dont leur
62 . appetit les enſemondra. ET apres s'en eſtreraſſaſiez à ſouhait, enſemble de toutes ſortes de
66.86. viandes les plus exquiſes & friandes que gouſt d'homme ſceuſt deſirer CE R T A INs gra
cieux iouuenceaux en la tendre primeſleurde leurpuberté,propres & nets, plus polis que per
les,leur preſenteront de belles grandes couppes de criſtal & d'or, toutes ſemées de pierreries,
leines de la ſauoureuſe liqueurd'vn vin plus ſoueffleurant que baumenyambre gris, temperée
zelzebil. d'eau de la fontaine des bien-heureux, ditteThoſuez.Etainſi ſemaintiendrant en vn continuel
86. ſoults qu'on neſauroit imaginer,ſans plusſentir la mort,nytrauerſes aucunes de maladies, ou
| autre accident,ennuyne faſcherie quelconque qui leur peuſttroublerleur fèlicité & repos.
L' E N F E R. Av contraire les infidelles meſcreans & perucrs, 9ui aurontnegligéles%#, ad
84. monneſtemens du Prophete,les iouèurs,yurolºgues, berlandiers,vſuriers,adulteres,& violents
vſurpateurs du bien des pauures orphelins & des vefues,les faulſaires, homicides, & blaſphe
-
mateurs du nom de Dieu,auquelils auront voulu attribuerdes eſgaux & comperſonniers,ſeront
-
2.5. à cauſedeleurs forfaicts precipiteKaufonds d'enfer Qy 1 aſeptportes commiſes à lagarde de
certains tres-rigoureux Anges pouryºſtreperdurablement tourmentez dans l'horrible feu de lu
sz. gehenneeternelle : DoNT l'ombre eſt diuisée en trois parties, non demoindre horreur que les
flammes propres qui deſgorgent à tous moments des ſttncelles comme degros tourrions , ou des
24 chameaux roux d'vn poil enflambé.ET là outreXd'vne ardeur plus qu'inſupportableaux demûs
meſmes, demandans vn peu d'eau pour alligement, on leuren donnera la groſſeurd'vne petite
| r ** larme qui coulegouteàgoute desyeux & aurºſteſiinfecte,venimeuſe & abominable qu'eleleur
rºgera les entrailles,& les gſfoufera ſoudain,ſans toutesfois pouuoirmourir,tres-manuals breu
uage certes ſurtous les autres. ET quant& quant ſeront ripeus àgrandcontrecœurmalgréeux,
d'vn fruičtreſſemblant à des teſtesde diables,del'arbre appelé Ezecum, qui de ſa racine boiiil.
lonnelecontinuel feu de lagehenne, de maniere qu'il ardra au fonds de leurventre,comme le
bronze en la fournaiſé preſt à ietter : LEs miſérables cependant gſtantconſtituex aamilieu de
l'embraſement,lateſterenuerſée en bas dans degros charbons allumez,enchaiſaez parle colaucc
des carcans,degroſſesmanottes ésmains,& entraues auxpieds,& des chemiſes depoix enflam
bée,ayans deuanteux les teſmoins & accuſateurs de leursforfaits. ET en outre vnpapieriour
malqu'on leurouurira,où touteſt enregiſtréparle menu, auquelvn les contraindra de lire. Voicy
noſtre liure (dit Dieu)quicontientenſoytoutes vos actions & deportemens, eſcrit de noſtre
propre main, lequeldeſcouuriratous vos faits à la verité car il ya vn grandvolume rierenou,
quicontienttout.Avmoyendequoyceiourlà iln'yaurarien quiſoit cachédetouslesplus ſecrets
affaires des hommes.ET là deſſus les miſérables s'exclameront, Helu combien dangereux & à
craindre eſt ce mauuais liure icypournous qui n'obmetriëquelcóque desplusgrides ny desmoin
dres choſes.AvQvELeſtans diſtinctement marquez les mesfaits & maluerſatiôs desperuers,il
ſerapuis apresenfoncédis le plus profondde la terre.Mais celuydes bûs qui eſt eſcriten belles let
tres,& d'vne eſcriture agreable,on le verraſuſpëdu auplus haut du ciel,pour yeſtre leu des eſleus
•"•"*
lesplusproches de Dieu.A ce propos les Mahometiſtes tiennét comme il eſt ditauliure
d'Azear,& autres,que désl'heure de la naiſſance de la creature deux Anges luy ſont
ordonnez de la part de Dieu,pour luyaſſiſter iuſqu'à ſon treſpas,l'vn à la main droite
lequel eſt appellé Chiramin,& l'autre àlagauche,Chiratibin,qui ſont cöme eſcriuains
:, du bien & du mal que chacun fait en toute ſavie,dötils font regiſtre qui eſt produit
auiour duiugementAuecautresinfiniestelles fictions poëtiques,eſpandues confu
ſement çà & là dedans l'Alchoran,lefquelles cöme indifferentes pourroiét eſtreau
cunement tollerables,pour retenir par ceſte crainte ces gés vicieux, & au reſte groſ
ce que Maho ſiers & ruraux.Mais nonpas les impietez & blaſphemes qu'il y entrelaſſe,cótre ladi
i ſi , , , met tient de uinité du Sauueur,cöbien que ce ne ſoit pas du tout de droit fil, ains obliquemétpar
§t vne tres-cauteleuſe malice,feignantl'exalter par deſſus toutes creatures, & côme ſi
luy-meſme ſe complaignoitdutrop d'honneur qu'on luy defere en le faiſant Dicu.
ce qu'ilabhorre & deteſte.
: 13i O IEsvsffls de Marie (introduiſant Dieu quiluyparle ainſi)perſuades tu doncques aux
hommes de te tenir toyc#tamere aurancde Dieupourdeux autres Dieux,& t'adorer*I #svsre
Aód,Dieune vueillequeiediequeverité,& ſii'ai ô Dieuproferéquelquechoſètaleſ#aébié#,
1-
,
- - celuy
*• ! --
"» .
l'Hiſtoire de Chalcondile. 5II
• • • • - • - ", (-- J. • ... - L - -- & º ..,%'. ;-, /C. :,? . i Aſtuce & blaſ,
celuyquicognoiſſantles interieurespenſées detous les cœurs, penetreX auſſi iuſqu au fonds du † . -1
mien, & non pas moydedans le tien. Parquoy tu ſçais que ten'ay rien annoncé à tes creatures ºu prophete
Aorſmis tes commandemens & preceptes, affauoirqu'ils euſſent à t'inuocquer& adorer,toy mon
Dieu,& le leur,dont pendant qu'ilt'a pleu me laiſſer là bas i yayaſſiſtépourteſmoin:mais main
tenant toyquies l'infallible arbitre de toutes choſes, depuis que tu m'a eſleué à toy,en es toy meſ ,
me le cognoiffeur.Somme que tout le but où il viſe eſt de renuerſer la diuinité du MEs
sIHE,ne le conſtituant que pur homme,auec la pluſpart des anciens herctiques. IE-.
- svs-CHRIST n'a eſtéqu'homme ſeulement,auquel Dieu a conferé beaucoup de bonté,& l'a inſti- 53.
# ! tuéDocteur pourinſtruire les enfans d'Iſraél, lequcl venant auecla diuine efficace, diten cºſte
|, ſorte.Mevoicyarriuéauec Sapience qui decidera vos altercations.Suiuez moy doncque, & crai- -
#. gne{Dieu le Seigneurde vous,& demoy.CAR Dieu n'a aucun enfant,nyne luy cſt point beſoin 2.O .
d'en auoir,nydecomperſonniere>eſgalnon ple. NE dittes pointqu'il yait trois Dieux, veu, 35. 37°
qu'iln'y en a qu'vn tout ſeul,qui n'a point d'enfant,& eſt tout-puiſſant,Toutce qui eſt au ciel &, II.
# # gnon autres-haut & ſouuerain Dieu, qui n'a ny femme ny enfant. CA R iln'ya qu'vn ſeul 122. |
,
Dieu neceſſaire à tous, & incorporel, qui n'a pointengendréd'enfans, nyna pointauſſieſtéen- 1 4 26. 28, :
# • l
gendré, & n'a point de ſemblable à luy. Voila de ſes execrables blaſphemes contre la 3i. 33 35. | l
- * ! l
affermans eſtre les plus dignes excellentes,& parfaictes creatures qui furétoncques. -
| -
| |
MA R 1 E ſeredreſſant du tout à Dieu ne commit iamais rien de mauuais, parquoy nous auons 76 |
|
-
ſouffléen ellevname qui debuoit confirmernos paroles, & noſtre liure, & perſeuerer en toute, -
|
»
bonté.Entendant par ceſte ame là IEsvs-CHRIST, quifut conceu en elle du Ruhela ou
ſoufflement de l'Eſpritſainct. IE s vs le fils de Marieeſt le meſſager & nonce de Dieu , & II ,
ce Verbe de Dieu eſtre ſon meſſager, dont il eſt eſcript en Ieremie vingtroiſieſme. -
r
-
#
Telle eſt ma parole qu'eſt le feu. Etau vingt-huictieſme du meſme : Quant ſa parole ſera -
venue, le prophete ſera cogneu.Et certes les Iuifs ſçauants enl'eſcriture n'ont peu igno |.
rer IE s vs-CH R I s T, s'ils ne ſe fuſſent tout à leur eſcien obſtinez en leur refractai ::
re erreur : mais pourretournerà Mahomet. Encore que Dieu aitextolléles Prophetes l'vn II.
plus quel'autre, iuſques meſmes àparlerbouche à bouche auecd'aucuns:Ceneaumoins à I E s vs i -
•t ,
-
fîls de Marie il a conferé vne puiſſance & vertu par deſſus tous autres. E r vne ame pure 13: | |
"i -
nette, & benoiſte, lequel donna la veuë à vn aueugle nay , guerit vn ladre, & reſuſcita |
des morts, luyayant en outre enſeignél'eſcripture, & la Sapience, l'Euangile auſſi, & le teſta
ment. Itcm. Dieu enuoya l'vn de ſes ſprits à Marie , en reſſemblance d'vn vray homme.
(l'Ange Gabriel) de la veuë duquelſe trouuant gſtonnée de prime face, elle eut recours à Toutle miſus
prierDieu qu'ullavouluſt deffendre deluy, qui toutàl'inſtant luy va dire, n'eſtre ſinon le meſ eſt, mais per
uerty.
#
ſagerde Dieu, lequel luy promettoit vn fils qui croiſtroiten tput heur& perfection. Et elle re
-
plique, Comment pourrois-ie auoir d'enfant , qui iamais n'eus accointance d'homme, ny le
cœur à ceſt acte là ? Il reſpond, cela eſt poſſible à Dieu , & leger à effectuer : & en appa
-
roiſtra aux hommes vne tres-admirable & 7'nique merueille, don gratuit de ſa grandecle
5
-
mence & miſericorde. Tout de ce pas ſe ſentant groſſe, de honte elle s'enfuit au loing : c3
J.
*
eſtant ſur le point d'accoucher, ainſi qu'elle ſe repoſoit ſouks vu Palmier : Pleuſt à Dieu,
va-elle dire , que ie fuſe morte, & engloutie de l'oliame auant que cecy me fuſt aduenu.
Mais là deſſus I E s v s-C H R 1 s T eſtant ſorty hors de ſon ventre, luy dit : Ne crai -
gneX ma mere , car me voicy qui vous aſſiſte : & Dieu quant & quant luy ordonna de
croulerl'arbre, dontgſtanttombées des dactes meures elle en mangea, & puis apres beut, ſº •
1J
«
512 Illuſtrations ſur
quelle ſereconforta, & addoucit ſon affliction, delà ayant portéſonenfantaulagé, comme on ,
ſe ſcandalizaſt de ce faict, IE svs va dire tout ainſi petit qu'il gſtoit emmaillotté dedans ſes
langes, ie ſuis le ſeruiteurde Dieu, lequelm'a donné ſon liure, & conſtitué ſon Prophete pour
l'amandementdeſes creatures , m'ayant ordonné de prier pour elles,faire des aumoſnes &
charitex, & honorermamere pendant queie conuerſerayaumonde. Ilm'a aureſte crée exempt
de tout mal,cardé l'heure demanaiſſance le diuin ſaluta eſtéeſtendu ſurmoy, & ſera pareille
33. ment à la mort : & quandiereuiurayderechef pourmonterlà haut.Là où enſembleàlavier
ge ſamere, ayansl'vn & l'autre fait de grands miracles parmyles hommes,il aſſigne
vn lieu à part de beatitude,fort plaiſant,& arrouſé d'eaux : & lafait quant à elle exé
5. pte auſſi de tout peché,meſmement de l'originel.La femme de Ioachim ſe ſentant groſſe
vadire,Ie te vouë ômon Dieu Createurde tout,l'enfant conceu dedans mon ventre,qu'ilteplaiſe
doncques lereceuoirà ton humble ſeruice. Et comme elle euſt enfantévne fille à qui elle donnale
nom de Marie, l'inuocquant derechefs'en va dire : oEterneldefends s'ilte plaiſé ceſfe mienne
fille,& le fruict qui ſortiravniourd'elle, deuouèz du toutàta/aincfe obeiſſance des tentations
aguets,& embuſches du diable, laquelle priere Dieu exauca. Il ya toutplein d'autres ſem
blables choſes qui ſuiuent apres, peruerties de nos Euangiles. Mais il n'admet pas
que IE svs-CHRI s T aiteſté crucifié, ains vn autre parmeſcognoiſſance en ſa pla
-º , ce. L E s Iuifs horſmis bien peu ne croiront iamais, leſquels font vn trop grandoutrage à
- : † Marie, & luy vſent d'vn blaſpheme iniurieux, d'alleguer qu'ils ayent mis à mort IE svs
auec Cerdon, CHR I s T,ſon cher fils, qui eſt le meſſagerde Dieu, mais rien moins que cela , ains vn autre
†, qui luyreſſembloit?Ce que deſſusill'aauparauant dilaté en ceſte ſorte,pour monſtrer
s§ touſiours d'auantage comme il entremeſle & pallie ſon venin deſſoubs vn ſuc de
º pieté,mais groſſierementàgens entendus,& fort aiſé à deſcouurir : car ſelon que dit
non Ineptement certain poete.
Le fardneſçauroit faire vne Helene d'Hecube.
j. O MAR 1 E, diſent les Anges, plus nette & monde que tous les hommes ne les femmes,
addreſſant perſeuerammentta penſée au ſeul Dieu, adore-le, auecles humbles de cœur qui luy
· fleſchiſſentlesgenouils.Maintenantt'eſt enuoyée du ſouuerain Createurde toutl'vniuers,la ſu
blimeioye du hautmeſſager,qui eſt le Verbe de Dieu, dont le nom eſt IEsvs-CHRIsT, qui eſt la
· face de tous les peuples,tanten ceſiecle qu'au futur, vn tres-bon & tres-ſainctperſonnage.Elle
reſpond.omon Dieu,moy qui n'eus oncques accointance d'homme, comment conceuray-ievn en
fant ?Les Anges repliquents Iln'yarien impoſſible à Dieu,lequel fait tout comme il luyplaiſt,
& dont le ſimple commandementexecute tout à ſavolonté. Il enſeigneraàton fils venantauec
la diuine vertu, le liurecontenantlaloy,enſemble toute ſcience & doctrine,leteſtament, & l'E
mangile, & les preceptes qu'il doibt annonceraux enfans d'Iſraël, & ſoufflant ſur des figures
d'oiſeaux parluy formez de ſimpleterre, les rendra volants : guerira les muets &- aueugles,
nettoyeralaladrerie,& parlacooperation du Createurreſuſciterales morts,manifeſterales vii
des qu'ileſtloiſible demanger,en confirmant le teſtament,fors quelquesvnes qu'il permettra,
yayans ſté prohibées,& declarantd'eſtrevenuauecques la diuine vertu & puiſſance, diratout
haut.Vous quicraigneXDieu,yuiuez moy, & en l'adorant vous cheminerezparladroitte voye,
carileſtvoſtre Seigneur& le mien.Mais IE svs ſçachant bien que la pluſpart voudroient de
meurerobſtinexen leurincredulitéditainſi Qui ſont doncques ceux d'entre vous qui me veu
Apºcalypſe 4 lent ſuiure?A quoydes hommes veſtus de blancreſpondirent, nous au nom de Dieu te ſuiuans,
croirons en luy.Tellement qu'entre les Mahometiſtes,maislesTurcs principalement,
)
quiconque blaſpheme IEsvs-CHRIST, ou la Vierge ſamere, il eſt toutſurle champ
Leuitique t1. #uny de cent coupsdebaſton. Ce point au reſte qu'il toucheicy des viandes prohi
ées en l'ancienne loy,dontilremet la diſpenceàl'arbitre de IEsvs-CHRIST,batau
cunement ſur les traditions des Cabaliſtes. Car dedans le Breſit raba,lagrande gloſe
Aaes 1e de Gen.ſurce texte du4o.ch.Etenlaplus hautecorbeillemeſembloitque ieportois de toutes
viandes,ſurquoyeſtalleguéle 146.Pſ Leseigneurdeſlie les entraueX, entre autres cho
ſes il eſt ditainſi.Toutes beſtes quience ſiecle (de laloy de Moïſe faut entendre) Sera te
nue pourimmondeautemps aduenirdu Meſihe ſera faicte monde & licite, tout ainſî qu'elles
gtoient aux enfans de Noé,auſquels ileſtditen Geneſe neufieſmeTout ce qui ſemeutayant vie
- vous ſera pour viande. Ievous ayočtroyé le tout, auſſi bien que les verdoyantes hortailles.
A.
-
l'Hiſtoire de Chalcondile. 513
s | Car nyplus mymoins que ces herbes & vegetaux gſfoient mondes, & permis indiferemment
- à chacun, auſſi toutesſortes de beſtes leur eſtoient mondes & licites. En ſemblable doit il eſtre
#?
$
au temps du Meſſie, où Dieu permettra librement toutce qu'ilauoitdefendu, & meſmement la
chairde porc: dont ſurle deſſuſdit lieu du Pſalmiſte : Le Seigneurdeſlie les liez, eſtformée vne
queſtion pourquoy ceſt animal gſf appellé vin Chaſir, qui ſigniffe en Hebrieureuerſion ?à quoy
on faict reſponſé, que cela denote que Dieu le fera retourneraumeſme eſtat qu'ileſtoit du temps
de Noé,auquelil gtoit permé d'en manger. Ce meſme touche encore Ben Carnitol és
portes de Iuſtice. . - - -
#: le liure de verité, confirmatif de ſes preceptes, auec lequel tu pourras iuger de tout. LEQyEL 12:
eº liure (dit Dieu à Mahomet)nous ne t'auons commis pourautre cauſe, quepoureſclairciraux 26
Hommes leurs contrarietez d'opinions, & le manifeſterà ceux qui cheminent la droicte voye, & -
mettent leurattenteen lamiſericorde de Dieu. Item. Avx hommes de loix (ilappelle ain- 1*.
ſi les Iuifs, les Chreſtiens, & Mahometiſtes; car il n'y a eu que ces trois loix eſcrites
de conſtante opinion, d'autant que le Paganiſme avarié en tant de ſortes qu'il nè ſe -
roit pas poſſible de le prendre pour loyarreſtée) à ceux doncques qui obeiſſent àvneloy , . d ſon
& religion,s'ils croyenten Dieu comme il faut, & qu'ils le craignent, illeuroétroyera pardon †#º
de leurs faultes, auecvn Paradis correſpondant à leurs merites : Que s'ils obſeruent les com- -
cgſt Alchoran manifeſte aux enfans d'Iſraël & reſoult lapluſpart des choſes dont ils/ontendou- 37.
te & diſpute, auec le droiéf chemin paroù les croyans obtiendrontpardon de leurs fautes. De
là il eſt bien ſi effronté & impudent de ſ'appeller Accurzamen Penegaber, le dernier
# des Prophetes. Mahomet ſºle dernierd'eux, & comme le ſceau, & lecombled'iceux Pro 43.
',
#:
la grappe ſon manteau : dit cccy, .9aandle Roy Meſſie viendra, ilſera veſtu d'vnpourprejort
bel à voir, & ſera le chef d'Iſrael. , - t . * , : ." -
Tov r ainſi doncques que ce faux Prophete & ſeducteur de la pluſpart du gen
: te humain,a eſté comme vn receptacle de toutesleshereſies anciennes, à guiſé de
FFF iij
-|
- 1 e
CE sTE ouuerture, qu'il pourſuit en pluſieurs autres diuers endroits, vne fois 2r. 24.26.
faite à la digue & leuée,l'eau qui en eſtoit retenuë bien aiſément ſe fait paſſage pour 47.55. 56,
ſ'eſtendre à trauers les champs, & ſubmerger tout le territoire.
Qv 1L ne faut point porter d'honneur ny de reuerence aux Eccleſiaſtiques.
LES CHR E s T 1 E N s reuerent leurs Preſtres & Pontifes : les tenanspour Seigneurs & ſu 19:
perieurs au lieu de Dieu,encore qu'illeurſoitexpreſſement defendu de ne venererſinon vn Dieu,
s'efforçans parleur bouche d'ſteindre la clarté d'iceluy,que malgré eux, & leurs efforts ilcon
duira à ſon parfaict accompliſſement. Et pourceſt effecta deſ#eché ſon Meſſager (Mahomet)
auec la droičte voye, & la bonne loy pour la manifeſter aux hommes, quelque reſ#ance qu'on
y puiſſe faire. Reprouuez doncques, ô vous gens de bien, ces Prºſtres, & Pontifes là, qui deuo
rent gratis & impunément la ſubſtance des ſimples perſonnes, & ne vont pas le droiéf che
7/2/77.
fruſtrer d'aucun bien, nyfaire mal Somme que le Mahometiſme defend fort eſtroi- Pſeaume ti; '
tement toutvſage de fimulachres, effigies, & portraicts de choſes quelconques, tät
és lieux ſaincts comme és prophanes : meſmes és manufactures de tapiſſeries, brod
deries, & toutes autres ſortes de meſtiers, iufques à vne reſſemblance non d'hom
mes tant ſeulement, ou de beſtes, ains des arbres meſmes, herbes & fleurs : & en
ſomme de tout ce que produiſt la nature; n'eſtimant pas eſtre loiſible à la creature
de contrefaire & imiter les ouurages du Createur. ·
· LA NovvELLE doctrine ne le prend pas ſicruëment, mais elle a au reſte cecy
de commun encore auec eux qu'il ne faut contraindre perſonne à ſè ranger à la Ca- .
tholiquereligion, & ſe departir de ſes opinions particulieres. Ne faictes force ne
violence à perſonne pour occaſion de la loy, attendu que la droicte & peruerſe voye ſont par
: tout ouuertes. Htem. Retirez vous de la compaignie des incredules # leur faire aucun . 15.
$ mal ny outrage, encore que parvne ignorance ou courroux illeureſchap de dire quelquechoſé
516 Illuſtrations ſur
i
de trauers de Dieu, parce que chaque nation a accouſtumé de ſe complaire en ſes traditions &
#é. creance, & les trouuer belles & bonnes. Plus.. PENsEz vous reduire les meſcreans defor
| ce à la vrayefoy
& doctrine ? Nulnepeut croire droictement,ſinon que Dieu le vueille de cºſte
ſorte, lequel laiſſe crouppir les malins indiſcrets en leurimmondice, & ordure.Caron/cait aſc
ſez quericn des celeſtes, ny terreſtres vertus, ne les miracles quels qu'ils ſoient, ne ſauroient
profiteraux incredules, qui n'attendent que des euenemensſemblables à ceux de leurs predeceſ
j { -
52. ſeurs. ET certes nous ne t'auons pas enuoyépourſurueillant & obſeruateur de ceux quiſe four
uoyent de la loy, ne pourles contraindre : car tu n'as autre choſe à faire que de les admoneſter
* "- , ſeulement de leurdeuoir Aamoien dequoyen les reprenant ne leurvſe d'aucuneforce ne violen
ce, ains ne leurfais qu'expliquerl'Alchoran, à ce que craignans Dieu tu les adreſſes au bon che
min. Ilreitere le meſme encore en pluſieurs endroits : mais en plus d'autres il ſe cö
trediſt. &à ſon exemple les refractaires, qui ont cela de propre & particulier, de ne
vouloir eſtre contraincts de ſe departir de leurs opinions, & veullent cependantfor
cer les autres de leur adherer. -
i6.
IL N'EsT point au ſurplus beſoin (ce dict-il) d'authoriſer ſa loy par miracles.
I E sçAY que vous n'attendez autre choſe pour croire ſinon que quelque aduenement des An
ges ou de Dieumeſme, & des miracles en effect : mais vgſtre foy ne vous profitera de rien quand
*7 ils aduiendront,parce que vous n'aurez pas creu auparauant. Derechef. S'1 L s te de
*. mandent pourquoy c'eſt que tunefais des miracles,puis que tu viens auec les diuines vertzs, dy
| ll
27.
-
leur que tu ne fais ſinon enſuiure lemandement de Dieu. MA1 s pluſieurs demeurerontin
credules, alleguans qu'ils ne veulentpoint croire à tesparoles, iuſques à ce que tu leurayes fait
- - - -
††§§ ſourdre vnefontaine d'eau viue tout/urle champ, ou deſcendre quelques bcaux vergiers de dt
|- - >
de la pieire étiers, des vignes, & iardinages arrouſez deplaiſans ruiſſeaux : ou que tu ne faces venir Dieu
# †# ºº & les Anges auecques toy, à la veuë de tous : ou que tu ne montes là haut au ciel, & de là leuren
l'eau.uoyes le liure de la loy pour y lire : Certes ils ne t'adiouſterontfoy deuant, mais là deſſus inuoque
& #† Dieu, qu'ilte donne moyen de te demeſlerde ces importunes recherches, en leurdiſant : ie ne ſuis
' fors vn homme, meſſager ſimple, qui vous reuelela droicte voye. Somme qu'il r'enuoye tous
les miracles à la ſeule diuinité, comme on doit de vray, mais nompas que Dieu n'en
face par ſes creatures, où il veut manifeſter ſa gloire & puiſſance.
A cE que deſſus ſe peut non impertinemment enfiler cecy de l'apoſtaſie. Qyr
deſniera Dieu enappert,retenantneaumoinsſecrettementſa religion en ſon cœur,ne/era dam
népourcela. Ce qui contrarie directement à pluſieurs paſſages de l'Euangile. Qv 1
me niera deuant les hommes, ie le nieray auſſi deuant Dieumon Pere qui eſt és cieux. L'Al
26. choran dit doncques. Qv 1 c oN Qv E aura vne fois receulafoy s'il vient à s'en demen
tirputs apres, & larenier parforce & contrainčte, pourueu que ſecrettementil retienne enſon
cœur ſa foy&ſa loy, neſera damné pourcela. Mais s'il lefait volontairement,parce qu'ilau
ra preferé la vie de ce tranſitoire monde à celle du ſiecle aduenir, iamais Dieu ne le redreſſera en
la droicte voye, ainsſeraexposé aux peines & tourmens perdurables. Sainct Auguſtin ſur
ce ſeptieſme verſet du cinquieſme Pſeaume : Et perdes omnes qui loquuntur menda
- cium , demande ſ'il eſt loiſible àl'homme ſpirituel & parfaict de mentir pour ſauuer
ſavie, qui eſt bien moins que de renier ſa religion : il dit que non. mais derechef,au
tre choſe eſt dire vne faulſeté & menſonge,&autre taire & cacher la verité. comme
ſi pour ſauuerlavie à quelqu'vn, qu'on ſçauroit auoir commis aucun cas digne de
liccleſiaſt. 19. mort, on ſe reſolüoit de n'en dire rien n'en eſtant enquis(audiſti verbum aduerſuspro
ximum tuum, commoriaturinte) ce ſeroittaire ce que nous ſçaurions eſtre veritable en
noſtre penſée; & cela pourroit eſtre tollerable, ſ'il n'eſtoit expreſſementditau cin
quieſme du Leuitique : Si la perſonne a peché, & ouy la voix du iurant, & ſoit teſmoin,
de ce qu'il aveu, ou cogneu, s'ilne le denonce, ilportera ſon iniquité. | Ce que les Rabinsin
terprettent : Que ſil'on aveu à quelqu'vn commettre quelque faute qui ſoit ſigna
léc, & qu'il ſ'en taiſe ſans la reueler au magiſtrat, il eſt coulpable du faict.Tantplus
fort eſt il de mentir, & teſmoigner faux de peur de perdre ſoname pour ſauuer le
corpsd'autruy. au moien dequoyilabien eſté quelquesfois permis de deſguiſer la
4gene 12 &2o. verité, ou n'en ſonner mot : mais iamais de mentir, & de dire le faux, ſi d'auanture
ce n'eſtoit quccela vint de Dieu pour importer quelque myſtere.Abraham, quandt
||
l'Hiſtoire de Chalcondile. 517
#s il dit que Sarra eſt ſa ſœur, il taiſt bien la verité qu'elle fuſt ſa femme comme clle
º eſtoit, neaumoins il ne dict rien de faux pour cela, car elle eſtoit auſſi ſa ſœur de
#: pere, & nonvterine. Iſaac de meſme de Rebccca. Mais Iacob paſſe bien plus ou- 26.
^. tre, car il ment directement à Iſaacſon pere, ſe ſuppoſant pour Eſaü, pour luy ſup
# planter ſa benediction : Qui es tu mon fils º Iacob reſpond, Ieſuis ton aiſné fils Eſaü Ce 27.
: que l'on ſauue ſur la prouidence de Dieu, detrásferer au fils puiſné le droict de pri -
# mogeniture, aſſauoirà Iacob; duquel en ligne directe deuoit deſcendre le Meſſie.
•- Et là deſſus les Cabaliſtes diſent de grandes choſes; mcſme Rabi Ioſeph fils de Car -
- nitol en ſes liures des Portes de Iuſtice. Qu'il y eut trois aiſnez reiectez comme les
ſcories des metaux; Cayn, du cuiure, dont les ſacrifices ne trouuerent graces en
uers Dieu, comme ceux d'Abel : Iſmaël, de l'argent : Et Eſaü de l'or. là où Iacob
eſt le pur argent ſans ſcorie, carilauoit eſté purgé par ſept fois, comme il eſt dict au
Pſeaume Ir. L'argent examiné parlefeu,purgéſept fois. c'eſtà dire par ſept generations,
comme ils l'interpretent Seth, Enoch, Noé,Sem, Abraham, Ifaac, & Iacob le ſe- -
:: ptieſme : le Meſſie eſt l'or pur; là où il eſt dit des autress Ton argent s'eſt tourné en ſco- Iſaie .
rie & eſcume : & en Ezechiel 22. La maiſon d'Iſraël m'eſt tournée en eſcume : Tous ceux-cy
ſont airain, & eſtain, & fer, & plomb, au milieu de la fournaiſe : ils ſont faiéfs eſſume d'ar
| gent.Au moyen dequoy Iacob, qui eſt le Tiphireth ou ornement, & la part du Sei
gneur; enſemble ſes enfans, furent conioincts auccques la ligne moyenne, autre
ment dite le centre,ou le temple interieur,Adonai,quia eſté preparé au milieu,com
me mctleliure de Iezzirah : Carletéple ou throne exterieur eſt l'homme : ſi que les
quatre pieds de la Merchaua ou charriot de Dieu, par le dedans ſont Abrahä,Iſaac,
Iacob,& Dauid; auquel ſont parle dehors attellez Iſmaëlà la main droicte,& Eſaü
alagaulche; des ſeptante couronnes qui enuironnent ce chariot, aſſauoir les ſeptä
te langues & nations enquoy fut diuiſée l'vnion du genre humain à la confuſion Ba
bylonienne; & ſont appellées le myſtere des eſcorces. Et comme le Seigneur eſle
ue de toutes ces nations, Iacob, qui eſt au milieu d'Abraham, & d'Iſaac, auſſi eſleut
:---
ilSion entre toutes
eſt au milieu les autres
de la terre terres;
habitable, ſur Le Seigneur
tous n'eſt illieux
les autres pas enpour
sionſa? Et Ieruſalem
demeure ; Ie qui
me Ierem. 8. --
". r'allegreray en Ieruſalem, & me reſiouyrayen monpeuple. Tout cecy diſent les Cabaliſtes Iſaie é;.
·N ſur ceſte benediction des puiſnez. S. Hieroſme au reſte en l'expoſition de l'Epiſtre -
# aux Galathes chapitre 2. Et ſimulationi eius conſenſerunt; tient qu'il eſt loiſible quel
|N que fois de diſſimuler, ſi cela peut amener quelque profit & aduantage à Thôneur & -
#
- gloire Dieu, & edification du prochain, comme fit Iudith pour circonuenir Olo-Iudith n:
# ferne ; & Eſther pour garentir les Iuifs de la fureur d'Artaxerxes : Ionathas pareil- #. >.
|| lement, & Michel pour ſauuer Dauid des mains de Saül. Et de Dauid enuers le & . -
- Preſtre Achimelech & Achis. Iehu fait bien encore dauantage, carilfeint de vou- †#
loir adorer Baal pour plus aiſément attraper ſes miniſtres. Origene a encorete-§
nu le meſme ſuiuantl'opinion de Platon ; Que ſ'il ſuruient parfois quelque beſoin &* des Loix.
| -- & neceſſité de mentir on le pcut faire, à guiſe de quelque ſaulſe qu'on meſle par
· my les viandes pour leur donner gouſt; ou des douceurs & aromates en des mc-,
- - dccines pour pallier leur deſagreable odeur & ſaueur; en gardant toutesfois meſu
- re, & ſans exceder la prudente mediocrité qui eſt requiſe en toutes choſes. Chry
- ſoſtome pareillementau premier liure du Sacerdoce, où il cite la plus grande part
des lieux ſuſdits, & latromperie dont vſa Moyſe en Exode 12. pour piller les Egy
ptiens de leurs meubles. Mais S.Auguſtin au traicté du menſonge chap.2.monſtre · · -
Ilmeſemble (dit-il) effre vne choſepernicieuſe decroire que ces diuins perſonnagesparqui l'Eſ*
critureſainčte nous a eſté adminiſtrée, ayent voulumentir en rien : parlant de la deſſuſdite
diſſimulation des Saincts Apoſtres, Pierre, & Paul. Auſſi Platon au deuxieſme
de la Republiq. dit, warTn #ez & Jeuji, m ê)ziuonérºs, xg rè $ºor , Que toute la natu
redes Demons,& des Dieux abhorrentlamenterie.Conformement au 7. de l'Eccleſiaſt. " .
· • Ne vueillez mentir en ſorte aucune de menſonge; car l'accouſtumance n'en eſt point bonne. colocent#
·- Defait elle empeſche, ditl'Apoſtre, de deſpoüiller le vieilhomme auec ſes actions; T
•.
· |
-
| -
-
- -
| | | - - - - • ! • -
º
VI E NT puis apresvn autre poinct quicontrarie aucunement à ce que nous ente
nons : qu'il ne faut point prier pour les infideles, ores qu'ils fuſſent nos plus proches
29. parens & amis.. QyE nul Prophetenepreud'hommen'aye à prierpour les meſcreans qu'ils
|#: -
-
,l - Qv'oN peutaorer & prier en tous lieux, & entous endroits, Veu que Dieu n'eſt
| , 2. pointenaucune part plusqu'enl'autre. CoMME à Dieu appartienne indifferemment
|
|
c3 lorient, & l'occident, celuyqui adreſſera ſesprieresvers quelquepart que cepuiſſe eſtre,ne
lairra dy rencontrer Dieu : car ſa pietée miſericorde ne ſe peut r'enclorre d'aucunes bornes
ne limites : & ſa Sapience comprend tout. Cela ne ſe pourroit pas impugner nomplus
pour le regard de quelques prieres particulieres:& ſi ce n'eſtoit pour la mauuaiſe c6
ſequence qu'il charrieroit apres ſoy du meſpris, confuſion & deſordre qui ſ'enen
- - ſuiuroit à la Communion de l Egliſe : outre ce que les lieuxſaincts, comme plusve
• nerables & deuots, purs & nets, que ne ſont les prophanes,ſont pluspropresàceſt
: · 32. effect : auſſiſen retracte-ilautre part. A cHA Qv E nation de la terre nousauons gta
- | | bly vn lieu propre, auquel inuoquant Dieu, & le glorifiant, à luy qui eſ*vn, &- ſeul, ils im
| | | | | | molaſſent des animaux. Mais c'eſtàpropos delavieille loy,en laquelle ſe faiſoient des
| | -, · · · - ſacrifices ſanguinolents.Et pour le regard des prieres,infinis paſſages de l'Eſcritu
, , , ! . - Pſeaume ». renous enreſoluët : de Dauid meſme & entre autres : Adorez le seigneurenſonſaintf
· · · · · , | i Porche : & tous racºpterontſagloire. Plus, i'adorerayenton ſainct téple,&c.QyANT aux
-
| | | | | 138 bônesœuuresilnage cöme entre deuxeaux,referät la remiſſion des pechezàla ſeule
| grace & miſericorde de Dieu,& àſesbeneficences.DIEvvouspardone tous vospetheº
-
6:
parſaſeule grace & miſéricorde.Mais il ne meſpriſe pastant les bönes œuures que #
-
-
àTimoth.2
ſage & immenſe. Mais il veut auſſi que tous ſoient ſauuez, & viennent à la cognoiſ-" p"
Pov R le regard des ſacrements, d'autant que laloy Mahometaine eſt toute char
nelle, elle ne peut pas atteindre là; n'yayantrien de ſpirituel fors des chymeresfan
taſtiques de ſonges & fables.Car quätàla circóciſion enTurqueſque dicte Tſuneth, Del, circonc,.
encorededâs
expres que tous les Mahometiſtes envſent,neil fut
l'Alchoran:Mahometmeſme n'yarié toutefois d'ordöné
pas circoncis,ſi termes hſion
qu'ils ne lenobſeruét des Ma
ometiſtes.
pas parforme de myſtere,ny de choſe qu'il croienteſtre requiſe à leur ſalut,ains tant
ſeulement pour le reſpect d'Iſmaël fils d'Abraham, duquel Mahomet ſe maintenoit
éſtre deſcendu en droicte ligne, & faiſoit profeſſion d'enſuiure laloy. Neaumoins
c'eſtlaplusgrande & plusſolennelle ceremonie qu'ilsayent, & où ſe font le plus de
triomphes & magnificences. Il ne circonciſent pas au ſurplus leurs enfansau8.iour,
|,'
i4 ,
à lamode des Iuifs, & des Ethiopiens Abiſſins, mais entemps indeterminé depuis
ſ*
i l'aage de ſeptans iuſques à quinze ou ſeize, & plus haut encore, ſelon les occaſions
qui ſe preſentent, & quel'enfant ſ'aduance en diſcretion pour pouuoir compren
# dre leurs tels-quels mots ſacramentaux de la confeſſion de leur foy, qui conſiſte
tout en cecy; à ſçauoir LA 1 L LA H i LE LA H M E H E M E T R E s v L A LLA H,
TAN R E B 1 R B E R E M B E R A C : Dieu eſt Dieu, & n'y a autre Dieu que luy, & Mehe
met ſt ſon Prophete, vn Createurſeul, & vn Prophete : Qu'on leur fait prononcer haut
· & clairfortreueremment, leuant le parmachou poulce de la main droicte : leſquel
les paroles ſuffiſentaux filles & femmes pour le regard des Turcs, quine les circon ,
ciſent pointautrement : ſi font bien les Perſes, qui leur retranchent ceſte carno
ſité que les Grecs appellent Néu?», & tantaux maſles qu'aux femelles,la premie
rechoſe qu'on leur apprend de leur Cathechiſme & inſtruction outre les mots ſuſ
dits ſont les ſuiuans, comme vne mouëlle de l'Alchoran : Cv L L1 cv VA L LAv
HAL LA Hv z E M E T L E M v E L I T V E L E M 1 v L E D I E C v LE G v 1 cv F FvE M
B E H E N, &c. Dieu gſt appellé entre ſes creatures vnſeul,qui n'apoint delieu prefix & deter
miné,ains gſ#par tout,& n'apoint de pereny demere, ny d'enfans,ne boit,ne mange,nyme dort;
viuantſans auoir beſoin d'aucune choſe qu'ilaitcreée : & neſétrouue pointdeſemblable àſa di
uinité.Ceſte attente au reſte & remiſe de ſe circoncire ſitard, eſt ſouucnt cauſe que
lapluſpart vſénnent à decederauant que d'eſtre circoncis : & en ce cas ilseſtiment
§ les ablutions quotidiennes qu'ils font, auec les prieres, ſuppléent à ccla, & ſont
uffiſantes pour leur ſalut. Ceſte circonciſion ne ſ'accompliſt pas touſiours en leurs
Moſquéesoutéples,nyparla main de leursTaliſmans ou miniſtres ſacerdotaux,ains
en leur logis en priué par quelqueChirurgié expert,lequel toutes choſes eſtâsappre
ſtées pour la feſte qu'on ydoit faire,ſelon leurs cómoditez, meſmement le banquet
- G G G ij
|
| 52o- -- - t - .. - - - -
Illuſtrations ſur
- - % * #- _ .. - -
qui ſe continuë par trois iours de ſuitte, tout le plus ſomptueux qu'ils peuuent,au
quel entre autres choſes és bonnes maiſons l'on a de couſtume de roſtir vn bœuf
| tout entier,ayant vn mouton dans ſon ventre, le mouton vne poulle, & la poulle vn
oeuf, le tout tournant à vne poultre de bois accommodée en lieu de broche, qui ſe
tourneauec des engins, à vn feu ſi proportionné que chaque choſe endroit ſoy vient
à ſe cuire enſemblementainſi qu'il faut,&non plus ny moins.Sur le point doncques
de ſ'aſſeoir à table, le Chirurgien vient à l'enfant, & luyaualle le prepuce deſſus la
-
|
l'Hiſtoire de Chalcondile. 52I
Dieunvdes hömes,ſuffiſt pour eſtre conuaincu: Tellement que les Chreſtiens pour
obuieront de couſtume de leucr vn Chucchium ou ſaufconduit de la Porte, qu'ils nc
pourront eſtre condamncz en cela fors par les Baſſats,& autres officiers du Diuin.Et
que nul ne ſéra rcceu à les accuſer, s'il n'eſt Taliſman de bonne renommée & prcu
d'homme,quine puiſſe eſtre redargué d'auoir bcu du vin puis douze ans.Quant aux
noms, on les leur impoſe dés leur naiſſance, neaumoins on les reitere à la circonci
ſion de nouueau,& ſont ordinairement ſignificatifs, ſelon qu'il en eſt touché quel
que choſe auhuictiefme de ceſte hiſtoire : comme Iſuleimun , Salomin pacifique:
Sultan Selim, Prince de paix, Muhamed, Conable, Mahmut, deſirable, Hahmad, bon,
º 1!
Amurath,Homar,Humeran,vif,Hali,haut, Iſmaél,oyant Dieu,Muſºapha, ſanctifié, Scen -
-
met noſtre autheur ſur la fin du huictieſmc liure,& non ſans myſtere,ains à limita ,
tion des Hebrieux, ainſi que beaucoup d'autres choſes par eux empruntées de l'eſ -
ſe fuſ# arreſtéen vne hoſtellerie, l'Ange du Seigneur le vint rencontrer pour le mettre à mort,c3 | l'i, :
r
lors zephorah prit vnepierreaigue & tranchante, dont c4 couppa le prºpuce de ſon enftnt, | º
, Jº
u'elle ietta aux pieds de ſon mary, ou le ſaagen coula, lay diſant, Tu m'es vz eſÈoux de /äag,
|
& là deſſus l'abandonna apres auoir ditTum es vn eſpoux de ſang, à cauſe de la circonciſioa de -
|
lenfant.Surquoy Dauid Kimhiauliure des racines met cecy. Il ſºvray ſemblable que ,
#
|
-
toutainſique lhommeauiourde ſes nopces gſfoit appelé inn Chataa gĂºux , auſſé l'enfant au ,
iourde ſa circonciſion auroiteſ*é.ippclléde la meſme/orte, curl'etymolºgie de ce mot Chatta im |.
•#' .
- :
porteiene ſºay quelle ioyereceate : & comme elle /e renouuc4 • la iour des 2opces, tuſsi fait-eſſe en -
|. -
celuyde la circonciſion.Irenée liure premier chapitre dix huictieſme contre les hereſies -
#- •
-
des Valentinians, parlant du bapteſme qui tient lieu de la circonciſion enuers nous: | ,*
.Quelques vns des adherams de Marcus.preparins comme vae chambre nuptiale,font ie neſçay |
quelbapteſ ve myſtique,auec certains motsprophanes qu'ils appellent nopces ou gĂouſaillesſpiri • * -
, , !
uerent finablement à Conſtantinople, mais la moitiédeux ſeulement, le reſºe eſfans demeurez -
| | | |
" . | .
"
arles chemins où ils s'eſtoient rompus le colcà & là, car les tours qu'ils font ſontfort dunge
|
reux,& la pluſpart du temps morteſ,. Entre autres choſes, apres auoirplantédeux ou trois gros ,
maſºs de nauire à vne conuenable diſtance,& iceux ferme arrºſtez auec des cordagespourles te -
mirdrºits qu'ils ne variaſſent,de la cime del'vn à l'autre ils tendoient va chable bandé fort roi
de : & puis vn autre de la meſmecime iuſques en terre,retenu la ferme auec vn picquant, à.tu
tantde diſtance du pieddu maſºcomme contenoit ſa hauteur, en forme d'vn triangle iſochele.
Cela faitl'vn d'entre eux montoit le long de ceſte cordeau haut du maſt,où ilſé plintoit tantoſt
ſurvn pied,puis ſurl'autre:parfois en faiſant l'arbre fourchu mettoit la teſte contre bas, &
les pieds en haut, ſans ſetenirdes mains à rien : & delà faiſant le ſaut perilleux ſereiettoit à |
la remuerſé ſurla corde à cheuauchons, laquelle eſtoittendued'vn miſé àl'autre, & li diſsſé
mettant debout,faiſoitinfiné tours de ſouppleſſe preſqu'incroyables à quiconque me les verroit,
car ſe prenant de l'vne des mains à la corde iltournoittout à l'entour comme les cſles d'vn mou
lin à vent.En apres s'accrochitdu iarret à icelle,illaiſſoit pendre ſa teſte & toutlerſte du corps
:
en bas,puis faiſoit la rouécomme auparauant,& ſereiettant ſoudain ſur la corde, s'y tenoitde
*
-- "
bout, & en ceſte aſſiette ſuſpendu en l'air, tiroitd'vn fort arcTurquois à vn blanc, à plus de
G G G iij
|
•. | .
- - - -
|
l'Hiſtoire de Chalcondile. -
523
QyANT à piroüetter en terre, nous peuſmes voir au meſme temps choſes in
croyables d'vnieune Anglois,lequelapres s'eſtre eſbranlé par les menus,tournoit en
moins d'eſpace que l'ouuerture d'vn chappeau, plus d'vne groſſe heure ſans relache
nyintermiſſion, & ſiviſte qu'il n'euſt eſté poſſible de rien diſcerner de la forme de
ſon viſage : mais ce n'eſtoit tout, car il faiſoit ce temps pendant des choſes trop pro
digieuſes,il deueſtoit ſon pourpoinct à l'aiſe,attachoit des eſpingles aux poignets de
ſa chemiſe,accordoitvn deſſus deviollon dont ilioüoit ſingulierement bien, en fre
donnant ce qui ſe peut : Prenoitvne eſpée nue trenchante, & s'en eſcrimoit par en
tre lesiambes,l'ypaſſant & repaſſant pluſieurs fois,& autour du col,auec changemét
d'vne main à autre, & en pluſieurs autres manieres. En prenoit de là deuxtouten
ſemble, dontentournoyant touſiours ſans ceſſer, il mettoit les pointes ſur les deux
yeux,& dans les nazeaux : plus l'vne deuant ſur l'eſtomach,& l'autre derriere contre
l'eſchine,de ſorte que cela faiſoitvne horreur à veoir, ſon tournoyement au ſurplus .
eſtant ſiroide qu'on n'apperceuoit rien des eſpées fors vne lueur quiàguiſe d'vn eſ
clair ſe venoit reuerberer dans lesyeux.Aſſezd'autres ſemblables choſes faiſoit ceſt
Anglois natifde Londres, enquoy deux choſes font à eſmerueiller ? Comment luy
pouuoitainſi longuement durerl'haleine,nyle cerueau ſe maintenir ſans ſe partrou
bleren vne telle agitation : car certesiel'yayveuvne fois pres d'vne bonne heure &
demie,& ſi c'eſtoit ſa troiſieſme chambrée de ce iourlà, n'en ayant pas moins fait és
autres,ains plus encore. - - - -
MA1s les plus eſtranges merueilles qui furentoncques veuës parmy les Turcs, :
nyautres peuples de laterre,en cas de cesbagatelleries,ſe peurentveoirl'an 1582. au * a
mois de Iuin & de Iuillet à Conſtantinople en la circonciſion de Mehemet fils d'A -
murath quiregne à preſent,car ceſte feſte durapres de deux mois tout de ſuitte ſans
aucune diſcontinuation : & nefuſt pas encore ſitoſt ffnée ſans le tumulte des tenniſe
ſaires & Spacchi , où ilyen eut quelques vns de morts & pluſieurs bleſſez.Et premie
rement le iourarriué de que ceſte ſolemnité debuoit commancer,apres que les Sul -
tannesayeule & mere de ceieune Prince l'eurent ſuiuantla couſtume feſtoyé dans
le vieilSerraill'eſpace de ſeptouhuict iours,le Vizir & autres Baſſats ſortirent de ce
luy du Turc, accompaignez du Beglierbey de la Grece, & de celuy de la Natolie, du
Baſſa de lamer,de l'Aga des Ianiſſaires,& autres officiers de la Porte,auec grand nom
bre de Ienniſſaires à pied,& de Spacchiz à eheual,& tous les Chaoux & huiſſiers,veſtus
de riches robbes de drap d'or,& velours de Mecque & Burfie, leurs cheuaux equip
pezà l'equipollent & s'en allerentàl'Hippodrome,c'eſtvne grande place où eſtoiët
les liſſes anciennement,la colonne de Conſtantin, enſemble celle de Theodoſe s'y
voyent encore tout debout, & pluſieurs autres belles antiquitez, comme il ſe verra
· en ſa deſcription cy-apres : Sur laquelle place reſpond le palais qui fut d'Imbraim
Baſſa, le plus puiſſant, riche, & authoriſé perſonnage qu'eurentoncques les Empe
reursTurcs à leur ſeruice, auquel finablement Solyman fit trancher la teſte, à l'in
ſtance de la Ruſſe ſa femme,& de Roſtan Baſſa ſongendre, quile calomnierent en
uers luy,& ce apresl'auoirfait ſoupperà ſa table.En ces palais là doncques les Baſſats
ſuſdits,& autresallerent § du matin recueillir le Prince pour le me
nerà la Moſquéefaire ſa priere,auecvne infinité de flambeaux,cinq entre autres de l,
vingt braſſes de haut, & d'vne deſmeſurée groſſeur, pour offrande, leſquels ſe con
duiſoient ſur des machinesAntonikinites qui ſembloient ſe mouuoir de ſoy-meſme |
les Baſſats auec leurſuitte marehansapres,& le Prince conſequemment monté à l'e
ſlite ſurvn cheual de tres-grand prix, ſon harnaſchement tout eſtoffé de pierreries
d'vne ineſtimable valeur, & labridde particulierement d'eſmerauldes Orientales
accouplées deux à deuxenſemble.Ilauoitvne longue robbe de ſatin verd, bordée
toutàl'entourd'vn bon pied de large de pierreries encore plus riches. Et en ceſt
equippage ayantfaict ſa monſtretantàl'aller qu'aureuenir, auec de fort grands ap
# plaudiſſemens&acclamations deioye du peuple eſpandule longdesrues, à qui it
faiſoit de ſapartàtous propos defort humaines & courtoiſes inclinations de coſté
&d'autre,ilfutramenéau deſſuſditpalais d'Imbraimenuironvneheure apres mi
|
, .. ° . . | -
52 4- · -
-
Illuſtrations ſur
, - A | -
| | | III. LE Dimanche enſuiuant III.iour du meſme moys,il y eut tout plein de ieux,&
tours de ſoupleſſe deſſus la corde mais le plus rare fut vn Turc, qui ſe couchant tout
| plat contre terre le ventre renuerſé en haut, deſcouuert & nud,s'y fitappliquer vne
enclume, & forger par ſix robuſtes ieunes hommes vn fer de cheual à grands coups
de marteau.Vn eſclaue grimpaiuſques ſur la cime d'vn obeliſque,à quile Turc don
naliberté,& vne robbc de drap d'or, auec vingt aſpres de prouiſion durant tout le
:
temps de ſa vie. Il y en eut qui ſe cloüerent des fers de cheualaſſez auant dedans la
teſte ſans monſtrer ſemblant de douleur. Et le mefme iour encommancerent les
preſentsau Prince,tant parles principaux de la Porte, que des gouuerneurs des pro
uinces,villes,citez,peuples,& mations de l'obeiſſance du Turc, de leurs confederez
auſſi, & des Ambaſſadeurs eſtrangers, notamment celuy du Sophy, lequel peu de
iours auparauant arriué à Conſtantinople en grande pompe & magnificence , eut
ſon lieu à part pour voir ces ieux, en vne gallerie couuerte contigue aux deux Sul
tannes, qui regardoient par desialouſies, & quelquesfois à pleines feneſtres arriere
ouuertes.La nuict venue fut donné feu comme au precedant à trois chaſteaux, auec
grand nombre de fuſées & ſemblables feux artificiels. . , .
IV. · Le IV. furent portées en monſtre & paradebien trois cens figures de ſuccre, de
toutes ſortes d'animaux, & depuis le matin iuſqu'à midy continuerent les preſents.
Alors ſe preſentavnTurc qui ſe martelloit le viſage & la teſte à grâds coups de pier
res fort groſſes,& là deſſus arriuerent force maſcarades,entre autres d'hommes ſau
uagesdedans desgrottes & cauernes, qui ſe roulloient en de grands pegmates &
machines ſe mouuans comme d'elles meſmes, d'où ſortans de fois à autre à guiſe de
matachins, faiſoient mille tourdions & gambades ſelon la mode du pays Il y eut
quant & quant d'excellens ſaulteurs faiſans des choſes admirables, à chacun deſ
quels fut donnéyn Caffetan oulongue robbe de drap d'or par le Turc.Vn autre m6
ta à force debras,& ſa dexterité de lambes ſurvne pyramide fort haute qui eſt en cet
Hippodrome, dont il eut vn bon preſent Et ſur le ſoirfurentportez deux mille
grands platsàlaTurqueſque,chacun garnydepluſieurs eſcuelles pleines de diuer
ſesſortes dériz,aucc quatre millepains, & grandequantité de poiſſon, & de chair
boüillie & roſtie.Tout cela ayant ºſtéaſſisenterre,furabandonné en proyeaux pau
ures, qui le deuorerent en moins de rien.Vne chaſſe de beſtes noires, & pourceaux !
priuez meſlez parmy ſuiuitapres,& finablement les lumieres,& lesfeuxartificiels à
l'accouſtumé. : , :::: , : 1 . :: , . : ! : bb n i . · . | rol , »ida | e |•
, I. E V.iourvn autre Turcmonta ſur la meſme pyramide, & ſur ces entrefaictes
commancerét de comparoir certainsartiſans en deschariots,bcſongnans là de leurs
meſtiers & manufacturès : & entre autres ceux qui font les yitkies ou tocquets de
drapsd'or,que portét lesfemmes & les Pages faugtits du Serrail,auoc deux outrois
censieunes apprentifs de douzeiuſqu'à dix hui# ant, veſtus richement deliurées
debroccad #eºpsdefºis #rºººººººººººre
-
- Ul
4
l'HiſtoiredeChalcondile. 525
duSeigneur, apresauoir fait leur monſtre lelongdelaplace, chantans desvers à la
loiiange de Dieu, & deſà hauteſſe, enſemble du ieune Prince, ce qui fut pris en ſi
bonne part qu'on leur ordonna de retourner le lendemain, &àl'inſtanton leuriet
ramille ducats enueloppez en vn mouchoir.Vn coche arriua puis apres lequel che
minoit ſans cheuaux,ſuiuy d'vne plaiſante lucte bras à bras d'vn Turc, & d'vn aſne.
Vn autre fit des cas merueilleux ſurvn cheual, telles à peu pres ou plus grandes que
celles quionteſtécy-deuant recitées : & celuy qui danſoit ſur la corde alla ſans con
trepoids deſſus. Il y eut quant & quant des preſents au Prince , du fils de Sinan
Viſir ou premier Baſſa, en ioyaux , bagues & pierreries de fort grand prix. De
là ſe donnaleſtiaſe ou banquet publique comme auparauant,& de plus vingt bœufs
gras roſtis tous entiersauecleurs cornes,ce quifutincontinent deſconfit par la mul
titude du peuple,lanuict ſe continuerentlesfeux.
LE lendemain VI. dudit mois ſe fit le feſtinaux Azappes, ce ſont ieunes ad 6,
uanturiers biſognes & fricquenelles, gens de pied, & de peti, la pluſpart deſtinez
pour lamarine, où ilyeut ſoixantebœufs, & cinq cens moutons roſtis tous entiers,
& du ris à l equipollent, dont fut fait tout à vn inſtant vn terrible & eſtrange de
luge, chacun taſchant d'en emporter ſa lippée à qui mieux mieux. Apres ce
repas ſe continuerent les preſents des Ambaſſadeurs : & cependant force ſaults
& baſtelleries. Le ſoir à l'accouſtumé ſe donna encore à manger au peuple, auec
vne chaſſe telle à peu pres que la preccdente, & des feux artificiels & lumieres.
LE VII. comparurent en des chariots desarts & meſtiers de diuerſes ſortes : &
le ſoir ſe reitera le repas publique, auec des feux artificiels qui durerent toute la
nuict. -
| | |
| rurent en des chariots, y faiſans chacun endroit ſoy leurs chefs d'œuure, d'vne
'l! | : grande promptitude & dexterité Et ſur le ſoir ſe donnavne chaſſe de porcs pri
h » | - | uez, puis de renards & de lieures : ce qui fut ſuiuy du repas à l'accouſtumé, &
des feux. .
| || : | : | II. L E XI. ſe fit le feſtin à quatre mille Spacchis, & à leurs chefs & conducteurs,
| || | ainſi qu'on auoit faict aux Ianiſſaires,le tout accompaigné de diuers concerts de mu
|| | ſique
nuict de toutes
ſelon ſortes d'inſtrumensTurqueſques,aſſez mal-plaiſans,& les feux ſur la
l'ordinaire. - •
I3. · LE XIII. outre tout plein d'autres merueilles qui ſe firent par des Arabes, il y
|
eut vn voltigeur qui fit des tours comme ſemblables à ceux de l'Italien deſſuſdit Là
1!
deſſus on ietta par vne feneſtre vne diſtribution & largeſſe au peuple d'vn gran
nombre de robbes de drap, auec plus de ſixmille ducats à grandes poignées,& quclº
ques ſoixante taſſes d'argent.Le manger ordinaire, & des feux plus excellens enco
re que tous les autres d'auparauant qui durerentiuſqu'apres minuict.
I4 Le XIV. on donna à diſner au Topangibaſi ou grand maiſtre de l'artillerie, &
à ſes Topgilar canonnieres, en nombre d'enuiron deux mille. Et ſur le midy ar
riuerent cent hommes de cheual en fort bon equippage , qui tournoyerent à la
Perſienne & Moreſque , à coups de Zagaye qu'ils lançoient auant, & arriere &
de tous coſtez d'vne treſ grande dexterité D'autres paſſans vne longue carrie
re à toute bridde, deſcochoient des fleſches contre vne pomme d'or plantéeau
bout d'vne haure ane-une : où la pluſpart aſſenoient à donner dedans Etſurle
ſoir il y eut vne autre chaſſe de pôles p1iuvz, auec des feux artificiels de trois
chaſteaux, vne pyramide, & dc deux galleres, qui fut vne tres-belle choſe à
VO11 . » -
15. LE XV. comparurent les tireurs d'or, & les fileurs en nombre de huict à neuf
vingts, richement accouſtrez, auſquels le Turc fit donner quelques robbes, & vnc
bourſe pleine d'aſpres.Celafutaccompaigné auſſitoſt de 5o hommes de cheual,ha
billez de toile d'argent, qui firent encore merueilles à tirer de l'arc, & entre autres
choſes, en paſſant vne meſme carriere,de 3. coups ne failloient de donner dans trois
blancs à eſgalle diſtance : puis dreſſerentvne eſcarmouche comme vn ieu debarres.
Ilyeutauſſi quelques baſtelleries meſlées parmy, & ſur la nuict des feux artificiels
de plus rare inuention que les precedens,comme de nauires,galleres, pyramides,pa
uillons, & ſur tout d'vne groſſe montaigne dont ſortirent vne infinité de fuſées, &
· ſemblables feux d'vn ſouuerain artifice,faite par les eſclaues d'Ochialigeneral de la
mer:laquelle s'eſtant en fin creuée en ſortitvn geantenorme veſtu à la Iudaïque, &
vn dragon quis'attacherentau côbat, comme firent auſſi deux galleresl'vne contre
l'autre,aſſez longuement, nyplus ny moins qu'en pleine mer, tirans pluſieurs coups
de canon,auec tant de petards en lieu d'eſcouppetterie & de moſquets, & defuſées
ſans nombre meſlées parmy, qu'on euſt dit que le Tout ſe debuoit abyſmer, choſe
trop horrible à voir,le meſme firent encore quatre chaſteaux de ſemblableartificº
| - qui
l'Hiſtoire de Chalcondile.
| 527
qui remplirent tout de ieu, de flammes & de fumée. '
LE X V I. ſe fit le feſtinauditgeneral de la mer, & à ſesgens, en nombre de ſix -
I6 ,
mille hommes,là où ſe porta vne infinité de viandes en diuers ſeruices & mets,à cha
cun deſquelsy auoit trois cens ſoixanteT/ophra, ce ſont plats fort grands qui ſeruent
de tablesauxTurcs: & en chacun d'iceux vingt-trois eſcuelles pleines de diuerſes
ſortes de ris, & de chair de bœuf, mouton, volailles, & ſemblables à eux permiſes,
tant boüillies que roſties : les feſtins eſtimez chacun à quatre ou cinq mille ducats.
Ceſtui-cyacheué ſe preſenterent diuerſes ſortes de meſtiers,faiſans à la veuë de tous
preuue de leurs manufactures, meſmement les verriers qui firent infinies ſortes de
verres, de boccals, & autres vaſes : le tout ſur de magnifiques chariots repreſentans
leurs ouuroüers & boutiques , peints & ornez d'or & d'azur à l'enuy lvn de l'au
UTC. -
Le XVII. ilyeut desiouſtes ſans liſſes,de cinquante hommes d'armes à camp 17.
ouuert,& fereſmolu,& rien plus pour ce iour. - - - ,
LE XIX: ſe preſenterent les fruictiers, auec toutes ſortes de fleurs & de fruicts, I9,
dont ils firent preſentau Seigneur,qui leur fit donner vn plein mouchoir d'aſpres. Il
y eut en apres vn Turc qui paſſoit & repaſſoit vn fer tout rouge & ardant ſur ſa lan #
º •
gue par pluſieurs fois,ſans monſtrer aucun reſſentiment de douleur,ny d'en eſtre en
rien offenſé.Ce qui fut ſuiuy d'vn autre, lequel ayant vn gros mortier de picrre en ſa
teſte,ſouffrit que deux puiſſants hommes le caſſaſſent à coups de marteau. Et ſur le
ſoir futamené vnieune enfant dans vne pippe toute pleine de ſerpens, viperes, cou
leuures,& autres telles eſpeces des plus venimeuſes vermines, qui le leſchoient ſans
luy faire mal,ne qu'il s'en effroyaſtaucunement. , |
- L E XX. ſur les dix heures du matin,tous les Chreſtiens de Pera ſe vindrent pre 2o.
ſenter ſur la place,dont il y en auoit bien deux cens cinquante ſomptueuſement ve
ſtus de drap d'or,auec force chaiſnes & carquans tous eſtoffez de pierreries, & par
myeux douze ieunes adoleſcens deſguiſez en femmes,quiconduiſans vne eſpouſée
equippée à la Perotine, danſétentvn ballet à la mode des anciens Macedoniens du
temps de Philippes fils d'Amynthas,& pere d'Alexandre le grand, au ſon des harpes
& des ſiſtres.Puis danſerent conſequemment cent autres ieunes hömes de la meſme
trouppe,la däſe pyrrhique,auec des eſpées nues tranchâtes,telle à peu pres quc ccllc
qu'ont redreſſée de l'antiquité les Italiés,& qu'on appelle les bouffös,à quoy leTurc
monſtra de prendre fort grand plaiſir, neaumoins pource que c'eſtoient les Chre - º•
ſtiens,il ne leur donna que deux mille aſpres dans vn mouchoir, mais pour les paſſer
& repaſſer de Pera à Conſtantinople il ordonna vne gallere, le ſoir ils allerent au lo -
gis de l'Ambaſſadeur de France,qui eſt d'ordinaire en ladicte ville de Pera, où ils fi
rent le meſme bal,pour le reſpect & honneur qu'ils portent à la Maieſté du Roy,ſous
la protection & faueur duquel à l'endroit du Turc , ils ſont maintenus en leur reli
gion, & iouyſſent de tout plein d'autres priuileges, On leur defonça vne pippe de
maluoiſie,qu'ils eurent bien toſt miſe à ſec,tant pour le chaud de la ſaiſon, que pour
le violent exercice qui lesalteroitd'abondant. Apres eux compareurent les armeu
riers & fourbiſſeurs en nombre de cent cinquante.Et les papetiers qui font le papier
liſſé pour eſcrire deſſusauec vn fort deſlié ionc ou calame,iuſques à cent. Plus quel
ques huict vingts contrepoinctiers & faiſeurs de mattras & ſtrapontins : enſemble
Ies miroüettiers : comme continuerent de faire les iours ſuiuans les autres meſtiers
de Conſtantinople, auec leurs plus exquiſesinuentions & chefs-d'œuure, auſquels
furent faits des preſens conformes à leur dexterité & merite, ou pluſtoſt ſelon le :
gouſt queleTurcyprenoit,lequeleſtant homme de paix & repos, & fort ſolitaire &
Particulier,paſſe le temps pour la pluſpart à ces menues oiſiuetez.
HHH. ij -
•!
|
528 Illuſtrations ſur
+
2I. LE XXI. continuerent iceux meſtiers de comparoiſtre. Vne giraffe fut auſſi
promenée par l'Hippodrome,comme choſe rare meſme en ces quartiers là.C'eſt vn
animal qui vient de l'Afrique,de fort longue & greſle encoleure, ayant deux petites
cornettes, & le train de deuant diſproportionnément eſleué au prix des iambes de
derriere. Puis fut aſſailly & pris vn chaſteau auec vn grand contentement & plaiſir
de tous,le ſoir,le repas,& les feux comme auparauant.
2.2 . LE XXI I. ſe preſenterenttous les marchands du grand & petit Bageſtan,iuſ
ques au nombre de ſept cens,ſomptueuſement habillez, auec tant de perles, pierre
ries,& richesioyaux deſſus eux qu'on ne les euſt ſceu eſtimer. Et ſur ces entrefaictes
celuy qui danſoit ſur la corde y fit des tours inaudite,entre autres,d'yporter vn hom
me ſur ſes eſpaules, non ſans grande frayeur des ſpectateurs, le ſoir à l'accouſtu
mé. . | -
23. LE XXIII. on courut la bague,mais non-pas pendue à vne potence ainſi qu'à
nous, ains bien plus difficillement, de la recueilliraſſauoir eſtant platte couchée en
i º terre,auec le fer de la lance, & de là l'enleuer en haut enfilée dedans : ce qu'ils reite
roient par trois fois, & en trois diuers endroits à chacune courſe & carriere, enſem
ble † telles addreſſes à cheual preſqu'incroyables, meſmement d'vn
qui ſon cheual courant à toute bridde, deſcendoit & remontoit cinq ou ſixfois ſans
tarder, mais nous auons veule meſme pardeça. Puis ſe preſenterent quelquesarti
ſans : & le ſoir paſſa comme les autresfois. - -
- *
- -
-:
24 . L E XXIV. Il y en eut vn autre,lequel paſſant la carriere de la meſme viſteſſeſe
mettoit lateſte contre bas dedans lesarçons,& les pieds en haut : auec pluſieurs au
tres merueilleux tours, la pluſpartveus encore de pardeça : mais non pas le cruel &
horrible ſpectacle de certains Turcs ayans chaſque bras lardé de trois grands cou
4! . ſteaux paſſez bien auant dans la chair, choſe plus deſ-agreable à veoir que plaiſante,
pour lagrande quantité de ſang quien degouttoit, le reſte du iour, & la nuictcom
me deſſus. |
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25. LE XXV. comparurent les Pleuianders ou lucteurs du Turc en nombre de tren
-
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• te à quarante,gens robuſtes, membruz, & nerueux, leſquels eſtans nuds reſerué vn
petit brayer qui leur alloit iuſqu'au genoüil, tout le reſte du corps oinct & huillé,
pour rendre leurs priſes tant plus mal aiſées,firent des preuues nompareilles de leur
force & habilité,àl'imitation des anciens Athletes.Cela fut ſuiuy du diſner appreſté
pour les Spacchis de la Porte:& au boutd'iceluy de quêlques ſauteurs, qui firent des
| ſaults mortels,& des tours de ſouppleſſe admirables. Le Seigneur & le Princeiette
rent lors par vne feneſtre 5o. taſſes d'argent, & bien ſix mille ducats en or, & mon
noye d'aſpres,auec vn grand nombre de pains,& de robbes de drap : enquoy lafoul
le § ſigrande,que troisy demeurerenteſtouffez ſur la place.La nuict venue ilyeuſt
force feux artificiels en forme de chaſteaux, & de cheuaux, auecvne montaigne de
la meſme eſtoffe,vn Elephant,vn Iuif,& quatre hommes montez à cheual, qui reu
ſcirent fort bien & durerentiuſqu'apres minuict. -
L E XXVI. ſe firent d'eſtranges courſes de cheuaux, & des tours non encore
veus nyoys : car en premier lieu paſſans vne carriere à toute bridde,de trois cens pas,
& non-plus, en courant ſans s'arreſter ils bandoient leur arc, & en donnoient par
quatre fois dans des petites boiſtes rondes, poſees ſur des poſteauxà quarante pas
loin de l'autre : Premierement de la main droicte vers le coſté gauche, comme eſt
l'ordinaire, & le plus adroict & commode : & puis en reiterant au rebours, de la
main gauche au coſté droit. La troiſieſme de leurs carrieres, apres auoir deſcoché
vne fleſche de grand roideur, ils mettoient la main à leur cimeterre pour donner
deſſus vn phantoſme ou Iacquemar deſguiſé en Chreſtien , & planté à demy
carriere,puis aſſenoient ſi droictement,qu'aucuns meſme lui couppoient lateſte du
premier coup, Etapresauoirrengainé leur coutellats, reprenoient l'arc vne autre
fois , & en donnoient à la pomme d'or pendue au bout de l'antenne, comme
ila a eſté dit cy-deſſus, de la main droitte, & de lagauche, puis apres en chan-,
geant de main. Alaquatrieſme carriere d'vne grande promptitude & habilité ils
•i
#
L E XXV II. il n'y eut que les meſtiers, qui firent leur monſtre & oſtentation de 27.
leurs chefs d'œuure, & artifices. . -
:
LE XXVI I I. les meſtiers encore, mais des plus exquis, & plus richement 28. - | r
equippez que les precedans. Il y eut quant & quant vn More qui fit choſes admi
rables ſur la chorde. . - - -
LE XXX. les meſtiers encore; & grand nombre de baſtelleurs, qui firentvne 3º. i:
infinité de tours fort plaiſañs, & non moins admirables. Là deſſus on dreſſa le ban
quetà pluſieurs officiers de la Porte : Et ſur le tard, le Seigneur qui aſſiſtoit à tous ces
ieux tout à deſcouuert en vne feneſtre, ayant touſiours le Prince à ſon coſté, leurie
cta cinquanre taſſes d'argent, auec quelques centaines de ducats.
LE XXXI. les meſtiers encore, & le diſner au Beglierbey de la Grece, & à ſes Sa 3I. º .
niaques, enſemble aux Capigi, ou Portiers, & aux Agemoglans, & leurs chefs; le
tout reuenant enſemble à plus de dix mille bouches. Sur le tard arriuerent ſix cens
Iuifs veſtus de liurée, qui preſenterentau Seigneur pluſieurs pieces de draps de ſoye
:, principalemët de ſatins exquis de toutes ſortes de couleurs: & luy leur ayant fait de
mander pourquoyils ne luy requeroient quelques graces,ils firent reſpöce, qu'ils ne
deſiroientautre choſe que ſa longue proſperité & ſanté, auec cellé du Prince ſon
fils, pour leſquels ils ſemirent tout ſur le champ à faire vne deuote priere à leur mo
de. Puis ſe preſenta vnieune homme qui fit des choſes eſpouuentables ſur la chor
de, auquel le Turc fit donner vne robbe de drap d'or, & cinq cens ducats; & vingt
cinq aſpres de prouiſion par iourpour tout le reſte de ſa vie. Surl'entrée de la nuict
comparurent vingtquatre hommes de cheual,moitiez habillez en femme à laBohe
mienne, & le reſte equippez & armez à laTurque : qui dreſſerent vne petite eſcar
mouche entr'eux, où ils manierent-dextrement leurs cheuaux à la Zenete. Apres
vindrent deux cens cinquante autres Iuifs dans vn chaſteau, qui ſe rouloit par le
deſſoubs : auquel les gens de cheual deſſuſdits aſſiſtez de quelque nombre d'infan
terie, & de pluſieurs pieces d'artillerie, & de feuxartificiels, donnerent viuement
l'aſſault & l'emporterent. Le ſurplus de la nuict ſe paſſa apres vn bal, & les feux ar
tificiels de huict chaſteaux, & ſix cheuaux : à quoy le Turc monſtra prendre vn ſin
gulier plaiſir. Enuiron la diane furent promenez par la place deux elephans, quatre
, lions, & vn giraffe, qui toutesfois ne combattirent point. -
-
,
: 43
LE XL III. les meſmesiouſtes & combats encore : auec des ſaulx ſur la chorde
trop admirables. - - -
| -
-
&
|
----
|
* -
LE XLV. quelques ſaulx ſur la chorde; ſuiuis du repas publicque, & des feux 4J .
artificicls.
LE XLVI.bon
dontileutvn preſque de meſme , auec vn More qui monta ſur l'antenne greſſée,
preſent. •A
46.
LE XLV I I. des iouſtes & tournoys comme au precedent, mais plus magnifi 47.
ques : & ſur le ſoir le repas ordinaire au peuple, auec deux chaſteaux, & autant de
cheuaux, de feuxartificiels, qui durerent la pluſpart de la nuict.
LE XLVIII. ne ſe fit rien d'importance. 48.
MA 1 s le XL IX. vn Turc ſe promena ſur la chorde, portant vn homme ſur ſes 49,
- eſpaulles, & vn autre qui eſtoit attaché à ſes pieds; choſe prodigieuſe & inaudite:
auſſile Seigneur luy fit preſent d'vne belle robbe de drap d'or, & d'vne pleine bour
ſe de ducats, auec vingtcinq aſpres de prouifion par iour pour le reſte de ſa vie, mais
deffenſe au reſte de ſ'en plus meſler, car la chorde rompitauſſi toſt qu'il eut acheué;
dont les Sultannes eurent telle apprehenſion & frayeur qu'elles ſ'en cuiderent paſ
mer : & ſe retirerent là deſſus au grand Serrail dans des coches couuers d'eſcar
latte. . -
|
L E L. ſe firent des baſtelleriers de grands baſſins de mâloque & porcelaine, tour 5o.
nansd'vne ſubtile habilleté ſur de longs baſtons dont ils les iettoient haut en l'air,&
les recueilloient ſoupplément ſans les rompre. Sur le ſoir comparurent cinquante
cheuaux legiers à guiſe d'alarbes, qui firentvn beſourdis & eſcarmouche à coups de
cannes à la Moreſque : Puis le mangeraccouſtumé & lesfeux artificiels. - .
FINABLE M E NT la feſte ceſſa, & ſe terminerent les ieux en vne ſanglante que
rclle à bon eſcien, qui ſ'alluma entre les Ienniſſaires, & les Spacchis, auec vne meſ #- #
lée où ilyen eut pluſieurs bleſſez, & quelques vns tuez ſur la place, autres-grand
eſpouuentement du Turc nieſme. Ce qui fut bien toſt ſuiuy d'vn feu, qui ſe prit à
la ville, & bruſla plus de cinq cens maiſons, & deux mille bouttiquesauant qu'on ſe
miſten deuoir de l eſteindre : mais à la parfin les Ianiſſaires moyénant vn aſpre d'ac
croiſſement pariour à leur ſolde y remedierent.
· TELLE fut la fin de ceſte feſte, dont ie ne croy pas qu'ily enait gueres eu autres
fois de telle.
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·
TABLE
P R'I NC IP A L E S C O N T E N V E S
-
| T ANT EN L HI s T o IRE DE s T vR cs .
#. , · compoſée par Calchondile, qu'aux Illuſtrations de B. de " . "
- t - - - · · · - - - •
- - Vigenere ſur la meſme Hiſtoire. •. -
»
A .. Adultere & fol amour du #ºce Sandalluy
B B E Ioachin a predict cauſe de grands maux. 3o3
les Papes à venir de - Adils loups de l'Aſie. - 352
puis ſon temps, & Aducrtiſſemens notables pour les Princes
comment d'idiot & ſouuerains. · 387
d'ignorant parvn di- Aduertiſſement pour les Princes. 334
uin breuuage il de- AEnus ville de Thrace ſur la riuiere d'He
# , uint tres-ſçauât. 17o , brus. . · 293
- - Abrahim remöſtre tres- AEtolie conquiſe par Charles Tochiano,mi
ſagement à Baiazeth , ncantmoins non ſe és mains desTurcs. - 137 .
Crcu. .. . 85 l'Aga ou Coronel des Iennitzaires. - 374
Acarnanie parvne grande & meſchante tra- Aga ou Coronel des Iennitzaires du Turc.
hiſon occupée des Albanois, recouurée 2I4,Foüeté & pourquoy. ibid.
, , par Charles Toçhiano.. 122 , Agiades qucls hommes au camp du Turc.
Accangis quels hommcs de guerre entre les 164
. . Turcs. 56,377,397 Aigles ville rendue aux Turcsauec mille eſ
Affinité des Accangis auec nos Caſtadours. claues. 234
4o3 Aire d'Auguſte. 32o
Accouſtumance eſt le plus fort lien qu'on Aladin Roy de Surie. 7. fort pernicieux aux |
puiſſe trouuer pour arreſter & retenirl'a- Chreſtiens. ibid. ·
mour.° 419 Albanois d'où ſortis. 14. qù habitent...ibid.
Achaye conquiſe par les Zacharies Gene- ſont paſteurs vagabons de coſté & d'au
- uois. 12o tre, 231. leurs conqueſtes. 5 I. ſont outra
-
- •
-
-
|
#
Table des matieres.
| |
l , i |
Alemagne deſcrite ſelon ſalongueur & lar de ſa mort." . "- 3Q
º # geur.49,la micux policée quc toute autre Amurath inhumé aupres de ſon fils, & vn
| |
| : |
-
·
-
il , ,! region du Septentrion, rarementinfectée
de peſte & d'autres maladies. ibid.
eloge de ſes faicts & de ſes mœurs. 3I
Amurath en ſa vieilleſſe auſſi prompt&vigi
|| | | | | Alemans fort induſtrieux & ſubtils àinuen lant qu'en ſa plus verte ieuneſſe. 3I
| | | | | i
•
" | | |
,' . 1| • :
d . i
ter machines & engins de guerre.4I, diſ Amurath oncques ne peut eſtre aſſouuy de
, !
ſolus & exceſſifs en leur viure.41, fort fer ſang humain, & oncques n'alla de gayeté
-
- #. ués & fermes en la Religió Romaine.42, de cœur à la guerre. 3I
» . | | | | |
- : - | , ils ſeroient inuincibles s'ils obeyſſoient Amurath ſecond,le dixieſme Empereur des
• • !
| - 1 # •
-
Alliar ces en aucune ſorte ne doiuent eftre l'Europe ſur vn ſeul nauire.' I32
| | |
' i .
| cnfraintes. I29 Amurath'aſſiege Conſtantinople. ibid.
i ; | |! Alluſion de la pierre d'où Moyſe fit ſourdre Amurath hardy à merueilles, & diligent en
de l'eau, auec la feſtc de l'Aſcenſion & ſes entrepriſes. 136
| | | Pentecoſte. - 516 Amurath eſt cruel & inhumain enuers les
| | | |
: 1| | " - i Alophatz quels hommes de la maiſon du enfans du Prince de Bulgarie. I4I
· t: . |
-
-
- : º
TurG. - 133 Amurath par deux fois perd ſon armée en
"- · ··
|
Alphonſe Roy de Naples & d'Aragon pris Tranſſiluanie. I45
" ! |
*• ,
** : • -# - "º, par Neapolitains en champ de bataille.151 Amurath ſubiugue le pays du Caraman. 159
' .. preſenté au Duc de Milan, & humaine Amurath aſſeure ſon Empire par vne ſeule
ment renuoyé en ſon Royaume.ibid.iloc bataille obtenue contre les Chreſtiens.
, | cupe Naples & Sicile 152. pris auparauant I9I
| | -
,!º
: . a !. " -
par Aluarcz & mené au Roy de Caſtillc. Amurath entreprend laguerre contre le Pe
-
156 loponeſe. I92
| ! Amathonte maintenant Limiſſo occupée Amurath ſe demet de l'Empire, & ſe retire
-
-
par les Veniticns. - 8I en vn Monaſtere, dont il ſe repent tout
| º |
.' -
- Amaſtre ville ſur le pont Euxin priſe par le auſſi toſt. - I99
,#
1 , # |
Turc. 26I
-
Amurath remis en ſon eſtat par vn ſubtilar
|
, Ames creües immortelles par l'Alcoran. 72 tifice. ibid.
|
- -
" , '
Amurath imitant les mœurs de Cyrus le Anagiach petite hache. 366
| , " grand, s'agrandit de tous coſtez. 2I
Andrinople anciennement Oreſtiade, fon
· ; Amurath vſe d'vne harangue pleine d'artifi dée par Oreſtes. 17
•.
ce pour animer ſes gens au combat. 22 Andrinople priſe par les Turcs d'vne eſtran
" Amurath vſe d'vn langage ruſé pour retirer . ge façon. ibid.
"
à ſoyles gens de ſon fils rebelle. 24, victo Andrinople ſiege Royal du grand TurcA
rieux contre ſes rebelles. 25, propos d'ice murath.
·
, luy ſuperbe & hautain à l'Empereur de Andronic Empereur puſillanime. • 15
l #. Conſtantinople.26 remonſtre & pardon- . Andronic cauſe la ruine de l'Empire de
ne humainement à Emanuel fils de l'Em Conſtantinople. 9
pereur de Conſtantinople. ibid. Andronic ingrat & mauuais enuers ſonpe
| Amurath eſt partout eſpouuentable & mer IC. • . 29
-
ueilleuſement redouté 27, quelles con Andronic & Emanuelſon frere en partialité
pour la diſſimilitude dc mœurs.
queſtes il fit en l'Europe.28,& quels Prin ibid.
ces il s'aſſubietit. ibid. Andronic eut les deux yeux creuezauec du
- Amurath tué en bataillc, & diuerſes opiniós vinaigre tout boüillant & pourquoy. 26
|
Table des matieres.
Andronic ayant recouuré amandement de Argibaſsi contrerolleur. 337
la veuë, il euade & recouure l'Empire & Argos liurée aux Turcs par vn Preſtre, 3o5.
met ſon pere & ſon frere en priſon fort recouurée.312.repriſe & perduë parvn hi
cruelle. 35 deux fantoſme. -
Anges qui ſouſtiennent le throſne de D 1E v Argirogolicné ville priſe par les Albanois.
ſelon Mahomet. 492 I2I
Angium ville bruſlée par le Ture Amu Arianit ſ'eſtant rendu au grandTurc Amu
. rath. ' 197 rath ſe rebelle contre luy. I43
Angleterre peuplée de gens forts & robu Ariſtocratie meilleurgouuernementd'Eſtat
ſtes, quels fruicts elle produit & quels que Democratie. II2,
IlOIIlS. IO
Armée de Tamburlâ contre Bajazeth eſtoit
Anglois de quel langage vſent, naturelle de huict cens mille hommes. 183
ment ſeditieux,ſ'entrepreſtent leurs fem Armée du Roy de Catay de quatorze cens
mes.52, ils vnirent la France à leur cou mille hommes. 8I
ronne,chaſſez de France par Icanne la pu Arméc du Turc de quatre cens mille hömes
celle. 5o,5I deuant Conſtantinople. 2I8
Anniuerſaire fait tous les ans en l'honneur Armée des Venitiens touſiours conduite par
de Mahomet. 71 vnchef eſtranger. ii4
Anthoine baſtard de Charles Tochiano luy Armeniens exemps de tous tributs du Turc
ſuccede la principauté de Thebes. 123,ac & pourquoy. 355
compagné de ſix cens hommes il deffait Arpaemin pouruoyeur de foin & d'orge.348.
ſix milleVenitiens. I24. Arpagilar ſes commis. 348
Anthoine Seigneur d'Athenes meurt d'vne Arragon Royaume deſcrit ſelon ſes confins |#
Apieridium lieu pres de Conſtantinople. 24 Arriba priſe d'aſſaut & ſaccagée par le Turc.
Apollo honnoré de ſacrifices de cheuaux. 92 253 .
n'agueres adoré en Boheme, & mainte Arrogans ſouuent reduits au plus bas eſtage
nant aux Samogithiens. 75 de fortune. 9o
Apritiens quels eſclaues des Turcs, & pour Artheville capitale d'Ambracie priſe de for
quoyainſi appellez. 27o ce par les Albanois. I21
Arabes n'ont point de voielles non plus que Artillerieinuentée parvn Moyne Alleman. --
Arabéens Albanois où habitent. I39 les bas pays d'Aſie entierement conquis par -
Arabie encloſe de deux riuieres & quels les Turcs. 5. ſept fois toute pillée & ſacca
fruicts elle porte. 67 gée par les Tartares. ibid.
Arbactus conducteurs des Medois contre les Aſie Mineur à preſent Natolie. 2I4
Aſſyriens. 3 Aſlaoglandari qu'eſt-ce. 357
Aragibaſſi Capitaine du charroy. 4o8 Aſongleanlar vallets de Chambre. 353
Araxes fleuue ſe deſchargeant en la mer Caſ Aſſareli mortes-payes. 373
pie.. - 67 Aſſyriens ont obtenu la premiere Monar --
Arcenal de Veniſe le plus beau de tout le Atabales petits tabourins de cuiure au camp
monde. II3 du Turc. I95
Archent eau de vie. - 34I Athenes quand & comment vint és mains
Archers de la garde du corps du Turc dicts des Venitiens. 123. repriſe par Anthoine
les Solachs. · 375 Tochiano. ibid. il la reſtaure, 124.par quel
Ardel montagne de Moldauie. I9o moyen vient és mains des Turcs.
Argentine ou Strasbourg ville de Germa 257.
, Il1C. 4O Auarice de Bajazeth & le brocart d'vn de #
á ij
| Tables des matieres.
• ſes Capitaines à ce propos, | dangereuſe.219. façon des Turcs de battre
87 vnc
Aualos depoſſedé de l'AEtolie eſt fait priſon muraille. ibid.
nier par Prialupas duquel il eſpouſà la Eataille doit pluſtoſt eſtre hazardée au
femme & comment. I22
pays de l'ennemy que dans le ſien propre.
Aluarez venu de petit lieu cn Arragon. 35 -
I 55 - - -
Beglierbeys qu'eſt-ce. 333
des Audiences particulieresquc donnent les Belgrade ville de Hongrie aſſiegée en vain
Turcs. ' 333 du Turc Amurath, & deſcription de ſon
aſſiete. I42
Auignon & ſon excellence. 49
Axius riuiere bornant d'vne part la Macedo penſions ſur les Benefices en l'Egliſe Grec
ne à preſent Vardari. 56 quc. 435 -
façó de mettre les Azamoglans du Serrail hors de la reſidence des Benefices. 435
de page auec pluſieurs choſes dignes d'e Patriarche conferoit les Benefices. 435
ſtre remarquées. 362.363 Bergame contrée ſubjuguéc par les Veni
Azapes ſont les gens de pied des Turcs. ticns. IIo.I67
132 Bernardin Canilio canoniſé, & ſes loüan
AXapes qu'eſt-ce.377. à quoy ſont employez. gcs. 24I
| 398 Berrhaee ville de Macedoine. IO2,
Azoar notable de la loy de Mahomet tou Berthelemy Schuarts Moyne Alleman pre
* chant la punition des meſchans. 499 micr inuenteur de l'Artillerie. I34
- --,
Beſſarion fait Cardinal au Concile de Flo
· !
. B
: , rence & ſes loüanges. 165
· Bethel maiſon de Dieu depuis appellée Be
Bº# autrement dicte Bagadet. 64 thauen maiſon de l'Idole. *444
-
Barac par ſes proüeſſes & vaillances monta Bogdanie region où ſituée. 44
: bien toſt à vn fort grand credit. I2 6 Bohemes appellez Cephiens ou Zechiens.
Barbarés autrement Arbactus conducteur 4I. adoroient le feu. ibid. quand & par
des Medois contre les Aſſyriens. 3 qui conuertis au Chriſtianiſme. 24I. font
Barſatides peuples Bandoüilliers du tout ad paix auec les Hongres pour aller contre
donnez aux volcries & brigandages. le Turc. 182. vſent de deux ſortes de reli
I4O gion. 75
Barſelonne tres-belle & riche Cité en la co Bohourt qu'eſt-ce. | 39o
ſte de Catalogne. 152...gouuernée preſque Boluchbaſsi caps deſquadre & chaſſauants.
en forme Ariſtocratique. I55 356 · · · · ·
•!
-
-
• fort bien la langue Grecque.zo,ſurpris& Candie occupée par les Venitiens. 1o7
deffaicts faiſans trop bonne cherc. 17 Candioriens qucls peuples. - 82
Buſdeghan maſſe d'armes. ' i - 374 Canons du Turc eſtrangement impetucux.
Butin merueilleux des Turcs pris ſur les Va 256
laques. - · · · 289 Canons font plus de pcur que d'execution.
Bydene ville. - ' : ' . : , , 2o I34 - · · · · · -
· gliſe. · · · · 43C
-
· · · · , , · ·· · · · · · · ' Canon de la Simonie. 43O
• Achet du Turc. - - Capioglans qu'eſt-cc. :. 36I · 339
Cachetium ville & ſa ſituation. .
Capigtbaſſi qu'eſt-ce. . 357
Caders des Roys des Turcs le plus ſouuent Capigi ou portiers.- ... · · · · 329
, ſe ſont emparez de l'Empire. . : | 12 les Capigiou portiers & leurs charges. 376
Cadileſcher eſt l'eſtat de grand Preuoſt de Capitaine ſouuerain de quelles vertus doit
, l'hoſtel du Turc. . .. , 19I,296. eſtre doüé. . - 27
deuoir des Cadileſchers le iour du Diuan. Capitaines conquerans doiuent principale
332 - - ment retenir deux poincts. 66
Cadum Eunuques. * : · · 357 Capitaines vaillans fuyent les delices & vo
Caduſiens où habitent. 67, deffaicts par luptez. IOO
Tamburlan. ibid.
-
Caluarie iſle conſignée és mains de Marc ca Cardinaux ſont les chefs & principaux Pre
pitaine Turc. - 257 lats en l'Egliſe,l'etimologie de ce mot. 165
Calliacre ville priſe d'aſſaut par les Chre combien
\,
doiuent eſtre en nombre. 17o N • • • - -
, tiens contre le Duc de Milan. 166, con Charatin homme de grande execution, pu
uaincu de trahiſon,executé à Veniſe.167. nit les Theſſaloniciens ſeditieux. 26, luy
· I1I ° -
Carats general des armées de l'Europe pour Chatai Royaume,où ſitué & ſes ſingularitez.
le Turc.186. tué en combatant. 187 92,93
Careſme comment obſerué par les Turcs. Chatai ville d'Hyrcanie, grande, fort peu
7o , , - plée & abondante en toutes richcſſes par
Caſſandrie anciennement Pydné, ou Cyd qui fondée. 72
- né ou Potidéc. • • IO Chataides en nombre de huict cens mille
| Caſſiope ville d'AEtolic maintenant Ioanni contre Tamburlan. 72
ne, rendue aux Turcs. I37 Chataiens encores idolatres. 92
Caſtorie ville priſe par les Albanois. 124 Chariots ſeruans de maiſon. 77
Caſtria ville pres de Laccdemone , priſe Charles Tochiano conqueſte l'Epire & la
d'aſſaut par les Iennitzaires. 267 Carnanie. | I2.I
Caſtrimcnum ville d'Arcadie, priſe par le Charlemagne rend aux Princes Eſpagnols
| Turc Mechmet. - 271 le pays par luy conquis ſur les infideles.
le Roy de Catai ayant vne armée de quator
ze cens mille hommes. 8I Charlemagne,ſes Pairs & ſes loüanges.ibid.
Catalufiens famille de Gennes ſeigneurs de Charmes attirans les femmes à amour la
Leſbos. ° 292,293 ſcif. 39
Cantacuzenus depoſſede ſon pupille de Chaſſan capitaine des Iennitzaires trahit
-
ſon ſeigneur.
• l'Empire. 13, contrainct de prendre l'ha Io4
- bit de Religion & changer ſon nom en Chaſſan chef des forces de l'Europe reſ
celuy de Matthieu. 2.I
pond vertueuſement à ſon Seigneur A
Cathites par quel artifice remet Amurath murath pour donner la bataille, accuſe
en ſon eſtat.199, executé à mort & pour fauſſement Thuracan de trahiſon. 173,
--
quoy. 229 176
Cazimir Roy de Polongne & ſes loüanges. le Chaſna ou treſor. 357,33o,I48
44 Chaſnacarbaſſi qu'eſt-ce. 33I,357, 4oo
Cazimir Duc de Lithuanie. 74 nombre des Chameaux en l'armée du Turc.
Cclium ville de Valachie en vain aſſiegée 349 .. -
-
-
----*
Chlo ville & iſle de meme nom abondante de la Circonciſion des Mahometiſtes. 519
en maſtic. 293, engagée aux Venitiens, Ciungeler orfevres. 364 -
puis par eux priſe de force.ibid. tributaire Cochiach ceinture Turqucſque. 365
du Turc. • 292, ce que les Coqs diſent en leur langage. 482
chiler Apothicaire. 337 le Conſeil où le grand ſeigneur meſme aſſi
-
Chrates & ſon frerevaillans capitaines, def deſcription du premier tertre de Conſtanti
faicts & tuez faiſans trop bonne chere. nople. - 326
17 - accidens anciens de Conſtantinople, 319, &
Chreſtiens liguez contre le Turc. 39, miſe modernes. - 322
rablement deffaicts. 42, maſſacrez au Clitye ville d'Illyrie. 3o1, ſa ſituation.3o2,
nombre de dixſept mille. 21o. perdentv renduë au grand Turc Mechmct. 3o2 -
dent auec les Latins. 164 Crinizin vers qui font le cramoyſi. 94
Concile de Baſle. I6I Croaques rangez ſoubs la puiſſance d'Amu
Concile de Mantoüe. 2 63
rath Empereur des Turcs. 2
1 Conniuence enuers les ſoldats fort perni Crocodiles pleurent quand ils veulent de
: -- - cieuſe à vn capitaine. 27 uorer quelqu'vn. 67
| Conſeil combien qu'il ſoit bon ne doit pas Croye capitale d'Albanie, en vain aſſiegée
touſiours dſtre receu. 88
- par le Turc Amurath. 198,2oo
Conſeil des Venitiens, où ſont d'ordinaire Cruauté du grand Turc Mechmet eſpou
bien 3ooo.hommes. II2, | ucntable. . 296 -
Conſtantin homme de haute entrepriſe ſuc Cruauté trop inhumtine & indigne d'vn
cede aux conqueſtes de ſon frere Dragas. Prince. ·. . 56
6 Cruel ſpectacle & inhumain.
-
* 3I4
c nºn Dragoſis 8. de ce nom, dernier Cuauerges quels peuples & où habitent.
Empereur de Conſtantinople. 2 I2, 143 , I43
Conſtantin Empereur bleſſé en l'eſpaule à la Cruauté eſtrange de Mechmet. 328
• priſe de Conſtantinople. 224, ſa teſte por Cucchine Imbroorbaſſi premier Eſcuier 348º
- tée au grand Turc. 227 Carmy qu'aſt-ce. 34I
:|
º
Conſtantinople quand & par qui fondée, & Cyllene à preſent Clarence capitale del'E
ſa ſituation. 3, combien elle a d'eſtendue. lide. 138, priſe par les galeres du Pape.139,
, .221, eſt la plus belle, la plus riche & opu la vendent au Prince # l'Empire,puisſac
lente cité de toutes autres, ſesloüanges & cagée par le Prince d'Achaie. . ibid.
miſeres. 22o, aſſiegée l'eſpace de dix ans. Cypre entre les mains des François. 8I
47, priſe par les François, & recouurée Cyrene ville priſe par les Venitiens. 1o7
par les Paleologues. 4. aſſiegée de quatre Cyrus le grand tranſporta la Menarchie en
· cens mille hommes.218, & priſe d'aſſaut. · Perſe.3. mis à mort par la Royne Thomi
224, ſon dernier Empcreur ſe deuoit ter I1S. 93 -
miner en Conſtantin, & ſon dernier Pa Cyrus fleuue ſe deſchargeant en lamer Caſ
triarche en Gregoire, ſelon la Prophetie. pie & ſon cours admirable. 97
23o, combien de temps a eſté le ſiege de
. . l'Empire. 9, a ſept collines. 323 . D
Coſuigiti, porte plats. * 4o4
Corcyra maintenant Corfou, Homere l'ap D Aas ou Dauus Seigneur de Valachie,
·• l - pelle Phœacia. - I44 met à mort tous les hcritiers de ſon
Corfouiſle ſaiſie par les Venitiens. Ioy,iadis predeceſſeur. 148. mis à mort par ſes ſub
aux Roys de Naples. I2 I - iects. 44
-
Corinthe où ſituée. II6
Dabia quellieu au Peloponeſe. " 138
Corſe anciennement Cyrnus, contient de Dace region où ſituée. I9
circuit 2ooo. ſtades. 155. priſe par le Roy Dalmatie eſt de la Seigneurie desVenitiens.
de Naples & d'Aragon. " 152 I14.
Corgium ville priſe par le Turc Mechmet. Damas priſe parTamburlan, d'où il emme
276. + - -
ne des richeſſes infinies & ineſtimables.
Coſobe plaine au pays des Triballes. 3o 79
Coulongnel'vne des principales villes d'A Darius fils d'Hiſtaſpes. 72. mis à mort par
lemagne. 4O Alexandre le grand. · 87 • •
Couleur verte fauorite de Mahomet. 5o9 Daualos Prince de Delphes. 38
Cour du Turc comment ordonnée & inſti Dauid apres auoir perdu ſon Empire de
tuée. . I32 Trebiſonde, mis à mort auec ſes enfans.
Courriers du Turc & leur manierede faire 28o. - -
ne d'icelle, ſe monte enuiron ſix millions Ducs de Bourgongne & de Bretagne ont
d'or. 396,367 faict pluſieurs fois la guerre contre le Roy
Deſpence de la Marine du Turc. 386, & l'v de France. 48
ſage d'icelle. 4 I2, 4I3,4I4,415 Dueil porté par Mahomet, 7I
Deſpence de l'artillerie du Turc. 386, & e Duel & combat d'homme à homme fort
# quipage d'icelle. 4o 6,4o7 frequent entre les Alemans. 4I
Deuigilar conducteur des Chamcaux. 348 Duzalpes capitaine Turc,homme iuſte & e
le Diuari au camp. 334 quitable. 6
feneſtre dangereuſe au Diuan. 33I
audiance publique & ſeance du Diuan. 33o - E
•.
#: là repas q'u'on faict au Diuan. 332
· cour du Diuan. 329 E, Chin medecin du Serrail. 364
belle Diſcipline. 347
Didymothicum ville priſe par Amurath à
faute de viures. 2.5
certain tem #
Chenicherribaſſi maiſtre du fournil. 338
l'Egypte rendoit deux
millions diai de reuenu. 4I6
D'iligence doit eſtre le principal poinct re ordres & grades de l'Egliſe Grecque.421,
commandé en vn bon capitaine. 66 422
I2iligence & liberalité fort neceſſaire à vn Egliſe Romaine pourquoya ſeparé lesGrecs
Prince conquerant. 27 d'elle.
Dionyſiopoli maintenant Varne, priſe par le cinquantieſme des biens de l'Egliſe pris
les Hongresſur le Turc. . .. 123 pour faire la guerre contre les infideles.
Diſcipline militaire desTurcs. 64 263 - -
|
Diuan eſt le conſeil d'Eſtat & des finances Egypte deſcrite. 8o, arrouſée du Nil qui y
du Turc. 244 deſborde tous les ans en eſté, car il n'y
2
Doganzibaſsi grand fauconnier. 352 pleut point. ibid.
Doge eſt le Duc de Veniſe. II2 Eleazar Prince des Tribaliens tué en ba
Dom Louys Daualos Prince de Delphes de taille par Amurath Empereur des Turcs.
ſcendu des Aragonois. 39
Dopmacc ville de Theſſalie. 34 Eloge d'Othoman premier Empereur des
Dories ancienne famille de Geffnes. 148 Turcs. - I
Dorie chefdes Geneuois emporte la victoi Eloge d'Orchan ſecond Empereur des
re contre les Neapolitains & prend leur Turcs. II
-
· Roy & le preſente au Duc de Milan. 151 Elogede Solyman troiſieſme Empereur des
Dorobeze riuiere ſeparant les Triballiens Turcs. . I3
d'auec les Illyriens. 3oo, & auſſi vne ville Eloge d'Amurath quatrieſme Empereur
de mcſmc nom forte à merueilles. 3oI des Turcs. 17 #
ë
l
*
| º ! - -
|
| -- | - - l - 1 à
Table des matieres.
Eloge de Baiazeth cinquieſme Empereur 38o -
IO 2 - º -
Epidaure autrement Monembaſie. II8
-,
Emimmutpagi ou Mutpatenin argentier. 337 Eſnedarbaſſi qu'eſt-ce. 33I
Emiralem gonfalonnier general. 379, ſon of Efclaues ſót la principale richeſſe des Turcs
fice. . 395 comme des anciens Romains. 17
poincts notables de l'Empire Turqueſque. · Eſclauonie eſtde laSeigneurie deVeniſe.II4
Eſclauons
--
---
Table des matieres.
Eſclauonsiadis en grand renom, dont leur que maſſacre ſon maty pour en eſpouſer
| langage a preſque eſté reſpandu par tout vn autre. I22,
le monde. - - 6 Femme qui conuertit les Iberiens à la foy
1Eſes en langue Turqueſque ſignifie I E sv s. · Chreſtienne. 264
24
E§ eſt la plus grande Prouince de tout | - Femmes s'acheptent par les Turcs pour les
| auoir en mariage. ' . | 68
- l'Occident apres la Gaule, & ſa deſcrip Femmes repudiées entre les Turcs d'vne fa
- tion. . * º | | | 155 , çon bien dure & eſtrange. . 59
Eſpagnes deliurées des Mores par Charle Femme qui donna vn grand eſpouuente
· magne. . -º : ' ' , 44 " ment à ceux de Trebizonde aſſiegez.
Eſtats ſe maintiennent en honorant les bons ·2: 263° 3 : º 2ï ;
& chaſtiant les mauuais. - 223 Femmes communes en Angleterre. : 52
Eſt maiſon tres-noble & illuſtre. - 162 Ferrand Roy d'Aragon chaſſe les Mores
Eſtienne Prince des Tribaliens eſtablit ſon , d'Eſpagne. . - 2- º 156
· ſiege Royal à Macedone. 14, depart ſes Ferrare ville fort riche & bien peuplée & ſon
conqueſtes. · · · · · 1 · aſſiette. . · · · · -- . - • -- I62,
-
-
Eſtienne Bulco eſtroictement aſſiegé dans Figues farcies de doubles ducats. º ( 156 r -
#
· Eualuation du reuenu du domaine du Turc Fleuues principaux qui entrent dans l'O
ſelon la deſpence. . · 396 ccan Oricntal. | | -- 92 -
Eubœe autrement Negrepont conquiſe par Florence ville capitale de toute la Thoſca ,
-
les Geneuois. 12 oº · ne, la plus belle & la plus riche dé tou-. |
|!
, ,. "
Eueſque de Rome recogneu ſuperieur de te l'Italie. 165, commentiadis gouuernée.º | -" 1 -
!
l'Egliſe. . - - - · ' 4oº I64 -
la dignité Imperiale aux Roys de France, mes qui ſe trouuent point autre part. .. 152 |
| -
Eugene depoſſedé de la Papauté. 161 | Roy de Naples, qui ne print rien ſinon la
Euripe quel deſtroict de mer & où 3o7 fille d'vn bourgeois. 152, deliurez par vnº »
Europe eſt le plus beau & plus fertile païs · artifice eſtrange du pere de la fille. ibid. ' ,
qui ſoit4u demeurant du monde. I4 Flot de la mer Mediterranée paroiſt plus à
Europeans plus belliqueux que toutes au Veniſe qu'en nul autre endroit. : 114 - l .
trcs nations. . 22 Flux & reflux de la mer Oceane d'où cauſé.'
Eurotas riuiere paſſant par Lacedemone. • 53, & pourquoy n'eſt ainſien la mer Me-?
: 267 - -
diterranée. - | 54
I
l'Experience meine les grandes & douteuſes Fortune n'a aucune puiſſance és choſes hu
affaires à bonne fin. I95 ' maines.277,elle cede à la diuine vangean-' •
* : ·, · -
3I
F
CC.
|
le Foüeter non ignominieux entre les pe
tits, meſme à l'endroit des grands ſei-'
F Amagoſte ville de Cypre. 81 gneurs. - | - 2 I4
Fantoſme qui fit perdre la ville d'Argos. Foy inuiolable doit eſtre gardée aux enne
55 - -
mis. " , . - - - - · 66*
Fauconniers en merueilleux nombre au Fondations des Turcs. . | 383
camp du Turc. - 2I4 laiz pitoyables & Fondations d'hoſpitaux i
Fautes pardonnables & non pardonnables. ' du grand Seigneur. 385, 386 - |
|
67 - - - Forces des Empereurs Othomans compo
Fauconnerie Turqueſque. · · 352 ſées de Turcs naturels. . 379
merueilleux equipage de Fauconnerie, Force desTurcs par la mer. 4I4, 4I5
de l'Empereur Bajazeth premier. 351 Formule d'vne depoſition de Patriarche.
merueilleux Faux-bourgs de Conſtantino 43o,431 . ·· · · } : " .
Femme de Prialupas deſeſperement lubri France deſcrite & ſes loüanges.48, c'eſt vne
belle maſſe & puiſſante Monarchie.ibid. -
é ij
: ·
| --
Tables des matieres.
· eſt embraſée de toutes parts de guerre & bandonné la forme de leur ancien gour
ſeditions inteſtines. 28, les Anglois s'en b1C fIlCIIlCIlt . - · - 15o
emparent.jo, deliurée par Ieannc la Pu Genniſſaires d'où & par qui leucz,comment
, celle. - 5I leurs offices ſont conſtituez. 8,13z"
François nation fort ancienne, tres-noble, George fils de l'Empereur de Trebizonde ſe
· opulente & de grdnd pouuoir.48, la plus fiſtTurc, puis fut mis à mortauec ſon pe
- braue & redoutable que le Soleil voye IſC. 28o
-
point.87, belliqueux mais vn peu trop Gepanum maintenant terre de labour. 152
- · boüillás & haſtifs.42, diſſolus & exceſſifs Germanie deſcrite ſelon ſa longueur & lar
geur.4o, eſt vne tres-grande & puiſſante
· lans touſiours auoir le deſſus en quelque , nation. - - 41
Getes anciens où habitoient. · · 4I
part qu'ils ſoient. 5o, ont de tout temps
, precedé tous les † du Ponant.ibid. Getiaville renduë à Amurath par compoſi
n'ont de couſtume de tourner le dos. 51,tion,& tout le peuple mis en ſeruage. 193
ſurnommez tres-Chreſtiens,à eux appar Gilbatar deſtroict où ſont les colomnes de
, tientl'empire de droit 48, s'emparent de Hercule. 49
, Cypre 5I,occupent l'Empire de Conſtan Gloire& reputation des Princes où giſt prin
-
Geneuois emportent vaillamment lavictoi Grebenum ville tres-forte priſe par le Turc.
re contre les Neapolitains. I5I 27o -
-
*- '. |!
Table des matieres.
Guerre ne doit eſtre entrepriſe entre ceux Harangue de l'Ambaſſade de Veniſe au c5
d'vne meſme Religion. 277
ſeil de Hongrie pour faire guerreau Turc.
à la Guerre eſt vne grãde faute de s'eſtonner 3o9 - · · .
Harangue du Roy Vladiſlaus à ſes gens ſur ſont fort impetueux, criminels & rigou
lepoinct du combat. I86 reux en combatant. 148, par leur enuie
Harangue du Prince de Synope à ceux de font perdre la victoire aux Chreſtiens-42,
:
Conſtantinople pour ſe rendre. 222 perdent la bataille lamétable pouriamais.
Harangue du grandTurc à ſes Iennitzair es 189, entierement deffaicts par le Turc A
deuant Conſtantinople. 223 · murath. ' 2o5
Harangue de Ioſué capitaine Turc, perſua Hongrie ou Pannonie deſcrite & le naturel
dant aux Corinthiens de ſe rendre & la des habitans. 4I
reſponce. - ". 254 Huile de ſaincte Ame & la maniere de la
Harangue de Turacanaux Princes du Pelo faire. -
34o
poneſe pour les mettre d'accord. 232 Huniade pere du Roy Matthias deffaict les
Harâgue de la mere d'Vſunchaſſan au grand Turcs en Tranſſiluanie. 146, eſleu general
Turc Mechmet & la reſponce. 276,277 contre les Alemans, Bohemes, Turcs. 147,
Harangue d'vn Baſſa ſentant bien ſon Tur par vn ſubtil ſtratageme deffait l'armée du
queſque. 278 Turc. 176, il † & laiſſe ſon armée
Harangue de l'Ambaſſadeur d'Vladus au pour les gages. 2o9, faict priſonnier de ſon
· Conſeil de Hongrie. 285 ennemy mortel Dracula. 19o, eſtant deli --"
Harangue du Seigneur de Leſbos au grand uré tue ledict Dracula auec ſon fils. ibid.
Turc Mechmet pleine de commiſeration. mcurt & commcnt. | 24O
2.95
--
- -
- é iij
º
||
|
| Table des matieres.
l
, Hydaſpes Hyldraotes & Hyphaſis, fleuues conformité des Iennitzaires du Turc auec les
qui entrent en l'Ocean Oriental. 92 • anciens legionnaires Romains. · 372
Hymnes chantez par les Turcs auant que premier reglement des IennitXaires, leurſol
donner vn aſſaut ou bataillc. I94 de & appointement, habillemenr & ac
t V,
couſtremcnt de teſte.369,37o,& leurs ar
I mes. 37I
|| ,º !
arde des Iennitzaires. 372.
: IA# es heretiques ne mettans qu'vne
nature en I E sv s - CHR I s T. 8o
ethimologies du mot Iennitzeri. 369
Iennitzaires non mariez & leurs departe
Iacomo Lauredano chefde l'armée des Ve mens à Conſtantinople. 374
nitiens contre lc Turc. , 3II Iennitzaires maricz. 373
- Iadiza ville ſituée aupres des ruines d'Axius. I E s vs-CH R 1 s T en quelle eſtime entre les
I26 , Mahometans. . - 7o
Iacup Beglierbey prend Argos eſpouuentée Ieuſne du Careſme commét cbſerué par les
d'vn fantoſme, & en emmeine trentcmil · Turcs. , • ibid.
Chreſtiens priſonniers. 55 Ieux lſtmées pourquoy ainſi nommez. 1o5:
Iacup ſignifie Ioſeph. 247 Ieuſne du Vendrcdy quand inſtitué. 321
Iacup ou Solyman mis à mort par Pajazet Igur qu'eſt-ce. . 34o -
| ſon frere aiſné pour enuahir l'Empire. 34 lllirie maintenant la Boſſine.298, gaſtée par
Iaitie capitale de tous les Illiriens rendue au les Turcs. . | 38
Turc. 3OI Illiriens d'où ſortis & leurs conqueſtes & ha
Iaiabaſſi centenier. 37I bitation. - I4
à quoy ſemploye le reuenu des Iardins du Illiriſies riuiere au pays d'Illirie. 3oo
Turc. 323 Imbros iſle en la mer AEgée.
Jairygreffier ou ſecrettaire. 348 Impieté bien toſtvangée de la Iuſtice diui
Iatutaga qu'eſt-ce. - 33I | nc. - 297
vray Icaromenipe de Lunan. 482 Imarets hoſpitaux. 365,383
-
Iean Empereur de Conſtantinople arriue en Imbraorbaſſi grand Eſcuver. 347,348
France, & pourquoy. 28,arreſté à Veniſe Impoſition pour la deſpence ordinaire du
pour les deniers qu'il y deuoit.29, il faict Turc. . ' . ibid.
creuer les yeux à ſon fils rebelle auec du Inde Orientale deſcrite & ſes ſingularitez.
vinaigre tout boüillant. 26, empriſonné 92, ' . - -
51,elle ſe perdit & ne ſceut on qu'elle de Ioannine ville d'AEtolie anciennement Caſ
uint. ibidem.ſiopé.131, liuréc aux Turcs. ibid.
Iaitza capitale ville du pays de la Boſſine & Ioſephe capitaine Turc mis en route par les
ſa ſituation. I42 Valaques, ſecouru par Omar. 289
Iangus Choniates deffaict les Turcs en Träſ Ioſué fils de Paiazet pris & mené à Táburlá.
ſiluanie. 146,epilogue de ſa vie. ibid. 89,deffaict par ſon frere & mis à mort. 98
Iapusgeneral de la caualerie du Turc, 26o Ioſué le plus ieune des enfans de Paiazet ſe
S.Iacques a ſon ſepulchre au pays de Galice. faict baptizer. IO2
I Iſaac Prince d'Acarnanie traiſtreuſement &
Iberie dcſcrite ſelon ſes confins. 155,264 meſchamment tué par les Albanois. 12z
Iberiens d'où ſortis, & comme ils receurent Iſchrabraue & renommé capitaine aueugle,
la foy Chreſtienne par vne femme. 264 commanda à ſa mort qu'on fiſt vn tabou
Iconium ville de Lycaonie reglée de bonnes rin de ſa peau, au ſon duquelles ennemis
loix & ſtatuts. I4O
s'eſpouuenteroient. I9I
Ican Roy de France deffaict pres Poitiers Iſaga qu'eſt-ce. 357
par les Anglois. Iſidore perſonnage fort prudent& grandzc
5o
Ican fils aiſné d'Emanuel, faict Empereur & lateur de la foy faict Cardinal au Concile
- Patriarche tout enſemblc. II9 de Floréce.165, pris des Turcs, ibid.au nö
| du
|
Table des matieres.
" du Pape faict congreger vn Concile pour Lamachie cité où ſituée. - 37
vnir les Grecs à l Egliſe Romaine. 224, Lampſaque ville ſe rend aux Venitiens ſans
eſtant pris trouuc moyen d'eſchapper. coup frapper. 117
22 -
Lances des François, Hongres & Alemans
I# Prince de Synope ſe reconcilie auec ſemblables. 188
Amurath, moyennant certain tribut de Laonic eſt le nom de Nicolas renuerſé. 1
Cll9IUlIl. . - - - - I4I Lapodie Lac. I3I
* l'Iſtmc & à l'entrée du Peloponeſe. 159,fer Larande ville fort belle en Lycaonie. 14, où
#: & comment ſituée. ibid.
mé de muraille par les Grecs, demantelé
& mis à bas & pourquoy. 1o5, rcclos. 137, Largeſſes des Princes profuſes dâgereuſes.II
abandonné par les Venitiens. 313, pris du Lauredan chefde l'armée de mer des Veni
. Turcauecgrande deſolation. 196, ſa clo tiens. II5, emporte la victoire contre les
ſture plus dommageable aux Grecs que Turcs. II7, faict appointement. ' ibid.
comtmode. . · ibid.
Lcbadie ville au pays de la Bœoce.
-
82
Iſtrie eſt vne partie de Valachie. . 44 Legereté des Grecs. I3o
Itœa petite Bourgade, premier ſeiour des Lemnos vulgairement Stalimene. 265, eſt
Turcs en Aſie. 7 vne iſle en la mer AEgée. 4, priſe par le
Italie quels principaux Potentats contient. Roy de Naples chef de l'armée du Pape.
169. & combien de Republiques. 172 244, repriſe par les Venitiens. 3I6
Ithomé contrée. 217 Lemocopie fortereſſe ſur le bord de la Pro
Iugement vniucrſel de IE svs-CH R I sT, pontide baſtie par Mechmet. " 217
creu par les Mahometans. 7o Leodoricum petite ville des Locriens & ſa
Iuifs ſont en meſpris aux Turcs. 255 ſituation. I68
la Croix eſt vſitée aux Iuifs. 36o Leon Empereur de Conſtantinople eut par
••• Iunon honorée des ſacrifices des bœufs. 92 faicte cognoiſſance de touves ſciences.
Iupiter & Iunon encores adorez. 75 23o -
Ladres cruellement tous mis à mort à Seba uec les anciens heretiques. · 5I2
ſte. 83 Lucanes gouuerneur de Sparte pour le
Laines en abondance en Angleterre. 52 Turc. 252,
.#
l
-
Table des matieres.
la Lune eſt du naturel de l'eau & pour ce a ſeigneurs. 169
le gouuernemcnt & regence des eaux. Malheur des grands Seigneurs ordinaire
,
|
| 53 ment plus cruel que celuy des petits com
| |
1
naiſſance, nourriture, religion, & doctrine moyen vindrent à ceſte ſeigneurie. IIo,
|
|
-
4 du faux prophete Mahomet. 44o,44I, & d'où ils ont pris ſe nom. ibid.
- 1 ,• 442,447,448,449,45o,451 MARIE Vierge & mere de I E s vs-CHRIsT
Mahomet d'où yſſu, de quelles mœurs, ſa en quel eſtime entre les Mafiometans.
| vie & ſa religion en brief. 68 7o
! Mahomet en quelle eſtime entre les Maho Marſilio de Padouë voulant liurer la ville à
1 * II) Ct2 I] S. ibid. l'ennemy eſt deſcouuert & mis à mort.
,
d Mahomet quelles conqueſtes fit, combien | 167 -
-1,
-
• - "t
59 Mauroprobatans eſpece de Negres. , 2I4
• 1 -
: Maccheiazzi Archers tres-puiſſans. 367, fait eſtouffer ſon frere auec de l'eau. 213,
368 aſſiege Conſtantinople auec vne armée de
parties que doiuentauoir les vrays Mahome quatre cens mille hommes.2i8, il prend &
taIlS. 472 ſaccage la ville miſerablement. 226
|
|
l'an & les mois des Mahometiſtes. 452M453 Mechmet fait tuer Notaras & pourquoy.
•. aſtuce & blaſpheme du faux Prophete Ma 228
- !
homet. Melicamarides quels hommes.
5II 8o
|
ce que Mahomettient de I E svs-CHRIsT. Melitine ville ſur l'Euphrates priſe par Baja
5Io zeth. - 37
Maones groſſes barques. 356 Memphis à preſent le Caire combien a de
Majorque & Minorque ſous l'obeiſſance du circuit* 8o
| i
Roy d'Arragon. I55 Mengreliens où habitent. 77
i
Maiſons de Veniſe comment faites. II4 Meotides maintenant Zabaca. 67
Maiſons des Nomades ſur des chariots. Mer Caſpie maintenant mer de Baccu com
5, 76 • bien a de circuit. - ibid.
| Maladies rares en Allemagne & frequentes Mer Ocean d'où a ſon flux & reflux. 53»
| -#
|
| és autres pays. 4O & pourquoyne l'a ainſila mer Mediterra
Malateſtes ancienne race d'Vrbain & leurs IlCC, - 54
|
| ·-
Meſapie
. !
i : .
-i
|
Table des matieres.
Meſapie de qui nommée maintenant dicte la Mores occupans toutes les Eſpagnes chaſſez
Poüille. I52 par Charlemagne. . 49 -
·
Mezet tué d'vn coup de Mouſquet. ibid.
butaires au grand Cam. ibid. .
Michalicie contrée où aſſiſe. I3I Moſquées ſont les temples desTurcs. 18
Michalin Saniaque de l'Europe tué par le Mores du tout chaſſez d'Eſpagne par Ferrád
Prince Tezclin. . 136 - d'Arragon. 156, font vne plaiſante ruſe.
Michel ſeigneur de la Myſie où tenoit ſon ibidem. "
ſiege royal. 15 Moyſe fils de Bajazeth fait Empereur des
-
Milan-combien ancienne, ſa ſituation & ſes Turcs , ayant pris & depoſſedé ſon frere
ſingularitez,& comment le terroir d'alen Muſulman. 1oo, prend Orchan*& taille -
tour fut deliuré d'vn eſtrange ſerpent. tous ſes gens en pieces par la trahiſon de i.
-º|
II Q -
ſon page. 1o2, vſe d'vne ſubtile caupelle.
Milo ſimple ſoldat & homme de grand 1o3, trahy en bataille ſe ſauue à la fuite.99,
cœur cntreprend vn affaire merueilleux Pris & mené à ſon ennemy Täburlam. 89.
dont il en vintàbout mais il fut mis en pie deliuré & renuoyé en ſon pays. 93, accablé
CCS. 3O de malheurs les vns ſur les autres eſt e
Mines & contremines au ſiege de Conſtan ſtranglé. . - IO4
tinople. | 219 Muſaique qu'eſt-ce. · 417
Mingies quels peuples. • I92 Muqpartazigi qu'eſt-ce. · 337
Mirxas enſeigne l'art milltaire à Tamburlan. Mutcefereca qu'eſt ce. . 333
, 64, ſes paroles trop libres luy couſtent la Muteferega gens ſans ſoucy. 379
vie. 65,fait vne belle remonſtrance deuant Muſtapha dernier enfant de Bajazeth eſti
que-de mourir à Tamburlan. · 66. mé auoir eſté ſuppoſé. 117, fait priſonnier
Miſſus eſt peruerty par Mahomet. : 511 & enfermé en vn Chaſteau. 118, declaré
Modon place forte au Peloponeſe. 3o5 Empereur des Turcs. 13o, abandonné des
Molybe ville de Lesbos en vain aſſiegée par ſiens prend la fuite ſans combattre. 131,
les Turcs. 292, trouué en vn hallier & amené à Amurath
Monarchie Romaine la plusample de toutes es eſtranglé. 132, tous ceux de ce nom ont
les autres. finypcu heureuſement. 136 -
Monarchies premieres du monde & de leurs Muſulman fils de Bajazeth rude & mal-gra
commencemens, progrez & fin. ibid. cieux aux ſicns. 99, ſurprend le camp de
Mois Arabeſques ſelon le reiglement Chal ſon frere Moyſe & le met en pieces. 1oo,
•--
--
· daique. - 455 par l'homicide de ſon frere ſe met en po
Mois depuis la reception du Mahomeſtime. ſeſſion de l'Empire. 99, il pourſuit ſes au
- 455 tres freres. ibid. perd ſon Empire par y-'
Mots pour ſinitier au Mahometiſte. 355 vrongnerie. 1oo, amené priſonnier à ſon
Monnoyes des Turcs. 33o frere Moyſe, ibid. prins & mené à Tam
Mode de manger des Turcs. 34I burlan. 89, recueil de ſa vie debordée &
Modeſtie des Turcs & les honneſtetez qu'ils laſciue. - - IO O
ſentre-font. " , . 334 Myſiens où habitent maintenant. I9
Moyſe Egyptien. ' . 49I
Monarques doiuent prendre en main les N
torts qu'on fait aux Princes plus foibles.
· 59
Monaſteres des Turcs. . I99
NA# de toute ancienneté comprinſe
entreles nations d'Italievenuë és mains
Monothelites heretiques ne mettans qu'vne des Roys de France & ſa deſcription.
· nature en I E svs-CH R I s T. · 8o 152 -
Morauie riuiere de Myſie vulgairement Naples priſe par Alphonſe Roy d'Arragon.
s Schatuza. 2© [ . 153, recouurée par Sforce & repriſe par
- 1
|
-
Geneuois,& leur Roy Alphonſe pris. 151 Oiſiueté des Grecs cauſe de leur ruine. 195
Negrepont anciennement Eubœe, quand Oiſiueté bannie de Veniſe par ſeuerité mer
| vint és mains des Venitiens. 12 O ueilleuſe. . - II5
| Ncopolichné ſaiſie par Turacan capitaine Olympe mont au pays de la Myſie. I2.
168, eſtoit Florentin de nation, & com Omar capitaine Turc & ſes conqueſtes.
ment il paruintà la Scigncurie d'Attique. 257, demis par ſoupçon de ſes gouuerne
, 179, depoſſcdé par ſon frere, puis apres Il]CI]S, • 259
, reintegré en ſon eſtat. - 18o olofori qu'eſt-ce. 4I4
# Nice capitale du territoire de Gennes. 49 diuerſes opinions ſur la creation ou eternité
Nicée ville capitale de Bithynie. 9 du monde. 463,464 & ſuiuantcs. '
Nicolas Brachio grand homme de guerre. Oraiſon de Mahofnet.
5oI
166, meurt du mal de reins. 167 Orbale mont,l'vne des bornes de Valachie.
Nigetie ville opulente en la Medie. 94
Nilfleuue paſſant par le Caire, d'où ſourd,& ,Orchan le plus ieune des trois enfans d'o
deſcription de ſon naturel. 8o thoman ſ'empare de l'Empire. I2,
Nil tombe en la mer par ſept bouches. 81 Orchan ſubiugue la Lydie. ibid. deffaict les
Niſangi qu'eſt-ce. " 33I Grecs & prend Nicée. ibid. meurtaprcs
Niſtra quelle region. - 3o auoir regné 22. ans. . I4
| Nomades pourquoy ainſi nommez.5, ſont Orchan § CIl Moynºë iettant du haut
paſteurs & vagabons perpetuels. ibidem, en bas ſe tue. 224
portét leurs maiſons ſur des chariots.ibid. Oreſtilie ville principale de Sardaigne.
Notaras à la priſe de Conſtantinople ſe ſau 155 -
ue auec ſes enfans. 226, pris & rachcté & Orgueil cauſe de grands mal-heurs aux
mis en liberté & l'occaſion de ſa mort. hommes. - Io9
228 Orthobules fils aiſné de Pajazet cruellemët
· Nombre de quarante en reſpectaux Turcs. tué par Themir. 82,
365 - Othoman Empereur des Turcs.7, de quel
Nourriture des ieunes pages du Turc, & lieu natif. ibidem, ſes proüeſſes. 8,9,to,
nouueauxAzamoglans & leur inſtruction meurt laiſſant vne tres-belle ſeigneurie
au Serrail. - 357,36o,361 à ſes enfans. II
Nouogarde ville qui ſurpaſſe en richeſſes Othomans race des Empereurs des Turcs
les deux Sarmaties.74, ſe rendau Turc. dont il n'y en a cncores eu qu'vne.
236 - 9
•
Nuremberg l'vne des plus fameuſes villes oxigala qu'eſt-ce.. 34o
d'Alemagne. * 4o oxicrat qu'eſt-ce. ibid.
certains Oyſeaux appellez Manucodiata,
- . E* qu'on apporte des Indes tous morts,
car il ne s'en prend point d'en-vie, ils
O Chide portion de la Macedeine. 3o · ne touchent ny terre ny cicl. 492
*- Officiers domeſtiques du Turc. 133 Padoué
•-Nm=-= -"
|
•
Table des matieres. |
4
* !
Pajazet ſurnommé Hildrin, c'eſt à dire fou Pannodace eſt la Tranſſiluanie. 145
" •-
· "
• ·
-
Chreſtien. 37, pour regner fit mettre à Pantogles general de l'armée de mer du -
mort en ſa preſence ſon frere aiſné. 34, Turc , ſauue ſa vie par vne beſſeufe. . ! "
|
2.2 I
depoſſede les PrincesTurcs de l'Aſie.37, - -
- •
-
-
, pille miſerablement la Hongrie. 34, il Papes comment & par quelles perſonnes -
commet vn acte traiſtre, cruel & indigne eſleus. 169, & pourquoy ils changent leur .
d'vn Prince. 56, aſſiege Conſtantinople, nom. 17o - l' -
|
& l'occaſion pourquoy. 45, eſt trop auare Paris & ſes loüanges. . 48 | ||
| |! |
pour vn † ſes ſoldats. 87, ſini Paris aſſiegée des Anglois. . | 5r '
, *
l. -
ſtres preſages pour luy. 84, ayant perdu la Pariures punis ſelon leur deſſerte. 2o8
bataille pris auec ſa femme, enfans, & Parler trop librement choſe ſort dangereu
tous ſes capitaines. 89, mené & brocardé ſe. | 228. -
par grandè contumelie parmy le camp de Parthes en quel temps eſtoient au comble
| .
l'ennemy. 9o, auoit ordinairement à ſa de leur grandeur commandans aux Per 1 - 1 ,
|. " .
ſuitte vn merueilleux train de chiens & ſes, Medes & Aſſyriens. · 5
oyſeaux.ibid. meurt pauurement.92, ſon Phaſis riuiere. - - . . 264
loge. - ibid. Paſques comment celebrées par les Maho •
Pairs de France. "• 49 IIlCtaIlS. , - . 7o • . , iº
Paix honteuſe des Grecsauec le Turc Amu Patrasville d'Achaye riche & opulente,vui-. º)
rath. - 137 de & abandonnée des habitans & pour »
Paix plus ſouuent faict perdre l'Eftat que la quoy. 197, priſe par Conſtantin qui fut |
|
- , . - -
· t
182 Patriarchat ſouueraine dignité de toute l'É · •
Palapan Page,qu,meſchammenttrahitſon
, maiſtre. . Io2.
gliſe Grecque, - , II9
4
|
Patriarche de Ieruſalem. 427 : • · • ,ir
Peloponeſe preſque tout enclos de mer. 1o5. |
|
le Patriarche d'Alexandrie. ibid. premierement faict tributaire du Turc
le Patriarche pouuoitinterdire l'Empereur. par Amurath deuxieſme. 187, finalement +
| |
· 43 - -
tout conquis par les Turcs. 26o.deplora ,
:
Patriarches pouuoient eſtre eſleus eſtans ma Peloponeſiens captifs du Turc maſſacrez |
|
•
|
I1CZ. · 435 .tres-cruellement. i97 #
-
3i3 #
Paradis de Mahomet. 5o9,473,474,475 Pera & ſa deſcription. *.
-
1 ij
l
•
, - * -
· · · -,
## i ' :
•
|
,
•
.
.
-
|
|
Table des matieres.
Pera autre ment Galatie. 35. ville pres de Pogdan Seigneur du mont Rodopé ran
Conſtantinople,long-temps poſſedée par gé ſoubs la puiſſance du Turc Amurath.
2.8
les Geneuois, qui en ſont loing plus de
i 2ooo. lieuës par mcr. 161, elle ſe rend au Pogdauie ou Podolie, à preſent du Royau
Turc Mechmet.227,demantelée. 228 me de Pologne. I49
le Pere & le fils s'entredonnent la bataille. Pollonois de quel langage vſent & leurs
- IIlCCUlIS. 76
i ---
-
3e3 - /
la Police pour la nuict en Turquie. 372
* . , !
: -
-
-
Peridmetum quel lieu. 17
Permiens peuples tous addonnez à la chaſſe, Pompe eſtrange & brauade de l'Empereur
: , | où habitent. - 7 Solyman. 35I
| |
| | | !
· # | Perouſe ſoubs l'obeyſſance du Pape. 164 Poſca qu'eſt-ce. 34I
# ||| |
| |
des Turcs.
• . •!
Phaeacia ou Corcyra, maintenant Corfou. - 1
:· #
|
-
i
:
P#ium ville & ſa ſituation. I79 de Solyman troiſieſme Empereur. I3
- Pharos contrée d'Egypte combien grande. d'Amurath quatrieſme Empereur. 17
|.
l - |
-
#
| -
:
peré & meſchant tout outre. 23I Portraict de la ville de Conſtantinople. 324
: *·• Piller auant la victoire du tout obtenuë faict Portraict de l'armée du Turc. 4o5
-
ſouuent perdre des batailles à demygai . Pont dreſſé par les Turcs ſur la mer.
| : -
gnées. 187 2.2 O - -
-
Pindus montagne en Theſſalie à preſent Pont d'Auignon l'vn des plus beaux &ad
| - Mezono habitée des Blaiſiens. I68 mirables qui ſoit en tout le monde.
#
•.
Pindus ville priſe par le Duc du Peloponeſe. 9
192, miſe és mains du Turc Amurath auec nombre des Portes de Conſtantinople. 324
- le pays adiacent. 197 le Pourceau deffendu aux Mahometiſtes
-
! | Piſtoles par quiinuentées. 4I auſſi bien qu'aux Iuifs.7o,338,autresviá
4 - Piſtrinum quelle contrée. - 3o des auſſi deffendues par Mahomet. ibid.
l menus plaiſirs du grand Seigneur à quoy ſe Pordapas quel lieu au Pont Euxin. 274
| | -
, i, -
monte paran. 385 Port de Conſtantinople le plus beau de
' º Plaiſir fort loüable du Turo, 36I tout le monde.218, pris par les Turcs.
1 ,: - | " !
Pladicas homme fort renommé, faict ſei 2.2 O -
- | 1 l .
gneur de Pryle dicte Bœa. '
- -
' . | |
• | :|
* - | |
-
-
| |
| ||
# !
º
t :: · a |
| Table des matieres.
:.
' de Boheme. 75,238 minations. - 392
Prailabum principale eſtape & apport dc Promeſſes doiuenteſtre eſtroictement gar
toute la Valachie , bruſlée par le Turc. dées aux ennemis. 66
2 O4 - Prouiſion Turqueſque fort propre à vn
Praſobe anciennement Haemus,montagne Camp. - 339
ſeparant en deux parties le pays de Bog Prouinces Chreſtiennes aſſubietties au
dauic. 44,I45,2O4 Turc. 355 :à
Precipitation fort pernicieuſe à vn Prince Protogere qu'eſt-ce. " - ibid.
conquerant. - 27 Prophetie eſtrange d'vn des Empereurs de -
Predeſtination fort rccommandée entre les Conſtantinople. . 23o
Turcs. 2o4 Prophetie vainc ou mal entendue tou
-
Preſtre charmant les femmes pour les attirer chant la ville de Conſtantinople. 225
à ſon amour. - 38 Pruze premier ſiege de l'Empire des Turcs,
Preſtre qui liura la ville d'Argos aux Turcs. 8, capitale de Bithynie. 9, ſepulture
O Royale des Princes Othomans. 3I
Preſtres de la Religion Grecque ſe marient. Punitions du feu. 373
I2 Pydne ou Cydne, anciennement Potidéc
P§e des Turcs les encouragent en ba à preſent Caſſandrie. 1C)
,
gloire & reputation. 63 Rolandl'vn des Pairs de France ſoubsChar
- Princes ne doiuent mendier par profuſions lemagne. 49, il meurt de ſoif. ibid. ſes
la faueur des ſubiects. II , vaillances incroyables. · ibid.
Princes fe diſpenſent de beauconp de cho René d'Anjou eſpouſe la Royne de Naples.
ſes qui ne ſont pas tollerées aux perſonnes I53
priuées. . - | 278 René Seigneur de Corinthe, d'Athenes &
Princes changent ordinairement de natu de la Bœoce marie ſa fille àTheodore Pa
rel aucc l'heureux ſuccez de leurs affai leologue. 1I9
, 1 €S. - - 32. Republique des Grecs bien inſtituée.
Princes ordinairement ſe ſauuent & leurs Repudiation pourquoy & comment faicte
miniſtres demeurent pour les gages. entre les Turcs. 68
, 26 Religion Mahometane ſelon les textes de
Priſonniers des Turcs tous faicts eſclaues. l'Alcoran. 5oI,5o2,5o3,5o4, & ſuiuantes :
le Reuenu duTurc paſſe douze milliös d'or.
Pramium & Pana, fondement de toutes do 384,dutemps de Calchondile à huict mil
1 iij
º
* r, -
Tables des matieres.
lions. 294 Saracmini capitaine des Caſtadours. 4o ;
Reſurrection tenue par Mahomet. 5o9 Sariana le plaiſir de la chaſſe & de la vollerie.
Riottes à l'Italienne. , 34O 352
le Roſt des Turcs & leurs ſaulces. Saluſtar qu'eſt-ce
339 358
ancienne couſtume des Romains au Paga mode de Saluer & faire la reuerence à la
niſme. 365 Turque. 332
Rochelle place de la Phliaſie en vain aſſie saraptar ſommelier, eſtouffe auec de l'eau
gée par le Turc. 253 le frere du Turc par ſon commandement.
Rodopée montagne en Macedone. Io, vul 2 I3 -
i
º *
Sauoye eſpanduë & ſemée parmy les mon
,l
1º
: il
, ' •• •
•
S Abatin Eunuque chef de l'armée Tur tagnes,neantmoins fertile. | 4I
* 1 * - -
,
-
,
queſque en Tranſſiluanie, luy & ſon ar Saüz pour auoir voulu ietter ſon pere Amu
* :. mée deffaicts. - I46 - rath hors de l'Empire a les yeux creuez. 25
|
• .
i **
-
Sacrifice de captifs faict par Amurath à l'a | Seapoli qu'eſt-ce. 4I4
-
-
': me de ſon feu pere. 197 Scaligeres chaſſez de Verone par les Veni
• # Sacruch fils aiſné dê Tamburlan ſuccede à ClCIlS. 1IO
i
l'Empire de ſon pere encores viuant. Schaouxbaſsi chefdes maſſiers. 379
Sehaoux qu'eſt-ce. 378
1
|
Sagere ville principale de Sardeigne. . 155 Scialangar vallets de chambre. 558
| 4 . -
il
Sain capitaine Turc, homme de grande re Scender Roy d'Armenie, homme tres-vail
•• • putation. 2O lant & ſes beaux faicts. 37
#
Saladin Roy de Surie fort pernicieux aux Scanderbeg contre Amurath.2oo, pruden
• | •. Chreſtiens. 6 ce d'iceluy.ibid. & ſes proüeſſes. 2oI
: - ,
- | Samachie ville de la Medie, grande & opu Scanderbeg ſe reuolte dugrand Turc Amu
| i , : · lente. 94
rath, & pourquoy. 198
|
•1 Samogitiens gens robuſtes & endurcis au Scuff qu'eſt-ce. 365
- .'
trauail n'agueres Idolatres. 75 Scuras Albanois faict Beglierbey de l'Euro
-
Samothrace ſe rend trop inconſiderement pc. I9I
au Turc. - 265 Scytes eſtimez les plus anciens peuples ne
Saincte Maureiſle en la coſte d'Epire. 269 furent iamais debellez auparauant Tam
l i
-
Saniacs ſont comme gouuerneurs des Pro burlan. 72, habitoient iadis en tentes &
, , , i, uinces. 247 pauillons. 16, en quoy conuiennent aucc
# ! ·
º ' - il Sagues où habitent. - 67 les Turcs, & quoy non. - 6
1
SacquacX qu'eſt-ce. 36I Sebaſte c'eſt à dire Auguſte, ville de Capa
, . . ! clection des Saniacs. 394
,
•
' doce riche & opulente. 63, iadis ſiege des
Saniacs & leur charge. 39o EmpereursTurcs. 82, priſe par Tambur
, 1 ,
| | Saracmin qu'eſt-ce. 4o8 lan. ibid. & tous les habitans maſſacrez
| | | | : .
|
Sarutiler palefrennier. 347 iuſques au dernier, , 83
| 4 | Sebaſtopoly
!
: .
|
|.
-
|
•--
Empereur par le Pape. 42, va auec les Spinoles ancienne famille de Gennes. 149
Chreſtiensliguez contre le Turc.39,perd Stateres quelles pieces de monnoye & leur
la bataille & s'enfuit. 43 valeur. - 236
Similitudefortbien appropriée. 157
Stratageme fort ſubtil & gentil. IO
Siſſities d'où vient & que ſignifie ce mot. subaſsiiuges de reſidence ou chaſtelains.38o
64 - Subaſſi qu'eſt ce & leur charge & appointe
Smyrne priſe par Tamburlan par engins de IIlCIlU, 393
belle inuention. • 9I Subſides leués par le Turc ſur ſes ſubiects.
Sogutpetite bourgade & riuiere de meſme 248 -
1 iiij
Table des matieres.
l,
| Superbes ſouuent reduicts au plus bas eſta Baiazeth, mis à môrt cruellement par luy.
ge de fortune. 89 | 56, enuahis par Tamburlan vont au dé
| Sur ville où ſituée. . - 8I uant de luy pour le combatre. 77, de •
il Suſman Deſpote de Seruie deffaict par Sain
capitaine Turc. 2O
quelle ruſe vſent en combattant. 78,
- | , li| ! ; -
| |
i. . TA#e
T Tegée ville d'Arcadie.
Teccadar qu'eſt cc.
ville d'Aſſyrie fort grande & Themir ſurnommé Churlu, qui ſignifiefer
. 254
358
| | quelle eſt fort delicieuſe à boire, ſaine & Teſfeder qu'eſt-ce. | 33I
rofitable. ibid.
:
| | | : -
: |
|
2 alijmans qu'eſt-ce. 365 Ternobum ſiege royal de la Myſie. 16
incertitudes des Talmudiſtes. 446 Terreur paniquc faict perdre la ville d'Ar
, 1
Talmud Babylonien & cc qu'il contient. gos. - - | 55
, i
459 -
Tezetin ayant tué ſon ancien hoſte &amy,
" !
,
Tabours Turqueſques. - 395 taillé en pieces. 136
Taquia bonnet. - 367 Tharſe rendue au grand Turc Mechmet.253
| | | | Tamburlan en ſon premier aage futgardeur Thaſus iſle en la mer AEgée ſe rendtrop in
· de haras. 63, briefue deſcription de ſa vie. conſiderement au Turc. 265
, '
-
-
ibid.eſpouſa la Royne des Maſſagetes.64, Thaut fils de Sauz fils d'Amurath du party
bien affectionné enuers ſa femme. 6o,en des Hongres contre les Turcs. . 2o6
!'
nemy mortel des ladres. 83, ayant faict Thebains ayans abandonné leur ville,maſſa
mourir Myrxas, le faict honorablement crez & faicts eſclaues. 197
t
inhumer & le pleura par long-temps. 67, Thebe ſaccagée par les Italiens & Arago
IlOlS, II
| | | · il ſomme le Sultan du Caire de ſe depar
|
tir de la Surie. 79, auec huict cens mille Theodore petit fils de l'Empereur Emanuel
||| hommes va contre Bajazeth. 83, va luy faict Duc de Sparte & ſeigneur du Pclo
meſme recognoiſtre le camp de l'enne oneſe. II9
| my. 87, il deffaict les Tzachataides. 73, Theodore faiſant guerre à ſon frere IeåEm
vainqueur contre Bajazet vſe d'vne gran pereur de Conſtantinople, ceſſe preuenu
| | | de humanité cnuers les vaincus. 88, il ce de la mort. #
de ſon Empire à ſon fils aiſné, & acheue Theodoſie à preſent Capha, colonie des
| ſes iours en repos. 93, ſommaire de ſes Gcneuois. I6o
concupiſcences & deſbordées voluptez. Therin ſimple ſoldat, tranche la teſte à Vla
· 93 , 94 - - - diſlaus Roy de Hongrie & la Porte au
amiſe grande riuiere &impetueuſe paſſant grand Turc. 189, recompenſé de biens
| ! par Londres en Angleterre. 53 infinis. ibid.
1 Tampezin ſont les baſteleurs des Turcs.248 Therizes gouuerneur de Bœrrhcee met en
i Tanaiſe riuiere par où coule. pieces les AlbanoIs. 18I
Tartares habitent par hordes ſeparées les v Theſin riuiere d'Italie, qui ſe va rendre dans
nes des autres.73, ils meinent leurs mai le Pau. IIO
' : ſons ſur des chariots, & leur maniere de Theſſalie pays fort plaiſant & abondanten
viure. 76, de quelles armes ils vſent. 77,prairies couuertes de gybier.38, conquiſe
quelles grandes courſesiadis firent parmy par les Albanois.12I, peuplée de Turcs. 56
le monde. 76, ont pillé & ſaccagé ſcpt Theſſaloniciens ſedicieux punis. 27
fois la haute Aſic. 5, receus au ſeruice de Theſſalonique rendue aux Venitiens par
- · les
Table des matieres.
les Grecs, & priſe par les Turcs,ou perſon bitent, à preſent appellez Bulgares.ibid.
. ne ne reſchappa qu'il ne fuſt occis ou pris. ſont hardis entrepreneurs.15,deffaicts par
126 le Turc Amurath. 2o, & par luy aſſubjet
Theſalonique maintenant Saloniche, ville t1S. 28
de Macedoine. , IO9Trochies ayant perdu la bataille contre
Thrace pillée par les Turcs. I.4. Preampur, perd la ſeigneurie de Semar
Thuracan braue capitaine, s'acquiert gloire C2 Il [. 94
& reputation immortelle par toute l'Eu lesTrompettes du Turc. 364
rope 174, faict Saniac de Theſſalie, ilopi Trophée cruel & horrible de teſtes d'hom .
ne de donner la bataille aux Tribaliens & IIlCS, 138
aux Hongres.ibid. par calomnie accuſé Trudelude Princeſſe de Delphês donne ſa
de trahiſon eſt mené priſonnnier. 177, fille à Bajazet Empereur des Turcs pour
ayant pillé le Peloponeſe s'en retourne auoir paix. 38
chargé de deſpoüilles & d'eſclaues. 197 Turc ſignifie paſteur & homme viuant ſau
Thomas Paleologue mal à propos ſe rebelle uagement. 6
contre le Turc. 259 ordre & inſtitution de la Porte ou Cour du
Thomiris Royne des Maſſagetes en com grand Turc. 132, comment il fortifie ſon
battant miſt à mort le Roy Cyrus. 93 . logis eſtant à la guerre. 133, & l'afliete de
Therſiler tailleurs. 364 ſon camp. ibid.
deſcription du Throfne diuin ſelon Maho Turcs d'où deſcendus, & de quel noman
IllCt . 485 ciennement appellez.9, habitoient iadis :
Timariots leurs charges & appointemét.393 en tentes & pauillons. 16, du commence
Timar & Timariots qu'eſt-ce. 38o ment departis par cantons. 6, viuans à la
Toganon montagne. . I32 . mode des Nomades.7, ſont de leur natu
Topgibaſi maiſtre de l'artillerie. 4o7, re ignorans & groſſiers, & ennemis mor
Topgilar canonnier. 47 tels du ſiege Apoſtolique. 227, ſont bri
Toſcaneanciennement Hetrurie,Thyrenie gans & vilains. 17, par quels Princes pre
& ſa deſcription. I64 mierement gouuernez. 6, n'ont point en .
Toſibinium ville principale de la Tranſſil cores eu d'Empereurs que d'vne race qui
uanie. 145, autrement Cibinium, mainte ſont les Othomans. 6, ſont fort deuots &
nant Hermenſtrat. ibid. zelateurs de leur Religion,adonnez aux
-|
•·
Tour ſacrée ſur le bord de la Propontide.183 plaiſirs & voluptez. 68,n'oſeroient boire
Trahiſon du gouuerneur de Muſtapha. 136 du vin.7, commentils exercent leur Re
Trahiſon tres-meſchante des Albanois. 121 .
ligion.7o, prient pour les Treſpaſſez. 18,
Traiſtres bruſlez tous vifs auec leurs fem naturels ne payent point de tribut. 248,
mes & enfans. Io9 outrepaſſent tous peuples en richeſſe. 1
Tratana qu'eſt-ce. - 34o perſonne ne poſſede de terres en propre en s
Tranſſiluaniens parlent partie Valache par tout l'Empire du Turc. • 38o •º ,
tie Hongreſque. I45 façon desTurcs de ſigner leurs lettres & ex
Trebizonde & ſon Empire autres-fois és peditions. 394
mains des Commenes.261,l'Empereur de endurciſſement desTurcs aux meſaiſes,leur
Trebizonde trahy par les ſiens & ſa mort. · ſobrieté & parcimonie. 38o
262 preuoyance du Turc. ibid.
-
Trebizonde rendue au Turc Mechmet,279. le reſpect que portent les Turcs aux lettres
le departement du peuple qui en fut enle & ceux qui en ſçauent.36o, leur ſuperſti
ué ibid. l'Empereur & ſes enfans mis à tion accompagnée de reuerence. ibid.
mort. " /* 28 la façon de dormir duTurc & ſon lict & cou
Tremblement de terre qui renuerſa plu cher. - 358,359
|
ſieurs villes. . 18 menus plaiſirs & aumoſnes duTurc. 358
Treſpaſſez ſoigneuſement enſeuelis entre Turcs ſont fort grands mariniers. 334
les Turcs. 76 reuenu des maiſons royales du Turc. 383 |
Tribales & Myſiens des plus grands peuples Turcs fort ſoigneux de leurs chiens & che
& plus anciens de toute la terre. 19, où ha llallX. 35I
:
rement eſtablirent leur Empire.8, pour Valence riche & opulente cité,& ſiege capi
leur premier coup d'eſſay chaſſent les tal d'Aragon. - I55 -
Grecs d'Aſie. 19, ſe ſont rendus hardis de Varne anciennernent Dionyſiopoli priſe
ferans tout à la predeſtination. 2o4, ſe par les Hongres ſur le Turc. 183
rallient mieux que tous autres peuples. Vendales s'entreprettent leurs femmes. 52
187, pour alarme qui ſuruienne la nuict, Venerie en merueilleux equipage au camp
ne changent la place à eux ordonnée. du Turc. , 314
286, ils charient vn grand bagage à la il n'y eut iamais à Veniſe aucun qui aſpiraſtà
guerre.194, fontfeux par tout leur camp la tyrannie que Baimondo, qui fut tué par
deux iours auant que de donner vn aſ vne femme. - . II5
ſaut ou bataille. 193.font tous leurs pri Venitiens d'où ſortis & deſcription de leur
ſonniers eſclaues. 9, de iour à autre croiſprogrez & Eſtat.1o6,leurs conqueſtes.Io7
ſent & proſperent en grandeur. 28, à l'e ſont touſiours conduictsà la guerre parvn
_xemple des Romains ont accouſtumé de chefeſtrâger & pourquoy.II4,ſont grands
ſe preualoir des diſſentions des Princes & voyageurs par mer, & en quels pays. IIj,
des peuples.2o9, ont touſiours acreu leur quand ils firent premiefement la guerre
Empire par les diſſentions des Princes . auxTurcs. 1o6, liguez auec les Hongres
des Chreſtiens. 137, aſſeurent leur Eſtat contre le Turc Mechmet. 3o5. faicts ſei
par vne ſeule bataille obtenuë contre leſ gneurs d'Athenes. 123,les guerres d'entre
dicts Chreſtiens. 19I, ſont maiſtres des , eux & les Gencuois. Io9
perſonnes des Chreſtiens à eux ſubiectes Verone priſe par les Venitiens. . IIO
- & de leurs biens.I, ils achetent les vier Vers qui font la ſoye & le cramoyſi, 94
ges pour les eſpouſer. 63, eſpouſent plu Venerie des Turcs. . 35I
ſieurs femmes & tiennent autant de con Viandes des Turcs . - 338
cubines qu'ils en peuuent nourrir. ibid. la Vie du Turc fort ſolitaire & recluſe. 349
façon de lire desTurcs. 36o des incommoditez du Vin. . 338
Turca eſt vne fort belle & opulente cité en Viciſſitude merueilleuſe des choſes humai
la Perſe,d'eù ſont ſortis les Turcs. 6 IlCS. 229
Turchie quelle contrée & où aſſiſe.14o, en Victoire miſerable de Baiazeth contre les
ticrement vſurpée par Amurath. ibid. Chreſtiens. 42
Turgut ſeigneur de la Phrygie. 37 Victor Capelliharangue au Senat de Veniſe
| Turgut quelle contrée. I4o pour entreprendre la guerre contre le
Tzacataides peuples bons pourfuyr. 87 Turc. 3o5
Tzapnides peuples de la Colchide. 37 Vierges eſclaues departies par le Turcàper
Tzaniſas ſeigneur de Babylone & grãd con ſonnages d'authorité. 28o
querant. 94 Vigilance aſſidue eſt lavertu plus requiſe en
Tzaniſas donne au Turc quatre mille quin vn capitaine ſouuerain. 27
taux de beurres & mille chameaux & Vlachs couriers à cheual. 367
pourquoy. 2I4 Vlufagi qu'eſt-ce. , . 377
Tzophratable & nape Turqueſque. 372 Vlne ville grande & riche, capitale de Li
thuanie. - 76
V Vin totalement deffendu aux Turcs. 7o
Vlachy ſont les couriers du Turc & leur ma
V Alaques remplis de gens ramaſſez,com niere de faire diligence. 283
mc auſſi eſt leur langage.44, ils ſem Vladiſlaus Roy de Polongne appellé à la
blent de prime face parler le langage Ita couronne de Hongrie. 283, harangue ſes
lien. ibid. par leur temerité deffaicts en gens ſur le poinct du combat.I86,aſſaillent
mal
, |
|
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T RIoMPHE
E T VICTOIRE , DE LA ·
C R O I. X , C O N T R E L E S -
erreurs de Mahomet. ·
D IS C O v R S A v Q v E L L E S IM P E R TI- | | |
nences de l'Alcoran ſont demonſtrées , & que le ſigne · -
}
-
Q_V E L A SAINC TE
4 Croix eſt inuincible.
| | | I la Croix a eſté iadis -
|*
"
# # L'horreur, l'effroy, l'ignominie,
ººº Ores elle eſt de Paradis
* . , L'honneur, la douceur, & la vie.
-
--
i " .# , -
L' A V T H E V R -
D E LA CONT INVATION
D E L' H I S T O I R E D E S T V R C S
• A v L E C T E V R.
A. T. D,
-
A
P O v R Q y O Y C E D IS C O V R S A
- eſté inſeré dans l'Hiſtoire des Turcs.
siag Es choſes les plus abſurdesſont quelques-fois lesplusap
# prouuées, & cellesquiſont lespluspreiudiciables àl'hom
#, me, ſont celles qu'il embraſſe & qu'il reçoit auecplus de
: facilité. Y a-ilrien deplus inepte quel'Alcoran de Ma
# homet, & rien de plus preiudiciable àl'homme que ſes
preceptes ? De combien de fables a-il remply toutecette
# loy, qui n'enſeigne & ne commande autre choſeque le
$ ) ſang,quelesflammes & laruine de tout legenre humain,
% non ſeulement aux choſes ſpirituelles qu'elle abhorre du
tout, & priuel'homme de ſon ſouuerain contentement,
s'arreſtant aux corporelles, où elle eſtablitſaplus grandefelicité: ains encore aux tem
porelles, eſtant comme vnfeuquimetencendrestout ce qu'ilpeut rencontrer , Et tou
tes-fou toutes les nationsyont creu, (quelques-vnes exceptées): & ontfleſchylesge
noux deuant ce Baal,lequelneſçauroitfaire deſcendre lefeu Ciel, qu'en qualité dire
" ,
-
de D1 Ev, & encoreſurſes propres Prophetes, & parceux quiadiouſtentfoyàleurs
reſueries.Ord'autant qu'ileſtoit #, neceſſairepour l'intelligence de l'Hiſtoire Tur
- |
|
• • fi , -
-
| !
-
!
- -
-
petit traicté, de faire voirà vn chacun quelleeſtceſte Loy, qui atant causéderemu
· .# , : º - meſnage par lemondevniuerſel? Ceſtcequiaincitéleſieurde Vigenere d'enfaireles
-
:
| | | recherches que vous auez peu lire iuſques icy : mais à cauſe qu'il les a rapportées le
plusſouuentpour l'Illuſtration deſon hiſtoire, en faiſant ſimplement le rapportſansy
|
-
-
|
|
contredire : Afin que perſonne n'en tire quelquemauuaiſe conſequence, & qu'attiré
| | - 1 -
,
|
• -
par la corruption duſiecle,ilnepanche pluſtoſt du coſté du menſonge, que de celuydela
| | : 1 ! verité. On a eſté d'aduis dyadiouſter cepetit diſcours, tantpour leſecours des ames
· | |
1 : - - --
-
| |
foibles,quis'y laiſſeroient peut-eſtre emporter, quepour fairevoir à tout homme que
| | 4 : •
-
malgré les Demons & l'enfer,les Tyrans, la malice & l'erreur, l'Agneau quiaeſté
: » |
|
- -
|
1
1
occis dés laconſtitution dumonde,receura touſiours de toute creatnre qui eſt au ciel,ſur
| |
-
·. | laterre,ſoubs la terre & en lamer, honneur, gloire & benediction, comme à celuy
' . -
|.
!- | |
: qui a receu vertu,ſageſſe ,force & Diuinité: Et que leſainct Trophée ,par lequel ila
-
l
|
-
voulu monter au troſne deſa Maieſté: (ieparle deſa douloureuſe PaſSion, & prin
'
-
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cipalement deſa tres-ſainčte Croix)ſera celuy-là meſme par lequelil obtiendraàia
-
mais victoire contreſes plus mortels ennemu.
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DE LA CROIX CONT R E L E S -
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E R R E v Rs DE MAH o M E T. | |
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#sſa) A Pv IssANCE & la miſericorde en DIE v . !
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# car ſe faiſant incontinent reſſentir & frappans -
l,
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| •
| noz ſens de leurs effects bruyans, ils les rendent l- -
|
touſiours heurtées,touſiours meſpriſées, touſiours blaſphemées : le dia | | -- |
•t !
ſºrºKcozzame dieux.La femme quividquele fruict deffendu eſtoit bon augouſt, Geneſ 3. W. 6:
lhomnne qui crut pluſtoſt § femme qu'à DIE v : & en fin durant toute |
|
º#e Loydenature,onne parle que depuiſſance:peuadorent la Sapience, - •
|
PromiſHion, & depuis encore qu'ilsyfurent eſtablis ? Et durant les deux | " | ,
Lºysquie n'ontpoint eſcrit les Philoſophes contre ces fondemens & ces -
- |
ºlº > Atheïſtes, les ont combatues, & les combatent encore tous les : |.
|
*9urs auectant d'impudence qu'il ſemble que ceſtepouſſiere incarnée, ce # |
A iij .
i
| 6 · Le Triomphe
ver de terre humaniſé veuille faire la guerre au ciel, & comme vn autre
|
eſcarbot combatre ces aigles du Tout-puiſſant.
• -
\
Orentre tous ceux quiles ont leplus malicieuſementattaquées, & qui
ſe ſont efforcez de ternir leur luſtre parla puanteur des fumées qu'ils ont
|* , -
•
faict exhaler iuſques au troſne duTres-haut, ça eſté Mahomet. Cét ex
: - ! crement de la nature, tout perdu de vices & d'imperfections naturelles
| | - - aneantmoins renuerſé § impudence la ſaincte Religion, qu'auoit
- | | | | | - eſtablie la Sapience Eternelle, & ce en la meilleure partie de la terre habi
| || | | - table,plantantauec ſon impudence vne ſecte auſſi pernicieuſe & pleine de
| | » se blaſphemes, qu'autre quiait eſté eſtablie depuis ouauparauant luy : car ſe
: * | | †
tout le monde voulant accommoderàtout le monde pourgaigner le monde à ſoy;ila
| ! · pour gagner tiré,non † le ſuc,mais s'ilfaut dire,la corruption de toutes les Religions,
·
le möde à loy.
afin que la ſienne ainſi compoſée de toutes † ſe fuſſent autant d'ha
|
| - - meçons pourprédre chacun parla choſe quiluy ſeroitleplusagreable: De
ſorte qu'auecSabellius il nie toutàfaict la ſaincteTrinité, mettant en la
- ••
-
-
Deitévne dualité, choſe dutout abſurde & blaſphematoire,puiſquetou
tealterité(s'ilfautvſer de ceterme) c'eſtàdire tout ce quin'eſt pas le meſ- -
· § § Fils de DIEv:tout de meſme qu'Auicenne quia dit que par deſſus le ciel il
| |· |
-» | : • -
- # par
yauoitvne
-
premiereintelligence
deſſus laquelle,& qui dónoitmouuementau
toutau ſommet, premier ciel,
le ſouuerain DIE v eſtoitarreſté.
|.
|
· ·
| |
i - .
| | |,
' -
De meſmeles
paſſoit Arrienstenoient
toutes lesautres, le Fils delaquelle
& moyennant DIE v pourvne creature
elles auoient eſtéquiſur
toutes
creées.Auſſi Mahomet preſuppoſoit quele CHRIsT eſtoitvntresſainct
homme, doué deVertus tres-excellentes, & qu'il auoit toutefois quel
quechoſe de plus releué quel'homme, auſſil'appelle-ilVerbe de DIEV,
Éſprit de D1Ev, & Ame de D1Ev : mais iltient pourvne choſe ridicule
-
| i|
- *
, -
de la Croix. -
-
7
uele CHRIsT n'eſtny D IE v,ny Fils de DIE v;mais quelque ſainct & Quelle eſt l
§, & vn grand Prophete, engendré ſans pered'vne Vierge. §
2
#
† vneruineſinotable partous les peuplesdel'vniuers,ilaccómoda #
laloyaux humeurs & inclinatiós de toutes ſortes d'hommes.Aux Princes † à toutes 1OIt83
§ontgliſſées
#s>iſſions que de nom, ſi eſt-ce, ômalheur que les erreurs quiſe
parmynous,ont degrandes conformitezauecceſteſecte:qui .
C - •. - - -
|
- - 8 Le Triomphe
rapporté,liſe la Chronographie dupere G autier Ieſuiſte,au ſeptieſmeſie
cleiltrouueradequoy contenter ſa curioſité. Adiouſtez à tout cecy que
pours'accommoderauecles Payens : Ilchoiſit le Vendredy pourſoniour
| - ſanctifié,lequelils conſacroientàleur DeeſſeVenus:cartoute ſaloyeſtant
confite en volupté,ilne pouuoit pas faire choix d'vne Deité plusconue
nable. , -
#
emé ſamalheureuſe doctrine, & mis quaſile pied ſur la gorge à l'Egliſe
de DIEv,gaignanttant de peuples, ou pluſtoſt perdant tant d'ames, qui
ont mieux aimé ſuiurevnimpoſteur que laverité, prendre la ciſterneari
Le but de l, de quelafontaine d'eauviue : & §perance d'vnevolupté corporel
† le, perdrel'heritage duCiel : car la derniere & principale fin de la loy de
. quele#n
tement des Mahometne regarde que le contentement des ſens corporels, terminant
en euxtoute la recompence † l'homme qul ſuit ſa loy puiſſe iamais eſ
» - - - - -
ſens.
dicules > ignorântes, & ſans polliſſeurenyliaiſon? Eſt-ce pas auec grande
raiſon SIue nous pouuons dire que lamultitude denoſtre obligationa eſté ·
º de cetteſouueraine ingratitude ? Lem6de abienvoulu croire qu'vn
†.s tout perdu de debordement & decorruptió , eſtoitvn Prophete
tele yeslu Ciel,& ilareietté leiuſte & laiuſtice meſme, celuy qui eſt tou -
|
-
IO Le Triomphe
mortàlaVie,le fielau Medecin, calomnié le Prophete, & renié le Sau
ueur : & ils ont tenu & tiennent à grand honneur d'auoir receu vn impie
pour ſainct, vnvitieux pourreformateur,vn Prophete ſans miſſion, vn
| eſclaue pour Roy,vnignorant pour Docteur,le menſonge pour laverité,
- laruine dugére humain pourſon protecteur vnfol & furieux, pourvnſa
ge:& finalement ont mieux aimécroire les fables d'vn † quiluyve
- | noit ſouffleràl'oreille,& d'vnevache quiluyapportaſa oy, qu'aux mira
· · - cles notables de noſtre Redépteur:Siie n'auoitpointfaict les choſes que i'ayfai
étes aumilieu deux (diſoit le meſme Seigneur)ilsſeroientſanspeché:maisapres
| auoirreſuſcitétant de morts,guary tant de malades, illuminé tant d'aueu
gles,faictparlertant de muets, & ouyrtant de ſourds, prouué ſa miſſion
partouteslesPropheties : ſouffert la mort pourleſalut de tous, s'eſtrere
ſuſcitéautroiſieſmeiour par ſa propre vertu, &apres toutes ces choſes,le
- · quitter pourvn meſchant hommeincogneu, quin'aiamais faict en ſa vie
aucun miracle : n'eſt-cepas renouueler tous lesiours ce myſtere delaPaſ
#e ſion, où Barrabas ce meurtrier & voleur luy fut preferé à l'heure meſme
§ qu'ils'enalloit reſpandre ſon ſang,& donnerſavie pourtous les hommes
# "† Ét d'où a peu † ce grand aueuglement, ſinon de l'excez de ſon
- †º amour,que les hommes n'ayans peu comprendre quel'offencé fuſtceluy
1 meſme qui deuoit reparerl'iniure : & que le creancier fuſtlarançon, & le
- iuge l'aduocat. Cetraictdel'eternelleSapience eſtoittrop delicat pourla
ſageſſe humaine, qui nomme folie ce qu'elle ne peut conceuoir, & tene
bres latropgrandelumiere quiluyeſbloüitlesyeux.
| - - LeSagea dit quelquesfois que la dilection eſtoitforte comme lamort.mais
- - C) - - -
uant à ſon impieté,ilfait DIE v autheur de mal, dit qu'ilne fautprier Mahoma
DIÈv de raddreſſer les mauuais,d'autant † ne peut profiter ſinon à †"º"rº
CCUX qu'il aura pleu à DIEv,dit que ſa loy luya eſtébaillée deDIEv,& tou- †
tesfois eſt pleine de cótradictions,& faiſant la meſmeverité pleine de mé §
ſonge,dit que DIEv eſt corporel,nie qu'il ſoit pere,& qu'ilaitvn fils, qui " |
ſon Alcoran eſt plein de termes ſi deſbordez, que les chaſtes oreilles ne #" "
leul miracle qu'ilaitiamais faict toutes les reuelations qu'il ditauoir eues
de DI E v, ne ſont elles pas directement contre l'eſcriture & la paroſe
queluy-meſme confeſſe eſtre diuine,&toutesfois à ſon conte il faudroit
quelenneſme DIE v quia deffendu la paillardiſe,le larcin,le pariure, &c.
ºuftcornmandé parapresle contraire,'ce qui eſt abſurde & blaſphema
º C»r nous ſommes aſſeurez du premier, & par la croyance & tradu
ºon de toute l'antiquité & par ſa confeſſion propre : au contraire nous
ºns aucun teſmoignage de ce qu'il nous dit que le ſien, & cela eſt la -
vraye ºnarque d'vn faux Prophete. Es cLAv E, car encore que les Sarra- Eſºhue .
ºshent de couurirlabaſſeſſe de ſon origine, toutes-fois c'eſtlaveri- -
--
-
-- - -
-
º, B 1)
- I2 · Le Triomphe
fut cauſe que par ſes moyens il deuint vn riche marchant, puis Pro
phete. - -
Ignorant.
Son ignorance ſe † en la Philoſophie naturelle,c'eſtignorance
de dire que les cieux ont pluſieurs veines de terre,enattribuant,comme il
Az°º faict,ſix cens à chacun. Cela eſtant contraire aux corps celeſtes, d'eſtre
compoſez de terre : ignorance de dire que les Cieux ſont faicts de fumée,
& la § des vapeurs de lamer, carles cieux ne peuuent eſtre compoſez
Aºº º dematiere Elementaire. Ignorance d'aſſeurerqu'autres-fois la lumiere de
la Lune fuſt eſgale à celle du Soleil, mais que frappée auec vneaiſle de
l'Ange Gabriel, elle perdit ſalumiere, par ce quel'ordre de l'vniuers deſi
: Azo. 35.
re qu'il y enaitvnleiour,l'autre lanuict.Ignorance de dire que DIE v ait
† certaines eſtoilesauciel pour empeſcher les Demons qu'ils n'ail
ent plus au cieleſcouter les ſecrets diſcours de DIE v, par ce que DIEv
ne diſcourt pointſenſiblement, de ſorte qu'il puiſſe eſtre entendu, & les
Anges n'ayans point le ſens de l'ouïe, n'ont point de beſoin de s'appro
&D
cher pour entendre.C'eſtignorance de dire que non ſeulement les homes
· Az° 24.4 é, mais les Anges doiuent re# ſciter,
7O.
†
cc que les Anges eſtans eſp ritS, ne
peuuent mourir.Son ignorance en la Philoſo phie morale n'eſt pasmoin
, dre, pourlapreuue de quoyvn ſeulexemple ſuffira, quand il dit que ceſt
Azo 13.
vngrand peché que de ioüeraux eſchets, neſçachant pas qu'il n'ya point
depeché que des choſes dittes,faictes ou deſirées contre la Loy de DIEv,
dit ſainct Auguſtin, & s'exercer moderement & modeſtement tant ence
ieu là qu'en vn autre, n'eſt pointvn mal. Quantà la Theologie, n'eſt-ce
pasvnegrande ignorance de faire DIE v corporel, ayant pieds & mains
& les autres parties du corps, carcela n'eſt-cepas dire qu'il n'eſtpaslepre
mier moteur,l'eſtre des eſtres,& vn acte tres-ſimple & tres-pur : carendi
Aze79 » ſant cela, c'eſt dire qu'il n'eſt pas DIE v. Ignorance de dire que les peines
d'enfer ne ſont pas perpetuelles, puis que le peché mortel †
ſieinfinie quia offencé D1Ev qui eſtvn bien infiny, ignorancegroſſiere
* º * & indigne de repartie, de dire que les beſtes reſuſciteront, & que les ani
† maux quiauronteſté ſacrifiez à DIEv s'eniront en Paradis, Ignorance de
† dire qu'auiour duiugementvniuerſelD1Ev ne pardonnera pointàceux
º quiaurontfaictquelqueiniure.Siceux quil'ont receune leurpardonnent
- remierement, comme ſilamiſericorde de D1E v ſe deuoit exercer à la
§ -des meſchans(qui appellentbien ſouuentiniure, ce qui eſt pu
nition)&non pas † plaiſir:Ignorance encore fort grande de
croire qu'ence iourlà DIE v oſtera des bonnes œuures des gens debien,
pour en donneraux meſchans, & prendra des meſchansactes de ceux-cy
, pour en communiqueraux autres, ne ſçachant pas quela iuſtice requiert
quel'homme ſoit recompencé ou puny ſelon ſes demerites : Chacunport
cal, c. raſa charge, & receura ſa propre recompenceſelonſon labeur, diſoitl'Apoſtrei
*** de ſorte qu'on peut hardiment conclure qu'ayant eſté ignorant en tou
tCS §, il luy a eſté impoſſible d'inſtituer ſecte ou religion quº
fuſt bonne, - - · · ·
- -*
| ..
| • '
|
de la Croix. : 13
| :
|
u'il n'ait eſté plein de menſonges & vn impoſteur,ce que nousvenós Impoſteur & |
D1Ev, qui eſt la ſaincteté meſme, & luy plein de diſſolutions, de deſ
bauches & d'impudicité, comme ſile pur & impur, le ſainct & impudi "-
º
-*
• --
-
accroire que cela luy arriuoit lors u'il conferoit auec l'Ange Gabriel, -
ran il dit qu'il a conferé auec DIE v, comme nous auons dit cy deſſus? º
• ' !
l'|
"- •
-
|
monde ſe changera envnanimal, & ſera conduite entre le Paradis & l'En
fer, & qu'alorsilnaiſtra entre les peuplesvne grande diſpute, par ce que fabuleux |
i
-
, •
;º
diſent que § & ſes compagnons s'arreſterent vn iour pour voir -
-*
1 "
''il
VncecliPſe de Lune, & qu'ilsluy dirent; Monſtre nous quelque prodige, ,
|
alors auec ſes deux doigts à ſçauoirle poulce & celuy dumilieu, fiſt quel -, • |
' •
queſigneàlalune, ce qu'ayant faict, elle ſe diuiſa en deux parts,l'vne des |
-
| •
Parties tombant ſur la montagne Elice, qui eſt du coſté de la plus hau -
deffence qu'il fiſt de boire duvin, ſur vne fable des Anges qui s'eſtoient p. Diſ lib.;. #
-
! -
ſions, les ſalutationsdesarbres & des pierres auecvne infinité d'autres reſ * !
-
|
º,que ſon Euangile eſt lalumiere de confirmation de teſtament, & la voye de † Esvs- CHRIST
loüé par Ma |
º
ndes *sar il confeſſe ingenuëment qu'il eſt venu au monde auec cette •
|.
.
-
Puiſſance- Quantàluy nous auons aſſez prouué cy deſſus ſavie laſciue & º
-
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' , I 4- · Le Triomphe
| bine fille du Roy des Iacobites, par ſes propres femmes. Quantaux mira
cles,ilditluy-meſme qu'iln'eſtvenu † lavertu de ſon eſpée,auſſin'en
Mahome ne fiſt-iliamais, carcePigeon † ecqueter à ſonoreille, ceſte vache
*-|
º
| † * oucebœufquiluyapportaſaloyentre ſes cornesceneſont qu'artifices, &
| pourlesautres que nousauons cottez cy deſſus, ce ſont preſages & illu
, | | | ſions, & non pas miracles : carencore qu'ilprenne beaucoup de peineàſe
| | | deffendre de ce qu'onl'accuſoit d'eſtre ſorcier, toutesfoisilne s'en peut
i | || excuſer, car outre la foibleſſe deſesraiſons, lesactions qu'il dit auoitfai
| | tes ſonttellementinutiles & ſuperflues, † voit à veuë d'œilqu'ilneles
| | * ainuentées que pour embabouinerles eſprits eſgarez& desceruellestour
| | | | ' nées quine prenoient gouſt qu'àdesfolies,nonplus que ces eſtomacs deſ
| - bauchez qui deſirent ordinairement les plus mauuaiſes viandes pour les
, | | . - ' - mettre engouſt, & digerent pluſtoſtle# que le meilleur.Au contraire
| de noſtre Redempteur, quin'aiamais faict miracle ſans vtilité & neceſſi
à - Antideſes de té,auſſieſtoit-ilvenu pour la deliurance du genre humain, & Mahomet
1Esvs-CHRIST
† pourlemettre en ſeruitude; l'vn eſtoit le bien-facteur, l'autre le deſtru
l -
Inet, cteur:l'vndeſcendit du ciel enterre pournous fairemonterau ciel,l'autre
:
eſt ſorty de laplusvile ſemence de la terre pour abyſmer les pauures hu
| mains en enfer;ileſtvenuaumonde pouteffacernos pechez & pourgua
|| | | rir nos infirmitez; & cettuy-cyn'a paruaumonde qu'en enſeignant lepe
- - | ché & comblant de miſere & de langueur preſque tous les cantons de la
- - terre:tout cecy eſtant prouuépartous ceux quiont eſcrit de l'vn & del'au
-
•, - -
tre, aiſépardel'experience,
fort & regle & pierre
croire que Mahomet deProphete,
n'eſtoit touche de toutesactions, il ſera
ny meſſager du DIEv
viuant,commeils'eſt dit par ſes eſcripts, & côme ilauoit faitgrauer autour
. . " de ſon cachet enlalettre qu'il eſcriuit à l'Empereur Heraclius, puis qu'il
- - · eſtoitſi deſpraué & ſicorrompu, & qu'il ne ſçauroit venir que tout bien
t...s.v de ce pere de l'vniuers, diſoitl'Apoſtre;ioinct que toutes ſes inſtructions
- - repugnent aux loix meſmes qu'il confeſſeauoir eſté données de DIEv,
• - ſoitaux preceptes,ſoitaux hiſtoires,ſeforgeantvn DIE v tout autre qu'il
ne nous eſt enſeigné dans lesliures ſaincts,auſquels on n'a iamais parléde
· | | | - luy:de nous † faire croire auſſi que ſon nom eſt eſcritſurle troſnede
| | | croyance ,b-D1Ev,illuya pleu de le direainſi, nous n'en auons point d'autre teſ
· - †** moignage, mais outre que cela eſt faux commelafauſſetémeſme, ilyad
| - - -- iouſte encorevnblaſpheme; encroyant DIE v comme il faiſoit, auecvn
- corps, & s'imaginant †
luy falloitvnlieu & vn ſiege pour ſe ſoir, &
| - ue ſonnomeſtoitlàviſiblementgraué.Carcommenous dirons cyapres,
-
|
† eſtoittoute terreſtre & corporelle,ſon eſprit laſcif,n'ayant peu paſ
'
-•
§ & auranom Mahomet, mais que les Iuifs ont tellement corrompu la loy
| † " de Moyſe,& les Prophetes,& les Chreſtiésl'Euangile de IEsvs-CHRIsr, >
| qu'il
|
- de la Croix. | 15
qu'iln'ya rien de veritable chez les vns & chezles autres, ſinon ce qui eſt
contenu dansl'Alcoran,orque cela ſoit tres-faux, ilſe prouueparinfinies
· raiſons toutes tres fortes mais entreautress'envoiticyquelquesvnes.Pre
mierennentlevieil & nouueauTeſtamentonteſté eſcrits & traduits endi
uerſes langues, enpasvneonne trouue le nom de Mahomet, les quatre
Euangeliſtes ont eſcrit en diuerstemps, en diuers lieux, en diuerſes lan
gues.Sainét Matthieu en Iudéea eſcrit en Hebreu: ſainct Iean en Aſie, à
§ſcrit en Grec, & ſainct Lucen Achaie a eſcrit en Grec auparauant ſainct
Iean, ſainct Marccompoſaſon Euangileen Latinen Italie. Tous leſquels Preuues de
| ontcſcrit long-temps deuant Mahomet. Or ces meſmes Euangiles ſont cette verité,
"--,
º tombez entre les mains des Neſtoriens & Iacobites, & les premiers eſtoiét
| râdsamis des Mahometiſtes; mais les meſmes Neſtoriens & Iacobitesſe
nº
º . § de mort entre eux, comment donc ſe ſont ils peu accorder à
reträcher cette ſeule choſe de l'Euangile; car dit Ricoldill'aveuë chez eux
demeſime lanoſtre, ilyauoitbien des choſes plus importantes que celles
làpour le bien des Chreſtiens quiviuoientalors, car ils euſſent peu oſter
qu'iln'auoit pointeſté crucifié, qu'il n'eſtoit point mort, & choſes ſem
blables, quiſemblent deshonorerles Chreſtiens meſmes; ioinct que Ma
homet n'eſtoit point de ce temps-là, & n'eſtvenu de plus de cinq cens
ans depuis.A quelpropos doncoſtervne choſe qui n'euſt point incom
, modé, & qui n'eſtoit point pour lors diſpoſée § aucun preiudice à la
Religion Chreſtienne au contraire quiloüenoſtreSeigneur & la VIER *
†luer la fauſſeté de l'vne, & la ſaincteté de l'autre, celle-là toute cor imparfaicte &
vicieuſe, & ſes
# uë, & cette-cytoute ſaincte; carſi(comme dit ſainct Auguſtin)il ſe l'Euangeuque,
antitheſesauec
-:
† Parlant du meſme Seigneur,il dit (le meſchant qu'il eſt) qu'il n'eſtny
D1 Ev ny fils de DIE v, & queluy-meſmenes'eſtiamais nommé tel au
monde, & qu'ils'enexcuſe humblementenuers D1Ev : Menſonge puis
qu'en ſainct Iean les Iuifs le voulurentlapider, pours'eſtrenommétel,&
- quedeuantl'impie Caïphe,lors de l'inſtruction de ſon procez,eſtantadiu
#º réparle DIEyviuant de dire verité, il declara clairement & hautement
#. * •
qu'il eſtoittelquicontient
poſévnliure douze millediſent
(Egoſum.)LesSarraſins parolesauſſi que Mahomet
pleines a com
de merueilles, &
-:
--
--
-
de la Croix © 17
· meſmes ſon propre oncle,nepouuant gouſterſa doctrine, il le menaça
de le ruer s'iln'adheroit à ſes opinions, & comme ſon oncle luy eut demä
dés'il n'y auoit point de moyen de viureautrement, non ,luy reſpondit
Mahomet;iete ſuyuray donc, dit-il,làoùtuvoudras, pour lacrainte de
ton eſpée, mais ce ſera ſeulement de lalangue, & non pas du cœur : & O
§ſifs de CatempadeſevoyantforcéparlantàD1Ev diſoit, tu ſçais Sei-va#
neur, que ceſtPour la crainte de la mort queiemefais Sarraſin. Le meſ. † t
-:
-•
I8 Le Triomphe
ganiſme,n'ont pas dit des choſes ſiſales, ny fi remplies d'impudicité &
qu'vne ame bien née ne dira iamais ſans rougir qu'a faict ce Sage & re
Malemet fit § legiſlateurenuoyé de D1Ev, lequelilfait(tantileſt deteſtable)mi
† niſtre de ſesvoluptez,ce qu'vne deſesfemmesluyreprochoit, ſur ce qu'il
diſoit que D1Ev luy permettoit d'aimer & commettre inceſte auec ſa
{8Z,
|
-
|
2O - Le Triomphe
- · des Sarraſins, afin que vousſcachiex que DIEv cognoiſt toutes choſes qui ſont au
- cielcy en laterre, & que DIE v ſcait tout ce# eſt Quelle conſequence que
i •
latable & le mois du ieuſne desSarraſins faſſe ſçauoir que DIE v ſçait tou
tes choſes : paſſant ainſi d'vne matiere en vne autre, ſans qu'on y puiſſe
-
-
-
trouuerl'ordre del'hiſtoire ny de lamatiere. Mais comme s'il eſtoit hors
de ſon entendement : il paſſeauſſi-toſt des choſes vrayes ouvray-ſembla
- . ' | bles en d'autres toutes abſurdes, comme s'il eſtoit aliené de ſon eſprit,
# | | | ayant celatoutesfois detres-meſchant & malicieux qu'il eſt, que lors qu'il
veut faire gliſſerle poiſon de quelque meſchante doctrine dans ſes enſei
gnemens il commencetouſiours parl'inuocation dunom de DIE v, ou
| | parvne exhortation àluy-meſmeau ieuſne, ou à la priere.Afin que ſoubs
- - ce ſucre on puiſſe plus doucement & inſenſiblement aualer ſon
- poiſon. · · - -- - -
, # § chercher bien loing de là,iltrouble la memoire, & nous faict perdre dans
º celabirinthe & dangereux deſtours, principalement le lecteur ſimple, &
f
qui eſt naturellement porté à la pieté, carrencontrant à chaſque pagevne
-
inuocation du nom de D IE v, en diſcours interrompu comme par ex
--
taſe il ſe laiſſe perſuader que ce deuoit eſtrelàvn homme tout diuin, &
---
# | ue s'iln'entend pas ce qu'ildit, cela procede de ſon ignorance & inſuffi
ance,& n6 pas duliure qu'ils'imagine eſtre bon&ſainct.Voyla ce qui en
atant perdu,car s'ileſtoit eſcrit methodiquement; & que chaque matiere
• | | | | | | dequoyilparle euſt ſon chapitre à part, on deſcouuriroit incontinent ſà
i | | -
|| fauſſeté, par la contrarieté qu'ilyauroit, & le peu de ſens qu'on y trouue
:
' , | || roit : ioinctqu'ony liroit infinies redites, qu'onyverroit, que toutes ces
-
: -
ii -
»
• .
viſions &&enthouſiaſmes
propos, ſont des deverité,
ſans aucune apparence ſonges inuentez à plaiſir,appoſez
& † ſentent ſa manie &ſans
ſon
--
| | | epileptie pluſtoſt que la Prophetie: mais cóme ileſtoit conduit & pouſſé
i
parleſprit de malice,ila preueu& preuenu ce qui pouuoitarriuer.De ſor
- - UÇ
!: 4
de la Croix. ' 2I
autre que chacun peut faire ſon ſalut en toutes : tantoſt il veut qu'on ne
force† en ſaloy,& toutauſſi-toſtil commande qu'on mette au fil
del'eſpée ceux quin'y voudront pas croire,oubien qu'ils payentletribut.
Icyilconſeille les ſiens d'auoir recoursaux ſainctes lettres,& ſur tout à l'E
uâgile,ailleurs il dit qu'ila eſté corrompu parles Chreſtiens,& qu'on s'en
donne degarde; vne fois il dira que DIE v ne rend point meilleur vn
meſqhant homme,vne autre-fois ill'exhortera de ſe mettre en oraiſon,
> - 2
afin que DIE v l'amende; tantoſt il veut eſtre tenu pour Prophete ſeu
lement des Arabes,&auſſi-toſt qu'il eſt vn Prophete vniuerſel à toutes
†
nations.Illoüe quelquesfois
q noſtre Seigneur,ſurtous
S------»
les amis de D IE v, >
22 - Le Triomphe
-
trouuer Haly, & feignans de deſirer ſon bien & ſon aduancement, luy
conſeillerent qu'eſtant riche & de noble maiſon, qu'il ſe declaraſt Pro
phete,luypromettansdeluyaſſiſter.Deſorte † tout leur patelina
ge ils luytirerent des mains cét Alcoran,auquelils adiouſterent & chan
:|:
*
: gerent ce qu'il leur pleut.Mais le meſme Mahomet enſonAlcoran, yap
porteluy-meſme del'incertitude;carvne fois il † nuict qu'il dor
-#,
- • moit, illuyfutenuoyé du cieltouttelqu'il eſt: &ailleursil dit qu'il la eu
euàpeu, comme † Loy, Dauidle Pſautier, IE sv s-CHR 1 s T
'Euangile; enfin cette loyeſtincertaine, puis queles Sarraſins entre-eux
meſmes nes'aecordent pas quand ils ſeveulenteſolaircir de † diffi
Le poinct prin- culté, ou de quelque poinct de leur doctrine, neſçachans à quiils ſe doi
:
:
|
§ uentaddreſſer,nylaquelle ils doiuent croire, delà ſontvenustant de Pro
†º phetes entre-eux, chacun diſant qu'ilalevray Alcoran; leur difficulté n'e
†"º ſtant pas proprementſurl'interpretation, mais à ſçauoirqui'ale vray tex
te, mais celuyquis'eſt le plus eſtably, & quia faictle plus valoir ſon opi
--
nion,a eſté le Sophy Iſmael & ſes deſcendans.
-
-
ſté de l'Affrique vn autre faux Prophete en cette loy qui fit vne leuée
,, de 4ooo.hommes ou enuiron, maison empeſchaſi bien le progrez de
#
ſon entrepriſe parla defaite de ſes troupes, qu'on n'en a entendu depuis
, aucunes nouuelles.Voylal'incertitude en laquelle doiuentviure ceux qui
-
s'arreſtent à cette fauſſe croyance, à laquelle pour comble de perfection
,r nous pouuons donnerla marque d'impieté;non ſeulement pour nier la
a"--|
Impie. Diuinité du Verbe increé & humaniſé, mais pour les blaſphemes execra
-
bles qu'ellevoſmit contre la meſme Diuinité, &afin d'en mieux voir la
preuue,voicy 46. erreurs notables de l'Alcoran.
4#-
tables de l'Al Lapremiere que DIE v eſt autheur de tout mal,la ſeconde quelesvo
corah. leurs,ſorciers & autres pecheurs ſont deſtinez de D1Ev à mourir en cet
eſtat: la troiſiefme, comme nousauons deſia dit, il fait D1Ev corporel;
A. .. la quatrieſme ilniela ſaincteTrinité: la cinquieſmeilnie † D I Ev ſoit
Azo. II.
pere, pource, dit-il, que perſonne ne § eſtre pere ſans femme, & con
," |. |
ſequemment qu'iln'apoint de fils. Laſixieſme qui eſtl'erreurfondamen
Az°. s. tal&capitaldetoutle Mahometiſme, il tenoit que IEsvs-CHRIsT, fils
de MARIE n'eſt pas DIEv,ains ſeulement qu'il eſt ſon Verbe increé,ſon
-
--
•, ſeruiteur & Prophete. La7.il nie que IE svs-CHRIsT ait eſté crucifié
-
parfaitte pureté, ſoit d'icelle ou de ſon fruict Latreiſieſme que le diable Az° *.
a eſtécreéd'vnfeu peſtilentiel. La quatorſieſme que tous les † 9º Azo.25 ,z.
adoré Adam, excepté Belzebut, lequel, ditl'Alcoran, nes'eſt voulu ſouſ
mettreàluy, pource qu'ileſtoitformé de boüe. Laquinſieſme que les dia- -
--
|
2 4- Le Triomphe
tribuece priuilege àluyſeul, commel'ayant de D1 Ev. La 37. le change
, ment du Careſme, que les Mahometans compoſent d'vnmoys & d'v
-i
i | Azo.t. ne ſepmaine, demeuranstout le iour ſans manger ou boire choſe quel
•.
conque, mais ayansveuvne eſtoileau ciel,ils ſe mettent à boire & man
# -
gerautant qu'ilsveulentiuſquesau commancementdel'heure † deuan
-
| -
| |
|
-
*** rantieſme, d'appellertres-grandpechéboire duvin,ioüeraux eſchets,ou
auxieux de hazard. La quarante vnieſme,lalicence que Mahomet donne
-
|
| | ***** dre & ſans rougir, & d'eſtimerlicite tout ce qui eſtagreableau gouſt ou à
| | | l'odorat, c'eſt à dire envn mot, tout ce qu'illeur plaiſt.La quarâte-deuxieſ
me, que Mahomet eſt Prophete & embaſſadeur de D1Ev, encore que
-
ſaloy ſoit commevnabregé & vn recueil de toutes les erreurs qui ont eſté
auparauant luy.De ſorte quelesTurcs ne recognoiſſent que trois Prophe
|
| ** tes, Mahomet,Moyſe, & IE s vs-CHRIsT, tenans leurAlcoran pour
enuoyé du Ciel.La quarante-troiſieſme, que les Chreſtiens ont perdu la
-
· · · · · - loy & l'Euangile : Et c'eſt ſur ce fondement que s'eſt appuyé Mahomet,
-
t pour corrompre & renuerſer lvn & lautre teſtament, corruption qu'il
, veut eſtrepriſe pour reformation, proteſtant que ſon Alcoran luy a eſté
|: | : donné pour publierle droict chemin & lamiſericorde. La quarante-qua
• * ! - trieſme, § ſuffitàl'homme de croire en DIE v & à § ; quoy
| |
,
|
"
| |
- † puiſſe piller,violer,aſſaſſiner, &c. La quarante-cinquieſme, qu'il
#ººº fautnôn § croire & obeïràl'Alcoran de Mahomet, ſur peine de
* : | | | | | pluſieurs maledictions, mais en outre ſegarder d'yrien changer, ou d'en
· · · diſputer,bié que le Mahometiſme ſoit diuiſé en ſeptantes ſortes.Laqua
| | | | rante-ſixieſme,eſtl'indifference de Religions § en diuers en
• | | droicts, moyennant qu'on ſoit de bonnevie. Cariaçoit qu'en ſon Azoar
· ' -
' ; - - 12. il eſcriue que perſonne ne peut obtenir la perfection d'aucune loy: ſi
: | | | | outre levieil teſtament & l'Euangile,on n'obeit à l'Alcoran, ſieſt-ce que
· , | l'eſprit de contradiction, quiconduit d'ordinaire labouche ou la plume
des errans, luyfaict incontinent apresrenuerſer ſon premier dire parcet
|
tuy-cy.Les Croyans & les Iuifs, & ceux qui adorent les Anges en la place de
DIE v, ſçauoireſt ceux quichangentvneloypourlautre,les Chreſtiens auſſi,tous
· | | ceux cy diſie, s'ils croyent en D1Ev, & font bien attendans le iour du iugement,
| | | | | qu'ils ne craignent rien.Et enl'Azoardeux,ilfaitgeneralement ſçauoir que
• | | | | - - quiconque vit bien,ſoit qu'ilſoit Iuifou Chreſtien,ſoit qu'en laiſſantſa loyil aſpire
| ... ! | | | - à vn autre : c'eſt à dire,quiconque adore DIE v & faictbien, obtiendraindubita
blement lamour Diuin. -
:
M . , Deſorte quecefaux Prophete, aprestoutes les loüanges qu'il adon
† ºu neesa ſa doctrine, & nonobſtanttoutes les contraintes & violences dont
" ilvſe pouryforcer tous ceux qu'il peut; Satan fait incontinent †
- & indif
-r
r
,
e ^
de la Croix. 25
enluy ſon principalbut, qui eſtd'abolirtoute Religion,parla permiſſion
& indifference de ſuiure toutes Religions, De ſorte que voicy vne Loy
toute fauce, pleine deviolence, de cruauté, d'impudicité, toute confu
ſe, inconſtante, & fondée ſur l'impieté, eſtablie parvn eſclaue, ignoranr,
impoſteur & ſeducteur, furieux & fabuleux, impie & impudique, &
quineantmoins auectant de vices & imperfections, eſt tellement multi
pliée quela meilleure partie de la terre habitable flechit ſoubs ſa domina
tion.Entelle freneſie peut tomberl'entendement humain, que de s'eſtre
'laiſſéemporterà tant de bagatelles, &à tout le badinage detant de fables,
ſansauoirveu nyouydire qu'il ait iamais faict aucun miracle, le legiſla
teur confeſſant luy-meſme que ſa loy ne ſe confirme que parlesarmes,
comme ſi du temps du Paganiſme qu'il faict ſemblant d'impugner ne
s'eſtoitpas faict de plus grandes merueilles que n'ont iamais faict ny luy,
nyles ſiens, teſmoinAlexandre le grand, quien ſi peu d'années ſe rendit
vn ſi redoutable Monarque, & Iules Ceſar, & tant d'autres ſoubs les
Grecs & ſoubs les Romains, car meſme du temps de l'Empire nous ſça
uons qu'ilya eu des Princes venus d'auſſibas lieu que luy,quineantmoins
ſeſontacquis la Monarchie del'vniuers parleurvaleur. -
-
26 · Le Triomphe
ſon hiſtoire, laquelle ſerecite à peu-pres de meſme parſes † grands &
mortels ennemis,veritable encore en tout ce qu'elle predit,les Propheties
-
contenuës enſes liures ſaincts,s'accompliſſans encore tous les iours;veri
rable en ſes enſeignemens, comme tirez de la meſmeverité: veritable en
ſes promeſſes,leſquelles ſonttouſioursinfaillibles, ſoit en cette vie ouen
' l'autre : veritable parce que ſon maiſtre,& celuy quil'ainſtituée eſtleſaint
|
& levray, § Apoſtre àl'Egliſe de Philadelphie, # repreſente la
-
susviolenº ſaincte Egliſe Romaine. Apoc.3. Verſ 7. Elle eſt auſſi ſans violence:
N'eſt-ce pas le precepte desóSeigneur:Aprenex demey,dit-ilque ieſuis doux
& humble decœur La Religió Chreſtienneneviolente perſonne,l'eſpée eſt
ſon dernierremede, qu'elle ne prend point encore pour forcer perſonne
d'eſtre Chreſtien; mais§ eſteindre par quelque peu de ſang, le feu
quis'allume quelques-fois dans ſa propre maiſon, car comme dit ſainct
Iean Chryſoſtome : Telle efflanature de la verité, que tantplus elle eſtoppugnée,
plus elleſe fortifie, tout au contraire du menſonge,#plus ilreçoit de ſecours d'au
truy,cg plus ileftdebilitéenſoy meſme: laverité donc n'apoint de beſoin daydede
lapuiſſancetemporelle, & beaucoupmoins la verité du Seigneur qui demeure eter
nellement; toute la violence qu'onyapporte, c'eſt la perſuaſion.Auſſicon
duit-ellelesſiens auectant de douceur, que ſi elle vſe quelques-fois de
- ,ſ -
† chaſtiment pour les faire reuenir à la raiſon, quand ils ſe rendent troP
† opiniaſtres, c'eſt de les bannir de ſa compagnie,au lieu que le Mahome
#on desin- tiſme rend eſclaues tous ceux quiviennent ſoubs ſa domination, elle met
ſideles. - / 2 > - - V
-
ment aux ſiens de la vie eternelle : car c'eſt la leçon qu'elle a receuë
de ſon maiſtre & Seigneur, Apprenez demoy, diſoit-il, que ie ſuu doux &
: humble decœur, aimez vos ennnemis:& Mahometaucontraires'eſt touſiours
i
fait paroiſtre cruel&ſuperbe : delàvient que la bonté ineffable du Pere
----
eternela donné tout ce qu'ila & ſon propre Fils, pour ſauuer nos ames,
-
& Mahometa enſeignétout ce qu'ila peu pour les perdre, ila faictcom
me le diable qui donne tout ce qui n'eſt pas à luy.
-
cºrºtrº. Quant à ſa continence & chaſteté, où eſt-ce qu'elle reluit dauantage
• r
7.,., àque parmylesvrays Chreſtiens Legrand docteur des Gentils l'enſeigne
ſes diſciplesTimothée & Tite,& en ſa premiereEpiſtreau Corinthiens,
Tit, c. 1.
. - 1
lºl !
de la Croix. 27
ceux, dit-elle, qui n'ont pointeftéſouillezaueclesfemmes,car ils ſontvierges:ceux
cyſuyuent lagneau,en quelquepart qu'ilaille. Puis queluy-meſme eſt Vierge,
ſaſaincte Mere,laRoyne & la VIERGE desvierges,auecvn nombrein
| finy deſaincts & de ſainctesVierges quionteſté, ſont & ſeront enl'Egli-.
ſe de DIE v. Tout au contraire de l'Heretique qui a touſiours com
mencé ſon Schiſme & ſa rebellion par l'impudicité. De ſorte que iamais
moine n'aietté, comme ondit,le frocaux orties,qu'iln'aitauſſi-toſt chan
géſonhabitenvnefemme,lerapportenſeroitlongà faire qui voudroit
ramaſſertout ce quis'eſt paſſé enl'antiquité: mais à quel propos d'aller re
chercheraulong des exemplesd'vne choſe quia eſté & eſtencore ſicom
mune ennosiours?Teleſtl'artifice du pere de menſonge,de ſe ſeruirainſi
des inclinations des hommes pour leurperte, & pour ſa gloire; car celuy Ruſedudible
uide ſoy-meſme eſtcontinent,ille pert parlameſme continence,à cau-§"#
†
# de labonne opinion a de ſoy, commeil fit ApolloniusThyaneen, "
lequel pour eſtre d'vn eſpritplus delié, & d'vnevertu plus eminente, il le
porta àvne imagination de Diuinité, & le fit eſgaller par les ſiens au fils
de DIE v. Et quant à Mahomet, qui eſtoitvn homme tout laſcif, il ſe
ſeruit de ſonimpudicité pourle poſſeder plus facilement, & pour faire
puisapres perdre par ſon moyen pluſieurs millions d'ames, qui ont ſuiuy
ſa doctrine,ſe contentant ſeulement de ſe faire appellerAnge & meſſager
du DIE vviuant. Il eſtvray qu'Apollonius n'aiamais faitgrand †
de diſciples, comme nousauons remarquéaux Commentaires ſur ſa vie,
aucontraire de Mahomet, qui comme nousvenons de dire, aſſubiettità
† malheureuſe doctrine, la meilleure partie de la terre habita
le; &d'autant que les hommesveulentbien ſaluerlavertu de loin, com- L'homme ſuit
mequelque Diuinité, & s'il fautainſi parler, rendre quelque eſpece d'a-ce #.
doration à celuy qui lapoſſede, mais ilss'vniſſent, s'allient & ſe conioi-"
gnentparaffection, par affinité, & parconuerſationauec ce quiconuient
àleursſens,lavertu eſtant trop hauteſleuée pour vn vol ſi terreſtre; cet
aſtrene peuteſtreveuſurleurOriſon.C'eſt pourquoy de ces deux perſon
ºges, fvnfut delaiſſé,l'autré fut ſuiuy : carApollonius inſtruiſoit § ſiens
#lauſterité, &à commander à leurs paſſions: &,Mahomet enſeigne le
libertinage, & comme il faut complaire aux ſens, auſſi eſt-ce la verité
qu'entre tous les Hereſiarques quiayentiamais eſté, il n'y ena pas vn qui
aitdonné vneloyplus § à ſes ſectateurs qu'eſtl'Alcoran.
Quesilfautveniràl'ordre,& où eſt-ce qu'il eſt plus enſonluſtre qu'en
lamaiſon du grand DIE v ? La loy & les commandemens qui y ſont re Ordonnée.
ºuz;ſont conſtammenttenus venir de ſa Maieſté,les hiſtoires des ſain- -
des Eſcritures, les Propheties, les myſteres, & tout ce qui eſt contenu au ##
ºil&aunouueauTeſtamenta § eſtévnanimement receu,com- †de
ºnous letenons auiourd'huy, (ie parle de la vraye Egliſe, & n'entre # en ſon
Pºintmaintenant en diſputeauec ceux qui s'en ſont ſeparez): Les Sacre- ordre,
ºns,leſacrifice,lacroyance, les ceremonies, toutsyadminiſtre paror
* ſefaictauecordre & reſpect,s'enſeigne ſans confuſion, s'exerce en
D ij
|
|,
28 Le Triomphe
temps & lieu : les liuressyliſentauec examen &approbation; les preſtres
. n'y§ qu'auec ordination : les Magiſtrats n'y exercentaucuneiu
riſdiction qu'auecmiſſion, les docteurs n'y enſeignent † impoſi
# - tion,les feſtes ne s'y ſolemniſent qu'auecproclamation, les prieres ne s'y
- : | font qu'auec diſpoſition, les penitences qu'auec permiſſion, les vœux
·
qu'auecdiſcretion,& entreautres leſeruice qui s'y chante eſt diſpoſéauec
--
•,
vn ordre ſi particulier, les textes ſaincts y ſont rapportez ſi à propos, ſelon
l'occurrence, &iuſques aux chants & aux ornemens, que veritablement
celuy qui voudra conſiderer le tout d'vn œiliuſte & equitable confeſſera
que la portée de l'entendement humain ne peut pas s'eſtendre à ſi haute
• entrepriſe, & parconſequent que cela procede de la Sageſſeinfinie de ce
,·
lºy, quiplus infiniement qu'vn autre Saldmon veut quel'ordre de ſa mai .
· ſon ſerue, non ſeulementd'admirationaux plusgrands Princes de la ter
re; mais qu'elle ſoit le modele & l'exemple à tout l'vniuers, pour faire
qu'vn chacun de nous ſe conduiſe ſainctement, ſagement, & iuſtement
|| | | en toutes ſesactiós,rien ne s'y prattiquant qu'auecvne ſaine & droictein
tention : mais ce qui eſt à remarquer, c'eſt que nuln'y peut legitimement
| : | rien entreprendre, ſans eſtre auctoriſé,ne fuſſe † ſonner vne cloche,
dire quelque verſet ou lire quelque leçon,tantle ainét Eſprita voulu que -
ce poinctyait eſté religieuſement obſerué pour faire reluire icy bas entre
: les hommes, quelque eſchantillon de cette ſaincte & celeſte hierarchie,
i -
† aluy § eſtablie làhautau Ciel. Quant à ſa conſtance, la ſucceſ
# º ſion de doctrine qu'ellea maintenue depuis ſeize cens tant d'années, ſans
i --
Mat. Is. s. elle,ilſera misenpierre, e9- celuyſurlequelelle tombera, elle le briſera. La pratti
que nes'en eſt elle pas veuë en tous les Heretiques qui ſont venus en tous
- -
LEgliſe de les ſiecles, quitous ont eſtéterraſſez parlantiquité, conſentement,&vni
#" uerſitéd'vne meſme doctrine, meſmevſage des Sacremens, meſme ſacri
| fice, meſme croyance, & ſur meſmes ceremonies, principalement aux
_*
actions les plus importantes, que les ſpirituels, illuminez, Angeliques
#- incorruptibles,pacificateurs,iuſtificateurs,abſtinés,predeſtinez,puritains
,
.
reformez, & autres infinis chefs de part, quiauec § noms ſuſpicieux
,
# -
, --
4
* & pleins de douceurontaueuglé tant d'eſprits, & precipité tant dames
-
en enfer, n'ont point toutes ſºis eu le pouuoir auec tous leurs puiſſans
eſcadrons, tous leursartifices,toute leur cruauté & tyrannie d'eſbranler,
" .
tant ſoit peu, voire meſme d'offencer cette doctrine Apoſtolique, qui
-|
-|
| ſouſtiendra
1 -
-
,
• • • #! -
* .
|
· de la Croix. 29
| ſouſtiendra, & ſubſiſtera touſiours contre leurs efforts, voire meſmes re
ſiſtera à toute leur puiſſance, teſmoing celle de Mahomet, & des ſiens, de
ſi puiſſans & impitoyables ennemis qui ont conioinctl'artifice à la cruau
té, & quiontfaict plus de malenl'Egliſe de DIE v, pour les ames qu'ils
ont faict perdre, que n'ont pas fait tous les autres Heretiques enſemble,
n'ont toutes-fois iamais peu rien faire changer en la ſaincte croyance ; au
contraire ça eſtél'Egliſe quilesa condamnez comme ſeditieux, Hereti
ques, & impoſteurs. | -
Reſte maintenant à diſcourir de la pieté,vertu dontonne ſçauroit aſ
ſezexprimerle merite qui encloſttoutes lesvertus en elle, qui nous fait ->
aimer D1 E v plus que toutes les choſes dumonde, & aimer toutes cho-******
ſes pour l'amour § , & de laquelle la Religion Chreſtienne fait prin
cipalement profeſſion.Car ſoit † ait eſgardàl'office de lavraye pieté
qui eſt d'eſleuer D IE v toutau plus haut de ſon effect, & baiſſerl'homme d
all plus bas, pourpuisapres luy fournir des moyens de ſe releuer,luy faire
reſſentirſamiſere & ſon rien,afin qu'en DIE v ſeul ilmette ſa côhfiance,
& ſon tout, où eſt-ce que cela ſe prattique qu'en noſtre ſaincte Religion?
Y ena-ilaucune où D IE v ſoit honoré, ſeruy & adoré auec plus de reſ
pect, d'humilité & d'obeïſſance (ie parle de ceux qui ſont veritablement
Religieux entre les Chreſtiens) & oùl'homme face moins de cas de luy,
sauiliſſe,& meſpriſe dauantage, recognoiſſe mieux ſes deffaults & ſesim- - -
| -- • !" .
3O · Le Triomphe
tique mieux qu'entrelesChreſtiens} Lesliures de tous nos anciens peres,
site ea , & ceux demaintenât ſont pleins de ce deuoir, le culte exterieur,l'abâdon
# # # nement de toutes choſes pour ſon ſeruice, & ſur tout le ſang de tant
† § de Martyrs eſpandu pour cette querelle, eſtvnvray & certain
† ge que c'eſt chezles vrays Chreſtiens † rend l'honneur & la gloire à
§
DIE V, autant † la portée delafoib eſſe humaine ſe peut eſtendre; car
puis qu'illefaut honorer en eſprit & verité, diſoitlaveritéeternelle,com
meauſſilaplusbelle & ſaincte façon de lefaire, eſtd'effacer de nos eſprits,
toute charnelle, terrienne & corruptible imagination, & par les plus
chaſtes,hautes & ſainctes conceptions nous exercerenla contemplation
delaDiuinité. Or celane ſe peut prattiquer enlaloy Mahometane,toute
impure,laſciue & charnelle, comme nous auons monſtréau contraire de
, la ſaincte Egliſe Chreſtienne, quifaictgrandcas, & qui commandelapu
†reté,la chaſteté &lemeſpris des choſes corruptibles,ſoitducorps,ſoit de
c eſt l'eſprit,afin qu'ilſoit touſioursreueré d'ame & devoix pure,entiere & non
- corrompuë : car c'eſt elle qui veritablement, ſerieuſement,auecpudeur,
crainte & reuerence parle de DIE v & de ſes œuures, & qui conduite &
enſeignée de ſon ſainct Eſprit, reuele à ſes enfans les plus profonds my
ſteres de leur ſalut, & toutes-fois auechumilité & adoration qu'elle enſei
R, il y º gne touſiours parparoles ; lahauteſſe & profondeurdela Sapience & ſcience de
DIE v,appellant ſes iugemens incorruptibles, & ſes voyes impoſſibles à deſcou
urir.Et enſes ceremonies,quitoutes ſans†deſcouurentſes plusbeaux
ſecrets quiſe comprennent mieux bien ſouuent par l'action, que par pa
roles, ouquine ſontpasbienſouuentà propos d'eſtre declarez aux pro
phanes quiconuertiroient pluſtoſtle toutenmocquerie & deriſion, que
, d'en tirer aucune inſtruction, comme a faictyn impie ſeducteur, qui a
Preſomption • |2 • •" ) - -
preſchée & receuë partous les cantons del'vniuers : car Mahomet ny les
autres erranspeuples
ſtienne,les n'ont baſtyleurs
par †
ſectes que ſur leseſtans
ruinesindignes d'vne loy ſi †
de la ReligionChre- § pro :
ſaincte, & par ainſi mis en ſens reprouué. Ily a plus, c'eſt que toute la
Chreſtienté eſt fondée enſon nom,& les Chreſtiens croyent enluycome
auvray fils de DIE v,vneneſſenceauecſon Pere, † en toutes choſes à
luy, enuoyé parluyence monde, & le croyent & l'honorent comme le
vrayCreateur du ciel & de la terre. -
Deſorte qu'il eſt touteuident, que c'eſt la cauſe de DIE v qu'ils ont
c6batuë non deffenduë, que c'eſtnon † vnmenteur, mais le vray fils de
DIE v qu'ils ont crucifié, autrement il n'ya nulle apparence que D 1 Ev
vouluſt parvnſi longaage abandonnerſes amis à la boucherie des guer
res, & #oppreſſion&violence des tyrans, enrecognoiſſance d'vnſibon
& ſireligieux office.
Al'oppoſite, les Chreſtiens quionttouſiours proſperé enleuraccroiſ
ſement,iouyſſent de l'Empire de Rome, & des principautez & ſeigneu
ries dumonde,les plus fertiles & les plus opulentes, & qui ne ſouffrent
iamais de perte notable, qu'ils ne ſoient premierement en mauuais meſ
nageauecle meſme fils de DIEv, pour meſpriſer ſa loy, & ne l'executer
pas comme ils doiuent : l'infidele n'ayantiamais ſçeugaignervn ſeul pou
ce deterre ſurle peuple Chreſtien, que premierement ce peuple là n'ait
· faict diuorceauecſon D IE v, & § apres diuiſé en ſoy-meſme : ainſi
s'eſt eſtablyl'EmpireTurqueſque,ainſile Perſan, ainſi le Tartare, & par
tout ailleurs, où l'abomination Mahometane a pullulé, ayans pris leur
temps, & faictleur profit denosiniuſtices;ainſi encores'eſtablitiournel
lement l'Heretique. Maistanty a qu'on ne peut pas dire que ce ſoit pour
-
enpayement choſe plus grande que tout ce qui eſt hors de Dr Ev,qui eſt #
· DiEv meſme, il s'enſuit neceſſairement que c'eſt à DIE v ſeuldele pou- ## ºº
uoirfaire : &attenduauſſi quel'homme eſt ſeulendetté & obligé, ils'en
ſuitque celuyquiaquitel'homme enuers DIEv,doit eſtre DIEv & hom.
me,envnemeſmeperſonne, non vn DIEv àpart & vn homme à parten
deux perſonnes diſtinguées : carafin que l'homme eſtant à part, & DIEv
àpart, D1E vneface ce qu'ilne doit, & l'hommecequ'ilne peut, & que
ceſoitvnplein & entierpayement, il faut qu'en cette vnité de perſonnes
l'homme entier ſe trouue, & DIEventier ſe trouue : que DIEv &l'hom
me conſeruans & gardans en leurentierl'vne & l'autre nature,ces deux na
tures ſoienttoutes-fois coniointes envn, comme le corps & l'ameraiſon
nable ſeioignent en nous;autrement il ne ſe pourroit faire que cette per
ſonne fuſt DIE v parfaict, & parfaicthomme; que ſi elle ſe trouue, outre
qu'elleſerainfinie, n'aura-elle pas en ſoy quelque choſe qui ſurpaſſera en
grandeurnoſtre dette, & tout ce que tous les hommes deuroient payer
pourleurſatisfaction:Careſtant entierement quitte,quantà ſoy,& exem
pte pourſon regard de toutel'obligation, carilfaut qu'elle ſoit telle, elle
ſerapropre à rendre & payerpourceux qui n'ont pointlapuiſſance desac
quitter, puisqu'ileſtvray qu'ilfaut à l'homme pour ſa deliurance vne ſa
tisfactioninfinie & volontaire, & vne perſonneinfinie qui ſoit enſemble
DIEv & homme. Or noſtre Seigneur IE s v s, a paru tel en toutes ſes
actions. Ildeſcend du cielenterre, mais il eſt conceuduſainctEſprit ſans
operation d'homme, ſabien-heureuſe Mere demeurant V 1 ERG E, de
ºnt, durant, & apresl'enfantement; ilnaſquit dansvne eſtable, mais les
âºgesannoncent cette Natiuité,les paſteurs leviennentrecognoiſtre,&
les Roys leviennentadorer, les meſmes princes le trouuent pauurement.
accommodé,mais vne eſtoile leurauoit † voirſamagnificence,il croiſt
ºmme homme, maisàl'aage de douze ans, il enſeigne les Docteurs : il
afaim,mais il peut eſtre quaranteiours ſans repaiſtre : il ſouffre toutes les
#commoditez de la vie, excepté le peché, mais il redonnel'ouye aux
ºurds,laveuëaux aueugles, & laſantéaux malades,il pleure la mort de
#ami,maisillesreſuſcite,&leurredonnelavie,ileſttétédu diable,mais
le chaſſe des corps humains, & l'enuoye oûilluyplaiſt;ilreſſent les an
Sºiſſesdelamort, mais à ſa ſeule paroleil fait trembler & tomber en ar
ºceux quile venoient prendre, guarit l'aureille coupée d'vn ſoldat,
ºmmande qu'onlaiſſe allerſeurement ceux qui eſtoient auec luy : il eſt
ºifié entre deux larrons, mais le Soleil&laLunes'obſcurciſſent,later
ºmble,les monumentss'ouurent,&les corpsreſuſcitentàcettemort
onlemet auſepulchre, mais ilrompt les portes de l'enfer,tireles peres du
. . - E ij -
36 - Le Triomphe
lymbe,&les emmeinetriomphansauecſoy;ilmeurt,mais ilreſuſcite au -
troiſieſmeiour, il frequente vn temps ſur la terre, mais il monte par ſa
vertu propre par deſſus les Cieux.Voyla commentils'eſt touſiours mon
ſtré DiEv & homme enſemble.
MAIs comment cette peſonne euſt elle payénoſtre dette, ſi ce n'eſt
parlamort carpourrendre à D1Ev del'obeïſſance, del'amour,del'hon
neur & de la reuerence, & envn mottous ſes moyens, elle luy doit tout.
cela, & ne fait que ſon deuoisnon pourauoiroffencé, car elle n'a iamais -
failly,mais pourauoir entant qu'home tout receu deluy, le neud & la for
ce de noſtre premiere & naturelle obligati6, mais cét hôme n'eſt pas tenu
de s'abâdoneràla mort(à laquelle il ne peut eſtre ſubiect,lamort eſtât en
tréeaumonde par la porte du peché)ny d'expoſerſoname & ſa vie pour
l'honneur de DIE v.Auſſile meſme DIE v n'exigera point de luy qu'il
, meure pourſagloire,careſtantl'innocence meſme, il n'eſt pointſubiectà
mourir, maisilfaut toutes-fois qu'il puiſſe mourir quand il voudra, afin
que cette aptitude qu'il a eue d'eſtre meurtry & outragé eſtant volon
taire en luy il aye peu ſouffrir volontairement la mort pour l'homme
qui eſtoit ſubiectàlamort eternelle : rachettant ainſi par cette volontaire
oblation de ſoy-meſme, l'eſclauage de la pauure nature humaine, &
effaçant noſtre obligation par ſa ſaincte mort & paſſion, & c'eſt veritable
·
tºu°.y. ie. ment cet amy qui eſt le nompareilencharité, qui donneſon amepour ſes amis.Car
•
-
ils'eſt peu rencontrer quelques-fois desamis qui ſont morts les vns pour
4
étion de ſon fils Vnique. Le ſecond, c'eſt que l'homme eſt reſtitué en
ºpremier honneur & dignité en laquelle Di E vl'auoit creé, ce qui nous
eſtarriuéà cauſe que le tres-ſainct Fils de D1E va vouluſe reueſtir deno
tienature,en laquellegloire nous ſurmontons meſmes les Anges, auſ
quels cette grace n'a pointeſtéoctroyée. Le troiſieſme fruict ce fut d'ob Heb.
3. .
a»
dra qu'à toy que tune puiſſes accomplir ton deſir, car voicy ce DIE v en
telle figure que tule peux imiter ſans danger, & obtenir cette ſemblance,
où tu pretends, tun'as qu'à choiſir ce que tu deſires,tul'ytrouueras. C'eſt
pouquoy ſainct Leon Pape diſoit que deux ſortes de remedes nous ſont
propoſez à la Paſſion du Sauueur, en laquelle nous auons d'vne part ſacri
fice, & exemple de l'autre; car parl'vne nous eſt donnée la grace Diuine,
& parl'autre eſtaydée &confortéela nature humaine : d'autant que com
me DIE v eſtl'autheur de noſtre iuſtification, auſſi l'homme eſt-il det
teur de ſa deuotion.Le quatorſieſme fruict,c'eſt la profeſſion del'auſterité
& pureté de lavie § , carpourayderàvngére devie quin'eſt que
toute Croix,quelremedeya-ilde † propre quelemyſtere de la Croix?
Carquipourroit eſtre ennemy de ſa propre chair, renoncer à ſoy-meſme
&à ſa propre volonté, ſe priuer d'honneur,degloire & de contentement,
orter ſa Croix chacuniour, & prendre enpatience touslestrauaux, ma
§ , pauuretez, perſecutions & tentations, qui par la permiſſion de
DIEv nous peuuentarriuer,ſi ce n'eſtoit le deſir que nousauons d'imiter
noſtre chef&leſuiure parla voye qu'il a tenuë, & ſi luy-meſme voyant
noſtre bonnevolonté,ne nous donnoit force pourlapouuoir executer?
1f. Le quinzieſme fruict,c'eſt qu'elle eſt matiere de tres-haute meditation
& contemplation: carque n'yail pas à mediter ſur ce ſubiect,voulez vous
voir la puiſſance de DIE v, par cette Croix?conſiderezlaruine de Ieruſa
lem, &lacaptiuité des Iuifs;voulez-vousvoirſaprouidence ? conſiderez
lesmerueilles qui en ont enſuiuy; deſirez vous ſa ſageſſe ? voyez comme
routelaſciéce & Philoſophie dumondea eſté § parce qu'elle eſti
moitfolie, & conſiderez-en le triomphe & lagloire : yvoulez-vousvoir
ſabonté, quelle plus grandey peut-ilauoiraumonde que de beatifier &
donner lavie eternelle à ceux qui faiſoient mourir ſon propre Fils, ſon
amour,où ſe peut-ilmieux recognoiſtre : DIE v atellement aimé le monde,
qu'ila donnéſonfils vnique.Maisyvoulez-vousvoirſagloire,tousles elemés
ſeremuent,tousles hommes del'vniuers § ennemis chantent
ſesloüanges, on luy dreſſe de nouueaux autels, teſmoin celuy d'Athe
nes, & tout à l'inſtant meſme de l'execution, mais depuis quelle gloire
, n'ena-ilpointacquiſe à celuy qu'on tenoit pour le plus vil de tous les
, hommes, n'a-ilpas eſté creucertainement, publié & preſché à haute voix
# Fils du DIE v immortel, conſubſtantielà ſon Pere2 Voulez-vous làvoir
†º tous les plusbeaux & plus rares myſteres, tant du vieil que du nouueau
Croix. Teſtament?liſez dansleliure ouuert,toutes choſes vous y ſeront reuelées:
aſpirez-vous au ciel voicyl'eſchelle quivousy feramonter ? deſirez-vous
voir toutes lesvertus enſemble?iettezlesyeux ſurce miroir,ilvous les re
preſentera envninſtant: voulez-vous voir la iuſtice Diuine ? conſiderez
Vn DIE V
de la Croix. 4
vn DIE v courroucé contre les pechez du monde, quine pardonne pas à
ſon propre Fils quis'en eſtoit chargé, mais d'ailleurs voyezyla miſericor
de, qui reçoit enſagrace
&2 tout legenre humain; làvous y verrez cette foy
† ne ſeraiamais aſſez loüée dub6larr6,la conſtance admirable de latres
- •- - A- A- -
.Le dix-huictieſme fruict, ſont les victoires & triomphes des ſaincts 18.
44 Le Triomphe
Cartoutainſi que leveſtement des Roys & Empereurs Payens n'auoit
eſté, s'ilfaut ainſi dire, empourpréque du ſang des ſaincts Martyrs qu'ils
exterminoient pourla crainte qu'ilsauoient de l'eſtabliſſement de la Re
ligi6 Chreſtienne,s'acharnans contre tous ceux qui enfaiſoientprofeſſió,
' depuis Herodes iuſques au grâdConſtantin,tant le diable leurauoitim
rimé cette fauceimagination,que les Saincts aſpiroiét à leureſtat, & tant
† ſenſualité craignoitladiminution de ſa pompe & de ſes delices, parla
reforme de cette ſaincteloy. Auſſi depuis † conuerſion, ils ont non
ſeulement quitté(ie parle des bons & des ſaincts) leurs pompes, leurs
† delices & leur couronne, pourprendre la Croix, mais meſmes leur pro
- bre troſne,s'enroollans ſoubsl'enſeigne de celuy qu'ils tenoient la lie, &
§ du monde, & rendans tout honneur & obeïſſance à celuy
qu'ilsauoienttant perſecuté.Auſſi tient-on que laſaincte Croix eſtoit cö
oſée de quatre ſortes de boys, à ſçauoir le corps de la Croix de Cedre,les
† de palme,le troncd'embas de Cypres, & le titre d'Oliue , le Cedre
mortelaux ſerpens, & ſalutaireaux hommes, comme auſſi elle a terraſſé
& terraſſetouslesiours le diable,lepeché & l'erreur : le Cypres qui ſeruoit
de monument & debiereaux plus ſignalez perſonnages, ſelo † dire du
Poëte,
|
Funeſta eſtarborprocerum monumenta cupreſſus.
d'autant que le ſepulchre du Fils de DIE v deuoit eſtre fort celebre, com
meil a eſté, eſt, & ſera, voire au milieu de ſes plus grands ennemis, qui
l'ont maintes-fois voulu mettre bas:mais D IE v s'eſt tantoſtſeruy de leur
auarice,& tantoſt de quelque aliance,ou de la puiſſance, & renommée de
† quelquegrád Prince cóme cesiours paſſez, il eſt arriué encore parle moyé
#º de noſtre grand H EN RY, comme nous remarquerons plus particuliere
ment ſurlavie de Mahomet troiſieſme du nom Empereur des Turcs. La
Prophetie d'Elaie ayanteſtétres-veritablement accomplie, à ſçauoir que
ai Son ſepulchreſeroitglorieux.L'Oliue † lapaix qu'elle nousamoyen
née, carl'Oliue eſtvn ſymbole de la paix; voyla pourquoy lors que les
Ambaſſadeurs venoient anciennement rechercher la paix , ils portoient
, Hicns.c, des rameaux d'Oliue; &le Prophete Hieremie dit que le Seigneur a ap
pellé ſon nom, vnetres belle & fructifiante oliue; Mais ce qui eſt de remar
quable, c'eſt que le ſainctnom de IE sv s eſtoit eſcrit deſſus, maisl'huile
c.1 s , vient del'Oliue,auſſil'Eſpouſe diſoit que ce ſainct nom eſtoit vne huile eſpan
dué.Son prctieux ſang, quicommevnehuile de miſericorde, s'eſt partout
eſpandue deſſus les pauures pecheurs;cartoutainſi que l'huile entretient
§ & oinct,ainſile Sauueur & Redempteur des hommes
- a eſtélalumiere dumonde,le painvif, & le medecin des malades.
· Ce que nous voulons† repreſenter auſſi en nos trois lettres
Aug ſerm.16. abregées IHS. l'I. repreſentant l'illumination, l'H. l'heritage, & l'S. la
# ſanté, & ſur tout de bois de palme, ſymbole de lavictoire, que non
Pourquoy la
§io - ſeulement nous, mais que le peuple d'Iſrael a iamais
ſe fu- changée
obtenuë : car ſainct
§" Auguſtin prendla verge de Moyſe pour vne figure de la Croix, & #
qu'elle
de la Croix. - 45
qu'elle fut changée en ſerpent,afin que la Croix que les Iuifs croyoienteſtrefolie,
fuſtconuertie en vnſerpent, c'està dire enſageſſe, & en vneſainčteſageſſe qui deuo
raſttoute laſageſſedumonde.Voylapourquoy Moyſe par eſprit prophetique
voyât que lebout de ſaverge auoit faict de ſi grands miracles, & ſçachant .
quele nom de IE s vs deuoit eſtre eſcritaubout delaCroix,il luy attri
buatoutes ſes victoires:Seigneurc'eſt ton nom Tout puiſſant,diſoit-il, qui a ſub- Deut. ,
mergédãs lamerlechariot,& l'armée de Pharaon.Et le meſme Moyſe cóbattât
contre Amalec, montant ſurla montagne, eſtend les mains en forme de
Croix, & prietenant ſaverge en ſamain; car ditTertulian,Il'fallott que ceux renant Maº
quiauoientàcombattrecontrele diableſe ſeruiſſent de la Croix, puiſque IEs vs- -
Et puis que nous parlons des Turcs, & des merueilles de la ſaincte
Croix,il ſera bien à propos de rapporter icy ce qui aduint du temps de
mpereur Maurice. Coſroé Roy des Perſes, duquel nous parlerons cy- |
#s, ayant faictcruellement mourir ſonpere & ſa mere, & ſes ſubiects A i .
*ºitans reuoltez contre luy pourvne ſigrande meſchanceté, il enuoyade- conſtiiº.
ºander ſecours à l'Em pereur Maurice contre
ſes ſubiects, ce qu'il obtint,
& "ſuccederent ſes affaires ſi heureuſement que Narſetes general dç
- - | F iij , •
46 - Le Triomphe
l'armée Romaine, mit enfuitte les ennemis du Peiſan, en taillaenpieces
†
ble des Turcs lameilleure
la lI1C1 partie, &
partie, & pprintpriſonniers
p quelqueſix
q q mille Perſes naturels 2
†§ & quelque nombre deTurcs : quant aux Perſes, il les donna à Coſroé,
de crºis mais lesTurcs,illes enuoya à ſon Empereur.Or comme ceux-cy eſtoient
tous marquezaufrontauecvn fer, & de l'ancre bien noire qu'on y auoit
eſpanduë deſſus, & qu'ily auoit en cette marque vne Croix empreinte. .
|· L'Empereurs'enquit d'eux dequoy leur ſeruoit cette figure, puis qu'ils nes
· l'honoroient point, ne celuy encore qui auoit ſouffert mort en icelle.A
quoyils reſpondirent que quelque temps auparauant ils auoient eu vne
peſte fort eſtrangeau pays Perſien; deſorte que preſque perſonne n'en eſ
· chappoit, mais qu'ayans quelques Chreſtiens parmy eux, ils leur aprin
drent de porter ainſi le ſigne de la Croix, & que ſans faillirils verroient
ceſſer cette peſtilence, ce qu'ils firent, & ſentirentſoudainl'effect de cette
-
deliurance, & que cela eſtoit cauſe qu'ils envſoient ainſi,portanslamar
que de leur guariſon, & toutes-fois apresvn ſigrand miracle ils ne laiſſe
rent-pas de demeurer opiniaſtres enleur erreur,car lors qu'ils racontoient
cette hiſtoire, ils eſtoient autant Idolatres qu'auparauant, mais tant eſt
ue la Croix obtint cette victoire, & ſe fiſtreuerer par ſes ennemis.
Or le diable ennemy mortel de ce ſigne, voyant tant de merueilles
pariceluy, s'eſt ſeruy de Mahomet pourle ruiner, & luya faict comme le
dragon àl'Elephant, premierementilſe ſert de ſa langue, comme d'vn
† hameçon, & puisl'attaque parlesyeux & parles oreilles; & ce † eſt re
: #Élep , marquable, c'eſt que ſelonSolin,les †n'attaquent iamais l'Elephât
i* que lors qu'ils ſont † arle trop boire outrop manger:adiouſtant
:
que la premiere choſe qu'ilsfont, c'eſt de lier la main ou la proboſcide de
l'Elephant , tout cecy conuenant tres-bien à Mahomet; carles folles im
,
|
•
-
preſſions qu'illuya mis enlateſte, n'eſt-ce pasl'hameçon : nel'a-il pas at
-
|
de la Croix. 47
quoyilavoulu que le Vendredy, iour conſacréà Venus, fuſt le iour de
† Sabbat.Et c'eſt peut-eſtre auſſivneraiſon pourquoy ſainct IeanApo
calypſe 12 repreſente la ſaincte V 1ER GE, vraye & veritable Diane, qui
commande au ciel, en la terre & aux enfers, foulant la Lune ſoubs ſes
pieds, pourle trophée qu'elle a obtenu de l'Idole de Diane à Epheſe,
qu'onppelloitauſſi la Lune, &laquelle ſon filsadoptifabbatit, ou bien
delavictoire qu'elle deuoit obtenir contre les eſcadrons des Turcs qui
portentvne Lune en croiſſant en leurs enſeignes : comme auſſi les Chre
ſtiens ont ſouuent obtenu de glorieuſes victoires par les interceſſions de
cettebien-heureuſe Imperatrice : & de faict ſa loy eſt toute remplie de
precepteslaſcifs & charnels,oſtantl'Empire de l'vne pour eſtablirl'autre:
&le diableayanteſprouué que les perſecutions des Martyrs auoient plus
ſeruyàl'eſtabliſſement de la ſaincte Religion Chreſtienne, & à la reco
gnoiſſance de ce ſigne de ſalut, qu'à ſa ruine, il ſe ſeruit des Heretiques,
&s'enſert encore pour le combatre, mais il penſa qu'il gagnoit plus de
ens ſoubsle ſigne devolupté, que ſoubslevoile de pieté,voyla qui luy
mettre en auant Mahomet. ·
-
|.
48 Le Triomphe
ennemy du nom Chreſtien : & le quatrieſme fut le recouurement de la
ſaincte Croix rapportée entiere & ſans meſmeauoir eſté maniée, com
menous auons dit, au lieu meſme où elleauoit eſté priſe. Deſorte que ce
pluſieur ºis- iour vn des plus glorieux & triomphans qu'ait veu le Soleil, merite
† bienvne particuliereaction de graces, & † s'en reſouuienne à iamais
-
-
-
: †º puis qu'ila app ortétant de bien à la repub ique Chreſtienne : mais cecy
- n'eſt-ce pas encorevn des triomphes de la Croix, que Heraclius retour
nant en Hieruſalem, commeil fut arriué à la porte qui conduit au mont
de Caluaire paréſomptueuſement d'or & de pierreries, plus ils'efforçoit
d'aller, plusilreculoit,de ſorte que le bon Eueſque Zacharierecognoiſſät
· · 41
-
- | --
t , la cauſe de cet empeſchement,Voyez-vous, dit-il, Sire Empereur, cet
-'!
-
| - , -! ! !
ornementtriomphal que vous portez, ne conuient pas à l'humilité &
.l'|
-17--11
:
-|
l -
ace, ce qu'ayant faict, il pourſuiuit apres ayſement ſon cheminiuſquesau
-
-
Caluaire, oû la Croix auoit eſté auparauant miſe, & d'où les Perſes l'a
: uoient tranſportée.Auſſi ce iour eſt-il auſſi ſolemnel aux Grecs comme
aux Latins dit Baronius, qui rapporte tout ce que deſſus des Annales de
/ · Theophanes. · -
-
Iob. 4o. | Car Behemot,cétanimal ſiterrible & vray hieroglifiquedeSatan,n'en
L'Eſcriture leueiamais aucune herbe dubeau champ de l'Egliſe, qu'elle ne ſoit pre
#e #à mierement deſeichée & deuenuë foing, & alors illa traicte comme vn
té de noms / N - - -
§ bœuf,
† , Behemoteſtant comparéàcetanimal.Orle
eſt pris pourle peuple,
OCCUllICIlCCS. & quandles hommesfoing,ſelon ſainctleGre
ſont du foing, dia
le eſtappellébœuf, quandils ſont chair & ſang,ileſtappellé Lion rugiſ
ſant. Quandl'homme eſtàcheual, c'eſtvnCeraſtes § voye pourmor
dre les öngles ducheual, afin que le cheuaucheur tombe : ſile Pere defa
mille ſeme, il eſt oyſeau du § , quand nous ſommes embourbez dans la
mer du monde comme des § , il eſt Balene; quand l'homme eſt
terre
de la Croix. 4-9
terre,ileſtſerpent: ſi nous ſommes dragon, il eſt eſtoile; ſi nous ſommes
maiſon, il eſt vent; ſiſemence, il eſtl'homme ennemy &ziſannie : mais
lemeſme Behemotavoulu fairevoiren Mahomettoutſonartifice.Voy
cycomme loble dep eint au chap.quarantieſme:Ilmágera le oingcommevn
bauf, maisc'eſt d'vn foingtrié & choyſi : car, diſoit le Prophete, la viande
dontileſtengraiſſé,eſtvneviande choiſie : Auſſi eſtoit Mahomettraicté delica- Rappo1t de
tement,&fort difficile à contenter,ſaforce,ditl'Eſcriture,eſt enſes reins & en †
ſonventre.Nousauons aſſez fait paroiſtre cy-deuatſa paillardiſe & ſa gour- Mahomet.
mādiſe,Saqueuë eſt roidie commevnCedre:monſtre la baſſeſſe & ignobilité de
ſarace, & qui toutes-fois du plus bas eſtages'eſt eſleué au plus haut degré,
le nerf deſesgenitoires ſont entrelaſſez : Sameſchantevie,quiparſes mauuais
exemplesarendules autresſemblablesàluy, excuſantles pechez d'autruy
pardesraiſons paſliées & deſguiſées, ſes os ſont comme vne fluffe d'airain : ou
ſelonl'Hebreu, comme vnbaſton,vnmeſchant & cruelPrince quiatant
reſpandude ſangen ſavie, & ſes cartilages comme lames defer; car toute la
liaiſonde ſaloy, ne reſpire que ſang & que flammes.Ileſt le commencement
des voyesdu Seigneur. Mais ne s'eſt-il pas dit le mignon de DIE v, le ſeul
vrayProphete † deſſus tousles Prophetes : celuyquil'afaict, en aprochera
ſonglaiue, Et cela n'eſt-il pas veritable, ſoit qu'on le prenne de la part de
DIE v quil'aPermiscommevn fleau, ou pluſtoſt,ſionne veut dire qu'il
a ſenty le glaiue de la iuſtice Diuine, eſtant mort enragé, ſoit qu'on le
prenne § part du diable, quiluyait communiqué ſa puiſſance : les her
bes des montagnes luy apportent fruiét, & les beſtes des champs ſe ioueront-là.
Qu'eſt-ce qui ſe peut mieux rapporter qu'à ſa loy charnelle & voluptueu
ſe,àſonParadis de bonnes cheres, & de belles § que cela : Ildort en
ſecretſoubs le roſeau en lieu humide; cela ſe rapportea ſa vie effeminée & laſci
ue, &àla deſbauche de tant d'ames qu'ila perduës par cet allechement, &
àſaialouſie, carilla eſté des plus, comme ilafaictvoiraſſez par ſa loy: les
ºmbresdeffendentſon ombre,cºlescaillouxdu torrentlenuironnerôiAuſſiauoit
il Prislesombresinfernaux pour deffenſeurs, & les puiſſances du torrent
infernalontaſſiſté ſes entrepriſes. Il engloutit vn fleuue, c9 ne s'en eſtonnera,
ºil aſſeure quele Iourdainpaſſera parſabouche : n'a-il pas aualél'iniquité có
mel'eau mais nel'a-il pas enſeignéevoire commandée auecaſſeurance de
ſalut àceux qni la mettroient en practique, comme ayant eu l'infHuence
denhaut de cette damnable inſtruction carſelonle dire deTertulian, de
cultufemin. Celuy quieſtpreſomptueux craintmoins,ſegarde moins, & †
et enplus grand danger.La crainte eſtle fondement de ſalut, la preſom-lut -
5o Le Triomphe
u'infinis hommesſe ſont enroollez parmyles Muſulmans, & c'eſtlarai
† querenditle Pape Pieà Mahomet ſecond, ſur ce qui luy demandoit
#-|
pourquoy tant de Chreſtiensſe iettoiétſous ſes bannieres;auſſi fut-cevne
de ſes premieres ordonnances,pourretirer les peuples de l'obeïſſance de
-
(t
† l'Empire Romain : Tout Chreſtien, dit-il, Iuif ou infidele, ou qui voudra
ſuiure le Prophete, aura liberté,ſans queſon maiſtre oupatron lepuiſſeretenir. Età
laveritéils'eſt comporté de ſorte en toutes ſes actions,qu'il ſemble quece
,#.|
•!
ſoit deluy que le RoyalPropheteait parlé † il prioit D1E v, qu'ille
| deliuraſtdel'incurſion du diablé de Midy. Etailleurs ;qu'ilcraignoitlahauteſſedu
iour: caril ſemble que leviceſe ſoit de ſon temps faict paroiſtre en plein
: pat ,s.
,
iour,aulieu qu'il ne ſe monſtroit deuant qu'à cachettes; car ſoubs levoile
de pieté & deſaincteté,ilapermis aux ſiens toute eſpece de meſchanceté.
Et cecy fait fort à ce propos qu'ila ordonné particulierement que les prie
res des ſiens ſe feroient tournez deuers le Midy,s'eſtant monſtré en toutes
ces choſes vrayminiſtre de Satan, & precurſeurdel'Antechriſt, car com
me nousauons veuiuſques icy : tout ſon but & ſes intentions n'ont eſté
que pourſe bander contre la Diuinité de noſtre Seigneur IEsvs, & d'em
eſcher à ſon poſſiblel'Exaltation de ſon ſainct nom,vſant toutes-fois de
§ ruſe de ces fins calomniateurs qui lors qu'ils ont enuie de döner
vne plus viueatteinte à la renommée de quelqu'vn, commancent par ſa
loüange,afin de rendre ſa calomnie plus vray-ſemblable, nous voulant
faire perdrelacroyance ſoubs ſon patelinage de loüanges qu'il luy donne
qu'il eſt D1Ev & homme, & qu'ila operéle myſtere de noſtre Redem
-
ption parſamort en la Croix, car c'eſt contre-elle †
eſt le plus enueni
mé, mais encore queluy & les ſiens ſevantent qu'ils ont faict tant de mer
ueilles parlesarmes, c'eſttoutes-fois vntrop debilefondement pourba
--
ſtir deſſusvne Religion.
Outre ce que nous auons dit cy-deſſus, s'il falloit faire comparaiſon
d'eſtenduë de pays l'vnàl'autre,ontrouueroit que les Chreſtiens ont plus
---
§
emparez des
cela que ie les trouue eſgaux, carque pouuoit ſeruiraux Chreſtiés leurva
--
§" leur,puis qu'elle n'eſtoit priſe que côtre-euxmeſmes?N'eſt il pasvray que
†leloup n'eſtiamais entré dans labergerie,que lors quelesgardesdutroup
-
º º peau onteſté en diuiſion:Mahomet cómence ſaloyautéps del'erreur des
Monothelites,& quel'Empire Greccômençaà decliner : (car depuisque
--
l'Empereur § eut entrepris la protecti6 de ces miſerables Hereti
ques,iamais ſesaffaires ne proſpererét) & touslesſiens n'ont iamais mis le
pied dans pas vne prouince, qu'ils n'ayenteſté appellez & introduits par
† editieux,quiontmieuxaimé perdreleur Religió, & s'enſeuelir
dans les ruines deleur pays, que deviure en paix auecleurs compatriotes
meſme le Turc n'a point eu d'entrée dans la miſerable Grece qu'il n'ait
Premierement eſté appellé par les Princes Grecs, & qu'ils ne luy ayen#
* - donné
· de la Croix. · 5I
donné des places pouroſtage,leſquelles ils ont incontinentapres conuer- .
· ties en proprieté,&lemeſme Mahomet ne conquit point pararmes Ieru
ſalem, Damas, Antioche, la Iudée,Syrie & l'Egypte, & autres places en
la petite Aſie, que par le ſoubſleuement des peuples qui ſe reuolterent
contre l'Empereur Heraclius, ſoubs le ſpecieuxnom § erté qu'ilalloit
trompetant§ tout.Carcommeil eſt bien difficile des'eſtablir, & qu'il
n'eſt pas mal-aiſé de s'agrandir ſurvn eſtabliſſement, cette ſecte amulti
plié en richeſſes & engrandeur, mais plus ſouuent parfineſſes que parar
mes; & qu'ainſine ſoit,ils n'ontiamais empieté ſurl'Europe que les Prin
ces Chreſtiens n'ayenteſtébâdezlesvns contre les autres, encoreyont-ils
faict peu de † depuis centans,veuleurs richeſſes, & le grand nom
bre de peuple qu'ils charient en leurarmée, & le peu de comſ ns quiſe
treuue ordinairement encelle des Chreſtiens.
En quoy eſt-ce donc que les Mahometiſtes ſe peuuéttâtvanterdeleurs
armécs, † qu'ils negaignentiamais que par la multitude ? n'eſt-ce pas
, ainſi qu' ils ont gaigné toutes nos places#VnScäderbecqauecvne poignée
d'Albanois,eſtaſſez puiſſantd'arreſter tout courtvn Amurat, & Maho
metſecond, Empereurs des Turcs, qui auecvne armée effroyable,vou
loientenuahir ſon pays, leur faictleuerle ſiege de deuant Croye par plu
ſieurs-fois,& lesmeinebatantiuſques ſurleurterre,eſtans contraints de ſe
retireraulogisauechonte &perte notable.Combien defois ont-ils mis le
ſiege deuant Belgrade, deuant Conſtantinople, deuant Rhodes,&autres Le Turcs na
b - - - 2
que
placesdeuant quelesauoir?&cómentles ont-ils priſes, ſinonlors qu'elles !ainquent
atla multitu ,
onteſtéabandonnées de ſecours à n'auons-nous pasveu de nos iours que C,
_ ^
G ij
52 Le Triomphe
depuis ſoubs Charlesmagne : cette conditionmemorable propoſéemeſ
par Agoland Roy Sarraſin,à ſçauoir de faire combatrevn eſcadron de
· IIlC
Maisie ne puis paſſer cecy ſans faire vne remarque notable des excel
lences,grandeur & maieſté de la couronne Françoiſe, ence que DIE v a
voulu que parelle Mahomet & les ſiensayenttouſiours eſtébattus, qu'ila
conſeruénoſtre Monarchie enl'Europe,pourlafaire le logis de ſon Egli
# # ſe, & qu'elle ait touſiours eſté l'eſpée & le bouclier de la meſme Egliſe,
# quandelleaeſté perſecutée par lesTyrans.Car dutemps de ce † Roy
† que ie viens de nommer, l'Empire Romain fut conſerué, Egliſe fut
§ maintenuë contre les Lombards & d'autres ſeditieux, les Saxons domp
--
ptez & conuertis, & pluſieurs ſignalées victoires obtenues contre les Sar
raſins en Eſpagne : de ſorte que comme nous auons eſté les premiers qui
:
| ayenteſtably l Empire, quiayent emporté des victoires ſignalées contre
les Sarraſins, & quiayent deffendula ſaincte Egliſe! ilyagrandeapparen
# † ce que l'Empire reuiédraauſſi quelques-fois en nos mains, que le Maho
# de " metiſme doit eſtre exterminé par nos armes,& quel'Egliſetrouuera touſ
· France.
- -
Mais pourreuenir à noſtre propos, & marquerles victoires des Chre
ſtiens, & ſignamment des François contre les Sarraſins : Charles le Gros
les chaſſad'Italie, lors qu'ils menaçoient Rome, l'armée Chreſtienne de
-
\
-
ºdieſſedele deſtruire, & que D1Ev ſe ſoitſeruydeleurauarice pourle †
ºſeruer non ſeulement en ſon entier, ains meſmes pour le faire gar-º
ºParſesmortelsaduerſaires, & que tousles Chreſtiens, non ſeulement
| ºViuent ſoubs leur obeïſſance, ains qui meſmes ſont des contrées les
G iij
54- Le Triomphe
plus eſloignéesyſoiétles bien-venuës, & qu'ilsy puiſſent faireleurs deuo
tions àleurplaiſir & en touteſeureté, & que non ſeulement les Caliphes,
Sultans,Mamelus, & depuis ſoubs l'Empire duTurc, il ſoit neantmoins
,i
•
|
-
demeuré ſus pied triomphant, nonobſtant tous les efforts des Iuifs ſes
|:
i
|
-
| mortels ennemis,quiontpluſieurs-fois taſchédele faire deſtruire,&l'euſt
· eſté cesannées dernieres, ſansl'authorité de noſtregrand Henry quatrieſ
-
; -
me. Et afin qu'onne penſe point que cecy ſoit de ſilegere importance,ie
i dyhardiment, que c'eſt non ſeulement lamarque de noſtre redemption,
º mais auſſile ſeulſigne qui aeſté donné, comme dit noſtre Seigneur à la
gentperuerſe & adultere : c'eſt à dire aux Infideles, Athées & Heretiques,
car iladict qu'il ne leur donneroit que le ſigne de Ionas le Prophete qui
fut troisiours & trois nuictsauventre de la Baleine, comme luyau Sepul
- -
chre, reſuſcitant le troiſieſme iour,iuſques-là qu'ilfaut quelesTurcs paſ
-+--
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de la Croix. 55
ALPHABET D E s IA C o BITE s.
ºX.É.S X E,8\ 5 H U.
ALPHA . VVEDA . GA 1Mr. • DELDA - E - Z SO - SYETA HEDA° THEDA .
5 a X ſc cl5OTIP
, ioDA. cABA . LavDA. ME : NYN , Axi .. oFF I
E TY PxºUU
: SIGMA ©
EPSI t> O ©
ºu u b b z xri +
,SCHEY .. VEY .. C HA . CHY . HORI . G EVSA . SIMA » DY -
-
A L P HAB ET D Es c o P HIT E S.
ſl
A BN> F8VBHC ee
ALPHAVVEDA GAMMA DELDA- E 2 S o , sYETA . HEDA. THEDA .
U,vcgbb sxe#
° , scHEY . vEx. cHA cHY. HoRx. GEvsA. siMA , Dx .
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56 Le Triomphe
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A L P H A B E T D E S G E O R G I A N I E N S.
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i.
de la Croix. 57
Chriſtianiſme apris le Mahometiſme, pour la douceur, la cruauté: pour
la pieté, l'irreligion,pour lavertu,levice : elle en † les bonnes lettres ont
fleury ſilong-temps, & qui fait maintenant profeſſion d'ignorance, qui
eſtoit autres-fois la demeure des Saincts, & qui eſt maintenant la retraicte
de ceux quin'aſpirent qu'à la ruine de toutl'vniuers, quiauoit autres-fois
le Soleil deiuſtice quil'eſclairoit, & quin'amaintenant que la Lune : qui
# marchoit ſoubsl'enſeigne du fils de DIE v,& maintenant ſoubs celle d'vn
- ſeducteur, bref qui eſtoit l'eſpouſe legitime du Tres-haut, pour la fidele
obeïſſance,& lesloüanges continuelles qu'elle luy rendoit, maintenant
cettegrande paillarde ſeine de rebellion, & en laquelle on entend conti
nuellement d'execrables blaſphemes contre ſa ſaincte Maieſté. Cartoute
l'Aſie,l'Affrique, & vne partie de l'Europe n'ont elles pas beuduvin de ſa .
fornication ? tant de Roys qui ont fleſchy & fleſchiſſent encore le col
ſoubs ſa domination, n'ont † pas tenu ſameſme croyance à tous les mar
chans de tous les cantons de la terre, ne ſe ſont ils pas enrichis de ſes
delices : ne ſe ſiet elle pas ſur les eaux à l'emboucheure du Boſphore, &
comme Royne au milieu de toute la terre, qui ſert de bouleuert & de
† à ces deux grandes parties du monde l'Aſie & l'Europe, en qui
'or,largent,les pierreries,les richesteintures,ſont en plus d'abondance
les plus rares, excellentes & belles,la plusabondante enriches ouurages,
· en mignardiſes & delicateſſes, en proportion deſquelles choſes tout ce
qui ſe void au monde eſt gauffe, mauſſade & ſans inuention, qui ne re
cognoiſt point de ſuperieure, ayant ſecouéle ioug de ſes Seigneurs, ville
forteparnature & parart,à quilamer & laterre ſemblentauoir contribué
toutcequ'ils auoient deferé, pourl'enrichir,l'embellir & la fortifier, & en
† dabondant toute la force de ſon Monarquefaict vne continuelle re
idence.De façon que tout ainſi qu'elle atiré de l'ancienne Rome toutes
ſesgrandeurs : § toutes ſes abominations, tyrannies & diſſolutions, ſe
ſontcoulées en elle, eſtantpour le preſent, cette grande Babylon, cette
#ere des paillardiſes, puis qu'apresvn ſigrand § de ſaincteté, & vne
ſilongue profeſſion de la Religion ſaincte, elle a faict banqueroute à ſa
foy; & s'aueuglant § , s'eſt volontairement precipitée dans
destenebres palpables d'ignorance & d'erreur, adultere quia quitté ſon
ºgitime eſpoux & ſouuerain ſeigneur,pour eſpouſerlesfantaſques reſue
- liesd'vn ſeducteur. - - -
|| -
58 Le Triomphe
eſpritimmonde,elle qui ſelon Nicephore Gregor.li.4. eſtoitappellée le
- miracle du monde,lanouuelle Rome, & la floriſſante : ne la pouuons
# nous pas dire toute pleine d'obſcurité: -
--
celle-cy eſt le lieu oùvous deuez proprement eriger vos trophées. Vous
n'acquiſtesiamais couronne plusilluſtre, carvous ne meriterez-pas ſeule
ment la couronne ciuique pourauoir ſauuévncitoyen, maisl'obſidiona
-
le commevaillans capitaines, quiaurez ſauué pluſieurs citoyens , puis que
tousles Chreſtiens militent ſoubsvnmeſme chef, & que ceux qui ſont en
-'a
graceſont vrays citoyens de la ſaincte cité. Ainſi la fragrante odeur de vos
vertus, & la ſplendeur de voſtre doctrine puiſſe eſpouuenter tellement
ces peuples circoncis,quefuyanslevice &l'erreur,ilsviennétenfin preſter
le ſerment de fidelité† l'enſeigne dugrand Roy, ſe repurgeans dans
--
Caligula, Neron, Domitian, & vne infinité d'autres princes, & entre
ceux-meſmes qui ont faict profeſſion de lavertu, ou dela ſcience; l'vn &
l'autre, les atellementeſleuez par deſſus eux-meſmes (comme vn Pytha
goras, Empedocles,Apollonius Thyaneen, & vneinfinité d'autres)qu'ils
ont tous creu pouuoir ſubſiſter par eux-meſmes, ce qu'ont deſiré ſçauoir
Adam & Eue, qui ſçauoientnaturellement laſcience del'honneſte,del'v #
tile,
D1Ev & de
delectable,
ſçauoir ce mais
ſecretnon pas ſeulement
là, non celle de leur
deeſtre, n'appartenant
ſoy-meſme, mais auſſiqu'à §eſſio,
de ſçauoir.
toutes creatures, auſquellesil eſt totalement deſnié.Voyla pourquoy le
lus meſchant de tous les hommes, à ſçauoirl'Antechriſt, le ſouſtiendra
à cor&à cry, d'autant qu'il ſe dira eſtrelevray DIE v. Le monde corrom
pufiniſſantainſi parce moyen comme il acommencé, tant la viciſlitude
deschoſes eſtadmirable.Mais puis que nousvenons de parler d'vne ville
dUX ſeptmontagnes : ie veux encore faire icy vne remarque, qui ne ſera
«,
| 6o Le Triomphe
. les aſſembler, & venir en Hieruſalem, pour rebaſtir leur temple, pour y
tenir ſesaſſiſes, & là ſe faire adorer comme DIE v. A quoy peut-eſtre ne
L'Antechriſt -
|| ,† ſe rapporte pas trop mal ce qui eſt dit en l'Apocalypſe II. que cette ſaincte
-
cité doit eſtre foulée aux pieds parles nations, l'eſpace de quarante-deux
-
#. mois,terme de l'Antechriſt, & que les deux grands Prophetes enuoyez
--
duTres-haut pour preſcher la ſaincte doctrine,y doiuent eſtre mis à mort
- parluy.Car l'Apoſtre dit notamment que ce doit eſtre en cetteville,où leur
-
Seigneuracſtécrucifié.Joint qu'il eſt dit qu'ilſe doitſoir au lieuſainci,&auquel
tous les Roys & les peuples feront ioug De ſorte que les trois villes les
plus renommées du monde, ce ſont celles quiauront le plus trauaillé l'E
#-gliſe
ebres a iept de D1Ev : à ſçauoirl'ancienne Rome en ſon enfance, Conſtantino
- - - -
• • §& ple à ſon progrez, & Hieruſalem à ſon berceau, & à ſa fin : toutes trois
conſiderations $o A
-
§ayans ſept montagnes, toutes trois fort-grandes,fort ſuperbes,fort riches,
- 5 - - - x -
62 Le Triomphe
ritablemét leur Roy)nepouuansauoir IEsys CHRIST pour chef,quieſtle
:
rádennemy de la diſſimulatió;ilfaudra de neceſſité qu'ils recognoiſſent
'Antechriſt qui doit auoir tous les deux viſages, tât de ceuxqui cótreferót
i,
les hübles, que de ceux qui ſous pretexte dereformation, renuerſent tout
| ordre,& neſe ſouciét que d'eſtablir leur fataiſie.Voyla pourquoyilneluy
ſera pas difficile de leur faire prendrel'accouſtumance de faire ce ſigne,au
uel enverité ils n'ont pointcreu.S.Hyppolite,lequel nousau6s cotté cy
:
§ s,eſt d'opinion que le n6 quiſera grauédans ce cachet,& ce caractere
|
ſera le mot,Arnoumai,c'eſtà dire,ie renoce,à ſçauoir le Createurducielc9 de
laterre, le Fils de DIE v crucifié,le Bapteſme,la Religion,c9 m'adioinéis à toy &
tecroy : & à laverité cette confeſſion de foyimprimée en lan 16o3. n'en eſt
guere eſloignée, car partoutonytrouue ces mots : Ie deteſte, i'abhorre,
aulieu d'vſer de celuy de, Ie croy, comme on doit faire en vne profeſſion
defoy : car là on deteſte la neceſſité abſoluë du Bapteſme, on abhorre la ſainčte
Meſſe, la Presfriſe, linuocation des ſaincts Anges cº des Sainéts, la venera
tion des Images, c9 ſur tout de la ſaincte Croix, & meſme leſigne d'icelle, De
dicaces de temples, Purgatoire,prierepour les morts,proceſſion & Letanie deteſta
ble (ce ſont leurs mots) repentance deſeſperée, e9 ſatisfaétion des hommes pour
leurs pechez,iuſtification par les auures, & vne infinité d'autres choſes ſain
• º-
ctes par eux deteſtées & abhorrées, eſtans comme ils diſent,maintenant en
| -
tierement reſolus de la verité, ce qui eſt ce me ſemble bien tard, & cette Re
ligion eſt bien moderne, pourauoirtant remué le monde, & cauſé tant
|! de deſordres, de maſſacres & de confuſions, comme ellea faict par toute
la Chreſtienté : s'eſtans bienaduiſez ſur le tard,de ſe trouuervneforme de
Religion, & c'eſtauoir demeuré long temps en ſuſpens en vne affaire ſi
-:
importante que le ſalut, dangereuſe marqueàlaverité, & fort conforme
à celle de l'Antechriſt : DIE v leur faſſe la grace de ſe recognoiſtre, afin
-
qu'ayás deſia preſchéla doctrine de ce meſchant, ilsn'adherentauſſi quel
ques-foisàluy, eſtans ſi conformes en pluſieurs choſes. \
Mais les laiſſans abhorrer & deteſter le ciel & la terre, toute ordre &
| toute authorité Eccleſiaſtique, & tout ce qui eſt de plus ſainct & venera
: ble parmy nous. I'aime mieux me ſeruir de ce que dit ce ſainct deſia alle
| gué, c'eſt qu'apresl'extermination de ce deteſtable, le ſigne de la Croix,
11
depuis l'Orient iuſques en l'Occident, ſe monſtrera reſplendiſſant par
deſſus la clarté du § , & ſignifieralavenue du Iuge, & ſon apparition
--
euidente pourrédre àvn chacun ſelon ſes œuures.(Tout cecy ſoit dit tou
tes-foisauec condition de me ſoubſmettre à tout ce qu'ilplaira à la ſaincte .
| l' * -
de finira : Hommes, dit l'Apoſtre, amateurs deux meſmes plus que de D1E v:
auſſiappelle-ill'Antechriſt, homme depeché, non ſeulement à cauſe qu'il
ſera extremement deſbordé & remply de toutes ſortes devices,mais à cau
ſe de ce péchénotable, de ſe dire D1 Ev, & le Redempteur des hommes
comme il fera, & d'autant que ſoubsl'apparence de vertu, ilabyſmera en
tant qu'illuy ſera poſſible, l'vniucrs dans l'iniquité. -
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|| | | 64- Le Triomphe de la Croix.
|| | l Damaſc. li. 4. actions, en ſes afflictions, majs ſurtout en ſes tentations, puis que vous
de org.fid. eſtesl'armure,le bouclier & le trophée contre le diable,le cachet quiem
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eſchele deſtructeur de nous attaquer,le releuement de ceux § t6
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peché,racine de reſurrection,& finalementbois devie eternelle.
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Obſeruations
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R E MAR Q V E S
plus notables de la prouidence
D E D I E V:
EN L' A C C R O I S S E M E N T D E L A
Domination des Princes Othomans, & decadence
de l'Empire Grec, & autres Seigneuries
qu'ils poſſedent à preſent.
' Sur l'Hiſtoire des Turcs de Laonie Chalcondile, eAthenien.
Quefera doncle lecteur Chreſtien quila lira, & qui ne s'amuſe pas à pcr
deletemps ſurvnliure,mais quiveut entirer du § & du profit, & qui
dailleurs n'a pas d'inclinationaux armes ? Mais ſur tout, l'homme porté à
pieté , quiverrales ennemis de ſaReligion, s'accroiſtre & s'eſleuer en ſi
Pºdetemps, & auec tant de proſperité, quel contentement tirera-il de
ºlecture ſinon comme vnautre Eſdras ſe plaindreau Souuerain de la
# I ij
68 Obſeruations ſurl'hiſtoire
miſerable captiuité d'Iſrael, & par vn excez de zele, franchiſſant parauen
turelesbornes dureſpect qu'il doit à ſa ſaincte Maieſté , branſler en cette
ferme croyance qu'il doit auoir en ſa ſaincte Prouidcnce & iuſtice, s'il n'eſt
addreſſé par quelque conduitte ? -
Afin doncque cette lecture ne ſe face point ſans contentement & vtili
té, & tout § que les abeilles, qu'vn chacunpuiſſe du thirſ de cesamertu
mes enformervn doux & delicieux mield'inſtruction ;ie deſire parvnere
cherche particuliere desactions plus notables qui ſe peuuent remarquer,
tantenl'hiſtoire de Chalcondile, qu'enlacontinuation que i'ayadiouſtée,
fairereluire en public,les beaux traicts del'eternelle Prouidence,& deſare
doutable iuſtice,parl'accroiſſement del'Empire des Turcs,& la decadence
de celuy des Grecs, acheminant par ce moyen les plus incredules iuſques
dans le Sanctuaire de latres-ſaincte Diuinité: ce qui ſera cauſe de faire, non
ſeulement conuertir cette lecture prophane en pieté; mais encore par vne
meditation hiſtorique fera toucherau doigt, & en peu de paroles,ce quiſe
retrouue de plus remarquable, parla cognoiſſance qu'on aura en vninſtant
de l'origine, du progrez & de la fin de chaque choſe. Ioinct que les Turcs
entre leurs erreurs plus notables, tiennent queleur Religion ſe doit planter
arlesarmes, commeila eſté dit au diſcours contre Mahomet; & voyant
† affairesſibien proſperer,ſe fortifient de plus en plus en cette croyance.
De ſorte qu'il ſemble que D1Ev les fauoriſe au preiudice du Chriſtianiſ
me. Pour donc fairevoir clairement la fauſſeté de cette opinion, & que ſe
In Pſalin. 54, lon le dire de ſainct Auguſtin : le meſchant vitafin qu'il ſe corrige, ou afin que le
bon ſoit exercépar luy, & que cette innondation de peuples quis'eſt reſpăduë
ſur l'Europe, depuis trois censtant d'années, n'eſt enuoyée que comme vn
fleau, commeiadis les Egyptiens, Aſſiriens, les Medes & les Perſes, †
le chaſtiment du peuple de DIE v,lequelenfin,ſelon le dire du Prophete,
Exech. 39. y. 3. briſera larcen la maingauche de Gog, & luyfera tomber lesfeſches de lamain droi
éie : & iettera en fin le tout au feu (ſi eux-meſmes ne ſe retournent à luy de
tout leur cœur)reſſentans plus auviflarigueur de ſa iuſtice, d'autant qu'ils
en aurontabuſé. -
Car bien que ie confeſſe les Turcs eſtre auſſi entendus en l'art militai
re, que peut-eſtre nation qui viue auiourd'huy par l'vniuers ; ſi eſt-ce
que la lecture de cette hiſtoirea peu faire voir iuſquesicy, & fera encore cy
· apres, que leurs plus grands exploicts, ſe ſont executez lors que les Chre
ſtiens eſtoienrles plus diuiſez,ayans pluſtoſt ſurmontélesvilles & les pro
uinces par multitude, que par vertu, & bien ſouuent ſans coup ferir De
ſorte que partout reluitlaiuſtice Diuine contre lameſchanceté des peuples
ſurmontez, & la ſageſſe de ſa Prouidence, enl'expulſion desvns, & enl'e
ſtabliſſement des autres, Car encore qu'il ſe puiſſe dire que les Turcs ne
ſoient pas plusgens debien que ceux qu'ils ontreduits § les gra
ces toutes-fois qui ſont largement departiesaux Chreſtiens, & qui ne ſont
point communiquéesaux autres,donnét quelqueaduantageaux Turcs,car
§ le regard des cruautez qu'ils ont exercées contre les Chreſtiens, c'eſt-là
8o
echaſtiment que ie deſire faire voir.
Et
de Chalcondile. 69
Etd'autant quel'hiſtoire de Chalcondile eſt diuiſée d'auec la continua
tion,ilſemble bien raiſonnable que les meditations en ſoientauſſi ſeparées,
que iaymiſesapres le diſcours, contre les erreurs de Mahomet, afin que
toutes choſes ſe peuſſent plus clairement & plus nettement iuger quandon
verratant d'ignorance, de cruauté & d'impieté auoirpris racine au milieu
meſme du peuple eſleu, & ce par vn homme perdu entoutes ſortes de deli
ces & devoluptez,ieveux dire Mahomet. Quant à la continuation de cet
tchiſtoire, le Lecteurtrouueradoreſnauant ces obſeruations, à la fin de la
viedechaque Empereur, afin que la multitude des diſcours, & la diuerſité
desaffaires ne luy donnaſtdel'embaraſſement, & ne luy fiſt perdre la me
moire des choſes quiyſeront remarquées,ſion les euſt miſes à la fin de tou
tel'hiſtoire, ce qu'on n'a peu faire dans le Chalcondile, pour n'auoir point
voulutrancher le fil deſon hiſtoire par cette diſgreſſion. Toutes leſquelles
recherches,ſe feront toutes-fois ſans curioſité, de crainte de raualler DIEv
iuſques à nous, & que voulans penetrer dans la profondeur de ſes iugemés,
nous nous perdions dans l'abyſme de ſon immenſité. Nous nous eſſaye
rons ſeulement ſurles choſes que nousaurons en main, & ſur les occurren
ces de l'hiſtoire, pour nous pouuoir rendre pluſtoſt meilleurs que ſça
lldllS. - -
enſeuely, & qu'on criaſt à ſon de trompe que, Saladin dompteur de l'Orient
m'emportoit de ce monde queceſeullinge, cette conception eſt plus braue & pro
fonde qu'elle ne paroiſt. - -
,
76 Obſeruations ſurl'hiſtoire
Mais en parlant des Chreſtiens,il n'yapoint de danger de fairevoirque
ſionvſe de tellevangeance contreleboisverd, que celuy qui eſt ſec & ari
de eſt bien digne d'eſtre mis au feu : Ie dy cecy pour Baiazeth,lequel ſe fai
ſantappeller # foudre du ciel,croyant qu'iln'yauoit puiſſance quiluypeuſt
l. 2 c.3. eſtre eſgalée, la diuine iuſtice qui vouloit auſſi prendre vangeance des
Turcs,quiauoient tant de fois ſi inhumainement traicté les Chreſtiens,
permit que Baiazeth s'attaquaaux autres PrincesTurcs qui eſtoientenl'A
ſie, & que les priuant de leurs heritages, ils fuſſent contraincts d'auoir re
coursàThemirouTamerlan, pourl'inciter à rabattrel'orgueil de l'Empe
reur Turc, comme il ſe diracy-apres. -
K iij
78 Obſeruations ſurl'hiſtoire
Mais commeiln'auoit eſté enuoyé que pourchaſtierl'orgueil de Baia
zeth, & celuy des peuples qui eſtoient ſoubs ſon Empire (laiuſtice Diuine
l.3. c. !. vangeant parvn Mahometan,le mal que ceux de ſa ſecte auoient faict aux
Chreſtiens) Quandil voulut entreprendre des'agrandirailleurs, & faire la
guerre contre les Scythes, autrement qu'à ſon corps deffendant, il ſe vid
auſſi-toſt defauoriſé. De ſorte que ſoit qu'ilait entrepris ſurles Chreſtiens,
ou ſur les Idolatres, rienne luy a proſperé, pour le moins ya-il eu fort peu
d'aduantage,ie parle icy ſelon que Chalcondile deſcrit cette hiſtoire, car
ſelon celle quieſt enl'Eloge,les choſes doiuent eſtre autrement conſide
rées, mais l'opinion de Chalcondile eſt la plus vulgaire. .
Pour monſtrer encore que c'eſtoit principalement contreles Turcs,qu'il
eſtoit enuoyé, c'eſt que Tamerlan ou Themir ruina Sebaſte de fonds en
comble, taillant tout en pieces, iuſques à vn : or cette Sebaſte auoit eſté la
premiereville capitale de la domination des Othomans. Ie trouue encore
ſoubs cecy vnautre ſecret, c'eſt que tousles Chreſtiens qui auoient eſtére
duits en captiuité parlesTurcs, auoient eſtétranſportez en Aſie, leſquels
furent pour la pluſpart taillez en pieces par Tamerlan, tant la iuſtice diui
ne chaſtie ſeuerement ceux qui ont abuſé de ſes graces:car ceux quiauoient
plus de liberté que les autres,à ſçauoirlesTribales ſeruoient Baiazeth enſes
uerres, comme gardes de ſon corps, n'ayans point de plus fideles ſoldats
à faire laguerre contre leurs freres, tant la pluſ-part des Chreſtiens ont peu
de reſſentiment de Religion, & tantils font plus de cas d'vn peu de com
l.3.c.1o.
modité temporelle que de leur propre ſalut, mais ceux-cy en furent bien
payez, carils furenttous deffaicts en cette grande bataille que perdit Baia
zeth leurfidelité&valeuraeſté cauſe que les Empereurs Turcsſe ſont touſ
iours ſeruis depuis de Chreſtiens reniez pour la garde de leur corps, & prin
cipalement d'Européens, comme il ſe dira en autre lieu. -
de ſe |
de Chalcondile. ", 79
deſeretirer au logis : ie remarque encore que Baiazeth s'endurcit comme
, vnautre Pharaon en ſa propre miſere, parlant auecaudace à celuy qui lete
noit captif,laquelle ſuperbe fut cauſe de tous ſes malheurs : au contraire de
Themir, qui ſagemétrecognoiſſoit l'inſtabilité des choſes humaines,ſere
tirant de ſes entrepriſes , & faiſant paix auec les Indiens, leſquels l'auoient
neantmoins beaucoup offencé. Adiouſtez à toutes ces conſiderations le
plus grand effect qui arriuaiamais au monde en la deffaite de Baiazeth : car
ce que pluſieurs batailles ne deuoient pas donner à Themir, bien qu'il euſt
touſiours emportélavictoire! vne ſeule luy met ſon ennemy, & tous ſes
enfans entre les mains, & l'entiereiouyſſance de tout ce que les Turcs te
noient enl'Aſie, qu'ilsauoient conquis auectant de peines & en tant d'an
nées, DIEv voulant faire voir aux Chreſtiens qu'il pouuoit en vn inſtant
terraſſer leurennemy, & par leurs propres mains, s'ils euſſent voulu mar
cherſoubs ſon enſeigne, c'eſt à dire faire ſa volonté; mais il fallut qu'ilfiſt
naiſtre d'ailleurs vn homme qui fiſtcegrand coup & admirable à la po
ſterité: carbien qu'ils n'euſſent pas touſiours huict cens mille hommes, ſi
eſt-ce qu'ils en ont eu, auvoyage de Godefroy de Buillon en la terre ſain
cte,iuſques à ſix cens mille, & bien d'autres hommes que les Aſiatiques,
&endiuerſes rencontres, qu'ils ont euës en Hongrie;ils ont bien-ſouuent
combatu du pair, & ce qui eſt de plus ſignalé, e'eſt qu'encore qu'ils ayent
bien ſouuent §l victoire, ils n'ont ſceu s'en approfiter le fruict,
pour reconquerirſeulemétvne portion du pays qu'ils auoient perdu: mais
celaſeremarquera mieux cy-apres. -
:
Vºylapourquoyonaveu lesTurcs proſperer, & les autres infideles, au
8o Obſeruations ſurl'hiſtoire
contraire des Chreſtiens, qui ont faict & feront touſiours malleurs affaires
auec eux, s'ils ne ſe retournent de tout leur cœurvers leur Seigneur; les vi
ctoires qu'on obtientſurles hommes eſtant vn chaſtiment, nonvnegrace,
mais le Pere eternelne mettra point les verges en la main de ſes enfans re
belles,pourchaſtier ſes eſclaues,ains au contraireilfortifierale bras de ceux
cy,pour prendre punition des deſobeïſſances de ces ingrats,& cela eſtfort
a remarquer.
Ce grand D1Ev quiauoitcheminé contre les Chreſtiens auecdes pieds
delaine,entraau combat contrelesTurcsauecdesaiſles d'Aigle,& des bras
de fer; les ayans terraſſez comme vousauez peuvoir, & reduits en vne de
lorable miſere,vangeantainſila Maieſté de ſon ſainct nom ſur Baiazeth &
† ſiens, quiauoicnt mis toute leur eſperance en la force deleurbras, don
nant lieu aux Chreſtiens de pouuoir meſmes recouurer ce qu'ils auoient
perdu, & rentrer dans leurs anciennes ſeigneuries, s'ils euſſent ſceuſe ſeruir
del'aſſiſtance de ſa pitoyable miſericorde : mais au lieu de ſe ſeruir d'vne ſi
bóne occaſió,quileur auoit eſté cóme enuoyée miraculeuſemêt d'enhaut,
† ruiner entieremétl'ennemy commun. Les Grecs meſmes quiauoient
e plus d'intereſt à la cauſe, & ſurtout ceux de Conſtantinople,qui auoient
eſté à deux doigts pres de leur derniereruine,ſont ceux qui donnent les pre- .
miers du ſecours à Muſulman fils de Baiazeth, tandis que Myrxas, ou Marc
Ducde Valaquie, prent le party de Moyſe, luy donne appointemét & for
ces pour rentrer dans ſes terres, & dans ſon Empire : qui pourra donctrou
uereſtrange,ſiles Turcs ont depoſſedé les Chreſtiens, puis qu'ils ont taſ
ché eux-meſmes, & les ontaydez à s'eſtablirº Queſiiadis Iules Ceſar,apres
la bataille de Pharſale, voyant le grand nombre de corps morts eſtendus
dans le champ de Pompée,ne ſe peut tenir de dire en ſouſpirant.Ils lontainſi
voulu, cº m'ont contraint à ce faire. Le grand DIE v ne pouuoit-il pas dire
des Chreſtiens le ſemblable, puis qu'il leur amistant de fois les moyens en
main pourſe liberer de leur captiuité: deſquels au lieu de ſe ſeruir, les ont
conuertis contre eux-meſmes, à l'aduancement de leurs ennemis; car s'il
ne les euſt chaſtiez, & ſe fuſt touſiours comporté auec eux la main deſar
mée apres tant de graces qu'illeurauoit faites, n'euſſent-ils pas abuſé deſa
bonté & miſericorde? - -
Etàlaverité cettuy-cy eſtoit plus digne de ſecours que tous les autres,
puisqu'ils'eſtoitfaictbaptizer, mais ſicela euſteſté les Chreſtiens euſſent
eſtéenliberté, & ilfalloit qu'ils fuſſent chaſtiez plus ſeuerement qu'ils n'a
uoientpoint encore eſté,puisqu'ilsauoient accumulé de nouueaux crimes
ſurlesprecedens. - - -
Voicyencore vnc autre occaſion qu'ils eurent de bien faire leurs affaires
durant tous ces troubles & diſſentions ; mais au contraire ils eſleuerent
Mechmet premier du nom, iuſques ſurle troſne,quiàlaverité le recognut
Parapres mais#ncore les Grecs n'en firent-ilspastrop-bien leurprofit, & .
encore moins les autres nationsChreſtiennes:carenvnſigrand deſordre,&
changement de tât de Princes enſi peu de temps,apresvnſigrand debris il
nyanuldoute que chacun euſtrepris ſapiece,s'ils ſe fuſſenttous bien en
tendus, caron le remarque en ce Muſtapha, quis'eſleua contre Mechmet,
lequels'envintàrefugeaux Grecs,comme à ceux quiluypouuoientleplus
' ayder, & cependant tout ce qu'ils firent, ce fut de ſe reſtablir dans le Pelo
Poneſe, & de faire refaire la muraille de l'Iſthme.
Toutes-fois cela me faict voir que DIE v fauoriſoit encore les Chre
| tiens, & leurauoit donné cepeu de reſpit pour ſe recognoiſtre, veu meſ
melavictoirenauale qu'eurentlesVenitiens contrelesTurcsau deſtroit de****
Gallipoli,mais tout § touſiours de pis en pis, ſoit entre les Grecs & les
lºliens,eeſtoitauſſien ce temps queles partis d'Orleans & de Bourgon
$ºº,mettoient toute la Frâçe à § &à ſang,& que principalemét Iean Duc
ºBourgongneaccôpliſſoit ce queleNegromancienTurcauoitpredit de
luy,lors # fut pris en la § de Nicopoli par Baiazet, il dit àcet Em -*
82 Obſeruations ſurl'hiſtoire ,
pereur quile vouloit fairemourir, Gardemoy ceieune homme, quituera plus de
Chrestiens,queneſçauroitfaire ton armée : Et à laverité ce fut vn Prince vraye
ment né pourlaruine de ſapatrie, ſon eſpée n'yayant pas eſté moins cruel
le quele Cimeterre du Turc, au pays qu'il auoit conquis. Quant aux Ita
liens,les Venitiens & Geneuois, ſe ruinoient lesvnsles autres, & les Grecs
uin'auoient plus lesTurcs à combatre,recommencerent leurs vieilles diſ.
§ la quantitéd'enfans qu'auoitl'Empereur Emanuel,qüiache
uerent de iouer la cataſtrophe & derniere tragedie de cette Monarchie
Grecque. Ilfaut auſſi remarquer que ces Empereurs Grecs manioient le
ſpirituel & le temporel, eſtans Patriarches & Empereurs,ſiperdus & ſideſ
bordez commeils eſtoient, quia eſtéencorevne augmentation de maledi
ction ſur eux, ces deux dignitez ayans des fonctions ſi contraires les vnes
-
auxautres, quela Prouidence eternelle en doit eſtre continuellementado- .
rée, pourlesauoir ſi diſtinctement ſeparées en tous les eſtats & contrées de
· l'vniuers, & principalement enl'inſtitution de noſtre ſaincte Religion,fai
ſant rendre à DIE v ce quiluyappartient, & au Prince ce qui luy eſt deu.
Car encore que ſa Maieſté ſaincteaitl'authorité ſouueraine au ſpirituel &
au téporel,toutes-fois les Roys ſont eſtablisſes Lieutenans aux choſes tem
porelles : & les ſouuerains Pontifes ſes Vicairesauxſ† iene pen
ſe pas que nyl'vn nyl'autreſe puiſſentiamaisvnirenſemble, qu'auec la deſ
vnion & le deſmembrement de l'vniuers, parauenture lors quel'abomina
tion de la deſolation ſeraaulieu ſainct. Ces chapitres onzieſme & douzieſ
me, font cependantaſſez remarquer § Chreſtiens eſtoient lors
alienez deleurbon ſens; caraulieu de ſe maintenir & ſe fortifier contre les
accidens quipouuoientarriuer tandis † la faueur de cet Empereur Turc
leuren donnoitleloyſir: ils ſe bandent lesvns contre les autres à qui pis fe
roit,s'emparât chacun de ce qu'il pouuoit ſur ſon compagnon, ce qui ache
' ua de ruinertout : car ces vſurpateurs ſe ſentans foibles pour maintenir &
deffendre ce qu'ilsauoientvſurpé contre les plus puiſſans du pays,appelle
- rent lesTurcsàleur ayde, & leurs donnerent eux-meſmes entrée iuſques
dans leurs fouyers, ſe perdans eux & leur patrie pourvnearnbition § -
ſurl'hiſtoire
& quil'a encoreauiourd'huy le plus en vſage , toute la Chreſtienté ayant
eſté preſque foudroyée par luy, & par eux contre eux-meſmes,parces bou
ches infernales : mais remarquez encore cettcinuention arriuée iuſtement
à la deſtruction de ce grand Empire. Et à la verité Conſtantinople eſtoit
imprenable ſans ces foudres terreſtres, mais Mahomet ayant appris à nos
deſpens comme ilenfalloit vſerſoubs l'experience de ſon pere Amurath,
il § ſentir qu'on auoit forgé le couſteau, duquel il deuoit couper la
gorge. . -
" • J
- de Chalcondile. 87
lauthorité du chef, & acheminez parl'obeïſſance : mais cependant on oſte
Thuracále plus ſage & le meilleur chefdel'armée d'Amurath, qui pouuoit
faire beaucoup de malaux Chreſtiens, s'il fuſt demeuré en charge : mais
DIE v vouloit qu'ils euſſent pour cette foisl'honneur & la victoire, pour .
touſiours leur faire cognoiſtre ſa paternellebonté, & qu'il leur donneroit
touſiours ſonaſſiſtance,s'ilsluyvouloient rendre obeïſſance,& faire ſa ſain
cte volonté. - >
Mais toutes leurs victoires leur furent de peu d'vtilité, car ne s'eſtans -
oint ſeruis deleur aduantage, qu'à faire retirer quelques garniſons qui º7º
eſtoient dans les places deleurvoiſin, qui encore # rendoit tributaire, ils
firent incontinent la paix,laquelleilsrópirent auecautant de perfidie,qu'ils
lauoient conclueauecimprudence:auſſine leur en † du mal
heur,caraumoins deuoient-ils denoncer la guerre, & trouuer quelque ru
ſe& quelque ſubiect de plainte: mais de plein ſaut, & ſans que les Turcs de
, leur part euſſent enfrainctle traicté de paix : les Hongres ſeruerent ſur leurs
· ' places : mais voyez comme DIEv donnaſamalediction ſur leurarmée,leur
faiſant cognoiſtreau doigt & àl'œil, qu'il ne fauoriſoit iamais la perfidie,
pour quelque pretexte que ce fuſt; ils auoient tout à leur aduantage, car
Amurath & ſes forces eſtoientenl'Aſie contre le Caraman : ceux des places s
&lesgarniſonsTurques qui eſtoient deçà & delà, ne ſetenoient point ſur
leursgardes. Les Chreſtiens auoient au contraire vne grande & puiſſante
armée conduite par le plus grandguerrier, & le meilleur Capitaine, quiait
' eſtéentreles Hongres; & neantmoins tant s'en faut qu'ils fiſſent aucun ef
fect,qu'ilsruinerent pouriamais leurs affaires en la perte de cette memora
blebataille de Varnes, enlaquelle cecy eſt remarquable, que le malheur
principal & le premier, § tant ſur ceux qui auoient eſté les premiers .
- † àcette perfidie, que ſur celuy qui auoitfauſſé ſa foy: car le Car
dinalIulianCeſarinyfuttué, & deux Eueſques de Varade & d'Agria qui
ſe noyerent apres auoir eſté cauſe du deſordre qui ſuruint en l'armée
Chreſtienne, parleur mauuaiſeconduite, & pour eſtre ſortis de leursrangs
lois qu'Huniade commençoit d'auoirtoutaduantage ſurl'ennêmy,lequel
meſme eſtoitſ deſeſperé dugain de cette victoire, qu'il commençoit de
ºuterſaretraicte,voyantvne partie de ſes troupes taillée en pieces, & le
reſte mis en fuite : toutes-fois comme il eſtoit en ces acceſſoires, on dit
ºil tira de ſon ſein vne ſaincte Hoſtie, qui luy auoit eſté baillée par le
9yLadiſlaus pourgage tres-certain qu'ilgarderqitinuiolablement la paix
Pºluyiurée,& qu'eſleuant lesyeuxau ciel, il profera à haute voix ces pa
ºlesiCHR sT ,ſitu es D 1E v, ainſique tes Chreſtiens aſſeurent, vange leur
Perfidiee9- deſloyauté,puis qu'ils t'ont donné à moypourgage de leur foy, & cepen- .
"º»nemeſchancetéſigrandeils violentlapaix quenous auonsſireligieuſementfai
#:ºnler
d
& cefut lors, diſent
: Deſorte leschance,
quela Autheurs, que l'armée Chreſtienne commença
comme ondit, eſtant changée,l'armée
paux
ºiennefuttoutetaillée en pieces auec
ſeigneu rs Hongres & P § le Roy Ladiſlaus & les princi
auecluy, encore qu'auectouteap
Pºnceildeuoit emporter le deſſus,&l'hóneur de lavictoire. En quoyon -
- \ -
88 Obſeruations ſur l'hiſtoire .
peutremarquervne grande& manifeſte iuſtice diuine, & vne preuue de la
realité du corps de noſtre Seigneur enla ſaincte Hoſtie, car c'eſt en cettefa
çon qu'en parle Amurath diſant (puis qu'ils t'ont donné à moy) & vn no
table exemple que D1E v n'eſt point accepteur de perſonnes, ne fauori
ſantiamais ceux qui prennent ſon ſainct nom envain.Mais à tout cecyi'ad
iouſte quel'endurciſſement du cœur del'homme eſt extremement deplo
rable,carpuis qu'Amurathauplus fort du dangerauoireurecours à ceſou
uerainSeigneur quil'auoitfauoriſé de ſon aſſiſtance, luy donnant l'hon
neur de la victoire qu'il auoit auſſi-toſt obtenuë en l'inuocation de ſon
ſainct nom : pourquoynele recognoiſſoit-il pourtel qu'il s'eſtoit monſtré
en ſon endroict, c'eſt à dire pour D1 Ev, & s'il eſtoit D1Ev, pourquoyne
quittoit-ilſon faux Prophete : Iadis Conſtantinle Grand ſe conuertit pour
vn ſemblable effect, & planta la Religion Chreſtienne par tout l'Empire
Romain, il eſtvray que cettuy-cy creut ſimplement, auec intention de ſe
conuertir au cas qu'il peuſt deffaire ſon ennemy,mais Amurathauoit dit ce
la par vne maniere d'acquit, & tout tráſporté de colere:de ſorte qu'il oublia
auſſi toſtlebien-faict que le perilfut †
uy
;plus excuſable toutes-fois,ſans
n'eſtoit point initié aux myſteres
comparaiſon que les Chreſtiens, car
de noſtre Religion, & n'en croyoit du tout rien, mais eux qui faiſoient
rofeſſion de croire que ſoubs les eſpeces de la ſaincte Hoſtie,le Corps &
† SangdeleurSeigneur eſtoientveritablement contenus,le baillans pour
gage de leur foy; & larompre par apres, n'eſtoit-ce pas rendre le Fils de
DiEv protecteur & deffenſeur deleur perfidie? & cela n'eſtoit-ce pas fairevn
notable blaſpheme à la ſaincte Diuinité & Humanité d'iceluy?auſſi en fu
| rent-ils tous tant qu'ils eſtoient tres-ſeuerement chaſtiez : & ce tout dés le
, commancementde cette guerre, car Amurath & toute ſon armée paſſe
rent, contre touteapparence le deſtroict, l'armée Chreſtienne ayant eſté
contrainte de ſe retirer pour le mauuais temps, & luy laiſſer le paſſage tout
libre,auecvnvent fauorable pour luy : Et l'Empereur de Conſtantinople,
quiauoittant remué de monde,& quiauoit eſtéle principal motifde cette
guerre, qufauoit auſſile premierviolé la paix, fut le premier contrainctà
a rechercher auec infinis preſens, qu'il euſt encore peut-eſtre difficile
ment obtenuë, ſans la faueur du Baſſa Cathites, qui portoit le party des
Grecs pres de ſon maiſtre, oùilauoit grande authorité. Quantà Huniade,
il fut pris priſonnier par ſon ennemy † luy fiſt meilleure guerre qu'il
ncluy rendit parapres,tant lavangeance emporte tous les plus grands hom
mes,mais il en futapres bien § | .
l. 5. c.4.
Il ne reſtoit donc plus de tous ces perfides que ceConſtantin, qui deuoit
finir ſavieaueclatotaleruine de ſon pays, lequel ſceut bien armer tout le
Peloponeſe, mais il ne le ſceut pas deffendre, & comme toute cette hiſtoi
renous le faict voirfort preſomptueux, mutin & eſtourdy,tout luy reuſſit
auſlide meſme,ayanteſté cauſe d'abatre les courages des Peloponeſiens,&
de ruiner toutes leursaffaires : le Peloponeſe quiauoit iuſques ence temps
" gardéſaliberté,s'eſtant
fajſe rendutributaire
le degaſt parmy leur pays. desTurcs,apresauoirveuruiner &
| • - -
Mais
de Chalcondile. | 89
| Maisvoicyvnautre Sanſon enuoyé d'enhaut pour combatre les Phili
ſtins, carenforce corporelle iepuis quaſi dire qu'ill'a eſgalé,& en ſcience &
conduite enl'art militaire † 'a ſurpaſſé,ieparle de Scander ou Caſtrioth,
duq uelnousauons particulariſé les excellences enſon Eloge,admirable àla
verité entout ce qu'il entreprit, en ſavaleur, en ſa prudence, enſa magna
nimité & enſonbon-heur, mais plus admirable,de ce qu'auec ſes ſeules for
ces, il a faictlaloyaux deux plus puiſſans, plus experimentez, & plus re
doutables guerriers que lesTurcsayentiamais eu entre les ſeigneurs Otho
mans : ayant bien-ſouuent auec trois à quatre mille hommes de pied, &
deux mille cheuaux,ſouſtenunon ſeulement desarmées Imperiales, mais
lesa defaites meſmes & miſes enroute,leurfaiſātleuer des ſieges de Croye,
&les menant battantiuſques chez eux.Les Chreſtiens cependant, quifai
ſoient tant les mauuais, quandileſtoitqueſtionde rompre ſans ſubiect, la
foy donnée, quiarment & remuenttoutlemonde, quandils eſtoientmal
fondez,maintenât † voicyvnſecours quileureſtenuoyé du ciel pour les
deliurer, n'ayans ſeulement beſoing que de luy preſter vn peu l'eſpau
le,ils ſeignent neantmoins tous dunez,au plus grand beſoing,& àla meil
leure occaſion qu'ils eurentiamais Carquen'euſtpoint faictcegrandhom
mes'il euſteſté ſecondé de puiſſance pareille à ſa valeur & experience ? &
toutes-fois, quelque priere qu'ilſceuſtfaire, ilne peut iamais obtenir au
cunſecours † d'hommes, ſoitd'argent, que de trois mille eſcus, qu'il
auoit peut-eſtre deſpendus à ſon § : tout cecy eſtantiuſtement arriué
afinqueles Chreſtiens recognoiſſans leurs fautes notables, en euſſentou
treleurruine,vnperpetuel regret,leurmalheurn'eſtant arriué que parleur
negligence, & le peu d'vnion qu'ilsauoient entre eux : de ſorte que ce vail
lantPrincefutcontrainct de ſe retirer chez luy : & toutes-fois nonobſtant
fifoibleſſe,iamais lesTurcsn'eurentaucunaduantageſurluy, encore qu'il
alteuparpluſieursfois le pere & lefils ſur les bras, à ſçauoir Amurath, &
Mahomet voyez donc ce qu'ileuſtfaictsileuſteſtéſecouru à propos com
meildeſiroit,& enauoitimportuné toutlemódeº onremarqua auſſibien
ºſtquel'Albanie ne ſubſiſtoitque parſa ſeulevertu : carincontinentapres .
-
forme de procez. Mais cettuy-cy, comme vous auez peuvoir, auoit quel
que intelligenccauec les Grecs, outre ce qu'ilauoitfaict en faueur d'Amu
rath,car ſans la prompte obeïſſance que rendit Mahomet, lesTurcs eſtoiêt
pourbeaucoup ſouffrir ſoubs ces deux Princes, & au mieux qu'il euſt ſceu
aduenir, il falloit quela mort dupere & du fils s'en enſuiuiſt, cette vſurpa
tion del'vn & la reſiſtance del'autre ne ſe pouuant expier parmy les Otho
mans que par la mort, voyla pourquoy il ne faut pas trouuer eſtrangeſi
Mabomet, quiaeſtéſicruel & ſi vindicatif,ſe deffaict de luy : il eſt vray
qu'il lefiſtauec prudence, car ce futapresſe voir entierement eſtably.
Conſtantinople doncreduicte ainſi ſoubs l'Empire Turqueſque, il ne
©.9. IC.II.I2, reſtoit plus que le Peloponeſe,lequelcomme vous pouuez voiraux chapi
tres 9.1o. & iI.nonobſtant les bonsaduis deThuracan, les Princes Grecs
ne ſe ſceurent maintenir en paix,mais fallut que par leurs diſſentions,ils fuſ
ſent en fin reduicts envnetotale ruine, commeil ſe peut voir incontinent
apres.Mais l'artifice de Mahomet eſt notable de ne leur auoir point voulu
permettre de ſe retirer;car en cefaiſantils'aſſeuroit,veulamauuaiſe intelli
gence que les Grecsauoient lesvnsauecles autres,que tout viendroit enfin
enſes mains : au contraire ſiles Princes & Seigneurs ſe fuſſent retirez, c'euſt
touſiours eſtéautant de ſeminaires deguerres, animás les peuples,oùils euſ
· ſent eſté contre luy; au contraire l'imprudence des Grecs de n'auoir pas
ſceu cognoiſtre leurfoibleſſe,veuleur diuiſion, & qu'il falloitattendrevn
autre temps † propre à reſiſteràvne ſigrande puiſſance, ce qu'ils euſſent
peu faire ſoubs Baiazeth le fils de Mahomet.
t. 3. c.13. 14: Et pour le regard du ſiege de Belgrade, bien que Mahomet n'y receuſt
Ij. I 6. que de la perte & de la honte, il y gaigna toutes-fois aſſez, faiſant perdre
aux Hongres leur chef&leur conducteur, à ſçauoir Iean Huniade,oſtant
en ce faiſantaux Hongres, le moyen † auoientàlors de pourſuiure leur
aduantage, & meſmes empeſcheroit l'Empereur Federic, de ſe ſeruir dv
ne ſi bonne occaſion, ſoubs vne fauſſe imagination : car la Thrace n'eſtoit
pas ſiaiſée à vaincre, commeils ſel'imaginoient; & c'eſtoit bien veritable
ment ſoubs vne vaine penſée empeſcher leprogrez d'vn bien public, pour
le ſien particulier, pour viure en leursguerres & diſſentions ordinaires.De
ſorte que lors qu'on ne leur diſoit mot, & qu'ils eſtoient en pleine paix : ils
, auoient vouluremuer le ciel & la terre, & maintenant qu'onleur veut don
ner ſecours(ie parle des Hongres)ils font les retifs. On pourroit dire auſſi
le meſme des Chreſtiens, qui auoient iadis aſſemblé iuſques à huict cens
mille hommes,pouralleràla conqueſte dela terre ſaincte,& maintenant ne
peuuent pas mettre ſus vne bien petite armée pour empeſcher leur enne
my de conqueſter leur pays, tant leurs forces eſtoient diminuées.
l, 9.c. I.2.3. Reſte maintenant le dernieracte de la tragedie de la pauure Grece, à ſça
uoirlaconqueſte du Peloponeſe, où pluſieurs choſes ſe remarquent, leſ
quelles font cognoiſtre le peu de preuoyance des Grecs, & comme leurs
eſprits eſtoient deuenus commetous hebetez, & ſans conduite.Premiere
mentCorinthe placeſiimportante, qu'ils laiſſerent ſans munition & §.
uiſions debled, ceux de la Rochelle, qui ſe vindrent rendre, lors q ilsal
ſOlCIlU.
- - -1
- de Chalcondile, 93
· loiét eſtre deliurez,la mauuaiſe intelligence de l'Eueſque de Corinthe auec
Aſangouuerneur d'icelle,l'Eueſque meſme eſtant cauſe de rendre la ville
aux Turcs:car encore que le § ſelaſſaſt,s'ils ſe fuſſent bien accordez,ils
†
euſſent peureſiſtercomme d'autres places ne furent pas priſes:& ce qui
eſtoit de pis, c'eſt qu'on ne perdit pas ſeulement ceſte ville en ſe rendant
ainſi laſchement, mais encore pluſieurs places en la mer AEgée, la ville de
Patras, & le territoire d'alentour : carentous cas il n'y euſt eu que Corinthe
qui fuſt deuenuëTurque par force, ce qu'elle fiſt toutes-fois volontaire
ment. Suit apresle meſchantacte de ce Venitien,quifiſtmourir ſa femme,
pour eſpouſerlavefue de Neri Ducheſſe d'Athenes, laquelle on fit apres
mourir § ce mariage:de ſorte que cela fut cauſe, queMahomet s'empara
dela ville d'Athenes.Les menéesauſſi deThomasPaleologue,qui venoit de
iurer la paix,& ſareuolte penſant mieux faire ſes affaires,que lors qu'ilauoit
tout ſon territoire, qu'ilauoit eſté contrainct de quitter, & qui ſçauoitbien
que pour nauoirpas payé le tribut à l'Empereur Turc, le Peloponeſe en º 4,
auoit eſté rauagé, neantmoins il s'imagine pouuoir ſecouer le ioug des
Turcsapresauoireſtéruiné, & le mauuais ordre encore qu'il miſt en dreſ
, ſantſabataille,faiſantallongerſesgens en haye,au lieu de les reſſerrer en
eſcadrQn, mais cecy n'eſtoit que des preparatifs à leur totale ruine. Suit
apreslaguerre de Raſcie, entrepriſe ſiinconſiderement,finieſilaſchement,
aueclaredditió delaville de Senderouie,place ſiforte & ſiimportante, mi
ſetoutes-fois entre les mains de Mahomet à ſi bon marché. -
l.1o. c.1.2.3. Apres Vladus Prince de Valaquie,voicyvnautre cruel & vn impie tout
enſemble, que ce Prince de Methelin,lequelayanttué ſon frere pourvſur
perſoneſtat,ilen fut depoſſedé par Mahomet,& depuis quittantſa Religi6
pourſauuerſavie,illa perdit auecignominie, & commemeritoit vnfratri
cide,vn ſodomite, & vnrenegat. -
6 - 4.
" Voyez encore quelle ſimpleſſe ace Prince Illyrien, de ſe reuolter,n'ayant
ny puiſſancenyarmée preſte, ny places munies, ny alliances aſſeurées, &
ces Seigneurs del'Iſtrie, que tous petits compagnons qu'ils eſtoient, #
roient faire laloyàl'Empereur desTurcs, & cependantils ſont tous ſi laſ
ches, qu'à peine peuuent-ils ſouffrir la veuë d'vnTurc, tantils ſe rendent
tOllS
de Chalcondile. 95
tous laſchement, & ſans preſque rendre de combat,combien qu'ils euſſent
de fortes places pourſe pouuoirau moins deffédrevntemps.La perfidie de
Mahometeſtauſſifortnotable àl'endroict de ce pauure Prince, mais quoy?
ce Monarque Turc eſtoit vn fleau à tous les Chreſtiens, & qui toutes-fois
ſefaiſoient le plus ſouuent autant de mal eux-meſmes, qu'on leur en euſt
ſceu faire : teſmoing le Prince Sandal & ſon fils qui ſe font la guerre, le fils
liurant la bataille à ſon propre pere, au hazard encore de le mettre à
mOIC -
Apres toutes ces pertes, les Chreſtiens s'aduiſent de prendre les armes
C. f. 6.
contre le Turc, mais c'eſttouſiours à leur maniere, à ſçauoir ſur le tard, &
hors de ſaiſon, & lors encore qu'il tenoit toutes les auenuës en ſa puiſſance,
ſadominations'eſtendantaulong& au large,toutd'vntenant & ſansauoir
comme auparauant, aucun Prince quile peuſttroubler dans ſes terres, &
toutes-fois parmytoutes leurs belles † : il s'y remarque touſiours
beaucoup de laſcheté, teſmoing la fortification del'Iſthme, qu'ils aban
donnerentincontinent : que s'ils fuſſent entrez forts dans le pays, on peut
voir parlalecture de § qu'ils euſſent donné beaucoup d'affai
resà † ennemis,auſquels ileſtoitbienayſe devaincre,puis qu'onfuyoit
ainſi deuant eux. -
Maisauant que finirces petites recherches, il ne faut pas paſſer par deſ
fusl'hiſtoire de ce Bœufquienſeignoitce cruel Prince par ſapieté,ce qu'il
ignoroit del'humanité: car comme iln'yauoit rien de ſi §que cette ſor
tedeſupplice qu'ilfaiſoit ſouffriràces pauures priſonniers deguerre, auſſi
n'yauoit-ilrien de ſi rare, que de voir cette compaſſion à l'endroict d'vn
bœuf,lequelcetinhumain voulutbien voir, mais iln'en changeapas pour
celade nature, tant il eſt bien-ſouuent plus ayſé d'apriuoiſer vn Tygre,
quvnhomme cruel. - |
C O NTI NV AT I O N
D E L HISTO I R E D E S T V R C S,
DEPVIS Qv'ILS SE FVRENT RENDVS
L E s M A I s T R E s D E L E M P I R E G R E c,
& leur conqueſte du Peloponeſe iuſques à preſent :
E N R I c HI E D E Co N s I DE RATIoNs
particulieres, ſur les actions plus ſignalées, aduenues durant
la vie de chacun des Empereurs Turcs, par leſquelles
on a veu reluire la Iuſtice & Prouidence
de D I E v.
- | Les
Aduertiſſement. IOI
* - : --- ---
1O2 Aduertiſſement. /
SoMM A I R E E T C H E F S PR IN C I PAVx
du contenu en ce preſent liure.
-
4 *.
, -
- - - 1o5
tire ſesgarniſons del'Albanie, & pourquoy : rauages des Turcs ſur les terres des Ve
nitiens,leſquelsfortifientles deuxchaſteaux de Gradiſque & Foliane pourles empeſ
cher. Chapitre 17. -
Viſion enfaueurdes Rhodiots dont les Turcss eſpounentent, ils leuent le ſiege de
deuant Rhodes, Mahomet fait mourirſonfils Muſtapha pourauoirviolé la femme
d'vnſien Baſſa:ſiege & priſe d'Ottrante, cruautez eſtranges des Turcs,principale
ment à l'endroict de l'Archeueſque,ſecours des Chreſtiens deffaitsparlesTurcs,le Roy
de Hongrie donneſecours à celuyde Naples pour Ottrante. - Chapit. 29.
Grandearmée de Mahomet en Aſie, mort d'iceluyproche de Nicomedie, ioye des
Chreſtiens à lanouuelle de cette mort, meurt de regret de n'auoirpris Rhodes, repriſe
d'Ottranteparles Chreſtiens, Mahomet aimoit la lecturedes hiſtoires, & feignoit
d'aimer la Religion Chreſtienne,mais iln'en auoit aucune, que quelques-vns 077fpenſé
qu'ileſtoitſuppoſé, & non legitimefils d'Amurath. - Chapit. 3o.
- •
CO NT INVATION
D E L HISTOIR E D ES TvRCs,
Liure premier.
# A plus agreable nouuelle que Mahometeuſtpeu
# entendre, & celle qui luy facilitoit & luy ouuroit I
# dauantage le pas à l'accroiſſement de ſon Empire, ©
d'ennuis que ces mutins m'ont tant de fois donnez, puis qu'ils ſont ſans
l ºonduite,&à cette fois ſeray-ie le dominateur du Chriſtianiſme, puis qu'il
- * perdu ſon eſpée & ſon bouclier. Et de faictcroyant quotout fuſt en de
| O ij
1o8 Continuation de l'hiſtoire
ſordre & encombuſtion,ilenuoyanouueaurenfortaux ſiens,quieſtoient
deſia dans l'Albanie : mais le deffuncty auoit mis tel ordre, principalement
à Croye, à Liſte, & à Scodre ou Scutari, ayant laiſſé le Senat de Veniſe
r† pourtuteur &adminiſtrateur deſon fils & de ſon Royaume, † lesTurcs
ayans faictvngrand rauage partoute la prouince, & pris quelques places
banie.
† grande victoire qu'il obtint contre ces peuples là, il printles villes de Scan
rentine. dalore & Norrentine.) - : | | |
- -
O iij -
-
Oll † , elle†regarde
parallele, ayât ſon
longiour de quatorze heures. Du coſté de Calchide
la Bœotie, enuiron lendroict où fut iadis le
port d'Aulide, & où l'Euripefait parade de ſes mouuemens ſimerueilleux,
tellement que vous lavoyez ſe courber & fieſchirvers les terres & regions
. .. quil'auoiſinentau continent, & regarde l'Attique, Locres & Mallée, où
# §" eſtà preſentle Goulphe de Zeiton, au Promontoire Cenée. Quantàlavil.
†º le capitale del'Iſle, queles Atheniens nommerentiadis Calchis,à cauſe de
' l'abondance du cuiure quis'y retrouue, & maintenant Negrepont, elle eſt
aſſiſe envne plaine, preslelieu ou le canal eſt le plus eſtroict, & reſpondant
directement au portancien d'Aulide,les Negrepontainsl'auoientagrandie
du temps qu'Alexandre paſſa en Aſie, enfermans dans leurs § Ca
ueth & l'Euripe,ſur leſquels ilsbaftirentvn Pont,refirent leurs murs qu'ils
|
flanquerent de tours & de pluſieurs bouleuerts,edifians leur principalefor
tereſſe aubeaumilieu du canal, ſurvn rocq, qui le rendoit naturellement
sºººººº imprenable : pour lors elle auoit encore eſté tellement fortifiée, tant par
mer que parterre, que chacunlaiugeoitinexpugnable.
L'EmpereurTurc eſtoitaſſezaduerty de toutes ces choſes,voyla pour
uoyil reſolut de l'aſſieger par mer & parterre, donnant la charge de lar
†"§enl mée de Mer, à ſon grandVizir le Baſſa Machmut, par la prudence & valeur
† duquelil eſtoit deſiavenu à chefde pluſieursgrâdes¬ables entrepriſes,
Font " cóme ils'eſt peu remarqueràla ſuite de cette Hiſtoire,lequelauecvne flotte
de trois cens voiles, dontilypouuoit auoir quelques ſix-vingts, que fuſtes
•es forces des que galeres,partit du brasſainct George, tournantlaprouë droict à Negre
| Turcs deuant
Negrepont. pont Legeneral Canalisy eſtoit alorsque les nouuelles vindrent en l'Iſle
v,
que ſonarmée
† le Turc eſtoit auecdeplus
croiſſoit iourdeencent
iourgaleresés enuirons
ce bruitl'ayant de Tenedos,
eſmeu, &
ſans toutes
oisyadiouſtertrop defoy, de peur de ſurpriſe, il s'envint à Lemnos, & de
Teneur pui là à Imbros, où la peurayant ſaiſyles Inſulaires,ilentendoit les choſes bien
†"" plus affreuſes, encore par reputation qu'elles ne l'eſtoient en effect, il eſt
vray que la façon parlaquelle ces Inſulaires ſe faiſoiententendre, eſtoitàla
verité fort effroyable de ſoy-meſme : car ce general n'entendant point leur
- langage nylalangue Latine, & eux quiluy diſoient en Latin le nombre des
Façon de ce, vaiſſeaux qu'il yauoit, voyans que c'eſtoit comme s'ils euſſent parlé à vn
†. ſourd,ils taſchoient entirans leurs cheueux luy faire cognoiſtre qu'il eſtoit
pour ſe faire
† fort grand. - -
delavi le, ſur equel paſſatoute ſonarmée en l'Iſle, & faiſant apres apro- 1•-- "
†
cherſ / illefuti
on armée de mer,lavillefutinueſtie de toutes parts, il fiſt ſommer la
-
la §r§ -
our faire
ºdeſe rendre OrcommelesTurcs ont incontinent faict leurs aPPro- §hes
II2 | Continuation del'hiſtoire
ches,pourlamultitude des Gaſtadours & Azapes & Coynaris ou Paſtres
& gardeurs de beſtial, qui ſuiuent ordinairement larmée du grand Sei
· gneur,tant pourfaire les eſplanades & rabiller les chemins paroù cettear
mée doit paſſer, que pour faire les retranchemens du camp, gabions &
autres choſes neceſſaires pourlaſeuretéd'vn ſi grand peuple, & pourſeruir
--
aux ſiegesauſſi quand il en eſt de beſoingA peine eſtoiét ils campez qu'on
†vidauſſi-toſtcinquante cinqpieces de canon braquées contre laville,ſepa
§# rées toutes-fois en diuerſes batteries, ce ne fut as toutes-fois ſans queles
' habitans leureuſſent faictſouuentes-fois ſentir leur courage & leurvaleur:
mais eſtansaccablez parla multitude, ils furent en fin reſſerrez dans leur
ville, & reduicts à la deffenſe de leurs murailles. Toutes-fois Mahomet
ayant deſia eſprouué en maintes rencontres, combien le dernier deſeſ
poir des Chreſtiens auoitcouſté de ſangaux ſiens, iugeant aſſez parles eſ
carmouches precedentes, que ceux-cy n'eſtoient pas pour luy rien ceder,
Le Nsºº tandis qu'ils auroient les armes à la main,illeur fait propoſer quelquesgra
† cieuſes conditions, pour les receuoir à compoſition; mais eux qui ſça
l§ uoiétaſſez que lavoix de cette Panthere contrefaiſoit ſa cruauté ſoubs vne
arole d'humanité,rendus ſages partant de perfidies que les† du Pe
§
auoient eſprouuées, & particulierement ceux de ſaincte Maure,
neluy rendirent autre reſponſe,que d'hommes reſolus à ſouffrir toute ſor
te de miſere, & mourir honorablement pourla deffence de leursautels, &
de leur chere patrie. - ".
|
§Ce quifiſtreſoudre Mahomet,àyfaire donnervn aſſaut general, tant
mer que parterre, auquel il ne gaigna que des coups, auec vne nota
Aſſauts dônez le perte des ſiens le meſme luy arriuaau ſecond aſſault qu'il donnaà quel
:# ques ours de là: mais commele petit nombre des † ne ſe rapportoit
§" pas à la multitude desaſſiegeans, les vns ſe trouuoient bien-toſt harraſſez,
& les autres touſiours vigoureux, p r eſtre raffreſchis à tous momens,
mais tout ce qui §
plus ruinerleurs affaires, c'eſtoit la trahiſon.
Alors commandoit dans la ville pour la ſeigneurie Venitienne,Paul Eri
ze en qualité de Gouuerneur,& Louys Calbe en celle de Capitaine,& auec
eux Iean Badouare, tous trois fortaffectionnez aubien de leur patrie, mais
ſur tous laville auoitvnegrande confiance enlafoy de Thomas Eſclauon,
·r - lequelonauoitfaictchefde cinq cens Fantaſſins Italiens, & auquel pour
† Eſ ſon expenence onauoit donné la charge de General de l'artillerie; ce fut
' toutes-fois de luy que procedatout le malheur, car deſeſperant du ſalut de
Negrepont, les ſiens commencerent premierement à s'enfuirauclair dela
Lune dans le camp desTurcs, & luy-meſme commença ſecrettement à ca
pitulerauec Mahomet,s'offrant deluyrendre laville, pourueu qu'ill'aſſeu
raſt de ſavie & de ſes biens, & du ſalut de ſes citoyens natifs de la ville, ne
ſe ſouciant point des Venitiens, ou autres Latins, quieſtoientauecluyat
tendans § de ce ſiege,mais ils ne pouuoienttomber d'accord, d'autant
- quelegrandSeigneurvouloitbien luy donnerla liberté & ſonbien, mais
# dureſte,ille vouloit auoirà ſa diſcretion. Ortandis qu'ils eſtoient ſur ces
# # contentions,latrahiſonfut deſcouuerte par le moyen d'vne fille, qui vid
- - - · quelques
des Turcs, Liure premier. I13
quelques lettres attachées aux fleches que les Turcs tiroient au quartier
de ce Capitaine Thomas, & en celles auſſi que l'Eſclauon tiroit §
Turqueſque : outre ce on dit qu'onl'auoitveu parlementer de nuict ſur la
murailleauecl'ennemy : ioinct que ſon nepueu Lucas de Cortulie s'eſtoit
ſecrettement deualé delamuraille aueclettres de ſon oncle au Monarque
Turc, ce quele peuple ayant recogneu, il s'alloit fairevnegrande ſedition pºd de
&vngrandmaſſacre danslaville,mais laprudence du Gouuerneury reme-†.
dia, quiauecgracieuſes parolesayantappaiſé le Capitaine,l'inuita à diſner §.
† oüille fiſt poignarder, & pendre apres ſon corps aux feneſtres à -
la fiſt que ſurſeoir, car Florio de Nardone, quiauoit eſté mis en la place de Autretrahi
Thomas, continuant les menées de ſonpredeceſſeur, ſe deſroba la nuict†º
par deſſus les murailles, & fut trouuer Othoman, Faduertiſſant de pointer -
c§" tout le monde luy conſeillaſt de ſe ſeruir de ſon aduantage, & que meſ
†" me les Picemanes freres Candiots, capitainesd'vn nauire de charge deman
daſſent à haute voix de marchercontrel'ennemy, ſe promettans par la for
ce de leurvaiſſeau, duvent & des vagues, de romprele pont;s'eſtimansau
moins bien-heureux d'auoir expoſéleurs moyens & leurvie pour la Repu
blique. Mais le Generalleur deffendit,&à tous autres, de bouger en façon
§ , leurcommandant de ſetenir où ils eſtoient,iuſques à ce que
le reſte del'armée fuſt arriué, laquelleaulieu devenir ſecourir les pauures
aſſiegez, s'amuſoit à pourſuiure les Catalans & Geneuois qui trafiquoient
en cette mer pourlesattireràſeioindre auecleur flotte,laquelle toutes-fois
eſtoit ſuffiſante pour executer cela, pourquoy on l'auoit aſſemblée : mais
quoy! le ſecretdel'eternelle Prouidence en auoit autrement ordonné: de
ſorte que les pauures habitans eurentvne courteioye, carleiour enſuiuant,
# celuy où ils auoientveulesgaleresVenitiennes,Mahomet ſuyuant le con
# º ſeil de ſon Baſſa,fiſt dés la pointe du iour döner le troiſieſme aſſaut general
• • . ) 2
#
port, ceux qui eſtoient à la porte Barchiane, où eſtoit le plus rude aſſaut,
# tous couuerts de playes, &accablez de faim & de laveille,abandonnerent
# finalement ſurla ſeconde heure duiour, les muraillesauxTurcs, & ſe reti
# rerent ſurlaplace, où derechefſerrez envnbataillon,ils attendirent reſo
# luëmentleurs ennemis qui eſtoient entrez par cette porte Barchiane, où ſe
# | renouuelavnconflict non moins furieux & cruelque le precedent,iuſques
à ce que leur deſſaillantlavigueur&l'haleinetout enſemble,ils furent preſ
† tous maſſacrez, on dit meſme qu'ence conflict, ſe trouua quelques
emmes armées comme les hommes, parmyle nombre des morts.
Alors on ſe mitau maſſacre des § habitans, tant de perſonna- Priſe de Neº
ges de qualité qu'autres, Leonardle Chauue fut maſſacré au § , Bon- †
domarie en la maiſon de PaulAndreatie, quia eſcritl'hiſtoire de la priſe de †,
Negrepont, & Henriciquis'eſtoit ſaiſy auecquelques-vns, d'vnlieu aſſez ce ville
fort, eſtant ſorty ſoubslafoy de Mahomet,ille fiſt ſcier à trauers le corps,
diſantce perfide, qu'illuyauoitpromis depardonner à lateſte, mais non cruauté de
#s : pasaux flancs : eſtant tellement irrité de ce qu'ily auoit perdu, ſelon quel-"
• ques-vns, plus de vingt-cinqmille combatans, & ſelonlesautres, & parle
rapportmeſme desTurcs, plus de quarante mille, qu'il fiſt faire vn ban,
quetousles hommes depuis vingtans, paſſaſſent parle fil de l'eſpée,& que
celuy ſeroitpuny de mort, qui en ſauueroitvn ſeul paſſé cetaage; d'autres
diſent qu'il commanda que tous les priſonniers engeneral, fuſſent mis en
Pºces, & que cette ordonnance fuſt entretenuë partoutes ſes terres l'eſpa
#deſixmois,les Grecs ſeulement exceptez, qui furent vendus en plein
Bageſtan, pour eſtre menez en perpetuelle ſeruitude.Mais en quelquefa- cºdeeme
ºnqueleschoſesayent paſſé pourceregard, il eſtbien certain qu'on vſa ººººi
Pj
, n6 Continuation de l'hiſtoire
de toutes ſortes de cruautez, d6tcesimpitoyables ſe peurétaduiſer, empal
lans les vns,fendans les autres parle § du corps,oubien les accrauan
tans contre les pierres. Les teſtes des pauures occis furent miſes en vn mon
ceau deuantl'Egliſe ſainct François, en vne grande place, pour ſeruir de
ſpectacle furieux & eſpouuentableaux femmes & aux enfans qu'on laiſſoit
envie, on en fiſt autant deuant le logis des Seigneurs, & deuant celuy du
Patriarche; & quantaux corps, afin que par leur corruption & puanteur
l'airn'en fuſtpointinfecté, Mahomet les fiſtietter dans le canal. Or entre
les plus belles dames de la ville, la fille du Gouuerneur Henrici tenoit à
lors le premier rang, pourles rares perfections qu'on voyoit reluire en el
le, mais encore d'auantage pour ſon incomparable vertu & chaſteté:cette
cy pourl'excellence de ſa beauté ayanteſté preſentée à Mahomet; lequel,
comme ils'eſt peuvoir parce qu'ena rapporté Chalcondile,abien eſtévn
· des pluslaſcifs de la race Othomane, & luy touché au vif par les douxat
traicts de ce beauviſage, taſchaaucômencemét de luygaigner le cœur par
quelques mignardiſes : mais cette genereuſe & pudique Damoiſelle reſi
.† ſtantàtous les ſales deſirs de ce deſbordé perſonnage, voyant qu'il n'en
§ pouuoit faire ſon plaiſir,quelques-vns diſent qu'illa fiſt decapiter, d'autres
# que luy-meſme luy fourra le poignard dans le ſein, tant ce Prince eſtoit
cruel&indigne dunomd'homme. I'ay regret ſeulement que ceux quiont
eſcrit cette Hiſtoire, ne nous ont appris le nom de la fille, pour pouuoir
luy rendre des loüanges dignes de ſa pudicité; & àlaverité elle merite bien
d'eſtre miſe auragde ces eſpouſes celeſtes,qui pour la conſeruation de leur
· chaſteté, ſe ſont volontairement expoſéesaumartyre.
VII. Telle fut donclatotale ruine & deſolation de la plus floriſſante Iſle, plus
# belle & plus commode pour la § , quifuſt § tât pour
† les Venitiens, à qui elle eſtoit, leur ſeruant de paſſage pour ſecourir lesau
chreſtisns tres terres qu'ils poſſedoient en la Grece, mais auſſi pour toute l'Italie,
n'ayantplus de canalny deſtroict de mer, pour arreſter & retenir les entre
priſes de ce puiſſantaduerſaire.Enuiron le meſme temps quelaville fut pri
ſe, les galeres que le General Canalisauoit enuoyé querir, ſur la nuictarri
uerent,quand iln'en eſtoit plus de beſoing, & comme on dit, apres la mort
la medecine : de ſorte que voyans que les enſeignesVenitiennes n'eſtoient
† ſurles tours,& qu'ils recognurent à pluſieurs ſignes tous apparens que
† la ville eſtoit priſe, regardans les larmes aux yeux les triſtes murailles de la
§ º ville,ils ſe retirerentailleurs,ne faiſant pas là trop ſeurpoureux,auec mil
le regrets que leur retardement euſt cauſé la perte de cette floriſſante cité;
& apresauoirrodé quelque temps parles Iſles : finalement reuenuë en ſon
premier ſeiour, elle accruttellement en moins de rien, bien que trop tard,
puifnte a qu'elle n'auoit pas moins de centvaiſſeaux deguerre, ſans toutes-fois faire
†. aucun effect d'vn ſigrandappareil, encore que l'armée Turqueſque quiſe
º cºst retiroit aucc peu de gens, la plus-part eſtans allez par terreauecle grand
Seigneur(quis'eſtoit retiré parla Bœotie,ayant laiſſé vne bonne garniſon à
Negrepont)euſt grande crainte d'eſtre attaquée reco† ſa foibleſſe;
tellement que quelques-vns eſtoient deſia montez ſur des vaiſſeaux fort
- legers,
- #
faire quelque maniere de paix aucc les Venitiens, ou pour le moins par des Prouidence de
pourparlers tirer l'affaire en longueur, eſperant que le temps leur adou- † †
ciroit l'aigreur de cette perte : mais ne voulant pas faire cognoiſtre ſa ºº "
crainte,ils'aduiſa de ſ'aiderdel'entremiſe de ſabellemere fille duPrince des
· Triballes qui eſtoitChreſtienne,laquelleayant ſceu la volonté de ſonbeau
fils, enuoya auſſi-toſtvn de ſes domeſtiques àVeniſe,pouraduertir les Ve
nitiens de ſa part, que s'ils vouloient la paix, qu'ils enuoyaſſent leurs depu
tezauTurc, & qu'elle leurſeroit donnée peut-eſtre à meilleure condition
qu'ils n'eſperoient : & ſur cette eſperance-les Venitiens ayans enuoyé leurs Amtamdene
Ambaſſadeurs, Nicolas Coque & François Capel, qui lallerent trouuer †º
parmer en vn bourg de Macedoine, & de là venus par terre vers Maho- †º
metàConſtantinople, comme les conditions qu'ilsluyauoient propoſées "
neluyeuſſent pas † & que ces deputez fuſſent contraincts de prendre
nouueaux memoires de leurs Seigneurs, toutl'eſté ſe conſomma ſans au
ºuneffect,letemps s'eſtanteſcouléauxallées & aux venues de ces Ambaſ
ſadeurs , & en port de lettres de part & d'autre, qui eſtoit tout ce que deſi
ſoit Mahomet. - -
Maisl'hyuer
ſondetant enſuiuant,
de pertes qu'elle laauoit
Republique
ſouffertesVenitienne
durant neufvoulantauoir ſa rai-
années conſecuti- V III •
º qu'il y auoit qu'elle combatoit contre le Turc, ſans que les Princes
P iij
,
".
\ V,
1 r ... , Or tandis que les Chreſtiens rauageoient ainſi les prouinces de l'Aſie,
† les Turcs ne demeuroientpas les bras croiſſez , car ayans couru & rauage
§"" l'Albanie & la Dalmatie par pluſieurs & diuerſes fois, paſſerent iuſques
dansl'Italie,& ſe vindrent camper ſur le fleuue Sconſin,& ſans la crainte de
la caualerie Venitienne qu'ils auoient deſcouuerte de loing, ils eſtoient
*. pour ſurprendre la ville dVdine,toutyeſtant en fortmauuais ordre & en
| grande confuſion à cette venue inopinée, pour l'aiſe & le grand repos
dont elleauoit iouyſilong-temps: mais lesTurcs, de crainte de quelque
ambuſcade,rebrouſſerent cheminauecgráde quantité de priſonniers & de
S bruſ beſtail.
fT WIIlt b rtl1 . - - - 2 . - - | • -
me,ileuſt mis le feu à tout le demeurant; mais ayant ietté ſon feu mal à
| propos, ſon vaiſſeau futbruſlé auſſi bien que celuy des autres : de ſorte que
taſchant degaigner le deſtroict pour ſe ſauuer, il fut contrainct en fin de ſe
retirer dans # prochaine foreſt,où luy & ſes compagnons ſe retirerent au
plus profond dubois : mais comme les Turcs virent des pommes çà & là
ſurl'eau, & labarque enfondrée là aupres,ils ſe douterentincontinent que
c'eſtoit leurmarchand de pommes quiauoit mis ce feu : de ſorte qu'ils fi
Sa priſe & ſà
rentvnetelle perquiſiti6,qu'enfin layans trouuéauet ſes compagnons, vn rée
r§ à Maho
excepté,quifuttué enſe deffendantvaillamment ils furentenuoyezà Ma InCt.
&autres Princes Chreſtiens, du deſir qu'auoit ſon Roy de s'vnirauec eux, "
contrele Prince Othoman, que ſon armée eſtoit deſia entrée dans l'Arme- |
nie,où elle luyauoit pris laville deTocatte, la plus riche de toute la Pro
uince, & quelques autres places d'importance, qu'ils ne manquoient
Pointd'hommes ny de cheuaux, mais qu'ils auoient faute d'artillerie : de
PuiscetteAmbaſſade,le GeneralPerſan nommé Iuſufzes, ou Ioſeph Be- I X.
$useſtantvenu en la Caramanie auec toute ſon armée, Muſtapha fils de ...
Mahomet, qui commandoit à cette prouince, luyvint au deuant, & luy r†
-
Pºnta le combat auec tant de valeur & de conduite, que ſon armée † ":
miſeàvauderoute , il print le Generalmeſme, lequelilenuoya à ſon pere,
Pºlors deſeiourà Conſtantinople,oùils'amuſoità faireforgervneſor
I2 O Continuation del'hiſtoire !
te de monnoye qu'ils appellentaſpres, de la valeur de quelque douze de
niers chacune piece, cecyaduintenuironl'an milquatre cens ſeptâte deux,
& de Mahomethuictcés ſeptâte ſept: cette perteauoit occaſionéle Perſan
Autre Amtat d'eſcrire de nouueau à la Seigneurie deVeniſe, par le moyen de leur am
† baſſadeur Catharin Zene, qui eſtoit lors pres de ſa maieſté, leſquelles let
tiens. tres contenoient les meſmes demandes qu'auoitauparauant faites ſon Am
baſſadeur : auſquelles le Senat Venitien deſirant ſatisfaire, fiſt incontinent
appreſter de toutes parts,grand nombre d'artillerie, quelquesvaſes d'orri
chement elabourez : vne quantité de draps de Verone, & d'eſcarlatins, &
#" hommes
quelques Ducats
Perſe,
auſſi, pourl'artillerie,
pour gouuerner faire preſentſurau leſquels
Roy, & commandoit
outre ce cent ieunes
Tho
mas Hemolaus, & nommerent pour preſenterau Roy ce preſent, Ioſeph
Barbarus,homme deſiaaagé, mais fortentendu en lalangue Perſanne.De
toutes ces choſes ils chargerent trois nauires, quiarriuerent heureuſement
à bon port, commandant outre plus le Senat à Mocenique, de tenir lar
mée preſte au commandement dVſunchaſſan, pour marcherauſſi-toſtoù
il ſeroit mandé par luy. / - >
#""Vſunchaſſan,menant auec ſoy ſes deux fils, Baiazeth & Muſtapha : puis
- ayant
des Turcs, Liure premier. I2I
ayant paſſé laPaleſtine & Syrie,trauerſale fleuue Fraat & vintiuſques aulac
d'Argis ou Gelucalat,où il print la ville d'Arſingan, qui n'eſtoit ny forteny
§5lecefutences quartiers là où Aſſambey ou Vſunchaſſäluyvintau de
uátauec ſes forces,ayant ſes enfans enſatroupe,le premiernomé Cululile 2.
Vgurlimehemeth, le troiſieſme Zaniel,toutes-fois quelques-vns tiénent que
Muſtaphale fils aiſné de Mahomet,aſſiſté d'Amurath Baſſa delaRomanie,
ui eſtoit de lafamille des Paleologues,auoit deſia combatupres le fleuue
Euphrates cótre Zanielle ieune fils d'Vſunchaſſan, ieune Princefortvaleu- p†
reux & debonne
phafut & heureuſe
mis en route, conduite
trente mille à la guerre;
de ſesgens en ce combat
furent taillez auec le #º
en piecesMuſta- C3 1 l1IC5•
Baſſa Amurath & pluſieurs autres chefs, car il les auoit pris au paſſage de
l'Euphrate, où lesTurcs ne ſçachans & ne pouuans tenir le gué du fleuue,
ny ſe ſecourir les vns les autres , comme pouuoient faire les Perſ§ , ſe
noyoient,oueſtoient maſſacrez par leurs ennemis. Qu'ily eutapres vnau
tre rencontre de toutel'armee des Turcs contre les Perſes, dedans les mon
tagnes d'Armenie, où nonobſtant leur multitude & bonne conduite, & -
lavaleur des Iennitzaires, quice iour là firenttout deuoir de bons comba- #as
tans,lesTurcs furent comme reduits au dernier deſeſpoir, quarante mille
desleursy eſtans demeurez ſur la place. Quelquesvnsneantmoins ne font
de la ſeçonde & premiere bataille, qu'vne ſeule; encore diſent-ils que le
Turcn'y perdit que dix, & les autres douze mille hommes : quoy que ce
ſoit,Mahometrecognoiſſantlagrande difficulté devaincre la Perſe : à cau
ſe des riuieres, deſerts & montagnes qu'il faut paſſer; &ayant deſiaaſſezeſ
prouué à ſes deſpens, qu'il auoit trouué chauſſure à ſon pied, ſe retiroit
pour attendrevne meilleure occaſion, mais Zaniel tout tranſporté de ge
nereuſe ardeur, & de deſir d'acquerirvn ſecond trophée en la preſence des .
ſon pere, paſſe l'Euphrate pour pourſuiure lesTurcs. - ſeſpoir ils re
Or cette nationa cela de propre, qu'il luy faut pluſtoſt faire vn pont †º
pourlalaiſſerpaſſer, qu'vne § pour l'arreſter # deſeſpoir luy faiſant -
& lides chariots liez enſemble auecdes chaiſnes de fer, ſurchacû deſquels †
#oientdeux pieces de campagne, outre ce il y auoit vn grand nombre § §
dattillerie rangée partout, pour deffendre les fortifications, & quinze mil
ºmcs ordonnez toutautour,pourtirerinceſſamment §
Q
:
12 2 Continuation de l'hiſtoire
Les Perſes levindrentattaquer en cet equipage,quine s'attendans point
d'auoiraffaire auecle tonnerre, mais ſeulementauec des hommes, s'aſſeu
roient deſ-jadelaruine totale deleurennemis, veuleurs victoires precedé
tes, & qu'ilſembloit que la perte des hommes euſt faict perdre le courage
auxTurcs quſe retiroient : s'encourageans donc ainſiles vns les autres par
la memoire de leurs beaux faicts, & le meſpris de leurs ennemis, auec vne
Le canon cau
siege desco Baſſa, Beglierbey de la Romanie & Eunuque, eſtoitallé mettre le ſiege de
" uantScodre ouScutari,laportedelamerionique & Adriatique, leuert
boule
de
à .
desTurcs, Liure premier. I25
uertdel'Italie, & capitale de Macedoine, elle eſtaſſiſe ſur vne montagne
0,
panchante de tous coſtez, & fortmalaiſée en quelques endroicts, ayant du
:
[t
coſté du Ponantvnlac
vn Autheurn'en de quatrevingts
faſſemention) que ceuxmille pas deappellentlelac
du pays tour (encore †
queScu-
pas saſcituation
|. tari, duquel ſortvn fleuuenauigable, nommé Boyan, ſelon Pline la riuie- -
ild'artillerie,
fiſt auſſi-toſt approcher
& douze autresdesmoindres
muraillespourlabattre
de la ville, quatre groſſes pieces †.
en ruine. l(1Ol1S,
&
l# |. -
le de Corfou, q
-
qu'àlaville de Duraz, &autres pplaces importantesaux
5 > - - -p -
enui
# rons, qui eſtoient encore ſoubs la domination Venitienne luyauecle plus
e,
ſijºſº
deforcesqu'il peutaſſembler, tant des ſubiects de la Republique, que de,Mocenique au
lesconfederez, s'envint camperau temple deſaincteSergie, à laveuë des §
# habitans,à cinqmille toutes-fois de Scutari, & quatorze mille de la mer,º"
) -
#| #ºtre-donnans courage les vnsaux autres,par desſignals & des feux qu'ils
| | · faiſoient reciproquement le ſoir & le matin. Oraudeſſoubs de ce temple,
,| . Q ij
I26 | Continuation del'hiſtoire
commele fleuue Boyan eſtgueable en pluſieurs endroicts, les Galeres &
autres gros vaiſſeaux n'y peuuent voguer enuiron huict mille pas, ioinct
que les hautsrochers qui ſont tant ſurl'vne que ſurl'autre riue le font reſſer
Le pas de l'eſ- rer en deux fort eſtroictes bouches & encolleures, les paiſans du pays ap
•> ſ"
chelle. pellent ordinairement ce deſtroict là le pas del'eſchelle.
- - - -
Ces
des Turcs, Liure premier. I27
Ces raiſons ayans eſmeules Generaux, ils enuoyerentincontinent faire XIII.
haſter Leonard Bulde, que Mocenique auoit † temps auparauant
enuoyé à Catarte,ville de Dalmatie, ſcize augolphe Rizonique,auec qua
tregaleres pour tirer du ſecours de Iuan Cernouich, Prince qui auoit de
l'authorité dans l'Eſclauonie, leur amy & confederé, & qui eſtoit bien
voulu & obey des habitans du lac: ceux-cy donc, n'attendans que le man- s# aux
dement du General, s'acheminerent incontinent.Les trouppes de Cerno- CUlt2I1CI2Ss
uich conduites par George ſon frere, & Leonard ayant, outre les quatre
galeres par luy denouueau fabriquées & miſes en poinct de tout armemét,
ils'eſtoit encore d'abondant pourchaſſé trente barques ou fregates de ri
uiere, & lesayantfretées &armées, les tenoit en flotte preſtes àvoguer.
Or dugolfe des Rizoniens au Boyan, ilya vne montagne continuelle,
ſi pierreuſe ,aſpre & deſrompue, que lesgens de cheual n'y peuuent auoir
aucun accez, cette-cy eſtant en forme de pointe ou promontoire, s'encli
nant droict àScutari,s'enva finir ſur lebord de cette riuiere,George voulât
ſe ſeruir de l'aduantage que luy donnoit la ſcituation du lieu, commença
à monter parle dos de cette montagne verslaville, tandis que Leonardsa
uançoit par deſſus lelac, les communautez desvilles circonuoiſines ayans
fourny § & dixbarques de peſcheurs bien armées, d'autant que cet
teriuiere n'eſtantnauigable,les galeresnepouuoient approcher plus pres
de Scutari. -
Le Baſſa cependant qui eſtoitaux eſcoutes, & quitenoit pour tout aſ ºrdr, du
ſeuré que les Chreſtiens ne laiſſeroient pas prendre cette place ſansy en-†
uoyer quelqueſecours, commeilauoit debons eſpions de toutes parts,il†
deſcouurit auſſi l'entrepriſe des Venitiens : de ſorte que pour empeſcher -
s# Lauretan auſſi ramenteuoit aux ſiens leur anciennevertu, tant de fois Lursan en
# eſprouuée contre cesinfideles, leur Religion, leurs femmes & leurs en-†s° "
)# fans, quin'auoient maintenant pour murs queleurs poitrines, & pour def
# fenſeurs que la force deleurs bras : combien degloire & d'honneur ſeleur
# ſeroit à lapoſterité d'auoirrepouſſévnetelle puiſſance, n'eſtans meſmesaſ
ſiſtez de nul,toutes ces choſesſe diſoient en rafraiſchiſſant ceux qui eſtoiét
# las, & faiſantretirerlesbleſſez, enremettantd'autresenleursplaces,le tout †
-%
|! auectant
deuxheuresde deuant
labeur &le iour,iuſquesvers
devigilance, quelelesTurcs ayans combatu
Soleilcouchant,ſans depuis
auoir peu †
§" C
-s nable, & que ceux qui eſtoient dedansauoient plus de valeur qu il ne s'e
## # ltoitimaginé: toutes-fois il eſtoitreſolu delesmatterparlongueur deſie- ... .
## $e5encores que ſelon qu'aſſeurerent depuis les Scutariens,ilmourut, tant #
#:ſ ! ºux aſſauts qu'autres rencontres durant le ſiege, iuſques à ſeize mille Turcs, †:
• º deceuxdelaville enuiron deux mille, tant par la guerre qu'autres acci-lº º cº°.
# densice quilesaffligeoit le plus, c'eſtoit la faute d'eau, de † qu'ils en cºndedie .
, ºnt reduits à telle diſette, que n'en prenans chacun qu'vnbien peu, à ººººººº
#
I3O Continuation del'hiſtoire
grande peine en auoient-ils encore pour trois iours, quand parvne parti
culiereaſſiſtance Diuine, quinevouloit pas encore laiſſer perir cette forte
· place,Solymanleuale ſiege,faiſant charrier ſon artillerie, & s'aèheminant
en Macedoine, apresauoirtenu le ſiege trois mois entiers deuant Scutari,
enl'anmil quatre cens ſeptante quatre : ſi toſt qu'il fut decampé, les Scu
tariens qui auoienttantenduré de ſoif,s encoururent tous en foule à la ri
uiere, où quelques-vns beurent tant d'eau, qu'ils en eſtoufferent ſur le
champ. - · · | : .
ri. | ſans que les forces ſeules de la Republique n'eſtoient pas baſtantes pourre
ſiſterà celles duTurc,auoient enuoyé deuers ce Prince Sebaſtien Badouai
reauecvnriche preſent, pourle perſuader d'armer contreleTurc, & faire
Les ventien, quelques courſes ſur ſes terres, tandis que la meilleure parie de ſes forces
†"
le Roy Mat- eſtoit occupée au ſiege de Scutari: cettuy-cy ſceutſi dextrement manierle
C)
Le Roy Matthias d'autre coſté, n'auoit pas faict vne bonne lieue qu'il
ºnuoya ſa caualerie legere àl'aſſaut, marchant apres auec ſa gendarme
ºaugrandtror, ceux qui eſtoient ſur le rempart, & qui tenoient deſ ja
- R ij
I32 Continuation del'hiſtoire
vne partie de la place, encouragerentleurs compagnons,leſquels combien
†s euſſent treuué † reſiſtance au commencement, toutes-fois
#º cetaſſautinopiné, & la priſe de leurs remparts lesauoittellement eſtonnez
qu'ils commencerentàfuir de toutes parts, quittans la place & les armes à
· la mercy duvainqueur: là fut faictvngrandmaſſacre : le reſte futaſſeruy.Le
bruit de cette § conqueſte ſi promptement executée & auectant deva
leur & debon-heur, ſe reſpanditincontinent parmyles nations circonuoi
ſines, & chacun enfaiſoit des teſmoignages d'allegreſſe, comme ſiles ceps
& les entraues de la Chreſtienté euſſent à cette fois eſté briſées, non ſans
1eHenge, mettre en ceruelle les alltICS garniſons Turques ſçachans bien que les Hö
# gres ne demeureroient pas là , comme de faict ils vindrent incontinent
"" mettre le ſiege deuantSenderouie, ville tres-forte ſur le Danube, & capi
tale de la Raſlie, ou haute Myſie, conquiſe par Mahomet ſur le Deſpote
Eleazar, commea rapporté Chalcondileauneufieſmeliure de ſon Hiſtoi
•
re, cetteville eſtoitvnegrande eſpineaupied de la Hongrie : de ſorte que
Matthias tout encouragé parl'heureux euenement de Sciauas, & ne dou
tant point quele Turc viendroit incontinent faire quelque rafle auecvne
puiſſante armée, & reconquerir ce qu'il auoitperdu, deſirant gaigner le
XV.
temps, alla en cette
Or comme diligence
placel'inueſtir.
eſtvn des bouleuerts delaThrace, outre ſa force
s naturelle, Mahomet y laiſſoit touſiours vne puiſſante garniſon, & force
inueſtie munitions &artillerie, pour n'eſtre point † , & ſeruir aux occurren
ces qui pourroient arriuer en lacontrée : De ſorte que voyant combien il
Trois forts eſtoit difficille d'en auoirlaraiſon qu'auec le temps, il fiſt trois forts qui
†
deuant
rouie.
Scnde boucloient la place : ſi bien qu'il n'ypouuoit entreraucun ſecours que par
le Danube, & yagrade apparéce que les choſes euſſent heureuſemétreuſſy
1-,se .,d, pourles Chreſtiens, s'ils euſſent pourſuiuy leurpointe comme ils l'auoient
† commencée,mais les nopces du RoyMatthias emouſſerent non ſeulement
ruinent les af.
† la pointe de toute cette armée, mais ils'y fiſt encores outre ce tant de pom
& - - -
Mais pour reuenir à Mahomet, toutes ces entrepriſes luy auoient faict
* rappeller Solyman de deuant Scutari, lequel auoit enuoyé au ſe †
cours, mais comme ilfutarriuétrop tard, il eſtoit allé faire vne rafle auec
Les trouppes :1 - - - - -
lie pieces pieces, l'autretaſchant ſe ſauuer à nage,futabyſmée dans les eaux, Alibeq
-- quiauoit faict venir des vaiſſeaux de Senderouie par le Danube, voyant :
".
[OlltCS
-
º- - • *
#
toutes choſes deplorées pour luy, ſe ſaûua dans vne naſſelle; & cecy arriua /
| º
#
quelques mois deuant les nopces du Roy Matthias, auſquelles ſe faiſoit
comme vne aſſemblée generale de toute la Hongrie, Valachie & Tranſſil- ##
uanie, perdans ainſi vne ſi belle occaſion que DIE v leur mettoit en la # occa
main, pour deliurer tant de pays d'vne miſerable ſeruitude,ſurl'eſpouuen " -
tCIIlCIlt † auoit lors ſaiſy les Turcs.Au contraire Mahomet, de qui le
lautre depuis que les forts des Hongres furent mis par terre. De maniere
qu'ilſembloit que les Chreſtiens auoient eu l'aduantage en beaucoup de
lieux durant cette année, & queſionlesauoit aſſaillis,aumoinss'eſtoient- *
lie,mais auecbien meilleur titre, depuis cette memorable victoire que les
Chreſtiensy obtindrent contre Sultan Selim, comme nous dirons en ſon
lieu, contre cetteville Solyman menavnearmée de trente mille hommes, solyman des
eſperantdel'emporter ſans beaucoup de reſiſtance : mais Lauretan † peuº
de iours auparauant y eſtoit arriué auec vne puiſſante armée nauale, #
rompit bien ſes deſſeings, car nonobſtant qu'ily tint le ſiege deuantl'eſ
Pºce de quatre mois,labonne garniſon qui eſtoit dedans,& larmée nauale * •
Entretous les habitans & ſoldats de la garniſon, qui furent tous loiiez
& eſtimez par Lauretan, on luy preſentavneieune fille nommée Marulle,
le percdelaquelle eſtant mortàla porte Coccine,combatantvaillamment,
courageuſe elle accourutauſſi-toſt, &ayant empoigné l'eſpée & le bouclier du mort,
† †s ſouſtint toute ſeule l'impetuoſité des Turcs forçeans deſia la porte, puis •,
† " aidée des ſiens , auoit repouſſé les ennemis iuſques dans leurs vaiſ
· ſeauxauecgrand meurtre : de ſorte que le communbruit eſtoit que la ville ----
auoit eſté principalement ſauuée par ſa valeur : auſſile General luy donna
il double paye, & les Prouidadeurs & tous les Capitaines des galeres luy
firent preſent d'vn eſcu chacun : luy eſtant outre plus donné #e chois de -
loup, tandis que les chiens ſe mangentl'vnl'autre; ceux qui eſtans les pro-†
tecteurs & conſeruateurs de cette ſaincte Republique, eſtans bien-ſou-† ' ſuccombe en
'•
)
136 Continuation del'hiſtoire
riuieres, nyl'aſpreté des montagnesleurpeuſt empeſcherle paſſage & de
ſtourner de leur deſſeing; ils vindrent tumultuairement ſe ietter dans le :
Frioul, ou marqueTreuiſane iuſquesaufleuue Liſonce, rauageans de ſor
te tous les bourgs & villages par où ils paſſerét, qu'vne profonde paixauoit
rendus riches & opulens, qu'ils en emmenerent au moins vingt mille a
mesauecvnegrande quantité de butin, cette courſe ayant apporté telle
, frayeuràtoutel'Italie, que pluſieurs changerent de demeure, pour aller
cherchervne retraicte envn pais de plus grande ſeureté, cela fut cauſe auſſi
reusaie , que les Venitiens firent clorre & remparer de groſſes leuées, tout ce qui
† courtderiuieregueable de fleuue de Liſonce, entre le pont Gorician §
radiique » - - - -
premier. 137
fuir trop lentement pour des gens eſpouuentez; mais l'ardeur du combat
&le deſir de la victoire,l'empeſchoit deſtre obey,iuſques à ce qu'ils fuſſent
arriuez en des chemins fourchus fort ſerrez & ſuſpects de toutes parts : car
alors les Chreſtienss'eſtans retirezau ſon de la retraicte; les Turcs au con
traire reuindrentàla charge,renforcez d'vne autre trouppe qu'onauoit en Lambuſade
uoyée à leurſecours,iuſqu'à tant que tout le reſte de l'armée arriua,&lors le †
combat
repouſſezrecommença plus furieux
iuſques à Graman, quetorrent
c'eſt vn deuant,de ſorte que
qui court les Turcs
à trauers furêt †
les vallées IC1I1CIlS,
.
Alibegdonnant le ſignalà ceux de l'embuſcade du ſommet dumont Lici
niſie, qui eſtoit à maingauche des combatans, ils vindrentfondre auecvn
S, tel bruit & telle furie ſur les Venitiens, qu'eux qui ne s'attendoient rien
#
moins qu'àcette recharge,& qui pour eſtre tropattentifs au combat,igno
#.
roient le nombre de ce nouueau ſecours, commencerent à reculer & pren
#
dre en fin telle eſpouuente,qu'ils ſe mirenttous enfuitte.LesTurcs cepen
dant les pourſuiuans à toute bride, en firent vn grand maſſacre iuſques à Les Tures vi.
# | Moſſa, & vn peu plus auantoùilss'arreſterent,legeneralHieroſme Veni-† rád maſſacre
#
T#
tienyfuttuéauecſon fils,& pluſieursautres notables perſonnages,ſans que º º
#
parmy vn ſigrandnombre de morts, comme dit l'Hiſtoire de Veniſe, on
llſ !
peuſttrouuer le corps d'vn ſeulTurc, bien que cela ſoit certain que plu
ſieurs y finirent leurs iours, comme ils'eſt peu remarquer† ce diſcours:
# deſorte qu'ilyagrande apparence qu'Homar les fiſt amaſſer en vntas, &
# bruſler,pour oſterauxChreſtiens la cognoiſſance de la perte qu'ils yauoiét
27
faicte, ruſe qui luy ſeruit à courirenaſſeurâce, & rauager toutes les meſtai
jv
ries,bourgs & villages qui eſtoiét entre les fleuues Liz6ce & Taillamét, où
ilmiſtle feud'vnbout à autre, ce qui donnavnetelleterreurà tout le pays
circonuoyſin, qu'à peine eſtoit-onaſſeuré dans les villes,& non content de
cette rafle là,feignant des'en aller,ilss'eſloignerentbiévne iournée du fleu-secsdes gsi.
ue Lizonce; de maniere que partoute la prouince, comme on les croyoit †
auoirquitté le pays, on fut tout eſtonné qu'on les ſentit de retour auecau
tant de furie & de cruauté qu'au precedent, acheuans debutiner ce qu'ils
auoiétlaiſſé,ſeretiransainſi enla Boſſine chargez degloire,de toutes ſortes e ..
de deſpouïlles, & d'vne multitude de captifs,non moindre que la premiere #§
fois qu'ilsauoientrauagé cette contrée, telle futl'iſſuë de labataille de Li-† our la per
te de cette ba
zonce, qui apporta telle frayeuràvn chacun, que iuſques à Veronne on "
, tremblade peur,auſſivid-on de la haute tour de Veniſe, le feu des meſtai
ries quibruſloient la nuict. - v
Ce fut lelepremier
deſaſtre; effect
ſecondfut de l'alliance
le ſiege rompue
& la priſe auecle
de Croye, Hongre qui cauſa
parleSágiacHaly, ce XIX,
cette , I -
Monarque Turcy arriua en perſonnc,auectous ſes Iénitzaires &autres gés Second ſiege
de ſaporte & famille : quant à Haly, apres l'arriuée de ſon Seigneur, il s'en de Scutari.
allacamperau delà du Bolian. Quant à l'eſtat de laville, il y auoit dedans
milſix cens habitans, & deux cens cinquante femmes, ils auoient mis de
hors toutes les autres bouches inutiles auant lavenuë de l'ennemy; outre
ceux-cy, ilyauoit encores ſix cents ſoldats mercenaires, ſoubs la charge de
Carlin, d'Anthoine Corton, de François Sanſerobar, de MichelSpalatin
&de pluſieurs autresgrâds capitaines,Anthoine Legghey eſtoit en qualité
de Prouidadeur & degouuerneur auecce petit nombre les Scutariens ſou
ſtindrent le ſiege contre tant de milliers de perſonnes.
Auſſi-toſt doncques que Mahomet fut arriué, l'artillerie fut inconti XX.
nétbraquée pourbattre les murailles.Toutefois le Turcſeló ſa couſtume,
fiſt† ſommerlaville de ſerendre, deſirant dubon du cœur,qu'el. Scutari ſom
le vouluſtentendre à quelque honneſte compoſition,ayantaſſez eſprouué # # º
au premier † le courage & lareſolutioninuincible des Scutariens : mais "
b
,•
leur liberté, firent reſponſe † n'euſſent point tant perdu de leurs ci-sºutiriens.
toyens,ny ſoufferttant deme aiſes durant & depuis le premier ſiege, s'ils
., « *
# euſſent eu quelque volonté de ſe ranger ſoubs l'Empire des Othomans,
'.
• •
\ ^
) qu'ils n'eſtoient pointignorans de ſa puiſſance, & du bon-heur de celuy
::t #^ , |
I
quiregnoit pour lors, mais qu'ils s'aſſeuroient de combatre pourvneque
& telle ſiiuſte, qu'ils fondoient plus leurappuy ſur le ſecours diuin, que ſur
nkº#) la puiſſance humaine, & parainſi qu'ils eſtoientreſolus de reſpâdre iuſques
sdº | àla derniere goutte de leurſang, pour leursautels & leur chere patrie.A ce
1 !
: .
#
cylesTurcsadiouſterent encores deux ruſes, l'vne ſe fut de § deux
gepº desleurs quiparloient Italien, en habillement marineſque, & les enuoye-† pour corrom
ºntdeuant les murs delaville,faiſans accroireaux Scutariens qu'ils eſtoiét §.
des galiots fraiſchement arriuez & deſcendus des galeres, qui auoient"
S ij
[
- - - 3 - --
, ... , Cela fut ditd'vnefaçon ſigauffe & auecſipeu de ſuitte & d'apparence,
g§ comme lesTurcs ſont naturellement mal-propres à toutes ces negotiatiós
# " qui deſirentvn eſprit plus delié quele leur, que les habitans recogneurent
- ayſement cette inuention eſtre venuë du Baſſa de Romeli, lequel pour
eſtre campéau deſſus d'vne coline (quia eſté ſurnommée la coline du Baſſa)
de laquelle on † ayſement voir ce qui ſe faiſoit dans la ville, il auoit
recogneu que les Scutariens trauailloient iour & nuict à fortifier leur ville
de forts & puiſſans remparemens,ce qu'ilvouloit empeſcher par cette ruſe,
& de fait ces entremetteursyfuſſent demeurez pour § ne ſefuſſent
Au ie, ſauuez par la fuite. L'autre ruſe ce fut que les habitans de Croye s'eſtans
# rendusvie & bagues ſauues,la plus-part d'entre-eux contrelafoy promiſe,
§ de fut miſe à la chaiſne parleSangiac, & enuoyez à Mahomet, par ſon com
" mandement furentincontinentamenez aux portes de Scutari, & à force
de menaces forcez d'admoneſter ceux de cette ville, de ſe mettre à lamer
des Turcs, deſquels ils ſe pouuoientaſſeurer d'auoirtout bon & fauorable
· traictement. Mais la voix tremblante, & les ſouſpirs interrompus de ces
† miſerables leur faiſoient aſſez iuger qu'on § auoit plus forcé la
- angue que le cœur, ſi bien † tant s'en faut que cela peuſt eſbranlerleur
reſolution, qu'au contraireils remarquerent de plus en plus la perfidie du
. . , Monarque Turc, quicontre ſafoy promiſe,tenoit captifs, & forceoit des
T§ gens, qui parleur capitulation deuoient eſtre en pleine liberté, & toutes
† fois ils apprindrent depuis qu'onlesauoitmisàrançon,& que ceux quin'a
† º uoient eulemoyen de la payer,& tombez depuis entre les mains des Turcs
auoient neantmoins eſté cruellement maſſacrez, apresauoir eſté deſpouïl
lez, & les autres qui n'auoient point eu le moyen de ſe racheter, auoient
eſté enuoyez deçà & delà,pourpaſſerleurvie envne perpetuelle ſeruitude.
| De ſorte qu'au lieu quelesTurcs eſperoient par cesinuentions d'eſmouſ
ſerla pointe des courages des Scutariens, ils les fortifierent de plus en plus
pour ſouffrir toutes ſortes de fatigues & de perils, pluſtoſt § de ſe ren
· dre à la mercy de celuy, en la parole duquel il y auoit ſi peu d'aſſeu
IaIlCC. • '
142 \
Continuation de l'hiſtoire
- -
- - -
Inuention de ville, mais entre autres ilyauoit deux mortiers qui incommodoient fort
certains bou
·§
On nC † les habitans : car les boulets queiettoient ces machines deſſus les toicts de
†"| àScutarieſtoient
feu.
d'vne telle
peine le pouuoit-on compoſition,
eſteindre : de ſorte qu'apresque
que le feu ſeleprenant
feusy eſtoit pris,
aux toicts -•
ſez ayſée, mais en recompence que le lieu eſtoit trop acceſſible de ſoy, #
l'artificel'auoit renduimprenable † deux tres-fortes tours, qui le flan- -
rent pluſieurs-fois, ayans meſmes deſia gaigné les remparts, les fem- Les femmes
mes auſſi s'expoſans à toutes ſortes de perils, & combatans àl'enuy des †
hommes : de ſorte que quelques-vnes furent tuées de l'artillerie ſur le †º"
rempart.
Mahomet quivoyoit tout ce combat, & admirantle courage des aſſie
gez,fiſttoutes-fois publier que chacun cuſtàſe rallier ſoubs ſon enſeigne, Mºlent •.
& faire la derniere preuue de ſa force & de ſon induſtrie, pour ſubiuguer #s º
cette place, & comme le Chreſtien & le Turc eſtoient maintenant peſle-"
meſle, cela ne ſe doit pas paſſer ſoubs ſilence, que le grand deſir que ce
Prince auoitd'emporter cette place,luy faiſoit tirer sócanon auſſi toſtcon
tre les ſiens, que contre les Scutariens, ne ſe ſouciant pas de perdre ſes ſol
dats, pourueu que quelque Scutarien fuſt emporté † & eux. Mais
comme ce conſeil eſtoit deſeſperé, auſſi ne reuſſit-il qu'à ſon domma
ge,carlesTurcs eſpouuentez de toutes parts commencerentàchanceler, #
& les Scutariens à § ourſuiure auec vn tel courage, qu'apres pluſieurs §uſe †
charges & recharges,ils les repouſſerentiuſques dans leurs tranchées, re-"
tournans triomphans dans laville, † de maintes deſpouïlles, force Les #ºº
enſeignes, & teſtes Turques, qu'ils enleuerent au bout des piques deſſus "
leurs remparts. On dit que lesTurcs dirent depuis, qu'ils auoientveu du
rant le combat,ſur les murailles des Scutariens, des hommes d'vne figure viſio» des
& d'vn port plus auguſte & venerable que l'humain, & qui excedoient la †" ſecours des
forme des autres hommes en grandeur & maieſté, leſquels batailloient sºuariº
pour lesaſſiegez contre les aſſaillans, auſſi auoient-ils eſté en continuelle
priere aux heures qu'ils pouuoient auoir quelque relaſche durant ce
ſiege. -
T
-- !
I 46 Continuation del'hiſtoire
XXIII Ce futicyle dernieraſſaut quel'Empereur Turc fiſtliurer à cette place,
car Acomath, duquel nous parlerons § , voyant lopiniaſtreté des
aſſiegez,luyconſeilla defaire faire des forts &terraſſes tout àl'entour, l'aſ
ſeurant qu'eſtant ainſi blocquée de toutes parts, ils ſeroient en fin con
c r, traincts de luyvenir crier mercy la corde au col, & que ſa hauteſſe pour
co§ roit prendre les places circonuoiſines, & apres ſe retirer en ſa Royale cité,
" ſans reſſentirl'ennuy & le trauail de cette guerre. Ce conſeil fut pris de ſi
bonne part de Mahomet, qu'ille ſuiuit de poinct en poinct,lelaiſſant luy
meſme auecquarante mille hommes, comme on dit, pour acheuerl'exe
cution de cette entrepriſe, & enuoya ſurprendre Xabiac & Driuaſte, qui
luy auoitfaict beaucoup d'ennuy durant le ſiege de Scutari, ayant choiſy
le temps que la meilleure partie des gens de guerre eſtoit ſortie de Xabiac
ſelon leur couſtume,pour luy donner quelque eſtrette : ily mit le ſiege,la
faiſant battre d'vne telle furie, qu'aubout de ſeize iours, n'ayans point de
| | gens aſſez pour ſe deffendre,ils furent contraints de flechir ſoubs le vain
d§ queur quitaillatout en pieces, trois cens exceptez, leſquels amenez deuant
"º | Scutari, paſſerent tous de ſang froid par le fil del'eſpée, les Turcs nete
noient pas toutes-fois encore le chaſteau de Driuaſte;carcét ſoldats reſolus
· EtDriuaſte par ſe fortifierent dedans & leur firent teſte fort longuemét, maisen fin preſſez
hors de leurs files, ils n'oſerent ſe reſpandre en courſes & pilleries, de crain
te que les Venitiens les prenans par derriere, n'en tiraſſent quelque reuan
che àleurintereſt, & sallerentruerſurlaprochaine frontiere d'Alemagne,
au pas de Cador, où on dict quelesTurcs firent des actes ſi †
ſurpaſſent toute croyance, careſtans paruenus auecgrandtrauail aux ſom trauaux
Merueilleux
precipices, de haut enbas & devallée en autre, parfois la plus part de leur
caualerie, comme ils'eſt peuremarquer à la trace qu'ils en auoient frayée,
s'eſtant comme precipitée en de ſi baſſes fondrieres, qu'à la longueur de
plus de deux cens pas il eſtoit impoſſible non ſeulement de cheminer à
pied, maisyarreſter meſmeslaplante, ſans ſ'accrocher à quelques racines
ou arbriſſeaux. - -
au chaſteau Ferté, ils coururent la Styrie, & Racoſpurge, où ayans tout #"
mis à feu & à ſang, ils ſeretirerent en la Boſſine chargez debutin, & enleué
comme on dit, plus de trente milleames raiſonnables. Le Roy Matthias Diligence du
ayant entendu ce rauage, rompit incontinent l'aſſemblée, & ayant faict RoºNiºuhia .
trefues auecl'Empereur Frederic,ilaſſembla en diligence le plus de forces
qu'il peut,&nelesayant peu ratteindre ſurſesfrontieres, illes pourſuiuit
trois iournéesau delà de Iaicze, envn champ appellé Greben, d'où il de
Peſcha ſeize mille cheuaux des plusviſtes de ſon armée, pourauoirauſſi ſa
reuanche ſur la plus prochaine contrée appartenante àl'Othoman, mais ils
Paſſerent outreiuſques à Verbes,groſſe & puiſſanteville d'Eſclauonie, où pºiſ deve,.
ayans ratteints les Turcs, ſurprindrent & entrerent de nuict dans la ville, † "
où peſle-meſle,Turcs & habitans, quines'attendoient nullement à cette "
ſerenate,ilsmiréttout àfeu & à ſang,demeurâstrois iours entiersaupillage
de cette Place,aubout deſquels ſe voulans retirer à Iaiczeauec leurbutin,
T iij
15o Continuation de l'hiſtoire
Omarquis'eſtoitſauué lors que Verbes fut ſurpriſe, & ayant rallié le
reſte de ſes forces eſparſes parlesvilles & villages circonuoyſins, leur vint
donner ſur la queue, où de premier abordilfiſtfort bienſesaffaires, car les
Chreſtiens qui ſe retiroient ſans aucune deffiance,veul'eſchec qu'ilsauoiét
faictdesTurcs à Verbes, & eſtans eux-meſmes tous chargez de butin, il
eſtoitmalaiſé de ſebien deffendre parmy cet embarraſſement, au contrai
re desTurcs quitous à deliure & pouſſez du deſir devangeance & de s'en
richir, s'enalloient ſans doute mettre les Hongres à vau de route, & leur
faire plus reſpandre de ſang que les habitans de Verbes n'auoient eſpan
ché de larmes à la priſe de leur ville : mais vne trouppe de trois censche-'
uaux Crouaces, quiàl'improuiſte leurvindrent donner parles flancs,arre
† ſterent leur impetuoſité, car les iugeans plus grand nombre qu'ils n'e
† ſtoient, tandis qu'ils troublent leurs rangs † faire teſte § Hon
gres ſe deſambarraſſent & reprennent cœur, de ſorte qu'ils forcerent les
Turcs detournerle dos, & ſe mettre enfuite : & le victorieux à le pourſui
ure auecvnnotable degaſt partout ce qu'il rencontra en l'Eſclauonie eſtre
de l'obeyſſance Turqueſque, faiſanttout paſſerparle fer & par le feu à tren
. . .. te mille àla ronde deſon camp: que ſi l'Empereur Frederic euſt gardé les
#." trefues qu'ilauoitiurées, & ne ſe fuſt pointietté ſur la contrée laurienne,
*ºriº tandis que le Hongrepourſuiuoit l'ennemy commun, ilyauoit grandeap
parence † deuoit affranchir l'Illirie del'Empire des Othomans : mais
cette perfidiel'animatellementàlavangeance,que laiſſant là tous ſesdeſ
, ſeings contre les Turcs, il conuertit ſes armes contre Frederic; reſolu d'y
Le Chreſtien V 1v - - N
§" perdre ſa couronne, où d'oſter l'Auſtriche à ſon ennemy : voyla comment
† apresla mort de Caſtrioth DIE v nous auoit ſuſcité vne nouuelle eſpée
cours d'ëhaut
cens autres voiles quarrées & latins pour trois grands deſſeings qu'il vou- #
loit entreprendre toutàlafois,l'vne d'aſſieger Rhodes,l'autre de dompter †
l'Italie, & la troiſieſme
plus à propos de conqueſter
de commencer parla priſel'Egypte, mais
de Rhodes, ilsilimaginoit
penſa qu'ilqueeſtoit
c'e- †º
gs.
§
deſſeing, ce furent trois renegats
Meligabe Rhodiotqu'ilauoit
de nation,pres de ſa perſonne,l'vn
& defort bonne maiſon,nom- †
le-#" Rho
quel ayant follement deſpendu tous ſes biens, ſe retiravers leTurc, luy
donnant la deſcription du plan, edifices,fortereſſes & autres choſes con
tenuës,tant enlaville qu'enl'Iſle de Rhodes. Le ſecond & celuy quiytint
lamain,fut Acomath Baſſa : deſcendu del'illuſtre famille des Paleologues, #
lequel ayant faict banqueroute à la Religion Chreſtienne, s'eſtoit faict § §
| Turc, à cettuy-cys'eſtoit addreſſé le Rhodiot,luyfaiſant remarquer par la ##.
carte qu'ilenauoit dreſſée, les endroicts les plus foibles, queles cheualiers †
enrefaiſans leurs murailles, n'auoient point fortifiez, & que la ville ſeroit de Rhode .
ayſée à prendre par ces coſtez-là: le troiſieſmeboute-feu pour ce ſiege, fut
vn Negrepontin appellé Demetrius Sophonie, grand Negromantien,
quis'eſtoit retiré à Rhodes, apres que Mahomet eut pris l'Iſle de Negre
Pont, & lequel depuis ſe faſchant contre les Chreſtiens, ſeretira vers le
º - M.
(
152 Continuation del'hiſtoire
Turc, &futcirconcis tous cestrois cy furentla cauſe principale du ſiege
par leurs fauſſes inſtructions, le Baſſarapportant au grand Seigneur l'eſtat
de la ville, non telle qu'elle eſtoit depuis † l'Illuſtriſſime grand maiſtre
Pierre d'Ambuſſon de la nation de France l'auoit reparée, ains telle qu'elle
† eſtoit lors † les fugitifs lauoient quittée, ledit Seigneur grandmai
C3lI
des. Chreſtiens aſſirent trois canons au iardin du Palais des cheualiers d'Au
uergne, & lors Georgesmaiſtre canonnier duTurcſe preſenta ſur le bord
du § quiregardoit le palais du grandmaiſtre, en intention de luy eſtre
preſenté, mais il penſa eſtre § & l'euſt eſté ſi on ne l'euſt oſté des
mains de lafureur populaire.
· Ce George eſtoitAlemand,beau de ſtature & aſſez eloquent, mais fin
- & cauteleux
desTurcs, Liure premier. I53
& cauteleuxaupoſſible, car ayant renoncéſa Religion, il ſe retira vers le r
Turc, quiluy donna de grandsgages : de ſorte ques'eſtant marié,ils'eſtoit G§ .
N.
- - - - I2h11O1l
nonnier cötre
habitué à Conſtantinople , c'eſtoit vn des inſtrumens Royaux deſquels †
Mahomet ſe ſeruoit à prendre lesvilles,carill'enuoyoit dedans,ſoubs pre-ººººº
texte qu'il ſe vouloit faire Chreſtien: & luy cependant faiſant ſemblant de
s'ayder de ſonart (auquelil eſtoit fort expert) pour le bien des habitans,
recognoiſſoit tout ce qui eſtoit de fort & de foible, pour en aduertir ſon
† des lettres tirées auecdesfleches : que ſilesTurcs ne pouuoient
prendrelors cetteville,ilenſortoitle ſiege leué, & donnoit aduis de tout
ce qui s'y eſtoit paſſé, & de toutl'eſtat d'icelle, c'eſt ainſi qu'il envouloit
vſerà Rhodes, toutes-fois comme le camp desTurcs eſt compoſé de plu
§
ſieurs nations & diuerſitez de Religions, enauoit lors qui euſſent eſté
bien marriz qu'il fuſtarriuémal à cette ville : voyla pourquoy ils tiroient
des lettres § de leurs fleches, parleſquellesilsaduertiſſoientles habi
tans de ſegarder de cegalant: mais le ſeigneurgrand Maiſtre luyayant bail- Deſcouuerte
lédes gardes pourl'eſpier,onle recogneutà la fin pour tel qu'il eſtoit, & « §
ayant eſté mis à laqueſtion,il confeſſatout ce que ie viens de dire, de ſorte
qu'il fut condamnéàla mort,& pendu & eſtranglé. .
Cependant les Turcs battoient ſans relaſche la tour de ſainctNicolas,
careſtant aſſiſe, comme nous auons dit, ſurvn coſtau, quelques trois cens
pasauant dans lamer, & faiſant vnport fort commode, du coſté qui re
gardel'Occident, dedanslequelilne peut entrer qu'vnegalere de front, à rendeſ a
cauſe que de tous coſtezl'entrée eſtcloſe d'vn fort rocher, & ſur la pointe #e
§ eſtaſſiſe latour dont eſt queſtion; ils mettoient tous leurs efforts †º
pour la pouuoiremporter, eſtant ſiforte & detelle conſequence pour le
ain du reſte de laville; & defaict cette batterie fut ſi bien continuée, que
# grandes &groſſes pierres, qui reueſtoient le mur d'icelle, s'en allerent
parterre, mais le dedans & moëllon de la muraille eſtoit ſi bien cimenté
qu'ilfutimpoſſible detellementle demolir, § la † de la tourne
# demeuraſt debout, aſſez ſuffiſante pour empeſcher le Turc de venir à l'aſ .
: ſaut. Ce ne fut pas neantmoins ſans donner beaucoup d'eſtonnement à
.º
# ceux de dedans quivirentvnetelle piece par terre, laquelle n'eſtoit pluste
#: nable comme ilſembloit, toutes-fois legrand Maiſtre recognoiſſantlana
ture du ciment,la fiſt reparer, &reſolu de la tenir mit quelque cornette
decaualerie àl'auant-mur qui tiroit de la tourſainct Pierrevers le Mandra
|
#
che,afin d'empeſcher qu'on ne vintàl'aſſaut, comme auſſi aubas du Mo
le, il fiſt vn choix de † meilleurs ſoldats pour ſecourir les autress'ils en †
auoient beſoing:làmeſme onmiſt de l'artillerie pour battre les vaiſſeaux †
Turqueſques : § preparer des mortiers,grenades, pots à feu,lä- Nicolas.
ces & autres materiaux pour ietter dans les vaiſſeaux des Turcs, leſquels
cependant ayans le vent à gré, vindrent du mont ſainct Eſtienne vers le
promontoire Saburne pouraſſaillir cette tour, ſonnans leurs tambours &
nacaires pour eſtonner dauantage les Chreſtiens, deſquels ils furent re
cueillisauectant d'aſſeurance, qu'ils furent contraincts de ſe retirer. Mais Ann & re
Acomath voyant le peu d'aduancement qu'il faiſoit contre cette tour, †º U -
154, Continuation de l'hiſtoire
changeace deſſeing, & ſereſolutd'abatre le Mole, † ſonartillerie vis
àvis du mur qu'on appelle des Iuifs, deuant lequel on affuſta huict gros
doubles canons, & vne groſſe bombarde de l'autre coſté du Molevers le
Septentrion, ſurvn tertre oùl'on conduiſoit ordinairementau dernierſu :
†
leur deffence ſon, tant les mortiers faiſoient de degaſt à tous leurs edifices, c'eſtoit de
#ºus
femmes.
ſes mortiers dont nous auons parlé au ſiege de Scutari. Ce † fut cauſe
' que le grand Maiſtre fit mettre les femmes & petits enfans le long des
- murs de la fortereſſe, qui eſtoient deffendus de groſſes poutres, leſquelles
† ces pierres ne pouuoientaccabler,& le reſte ſe cachoités lieux ſouſtetrains:
† & pource onſeretiroités Egliſes poury dormir,ou contre quelque portail
· où lesaiz fuſſent eſpais, ou aux maiſons voûtées, de ſorte que peu de per
ſonnes ſe reſſentirent de cette ruine. -
§ ville imprenable, c'eſtoitle grand Maiſtre, cela luy fit faire deſſeing ſur ſa
†º" vie & de pointercontreluy, non ſon artillerie, mais de meſchans garne
mens qu'ilattitra pour s'allerietter comme fugitifs danslaville,feignans de
† conuertir au Chriſtianiſme, & quitter la loy de Mahomet, &
cependantauecintention d'empoiſonner le grand Maiſtre,mais le premier
de ſes fugitifs eſtant pris pour vn eſpion, & ſes reſponces aux queſtions
u'on luy faiſoit eſtanstergiuerſantes & malaſſeurées, on luy donnala que
ſtion en l§ il confeſſa tout, aduertiſſant le grand Maiſtre de ſe tenir
ſur ſes gardes, veule perilauquelileftoit, y en ayant pluſieurs qui auoient
faictvne ſemblable entrepriſe. - -
Mais le ſieurgrand Maiſtre & ſes cheualiers recognoiſſans que leurs foſ
ſez remplis de toutes matieres, par la ruine de leurs murailles, les Turcs -
Acomath faiſoit auſſi ietter pluſieurs lettres dans laville, menaçant les
habitans d'vne extreme ruine,s'ils s'opiniaſtroient dauantage, & au con
V ij
" « • " 1 12 1 • ^ •.
:
#
•º
156 Continuation del'hiſtoire
traire leur faiſant pluſieurs belles promeſſes,s'ils ſevouloient rendre à com.
†poſition,
diots-
mais à tout cela on fiſt la ſourde oreille; il enuoya auſſi vn Grec
qui s'eſtoit faict Turc vers l'Egliſe noſtre Dame pour parler à ceux qui
eſtoientauguetſurles remparts,leurfaiſantentendre quele Baſſa deſiroit
d'enuoyer vn Chaous augrand Maiſtre, pourueu qu'onluy donnaſt ſauf
conduit, ce que luy ayant eſté accordé, commeil n'euſt parlé que de la
grandeur du Monarque Turc, & du grandbien que ce ſeroit aux Rho
diots d'auoir paix auecluy,ſansyadiouſter les conditions, leſquelles tou
tes-fois eſtoient facilesàcomprendre, c'eſtà ſçauoir en ſe rangeant ſoubs
Reſtºnes du ſon obeyſſance,le grand Maiſtre le renuoyaaueccette reſponce, que ceux
† quiportoient la Croixpour enſeigne,ne pouuoient moins faire que ſe def.
† des ennemis d'icelle. Que ſi Mahomet auoit deſir de la paix, qu'il
dc.
Les Turcs voyans doncques que tous leurs efforts eſtoient inutiles, &
ayans entendu parle moyen de deux galeres quele Roy Ferdinand de Na
ples enuoyoit, dontl'vne entra à pleines voiles dans le port, l'autre fut #
ſtée parleur canon, & toutes-fois nelaiſſa pas de paſſer le lendemain, leſ
§ portoientnouuellesaux Rhodiots,quele Pape leur enuoyoit vn
v iij -#
158 Continuation de l'hiſtoire
tcl ſecours, qu'il ſuffiroit à faire leuer le ſiege, & à liurer le combataux
le Turcs,s'ilsles vouloientattendre, & cette nouuelles'eſtant portée iuſques
n, le
† º au camp desTurcs, cela haſta encore leur depart : ſi bienqueleuans leſie
gele troiſieſmemois apresqu'ils commencerentd aſſaillir la ville,ils reprin
drentlaroute de Lycie, & delà s'en allerent à Conſtantinople, ſansauoir
riengaigné que des coups, toutes-fois deuant que de partirils pillerent &
· mirent le feu aux maiſons champeſtres, vignes & logis de ſeiour voyſins
de Rhodes, & où iuſques à lors, ils n'auoient faict dommage quel
conque. -
camp
Turcs,de foſſez & leuées,n'oſantaffronter
qu'il ſçauoit de ſipresl'audaee
meſmes eſtre bien garnis d'artillerie,&pour
la fiereté des #
eſmou- c§ apres
cherceux quiles voudroiét viſiter de plus pres que la portée de leur canon,
ce n'eſt pas toutes-fois qu'ils neliuraſſent ſouuent maintes eſcarmouches,
& que lesTurcs ne les ſouſtinſſentbrauement, faiſans pluſieurs ſorties ſur
eux, où ils auoient ordinairement l'aduantage, Ferdinandy ayant per
du les meilleurs de ſes chefs, entre autres le Compte Iules d'Aquauiua, p.,a, p .
pere du feu Ducd'Atri, lvn des plus renommez en cettearmée, ce qui fit #
perdre tout courage àl'infanterie quiſe miſtenfuite à ce rencontre. i§
Louys de Capoue leurColonnel pourguarantir ſa vie & ſauuerla meil
leure partie de † gens, ſe ietta dans vne touraſſez bonne & forte & non
trop eſloignée d'Ottrante, ſevoyant † de la Caualerie Turqueſ
que, laquelle paruenuë deuant la place, l'enuironna, & ſe§
de matieres pour y mettre le feu, ſi bien que les pauures aſſiegez fu
rent contraincts de ſe rendre, leſquels furent tous amenez priſonniers à
Otttante, ils eurent encores depuis pluſieurs rencontres aufquelles les
Turcs eurent touſioursl'aduantage,&auſquelles Ferdinand perdit le Sei
gneurMatthieudeCapoue,le Compte Iules de Piſe & autres chefs ſigna :
•!
I6O Continuation de l'hiſtoire
lez, ſibien quelaville d'Ottranteregorgeoit des priſonniers qu'on y em
menoit de iour en iour.
En fin le BaſſaAcomathayantfaict envain conſommeraux Chreſtiens,
1.,rate, leſté toutentier, & puis apres lautomne deuant cette place , les gelées &
# l'hyuer les contraignit de ſe retirer en garniſonaux villes d'alentour, tan
§ dis que luy & les ſiens coururent tout le reſte de la Poüille, iuſques au
† mont ſainct Ange, où ils ruinerent Beſtia, tres-ancienne ville du mont
Gargan, & firent de grands rauages par toute cette Prouince. Or Aco
math deſirant s'aboucher auec ſon!Souuerain deuant}la venue du Prin
Autre armee temps, laiſſaàlagarde
&b d'Ottrante huict mille hommes d'eſlite, & la place
- - - - - - - -
† paſſantauec
fournie pourſadix-huict
en la Natolic flotte à la mois
Valonne,ſe rendit parartillerie
de victuailles, terre à Mahomet qu'il: &
& munitions trou
re
ua en Conſtantinople preſt de paſſer en la Natolie, en faueur de ſon fils Ba
iazeth, enapparence,lequelauoit eu quelque priſeauecle Caraman, con
federé du Sultan d'Egypte, où il auoit eſté rompu auec notable perte de
ſes gens : onyadioultoit encore deux choſes, l'vne qu'il auoit outragé ſes
Ambaſſadeurs quivenoient de trouuerVſunchaſſan, l'autre que le Sultan
exigeoitvntributſur lesTurcs qui paſſoient ſur ſes terres, pour aller enpe
lerinage à la Mecque : mais en effect c'eſtoit pour s'emparer de l'Egypte, ſi
vtile & neceſſaire à ſes pretentions. - -
· Sur ces entrefaictes, Mahomet eſtant paſſé en Aſie auec vne armée ef
cand.,me froyable de trois cens mille combatans, & deux cens galeres, comme
#ºº ilfuſtproche de Nicomedie,ville de Bithynie, & duvillage de Geiuiſen,
· en vn lieu § les Turcs appellent † Tzair, il fut ſurpris d'vne
†: colique paſſion,quiletourmentaauec telle violence qu'il mourutaubout
#º de quatreiours, non ſans ſoubçon de poiſon.La nouuelle de cette mort
- ſe reſpanditincontinent par toutel'Aſie & l'Europe, & futtant agreable à
#de pluſieurs peuples, & ſurtout aux Italiens †
en firent des feux de ioye:
†# Il mourut le troiſieſme, & ſelon d'autres, le quatrieſme iour de Mars,l'an
† de grace milquatre cens quatre-vingts & vn, & del'Egire huict cens qua
*" tre vingts cinq Seant à Rome, Sixte quatrieſme,tenantl'Empire, Frede
ric troiſieſme du nom, & Archiduc d'Auſtriche, & regnant en France
Louys onzieſme, ayantregnétrente deuxans, non du tout accomplis, &
Meur des veſcucinquante trois. - - -
que ce fut à la cuiſſe, mais laiambe s'en pouuoit bien reſſentir, quant à ſa
| ſtature, & ſes bonnes ou mauuaiſes inclinations, elles ſe pourront voir
dans ſon Eloge.
Philippes de Comines adiouſte qu'il mourut ſoudainement, toutes
fois qu'il fit ſonteſtament, lequelilditauoirveu, & qu'eniceluy ilfaiſoit
conſcience d'vn impoſt qu'ilauoit mis nouuellemét ſur ſes ſubiects,& ſou -
ſtient ledictteſtament eſtre vray : ce qui eſtàlaverité fort notable pour les
Princes Chreſtiens, qu'vn ſi cruelhomme, & fiabſoluëment ſouuerain en
ſes terres, ayt § eu regret à la fin de ſes iours, d'auoir chargé ſon
peuple d'vne ſimple impoſition, attribuant celaà ſa ſeule faute, d'autant
que la plus-part de ſesactions,illes conduiſoit plus parluy-mefme & de ſa
teſte, que par ſon conſeil; auſſi vſoit-il plus de ruſe & de cautelle que de
·vaillance & de hardieſſe, dit le meſme Autheur. Quelques-vns ontvoulu
dire qu'il eſtoit plus porté à la Religion Chreſtienne, tant à cauſe de ſa
mere, qui eſtoit Chreſtienne, que de ce precepteur que nous venons de
dire,aueclequelil conferoit, ioinct qu'iltenoit pres de ſoy, auec lampes •
allumées, certaines Reliques quiluy eſtoientvenuës entre les mains, & les
reueroit : toutes-fois ſavie deſbordée,& les traicts de mocquerie qu'ildon
noit à tous propos, tantànoſtre Religion qu'à la ſienne, faict croire que
ce qu'il faiſoit en cela n'eſtoit que pure hypocriſie, pour vendre mieux les
choſes ſainctes aux Chreſtiens, & qu'il n'auoit point dutout de Religion:
il ſe trouue vne epiſtre deluyau Pape Pie douzieſme, & vne autre fort lon
gue que le meſme Pape luyreſcrit, où il l'appelle Morbiſan, comme faict
auſſi Monſtrelet, & taſche de le cathechiſer en la Religion Chreſtienne,
mais cette oreille eſtoit trop ſourde pour entendre de ſiloing, il prenoit
bien plus grand plaiſird'ouyrles canonades que les ſiens faiſoient retentir
enl'Italie, que tous les diſcours † quieuſſent peuvenir de Rome.
Cecy ne doit pas eſtre auſſi paſſé ſoubs ſilence, qu'on tient qu'il eſtoit ille
gitime & ſuppoſé, car apres la priſe de Conſtantinople, quelques Chre
ſtiens ſe ſaiſirent de Mahomet, fils legitime d'Amurath, & le donnerent
auPape Nicolas cinquieſme, quile fit nourrir en la Religon Chreſtienne,
&aux bonnes lettres : Apreslamort de ce Pape, il ſe retira versl'Empereur,
& puisvers Matthias Coruin Roy de Hongrie : & ſachant la diſpute †
eſtoit entre Baiazeth & Zizim, il fit entendre au grand maiſtre que les
162 Contin. del'hiſt. des Turcs, Liure I.
pretentions del'vn & de l'autre eſtoientvaines : ſi on ſe fuſt ſeruy de cette
occaſion au commencement, cela euſtbien troublé Mahomet, & empeſ
ché le cours de ſes conqueſtes.
- Reuenant doncques au ſiege d'Ottrante, ſi roſt que les Princes Chre
- $b - -
orttante re ſtiens furentaduertis de cette mort, ils preſſerentles aſliegez de ſi pres, que
†. deſiatous eſpouuentez pourlamort de leurS eigneur, il ſe rendirent à tel
º le compoſition, que leursvies ſauues, eux,leur butin,artillerie & toutau
tre bagage ſeroient ſeurement reconduits à la Valonne, eû ils trouuerent
† auecvingt cinqmille hommes qu'ilauoitamenezauecluy pour
les rafreſchir, tant cette reddition fut faicte à propos pour les Chreſtiens.
Mais Acomathvoyant qu'il auoit perdu la place, & ſachant bien qu'il y
auoit de grands changemens chez les Turcs,ilpenſa que c'eſtoit le plus
ſeur de ſe retirer.Le corps de Mahomet fut conduit à Conſtantinople, &
tres-ſomptueuſementinhumé en vne chapelle à coſté du grand Marath
Erieale de Parluy cdifié,& mirent ſurſon ſepulchre vn epitaphegraué enlettresTur
Mahomet queſques, contenant les noms detous les Empereurs, Roys & Princes par
luyvaincus,& les Prouinces & citez qu'ilauoit cóquiſes.Et ce qui eſt de re
marquable en ce Prince, c'eſt qu'encore qu'il fuſt ſi grand guerrier, qu'il
ne pouuoit demeurer en repos, toutes fois ilaimoit les lettres, & ſur tout
A , .. les hiſtoires, qu'il ſe faiſoit § par Scolarius Religieux Chreſtien,homme
# # degrande doctrine : meſmement aux lettres ſacrées, & quifutau Concile
de Florence,lequelilauoitpris pour ſon precepteur.Apres ſes funerailles
-
· ' -
FIN Dv PREMIER LIVRE.
^---,
| CONSIDERATIoNs
- SV R L ES ACT I O NS P L VS -
# | SIGNALEES Q V I RESTOIENT A
l - deſcrire de la vie de Mahomet2. du nom, contenués en cepremier
|. Liure de la Continuation del'hiſtoire des Turcs, & parleſ
# - quelles la iuſtice & prouidence de DIE v, *
C. I.2. I.3. Quantau ſiege de Scutarien quelle action eſt-ce que la Prouidence di
uine, & ſa particuliere aſſiſtance ne reluit pas à ne deuoient-ils pas ſuccom
ber ſoubs le faix d'vnetelle & ſi effroyable puiſſance ? pourquoy les Turcs
qui n'auoient point craint de venir à vn ſi furieux aſſaut, & qui meſmes
eſtoientmrontezvictorieux ſurlabreſche,prennent-ilsl'eſpouuente,eſtans
deſia au milieu de la ville, & perdent le cœur voyans quatre cens hommes
leurvenir àl'encontre; eux qui eſtoient à milliers : D'où penſez-vous que
leur vint ce haut courage de ſouffrirtant de meſaiſes, ſinon qu'ilss'eſtoient
du tout remis ſoubs la protection du Tout-puiſſant ? ne voyez-vous pas
qu'il
l'hiſtoire des Turcs. | 165
qu'ilveut eſtre ſeulleur protecteur, & ne veut pas permettre qu'ilyvienne
du ſecours (où en paſſantil fautremarquer combien il faut regarder à tou
tes choſes à laguerre, puis qu'vn ſi petit accident que la peſcherie, empeſ
cha lors vn ſi bon effect)voulant faire voirauxTurcs qu'ils ne pouuoient
vaincre qu'en leur laſchant la bride, & aux Chreſtiens qu'ils ſurmonteroiét
tant qu'ilsl'auroient pour appuy: & qu'ainſineſoit, ne voulant point ſe c. 14.15.16 .
ſeruir d'autres que desaſſiegez § faire teſte à ſes ennemis, & voyant en
uelle neceſſité ils eſtoient, il faict leuer le ſiege aux Turcs, lors qu'in
§ ilstenoientlaville entre leurs mains, ſoubs vn ſeul §
de guerre.
Mais cela n'eſt-il pas remarquable de dire que lesTurcs penſans prendre
le bouleuert de la Chreſtienté de ce coſté là en prenant Scutari,onprendle
leur qu'ils auoient baſty du coſté de la Hongrie ? DIE v beniſſant les ar
IIlCS † & la main de celuy qu'il nous auoit encores donné pourno
ſtre deffence, à ſçauoir le Roy Matthias : mais au lieu de nous ſeruir de ſon
bon-heur, nous nous amuſonsàluy faire la guerre, employans toutes nos
puiſſances pour le ruiner, commeilſeverra cy-apres. Mais quand ie parle
du Roy Matthias,ie n'entends point parlerſimplement du Roy de Hon
rie & du fils de Huniade, mais d'vn grand Capitaine que DIE v auoit
donnéaux Chreſtiens pour leurdeffence : car pourſa § ilafaictau
tant de fautes que les autres,teſmoingſes nopcesau §
ayant mis à nonchaloir la Republique Chreſtienne,autemps
fort de la guerre,
§ auoit
deſigrandesaffaires, & vn ſi † ennemy, DIE v l'ayant miſe, s'ilfaut
dire, entre les bras de luy ſeul, & cependantils'amuſoit à faire nopces, où
il deuoit penſer que ſa Royauté eſtoit vne publique calamité : car il y a
grande apparence que ſon pays ne luy euſt point eſleué ſans ſon extreme
neceſſité, cependant cetraictfut ſiimportant qu'il luy fit perdre tout l'ad
uantage § acquisauectant de labeurs, car ſans cela ils eſtoient en
termes de prendre Senderouie, & de fairebeaucoup de malauxTurcs, qui
redoutoient ſavaleur & ſonbon-heur, & principalement cette année où
toutes choſes proſperoientaux Chreſtiens de toutes parts, tant en Molda
uie, qu'à Lepanthe & Coccine. ' . -
Mais cebon-heurne leur duraguere, & le tout parleur faute, car ilsai c. 17. 18,
merent mieux eſpouſer le party de Frederic, quine combatoit que pour
ſon intereſt particulier, que de continuer ce petit appointement qu'ils
donnoient à ce Prince : petit à la verité, veu § auquel il auoit
affaire, carils pouuoient bien penſer que ce n'eſtoit pas le moyen de l'en
tretenir & le § expoſeràvne entrepriſe ſi § , que de combatre la
puiſſance du Turc, que deluy retrancherſes commoditez, mais ils en re
ceurent tous le chaſtiment, car Fredericfut vaincu & contrainct de men
dier la paix,les Venitiensyperdirent l'Albanie, & le reſte de l'Italie,lavil
le d'Hoſtie, car comme vousauez peuvoir par l'exemple du ſiege de Scu
tari,le Turc n'euſt pas faict de nouuelles entrepriſes, tant qu'il euſt veule
oy - Hongrelesarmes enlamain contre luy, la bataille de Lizonce & les raua
J5 # i
ges quelesTurcs firent en la Poüille ſont des effects de cette ſeparation.
X iij
quº ;
t
I66 Conſiderations ſur
Iamais l'homme de guerre ne fit grand effect, qui aſpire plus au butin
u'au profit, n'eſt-ce pas vn eſtrange aueuglement de s'amuſer à ramaſſer
des deſpouïlles, & auoir encores ſon ennemy ſus-pied ſi fort & ſi puiſſant,
car cette ſeule choſe fit rendre Croye, & fit aſſieger Scutari, d'autant que ,
C'.27. 2 ?,
Le ſiege de Rhodes au demeurant ſemblera tout miraculeux à qui le
voudra conſiderer, ſoit enſon commencement, à ſon progrezou à ſa fin:
caroutre la puiſſante armée qui eſtoit deuant, & le peu de forces de ceux
qui eſtoient dedans, les trahiſons qu'ils euiterent, le peu de ſecours qu'on
leur
l'hiſtoire des Turcs. 167
leur donna : le bon ordre qu'ils mirent à toutes choſes, leurgrand courage
& magnanime conſtance, iuſques là que les Turcs ne peurent pas auoir
ſureux l'aduantage d'vne ſeule tour, les viſions qui apparurent à leurs en
nemis,& finalement leur deliurance, toutes ces choſes dis-je,monſtrentaſ
ſez que DIE v lesauoit pris en ſa protection.
Au contraire de celle d'Hoſtie, laquelle encores qu'elle fuſt ſecouruë,
ne peut toutes-fois eſtre deffendue, priſe auſſi-toſt qu'aſſaillie, & toute l'I
talie qui s'employoit pour ſa deliurance, ne fut pas aſſez puiſſante pour
chaſſervn petitSangiac qui eſtoit dedans, & ſi encore n'euſt-elle pointeſté
deliurée ſans le ſecours de Matthias Roy de Högrie, qui vint tout à temps
pour oſter cette eſpine du pied, & rompre les ceps & les entraues qui te
noient la pauure Italie en ſubiection. - '
C. 30.
".
- Monarque
-
:,
'! . . -2 Eloge. 17I
•, Monarque qui auoitſ ſouuerainement gouuerné l'espace de trente
| ans vn ſi grand nombre de prouinces, ſe vid reduit à telle neceſſité,
qu'ildemanda vn lieu àſonfilspourſeretirer, & luy qui diſpoſott de
# la vie &'dela mortd'vn chacun, nepeut conſeruer laſienne qu'elle ne
/7- luyfuſtrauieparl'execrablemeſchancetéde celuy à qui il l'auoit don
# née, qui corrompitſon medecin,en quiilauoit toute confiance, lequel
|. lempoiſonna, commeilſeretiroità Damotique,auvillage de Tzura
#. lo, le dix-neufieſmedumoisd'Octobre, l'an degrace milcinqcensdou
# ze,es de Mahomet neufcens, ayant veſcu quatre-vingts ans, & re
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gnétrente, &'quelquepeu d'auantage.
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- N - •2 A/Hi2 N ºrY -
N- •- 1 3x
-
| LIVRE SECO ND DE
LA C O NT IN VA T I O N DE
L'H I S T O I R E D E S T V R C S.
S O M MAIR E DES CHEFS P RIN C IP AV X
| i COIltCIlllS CI1 CC preſent liure.
:
|
|
--
·
-
Partialitez entre les Baſſats pourchoiſirvn ſucceſſeurà Mahomet, Corchutmit
en laplace de ſon pere Baiaxeth, en attendant ſon arriuée : menées de Zizim pour
-
j -
-
paruenir à l'Empire. Chapitre I. -
-
r
- la -
' -
-,-- Lettre de Zizim à Baiazet,ſareception à Rhodes, il vient en France, deſiré de
·! | pluſieurs Princes & pourquoy, crainte de Baiazeth, & les grandes penſions qu'il
: | ! '
+ | | |
donnoit de crainte qu'il ne fuſt deliuré, on le rend en finau Roy de France Charles
| | | huictieſme, mais empoiſonné,ſamort & ſon eloge. Chapitre 3.
-
-
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| feſtin de Baiazeth à ſes Baſſats, cº le crueltraiéiement qu'onfit à Acomath, qui a
, : : la vieſauueparle conſeildel'Aga,ſedition des Iennitzaires à ſon occaſion, qui le ti
rent des mains de Baiazeth contre ſon eſperance, ſa prudence, ſes remonſtrances
# i aux lennitzaires, & finalementſamort. Chapitre 4.
'il ; ,
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Deſſein de Baiazethcontreles Iennitzaires empeſchéparles Micaloges,les lennit
zaires en ont le vent & ſe mutinent,rapaiſezpar Haly Baſſa, & toutes-fois refu
ſent de camper auec leur Empereur : les Baſſats leurcertifient le diredeleurSeigneur,
conqueſtes des Turcs en la Carabogdanie, le pouuoirdes lennitxaires plus grandque
celuy desſoldats Pretoriens. - Chapit.5.
• Conqueſte
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Sommaire. 173
Conquefte de la Caramanie & extermination de toute la race des Caramans !
baftimens de Baiazethà Andrinople, embraſement en icelle, grande eclypſe de So
leil, armée des Turcs en 44oldauie, priſe de Chillum & de Moncaſtre, entrepriſe
des Turcsſur l'Egypte, les Måmelus eſgau xenforce & diſcipline aux Iennitzaires:
4 bataille des Egyptiens contre les Turcs, priſe d'Adene & de Tharſe parles Egyp
tiens:ſeconde bataille où Themirchefdes Egyptiens animelesſiens aucombat,le Be
glierbey del'Europefaiét lemeſmeaux Turcs quiperdent la bataille, grandmaſſacre
d'iceux, & le Baſſa Herzecoglimenéen triomphe au Caire, autre armée des Turcs
contre les Egyptiens , les V.accenſes aſſubiettis aux Turcs. Chapit. 6.
laduantage, priſe de Modon par les Turcs, par la faute des Modenois, lunqueſe .
-
rendauxTurcs. - Chapit.I2.
|. -
Ligue du Pape & des Venitiens auecques Ladiſlas Roy de Hongrie contre les
i Turcs,paix entre-eux & les Venitiens, ruſes de Baiaxeth ſur cette paix, Ladiſlas
Roy de Hongrie en prolonge la reſolution :trefues entre les Turcs & le Sophy,
---
l'Iſle deſainéie Maure renduë aux Turcs. Chapitre14.
-
iecis, deſquels ilfut maſſacré, ſa femme ramenée à Conſtantinople, e9 Dauut em
-
poiſonné. - Chapitre 15.
-
· en Egypte, & aduertySelim des deſſeings deſon pere, parricide execrable de Selim,
#|! -·
le Medecin de ſon pere corrompuparluypour l'empoiſonner, & ſelon d'autres, le
l4,
Baſſa Ionuſe, il vient au Serraildes Othomans, murmure des Iennitzaires,pour n'a
uoirpas obſeruélescouſtumes, ilfaict eſtrangler vn Iennitzaire, qui alloit vers ſon
" , frere Achmet. | Chapit. 29.
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Baiazeth empoiſonnépar ſon medecin qui ſe retire vers Selim, lequel luy faict
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-- trancherlateſte:Selimapresauoirfaictmourirſonpefe,luyfaict defort ſuperbesfu
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nerailles. Chapitre 3o.
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LIVRE SECOND DE
L A CONT INVAT I ON D E
L'H I S T O I R E DE s T v R cs.
L eſt ſi difficile d'arreſter le cours des affections
immoderées del'ambition, que le Soleil creature
inſenſible obeïroit pluſtoſt à la voix humaine,
que l'homme ambitieux ne fleſchiroit au com
mandement de la ſaincte Diuinité. Mahomet II.
|
178 Continuation de l'hiſtoire
Baiazeth, & luy fut fort fidele iuſques à la fin, encores qu'il ſceuſt qu'il
eſtoit malvoulu des Iennitzaires:& Cherſed Baſſa & Beglierbey de Rome
· liportoit le party de Baiazeth ,ayant de ſon coſtéles Iennitzaires de lapor
decºre #ls te, leſquels durantl'abſence de Baiazethnommerent Empereur Corchut
Baiazeth - - N -
§ fils de Baiazeth, iuſques à ce que ſon pere fuſt venu, lequel eſtoit lors en
† Capadoce:ſaluans ainſi cet enfant pour leur Prince,ſous le nom & fortune
de Baiazeth, lequeladuerty de tout ſe mit en chemin, ne ceſſant nuict &
iour d'aller en diligence, iuſques à tant qu'il arriua à Conſtantinople, où
-
chacunl'attendoit engrande deuotion, caril eſtoit aimé des ſoldats & du
peuple,le dixneufieſme du mois Rebiuleuel, que nous diſons le mois de
Mars, l'an mil quatre cens quatre vingts & vn : Mais Zizim ou Gemen
-
auoit les grands pour luy,leſquels taſchoient d'eſmouuoir des ſeditions,&
-
deſleue le peuple contre Baiazeth, pour le chaſſer & appeller Zizim, fai
ſans courir le bruit quelamort de Baiazeth ſeroit cauſe du bien & liberté
de l'Empire, où au contraire luy viuant, tout ſeroit en ſeruitude; ioinct
qu'encores que Baiazeth fuſt l'aiſné & Zizim le cadet, ſi eſt-ce que cet
tuy-cy ſe diſoit fils d'Empereur, par ce qu'il eſtoit né durant le regne de
Mahomet, & Baiazethauparauant. Baiazeth ſçauoit auſſi que ſon frere Zi
†" zim eſtoit homme d'entrepriſes & de grandcœur, lequel ſi toſt qu'il ſeroit
-
aduerty de ce quis'eſtoit paſſé à Conſtantinople, laiſſeroit bien-toſt l'en
,: trepriſe de Syrie, où ſon pere l'auoit enuoyé contre le Sultan du grand
- Caire, & s'enviendroit auecſes forces,le pluſtoſt qu'illuy ſeroit poſſible,
& meſmesonluyauoit donnéaduis que † armée eſtoit deſia en la Na
tolie, ayant occupéla Bithynie, comme ſi partageant l'Empire auecques
Baiazeth, illuy euſtlaiſſél'Europe pour partage, & ſe fuſt rendu Monar- .
II.
que de l'Aſie.
Voyant doncques qu'ilfalloit marcher en ſon faictautant de ruſe que
de force, il ne fit pas du commencement grande leuée de gens deguerre
pour n'irriterſes ſubiects, mais ſeulementautant qu'illuy en falloit pour la
garde & deffence de ſa perſonne envntemps ſidangereux, puis faiſant vne
O
| il haſta ſon paſſage le plus qu'il peut, donnant la charge de ſon armée à
Acomath, le plus ſage & vaillant capitaine de ſon temps, ſi bien que
# mettant en route les forces † Zizim auoit miſes ſurlesaduenues pour
- | | - - - A,
f# * Zizim
- •
luyempeſcher
-
de paſſerenAſie,
s'eſtoit campé, il vintiuſques
& où ilauoit choiſi le ſiegeſurle terroirde
de ſon Empire,Burſe, ou
àl'imita
- t1OIl
desTurcs, Liure ſecond. 179
tionde ſes anceſtres,&aubout de dixiours, ils ſe donnerent la bataille en -
ques chez eux,ſans qu'ils euſſent la peine d'allerapres luy, que là ilsauoient zizir
encou
toutes choſes fauorables, viures, places, ſecours & toutes ſortes de com-" les ſiens. .
moditez , au contraire de ce tyran, quiayant prislevert & le ſecà ſon ayde: ©
-
ſivne-fois ileſtoit rompu, ils ſe † aſſeurer de la poſſeſſion des bel.
les Prouinces de l'Europe, qu'il n'eſtoit pas temps de leur declarer par le
-"
menu, les amis qu'ilauoitaux terres de ſon obeyſſance,mais qu'illeurdon
noit parole que Baiazethauoitlaiſſé d'auſſi dangereux ennemis à la maiſon
qu'ilen auoit en la Natolie : que puis qu'ils l'auoient choiſy pour leur Prin
ce, qu'il y alloit du leurauſſi à le maintenir, mais ce qui eſtoit le plus im
portant, c'eſt que ſi Baiazeth anoit l'aduantage, ils ne deuoient attendre
-- autre choſe qu'vne cruellevangeance qui tomberoitſur leurs teſtes, pour
- s'eſtrebandez contre luy.Que cette meſme valeur doncques,leur diſoit-il,
- - † vous animoit cy-deuant contre le Soudan d'Egypte, laquelle n'eſtoit
-- ondée que ſurl'obeyſſance quevous deſiriez rendre au grand Mahomet,
ſoit celle-lameſme qui deffende auiourd'huy, non ſeulement la couronne
- * · &leſtatàſon fils, mais vos propresvies, voſtre honneur & voſtre pays.
· Aucontfaire GeducesAcomathtoutbouillant d'ardeur de côbatre & tout
- plein dezele & d'affectionenuers ſon Prince, alloit diſant aux ſiens : Pen-†le party de Ba
ººVous, compagnons que nous quiauonstant de
vaillantes nations de l'Europe, quiauons ces iours paſſez couru, rauagé & ºi"°
fois battu & vaincu ces #º 2ll
r, domptéla plus belle Prouince d'Italie, deuiós craindre ces effeminez Aſia
- tiques quine recognoiſſent autre milice que la volupté,ny d'autre camp
- que leurs demeures delicieuſes : & leur chefn'a il pas faict paroiſtre auſſi
† il eſtoitindigne de vous commander, nes'eſtant point § de l'occa
ºn d'vne ſibelle armée qu'ilauoit en main pour paſſer en Europe, lors
que lesaffaires du Seigneur n'y eſtoient pas encores † aſſeurées? au con
ºire, penſant que touty eſtoitgaigné pour luy, ils'eſt laiſſéarreſter parles
elices,neſe ſouciant plus devaincre, depuisqu'ila eſté dompté par layſe
& le plaiſir.En queleſtat d6ciroit noſtre Empire,s'il en eſtoitle ſouuerain?
† trophées emporteroient ſurnous les nations nouuellement conquie
$quád olles nousverroiét les armes bas & puis n'eſt-ce pas vous quiauez
sileu Baiazeth & quiauez reietté Zizim, qui malgré les menees des plus
grands de la† eſleué ſur le troſne de ſon pere, c'eſt à vous à luy
maintenir & conſeruer en celal'authorité, diſoit-il, parlât aux Iennitzaires,
que vous vous eſtes acquiſe de longue-main : & ces trouppes que vous
| Voyez deuantvous,quin'ont oſévous reſiſterau † ezvous qu'ils -
retiravers le Sultan dugrand Caire poury ſauuer ſavie, & ce par le conſeil
meſme du Caraman luypromcttant deioindre ſes forces aueccelles de l'E
º gyptien pourtenterencore vne autre fois lehazard du combat s'en eſtant
doncallé en pelerinage àla Mecque, & delà trouuer le Sultan, il entiravn
viaoire d'A. fortgrandſecours. On tientauſſi que les ſoldats de Zizim, quand ils ſceu
† rent qu'Acomath eſtoit arriué en larmée, entrerentenvnegrande frayeur,
i # & que Zizim meſmes s'eſcria parlant de Balazeth, Hay cachpezené(c'eſtà
-
§les§iºn dire) Haº fils de putain, d'où eſt-ce que tu nous as faict venir cettuy-cy?
--
*º tant ce grandguerrier eſtoit redouté, meſmes parmy lesTurcs. -
º Z1IIl
--
| | des Turcs, Liure ſecond. 181 -
zim luy auoitvſurpée, auoit aſſemblé le plus de gens qu'ilauoit peu, ſeve
nansrencontrer tous enſemblevers le mont Taurus, où Acomath les vint · · ,
trouuer auecvnearmée de deux cens mille hommes, l'inegalité des forces seconde bas taille de Zizim
fit trembler Zizim, & donna du courage àl'arméc de Baiazeth qui ſurpaſ contre les for
z Iz IM Roy , A B AI Az ET H s o N
- · tres-cruel frere.
# mondeſiràviurepaiſible
Et'auois demâdécequieſtoitiuſte,tum'aspayé d'inhumanité, & i'auois borné
en lafrontiere, mais ton ambition deteſtable n'a peu
Lettre de . .
zin à b2 , .
zeth
ſoºffrirtonfrereen repos dans vneparcelle d'vnſigrand Empire, ieſuis doncques con
trainé#, pourſauuerma vie, d'auoir recours au nom Chreftien, & auxplus grands
ºemis de noſtrepuiſſante maiſon, nonpour le meſpris de la Religion de mes ance
ſtres,mauforcépartacruauté,puisque monplusgranddeſirſeroit deſeruirDIE vſe
lon les ceremonies de noſtre loy: ileſtvrayque ie n'ayquefairede te parler de D1 Ev
mydenoſtreſainct Prophete, puisque tu meſpriſe l'vne & l'autre loy, & que tu t'es
ºſbouillédetoute humanité.Noſtre pere s'eſt efforcétouteſaviedeſleuer la maiſon des
9thomans,& tuprens plaiſiràla deſtruire : mais la iuſtice diuine me vangeravniour
ºfa meſchanceté, & permettra queſitu regnes quelque temps par tyrannie, la fin
- deton Empireſeraplus tragique que le commancement n'en a eſtéfortuné . Adieu, &°
te lnuuiene au'
'ſouuiens qu'on exercera quelquesfois contretoyc tes enfans, ce que tuentreprends
-
" Ce Prince fut receu à Rhodes le 24. Iuillet, mil quatre cens quatre
Vingts & deux,legrand Maiſtre luy enuoyant Aluaro de Stauiga, Prieur
deCaſtille, aueclesgaleres de l'ordre pourleconduire, & luy vint au de
. "antaucctous ſes cheualiers,non ſans l'eſbahiſſement de Zizim, qui s'e
# · s - Z iij
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ii: , 1 |.
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#. •i + · les perſuader de ſe ſeruir d'vne ſibelle occaſion pour diuiſer l'Empire des
|
La partialité O § & parle moyé de Zizim retirer les eſtats † leurauoitvſur
-
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† pez : mais la Chreſtienté eſtoit à lors tellement partialiſée, & l'Italie ſi di
| | :
| †º uiſée, Le Pape,les Venitiens, les Geneuois & les Siennois eſtans liguez
| careſ , cótre le Roy Ferdinand de Naples,les Florentins & le Duc de Milan: l'Em
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1
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' - : .
| | | | | pereur quiauoit des deſſeings ſur la Hongrie, qu'on ne tira aucun profit
| | | : i d'vn ſibeaumoyen que DIE v nous mettoit entre les mains : & de faict Ba
| · · ·
i | | iazethauoit ſigrande crainte qu'on le miſt en liberté, qu'il paya tous les
|| | Zizim viêt en
ans, quarante mille ducats auTreſorier de la Religion, trente cinq mille
|
1 •
|
Fsancc. pour le train & l'entretenement de Zizim, & dix mille pour reparer le de
| - -
º * , gaſt que Mahomet ſon pere auoit faictau ſiege de Rhodes, & ce par ac
|
cord qu'il en paſſa auec le grand Maiſtre, le huictieſme Decembre mil
|!
» |
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† cens quatre vingts & deux.Auſſi-toſt que ce Prince fut à Rhodes,il
| | | t paroiſtre qu'ilauoit enuie d'aller en France, & de ſe ietter entre les bras
,! à -
-
: du Roy, & de faict le grand Maiſtre l'y enuoya, & ſe retira en Auuergne.
- i '
1 , - Toutesfois quelques-vns ont eſcrit que depuis le grand Maiſtre le donna
1 ! |
# † au Pape Innocent huictieſme, qui penſoit s'en ſeruir contre lesTurcs pour
| *º le bien de la Chreſtienté, & apresla mort duquel, qu'eſtant venu entreles
# : " - "
. mains d'Alexandre ſixieſme, Baiazcsh enuoyoit tous les ans au Pape, ſoi
xante mille ducats pour le tenir en vne priſon perpetuelle.
| # · · ·
• . : ,! )
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-
Matthias Coruin, cegrand Prince, duquel nousauons parlé,le deſiroit
-
·
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fort, & le fit demanderau Pape, & yauoit grandeapparence que ſi on luy
i " _º -
à fin de le tenir plus eſtroictement, lequely auoit eſté enuoyé par ce Pape
i : # !
| || |
|
| º| -
, 1 a prº Alexandreauec Camille Padon, quiy deſpeſchoitauſſile RoyAlphonce
- '
i º # de Naples, demandansl'vn & l'autre ſecours contre les François : cela tou
: | 4
F ois tesfois ſe traictoit ſecrettement, dit Guicciardin, quiadiouſte que ces Am
· baſſadeurs furent exceſſiuemét honorez par Baiazeth, & preſqueauſſitoſt
-
depeſchez, qui rapporterent degrandes promeſſes de ſecours : Mais(com
· bien qu'elles fuſſent confirmées vn peu apres parvn Ambaſſadeur que Ba
-
z,ialiure, iazeth enuoya à Naples) ou pour la diſtance des lieux, ou pour ce quele
· † Turc ſe deffioit des Chreſtiens, ellesneſortirentaucuneffect Finalement
i | ſonné.
Charles huictieſme du nom Roy de France,apres ſa conqueſte du Royau
me de Naples,le demanda au Pape, qui leluy refuſa du commencement,
toutesfoissyvoyant comme forcé ille luyliura mais ſelonle dire de Guic
ciardin
l' u
des Turcs, Liure ſecond. 183
ciardin, cmpoiſonné: de ſorte qu'il mourut à quelques iours de là à Tar
racone : ce Prince Turceſtoithomme modeſte, ſage & de fort gentil eſ Mººd.zi
prit, qui porta fort prudemment & patiemment ſa captiuité: il eſtoit au #ººº
commencement fort grand obſeruateur de ſa Religion, ſi bien qu'il en
troit en furie quand il voyoitvn Turc yure,ilbeuuoit de l'eau ſuccrée, &
quelquesfois du vin, pourueu qu'il fuſtmeſlé d'eſpiceries & d'autres li
queurs, diſant que ce meſlangel'alteroit entelle ſorte, que ce n'eſtoit plus
Nun, tantl'homme ſçait bienaccommoderla Religion à ſes appetits. On
dittoutesfois qu'ilfut depuis baptizé à Rome, & qu'ilmourut bon Chre
ſüen. FedericRoy de Naples enuoya ſon corps à Baiazeth, pour luy faire
vn preſent bien agreable de luy donner mort, celuy qu'il n'auoit iamais
ſceu Prendre envie,voyla commét nous ne deuons point accuſer le ciel de
noſtre miſere, puisque nous ne pouuons tirer le fruict du bien qu'ilnous
preſente, mais pluſtoſt dire hardiment, que nous portons dans noſtre
flanc,comme vne autre Hecuba,le flambeau de noſtre propre ruine,& que
nous ne periſſons que par nous-meſmes. - 4
Quant à Baiazeth, apres la victoire obtenuë contre ſon frere, il viſita IIII.
les peuples de l'Aſie, printles foy & hommages, y mit desgarniſons, & -
leslennitzaires lorsdela reuolte, dont nous venons de parler, car on les •--
184 Continuation
- - - ' |) º • -
de l'hiſtoire
-
| , amplement laraconte.Achmet ou Acomath,car on ditl'vn & l'autre,ayant
† eſpouſélafille d'Iſaac Baſſa, de laquelle Muſtapha fils du Sultan Mahomet
ii " s'eſtoit enamouraché, & ſesamours luy auoient couſté la vie, comme on
- a peuvoircy-deſſus,l'auoit pour cette cauſe repudiée, ce quiauoit engen
| |#.|
drévnetelle inimitié entre-eux, qu'Iſaacne cherchoit que les occaſions de
le ruiner de biens & devie, mais Achmet auoit le courage ſi haut, que tant
s'enfaut qu'ilſe ſouciaſt des menées d'Iſaac qu'illes meſpriſoit : mais l'autre
) #ſprit ſoupçö- quicognoiſſoitl'eſprit ſoupçonneux de Baiazeth,luydonnatant de mau
- - - - 2 D
reſtin de p, moyens de s'en deffaire.Ayant doncquesvn iour inuité tous les ſeigneurs
| Baſſats.
† * º comme de ſacourtàvnfeſtin,
les autres, où qu'ils font traictez
ils furent ordinairement le ſoir,ilyinuita
auec toutes Achmct,
ſortes de delices, &
§ § miſſion,& demâdé & obtenu pardon de ce qu'ils auoient beu trop de vin.
" Mais eſtantbienayſe de les voirtousyures,illes enuoya reconduire à che
ualpar ſes Capigy ou portiers, alors Geduces Achmet voulut ſortir com
- - - -
--
desTurcs, Liure ſecond. 185
quelque doute, & ce ſoubçon luy fit aller demander aux autres des nou
uelles de ſon pere,leſquels luyayâs dit ce quis'eſtoit paſſé deuâteux,& qu'il
auoit eſtéarreſté par Baiazeth pourle faire mourir,onluy dit auſſilemeſ
meau Serrail : ceieune homme tout tranſporté de dueil & de fureur tout
enſemble,ne ſçachant à quiauoir recours pour tirer ſon pere d'vn tel dan
ger , alloit courantaumilieu de la nuictaux retraictes & corps de garde des
Mennitºires, où aueccris, & d'vnevoixlamentable illeur diſoit.
Las1moy miſerable que iefuis,mes chers c6pagnons d'armes,le Seigneur P1
- - - - 2 - d fi]
aretenu mon pere en ſon Serrail; &ieviens tout maintenant d ap prendre †
' qu'il le veut faire mourir: permettrez-vous excellens ſoldats, qu'on com- les
† incitant à
mette vnetellemeſchanceté à l'endroict de celuyaueclequel vous auez tât ſedition.
de fois mangé dupain & du ſel} Les Iennitzaires tous eſtonnez de ces nou
uelles, & recognoiſſans le dangerauquel eſtoit Achmet, redoublans leur -
ros, & garnis qu'ils eſtoient de leurs armes & de leurs cimeterres, tous †
† plein ſautils allerentauSerrail du Sultan, où ayans trouué les portes #†
ferrmées,comme c'eſt la couſtume de les fermerlanuict,ils commencerent §
• N 1 • > - • ' leur Seigneur.
auec grands cris à dire qu'on leur ouuriſt; Baiazeth voyant la fureur de ſes
lennitzaires, & de grande crainte qu'ilauoit qu'ils n'attentaſſent quelque :
choſe de pis, commanda malgré luy que la porte du Serrailleurfuſtouuer ,
te, luy cependant montant àvne feneſtretreilliſſée,qui eſtoit deſſus la por- e# #
te, ayantſonarc enſamain & vne fleche,illeur dit : Quevoulez-vous compa-"
gnons,que deſirez-vous
ande furie, & venansdemoyº
aux commeilsl'ouirentparler,ils ſemirent
iniures : Tu le verras tout maintenant, en plus iazeth
reſpondi- prerosauxIen
de B.
nitzaires. :
ſºnt-ils, ynrongnede Philoſophe, digne dubaſton & dufouètcomme tu es, & t'ap- -
prendrons à eſtreſobre: Eſt-ce ainſiquetu abuſes de la dignité Royalle dont tu portes †"
letiltre?où eſt Geduces Achmet?où eſt-il?deſpeſche, fais le nous amener tout main-º
ºnant, autrement tuſentiras ce que nousſauonsfaire. Or l'appelloient-ils Phi- E,ineh ,i.
loſophe,àcauſe qu'ils addonnoitàlalecture & aimoitleslettres Luy donc † "º
Voyantlafureurde ces courages, & recongnoiſſant enleurs propos côbien
ilseſtoientanimez contre luy, commença à filerdoux : &bien,dit-il, com
Pagnons que celane vous anime point d'auantage,ſivous voulez auoirvn n fleſchit à la
peu de patience ievous rendraycontens, Achmeteſt à laverité dans mon §ie§
Serrail, que ie vous ferayamenertout preſentement : & auſſi-toſt on le fit "
veniràla porte du Serrailenfort piteux equipage, tant pour les tourmens -
qu'onluyauoitfaicts ſouffrir, que † eſtre nue teſte & nuds pieds, & †
n'ayant ſurſoy qu'vne petite chemiſette, les Iennitzaires voyans vn telper-
ſonnage § indignement ſelon ſes merites, arracherent les Tulbans
-
•ii - : me, comme principale cauſe de la § , les ſupplia de luy faire cette
|
race de ſe contenter de ce qu'ils auoient faict, & d'appaiſertout cetumul
te : Baiazeth, diſoit-il, eſtnoſtre Prince & ſeigneur, & quoy u,m'aye
-,:ii
indignementtraicté, ſi eſt-ce que ie luy dois touſiours rendre †
·
|
| parauenture que moy-meſmeayfaict quelque faute en ma quila . †
ainſiaigry contre moy. Les Iennitzaires admirans laſageſſe de cet homme,
• •!
· luypromirent de faire tout ce †
voudroit, auecproteſtationtoutesfois
que Baiazeth ne tenoit la vie & l'Empire que de luy. Si bien que le lende
Mºrt d'Ach main toutes choſes eſtans pacifiées, Achmetretint touſiours la dignité de
† grandVizir
rir. minuées pour qu'ilauoit, ſes grades
tout ce qui & ſes penſions
cſtoit arriué. ne luyſon
Toutesfois ayans pointennemy
ancien eſté di
#
Iſaacayantinuenté de nouuelles calomnies quelque temps apres, & faict
-
-
pourl'aduenir : ilreſolutd'exterminer tous les Iennitzaires, & pour ce fai
reil enuoya de part & d'autreles plus mutins de ſesOfficiers,les vns en leurs
- Timarioths ou poſſeſſions, & les autres ſoubs couleur de quelque charge,
- faiſantcependant ſoubs-main cómandementaux Saniacs & gouuerneurs
des Prouinces de s'en deffaire, & les faire mourir oü ils les pourroient ren
contrer. Mais comme toutes choſes ſe deſcouurent, ceux de ſa cour enfu
-
Iceux
le dedela ſonà rent incontinentaduertis, qui fut encore occaſion de nouueaux remue
- - - A
§ " mens de ſorte que Baiazeth fut contrainct de faire entendre aux plus grâds
-
: -
de ſon eſtat †
auoitvne entrepriſe en l'eſprit qu'il deſiroitd'executer, &
-:
|
| | †
leurvouloit communiquer. Les ayant doncques faict venir chacun
· ſeparement & en ſecret,illeur declara qu'ilauoit deſſeing de faire mourir
-r
tous les Iennitzaires iuſquesàvn, leur demandantàtous s'il ſe pouuoit aſ
. ſeurer de leuraſſiſtance en cette entrepriſe, & s'ils iugeoient que la choſe ſe
# † peuſt effectuer.Que pour cefaire ilauoitfaictvneleuée ſecrette d'Accangi
-
-
-
•:
Comme ces choſes ſe traictoient ſecrettement, les Iennitzaires qui
--
· · · voyoient les Seigneursaller & venirainſiſiſouuentvers leSultan,contre la
-
· · · · - - - - - - - - couſtume
". -
, -·
i
r - ,- - : - *»
ſearriuer, car ce ſont tous hommes de mainbien armez, & qui vendront,
iem'aſſeure bien cherement leur peauaux Accangi, s'ils ont iamais laſieu
rance de lesattaquer, ce que ie ne croy pas, car chacun ſçait l'inegalité de la
valeur & de la dexterité aux armes des vns & des autres. Ce ſera doncques
bien le plus ſeur pour toy ſi tu donnes congé à vne ſi dangereuſe en- .
trepriſe. - - - elºiſie per- - I| -
Baiazeth prenant de bône part les raiſons & les conſeils des Michaloges, †
chagea de deſſein,l'execution duquel deuoitinfailliblement réuerſertout §
l'EmpireTurc,tât pour les ſeditiôs qui en feuſſent arriuées,que pourauoir
perdu ſaprincipaleforce & ſonbras droict:comme doncques Halyſortoit " - .
d'auec le Sultan, les Iennitzaires, qui auoient eule vent de cette menée, Les ennitzai
commencerent àl'appellerflateur & Brekioflheor ou Scatofage, comme § " le
cltant de ceux quiconſeilloient de les maſſacrer#mais Haly ſanss'eſtonner
&aueclameſme magnanimité & prudence qu'ilauoit parlé à ſon maiſtre
Pourle diſſuader, il ditàceux-cy, mes compagnonsievous iure† l'ame
demon pere, qu'il ne vous arriuera rien de tout ce que vous penſez, oſtez · .
ces ſiniſtres o pinions de vos fantaiſies, car ce ſont toutes imaginations
Vaines de penſer que le Seigneurvouluſt faire vne entrepriſe qui §y ſeroit *
ſi preiudiciable, n'adiouſtez doncques iamais de foy à tous ces faux rap- La remora,.
| ports, carievous donne mateſte engage, qu'il ne vous arriueraiamais au-†.
cunEmpire
· cet mal de ce
luycoſté-là, les chefsdesarmées
conſeilloient de faire quelque&expedition
les principaux
pourSeigneurs
appaiſer de
le †ºº Cl CllQll .
Preſt pour la guerre , car il auoit reſolu de leuer vne fort grande
armée. - - - 4 i
*, A a ij
-
- -
-
- - - - 5) | « * • . T
tes ºaſ #
A ces paroles les Baſſats & autres chefs & ſeigneurs du Diuan approche
† † rent pourfaire foyaux Iennitzaires, que Baiazeth n'auoit rien decretécon
† tre-eux à leurpreiudice, & qu'il n'yauoit aucune menée ny conſpiration
gncur. contre-eux, & partant qu'ils pouuoiét, en touteſeureté retournerau camp
prendre leur place ordinaire, & faire comme ils auoient accouſtumé, ce
u'ils firentàl'hcure meſine, receuans Baiazeth au milieu d'eux : ce fut lors .
, : # qu'ils'enalla en la Carabogdauie, & qu'ayant paſſé le Danube, il print le
- ||. - c§. chafteau de Kilim, & la fortereſſe d'Acgiramé, apresl'auoir tenuevn mois
· aſſiegée, tout cecy eſtantarriué enuiron lanmil quatre cens quatre vingts
deux & quatrevingts trois, & del'Egire, huict cens quatre vingts & huict,
" - Le rouuoir tres-remarquable à laverité, tant pourl'hiſtoire, quapour remarquer le
|
† pouuoir que les Iennitzaires ont en cet Empire, plus meſmes en quelques
res plus grand
† choſes, que les ſoldats Pretoriens à Rome du temps des Empereurs. Baia
Turqueſque
-
§.a. Taur : mais voyant qu il ne pouuoit pas rentrer dans les pays conquis ſans
- - -
fIl1I1S . vne notable perte des ſiens, ayant penetré iuſques dans la Pamphilie, il
taſchoit
--------
-
appellent Bitbaſar, & la place des TachtalCaula, ou Charlatans & ioueurs Gand embr,.
- - - - - 2 • || . ^ A
· appellent Muharan,
dit que les deux enl'ahnée
partsfurent milobſcurcies.
toutes quatre cens quatre vingts cinq, car on deGråde eclypſº
ſoleil. :
N
|:
º
--ii---"
-:
• § , de ſorte que leur armée fut miſe en route, & la plus-part taillée
•º
- en pieces,entre autres le Baſſa Ferhatesgédre de Mahomet, & Muſa l'autre
priſe d.dene chef, auquelils trancherent la teſte, l'armée toute en deroute, & auecvne
† plusgrande confuſion,
& Tharſe furent
tiens. le prixd'autantqu'elle
du victorieux,eſtoit
qui demeurée ſans&chef,
furent pillées Adene
toutes de
--
· molies. - - -
, Baiazeth envne extreme colere, non tant pour la perte qu'il auoit faite,
i
† † pour ſevoir vaincu par celuy qu'il auoit meſpriſé, leue de nouuelles
§ forces
Egyptiens.
ſoubs laayant
Herzecogli, cqnduite
donnédeàMahomet
MahometHizir
toutesAga ſon gendre,
les forces & Achmet
qu'il peut tirer de
-
| : |!
l'Europe,le SultanCathiayant donné la charge de la ſienne àTemur Beg,
-
&àVſbeg: Ce Temur encorestout fier de la premiere victoire, & comme
Temur chef aſſeuré de la ſeconde,ne ſe pouuoittenir de direaux ſiens : Quelle preſom
:
d§ ption a cetterace d'Othomans, ou pluſtoſt quelle ambition deſeſperée eſt
|
# cette-cy, devouloir s'efforcer d'vſurper le bien d'autruy encore qu'il yaille
Turcs. de leur perte toute euidente, & mettre au hazard leurvie,leur honneur &
· • ' leur Empire, eux que nous tenons pour les plus vils & abiects de tous les
hommes
l,' º ' !
"
|
|
- | i
des Turcs, Liure ſecond. 191
hommes contre les Circaſſes Mammelus, les plus redoutez de l'vniuers?
c'eſt mettre enteſtevnloup deuant vn lion ;vngoujat à vn capitaine , ou
pluſtoſt, n'eſt-ce pas faire voir qu'ils ſont ennuyez de viure, puis qu'ils ex
poſent leurvie à ſibon marché? nousauons battu leur maiſtre deuant qu'il
paruint à ſa telle quelle domination, les contraignans de retirer cette
grande armée, qui ſembloit ſuffiſante pour faire tremblerl'enfer,& depuis
peu de iours deuantla ville d'Adene, n'auons-nous † taillé en pieces cet
teracaille d'eſclaues, & mis à mortleurs chefs, dontl'vneſtoit des plus che
. ri de Baiazeth,comme eſtantſongendre?&toutes-fois envoicy encorevn
autre queievoycourir lameſme fortune,&quiſeruira de nouueautrophée
ànoſtrevaleur.Si vous-vous ſouuenez que voicy deuâtvoºlalye de toutes
nosarmées, quiayans ſecoué le ioug de noſtre domination (ayans ſilong
temps combatu ſoubs les enſeignes de noſtre grandAladin,le pere de leur -
bonne fortune)veulent
ſtres, ains maintenants'eſgaler,
meſmes lesveulent non ſeulement
chaſſer de leur domination, à leurs mai-
& s'emparer de Ildiſoitcecy
cauſe de ce
'
qui a eſté re
leur heritage, eux qui encores ne ſont que baſtards d'Amurath, comme †
tiennent ceux quiſçauent le plus ſecret de leurs affaires.Allons doncques, #
mes amis, donner dedans cette racaille, & qu'iln'en reſtevn ſeul pour en
aller dire des nouuelles à ce caſanier d'Empereur, qui n'oſeroit ſortir de
Conſtantinople, pourvenir deffendre les ſiens : i'ay ſeulementregret qu'il
nous faille employernosarmes contre deſiviles creatures, carie voy bien , -
que le baſtonyſeroitplus propre quel'eſpée, ſi ce n'eſt pour les extermi-† mur ou Temir
:
batrelesondes duNil, &à recognoiſtre ſes cataractes, qu'à repouſſer &
: combatrevnearmée, ou bien à la conduire : Qu'ils combatoient encores .
commandezparvn Mahomet, bien diſſemblable à laverité de grandeur,
demaieſté & de bon-heur, de cet inimitable qui iouyſſoit lors de toute
felicitéauecle † Prophete, mais quienzele, en affection, en obeyſ
ſance&en vigilancenevoudroitceder à pas wn des mortels pour exalter la
#ºsſede ſonfils,quepuisqu'ils combatoientſoubs meſmes enſeigncs
- - i ·
l" |
i •
| | | 192 Continuation de l'hiſtoire
" n - - |
: # ,
|
, & ſoubs meſmesauſpices, qu'ils'aſſeuroit (ſi chacun d'eux vouloit com
: r | batre)d'acquerir encore plus d'honneur qu'Acomath Geduces,quilesme
·# #tit *| nabattant comme il voulutàlabataille du mont Taurus, car ſa fideliténe
à
.
| :
| -
,
dura que pourvn temps,&laleur dureroit iuſques au tombeau : & ſiaude
, : l, * ſir, qu'ils'aſſeuroit qu'ils auoient de faire preuue de leur valeur, ils vou
J " ,
#-
|
loient conioindre l'eſpoir de la recompence, qu'ils ſe ſouuinſſent qu'il y
: -
| Egyptiens (comme elles ſont ordinairement plus molles & plus effemi
4 !
| |
-
|
|
. † leur dcmeura
2ecogli mené 1etlr # nnierIS §ennemv,
demeuraſſenttprilonn1 my, entre autres le Baſſa Herzeco
CO
- '! e 1
--
†" gliquitomba de ſon cheual, & quifutportéàVſbeg, & depuis mené en
., , ... triomphe au grand Caire auccques vne fort grande quantité de butin :
| | |
- i,
†" on dit que de centmilleTurcs qu'ilyauoit en cette armée, il n'en deºeura
# . -
| :
, |
. ,
- pas le tiers : -- . : · • ·
"a
,
t -
- |
A ... , Baiazethtoutesfois quine ſe pouuoittenirpourvaincu,delibera deten
l
c§ § E terencoresvne autre-fois le hazard du combat,& pour cet effectilleuevne
-
7
--
|
\ f> 3
" • des Turcs, Liure premier. ,
-
I93
où Aladulvn Prince Mahometan, ſeigneur de cette contrée que lesTurcs ..de
appellent Dulgadir Dulcadir » encloſe entre les montagnes deCapado-l, Situation
-
O ll
-
#*
ce,ayant du coſté de la Syrie, qui obeyſſoitau Sultan du Caire, laville de "
Halep, vers les Perſesl'Armenie mineur, deuers le rure Amaſie , deuers la
Caramanic Adene & Tharſe. Ce Prince ayant aſſemblé les forces de ſon Les Vaccenſes
VII.
qu'il eſperoit de faireles plus belles choſes par le moyen de ſa nouuelle al
liance,ilſeroit peut-eſtrebien-malaiſé de le particulariſer, car ilauoit faict
Paix auecles Moldaues : en cette meſme ſaiſon, dit Leonclauius enſesan-r. e,s,
nales, & toutes choſes eſtoientaſſez paiſibles partoutes ſes ſeigneuries, ſi †
cen'eſtoit qu'ilredoutaſt encores ſonfrere, car ſelon le dire de Comines, §.
ce Baiazeth avant
y eſté homme de nulle Vvaleur , & qqui n'entreprenoit
5 p la queſtes.
†"
guerre † regret, il eſtoit en perpetuelle crainte : car comme nousauons
dit,ſonfrere ayanteſté ramené de France à Rome,le Pape Innocentl'ayant
demandéau grand maiſtre d'Ambuſſon, à la charge de luy donnervn cha- Le passiºns
Peau de Cardinal : cela auoittellement mis en ceruelle Baiazeth,qu'il auoit !#º
ºugmenté la penſionau Pape qu'ilbailloit augrand Maiſtre, & comme il †
auoitdes
ſonfrere,eſpions detoutes
mais encores parts
pour pourveiller,non
s'enquerir ſeulement
des deſſeings de touslesactions de "
les Princes § Zizima
| |
i t - º
- G † & Daütioayans heureuſement nauigé ſur la mer Adriatique,
lors qu'ils prenoient port pres d'Ancone, leurs vaiſſeaux furent pris par
: 1
: - -
*
, | |
tyrannieTurqueſque, voyans les heureux ſuccez de noſtre RoyCharles
huictieſme en Italie, que tout flechiſſoit deuant, & que d'ailleurs ce grand
-
|| |
Prince aſpiroitàl'Empire de Conſtantinople,le ſollicitoientauecquesim
|
" patience à ſon entrepriſe, laquelle l'auoit faict opiniaſtrer, en traiétant
| | |
auecle Pape Alexandre, d'auoir en ſa poſſeſſion Zizimfrere de Baiazeth,
| | # ! mais la mort ſoudaine d'iceluy eſtant arriuée, comme nous auons dict, le
Royne changea pastoutes-fois de deſſeing, ains enuoya en la Grecel'Ar
cheueſque de Durazzo, Albanois d'origine, pour conduire & faire reuſſir
vne entrepriſe qu'on auoit ſur Scutari, auecle S † Conſtantin Grec
-1*
|i !
1 * º . -
i , |
# |
|
| | |
| | | !
+
|
A"
les pertes qu'il auoit receuës des Mammelus, il leuavne § belle & puiſ #
ſante
Haly armée
Baſſa, qu'il n'auoitfaict
pourmarcher encore
contre auparauant,
le Sultan, de laquelle
cettuy-cy il fit general
ayant ramaſſé gens # ºl006lU15,
,
† oû durant leur combat, il s'eſleuavn vent ſi violent que les vaiſſeaux s'e
- § E§e ſtans froiſſezles vns contre les autres, pluſieurs ſe briſerent, & lesautres pe
---
rirent du tout. L'Egyptien eſtant doncques party de là, ſon armée ayant
•! - choiſy lieu plus propre pour venir affronter leurs ennemis, ils paſſerent
j deux grands fleuues à nage; & le huictieſme iour du mois Ramadan qui eſt
le mois de May, vn Vendredy, ils vindrent ſurprendre les Turcs, non de
front, mais à coſté del'aiſle droicte, ce qu'ils faiſoient afin de mettre plus
ayſement enroute les trouppes Caramanes, en cette aiſle eſtoientauſſiles
|
- ſoldats de la Natolie. - , ' , ' , ' -
# Autre rencon particulier taſchoit à ſe ſauuer: de là les Maures vindrent attaquer l eſca
nb • 1 " - - -
-
ualerie ne vint ſeruerſureux, mais quandſevintàbon eſcicnfau combat,
les Egyptiens trouuerent bien d'autres courages & d'autres armes, Haly
Baſſa, & tous les ſoldats de la porte ayansvaillamment combatu iuſques à
deux heures apres midy. - -
·
§ eſtoient dans les nauires,voyans & recognoiſſans les chariots & le bagage
fIlCUIIC auX
-
Turcs. de l'ennemy, ſortans de leurs nauires ſe vindrent ruer ſur eux, leſquels in
continent mis enfuite, quelques-vns d'entre-euxpaſſerent parle fil de l'eſ
pée, mais au moins le butin y demeura. Quant àl'armée des Egyptiens,
que nous auons dicte s'eſtreretirée enſon camp, layant trouuévuide, &
la
-|.:
:
l.l 1 ;
des Turcs, Liure premier. 197
· la fuite de leurs compagnons, ne ſçachans ce qu'ils en deuoientiuger,com
· mencerent à conſulter dela fuite. " • • • • - - -
neceſſaires aux chaſteaux qu'ilsauoient pris en cette contrée, & ainſi che
minans toute lanuictiuſques aumatin ſans qu'ilendemeuraſtvn derriere,
ilsaduancerent pays tant qu'ils peurent les Mores euſſentauſſifaict le ſem- .
blable, ſansl'aduis qu'vnVaccenſe leur donna que les Turcs ſe retiroient
en deſordre, ce qu'ayans ſceu, ils monterent incontinent à cheual dés le
poinct du iour, diſcourans entre-eux que cela vouloit dire, & eſtans en
grande peine, ſi ce n'eſtoitvne ruſe & vn ſtratageme de l'ennemy, demeu- Le camp des
rans en cet eſtat plus de trois bonnes heures, qu'ils n'oſoient paſſer au delà T§ #
du fleuue, iuſques à ce qu'ils euſſentenuoyé pluſieurs eſpies, leſquels ayans †º
diligemmentrecogneu toute la contrée,& n'ayans faict rencontre d'aucun
ennemy, vindrent en faire le rapportaux leurs, leſquels ayans hardiment
paſſéau delà,allerenr en aſſeurâce au câp des Turcs,& trouuerent leurs ten
tes toutes vuides, où ils demeurerét trois iours, ſans qu'ils peuſſent deſcou
urir oû lesTurcs s'en eſtoient fuis, faiſans bonne chere des prouiſions que
les Turcs yauoient laiſſées : ils s'en allerentà la prochaine ville qu'ils fou
droyerentauec ſon chaſteau, de leur canon &artillerie. Les Turcs cepen
dant quifuyoientauecques le Baſſa, & les plus grands de cette armée, arri- -
uerent enfin ſur les confins des Vaccenſes, deſquels ilne ſe peut direcom-†"
bien ils receurent d'affronts & d'iniures, eſtans deualiſez & mfaſſacrez par #º
eux, plus cruellement qu'ils n'euſſenteſté de leurs propres ennemis, bien º
que ceux-cyleurs fuſſent confederez : finalement ils arriuerent à Ereglia,
cité de la Carie, iadis Heraclée, où s'arreſtans pour quelque temps, ce fut
lors qu'ils recogneurent combien leurarmée eſtoit debilitée & diminuée:
ce futauſſi là qu'ils receurentvn commandement de Baiazeth, par lequel
il commandoit au Baſſa,&aux chefs de l'armée delevenirtrouuer,ce qu'ils -
·!
firent; &l'arméeayant encores demeuré quelques iours à Ereglia, fut fina-H , conu -
lementlicentiée : c'eſt ainſi que Leonclauius raconte que cette guerre ſe #º•
paſſaſoubs Haly Baſſa, toutes-fois quelques-vns ont dit que Haly mit les "
Egyptiens en route, † voulut pas permettre à ſes ſoldats de les
† , de crainte quele deſeſpoir leur fit reprendre lesarmes, & que
onbon-heur ſe changeaſt, penſant s'eſtre acquis aſſez de gloire, d'auoir A -
.
mis ſon ennemy enfuite, de ſorte que remuant ſon camp de là, il ramena
ſon armée en la maiſon. Or en § façon que cette affaire là ſoit paſ
ſée,HalyBaſſan'yacquitpasgrand honneur: carl'Egyptien voyant larmée
des Turcs rompuë, & qu'il n'y auoit plus rien en la campagne quiluy fiſt
teſte, il mitleſiege deuantlaville d'Adene, qu'il print bien peuapres.
Baiazeth parmy toutes ces deffaites, ne partoit point de ſon Serrail à IX.
Conſtätinople que pouralleràla chaſſe, mais maniät toutes ſesaffaires par
- Bb iij
-
-
i".
-
|
-
- © © - - ) © - e .. Tº
ſes Lieutenans, cette guerre contre les Egyptiens luy ſuccedoit aſſez mal:
carlesTurcs ne vont iamais debon-cœurà la guerre, que lors quel'Empe
||
i|-'
| LesTurcs veu
reur marche quant & eux, ſi ce n'eſt quelques courſes & rauages qu'ils font
arles Prouinces, mais on aveu rarement qu'ils ayent faîct de grandes con
- l
lent eſtre con -
duicts à la
queſtes ſans leurSouuerain, & ſans vne armée Imperiale,ſice ne ſont quel
#§ par leur ques petites villes oubiquoques de petite conſequence, mais la nature de
IlllCC»
cet Empereur eſtant toute† au repos & à la volupté,voyla pourquoy
- ,: | il ne combatoit que parl'eſprit, & par les bras d'autruy, toutes-fois ayant
ſceu qu'Aladeuls'eſtoit rangé du party deſonaduerſaire,il péſa qu'il pour
roitbien auoir la raiſon de ce petit compagnon : & pour cetteraiſon ilde
-
Luy ſe voyant recherché par ſon ennemy, iugea que quelque grande
-- neceſſitéleforceoitàcetaccord,voylapourquoyne voulant point enga
ger ſa parole, de crainte que quelqucbonne occaſion ſe preſentaſt, de la
quelle il ne peuſt ſe ſeruir, renuoya cette Ambaſſade, ſans vouloir ſeu †
Miuu dºi, lement donneraudience,auecvnfortgrandmeſpris,laquelle s'enretour
† navers le Soudan : quiindigné de cerefus, commeilauoit ſonarmée toute
"rº preſte ſurles confins de la Caramanie, entrabien-auançdans le pays, où il
fittout paſſerparle feu & parle fer, ces nouuelles furentrapportées à Baia
zeth,qui eſtoit lors à Conſtantinople ſe donnant du bontemps: mais com- .
meilyauoitgrande apparence quel'ennemyayantſibeauieu, ne s'arreſte
" .|.4 ºu ºtmée
contre les roit pas dans ces limites, ilfut contrainctdele preuenir parvne autre armée
2• -
: ,
º | 11
|
desTurcs, Liure ſecond. · 99
uelles venansiuſques aux Eg ptiens des grands preparatifs qu'ilfaiſoit, luy
cependant ſeretira à Bazictaſi,vnlieu qui eſtaſſis enl'Europe,au deſſus du cand, en:
Boſphore deThrace, à † milles de Galata, & commeileſtoit preſt de †#.
partir de celieu pourpaſſer en Aſie,vngrand orage ſuruint ſur Conſtanti-& Fuſe
nople,auec tonnerres & orages fortviolens, le foudre tomba ſurl'arſenal
& deſſus vncertaintemple, où ongardoit de la† d'artillerie, qui en
leuaauſſi-toſt ce temple enl'air, lequelſe diuiſaapres en pluſieurs pieces,
ſur deux outrois places, où pluſieurs hommes furent accraſez des pierres
quitomberentſur eux, commeauſſienuironlemeſmetemps le feu ſe mit
à Pruſe auecques tellevehemence, que preſque toute la ville en fut con
ſommée. -
toutes ſes trouppes taillées en pieces, luy-meſme demeura ſur la place, & :
toutesfois le Soudánelaiſſa pas d'enuoyer vn autre Ambaſſade à Baiazeth,
lequelayanteſté fort-bien receu, & renuoyé auecques force beaux pre
ſens, le Monarque Turc enuoya auſſi quant & luy vn Ambaſſade de ſa
part,afin detraicter de la paix entre luy & le Soudan d'Egypte, laquellefut p , ..
finalementconclue enl'année milquatre cens quatre vingts & vnze, & de #
| l'Egire huictcens quatre vingts ſeize, à condition § le Soudanrendroit #
auTurc, lesvillés d'Adene,deTharſe,&tousles chaſteaux & places for-"
A
'|
0 - - t
2 OO Continuation de l'hiſtoire
tcS qu'il auoit priſes aux enuirons, chacun rentrantainſi dans ſon ancien
ne poſſeſſion, ce qui aduint la meſme année que deſſus.Ce fut vn peu
Mert du Rºy auparauant que mourut cet inuincible Roy de Hongrie Matthias Coruin,
# " d'vne apoplexie, qui fut vn redoublement de ioye à Baiazeth, comme
† ayant perdu le plus redoutable,le plusinuincible, le plus heuretix & le plus
de baineth grandennemy qu'euſſent lors les Othomans : ilſçauoit que ſoubs la con
· duite de ce grand Capitaine,la Chreſtienté pouuoitterraſſer leurtyrannie,
& que ſi on luy euſt mis ſon frere Zizim entre les mains, qu'il eſtoit pour
faire rendre aux Chreſtiens,ce qu'Amurath & Mahomet leurauoient vſur
pé: & defaictill'auoit recherché d'accord, & cela eſtoit la cauſe de cet Am
baſſade que le Roy Hongreluyauoit enuoyée, tant l'Empereur Turc re
§ de la prudence & bon droict de Zizim auec la valeur &
hardieſſe de Matthias, mais l'eternelle Prouidence en auoit autrement
ordonné. -
ººº qu'ils ſe retiroientaux lieux forts, où ayans retiré les leurs,ils combatoient
apres contrel'ennemyauec de groſſes pierres qu'ils faiſoientrouler du haut
de leurs rochers contrel'ennemv;ilsauoient
y ;1Isa de certains dards faicts en for
me de langue de ſerpent qu'ils lançoient, leurs arcs eſtoient de bois , &
leurs fleſches garnies de fer, aſſerées & trempées dans duvenin.Ces mon- .
tagnes au demeurant ſont ſi difficiles, qu'à peiney peut-on aſſeoirle pied,
#fles pantes en eſtans ſivnies qu'elles ne iettent pas vne ſeule petite corne
#" poursy prendre. Toutesfois aumilieu de toutes ces difficultez, les Turcs
ne laiſſerent pas de $'encourager l'vnl'autre, & bien qu'ils receuſſent vne
· · fort grande incommodité de ces ſagettes enuenimées, ayans paſſé leurs
giaºuºge rondaches lunaires enleursbras, & ſe portansl'vnl'autre en grimpantauec
"" vn courageinuincible,arriuerent finalementauſommet, où ils taillerent
en † tOllS CCllX † trouuerentlesarmesàlamain, le reſte femmes & ,
enfans reduicts en ſeruitude, ils mirent le feu en tous les bourgs & vil
lages circonuoyſins, acheuans ainſi de ruiner & perdre cette pauure
contrée. -
|
-
· des Turcs, Liure ſecond. 2OI
|
v.
rut facilement ſon vaiſſeau auec d'autres plus petits : & au contraire ceux "º
desChreſtiens ne peurent eſtreguarantis à temps:ſibien que tous ceux de
dedans perirent,excepté quelques-vns que Thomas Duoderecourutauec
Vnebarquette qu'ilenuoya de ſonnauire; Armerius fut toutes-fois ſauué
desTurcs, lequelconduitàConſtantinople, & ſommé par Baiazeth de ſe
aire Mahometan, & qu'on luy ſauueroit lavie, preferant l'eternelle à la , .
temporelle,ilaimamieux ſouffrir conſtammentd'eſtre ſcié(commeilfut) †
Parlemilieu, que deviure en delicesayantfaictbanqueroute
ºntainſilavieplusglorieuſementàla ville, qu'il n'euſt faictà au
ſa foy;per-
com †. p
at3 milieu que de
- - - - » n 1 d«
§ quifut cauſe qu'il fut demis de ſa charge, & cité au conſeil des Pregati. Les
†" Turcs doncques voyans le peu de courge de l'ennemy, qui leur laiſſoit
la mer libre pourlacourir au long&au large, prindrent la route de Lepan
the ou Einebachte, iadis Naupacte, les habitans de laquelle firent tout
deuoir de ſe bien deffendre, & les Turcs de bien aſſaillir, mais labatterie
sisses priſe fut ſiviolente, & les aſſauts tellement redoublez, que les pauures Lepan
- #. thois n'eſtans pas baſtans pour reſiſter à ſi grande puiſſance, furent con
traincts de ſe rendre à compoſition. Cecyaduintl'an milquatre cens qua
· tre vingts & dix-neuf, & de l'Egire neuf cens trois Les nouuelles de la
priſe de cette place eſtans preſque arriuées au meſme temps que celles du
ſiege,tant ces Grecs furent deſcouragez,ayans veuvne ſibelle armée s'eſtre
retirée ſans rien faire. , -
-,
º -
-
Durant que ces choſes ſe paſſoient ainſi, quelques-vns des plus fauo- -
rits de Baiazeth auoient faict direaux Venitiens que s'ils enuoyoient vn -
nes, & tout autre attirail briſe & mis en pieces, les vaiſſeaux les porterent
deçà & delà en des iſles eſloignées, & meſmes iuſques en Candie : ce qui
donna dauantage d'aſſeuranceaux Turcs d'alleraſlieger Coron, laquelle à
lapremiere ſemonce ſerendit,intimidée par la ruine de ſa voyſine, & per- †
ſuadée parles honneſtes offres qu'on luy fit : dé ſorte que les remonſtran
ces des Magiſtrats ny des capitaines, qui ſe mettoient deſiaen deuoir de ſe
bien deffendre,ne peurent loger enleur cœurl'aſſeurance de s'oppoſer ſeu- >
lementàl'ennemy. Baiazeth cependant eſperoit bien de faire le ſemblable
à Nap oli, meſmes parl'induſtrie de PaulContaren, lequelilauoitfaictve
nir de Coron, pour † ceux de cette ville, & les perſuader à ſe ren
dre; mais luyau lieu de ce faire,s'eſtoit ſubtilement gliſſé dedans, & les ani
ma tellement à ſe bien deffendre, qu'ils firent pluſieurs heureuſes ſorties Les Turcs re
contre lesTurcs,leſquels ayansamené toute leurarmée deuant pour lesin-§.
timider, ilsbouſcherent leurs portes & les fortifians, ſe deffendirent con-"º
ſtammentainſi renfermez; mais ils ne demeurerent pas long-temps en cet
| eſtat, car Benoiſt de Pezare, Generaldes Venitiens, ayant ramaſſé ſonar
mée, diſperſée comme nousauons dict, à laquelleiladiouſta encore plus
devingtnauires qu'ilauoitarmez cn diligence, s'eſtoit reſolu d'aller faire
leuer le ſiege, & d'attaquer l'armée Turqueſque, mais Baiazeth en ayant
entendules nouuelles,partit dés le lendemain, ramenant ſonarmée à Con '
ſtantinople. P - - ' .
En ce temps le Roy d'Eſpagne auoit enuoyé vne armée nauale au ſe- s.cesr, d«
ºursdesVenitiens, ſoubs la charge de FerdinandConſalue, qui les vint † aux Venitiens,
* ſ
-
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• , • ©. % | • ° •
, y eſtoient en garniſon, & contrainct les autres de ſe ſauuer par deſſus les
murailles,ils s'en rendirent les maiſtres, & la rcconquirent preſqueauſſi fa
, cilement † leur auoit eſté oſtée.
Baiazeth toutes-fois faiſant peu de cas de toutes
ces petites aduentures,
voyant ſon ennemy commander ſur la mer † le nombre de ſes vaiſſeaux,
faiſoit faire † galeres àla Preueſe, à la ſtructure deſqueſ on auoit
re,areſ rend faict telle diligence, qu'vne partie d'icelles eſtoit deſia ſur l'eau,dequoy Pe
†eres que les zare eſtant aduerty,auecques quatorze galeres qu'il print quant & luy, il
- - © - - -
#ient
faict baſtir.
3
fitvntel effort, que quelque reſiſtance que les Turcs y peuſſent faire, il
- · 2 . - \ • N - - -
s'en rendit le maiſtre, & les tirant de là,ſe retira à Corfou. Orauoit-ilenuie
de bruſlerlesgaleres que lesTurcsauoient à l'entrée du fleuue de Boyan,
& ſon entrepriſe eſtoit preſte d'eſtre miſe en execution, mais lesTurcs en
ayans eſtéaduertis & craignâs qu'ilne leuraduint comme à Preueſe, retire- .
rent leurs vaiſſeaux quatorze milles en dedans la riuiere, ſi bien que la plus
| | . .. part de ceux quilesallerentattaquerfurentprins ou tuez,&au meſme †
· #rº reprindrent ſur les Venitiens, la fortereſſe de Iunque. Orauoient-ils deli
beré deietterincontinent enmer les vaiſſeaux qu'ilsauoient ſur le Boyan,
mais Pezare y enuoya quelques galeres des ſiennes pour garder le pas,
s'en allantauecques le reſte repeupler Cephalonie,toutes ces choſes eſtans
arriuées § années milquatre cens quatrevingts & dix-neuf,& cinq
" cens, &lan9o6. de Mahomet. / -
L'année
des Turcs, Liure ſecond. - 2o9
L'année ſuiuante les Venitiens furent encore ſecourus de l'armée Fran
- çoiſe, conduite par Philippes Raueſtan,le ſeigneür d'Aubigny,& l'Infant
deNauarre, toute cette flotte contenantenuiron quinze cens bons hom
mes, qui vint moüiller lanchre àZante, tandis † l'armée de Ferdinand
Roy d'Aragon & de Sicileabordoit à Corfou,leſquels vindrentioindre les 4
-- • Or cette paix d'entre Baiazeth & les Venitiens eſtoit negotiée par vn
† nommé André Gritti, lequeleſtant ſorty de priſon, où il auoit eſté mis,
" commevous auez peuvoir cy-deſſus, apportoit des lettres du Baſſa Ach
. met, addreſſantes au Senat, par leſquelles il leur faiſoit entendre que s'ils
vouloient mettre fin à cette guerre, qu'ils enuoyaſſentvn des leurs à Con
ſtantinople pourtraicter des conditions de la paix, & qu'illeur ſeroit fauo
rable. C'eſtoitvne ruſe de Baiazeth, car cóme il voyoit toute la Chreſtien
Raſ des .. té en armes, bien que ce fuſt contre elle-meſme, toutes-fois il craignoit "&>
# fort qu'ens'accordas les vns auecles autres,la deſcharge tóbaſt ſur luy pour
# § le payement des fraiz. Et comme il eſtoit homme de plaiſir, & quiaimoit
" " l'ombre &le couuert, maniant preſque toutes ſes guerres par ſes Lieute
nans,ilapprehendoit autant la fatigue, & de mettre le pied àl'eſtrié, que
la perte qui luy euſt peu arriuer, toutes-fois comme lesTurcs ſçauentor
· dinairementbien prendre leur temps, il ſembloit qu'il euſtalors quelque
aduantage ſur eux, & partant leur pouuoit donner telles conditions qu'il
luyplairoit, & les deſtourner encore en ce faiſant des entrepriſes qu'ils euſ
2 ſent peu faire contre luy.
· Le Senat doncques ne refuſant point cette occaſion, mande à leur Ge
neral Pezare, de licentier toute ſon armée, excepté vingt galeres qu'ilde
uoitgarder pres de luy, & qu'ileſcriuiſtauRoy Ladiſlas de Hongrie, & luy
enuoyaſt
desTurcs, Liure ſecond. 21 I
enuoyales lettres d'Achmet, qu'ils auoient quant à eux deputé à Conſtan- ' -
--
tinople vn des leurs pour entraicter, le priant d'en vouloir faire demeſme, Ladd, Re,
afin que la paix ſe peuſt concluré plus ſolemnellement. Ladiſlas approuua #
† urpropoſition, mais iltenoit toutesfois cette affaire là enlongueur, paix.
de crainte de † la ſomme qu'il tiroit tous les ans dela Republique, s'il
n'yauoitquelque nouuelle conuention entre-eux : de ſorte que les Am
baſſadeurs Venitiens qui eſtoient en Hongrie recognoiſſàns ſonartifice,&
craignans que ce retardemét fiſt perdre l'occaſion de † bon accord -
auecques lesTurcs, ils accorderent que les trois mille liures d'or qu'ils luy
payoient tous les ans pourlaguerre; fuſſent (aduenant la paix)reduictes à
trois cens liures d'or, tant que Baiazeth viuroit; à quoy s'eſtant accordé,
comme ils penſoient que toutes choſes fuſſent reſoluès, Baiazeth quiauoit
auſſi faict voyant
menie,ſe trefues auecques
deliuré deletoute
Sophy, qui lechangea
crainte, trauailloit ſurles confins
de langage, d'Ar-
faiſant Trefues des
di- #" le
re par Achmet, qu'il ne vouloit point d'accord auecques eux, s'ils ne luy
rendoient l'Iſle de ſaincte Maure qu'ils auoient priſe quelque temps aupa
rauant ſur luy : de ſorte que les Venitiens, pour ne ſeconſommerd'auanta- Liſie de fin
ge en fraiz parlacontinuation de la guerre, furent contraincts de luy ce-†
der cette Iſle de ſaincte Maure, & ſecontenter de celle de Cephalonie : & parce traicté,
auecques ces conditions il iura la paix entre les mains de l'Ambaſſadeur -
Republique. -
| | | | * • * ------ --
- d> - % | • « ^ '
2 [2 Continuation de l'hiſtoire
uiteurs, permit qu'vn Turc Illyrien de nation, raconta ce diſcours à vn
Chreſtien du meſme pays, & à la verité cette hiſtoire merite bien eſtre
ſceue partous les Chreſtiens, puis que ceTaliſman, nullement initié aux
myſteres de noſtre Religion, eut toutes-foisl'aſſeurance de la deffendre
publiquement, & de s'expoſer courageuſement au martyre pour la ſou
ſtenir, action peut-eſtre auſſi magnanime, qu'aucune autre de l'anti
quité. ' -
· mes il auoit donné ſa fille, & quis'eſtoit retiré de bonnefoy chez luy,
Auecques cette reſponce, ces Ambaſſadeurs eſtans retournez vers les
leurs, § enuoyaderechefvers luy pour luyfaire vneautre propoſition,
à ſçauoir que puis qu'illeur denioitvnde ſes enfans,qu'au moins illeurren-Autre Ambat
diſt leurlegitime heritier, adiouſtans que la paix s'entretiendroit mieux†"
entre les EmpiresTurc & Perſan, quand ceux quicommanderoientſurles º -
d'Imirze,auquelilauoit
» q toute confiance,
.2 & quiauoit eu communication ºº ººº
" * ſtiques.
:) • . /-•
| mener le tout à leur maiſtre ſans paſſer plus outre, prenans meſmes quel- iazeth
§
† Saniacs & de nouuelles forces, de crainte des embuſches & mauuai-§ ſe reti
· ſes rencontres qu'on leur euſt§ faire, ils retournerent en toute ſeureté à "Pº .
Conſtantinople.Telle fut la fin de ce pauure & mal conſeillé Prince, qui
auoit trouué plus de ſecoursaux eſtrangers, qu'en ſes plus proches, & qui •
apresauoir courutant d'aduentures, vint finir ſesiours en ſon† , iuſte
ment &de
comble miſerablement
ſes felicitez. aſſaſſiné par les ſiens, lors qu'il penſoit eſtre au
- , • ºf
4
'216 Continuation de l'hiſtoire
iours continuels, durant leſquels ilne ſe paſſaheure, ſoit denuictſoit de
iour qu'on n'en euſt quelque reſſentiment, qui fut cauſe que Baiazeth
voyantvnetelle ruine arriuée en ſa ville, il manda de toutes parts qu'on
euſtàluy enuoyer des Architectes, rºçons , charpentiers & maneuures:
de ſorte qu'ilenaſſemblabien iuſques à quatre vingts mille qui vindrent
tous en cette ville là, & les mit-on ſoubs la conduite de l'Architecte de
† Gonſtantinople que les Turcs appellent Meimarem, lequel mettoit en
sº œuuretantlesingenieurs Italiens qu'autres ouuriers, & par deſſus tous l'A
ga des Iennitzaires qu'on † elloitIunexes,pour yauoireſgard.Quant à Ba
iazeth tandis qu'on trauailloit à Conſtantinople, ils'enallaſeiournerà An
drinople. - -
lavictoire & qu'ils vinſſent en di 1gence leurayderà pourſuiure leurbon ces impoſteurs
nefortune, ce que lesautres firent en diligence : de ſorte qu'ilss'aſſemble
rent bien iuſques à dix mille hommes, auecques §ils ioignirent
ceux qu'ilsauoiét peuramaſſer de la ProuinceTekel, pourſuiuâs leur poin
teauectantd'heur, qu'ils defirent Caragoſſe Baſſa, Beglierbey delaNato
lieenbataille, &l'ayans pris priſonnier,le monterent ſurvnaſne, & leme Vičtoire des
nerent partout leur camp,auecques toute ſorte d'ignominie, & puisapres Caſſelbas ſur
Cependant les Caſſelbasauoient pris leur chemin deuers la Caramanie, Autre viétoire -
delaquelle Prouince eſtoit Beglierbey Haidar Baſſa, & ZindiChelibe ou des Caſſelbass
Gladiateur (car c'eſt ce que # nifie ce mot) qui eſtoit vn des Saniacs,
leſquels leurs ayans liuré le combat,ilsyfurent ſipcufortunez que leurs te
ltcsydemeurerent pourlesgages. Delàles § pourſuiuâs touſiours
Ee -
A"
car il ne leur pourroit eſchapper qu'ils n'en tiraſſent la raiſon, & ſi n'auroiét
point la peine de courir apres luy, pourle moins deuoient-ils attendre en
cores deuxiours : Mais Haly Baſſa, que lagrandeur de cette charge auoit
aliené de ſon bon ſens, plein de preſomption, & de bonne opinion de
ſoy-meſme, le regardant de trauersluy dit : Mais qui es tu fils de Ramaſan,
†º quinous viens icy conteroollerº penſe ſeulement à bien combatre, & là
ºº gºeral deſſus range ſes gens enbataille,& les faictmarchercontrel'ennemy.Tout
au commencement de ce conflict, Chaſan Helifes chef des Caſſelbas fut
parvn cas d'auenture navré à mort d'vne fleche, de laquelle bleſſeure ilex
pira ſur le champ : ce quiapportavn † trouble & vne grande rumeur
† dans le camp des Caſſelbas.Haly d'ailleurs ſans autre conſideration,oubliât
§ le rang qu'il tenoit, & laneceſſité de ſa perſonne en ſon armée,voyant cet
†. te confuſionne ſe peut tenir que donnant des eſperons ilne couruſt à tou
# #º * te bride contrel'ennemy : & comme il eſtoit plus emposté de fureur que
de conduite,il ſe trouua tellement enuironné des Caſſelbas,qu'auparauant
que de pouuoir eſtre ſecouru des ſiens, il y finit miſerablement ſes iours,
ayant perduvneſibelle occaſion de deffaire ſes ennemisiuſques àvn, ſans
courir aucune riſque, & ſevanger des pertes qu'ils auoient faict ſouffrir
aux Turcs, mais cette vangeance eſtoit reſeruée à vn autre, & voicy
COIIlIIlCIlt. -
\
À
Liure ſecond. 2 I9
· rentà ſe debander, de maniere que les Caſſelbas eurent toute commodité
de ſonnerlaretraicte, & s'enalleriuſques aux confins de la Perſe ſansaucun #
empeſchement.Comme ils approchoient deſia de la ville de Trebis,iadis†"
Tauris, & qu'ils venoient de tendre leurs pauillons, voicyvne Carauane º `
qui leurvintàl'encontre; ces Carauanes ſont vne multitude de toutes ſor
\
tes de gêns qui ſe mettentenſemble de compagnie, quandils ont †
grandvoyageà faire, pour euiterles dangers des chemins, &allerplus ſeu
rement parpays. Orcette Carauane appartenoità Iſmael Sophy, Schach .
des Azemiens ou Roy des Perſes : ceux-cy doncques, ſans s'enquerirà qui Le caſ ta,
· celaappartenoit, ſe ruent deſſus, tuenttoute cette multitude d'hommes † rauame cauſe
&pillent leurs marchandiſes. De là leurs chefs penſerent qu'ils auoient be de leur ruine
ſoing des inſinueraux bonnesgraces du Sophy, deſquelles ils ſe faiſoient
forts, comme tenans ſon opinion enlaloy de Mahomet, celales fit ache
miner àTrebis, où le Sophyreſidoit pour lors. Ceux-cy eſtans introduits
· en ſa preſence, illeur demanda par quelle authorité ils auoient occis les
Baſſats de ſon pere adoptif, ainſi appelloit-ilBaiazeth parvne maniere de
parler § , car ilneluyvouloit point débien : ceux-cy reſpondi
rent que c'eſtoit à ſon occaſion, & pour deffendre ſa querelle, & chaſtier )
vous maſſacré ceux de la Carauane ? & pourquoy auez vous vollé leurmar
chandiſe ? A cecy eſtans ſurpris, carils ne penſoient pas que cela fuſt venu
iuſques aux § du Sophy, & nepouuans que reſpondre, le Sophy di- La punition
§ toute cettetrouppe de ð aux Seigneurs de ſa Cour, en don- † fit le So
nant àl'vn dix & àl'autre vingt; & quantaux chefs,illes mit entre les mains
- de ſes Cordeziler ou ſtipendiaires pour les faire tous mourir. Telle fut la
fin de cette guerre des Caſſelbas, en la Cataſtrophe de laquelle, comme
ditSpandugin, cecy eſt digne de remarque, à ſçauoir quel'vn des chefs de
ces ſeditieux, quis'appelloitSchach Culi, c'eſt à dire eſclaue du Roy de
Perſe, fut pris parle meſme Roy de Perſe, qui parvnloüable exemple d'v Scitan Culieſ
· neſeuere iuſtice, le fit bruſler tout vif: les Turcs auoient ſurnommé ce claue de Satan
· Schach Culi, ſeruiteur du Roy de Perſe, Scitan Culi, c'eſt à dire Eſclaue , †
des Caſſelbas.
de Satan.
Mais puis que nous ſommes ſur les entrepriſes des Perſes Sophians, &
que doreſnauant toute cette hiſtoire ſeraremplie des guerres quelesTurcs
ont euës à demeſler auecques cette nation, ilne ſera peut-eſtrepas hors de
propos pourl'eſclairciſſement de cette hiſtoire, d'en diſcourirvn peu plus
-
aulong, que nous n'auonsfaictenlavie de Mahomet. - -
|ville
s ſaiſide dela
Der-
, Durant ces choſes Sechaidar ſe fit ſeigneur de Derbent,ville aſſiſe ſurla
- - - -
· § " " mer Caſpie, & ſeruant de paſſage & deffence pouraller de pays en autre,
n'y ayant qu'vn deſtroict, Alumut eſtoitlors à Tauris quandonluyappor
tales nouuelles; ce qui le fit haſter de ſecourirles Circaſſiés:& de faictilen
uoya contre-eux vne † armée qui les arreſta court au progrez de
, , leurs conqueſtes, par la perte d'vne bataille, où ces Sophians furent preſ
# * que tous mis en pieces, & meſmes Schaidary fut occis, & ſa teſte coupée
º & donnée aux § pour la deſchirer,ce ne fut pas toutes-fois ſans ſe bien
deffendre, & ſans fairemourir plus de quatre mille Perſans. Les enfans de
Sechaidarquieſtoient ſix, trois maſles & autant de femelles, s'enfuirent,
l'vn en la Natolie,l'autre en Alep, & le troiſieſme qui s'appelloit Iſmael,
† s'en alla envne Iſle nommée Armining, ſituée ſurle lac de Vaſthan ou Ge
lucalac; cettuy-cy n'auoit encores atteint que l'aage de treize ou quatorze
ans, beau à merueille,gentil & courtois, & qui promettoit en §
quel
que choſe de grand à l'aduenir. Cet enfant eſtant tombé entre les mains
d'vn PreſtreArmenien, fort grand Aſtrologue & ſçauant en la iudiciaire:
& commeileuſt †
coniecture que cet enfant deuoit vniour parue
| , nirà quelque grande ſeigneurie, il eſtoit d'autant plus ſoigneux de l'eſle
† uer & le tenoit ſecret, à cauſe qu'on le cherchoit pour le faire mourir : ce
preſtre taſchoit de l'endoctriner en la loy Chreſtienne, à † ( peut
eſtre) euſtilgaigné quelque choſe, ſi l'ambitionn'euſtrauy le cœur de ce
ieune Prince, lequelne ſe ſoucioit de Religion, ſinon en tant qu'il voyoit
qu'elle luypourroit ſeruir pourl'execution de ſes deſſeins. Cettuy-cypar
uenu àvnaage plus grand, & bruſlant de deſirde ſe faire paroiſtre, deman
Armining lieu da congé à ſon maiſtre &gouuerneur qu'iltenoit au lieu de pere (comme
#
re du Sophy. toute ſavieilreſpectale lieu d'Armining, ſemonſtrantaſſez fauorable aux
- N -
# onne & fortegarniſon, penſa que c'eſtoit choſe inutile & perte de temps
# que de † ils'imaginoit auſſi qu'Iſmael ſe contenteroit de cettepie
# ce, & que ſe laiſſant endormir en ſa proſperité,ilnegligeroit de ſetenir ſur
#r ·ſes § ſurprendroitlors qu'ily penſeroitle moins.Mais Iſmael qui
- n'auoit pas faict deſigrands remuemens pour ſi peu de choſe qu'vne for
(. tereſſe, bien que cloſe & renfermée de toutes parts, ne pouuoit pas arre
ſter là le cours de ſon ambition,nyle progrez de ſes conqueſtes. Se voyant -
- doncques vne retraicte aſſeurée, & que le Roy negligeoit de s'oppoſer à sisses priſe
- ſes efforts,ilaſſemblalaplus puiſſante armée qu'il peut & s'envint aſſieger #º
-*i la cité de Sumachia, ville grande & capitale du Royaume,aſſiſe entre les Ar. phiant
: meniens & les Medes, nonloing § Caſpie ; Sermangoli Royd'icel
#. le, & tributaire du Roy de Perſe, ſe voyant trop foible pour tenir teſte
# aux Sophians, quittalaville & s'enfuit au chaſteau'de Caliſtan, place im
: renable, ſi bien que ſans reſiſtance Iſmael ſe rendit maiſtre de cettegran
: de ville, où il fit vn merueilleux butin de toutes ſortes dericheſſes, enri
· · · chiſſantainſi ſon arméeaux deſpens de ſes ennemis, & luy-meſme leurfai
sº, ſoit pluſieurs largeſſes pour lesattirer: de ſorte qu'il courut de luy cettere
putation preſque partoute l'Aſie, qu'il eſtoit le plus ſage, vaillant & cour
· tois & liberal Prince qui fuſt pour lors : ce qui fut cauſe d'en faire rendre Renommêe |
'de pied, tous vaillans hommes & hardis combatans, comme ils ſont en
-, core à preſentdesmeilleurs de tout l'Orient : ceux-cy venans trouuer Iſ
•• • - · E e iij .
ſ- - - - º - - 5 | • -
Renc5tre d'A ſe
auuer auecquesvn fort petitnombre des ſiens, & de ſe retireràTauris,
- -
,. * - Ses
| des Turcs, Liure ſecond. 223
* Sesvictoires,&
faiſoient
-
ctoire qu'ils auoient obtenuë contre Alumut, n'eſtoit que la porte de leurs §
proſperitez, mais que s'en eſtoit icy l'eſtabliſſement, que cettuy-cyvaincu †º
tout flechiroit ſoubs leur domination : Qu'ilfalloiteſteindre la race de ces º°Pºy
heretiques (ainſi nommoient-ils ceux † tenoient l'opinion contraire)
- - " - | * - v • -
Or eſtoit-il d'vn naturel du tout impatient de repos, cela fut cauſe que
ayant mis finàla guerre d'Aliduli, & voyant que le Sultan de Babylone
Muratchan, dont nous auons parlé cy-deſſus, luy pouuoit quereller ſa
Autrerºstr. couronne, ilreſolut de le ruiner dutout, & print ſon ſubiect, ſur ce que
† cettuy-cy, apreslamort d'Alumuts'eſtoit mis en poſſeſſion de la grande
*zºº cité de Siras, chef& metropolitaine de la Perſe, comme ſe diſant le plus
proche du ſang Royal des enfans ſortis d'Vſunchaſſan : Tous les deux
,: Princ eS
r -
des Turcs, Liure ſecond. . 225
Princes auoiét grand nôbre de peuple, mais Iſmaelauoit les plusvaillans,&
Muratchans'eſtoit plus fortifié, en forceât plus ſes ſubiectsàle ſuiure, que
de bonnevolonté qu'ils euſſent de marcher ſoubs ſon enſeigne,ſereſouue
nans que l'autre-fois § Muratchanauoit bataillé cQntre le Sophypres de .
Tauris,de 3o.mille côbatans qu'ils eſtoient,il ne s'en ſauua preſque vn ſeul.
Cette contrainte de ſes gens luy dónavne mauuaiſe eſperance de la victoi
Ye, pource enuoya-ilvers Iſmael, le prier de le receuoir pour ſon vaſſal, †
mais
auoitIſmael recognoiſtre
deſir defitletrancher les teſtes auxſeigneur,
pour meſſagers, diſant
il fuſt queluy-meſme
venu ſi Muratchan
luy fil du sophr. \ •
preſenter ſon ſeruice, ſans luy en enuoyer d'autres pour ce faire : cecy en
tendu par Muratchan, & craignant qu'il ne luy en aduint comme au Ro
Alumut, ſe deſroba de ſon camp, & prenant trois mille hommes choiſis, Fuite de Mu
entre ceux qu'ilpenſoit luy eſtre plus fideles,s'enfuit en Alep : mais eſtant §" -
e Calaſtan,& tous les forts qui ſont depuis le mont de Taur,iuſqu'au plus
haut recoingdelamer Caſpie, & à la cité de Derbent : fibien que tous les -
Seigneurs de ce pays prindrentle Caſſelbas, & firenthommageauSophy: Gººd me•.
lequeleſtoit entellereputationparmyles ſiens, que peus enfalloit que ſes †
§ ne l'adoraſſent,ayanstelle confiance enluy, qu'ils alloient pourl'a Pº
mour deluyàlaguerre ſans aucunesarmes deffenſiues, & combatansauec
la poictrine & l'eſtomach à deſcouuertils crioientSchiac,Schiac, qui ſigni- .
fie en langue Perſienne
de leurbonne DIEc'eſtoit
volonté. Or v, D1Eau Sophy
v, comme l'appellans
que ce à teſmoing
nom de Schiac eſtoit †º - -
•
rapporté: car encores en ſes titres auiourd'huy on l'appelle Schiach Iſmael, "
&enſamonnoyeilauoitfaictgrauer d'vncoſté ces mots, La Illahe #llallaha
· · - | -
"
Ff
226 . Continuation del'hiſtoire
Muhammedun reſul allahe, c'eſt à dire, il n'y a point de Dieux qu'vn ſeul
Ses ſoldats - -
|
rh§ D1E v, & Mahomet eſt meſſager de DIE v : & au reuers il y auoit ces
ººº mots, Iſmail balife hillahe, c'eſt à dire Iſmael eſt vicaire de D1Ev : que ſi
° quelqu'vn vouloitbienprier, iln'vſoit point d'autres termes, dit Leoncla
- N - | uius,Schachaccompliſſeton deſir, & qu'il ſoit fauorable à tes entrepriſes.
Ilchangeaauſſi la forme des prieres que Mahometauoit inſtituées,&en fit
, d'autres toutes differentes : voyla cómét que pourl'amour de luy les Perſes
prindrent en hayneles autres ſectateurs de Mahomet. De ſorte que celuy
- - quiauoit commistant de cruautez,& fait mourir ſa propre mere,qui eſtoit
heretique en ſaloy, & auoit remply ſon pays de flammes & de ſang, fut
-- - neantmoins tenu parles ſiens cómevn DIEv, & luy-meſme ſouffrit qu'on
| · le nommaſtainſi,tantl'eſprit de l'homme ſe laiſſeayſement tranſporter par
| - la preſomption, & tant nousauons vn groſſier & lourd ſentiment de Di
uinité, de la rapporter à choſes ſibaſſes & ſi imparfaictes : voyla doncques
ſommairementl'origine des Sophians, & comme ils ſont paruenus à la
grandeur de laquelle ils iouyſſent à preſent : il eſt vray que lesTurcs leurs
en ont bien eſcorné, comme auſſi bien ſouuentils donnent beaucoup d'af.
" faires aux Turcs, mais cecy ſe pourravoir plusamplementà la ſuite de l'hi
ſtoire. -
d'en porter le dueil, & qu'on fit des prieres & aumoſnes pour ſon ame, le
faiſant ſolemnellement enſepuelir à Burſe,auecques ſesanceſtres, & fitri
- - - - ] Punition de ce
/ - V
Mais Baiazeth ſentant ſes forces luy deffaillir, & que ſon long aage le
rendoit doreſnauantinhabileaugouuernement d'vnſigrand Eſtat, com
meilaffectionnoit plus ſon fils aiſné Achmet que pas vn des autres,il deſi
roitauſſi del'eſleueràl'Empire, & d'y donner de bonne heure vntel ordre Baiazeth
. veut
- -
des Iennitzaires à force de preſens, afin de les diſpoſer à receuoir Achmet l'Empire
§ entre
ſon fils Ach° -
pour leur Empereur, mais nonobſtant tous ſes artifices, il ne leur ſceutia-†
mais faire changerl'inclination qu'ils auoient à Selim, car ils trouuoient
Achmettrop gros & trop gras, & parconſequent mal propre au gouuer
nement de grandes affaires, mais ils eſperoienttous que Selim releueroit
fort la maieſté de cette Monarchie : de ſorte qu'ils chantoient publique
ment ſes loüanges,& luy ſouhaitoienttoutbon-heur & felicité,iln'yauoit
ue le ſeulBaiazeth qui vouluſtdubien à Achmet, ſi bien que par la per
miſſion du pere iliouyſſoit de la Natolietranſmarine auec pleine puiſſance
& auctorité
re Royale,gouuernantles
ne l'en empeſchant point. prouinces & entirant le reuenu,le pe
r - - -
sen,lianes ceux-là que i'entens parler, maisilla fiança à ſon fils Sultan Solyman, au
# ºrº quelBaiazethauoit baillé le gouuernement de Cofen,comme nous auons
dit, & parle moyen de cette alliance, il tira vngrand ſecours que luy don
A
naleTartare, auquel commandoit ſon fils, que les hiſtoriens appellent
Chanoglan, commeſion diſoit,fils de Chan : c'eſtoit ce Murteza quiauoit
enuoyé des Ambaſſadeurs en Pologne, en laſſemblée qui ſe tenoit pour |
" , deleur donnervn Roy fort ſobre, lequel meſpriſant les feſtins & ſomp- | :
· ptueux banquets, pour s'acquerir vne perpetuellerenommée, s'amuſaſt
ſeulement à entretenir de beaux & bons harats Et quant à ce quitouchoit #
la Religion, Ie veux, dit-il, que ton Pontife, ſoit mon Pontife, & ton Lu- :
thermon Luther. Laquelle Ambaſſade fut receuë auecques grande riſée, | "
· selim paſſe la mais celaaduint quelquetemps apres l'entrepriſe de Selim, lequel fortifié |
# de ce ſecours,ſe haſta de paſſer lamer noire à Capha, choiſiſſant ce paſſage -
à Achmet, mais ſon eſprit eſtant doreſnauantauſſi peſant que ſon corps, |
Baiaveh ſe il ne ſçauoit par quel filildeuoitcommencer à deuider cettefuſée. Quand
veut ſeruir de
|
† cette reuolte des Caſſelbas ſuruint, laquelle fut cauſe de remettre encore
† cette affaire ſur le tapis, car il penſa qu'il pourroit faire d'vne ſeule pierre |
§ deux coups. Ilauoit donné, comme vous auez entendu quatre mille Ien-
l'Empire. - - - • -
- -
vn autre, que quant à eux ils n'eſtoient point deliberez de receuoir aucun
au milieu d'eux, & qu'ils'aſſeuraſt qu'en cette choſe les Iennitzaires ne luy
§.
*
obeiroient iamais.Ayans dit cecyils refuſerent entierement de receuoir
,.
+
'.
Ff iij
| --
- - - à -
- t -
leBarat)afin que ſes ſubiects luy rendiſſent toute obeyſſance.Ietrouue vne ".
·
à
#E retrouuantforteſloigné
#naturel, devoſtre
depouuoireſtre encores hauteſſe,
vne-fois & incitéparlabontéde
embraſſé de vous, ie n'ay peumon
me
e ".
| -°
#. *retireràTrapezunte,ſans iouyrencores decebonheur,decraintequevoſtre
#} grandaagemoſtepouriamais lacommodité de ce contentement, cela me ſemble auſſi
| 232 Continuation de l'hiſtoire
appartenir au repos de toute l'Aſie, & à lapacification des differens que i'ay auec
v,
monfrere Achmet, car n'oſant commettre à lafidelité de mesſeruiteurs ce que ie vous
pourray dire de bouche,i'ayinfiniement deſiré cette conference & d'auoirl'honneurde
vous baiſer la main,afin que l'authoritépaternelle,ſoit le commun arbitre de nos diffe
rens. C'eſt de quoy ie laſupplie en toute humilité,& que voſtremaieſténe refuſe point
lagrace à ſon fils, qu'ellefaict ordinairemeut au moindre deſes amis, ducamp deuant
. Andrinople.
C'eſt ce que ietrouueauoir cſté eſcrit parl'vn & l'autre, qu'ilm'a ſemblé
à propos de rapporter icy, pour contenter la curioſité du Lecteur : mais
pourreprendre le filinterrompu de de noſtre hiſtoire, Selim refuſant tou
tes ces choſes qui luy auoient eſté offertes auparauant qu'il euſt baiſé la
main de ſon pere, pourſuiuit ſon chemin, faiſant le plus de diligence qu'il
ssiimpeurſ luy fut poſſible, ſi qu'ilvintauecques les ſiens à Zagora, ville de Thrace,
"Pº anciennement nommée Debette, ou Deuelte, à quelque ſoixante milles
d'Hadrianopoli, oùilcampaauecques les ſiens, eſcriuant par tous les can
tons de la Romelie Europeanne, oûil ſçauoityauoir des hommes vaillans
& experimentez, pour † perſuader à levenirtrouuer, leur promettant
toutes ſortes de prouiſions, & de tres-amples penſions : ilnelaiſſoit pas en
† cores auecques ceux-cy, de prendre des ſoldats qui eſtoient ſans reputa
#ººº tion, & meſme desvoleurs &bandoliers, quineviuotoient que de leurs
larrecins qu'il enroolla parmy les ſiens, & leurfittoucherlapaye ordinaire,
-
chacun ſelon ſavertumilitaire, de ſix, huict, neuf& dix aſpres par iour:
de ſorte que par cette inuention il eutincontinent aſſemblé vne armée de
vingt mille hommes : & afin que la paye ne manquaſt point à ſes ſoldats,il
ſe ſaiſit des mines d'or & d'argent qu'il peut trouuer en cette Prouince, &
outre ce de tous les tributs,gabelles & reuenus des Prouinces & des villes,
#† les decimes de toutes choſes, & en fin s'appropria tout ce qui appartient
" " de droictaux Empereurs Turcs, ou quel'onaaccouſtumé de leuer enleur
nom, enuoyant gens exprez pour faire cette leuée, & lafaire amener ſeu
- ICIIlCIlt
-
desTurcs, Liure ſecond. , 233
rement en ſon camp,vſant en toutes choſes d'vne ſouueraine authorité,ſe
ſaiſiſſant de toutes les places & fortereſſes, tant de la haute que baſſeregion
qui conduit à Andrinople, mettant partout bonne garniſon,enchargeant
# auxſiens de ſe ſaiſir de tous ceux qui paſſeroient parleurs deſtroits,de quel
que part † peuſſentvenir, & pour quelqueaffaire & negociation qu'ils †º Selim pour
euſſent, afin que les luy ayansamenez,& qu'il ſe ſeroitinformé d'eux & de nouuclles.
#es
leurs deſſeings,ilen
à ſuiure ordonnaſtapres
ce quileur ſeroit commandé.commeiladuiſeroit,& qu'eux euſſent
· •
[t
Ayât donnételordre à ſes affaires, ce meſchant & deſnaturé fils ſe reſolut XXII.
defaire laguerre àſonpere,&le deſpouïllerde ſon Empire,afin ques'eſtant -
del'hiſtoire
l'aſſiſtance diuine, contre lameſchanceté execrable de ſon fils,à la maniere à
.
priſes parl'inuocation de ſon ſainctnom, & remettre tout ſon bon-heur
en l'appuy de ſon ſecours : & cependant fit trouſſer bagage pourgaigner
| Conſtantinople, coſtoyât touſiours la Propontide : maisSelim qui ſçauoit l. "
de quelle importance luy eſtoit cette arriuée, tant pour ſe rendre le maiſtre |
- destreſorsgardez au chaſteau de Iedicula, ou des ſept tours à Conſtan- -
. . tinople, que pours'emparer del'Empire, fit telle diligence, qu'il le vint
rencontreraumilieu du chemin, ne donnant pas meſmes leloyſiràl'armée #
paternelle de camper, ſi bien qu'ils ſe trouuerent au milieu d'vne plaine,
| proche d'vne certaine meſtairie qu'ilsappellent Sirtkiui, voiſine de la ville
† de Tzorlen, que lesanciens appelloient Tzurule & Buſbeq Chiurli, di
taille. ſtante de Selybrée, enuiron ſix heures de chemin. Là chacun ayant rangé
ſes gens en bataille, on vint incontinent aux mains, où le ſoldat du pere
animé par cette inſigne meſchanceté du fils, commençavn cruel & furieux
combat, Baiazeth n'ayant que faire de les animer, puis que d'eux-meſmes
ils ſe portoient à ce qui eſtoit de leur deuoir. -
- . du fils.
Bataille Voyant doncques le Sultan, qu'il eſtoit contrainct à combatre, il fitar
•, 2 - • > • - -
| auecques fort peu de gens, pour couurir plus facilement ſa fuite, & cuiter
de tomber entre les mains de ſon pere, comme de faict la peur luy donna
de ſibonnes aiſles, qu'il arriuaauvillage Mydieaubord de lamer noire,où
il trouua vn vaiſſeau ſur lequel il paſſa heureuſemét le traiect de la mer noi- -
re, & retournaà Capha, mais ſurtoutilfut ſauué parle moyen de ſon che- ,
ual, :
des Turcs, Liure ſecond. 235
ual qu'ilappelloit Carabul, commes'ileuſt dit noire nul, lequelen recom
pence d'vn ſibon ſeruice, ilne voulut plus que † le cheuauchaſt, sºinſ nue
ne luy donnant pointd'autre harnois qu'vne ſeule couuerture d'ortiſſu, & † †
lefitmeneriuſques en Perſe, & toſtapres en Egypte, & en fin quand ce †
cheualfut mort,illuy fiſt baſtirvn ſepulchre pres de Memphis, dit Paul #º
Ioue àl'exemple d'Alexandre legrand. Et ſon § Baiazeth à Conſtanti- .
nople, apresvne ſi ſignalée victoire, mais deſplorable toutes-fois, & con
† nature. Ce malheureux combatd'entre le pere & le fils eſtant
arriué enl'an de grace mil cinq cens vnze, & de l'Egire, ou des ans de Ma- .
homet 917. . - - -
Ce fut en cette bataille que PaulIoue dit que le Baſſa Herzecoglis fit le Hiſtoire de
lus paroiſtre ſa fidelité, eſtât ſeul entre † Baſlats,quide cœur & d'af- #. º -
† vn fidele ſeruice à ſon maiſtre & beau-pere, car ilauoit eſpou
ſéla fille de Baiazeth, & eſleué en toutegrandeur & richeſſe contre ſon eſ
perançe : car comme il fuſt fils de Cherſech † de Monteuero en
Sclauonie,ayât fiācé la fille du Deſpote de Seruie,belle entre les plus belles
de ſon temps. Leiourde ſes nopces le pere l'ayant regardée d'vn œil plus
laſcif, que † modeſtie & la continence paternelle ne requeroit, en deuint
eſperduëmentamoureux,ſique ſa paſſion ſurmontant tout reſpect & tou-r,r . .
tehonte, le rendittellement
contradictions eſclaue de ſadelaprendre
des parens,ilnelaiſſapas volonté, que malgré
pour toutes les
luy-meſme, &§ - la
del'arracher quaſi d'entre les bras duieune homme, lequel touché iuſques
auvif, parvne ſi notable iniure, & l'amour luy oſtant tout iugement &
- - l| " - - - - SD -
fairevne recherche de tous les liures anciens: c'eſt ce que Paul Ioue dit de #
# - CS DOI1S llWlIC3»
# ce grand perſonnage. - ,
» . - . Gg ij
| | 236 Continuation del'hiſtoire
XXIII. - Orl'hyuer ſuiuant, tous ceux quiauoient charge en la Romelie d'Eu
rope, Saniacs,Subaſſi, Cadis & autres des plus apparents de la Prouince,
ſe trouuerent à Conſtantinople, où Baiazeth les retenoit, & ne leur vou
Baiazeth retiët
† loit † permettre de retourner enleurs charges, car la rebellion de Se
€ 1U
## ſon fils aiſné, ils adiouſterent encore qu'ils reſpandroient leurſang & leur
vie pour cette querelle, & que tant qu'ils ſeroient viuans ſur terreils ne
manqueroientiamais à cette promeſſe. Baiazeth ſe voyant aſſeuré par ces
promeſſes,d'auoirtous les plus grands del'Empire de ſon party,ilſongeoit
aux moyens qu'il pourroit tenir pourſe concilier la bien-veuillance de ſes
Iennitzaires,voyant que par dons ny par prieres, ny par recompence, ilne
lesauoitiamais peufaire changer de reſolution: afin doncques de ſurmon
# ter cet empeſchement, & rompre cette barriere qu'il voyoit s'oppoſer di
§ rectement à ſes deſirs : ilaſſemblavniourtous ceux-cy quiluyauoient deſ
moyens d'eſta ;
§ ia preſté le ſerment de fidelité, afin qu'ils aduiſaſſent entre-eux comment
† il pourroitgaignerles Ignnitzaires, & les faiteflechirà ſes intentions, ou
Iennitzaires. - - - - -
#: (ce quine ſe doit pas entendre toutes-fois à la maniere des autres nations, $º# †
i.. veuque lesTurcs n'ont point accouſtumé de ſe ſeoirdans des chaires mais "
#, quand leursEmpereurs † en public,& faire quelqueaction
:- de maieſté Royale, ils ſont aſſis en vn lieu fort eſleué, de celuy d'où ils .
#: donnent l'audience, par le moyen de pluſieurs tapis & couſſins) que le
# ere ſe deuoit demettre de ſa dignité, & la reſigner entre les mains de ſon
# _ fils,luy donnantvnelibre &abſolue puiſſance ſurtoutes choſes : & de fait
# , Achmet vint incontinent apres iuſques à Iſcudar ou Scutari voyſin de Achmet apro2
$ Conſtantinople, aſſis au § du Boſphore, autrement Chryſopolis, & # -
ſiaſcher, où pouſſez de meſme rage, ils rompirent les portes, pilleunt &
rauagerenttout ce quis'y trouua, continuans toute cette nuict d'aller ainſi
pillans & ſaccageans tout par les maiſons des autres Baſſats & plus appa
rensperſonnages, exceptécelle d'Achmet Herzecogli Baſſa, àlaquelleny
àtous ceux qui eſtoient dedans ils ne firentaucun dommage.Lelendemain
A
dugrandmatin,
mun conſentement & comme leiourcommença
ils accoururent aux portesà paroiſtre,
du"Serrail tous d'vn com
de leurSouue
# rain, &ſelancerent contre auecques grande violence, commes'ils les euſ
$» ſentvoulu enfoncer,& auecques des voix confuſes entremeſlées de mena
· - · G g iij
- 238 Continuation
º •, - - -
9 g • a "
del'hiſtoire
ces, ils commanderent qu'on euſt à leur ouurir : car leurs eſprits effrenez
leurs faiſoientvſer de toute choſe par commandement, ayansreietté enar.
riere toute crainte & toute honte,n'eſtás plus retenus parle reſpect de leur
º . Seigneur, comme ilarriue ordinairementaux ſeditions populaires de cet
Viennent a0
te ſorte de gens de guerre.Cependant ceux quieſtoientauecques Baiazeth
Serrail de leur n'eſtoient pas moins eſtonnez de leur rumeur que deleurs menaces, &
#pleins de crainte & de terreur, ſe rendoient les plus tardifs qu'il leur eſtoit
font par force
ouurir la por , poſſible àl'ouuerture des portes.Mais cette trouppe de Iennitzaires ne re
-
" culoit pasſeulement d'vn pas, & ne donnoitaucun relaſche, mais ſans ceſ
· ſe heurtoient à ces portes, & preſſoient qu'on euſtà leur ouurir : de ſorte
que le Sultan Baiazeth voyant qu'il n'y auoit aucun remede pour reprimer -
· leur furie & adoucir leurcolere, auparauant que leur fureur les euſt pouſ
ſez à entreprendre quelque choſe de pis, il commanda † leurouuriſt
les portes,leſquelles ſitoſt qu'elles furent debarrées,ils ſeietterentincon
tinent en foule & en confuſion dans le Serrail, & vindrent droict dans
l'enclos où eſtoit Baiazeth, & comme ils n'euſſent pas moins de ferocité,&
· d'aſſeurance à comparoiſtre deuant leur Prince, luy ſans s'eſtonner de cette
· impudence, comme ilarriue ordinairement que ceux qui ont longuement
commandé prennent malaiſement l'eſpouuente de ceux qui ont accouſtu
mé de leur § eyr,encores qu'ileuſtaſſez grand ſubiect de crainte, il com
mença de leur parlerainſi. -
beſoing d'vn Seigneur quiregiſſe le timon de cet Empire, & quine puiſſe
pas ſeulement gouuerner la Republique auecques equité, mais quila puiſ
ſe auſſi deffendre pararmes : Nous remarquons partoutvne tres-miſerable
face à cet eſtat,l'oppreſſion des ſubiects n'apoint de fin, toutva ſans deſſus
deſſoubs, les loix ſainctes ſont foulées aux pieds, & nous ne ſommes pas
nous-meſmes envn moindre meſpris,laviolence eſt venuë àvn tel excez
†" que ceux qui demeurentaux Prouinces,ſont arriuez bien prés de leur der
de l'eſtat au- - - - -
exemple le Palatin de Valaquie, le Vaiuode Baſſara, lequel bien qu'il fuſt # e & heureuſe
d'vne autre Religion que celle des Muſulmans,nelaiſſa pas en la plus f gran-§
,
• | - ! - -
ſara.
Baſ
$
\ l'eſpace de ſeptans, il fut comme vn troncattaché touſiours ſurvn vn cha
gºº
riot,ſefaiſant tranſporterainſi où il ſçauoit eſtre neceſſaire, lequeltoutes
foisgouuerna cette Republique des Valaques auecques vngrand conten
ſl $ % -
-
-
-
º ,
- - -
. | " 4 ,
| - 1 - - - )1 • - - -
i (! ' -
• treprendre contre leurSouuerain, & ne pouuoit aſſez s'imaginer qui au
- - - -
, - | ! · · · · - roit peu inciter des eſprits ſi forts & ſi genereux, contre la couſtumê de
| | | . : * leurs maieurs, parvne notable infidelité, & ſans ſubiectny occaſion quel
| " | | -
- - conque (car tout ce qu'ils diſoient n'eſtoient que des pretextes) comment -
• , | : | -
|| ils n'apprehendoient point d'encourir vne note d'infamie, & d'imprimer
- ", - - - - - - -
:
ſur eux cette grande tache d'huile,quiſouïlleroit & perceroit àiourleurre
' - ! nommée dans l'eternité.
- º diſcours ne toucha pas petitement les eſprits & les courages des Ien
C3 1Cfll)1tZ11• - - - - - -
J' § § nitzaires, c'eſt pourquoy pour ſe iuſtifier au moins par paroles de leur in
des remon
† ſtabilité & meſchante perfidie ils luy dirent : Quât à nous tants'en faut que
† nous deſirions ſecouer le ioug de ton authorité, que nous te confeſſons
| | | · · # pournoitre legitime Prince, & celuy auquelnous deſirons rendre toute
| § obeyſſance,ſans que nosvolontez s'alienentiamais de ce deuoir,pour preu :
|| |
l
-
| || |
| -
· · · | | | | ques ſoit le commandement & l'authorité, pourueu que ſoubs icelle nous . |
| | | | | || | ayons quelqu'vn quinous puiſſe maintenir en deuoir, & qui ſoit le condu
- | i · #| | | cteur des armées de la race des Othomans, lequel outre la vigueur de l'eſ
: | | | prit, ſoit accompagnéd'vne force corporelle, afin que ſoit en paix ſoit en
, , " | | | | | | guerre, il puiſſe regirle timon de la Republique Muſulmane, & face croi- .
l " ! ' | || | , ſtre de ioureniourſa renommée engloire & enſplendeur. -
| | | | | | XXV. Comme doncques Baiazeth vid cette ferme reſolution des Iennitzai- .
, , ! · · | Y res tendre à ce § ſubſtituaſt durant ſavie quelqu'vn de ſes fils en ſa place
-
| ·
| |
| | | |
| | |
|
- ·
'
-
§ del'Empire,ilvoulut encoresvnefois eſprouuerce
† ilauoitdeſiatentétant defois, &quieſtoitla principale cauſe delapre
- # , | . ' ente ſedition, eſperant que leurs eſprits ſeroient parauenture plusadoucis
- | • | | | | · (commeil eſtoit malinformé de ce quis'eſtoit paſſé hors ſonSerrail,&que
' , h | ' . ſa ſecrete reſolutionleur euſt eſté reuelée, quilesauoit portez à cette inſo
: | | | ,: ! |; lence, tant il eſt neceſſaire àvn Prince de § ce qui ſe paſſe parmy ſes
: | · · · | ·| | | | | † ſubiects, & principalement qui ſont proches de ſa perſonne)certainement
| | | | | - | † dit-il, ie ne penſe pas mieux pouruoir la Republique, ny que vous-meſ
· | |!| | || | · | § pour
mes puiſſiez
V31Il,
fairearmées
chefen vos vnmeilleur
: mais choix
euxau que de recepuoir
contraire, mon fils
luy refuſerent Achmet
tout à plat,
· | # # ; - *
-
". luy
| | | | | | | | -
1
| | | . | | | : || |
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l, | |! · ' ! - | | | |
' ,! | | | | | | . •
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· · · - •
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, #i -
'
· des Turcs, Liure ſecond. 241
luy declarans qu'ils 11C recognoiſtroiét iamais Achmet
- . c ' .
†
-
S eigneur
V
fuſt, conſentir à la demande des Iennitzaires, quand les Vizirs, & les plus ſes
portuné par
Baſſats il ſe
grands qui eſtoientalors† de ſa perſonne, quivoyoient n'auoir plus laiſſe vaincre.
depuiſſance ſur eux-meſmes, & qui tenoient leurvie comme deſeſperée,
cette propoſition leurayant faictreuenirleurs eſprits deſia tous eſgarez, &
laforce de la neceſſité qui les preſſoit,leurayant donnévnevoix plus libre
pour exprimer leurs conceptions à leurſouuerain : le prierent & ſupplie
rent à ioinctes mains d'accorder aux Iennitzaires ce qu'ils demandoient
pour euitervnplus grandmal. Mais luy au contraire : ievous aſſeure mes
amis, queiene ſuis pointreſolu de quitterainſilibrement mon ſceptre au
contraires'eſcrierent-ils tous d'vnevoix,perſonne ne penſe à cela,ains ta di
gnitéte ſera conſeruée ſans eſtrealterée en façon quelconque, & l'admini
ſtration & legouuernementt'en demeurantentier & abſolu comme aupa Baiazeth fle
rauant Alors Sultan Baiazeth ſevoyantforclos de tous expediens, & que · téchitdeà laſesvol5
le ſeul remede au mal preſent eſtoit de flechir ſoubs la volonté de ſesſu iects. ſub
biects, la demande des Iennitzaires ne ſe pouuant refuſer ſans peril. Puis
doncques qu'il eſt impoſſible autrement de vous contenter, ſoit faict ce
quevous deſirez : que mon filsSelim ſoit chef& conducteur des armées.
Mais les Iennitzaires ne ſe contentans pas de cela, pourſuiuirent leurpoin
te, & demanderent que le Barat ou mandement leur en fuſt mis entre les
mains, où fuſt faicte mention de la conceſſion que Baiazeth faiſoit à ſon
filsSelim de ce magiſtrat : quantau mandement que vous demandez, dit
Baiazeth, c'eſt à dire§ ie vous l'auray liuré, qu'il faut que ie Illeur accorde
Selim, & cux
me deſpouïlle del'Empire: mais c'eſttout aurebours dirent-ils,car ſi Selim enuoirveulent
des let
a°
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-
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-
conſentit qu'on leur liuraſt des patentes, en foy de ce qu'il leur auoit
|#-|
| , accordé. -
moyens del'entretenir, & partant qu'il eſtoit fort reſolu de ne liurer enfa
|! . çon quelconque ſes treſors à ſon fils, ains de lesgarder pourſoy : mais les
|
| - - -
º . Auee furie & Iennitzaires † vn viſage & vne parole toute pleine de fureur, com
| | | †" ment Sultan,ne ſçais tupas que cestreſors dont nous diſputons ſont no
- ſtres : & qu'en quelque lieu que ſoient les armées qu'il eſt neceſſaire dy
garder les treſors pour payer nos gages & nos munitions : partant ne t'en
mcts point d'auantage encolere, & nous rends de bonne volonté ce qui
-- ·
4 |,
eſt deſia noſtre; iurans de ne point partir delà qu'ils n'euſſent obtenu ce
- | - · qu'ils demandoient : Baiazeth proteſtoitd'ailleurs qu'il ne ſe defferoit ia
- - mais de ſes treſors : mais euxauecques vn plus† tumulte commence
| rentàs'eſcrier qu'illes bailleroit, & que s'il refuſoit d'auantage de ce faire,
i
: -| qu'il s'aſſeuraſt de ne pouuoir euiter trois choſes, à ſçauoir la perte du
Royaume, ſes treſors, & parauenture la vie.
Parquoy ce pauure Prince ſe voyantbattu de tant d'orages, & qu'iln'y
auoit nul moyen d'adoucir ces courages ſi deſeſperement furieux, meſmes
· · Miſerable es qu'ils envenoient de plus en plus aux menaces,craignâs qu'ils ne paſſaſſent
· † outre, il ceda à leurviolence, & malgré qu'ilen euſt, quitta ſestreſors à ſon
rand Monar- -
§ filsselim , & promit de les luy liurer. Choſe deſplorable à laverité, devoir
-
Baiazeth contre Selim, obtiennent ſeditieuſement pour luy, & lors qu'il
n'ypenſoit plus,la meſme choſe qu'il demandoit les armes en la main,vou
|| | |
-
:
-
-
i | :
|
· - ·
-
lans
·! #
1 :
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--
apres. \ * - .
es de luy remettre tous les treſors entre les mains, il ne reſtoit plus autre. †
2 • 1 • ' • - • - , | des couſtriers
| T _ ._ . _ . "
$.
, Apres que ces poſtillons eurent apporté ces ioyeuſes nouuelles à Selim, †
ilsletrouuerent tout autre & bien eſloigné de ce qu'ils deſiroient, carilne tiers2
# ººº
. H h ij
/. )
!
, ,
##
de ton pere, ſans attendre qu'ilait rendul'eſprit
Selim ayant bien conſideré ces raiſons, s'y laiſſaperſuader, Iugeant †
§ les Iennitzairesauoiçntfort ſagement ordonné de ces affaires, toutes-fois
- |
-:
†º- qu'ilne falloit pointvſeràl'eſtourdy de cettebelle occaſion, ny lareietter
auſſi, mais pluſtoſt la prendre auec l'vne & l'autre main, c'eſt pourquoy
· · ·
afin desyacheminer en equipage de Prince, & ne ſe rendre point neceſſi
-
teux à ſes partiſans : outre les gens deguerre qu'ilmenoit d'ordinaire quant
- † &luy,il print encorestrois milleTartares à ſa ſolde qu'ilioignit à ſes troup
· §s§. pes, & commença ainſi ſon entrepriſe : quelques compagnies des Iennit
zaires luyvindrentauſſi à la rencontre. ' -
-*
XXVII. Orcependant que Selim eſtoit en chemin, & que tous les Iennitzaires
. · luyauroient eſté au deuant, Corchutl'autre fils de Baiazeth & frere de Se
corchut art. lim, eſtoitarriué parmer à Conſtantinople, pres de petites maiſonnettes
!| †" des Iennitzaires qu'ilsappellent Zauias, comme ſion diſoit, maiſons de
, tinople.
ſollitude, & eſtant entré dans vntemple ilsyarreſta, n'ayant auecques luy
---
† homme qu'ilaimoit, & quiauoit eſténourryauecques luy dés
à ieuneſſe, ce n'eſt pas toutes-fois qu'il fuſt venu de ſon gouuernement
auecques ſi peu de trouppe, comme ilſe iugeracyapres, ayant pris parle
† chemin les treſors que ſon pere enuoyoitàſon frere Achmet, mais il ſe de
§ guiſoit ainſiafin de mieux faire ſes menées, car ilauoit eu des picques par
" ticulieres contre Achmet,à cauſe de quelques ſiens ſeruiteurs qui auoient
eſtétroublez enleurs poſſeſſions par ceux de ſon party,& ainſi bienayſe en
# toutesfaçons de luy pouuoir faire deſplaiſir delaquelle arriuée les Iennit
:
† de cor #airesayans eſté aduertis, & que meſmesileſtoit envn temple proche de
" leurretraicte, ilsy coururentauſſi-toſt pour luy baiſer la main.Mais quand
, ſon pere Baiazeth entendit qu'ileſtoitarriué,il commanda auſſi-toſt qu'on
| s'enquiſt
- 0
mais voyant qu'il vºuloitaduancer ſon frere Achmet à ſon preiudice, cela
l'auoitfaict venir à Conſtantinople, croyant § les Iennitzaires ſeroient
memoratifs des promeſſes de ſon pere, & qu'ils luy ayderoient à recouurer
ſa dignité, mais il arriuoit trop tard, car les Iennitzaires auoient deſiaen
uoyé des courriers à Selim, qui enleur nom luyauoient preſté le ſerment,
qu'ils ne pouuoient & nevouloient rompre,carleur inclination eſtoit bien
plusportée du coſté de Selim, comme eſtant vn homme belliqueux, & corºnt re :
cettuy-cyaddonné au repos & àl'eſtude de la Philoſophie Mahometane.º # ºsºude .
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- Hh iij
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·
*
Ce qu'entendant Corchut,& recognoiſſant aſſez par ce diſcours en quel
, eſtat eſtoient pour lors lesaffaires, comme il ne manquoit pas d'entende
† ment,ilvidbien qu'ilfalloit changer de la ngage & d'entrepriſe, cela luy fit
# * reſpondre : Puis qu'il eſt ainſi, Iennitzair es, que vous auez enuoyé vers
" mon frere Selim, pour traicter de ce que vous dittes, ie ne deſire plus,ny
| , ne pretends plus rienàl'Empire, maisie iuge que vous l'auez deu preferer
à moy, car pour en dire laverité, la principale cauſe qui m'auoit faictvenir
icy eſtoit que i'auois entendu que mon pere auoit donné la ſucceſſion à
mon frere Achmet, ce que ie voulois empeſcher de tout mon pouuoir,
Treſors que
voyant ſon affection ſi extraordinaire enſon endroict, melaiſſantenarrie
| p † re, moy quiluyauoit rendu deſigrands teſmoignages de ma fidelité, & à
† qui ſa promeſſe lauoit particulierement obligé, iuſques à luy enuoyer de
,
†" . grandes ſommes d † par ſes largetſes & corruptions il peuſt
· attirer à ſoyles volontez des principaux del'Empire, afin de nous le rauir
d'entre les mains, leſquels treſors i'ay trouuez par le chemin, comme on les
conduifbit, & les ay pris & ſaict § de: rendre vains les deſſeins
de mon pere & de mon frere, & conuertir leur intention à mon ad
uantage. - -
Ce que diſoit icy Corchut de cestreſors, n'eſtoit pas vne choſe inuen
tée, car Baiazeth auoit enuoyé à Achmetvnefort # rande quantité de ſacs
Il en fait lar- pleins d'argent,apres cette reſolution priſe au conſeil qu'iltint pour luy re
- g§ ſigner ſon Empire, leſquels Corchutauoit rencontr ez, & forcé ceux qui
-
" les portoient,de les luy liurer, & les ayans faictapporter parles ſiens à Con
ſtantinople, il en fitvnelargeſſe aux Iennitzaires, de deux censaſpres pour
1 . teſte. .
XXVIII Les choſes eſtans en cet eſtat, Selim pourſuiuoit touſiours ſon chemin
& s'approchoit de Conſtantinople, ce que ſçachant Corchut, ilalla auſſi
Corchut va · toſt audeuant de luyiuſques à Zecmegen, ou aupetit pont,vn lieu que les
-
#ºt dess Grecsapp elloientComepolichnion,ou petitbourgceint de pluſieurs IIllI
- railles, en vnlieu où s'eſtendent deuxgrands ſeins du Propontis, & oü ſe
† † deſgorge le fleuue Athyras, où les deux freres ſe rencdhtrerent tout à che
# ual, & ſe ſaluans mutuellement, ioignans leurs dextres les vnes aux au
tres, ils ſe rendirent enapparence toutes ſortes de teſmoignages d'amitié,
& de bien-veuillance. De là s'en eſtans retournez enſemble en laville de
compagnie,ilss'entretindrent de pluſieurs diſcours,& † eſtre entrez en
icelle, & qu'ils ne fuſſent pas loing de la retraicte de Selinn, s'eſtans dere
Selim va loger chefſaluez , & ditadieul'vnàl'autre, Corchut ſe retira en ſon logis accou
,
† ſtumé. Toute la trouppe alors des Iennitzaires ayans enuironne S elim,
l'emmenerentaueclesſiens en leur quartier, qu'ils appellent Genibacza,
c'eſt
•.
/
-
• T - | - -
(#
# · propre mouuement,
eſtant entré vint aduertir
envne merueilleuſe Baiazeth
colere, de ce qui
& reprochant à ſesſeſubiects
paſſoit,leurin-
lequel • -
:
#º gratitude
& Aiax, au&lieu
infidelité,
de faire cettuy-cy,
rapportau àpublic
ſçauoirduMuſtapha auecques
iuſte courroux Roſtanes
de leur Prince, N
m§s pere portoit à Achmet ſon frere, s'eſtoit retiré en Egypte, pourtaſcher de
"º tirer quelque ſecours de ce Prince, pour obtenir de ſon pere par la force,ce
qu'il ne pouuoit auoir de bonne volonté : que Baiazeth en ayant eſtéad
uerty, luy enuoya pluſieurs grands preſens pourle retirer de là, ce qu'il fit
du conſentement meſmes del'Egyptien, & que delàs'en eſtanralléen Ly
die, ayant changé d'aduis, iliuravne eſtroite amitiéauecquesSelim : de
Itadaetit se ſorte † ce fut luy quil'aduertit des deſſeings que Baiazeth ſon pere auoit
lim des deſ- - )• / 1
† † pour ſon frere Achmet, & meſmes qu'ilauoit enuoyé le Baſſa Haly auec
perc.
qucs vnebelle armée, † l'eſtablir plus facilementau Royaume,y eſtant .
d'autât plus incité qu'ilauoit receuvne deſroute par ces ſeditieux Sophiás,
- : tantilya de contrarietez dans touslesAutheurs, & tantil eſt difficile de les
:
concilier : mais quant à moyie croyrois qu'Achmetauroit cſté le mignon
dupereiuſques àla fin, ques'ilfit quelque decret cótre luy, ce fut lors qu'il
n'auoit plus de puiſſance ſur ſoy-meſme. Que Selim fit voirement le bon
valetà ſon arriuée,mais qu'ilvſa àl'inſtant d'vnpouuoirſouuerain,&quant
conciliation à Corchut, i'adiouſterois plus de foy à ce qu'en diſentlesannalesTurqueſ
"" ques, qu'àtout le reſte, ſans toutes-fois reietter ce qu'en ditTuberon, car
celane ſe contredict point que Corchutne ſoit venu deux-fois à Conſtan
tinople, l'vne auparauant la guerre des † & que de là il s'en ſoit
allé en Egypte, l'autre quand Baiazeth voulut fairevenir Achmet pour luy
reſigner #pire. . - - - -
vne fort grande confiance, & auquelil promit de donner mille aſpres par #
iour,qui peuuent reuenir à neufmilleTalers à quarante aſpres pour † #ºpºs
qui ſeroit quelque dix-huictmilleliures de penſion, cettuy-cy corrompu
par vne ſigrande eſperáce de recompence, luy promit de prendre le temps "
& l'occaſion pour executer ce qu'il deſiroit: car Selim craignoit que cepen
dant qu'il iroit faire laguerre à ſes freres, commeil deliberoit, qu'il ne luy
print enuie derentrer dans ſa domination,côme iadis à ſonaieul Amurath,
ioinct que Baiazeth, au rapport de Paul Ioue, emportoit quant & ſoy,for
cevaiſſeaux d'or & d'argent, auecques grande quantité d'argent monnoyé,
plus des eſcrins tous pleins de perles & pierreries fort riches & precieuſes Richeſſe, que
qu'il auoit tirées du treſor, & des innumerables richeſſes que ſes aieulx luy #
auoientlaiſſées, ce quivint fort à propos à Selim pour les largeſſes qu'il luy & ſo .
falloit faire incontinentapresaux Iennitzaires, qui luy auoient eſté cauſe
en vne heure de tant de biens.
Cela eſtantarreſté, & toutes choſes eſtans preſtes pourle partement de
Baiazeth,il dit les derniersadieux à ſon fils Selim,& montant dans ſon cha- †
riotilvoulut que Ionuſes Baſſa l'accompagnaft,
quesluyiuſquesàlamort,carill'aimoit & qu'il toutes-fois
par deſſus tous(& demeuraſt auec-
quel-*#aºne
c.
ques-vns ont dit qu'il auoit eſté gaigné par Selim, & que ce fut luy qui
donnale poiſon à Baiazeth, deuant meſmes qu'il † de Conſtantino-1?nuſº Baffa
• || chery de Baia
||»
ple.) Quantaux autres Baſſats, & autres grands de la porte, ils l'accompa-# gºgº
gnerent iuſques horslaville, non toute fois guere loing : tandis Selim ne # #
voulant pas s'enallerauSerrail parlemeſme chemin que tenoit ſon pere, †§.
qui ſortoit par la porte d'Andrinople, il laiſſa lesiardins Genecbazeens, *
ours'en vênir à Acſerai Bazarum, c'eſtàdire au marché du blanc Palais,
& delà deſcendant par la place qu'on appelle lalongue,ilarriua àl'Hippo
drome, qu'ils appellent Atmeidan, & delà auSerraildes Sultans.Tandis †
ceux qui eſtoientallez accompagner ſon pere eſtans de retour, ils auoient ayeulx,
reſolu de le conduire auecques vne pompe Royale en ſon Serrail, & le fai
re ſeoir ſur le troſne de ſes maieurs:mais eſtansarriuez auxiardins Genibac
zeens, & nel'ayans plus trouué,cclales offença fort, & murmurerent tout
haut qu'ils ne pouuoient qu'ils ne ſe reſſentiſſent du meſpris que Selim
faiſoit des couſtumes de ſes anceſtres, d'eſtre receu à ſçauoir à l'Empire Murmure des
auecques ſolemnité : mais Selim ne fit non plus de cas de tous leurs diſ §
(. , cours ques'ils n'euſſent rien dict,tant le reſpect & la creáce qu'ona en †
†º,
&. qu'vna de pouuoir ſurvne populace, car il ſembloit qu'il deuſt fiechir à ºs"
ſ# tout ce qu'ilsvoudroient, & cependant ce ſont eux qui flechiſſent & font
2º 2 ^
•
iougàl'obeyſſance : car commeileſtoitfort haut à la main, ne redoutant
plusſonpere par ſon execrable parricide, & ne faiſant point d'eſtat de ſes
freres,ilvſatout dés le commencement d'vn pouuoir ſouuerainementab
ſolu: deſorte meſme que le lendemain qu'il fut arriué à Conſtantinople, il - . -
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SV R L ES A CTI ONS PL V S
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du nom, contenues en ce 2. liure de la Continuation de l'Hiſtoire
-
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des Turcs, par leſquelles la Iuſtice & Prouidence de
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DIE v, peuuenteſtre remarquées.
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• * .
-
-
) en ſon deuoir, & le reueille du profond ſomme
: , # deſes iniquitez, qui depuis le plus grand matin
.. . - # iuſquesàlanuict cſt § en garde pour le ſa
:! |! •
# ! t - | lut des ſiens. Cet œil poſé ſur ce ſceptre, ſelon les
-
* |
Hieroglifes des Egyptiens, qui à la Royale gou
:
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uernevniuerſellement, & void en vn inſtant de
· : , !
uant & derriere ce qui doit arriuer à ſes creatures,
' , , |
-
| | vouloit bien en Roy Tout-puiſſant chaſtier ſes
| | · · · · · ·! meſchans ſubiects, quis'eſtoient tant de fois reuoltez contre la grandeur
-
-
• ! º | | ;
- :
-! - , , : de ſamaieſté, mais comme pere demiſericorde, & D IE v de toute con
* -
| | |
| | | ſolation, illeur offrit des occaſions pour ſe liberer, non ſeulement de la
| ;| "
|
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| |
|
|
|
·
ſeruitude, mais derendre meſmes lapareille à ceux qui lesauoienttant fait
, , " i ; • i ſouffrir.
- | 1 ,
| 3 Car incontinentapreslamort de Mahomet ſecond,les partialitez d'en
- , | Chapitre 1.
:. |! i ! -º tre les plus grands del'EmpireTurcº& les guerres ciuiles que les deux fre
| · |· |· · .
| | | res,Baiazeth & Zizim ſe faiſoientles vns contrelesautres,eſtoientvngrand
| | |
, -
|
| | -
moyen aux Chreſtiens, s'ils ſe fuſſent bien entendus, de rentrer dans la
" | | | | meilleure partie de leurs terres, toutes les forces des Othomans eſtans lors
|
en Aſie, & ne reſtoit en † † quelques garniſons, mais les Chre
- · · .. ! |
:
| | h i :
ſtiens eurentbien le cœur de ſereſiouyr de la mort de leur ennemy, mais ils
·· · · · ,
n'eurent pas l'induſtrie ny l'aſſeurance, ou pluſtoſt la bonne intelligen
- , -
| | 1 -
• "
| ce, enſemble de courir à ſes deſpouïlles, s'amuſans à faire des feux de
,| | | ,!| i , ioye chez eux au lieu de les aller faire ſur ſes terres, & dans ſes propres
-
villes. -
|
| | | | | | Chap. 2.3.
l | | | | Ce que ie viens de dire fut vn beau moyen, mais cettuy-cy n'eſt pas
| | | : - i
1 ! 4- : moindre, car que n'euſt-on pointfaictauecquesl'ayde de Zizim, ſuppor /
1 , :-- º
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Chap. 4.f.
Voicy encores pluſieurs occaſions toutes de ſuite, propres pourlapro
ſperité desaffaires des Chreſtiens,carparmy tant de ſeditions des Iennitzai
res, & ſi peu d'affection qu'ils portoient à leur Empereur, comme il ſe
† voir parces tres-grands remuëmens qu'ils firent : on pouuoit prendre
'opportunité pourfaire pluſieurs menées dans cet eſtat tout troublé, veu
quel'eſprit del'Empereur quiregnoitalors,n'auoit la capacité pourreſiſter
à tant d'affaires, ny l'inclination à la guerre pour la pouuoir longuement
ſupporter, ſon courage timide & ſon eſpritirreſolu, le faiſant entendre à
toute ſorte de compoſition quand il eſtoit preſſé de pres. Or comme les
Chreſtiens nourriſſoientleurs inimitiez,tant plus la bonté Diuine leurteſ
moignoit de miſericorde. Cettemeſmebóté infinie quine marche iamais
ſansſonbras gauche, ne voulut pas permettre la ruine de l'Empire Turc
parluy-meſme, commeil fuſtarriué ſans doute, ſi Baiazeth euſtfaictreuſ
· ſir ſon deſſeing exterminant les Iennitzaires,les nerfs & laforce de l'Empi
re Turqueſque, maisille voulut conſeruer en ſa force, afin que ſes rebel
les enfans luyvoyanstouſiours en la mainlesverges & le baſton preſt à deſ
charger ſurleurs eſpaules,ſeretinſſent dauantage en leur deuoir, mais leur
obſtination eſttrop grâde pouryvoir du changement,ſi parvne grace ſpe
ciale luy-meſme ne le faict.
De tousles ſept Princes quiauoientaſſiſté Aladin en ſes conqueſtes, il Chip. 4.7.
nereſtoit plus que le Caraman, tous les autres ayans eſté ſubiuguez & ex
terminezparlesTurcs.Orſemble-ilque ladiuine Prouidence les euſt vou
lu conſerueriuſques alors, pour deux raiſons, l'vne que ſi Mahomet ou
vnautreauparauant luy l'euſt conquiſe, ilſe fuſt rué tout à ſon ayſe ſur la .
Perſe qui eſtoit encores toute diuiſée : les Roys de laquelle n'auoient pas le
pouuoirqu'ils acquirent depuis ſoubsVſunchaſſan & ſoubs IſmaelSophy:
mais cette Monarchie auoit beſoing de maiſtre, & d'eſtre deſia forte &
puiſſante pourfaire teſteauxTurcs, & la Caramanie leurſeruoit debarrier
res.Or du temps de Baiazeth Iſmael Sophy eſtoit en la ſplendeur de ſes
conqueſtçs, quinetoucherentgueres le cœur du Mônarque Othoman,
quiaimoit trop ſonayſe & le † pour le troubler : l'autre c'eſtoit pour
ººnertoufiours quelquerelache aux Chreſtiens,carle Caraman,perpe
ºnnemydesothomans,ſeruoit touſiours ſurleurs terres quand il en
:
- - - Ii iij
254- . Conſiderations ſur
| eſtoit eſloigné: de ſorte qu'ils eſtoient contraincts de quitter à tous pro
pos leur entrepriſe pouraller deffendre leur pain:mais le Perſe y eſtant §
plus§ pre à cela que l'autre, tant pour ſa grande puiſſance que pour le
.
|, -
ſchiſme qu'ila apporté en la Religion Mahometane, le Caraman eſtant
deſormais inutile, veumeſmes qu'il eſtoit temps que toutes les Satrapies
d'Aladin fuſſent reduites en la Monarchie desTurcs, puis qu'ils portoient
d'oreſnauant le titre d'Empereurs, ayans conquisl'Empire Grec : car pour
#-# . : le regard des Princes Caramans,leur vie § tyrannique, auecques
leur fauce religion, meritoitaſſez ce chaſtiement, onattendoit ſeulement
ue la meſure fuſt pleine pour la renuerſer. Quant aux entrepriſes des
Turcs ſur les Egyptiens,leurs deſſeings n'auoient garde de reuſſif,sycon
duiſans comme ils faiſoient,car Baiazeth n'euſt pas eſtétrop bon pour def.
faire vn ſi puiſſant Prince, ſans en donner la charge à des Baſſats, qui pen
-
ſoient les Mammelus n'eſtre que de paille, mais ils les trouuerent # fer, &
-
cela touſiours pour donner occaſionaux Chreſtiens de faire leurs affaires,
& ſe liberer de ſeruitude : car qui voudra diligemment conſiderer tout ce
# qui aduint durant trente ans que Baiazeth regna, il verra que l'occaſion
ſe preſentoit plus qu'elle n'auoitiamais faict de rentrer dans ce qu'on leur
| auoitvſurpé, ſoit par leurs propres forces, ſoit enſe ſeruans des armes des
Perſes, qui ne demandoient pas mieux, & leurs euſſent touſiours aſſez
donné d'affaires parmyleurs diſſentions,quandils les euſſent trauerſez d'vn
coſté, tandis que ceux-cyles euſſentattaquez del'autre, mais ils n'auoient
: -
garde de leur faire du deſplaiſir, puis qu'ils les aduertiſſoient & les rece
uoient de toutes parts ſi courtoiſement, & quant à ce ſeigneur de Baxe,
voicy vn notable chaſtiement de ſa cruauté lors qu'ily
que celuy n'cſt pas eſchappé quitraineſonlien.
§• .
le moins, &
:
- -
' | 4l
l'hiſtoire des Turcs. 255
cteté, taſchoient d'acquerir parmyles hommes vne reputation de preu
d'hommie, en fin deſcouuerts pourtels qu'ils ſont, teſmoing ceux-cy qui
enpatirent,car Baiazeth les chaſſa ſans en plusvouloirvoiraucun, eſtant
quantàluy reſerué pour vn chaſtimét plus exemplaire.Les Högres cepen
dant qui ſouloient eſtre la terreur de cesgrands Princes Amurath & Ma
homet, fuient deuantvn ſimple Saniac, & ne ſe ſçauent pas mettre enor
dre, tantl'homme faict malſesaffaires, quand il eſt abandonné d'enhaut,
ce qui luy arriue lors qu'il a le premier delaiſſél'aſſiſtance du Souuerain,
comme ceux-cyauoient faictaſſez de fois, ainſi qu'on a peuvoir cy-deſſus.
Touſiours quelque Prince Chreſtien eſt cauſe de mettre les armes en chap. 12:
la main dênos ennemis : Baiazeth'qui n'aimoit quela chaſſe & les maiſons
de plaiſance, eſt tirécomme par force par ce Duc de Milan, pour faire la
guerreauxVenitiens, en laquelle il fit fort-bien ſes affaires, carpour mon
ſtrer queles iniquitez des Chreſtiens ne meritoient aucunegrace, c'eſt que
Baiazethauoit touſiours perdu quandilauoit côbatu contre les autres peu
ples,mais contre lesChreſtiens il fut touſiours victorieux,le feul pilote Ar
merius ſe renditinuincible,ayant auecques ſavieſiiuſtemét& ſainctement
côſacré & remporté vne couronne triomphale, quiluyaacquis vn Royau
: me eternel. - · . | .
Laſedition des Caſſelbas, & l'aduantage qu'ils eurent ſur les armées de char e. .
ºhfaictencore mieux voirle peu de courage des Chreſtiens,carceux
#
-z
«
256 · Conſiderations ſur
.
cy qui n'eſtoient qu'vne poignée de gens & encoresAſiatiques, firent non
ſeulement teſte à ce grand Monarque, mais encores prirent ſes villes &
ſaccagerent ſon pays, & toutesfois celuyquiauoit pris les armes contre ſon
Prince, nonobſtanttous ſes pretextes,yperdit le premier lavie, & les au
tresfurent chaſtiez de meſme, par celuy du nom duquel ils ſe vouloient
ſeruir, à ſçauoir Iſmael. - -
Chap. 23. Et quant à ce conſeil § tint Baiazeth,ilyauoit entre ſes Baſſats la plus
grandeimprudence qu'ileſtoit poſſible,car puis qu'ils deſignoient de mai
-
eſtre contraint de reſigner ſon Em† à celuy qu'il hayſſoitle plus au mon- ,
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des Turcs, Liure troiſieſme. 259
soN E LoGE, ov soMMAIRE DE SA vIE.
#]Oicyvnemauuaiſémined'homme & qui ne prometrien
#de bon : cefröt de Tarquin tout renfrongné, cet œilde Ne
#ron toutgräd &'affreux, ce viſagedeSeythed'vnepaleur
{liuide, e5 ces mouſtaches de Tigre toutes heriſſonnées c3º
retortillées iuſques vers le oreilles;quenouspeuuent-ellespreſagerautre
choſe qu'vne rigueur & cruautéinexorable & impitoyable ? vneopi
niaſtre reſolution enſes entrepriſes, vne exceſſiueambition & deſirim
morteldevangeance?Mais auectoutel'apparencede ces grands vices,
ilyauoit vn contre-poidsd'excellentes vertur, carileſtoit fort prudent
&'aduiſéparmyles dangers, enduroit lechaud & lefroid indifferem
mét,neſelaſſoit iamais pour quelque trauail qu'ilpeuſt endurer, präpt
& vigilät enſes entrepriſes,& d'vn courage toutinuincible. Son buire
es ſon mangereſtoit meſurédudeſirč9appetit naturel,non de la volu
pté,fortpeuadonnéauxfemmes és encoresmoinsaux maſles, contre
lordinaire des Othomans, grand iuſticier, car encoresqu'il fuſt fort
cruel,ſieſt-ce qu'il eſtoit quelquesfoispouſſed'vn & ele deuuſtice,fort libe
ral, & qui donnoit volontiers ce qu'ilauoitdepluspretieux pourgai
gnerle cœur desſiens, qui n'espargnoit point ſa perſonne aux affaires
d'importance, e5 quinefutiamais vaincu depuisqu'ilfut Empereur,
my par les difficultez preſqueinſupportables, par leſquelles ilfutcon
traint de paſſer, ny par ſes ennemis : adonnéà la lecturedes hiſtoires,
cg meſme à fairedesversenſa langue,expert en lapeinture,teſmoin la #
bataillequ'ileutcontreleSophy,qu'ilenuoyapeintedeſa main aux Ve
nitiens, qui nemanquoitpointd'eloquencequandilluyfalloit encou
ragerlesſiens, quineſeſoucioitpoint delapompe aux veſtemens, nyde
cesadorations qu'on a accouſtuméderendreauxſeigneurs Othomans,
, ains au contraireilnepermettoitpoint qu'on ſetettaſt contreterrepour
parlerà luy,ny qu'ô luyfiſt la reuerèce àgenoux.Deſorte queſion veut
bien conſidererſesactionsquiſont les plus condénées, elles ſont verita- .
blement cruelles en apparence, mais enfonds qui aboutiſſent à vnegrä
deambition deregner, laquelle le porta à faire empoiſonnerſonpere,
estrangler deux deſesfreres,(apres auoir vaincu laiſnéd'iceux nom
mé.Achomat, quifutſa premiere victoire) huict deſes nepueux, e5°
autantdeſesprincipaux Baſſatsquil'auoientlemieux ſeruy, & qu'il
penſoit contrarieràſon authorité, toutſon regne n'ayant eſté qu'vne
continuelle effuſion de ſang, tantost ſurlesſiens, ores ſur les eſtrangers.
4pres auoir ſouffert infinies incommoditez ſurlechemin de la Perſe,
i'gagna vneſignalée bataille contreleSophya Zalderane,printTau
º &'à ſon retourla ville de Keman, ſe rend maiſtre de l'Aladulie,
- - - Kk ij
::
-
º
º
métant de combats,faict vnſi long voyage, à9aſſubietty deſi #
e9 puiſſantes Prouinces en moins de deuxans.Mais comme il penſoit
1º
s'en retournertriomphant en la maiſon, il tomba malade par le che
- min d'vne grandefieure,quiſe conuertit en vn cancer, lequels'vlcera
deſorte, ſans qu'on y peuſt donner aucun remede, auecques vne telle
puanteur, qu'ileſtoitpreſque inſupportable, cela luy gaignant peu à
peu lepoulmon & les inteſtins,ſique voulant allerà Andrinople,com
-
meilfut arriuéà (hiourly, au lieu meſme où ilauoit liuré le combat à
ſonpere, & voulu oſter la vie à celuyquiluyauoit donnée,parvn iu
ſteiugement de D1 Ev, ilyperdu laſienne,eſtantde là apportéà Con
ſtantinople, où ilfutenſepulturédansla Moſquée qu'ilauoitfaict ba
ſtir, le ſeptieſme iourdumois deSeptembre, l'an degracemilcinq cens
vingt,ödel'Egireneufcens vingt ſix,deſon aagele quarante-ſeptieſ
me, & lehuictieſme deſon regne.
,
| DE LA CONTIN VATION
| - DE L HI s T o IRE D E s T v R cs.
| s o M MAIRE DES CHEF s P R IN c IP Avx
contenus en ce preſent liure.
-"
:
| courſes d'Amurath en Amaſie, le Baſſa Chendeme s'y oppoſe , les preparatifs que Se
-i
limanoit faicis contre les Chreſtiens, luyſeraentcontre les Perſes, lesgrandes forces
qu'il auoit. ) - º - Chapit.8.
Paſſe auecques touteſon armée à Scutari,ſa colere & reſolution à pourſuiure les
-
Perſes : conſiderations de Chendeme à Selim, qui ſont priſes de luy en mauuaiſepart,
& cauſes de la ruine del'autre & deſamort ! - * -- Chapit. 9.
Ambaſſade de Selim aux Armeniens c9 Aladuliens, leurreſponce,le chemin que
tenoit Selim allant contre les Perſes, mont Paryardé tres-renommé & pourquoy : le
Sophyſepreparepourreceuoir Selim,le longtemps que lesTurcsfurent en ce chemin,
les Armeniens quittent leur contrée & pourquoy, l'Aladulten quitte le party de Se
lim. - · | Chap. IO.
» . "
-
-
-
| Bataillede Zalderane,l'ordre des deux armées,Selim harangueſesſoldat . Ch.I3.
Iſmaelanime les ſiens au combat,plaiſanterencontre en la bataille de Zalderane,
les Perſes ont au commencement l'aduantage, mais les Turcs reprenans courage tuent
Vſtazi-ogligeneraldel'armée des Perſes d'vne harquebuſade, Selim encourage les
-
Iennitxaires, quirefuſent le combat. . " Chapit. 14.
L'honneurde la victoire deu à Sinan Baſſa, valeurdes Malcoxogles qui bleſſent
le Sophyaumilieu desſiens,troisſortes de ſoldats en larmée des Perſes, la retraiéie
d'Iſmael,premiere cauſe deſa deffaicte, la ſecondel'artillerie de Selim, deffaiéte des
Perſes, & fuite d'Iſmael:butin des Turcs, arreſt de Selimſurce qu'onferoit des fem
| mes Perſes captiues,ſaruſe pourretenirtous les biens des habitans de Tauris, quiluy
ouurent les portes, reſtablit les Moſquées abatues par le Sophy, & faict ſon entrée
triomphale dans leurville. - . Chapit. 15.
Selim veut hyuerneren Perſe, conſeilde Muſtaphaſurcet hyuernement,pourle
quelSelim lefaictchaſſerauecques ignominie les lennitzaires prennent laparolepour
| luy, leurpleinte hardie, contrainct Selim de ſeretirer, ildeſpouille ceux deTauris de
leurs biens & de leurs ouuriers. - - , Chapit. 16.
Ruſe de Selim feignant marcher contre les Perſes pour abuſer les Egyptiens, il
perſuade les ſiens à ſupporterles incommoditez decetteguerre : les Turcs rauagent la
Comagene, peudepreuoyance de Campſon,ſes inquietudes,ſes regrets, cº le conſeil
qu'ilprenddes ſiens. , º \ Chap. 24.
Aduis de Gazelli à Campſon, les Mammelus luycontrediſent ſuſcitexpar Cait
beggouuerneur d'Alep, Campſonſerange de leurcoſté: couſtume des Sultans dEgy
pte,leurvanité, trahiſon de Cait-begquiſe rendàSelim,auquelilenuoye des oſta
gespourlaſſeurance de ſon infidelité, & ſes inſtruétions aupreiudice de ſon Roy &*
deſa patrie. -
-
| - - Chap. 25.
Selim reçoit Cait-begdu nombre desſiens, & ce qu'il deſiroit de luy, lieu de lapre
"ierebatailled'entreles Turcs & les Egyptiens : quels eſtoient les Mammelus, leur
"dre& police, le plus chetifeſclaue d'entre-eux pouuoit paruenir à la Seigneurie
º
264- Continuation del'hiſtoire
MahometfilsdugrandSultan Cait-bey, s'empare de la Seigneurie, tuéparvn Cir
caſſe, quifuteſleuSultan, quandla domination des Mammelus commença, combien
' elle eſtoit tyranntque.
- Chapit. 26.
Ordonnance de labataille de Campſon, conſiderations particulieres des deuxar
mées, Campſon exhorteſesſoldats, & les anime au combat, Selim faict le ſembla
ble aux ſiens. Chapit. 27.
:
Trahyſon de Cait beg, les Mammelus eurent du commencement laduantage en
-
cette bataille, Sinan reſtaure le combat,l'artillerie des Turcs cauſe du gain de la ba
taille, mort deCampſon, & desgouuerneurs de Damas & de Tripoly, les Mam
-
melusſe retirent au Caire,grands remuemens en Egypte. Chapit. 28.
Nombredesmorts depart & dautre en cettebataille, ſtratageme de Selim. Alep
ſerendà luy, & ſacourtoiſie àl'endroit des habitans, ceux de Damasfontleſembla
ble, & reçoiuentpareil traiéiement, ilfaicfreformerleſtat de la Religion Maho
metane en la Surie. Chapit. 29.
Armée des Turcs en Iudéeſoubs laconduite de Sinan Baſſa, les Mammelus eſli
ſent vn autre Soudan, Ambaſſade du grand Maiſtre de Rhodes à Thomam-bey,
principauxpoincts de la lettre qu'il eſcriuoit au Sophy, Selim faictpaſſer ſon armée
de merdeuant Rhodes & pourquoy : ceux de Gaxaſerendent à Sinan, & ne laiſ
ſent pas de donner des aduisaux Mammelus, comme auſſi ceux de Suriefont le ſem
blable à Sinan : rencontre des Turcs & des Mammelus pres de Gaza, où les Turcs
eurent la victoire. - Chapit.3o.
: Ceux de Gazapillent le camp des Turcs, les Arabes donnent beaucoup d'affaires
|.
!
chreen Hieruſalem, vient à Gaza oùilchaſtielesrebelles,grandheurde larmée des
,
|
!
Turcs à leurarriuée en Egypte. Chapit. 3I.
--
|
-·
Ambaſſade de Selim au sultan du Caire,aſſembléegenerale des Mammelus, &
: #
laharangue du Sultan Thomam-bey, conſiderations des Mammelus contre l'aduis
deleurSultan, leurreſponceàl'Ambaſſade deSelim, qui celebrele Bairamà Gaza,
|
& faiéteſtranglervn deſes Baſſats, quilauoitfidelement conſeillé Chapit. 32.
|
Baumes de Matharée, de Genezareth & de Iudée, en quel lieu la VIE R G E
MAR 1E ſeretira en Egypte,deſſeings & ſtratagemes deThomam-bey deſcouuerts
par des traiſtres, origine de Sinan, & comme ilparuint à la dignité de Baſſa, Tho
mam-heyſe voyant trahychange denouueaux deſſeings, ce qu'ilditàſes ſoldats,ſur le
deſordre quiſuruint à ce changement. . | | Chapit. 33.
-
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| | ' , 266 Continuation del'hiſtoire
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Lèmalaugmente à Selim,quifuyant leſeiourde Conſtantinople, & s'en allantà
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Andrinople,fut contrainct de s'arrefteraumeſme lieu où ilauoit donné la bataille à
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· | | | ſonpere, ſamort cruelle maistres-iuſte, quelques meditations ſur cette mort,ilrecom
|
|
| mandeſon filsà Pyrrus Baſſa. . Chapit.43.
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lerecognoiſſentpourſeigneur,funerailles de Selimenterré dans la Moſquée qu'ilauoit
1
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| faict baſtir, versgrauezſurſon tombeau, quelques conſiderations ſurſavie,ſes ver
, - -
tueuſes inclinations, aimoit la lecture des hiſtoires, & eftoit ſçauant en lapeintu
4 : º .
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. i, 7'º. - Chapit. 44
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des Turcs, Liure troiſieſme.
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D E L H I S T O I R E D E S T V R C S.
contie iceluy,laquelleayât coupée en cette façon, ilvuide vne grâde abon Comparaiſon
dance de ſon ſang, & apres bouche ſa playeauecques du limon. Que s'ily detamel'Hyppopo
à Selirn,
aiamais eu Prince cruelà qui cecyſe doiue rapporter, ce doit eſtre à Selim, •. #
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--
268 Continuation del'hiſtoire
mis en ſa derniere demeure,les cinq cens furentrenuoyez chacun chezſoy
: auecques continuation des meſmes gages qu'ils ſouloient auoir : mais
, quant aux cinq qui pour le regret deſ mort de leur maiſtre s'eſtoientve
--- † ſtus de noir, Selim de colere les fit mettre tous priſonniers, deſquels il en
#. *
, - ;
## fit mourir deux, & les troisautres furent tirez du peril parl'interceſſion de
| ... ! † des
ſes filles
filQIt• robes,& des
illesBaſſats,
mit hors&deleur
ſon faiſant payer
Serrail,les leurs gages
mettant ſous laſans leurduSulaf.
charge donner
| |
•" •
| º
|
#.
·
-' | tarbaſſi, & ſuiuirent touſiours depuis l'armée qu'il fit paſſer incontinent
• apres en la Natolie, mais ayantauparauant viſité ſestreſors, il fitvnelargeſ
: | " ſeaux Iennitzaires de deux millions d'or,pour leurteſmoigner la grandeur
* ,
Largeſſe de de ſon courage & ſa liberalité, augmentant outre cela la paye de ſes gens
- | | • Selimºuxien- de cheual, de quatre aſpres pour homme, & de deux pour les gens de pied:
i
"
•
| -
:
| | | " il n'oublia pas auſſi les Baſſats & autres grands de la porte qu'il recogneut
luy eſtre vtiles, pour les rendre par ces preſens d'autant plus fideles & plus
| !| | | § à ſon ſeruice.
* | Ayant doncques ainſi donné ordre à ſes affaires à Conſtantinople,ilfut
1 1
| l4
|
# # bien- toſt reſoluà la guerre contre ſon frere Achomat, car cettoit celu
' là quiluypouuoit le plus troubler ſon repos, & lequelil hayſſoit le plus,
| j | comme ayanteſtéſon competiteur à l'Empire, il deſiroit toutes-fois s'aſ
· · · | | | - ſeurerauparauant desarmes des Chreſtiens,afin que cependant qu'il ſeroit
i |
fort eſloigné dans l'Aſie, ils ne donnaſſent ſur ſes terres,& le priſſentaudeſ
- • pourueu, mais comme il auoit le cœur grand & ne vouloit pas rechercher
• --
, : autruy, ilſetrouuoitfort empeſché commentily deuoit proceder. Quand
à
, || || |
tC † ſe conduit touſiours † grande prudence & pre
# ! :
uoyance enſes affaires)ils penſerent qu'il falloit s'accommoder au temps,
• | | | -
-
& ſereſolurent de ſel'acquerirpouramy.ils deputerent doncques à cesfins
Anthoine Iuſtinian,pourſereſiouyrau nom de la Republique de ſonheu
| º
| reuxaduenement à l'Empire, & des deſirs d'vne longue & permanente fe
# * # ! , licité, pour confirmerauſſi de nouueaul'ancienne amitié & alliance qu'ils
- |! -
1 -
# ºttpour paſſer en Aſie & voyant que ce qu'ilauoit tant deſiré luy eſtoit
| | || §" liberalement offert, il embraſſa de bon cœur l'amitié des Venitiens, pro
- mettant de la garder à iamais inuiolable, ſoubs les meſmes conditions
qu'elleauoit eſté auparauant traictée auecques Baiazeth: & pour plusgran
deaſſeuranceilenuoya Alibegpour Ambaſſadeur auecques Iuſtinian qui
s'en retournoit à Veniſe, pour faire ratifier le tout au Prince & au Senat,
† leureſcriuant encores particulierement pour dauantage les gratifier, & les
-
•itiºns exhorteràla conſeruation de ſonamitié, qu'ilneleur manqueroitpoint de
-:
··
|
| des Turcs, Liure troiſieſme. 269
ce que Iuſtinian, leur Ambaſſadeur, auoit accordé & ſigné. D'ailleurs les
Roys de P ologne & de † eſtans entrez en meſme frayeur que ceux
de Veniſe,ſçachans aſſez quels auoienteſtéautresfois les deſſeins deSelim, Les Hongres
rechercherentauſſiles meſmes voyes que le Senat Venitien,faiſans renou & Pollonnois renouuellent
ueler la trefue qu'ils auoientaueclesTurcs, ce quileur fut auſſi facilement la trefue qu'ils
accordé par Selim, lequel ſe voyant par ce moyen hors de crainte de la Selim.
§nt auee -
uerre du coſté de l'Europe, tourna toutes ſes penſées vers l'Aſie contre
ſonfrere Achomat. - -
II.
Lequel voyanttoutelagendarmerie, touslesMagiſtrats & officiers, &
eneralementtout l'Empire Turcflechir ſoubs les commandemens de Se Inquietudes
† & luy auoir preſté le ſerment de fidelité, comme à leur Souuerain, d'Achemat.
ayant encores d'ailleurs, pouraccroiſſement de ſa miſere, perdu ſon pere,
auquel conſiſtoit ſaprincipale eſperance, & duqueliltiroit touſiours quel
ue ſecours, ſinon d'hommes,au moins d'argent, dont ilſetrouuoit aſ
† deſgarny , pour pouuoir ſupporter le fais d'vne ſi longue guerre, &
eſtant aduerty des grands preparatifs † ſon frere faiſoit pour le ruiner,
cognoiſſant bien ſes forces n'eſtre pas baſtantes pours'oppoſeraux ſien
nes, & qu'il y alloit de ſa vies'iltomboitentre les mains de ſon ennemy,
ayant pris ſonargent, & tout ce qu'ilauoit de plus precieux, il choiſit les
' • &o - - - -
meilleurs hommes de toutes ſes trouppes, & ceux auſquelsilauoit la plus Il ſe retirc à
grande confiance, il ſe retira à Derenda ſur les confins de l'Arabie, c'eſt à D§ -
* !
|. * tre oncle Selim, ieune hommeau demeurant d'vne excellente beauté, &
# ! quitout belliqueux & vaillant, attiroit à ſoy les yeux d'vn chacun, qui
- -
eſtoit outre ce d'vne richetaille, bien proportionné de tous ſes membres,
-
| | *!
· l , in * ! | rafate ds ayant vne force du tout conuenable à ſabeauté, qui ne manquoit point
- !
# ! |
-
-
† d'eſpritliberalite
ueu de Selim. grande & deiugement,
deſorteadiouſtant à ſon
qu'auecques entregentbening
tant & affable,vne
de graces corporelles & ſpiri
| |
a , , tuelles, ils'eſtoit conciliéles cœurs & labien-veillance d'vn chacun, mais
|· |· · •· non pas celuy de Selim, qui eſtoit trop plein de ſang pour y pouuoirrete
nir quelque belle image pour l'affectionner. Toutes-fois commeil eſtoit
| | |
| tres-aiſe de ſon arriuée, le releuantd'autant de peine de le faire chercher,il
le receut d'vne façon fort affable, & comme § deſiré de le tenir fort
| | |
| | | | | |
i
† cher : on dit que ce Prince eſtantarriuédeuant ſon oncle, vſa à peu pres de
4 :# | | | † ces paroles : Eſtant ſorty d'vne priſon forcée de mon oncle Achmet,ieren
l,
- ·- 4
tre maintenant dans vne volontaire, en me donnant à voſtre hauteſ
|
,' || |
' ſe, n'ayant qu'vne requeſte àluy faire, c'eſt qu'elle me donne la vie, puis
,!
| | |
|| | |. Propos de Ma- #uei'ay reſolu de la ccſ/ſacreràiamais à ſon ſeruice, & me tenir l'eſclaue de
• ) • N. -
|
-
§ ſon ſagrandeur que i'accompagneray touſiours, ſoit à ſabien-heureuſe porte,
•e ouailleurs où il luy plaira de ſe tranſporter: Selim à cela luy reſpondit qu'il
' !
, ! '
'
:
|
-
Reſponce de
deuoitauoirb6 courage, & † ne deuoit auoiraucune crainte, & afinde
#
.!
Selim. . luy oſtertout doute, & luy faire auoirvne entiere confiance en ſon oncle,
Selim le faiſoit manger à ſatable parvnefaueur toute extraordinaire, mais
-
| | |
· · · · Ces choſes ſe paſſans ainſi à Burſe, Achmetamaſſe des forces, & ſetrou
i - º , -
III. uant autour deluyvne aſſez puiſſante armée, commença des'approcherde
| | | | Selim, pour decider parvne bataille à qui ſeroit le ſouuerain moderateur
de toutes choſes. Or Achmetauoit deux fils fort biennourris & d'vne fort
| | |
-
-
ſigrande incertitude de l'euenement de ſes affaires, & demeurer touſiours
- C[i
-:
• | ,,, ! .
desTurcs, Liure troiſieſme. 27i -
ueie m'expoſe tout d'vn coupau hazarddesarmes, & par quelque acte
§ , ic rachete ou perde vie, que desherité du Royaume paternel
II12 -
"
-
.
toutes fois nepleurent point à Amurath & ne pouuoit approuuer ce con-ſ " - ",
ſeil,car il ſçauoitaſſez leſtendue des forces de ſonpere,& n'eſtoit pas igno- -
outrages que leurfaiſoit Selim, que cet homme colerique & de nature de
feu eſtoit incompatible, au contraire de luy qu'ils ſçauoient eſtre d'vne
douce & benigne nature enuers ſes ſubiects, qu'il vint doncques ſans re
tardement, & qu'il ne doutaſt plus de la foy de ceux qui luy eſtoient ſi
parfaictement acquis, car on n'auroit pas pluſtoſtveuſes enſeignes, que
tout le mondeabandonneroitSelim. En fin ces lettres eſtoient d'vn ſtyle
fortartificiel, repreſentant à la veritéla nature de Selim, afin qu'Achmet -
--
ººtsy eſtoit retiré, & auoit choiſy4tte Prouince, cóme eſtant proche de · · · |.
lEgypte & du Caire,afin d'en pouuoirtirer plus promptement du ſecours. - -
ºgºbien que quele pouuoir d'Achmet n'eſtoit ppas baſtant ppour terraſſer †"
le p -)
| |
† de Selim, & panchant du coſté où il penſoit auoir plus d'aduantage, IICC.
-
-
-
-
|
mT H* - :
IIII. Mais auparauant que finirle diſcours d'Achmet , il ſera bien à propos de
:
§ la rapportericy vne hiſtoire que Tuberon recite fort particulierement, &
†. † netrouue ny dans les AnnalesTurquesnyailleurs que chez luy. Il
-
- a - - —
* -4
A" t , ! .
& de ſes premiers Baſſats nommé Muſtapha, non celuy dontil ſera parlé , •
Othornan eſtoit fort irrité contre ceux quidutemps de ſon pere auoient
vſé de concuſſions en leur Magiſtrat, comme cettuy-cy eſtoit fortaddon
né à l'auarice, & qu'il craigniſt que le ſort tombaſtſurluy, il penſa qu'il
eſtoit plus à propos de faire tomber l'Empire entre les mains d'Achmet,
quin'y re garderoit pas de ſipres que cettuy-cy, hôme fortactif & remuât.
ôriugeoit ilbiéquenylaforcenyles prattiquesne pouuoientreuſſirpour | |
ce regard, Selim eſtant trop bon homme de guerre, & les Iennitzaires <. !
de s'en deffaire que par poiſon, ne reſtant plus que de trouuer vne occa-r§ § -
ſionlaquelle ſe preſenta
que Selim auoit donnéfort à propos
charge qu'onceluyluycherchaſt
ſembloit;quelque
car ayant entendu
beau ieune #ºnnºrss | v
.
|#
des lettres à Achmet Othoman, illes luy enuoya par vn de ſes ſeruiteurs "
plusaftidez,auquelil donnavne inſtructionparticuliere de ce qu'il deuoit 4
dire à Achmet, & commentil ſe deuoit conduire en cette affaire : Achmet ,†º*
ayant en tendu la conception de Muſtapha, trouue ſon aduis fort bon, & - ,
faict en ſorte qu'ilacheptevn eſclaue barbier (carlesTurcs tranſportans la
plus grande partie des eſclaues Chreſtiens en Aſie, ily en a là auſſi de
tousmeſtiers) qui eſtoit en toutes choſes accomply ſelon les deſirs de Se- oui luyenen.
lim,qu'iI enuoya ſecretement à Muſtapha: orceieune homme auoit eſté*" -
#
•ſibien achepté par perſonne interpoſée, que ny luy-meſme, ny perſonne •
!
274- Continuation del'hiſtoire
Celuyquiles deuoit portervoyant vne façon ſi inuſitée de cacheter des let
tres, penſa incontinent qu'il portoit là dedans quelque choſe de tres-gran
· de importance, & comme la nature a cela de propre ( quoy qu'ignorante)
- d'entrer en ſoupçon des choſes qui luy doiuent porter preiudice, il entra
enapprehenſion d'eſtre le porteur de ſon mal-heur, ce quile preſſa deſor
-
;
m'en ſçauoir bon gré, & de m'en donner quelque notable recompence:
carie puis dire que ma principale intention, quandi'ay ouuertleslettres de
-
mon maiſtre, n'a eſté que pour voir ſi on n'entreprenoitrien contre ſon
| ſeruice, & queie les luy euſſe touſioursapportées, quand bien on euſtrien
machiné contre moy : l'eſclaue ayant donques diligemment confideré en
ſon eſprit la recompence de ſa trahiſon, & qu'il ſe fut repreſenté deuantles
yeux lesgrandsbiés,les richeſſes,& la faueur c"'il auroit,&en quelque faç6
# † que ce fuſt qu'il ſe vägeroit delamalice & cruauté de ſon maiſtre, & qu'en
† cores qu'il ne tiraſtaucune recompence de Selim, au moins ſauueroit-ilſa
vie & ſe tireroit de danger : il rebrouſſa chemin, & s'en reuint à Burſe, où
. eſtoit pour lors Selim, oùilarriua de nuict ſecretement & à cachetes, de
mandantauxgardes d'eſtre introduictauSeigneur, pour choſe quiluyim
ce qu'ufia portoit de lavie : entré qu'ilfut au pauillon del'Empereur,il commence à
reciter par ordre les entrepriſes que Muſtapha machinoit contre ſa vie,
pour preuue dequoyil preſentales lettres eſcrites de la propre main de ſon
maiſtre; car comme vousauez peuvoir, il ſçauoit tout le progrez de cette
Trouble de hiſtoire : Selim ouyt ce diſcours & leut ces lettres auecquesyngrandtrou
† " ble d'eſprit, voyant de ſigrandsindices d'vnetelle & ſi ſubtile meſchance
té: ayant doncques commandé de lierle delateur, il paſſala nuict à reſuer
ſurvne occurrence qui luy eſtoit ſi importante, & leioureſtantvenu,ilfit
--
|
des Turcs, Liure troiſieſme. 275
vidque les menacesny la veuë des tourmens qu'onluy repreſentoit, & deſ
ucls on le menaçoit ne luy pouuoient faire aduouer ſon crime, parl'aduis tet , les
delaccuſateur on fitvenir le ieune barbier, lequel eſtant interrogé com- † ,
ment iI eſtoit venu entre les mains & en la puiſſance de Muſtapha, il dict †"
ſans heſiter, ſans s'eſtonner, & ſans donner aucun teſmoignage †
euſt
ourſon regardaucune intelligence, que cela eſtoit arriué par le moyen
d'vn hommc particulier , mais qu'iln'auoit receu commandement de per
ſonne de faire du malàl'Empereur & qu'il eſtoit du tout innocent & igno
rant de cela. Et à laverité ce poiſon, comme nous auons dit, auoit eſté
compoſé à ſon deceu : car Muſtapha n'auoit pas voulu ſe fier d'vne choſe
de telle importance à ceieune homme mal-aduiſé:mais afin de rendre tou
tes choſes plus claires(car Selim vouloitentierement eſclaircir cette affaire) †
qn fitvenirvn chien, auquel onbaillavn morceau de cette paſte, mais il § " .
mourut incontinent: de ſorte que l'autre tout manifeſtement conuaincu,
& Selim ayant reproché auecques toute l'aigreur qu'vn homme coleré, &
i
offencé comme ileſtoit, & qui outre cela auoit ſouueraine puiſſance, l'in- Maaarha e;
grateperfidie &trahiſon de Muſtapha,ilcommanda dele mettre entre les ſtranglé.
mains des bourreaux pourl'eſtangler, ce qu'eſtant faict on eſtrangla auſſi
ſes enfans, ſes biens declarez acquis & confiſquezau Seigneur. Quant au Etle barbier.
pauure barbier, d'autant qu'il deuoit eſtre le miniſtre d'vne telle meſchan
ceté, il ne laiſſa pas de paſſerle pas comme les autres : maisàl'accuſateur,fut
laiſſé ſeulement lavieſauuc ſans aucune recópence, d'autant qu'ayant ſceu p,cesſiteur ,
vntemPs toutel'affaire iln'enauoit pointaduerty ſon Royſans vn extreme #
danger de ſaperſonne, telle futl'iſſuë de cette trahiſon, apres laquelle le
meſme autheurtient que Sdflmfit ce grâd maſſacre des enfans, tant d'Ach
met que cle ſes autres § Lequelayanteſté depuis deffaict, pris & exe
cuté en la maniere que vousauezentendu, ſes enfans qu'ilauoit de reſte, - #
(toutes-fois plus aduiſez que luy) s'eſtpient ſubtilement retirez, l'vn à
ſçauoir A murath, chez les Perſes, deux versleSultand'Egypte, & le qua
trieſme S elimle fit mourir. -
Mais ilyena
Muſtapha quicontent
voyantquc Selim cette
faiſoithiſtoire
mourird'vne
tous autre ſorte, &encores
ſes nepueux, diſent que
que Autre
#t erinion de
leconſeil vinten partie de luy,toutes-fois vnie ne ſçay quel regret & natu -
V.
ºet,mais à vn eſprit ſoupçonneux comme celuy de Selim,& àvn Prin
ceſeuere & ſanguinaire comme luy,toutluy faiſoit peur,ilentendoit
A - Mm ij quel
4 276 Continuation del'hiſtoire
, ques-foisie ne ſçay quelmurmure parmy les gens deguerre quiluy fitpen
ſCruelsdeſſeins ,!
-
» - - - - - || - )»
§" ſerplus d'vne-fois † ſon Empire ne ſeroitiamais bien eſtably, tant qu'il
y auroit pas vn de la race Othomane envie, à la façon des Princes cruels,
qui cimentent leur domination le plus ſouuent auecques le ſang de leurs
lus proches, & fomentent leur cruauté parla perte de lavie de ceux qui la
- † ont le plus conſeruée.Ie dycecy pour Corchut, lequel eſtoit reſtéſeul
de tous ſesfreresauecques S elim, & auquelilauoit faicttant de bons off•
ces, tantoſt l'aduertiſſant de ce qui ſe paſſoit contre luy, & s'offrant luy
--:
† meſme en perſonne de le ſecourir, tantoſtrenonçant volontairement à
§corchu l'Empire,quiluyappartenoit mieux qu'à nulautre, puis qu'ilenauoit deſia
legitimement iouy, & qu'illuyauoit eſté promis par le pere pour luyauoir !
ſi fidelement remis entre les mains, comme ona peuvoir en l'hiſtoire de
, Baiazeth , nonobſtant dy-ie, toutes ces choſes, & quel'Eſprit de Corchut
- s'occupaſtd'auantage & print plusgrand plaiſir à feuilleter vn liure, qu'à
|!
† rangervne armée en bataille, ne ſe ſouciant que d'eſtudier en la Philoſo
# " phie Mahometane : toutes-fois cet eſprit deffiant de Selim, à † la crain
|
te de ſes actions donnoit toutes ſortes d'ombrages, ne peut ſouffrir plus
: long-temps ce pauure Prince en vie, toutes-fois en hypocrite, il voulut
faire le conſcientieux ſurvne choſe qu'ilauoit deſia toutereſoluë, & com
, · mes'il euſt faict conſcience de l'entreprendre ſans conſeil, il fit venir les
s# demido-le Fakiches & Menlanas (ce ſont des ſages docteurs de leurloy) & aſſemblez
aduis aux - - - -
§ | le
loy,
comme
plus à en vn conſeil
propos de faireQue vouscinq,
mourir ſemble, dit-il,de cette
huict,voire queſtion,lequeleſt
iuſques à dix §
ou de ſouffrir que tous les peuples du Royaume diuiſez & affligez, tout
† s'en aille en telle confuſion qu'il ne ſoit pas ſaiſ$ dägerd'vne extremeruine
tCS, Certainement, reſpondirent-ils, tous d'vne voix, Il eſt plus vtile que huict
| ou dix periſſent que toute la Republique ſoit en diuiſion à leur occaſion,
sslim f .,ne ayant receu cetaduis, il fit auſſi-tgſtaſſembler tous les Officiers de la porte,
#. #° Iennitzaires & autres gens de guerre, commes'il euſt voulutenir des co
# mices & des Eſtats generaux, où on recueille les voix & les ſuffrages d'vn
· § chacun, où eſtans tous aſſemblez il leur demanda s'ils ne vouloient pas
,º
"" tous obeyr à ſes commandemens, & s'ils obeyſſoient à regret, tous les
courtiſans alors tous d'vne voix (qui ſelon leur couſtume n'auoient garde
' de reſpondre autrement qu'au plaiſir de leur maiſtre) certainement, Sei
gneur, ta demande eſt en celabien ſuperflue, puis que noſtre fidelité deſia
, tant de fois eſprouuée, te doit faire croire que nous te rendronsàiamais
La ponce tout deuoir & obeyſſance, & ſile paſſé n'eſt ſuffiſant, tu en peux faire en
† cores eſpreuue pourl'aduenir : Ferez-vous doncques,leur diſt-ilalors,ce
***" laoüie vous enuoyeray? commande, reſpondirent-ils, & tu verras ſi tu
- n'es pas promptement obey : Ie veux,adiouſtaS elim, que vous commen
ciez de cette heure, àvous mettre en queſte de mon frere Corchut, & de
-
ni a " les enfans † IllCS freres OIlt laiſſez apres eux, afin qu'eſtans trouuez
§ & prisvous me les ameniez incontinent : queſivous y manquez apreºvº
ſtre promeſſe, & que vous en laiſſiez eſchapperyn ſeul,vous ſentirezàvo
ſtre dommage quelle vangeance ieſçay prendre des refractaires & ##
- - cs, , x ---
;
/ desTurcs, Liure troiſieſme. . 277
ſides. ce qu'ayans entendu ,chacun auecques les Iennitzaires, ſe diuiſe- . - | , l'
rent par trouppes & s'eh coururent tous, meſmes volerent quaſi dllX
lieux oui ils penſoient trouuer Corchut, & les enfans des freres de leur -
Seigne LII - - | - • !
isselim
Mais S quiiugeoitbien
q 8 quele pplus $grandmall qquipourroit
q p arriuer - Il prend luyS- - -
re, mais paſſant ſon téps àl'eſtudeauoitmisſous le pied toutes ces vanitez,
saſſeurāt que ne remuant point, ſonfrere Selimle laiſſeroit viure en repos,
mais ſi ſa croyanceauoit eſté legere,ſon eſtonnement fut encores plus ſou
dain, quandvnſeruiteur d'vn des Baſſats de Selim, le vint trouuer en la --"
†lusgrande diligence
eſtoit fort proche quiluy
de là, enfutintention
poſſible pourl'aduertir
de ſe ſaiſir de ſa que ſon frere
perſonne Se- on laiserie
: ce que A*
-
§ °tivnTurc,
quifutcauſe ditdeſcouurir
de le faire Menauin, : luy
-
portoitàmanger
toutes-fois -
le matin
ily ena d'autres
- -
le ſoir, #
qui& adiou-2
. ſuit#r d432 !<z! ::
- • - » -
-
-
à
V
ººey
ºntla de la trahiſon,
mercouuerte & diſent
d'eſpions pourqueſurprendre
BoſtangiceBaſſa, gendre
Prince, de Sclim,
fit publier · ſaº» ;
que † 2 & rºi , -' "
jº - ·/ Mm iij
A # º
/
#
* | ºt; ,
-
)
-
- , • - b *. -
Selim aduerty A peine Selim eſtoit arriué à Burſe quandon luy rapporta ces nouuelles
§ qui luy donnerent vn merueilleux contentement, ſe voyant deliuré de
" beaucoupp de pein
- peines & de ſoucis, ſi ſonfrere ſe fuſtretirévers les Chreſtiés
) r
& à laverité, veules guerres qu'il eut depuis, tant en Perſe qu'en Egypte,ſi
on euſt euvn chefducoſté de l'Europe, on luy cuſtbien § de labeſon
gne, pourueu que les Chreſtiens euſſent pluſtoſt choiſy de tirer le ſangde
eurs ennemis que le leur, mais de toutes ces choſes l'eternelle Prouiden
ce en auoitautrement ordonné. -
'
deſaſtré Prince ne ſçachant quel remede apporterſinon de ſubir à ce cruel
† arreſt, en tirant vnprofond ſouſpir de ſon eſtomac, il pria humblement
§ le capitaine deuant que de le faire mourir, qu'il luy donnaſt quelque peu
#rºººººº de temps, pour pouuoir eſcrire ſeulement vne petite lettre à ſon frere: ce
- . que le capitaine luy ayant volontairement accordé, comme il eſtoithom
me d'vne grande & profonde doctrine,ileſcriuit des vers ſur le champcon
tre Selim de telle ſubſtance.
| Subiect des
A cruauté m'a faiét apprendre ce que i'ignorois encore, ayant trouué plus
vers de Cor
chut.
# dhumanitéparmy les beſtes les plus cruelles que dedans ton cœur : le t'auois -
cié: ſiieſuis venu dans les deſerts toutcequt eſtoit deplus agreſte & ſauuages eſt don
/ - - - - 2 -
| Telle fut la fin des deux freres de Selim, Achomat & Corchut, pitoya
bleàlaverité, principalementpour le regard de Corchut, Prince tout pai
ſible, & duquel l'eſpritvuide d'ambition, n'aſpiroit qu'à paſſer ſa vie enre
pos,ſans ſe meſlerde toutes cesvanitez, quibouffiſſent & ruinent ordinai
rement Ies plus grands courages, & neantmoins il ne laiſſa pas de † ſous
-
le glaiue ſanglant de Selim auſſi-bien qu'Achomatquiauoit pris les armes
contre luy - Or ſelon quelques-vns, Selim fit mourir ſes nepueux lors qu'il#
hyuernoit à Burſe deuant que d'auoir terminé laguerre contre Achomat,
lesautres diſent que ce fut à Conſtantinople que fut priſe cette delibera
tion, il y a de l'apparence en l'vn & en l'autre , mais comme cela n'eſt pas -
,
l !
»!
•
† ileuſt, leſquelsapresauoir luitté quelquetemps contre luy, finalement
#ºuuerent moyen de le lier puis l'eſtranglerent. Ces deux, à ſçauoir
Corchut & Muſtapha furent fort regretez de tous les Turcs en general: de
ººque toute crainte & diſſimulation miſe ſoubs le pied, ils ne ſe pou- cºrchu &
ºººempeſcher deles pleindretout haut, & de dire qu'on ne les auoit #
Pºre mourir qu'auecques vnnotable danger delaRepublique,leurin-º
ºººe, leurbonnevie, & les raresvertus dont ils eſtoient accomplisme
ºººbien dereceuoir quelque priuilege à la couſtume ſanglante de leur
maiſon, Puis qu'ils n'eſtoient tous deux portez qu'au bien & àl'accroiſſe
mentd'icelle , & que tous deuxrendoientſivolontaire obeyſſance àl'Em
-
•ai i =ii --
7
|
28o , Continuation del'hiſtoire
pereur : ſi queleurs † eſtans paruenues iuſques à ſes oreilles,lanature
| 1,me, le non le naturel, luy força deiettervne abondance de larmes, & defairefai
crocodile re des prieres pour eux quelque eſpace de temps, ce qu'ilfaiſoittoutcsfois
- comme ie penſe, de bon cœur & non ſans quelque contentement,aſſeuré
t,
: que ceux-cyne le † plus troubler & à la verité ſi nous pouuons
: -
en quelque façon faire vn rapport des choſes modernes aux anciennés, ie
trouue ce Prince plus ſanguinaire, & plus cruel que Neron quicommanda
|
e bien le mal, mais qui n'ena iamais eſté le ſpectateur, & en a touſiours de
ſtournéſesyeux, toutes-fois pour faire bonnemine il commanda à toute
ſa cour d'en porter le deuil, & meſmes ayant deſcouuert quinze de ceux
† quiauoient† Corchut, illeur fit à tous trancher la teſte, & ietter leurs
--,
luy. enncmy, parvne certaine profonde malice nous enuoye-il des bcſtes fa
rouches quine ſont propres †
deſchirer & mettre en pieces les paſſans?
E. , de grand
†º d'autant, reſponditl'Ambaſſadeur,
& Royal qu'il eſt bien ſeant de preſenter à vn
courage comme le tien, la beſte la plus courageuſe & la
--,--:-|,--
terICS
"
:
des Turcs, Liure troiſieſme.. 281
# terres des Othomans, comme fut renuoyé cet Ambaſſadeur,Selim voulut
# auſſiouyr tous les autres Ambaſſadeurs auſquels ilſatisfit & leurayant don
né reſponce à tous , les renuoya deuers leurs Princes.
Ilne reſtoit plus que celuy des Hongres, qui eſtoitvenu dela part d'V- vII. - 1
rement les articles & les pactions del'alliance que les Hongres auoient euë +
· cy-deuant auecques ſon pere Baiazeth, & leſquelles ds eſperoient conti
nueràl'aduenir par pluſieurs années, voire à touſiours s'ill'auoit agreable,
qu'ils eſperoient que ſa maieſté feroit garderauſſi religieuſement & auec-, 4
deztribut , que ſivous envſez ainſi, vous ferez fort bien, mais ſi vous fai
' ctesautrennent, preparez-vous hardiment à la guerre; car ie vous aſſeure -
quevous ne m'aurez ſitoſtrefuſéletribut, que vous ne latrouuiezincon
tlnenta vOS portes. -
LAmbaſſadeurayant entendu
ondit-il - -
ces choſes, quant à cela, Sire, luy reſ
V - - ſm / .
..L'Ambaſſadeur
, .,
p , ie ne puis que reſpondre àvoſtre maieſté, car comme maprin-§
cipalelegati6,&la principale cauſe de mon arriuée en ce pays ſoit pourluy †º"
partic. . -
rendre teſmoignage dela ioye que mon Prince & ſon peuple areceu de ce * - | |
que le redoutable ſceptre des Othomás eſtoit tóbétrouueroit
eſc ºr quelque clauſe que peut-eſtre ſa hauteſſe
entreſes mains,& pour
trop obſcu
re.Mais
eſtdeu
Cfl
quätau §
ounon,&eeſt àluy àſeulquiatout pouuoit ſur nous,ſ,ait s'illuy
ſe † en luy-meſme,s'il en doit payer
augrád M onarque Othomâ, en ayât premieremét deliberé auecles Eſtats
duPays : mais voicy que pourra faire voſtre hauteſſe, qu'elle enuoye vn
Ambaſſadeur auec moy, quiface en ſon nom cette demande à mon Roy, #
*aux Potentats du Royaume, & lors elle pourra facilement cognoiſtre de ſes mains.
Tº ſera leur reſolution Selim fortſatisfaictdel'honneſte reſponce de ·
Nn
:
:
-
-|I
i
*
282 | Continuation del'hiſtoire
| | | cet Ambaſſadeur, enuoyant auecques luy vnTzanſio, c'eſt à dire, vn des
s avoy. plus nobles courtiſans quel'Empereur Turca de couſtume d'enuoyer en
# # pluſieurs & diuerſes commiſſions, & principalement d'Ambaſſades vers
-
- †º
but.
†
tanPrinces,
Othoman, demander
pourmais ce tributau Roy
les Hongresauoient de Hongrie,
le cœur au nomduSul
trop noble & trop bien
-
: aſſis, pour s'allerainſi rendre tributaires aux Turcs ſans cou # ferir, ſibien
qu'ils'en retourna ſans rienfaire, & cependant Selim s'en alla à Andrino
ple, où il paſſaſon hyuer. ·
##: - -
†º
tre l'Italie. ſçachant qu'eſtans la porte dulogis du Chriſtianiſme, il entreroit comme
illuyplairoit apres dans la maiſon, mais iln'auoit pas moins de deſſeingſur
l'Italie, où il commença à tourner toute ſa penſée, ſe perſuadant de la
- | † facilementſubiuguer, la trouuant foible & fort trauaillée par les
ngues guerres paſſées : mais ce qui ſeruit encores d'eſguillon à ſon ambi
| --
Ambºº * tion, c'eſt qu'ily eſtoit incité parl'Empereur Maximilian, qui ne penſoit
mpereur.
† autre choſe, § de Veniſe, qu'à la ruine des Venitiens : de ſorte
• || ) - - • ^ • - > N | • - -
|
, † qu'il enuoyavnAmbaſſadeuràConſtantinople, pourremonſtrer à Selim
† la † commodité qu'il auoit d'aſſaillir l'Eſtat maritime de cette Re
" publique,tandis qu'auecques ſonarmée illes attaqueroitpar terre : celafut
, cauſe que ſur cette attente Selim fit armer pluſieurs vaiſſeaux & en refai
, re d'autres durant qu'il hyuerna: mais comme ilauoitl'eſprit àvne guerre,
on luy en preparoit vne autre, & lors qu'il penſoit occuper le bien
d'autruy, on le força de ſe mettre ſur la deffenſiue pour conſeruer le
ſien. -
-
VIII. Carl'Ambaſſadeur des Perſes eſtantretourné vers Iſmael, & luyayant
Guerre eontrc raporté le traictement qu'il auoitreceu de Selim , il entra en ſi grande cole
-
§" re qu'il iura de s'en vanger à quelque prix que ce fuſt, & deſ ici comme
-,
· leur alliance n'eſtoit que ſimulée, & en attendant quelque occaſion de
prendre ſon compagnon à l'aduantage, il ne falloit pas vn grand outrage
i
º
our denoüer ce nœud, & aliener des volontez, qui n'auoientiamais eſté
§ reunies. Toutes-fois Iſmaelnevoulant point qu'on creuſt qu'il euſt
| -
# lebi, le fils duSultan Achmet, qui s'eſtoit retiré à refuge chezluy, pour
§ ſºn obtenir quelque ſecours contre ſon oncle. Or Iſmaelauoit tenuiuſques
| " ' alors ſesaffaires en longueur : mais cet affront qu'ilauoit receu de Selim en
| ſon Ambaſſadeur,luy futvn coup d'eſperon pour ayder plus promptemét
à ce pauure Prince derentrer dans ſon heritage.L'ayant doncquesfaitvenir
& conferéauecques luy des affaires des Othomans, il le trouua en toutes
·
choſes ſiaduiſé, qu'il eutvnegrande eſperance qu'il conduiroit heureuſe
n q ſ a pourl'encourager
fille.
ment cetteguerre, d'auantage,
& donneroitbeaucoup d'affaires aux Turcs, ſibien que
& pourauoirluy-meſmevnfondementde
' plus grandeapparence pourleſecourir, illuy donna ſafille en mariage, &
auſſi-toſt .
- V.
· quetezz ſi elle euſteſté ſigroſſe,ioinct qu'il eſtoit là ſur lesaiſles, tât pour ſe §
§urir 1es ſiens, en cas qu'illeurarriuaſt †
deſaſtre, que pour ſurue-ſ§.
nitaux neceſſitez de larmée. Ayant donné tel ordre à cetteguerre, Amu
# tath ſuiuant le conſeilde ſonbeau-pere, entraàl'improuiſte parl'Armenie
# mineur, ſurles marches de Capadoce, Qù il ſe rendit maiſtre de quelques courſes d'A
m
#
villes par la pratique de ſesamis, & de pluſieurs autres qu'il mit à feu & à † ""
#. ſang: cela donna telleterreur à toutelacontrée, que la meilleure partie des
euples ſe venoientrendre volontairement à luy, ſibien qu'il ſe fuſt rendu
§ de toutel'Amaſie, ſi Chendeme, perſonnage excellent au faict
de laguerre, quiauoit le gouuernement de cette Prouince,& duquelnous #y
· auons parlé cy-deſſus, n'euſtraſſembléle plus de forces qu'il peut & ncfuſt e# #.
, allé au deuant de luy, iuſques à Sebaſte ou Siuas. · - -
#
• *
· nouuelles firent bien corriger le plaidoyé de Selim, il eſt vray que les deſ ?.
ſeings qu'il auoit contre les Chreſtiens luy ſeruirent beaucoup en cette 1esprepaº
guerre
auoit-ildes Perſes : car comme il auoit pluſieurs grandes entrepriſes, auſſi auoit
Pluſieurs # faits cö
,
|
© e - • -\ º *
- , • conqueſtant
-
,#
des Turcs, Liure troiſieſme. 285
conqueſtantl'autruy : maisSelim qui ſurmontoit toutes ces difficultez par
º la grandeur de ſon courage, & par vne ſienne propre & particuliere felici
té,voulant toutes les affaires eſtregouuernées par ſon conſeil & conduite, -
: Les Courtiſans qui penſent que la plus grande vertu ſoit d'adherer aux
| humeurs du Prince, de ſe transformer en ſes volontez, & de luy manquer
- de foyauecques le changement de ſa fortune, commencerentincontinent
# de hautloüervneſitriomphante armée, & compoſée de tant de milliers #
# d'hommes comme la ſienne, mais encores plus ſon haut courage, quineſe sº"
: # pouuoit faire paroiſtre en de petites & legeres entrepriſes : que celle-cy
#. eſtoit difficile à laverité, mais puis qu'ils ne deuoient point ſeulement mar
cher ſoubs ſesauſpices, mais appuyez & enuironnez de ſa meſme felicité,
# qu'ils ne penſoient pas † des deſerts, ny des rochers peuſſenteſpouuen
a ter des ſoldats, qui dés leur plus tendre ieuneſſe eſtoient accouſtumez à r ,. .
ſ. - combatre la meſme neceſſité Pourquoy eſt-ce doncjues maintenant que chend#
cet homme ſivaillant & ſans peur,quiatant d'experience & de cognoiſſan- # : º
Jº,- ce desaffaires de cet Empire,vient-il eſbranler desvolontez deſia reſoluës
# au combat, & planter dans nos courages l'ignominie & la laſcheté ſoubs .
••# " vne couuerture de feintes&imaginaires difficultez?Que ce n'eſtoitpas cela ·
· • quile menoit, mais † aimoit mieux la conſeruation d'Amurath, que la
| " - proſperité deSelim: ils diſoient de
primerdeluyquelqueſoupçon tout cecy dedans
trahiſon ce pauurevieillard poureſtans
l'eſprit de Selim, im- §Leurs impe
pe
| enuieux de le voir ſiaduancé pres de leur Prince; & non contens de ces diſ
cours, leurmalice paſſaſiauant qu'ils ſubornerent desaccuſateurs,leſquels A
- uices † auoitrendusà ce cruel Prince, qui s'eſtoit touſiours ſeruy de ſon eſtis°ºr.
1
conſeil & de ſavaillance, durant laguerre †auoit euë contreſonpere,&
-- depuis contre ſes freres , & toutes-fois cela ne l'empeſcha pas de le faire
• mourirpour luy auoir predit la verité & remonſtré ce qui eſtoit le plus ne- ·
• ceſſaire pour ſonbien, labataille qu'il gaigna contre les Perſes luy ayant . -
: apporté plus de perte que de profit, mais iflefaiſoit pour donner exemple Intention de
# - auxautres, afin que pas vn n'euſt la hardieſſe de luy contredire, voulant † #.
. ſº oſterlacouſtume d'vne ſemblable liberté de parler, & qu'on tint pour ora "
". de, ou pour quelque choſe diuine, ce qu'ilauroit reſolu de faire, ſe pri
j: -
, | \
- , -
•
Nn iij
/'
-
•.
•' e -, 15 1 . -
X.
à
-
# deurs, pour les ſemondre de faire une ligue & ſeioindreauecques luy con
meniens & A
, i§ tre les Perſes, chacun s'employant en cette guerre à frais communs & ar
† mes communes,pourles
re finie, depoſſeder
chacun partageroit de lagrande
la deſpouïlle, Armenie, & que
& particulierement euxlaguer
quiau
,#i -|
oit.
| ils hayſſoient eſgalement Selim & Iſmael, redoutans des Princesſi puiſſans
- : - pour leurs † , &ayans leurs terres ſituées au milieu des leurs comme
- · elles eſtoient, ils ne pouuoient qu'ils n'en fuſſenttouſiôurs foulez,comme
: : les foibles ont accouſtumé de l'eſtre des plus forts : auſſi luy firent-ils reſ
# . ponce que s'ilsauoient aſſemblé quelques trouppes, que ce n'eſtoit que
, · Leur reſp6ce pour la deffence de leur contrée, & non pour ſe rendre ennemis l'vn ou
, l'autre Roy, qu'ils n'eſtoient pas tels, qu'ils deuſſentiuger quant à eux, le
quel de deux ſi puiſſans Princes auoit la plus iuſte querelle, toutes-fois
ſi ſonarmée vouloit paſſer comme amie, & ſans faire aucuns actes d'hoſti
i -
lité, qu'ils luy donneroient paſſage aſſeuré, & quand il ſeroit entré en la
# grande Armenie, qû'ils luy fourniroient de munitions,autant que l'abon
-- | ° ! - dance du pays le pourroit porter:Selim s'eſtonnavn peu de cette reſpon
· ce, car il auoit eſperé qu'ils luy ayderoient de toutes choſes, & ſeioin
†
droientauecques , comme à laverité c'euſt eſtévngrand bien pour ſon
| se # armée d'auoir ces pays là à ſoû commandement : maisvoyât qu'il ne pqu
mode au tépº,
-- § uoit mieux, il penſa qu'ilfalloits'accommoderàl'eſtat preſent de ſes affai
† " res, & diſſimuler le reſſentiment de ce refus, de crainte que s'ils ſe decla
| | - roient ſes ennemis, ils ne luy fiſſent quelque rauage ſur ſes terres, tandis
ºr | -
: · qu'ilentendroit à laguerre d'Iſmael, & meſmes ne luy donnaſſent à dos
quandl'occaſion s'en preſenteroit.
ischeminque Eſtant doncques party du pays des Scordiſques, montagnes qui ſont à
:
| †,
Perſes.
la derniere
bout & plus Septentrionale
de huictioursaux partie du que
monts Moſchiens, mont de Taur,
le fleuue il paruint
Euphrates au
entre
,
-", - coupe, & † ſeparent la pctite Armenie de la Capadoce,continuans leurs
| croupes iuſques à Iber & Colchis, s'ouurans & donnans paſſage dans la
| | . | grande Armenie du coſté de Leuant, & de là mena ſon armée contre
• · mont le fleuue, qu'il coſtoya touſiours de crainte qu'i auoit d'auoir faute
d'eau, dreſſant tellement ſon cheminvers l'Orient, qu'il laiſſoit la petite
| | | | Armenie à la maingauche, & les frontieres des § & le fleuue Eu
| | Mont Paryar. phrates à la droicte,iuſques à ce que larmée paruintaumontParyardé,tres
- # # renommé, tant à cauſe que deux fleuuestres-fameus prennent leur ſource
mé & pour- » N •' » / N - || - - - - > 2
quoy. de luy : l'Euphrate à ſçauoir & l'Araxé, à trois lieues loing l'vn de l'autre:
# encores que d'autres diſent que ce ſoitdumont Abon, à cauſe que le Pa
-
ryardé
· :
-
des Turcs, Liure troiſieſme. 287
ryardé flechit vers cet Abon, l'Euphrate prenant ſa courſe vers le Ponant,
& l'Araxé à l'Orient, courant entre les deux le fleuue Tygris tout d'vne
meſme montagne, & diuiſant la campagne paſſe entre ces deux riuieres,&
prend ſon cours vers le Midy, s'allant engoulpher au ſein Perſique : mais
ce qui donne encores plus
tilité,voylapourquoy ceuxdedupaysl'ont
reputationauappellé
Paryardé, c'eſtàc'eſt
Leprus, cauſe de ſapor-p†
à dire fer- ellè Lé: - -
tant fruict: ces deux fleuues que nous venons de nommer, annobliſſans -
dement expres à tous gens de guerre, & autres qui eſtoient propres à por
terlesarmes, de le venirtrouuer; à quoyayans promptement obèy, il ſe
trouua entre les mains,vnebelle & puiſſante armée, & pour donner plus
d'affaires & d'incommoditez auxTurcs, il fit faire le degaſt par toutes les
terres où ils deuoient paſſer ; afin que la crainte delafamine † conduiſiſt
à vnautre chemin, où ils euſſent encores pis rencontré: car c'eſtoient de
grâds & vaſtes deſerts, où leurarmée ſe fuſtinfailliblement perduë & diſſi-seniatentien.
pée ſans côbatre, à quoyiltendoit le plusd'autant † ce ſont lieux ſi arri
des qu'on n'y trouueaucune nourriture,ny pourles hómes nypour les che
| uaux : ce conſeilfutaſſez heureux à Iſmael, & s'il ſe fuſt tenuferme en ſàre
ſolution, àl'auenture la fin de cette guerre euſt-elle reuſſi ſelon qu'il ſel'e
ſtoitimaginé; d'autant que Selimpenſa perir de neceſſité parmyces ſolitu
des allanteriant de coſté & d'autre, ſi bien qu'eſtant party de Conſtantino-,
ple àlanouuelle Lune du mois Rebiuleuel, il n'arriua ſur les confins de la #
Perſe qu'auſecondiourdumois Rezeb, ſibien qu'ilfut quatre mois à faire º".
ce chemin. - -
Ayant doncques ainſi long-temps tracaſſé parmy ces vaſtes ſolitudes, sºlimayantet
ſans auoir euaucunes nouuelles de l'armée d'Iſmael, depuis qu'elle s'eſtoit †:
retirée de la Capadoce, il ſe campa pres la fonteine du fleuue, enuoyant †"
quelque nombre de cheuaux des plus legers pour eſpier & deſcouurir de
toutes parts quelle eſtoit cette contrée où ils eſtoient arriuez, & prendre
, parmeſme moyen quelques priſonniers quiles peuſſentinſtruire de l'eſtat
§
& des deſſeings de l'ennemy.mais les Armeniens,tant pourla crainte qu'ils
& auoientdel'arriuée desTurcs, que parle commandement d'Iſmael,auoiét
\º #
abandonné toute la contrée, par où ils penſoient qu'ils deuſſent paſſer, & , . .
encores partous les enuirons, ayans deuant que partir rourtagé iuſques à #
2
cººº lherbe & aux paſturages, emporté & bruſlé tout ce qui peut eſtre neceſſai- # &
zºº
;( repourlavie, & abandonné leurs maiſons : ſibien que ce qui ſouloiteſtre -
ſº
peuplé,n'eſtoit plus qu'vn deſert.Ces gens de ch § eſtans de retour, ſans
:º auoirpeuſurprendre perſonne,encoresqu'ils euſſent battu la contrée deux
#
|
-
, , ii i-ri-
-
º - - - , -
s§fort experience tout ce que le vieillard Chendeme luy auoit predict de cette
i, -
grande peine
qu'il ſçait deſ- contrée : toutes-fois il ne laiſſoit de monſtrer vn fortbon viſage, & d'en
#
ment à ſes ſol courager ſes ſoldats à ne ſe point eſtonner de leurs trauaux,les hautes &
dats. grandes entrepriſes , eſtans touſiours accompagnées de difficulté, mais
i,
- · qu'auccques vn peu de patience, il ſe promettoit vn heureux ſuccez, &
|
, d'emportcrvne glorieuſe victoire de leurs ennemis,s'ils auoientl'aſſeuran
: ritchercher ce de paroiſtre, cómeille falloit de neceſſité qu'ils fiſlent à la fin, & ſur cela
d'autres gui
#
† ayant fait rechercher de bons guides de toutes parts, ceux qui eſtoient les
5
#ººº † CX†
- - - -
| | a plus feitile partie de l'Armenie, ce qui le fit remuer ſon camp, & ayant
# : ! paſſé les commancemens dumont du coſté qui regarde vers la Biſe,iltour
: - l !
|
:
: navers le fleuue Araxé, au dcſſus de laville de Choïs,iadis Artaxata, ſelon
:
-
Caſſin Armenien de nation, qui fut en cette guerre, dit Sanſouin, où il fit
i paſſer ſa caualerie à gué, & ſoninfanterie ſur †
petits ponts dreſſez
i .
pourcela, car deuant qu'Araxéait receu dans ſon ſeinles riuieres qui ſour
1. .. dentdes palus de Paryardé, ſon eau eſt baſſe, & ſes riuages faciles à mon
-
§ § & ter. Mais Amurath qui eſtoit ſurl'autre riue, les print à fon aduantage, &
|'
"º les repouſſa,ſelon quelques-vns, ſi furieuſement, que pluſieurs ayans eſté
|
taillez en pieces,vne bonne partie fut contraincte de ſe ſauuer à nage,pour
- ſeioindre au demeurant de leurarmée, carlesTurcs qui n'auoient point
† à cette rencontre, †
-
· h· . § apporta
raxé.
auſſi d'auantage
Selimvoyant d'eſpouuente.
ce deſordre, & ne ſçachant comment eſcarter les Perſes,
-
| !
-
fit promptement braquer & tirer contre eux touteſonartillerie, qui mena
| . vn ſieſpouuentable bruit, que les cheuaux non encores accouſtumezàce
, | i ;.
gn$,
' !
•: !
,
i ) º
|
,
|
| des Turcs, Liuretroiſieſme. . 289
gne, les Turcs paſſans parce moyenla riuiere tout à leur aiſe, puis qu'il
n'yauoit plus de reſiſtance. Paul Ioue faict mention de cette premiere ren
contre, mais il dit que ce fut apres que les Turcs eurent paſlela riuiere, & Amurºih, &
qu'ils ſe furentcampez, Amurathayant ioinct ſes forces à celles de Vſtage-†
lu ogli, lequel craignoitlaperte de laville de Choïs,deſarmée & ſans def-º
&b
fence comme elle eſtoit, car cette ville eſt la retraicte des Roys de Perſe vne
grande partie de l'Eſté, à cauſe de l'abondance des fruicts qui ſont en cette
* contrée,pourlatemperie de l'air qui rend cette ville fort delectable & rem
" plie de tres-beaux edifices, eſtant encores arrouſée de fleuues & de fontei
nes, & quia de fort riches habitans, & V † ne vouloit pas que ,
cette ville, dit-il, ſi celebre, ſe perdiſt à ſaveuë ſans luy donner quelqueſe
cours, & que lesTurcs affamez, ſe vinſſent remplir & gorger des richeſſes † †
de cettecité: mais il ne faictpointmention d'artillerie, ny que lesvns ou §"
les autres ayent pour lors rendu quelque combat. -
- † qui ſur les rapports qu'on luyauoit faicts du chemin que tenoiét XI I.
lesTurcs, ne les croyoit pas ſi pres, ny qu'ils fuſſent entrez ſi auant dans
l'Armenie, auoit enuoyé la meilleure partie de ſes gens contre les Cora
xeens, qui habitoient ſur les riuages de lamer Hircanienne, & quiauoient #:
faict quelques remuemens au pays; mais à la nouuelle qu'il receut de l'ar-§ §
mée desTurcs, voyant qu'ilauoitaffaire àvn homme qui ſurmontoit tou- #.
te difficulté parlagrandeur de ſoncourage,ilraſſembla en diligence toutes "
ſes forces, que lesannales diſent n'auoirpas eſtémoindres de quatre vingts
mille hommes de cheual, non pas armezàlalegere comme les Turcs ont †
accouſtumé, mais armez de pied en cap à la façon des Europeens, ou plu- ſiours bien ar
ſtoſt ſelon les anciens hommes d'armes Perſes, de † ilya grande appa-† temps. "
· rence que nous l'ayons appris, & † ayent tou iourºentretenu leurs
anciennnes façons de faire. Vſtagelu-ogli s'eſtoit campévisà vis delavil
le, eſtant encores en cette opinion de retarder le combat le plus qu'il luy
ſeroit poſſible, s'aſſeurant que cette grande armée des Turcs ſe deſtrui
roit
danspar elleſans
le pays meſme, ſi elle demeuroie
ſe raffraiſchir, pluſieurs encores quelque
d'entre-eux eſtanspeu
deſiadeperis
temps Bºº aduis de
de Vſtagelu-ogli.
meſaiſe & de neceſſité. .
Mais Iſmaelquinevouloit pas eſtre ſurpris, eſtantvenuauecques toute
&O †
la diligence qui luy fut poſſible , vint ſe ioindre ſiens qui Armée
eſtoient deuant Choïs, les auant-coureurs des Turcs deſcouurirent auſſi maeſà Chois.
d'Iſ
--
| |
-,*-|
:
29o , Continuation del'hiſtoire
, -
quoy les pouuoir repaiſtre, pour le moins fort peu , & cependant ne
laiſſoient pas de faire degrandes traictes, & auoir touſiours la ſelle ſur le
· dos : mais principalement ceux de l'Europe; & quantaux Azapes ou gens
-
|
de pied, ils eſtoient laſſez du long chemin, & malades du flux de ven
·
-
tre par contagion , pour ce qu'il y auoit long-temps qu'ils ne viuoient
-
||
† de tourteaux faicts de farine & de vin-aigre, & de quelques frûicts
-
auuages, aux plus grandes ardeurs de l'eſté. Mais l'ennuy les accabloit
i, º,
plus que tout le reſte, de ſe voir perir parmy tant de miſeres, ſans auoir "
-
|, peu ſeulement voir l'ennemy , chacun doncques s'aſſeurant qu'ils pour-'
-
roientbien-toſtvenir au combat,repritnouuuelles forces & nouueaucou.
rage, eſperansau moins d'ymourir vaillamment, s'ils n'en remportoientla
, ,
,
"
| |
.,
•
viétoire.
uantà
-
Iſmael ſe re- f .
† àlors abandonné, ſe reſolut à la bataille, qui eſtoit tout le
»
, § bien qu'euſt ſceu deſirer Selim, car le nombre de ſes gens diminuoit, ſes
- - /" - - -
l - - •- †" munitions luydeffailloient, hors d'eſperance d'en recouurer que par la "
| | | | | | - - pointe de leur eſpée. Vne choſe ſeulement luy donnoitbeaucoup de pei
| | | ne, c'eſt qu'il ne pouuoit rienapprendre des affaires de ſon ennemy, quel
| : -
|" |- | | -
. nombre ils eſtoient, ny de quelle ſorte d'armes ils vſoient, car tant eſtoit
» " > •
|
• 1 • | | *- | : † † l'amour & la reuerence des ſoldats enuers Iſmael leur Roy, qu'il ne
Ll ll ll• - - - -
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- - mun peuple, les plus grands du pays luy eſtans conpraires : car on tient
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-
des Turcs, Liure troiſieſme. . 291 :
que quelques Seigneurs qui eſtoient ſoubs ſonobeyſſance, & ſur les fron
tieres des Turcs, auoient mandé ſecretement à Selim, que s'il venoit
en Armenie auecques vne puiſſantearmée, qu'ils luy donneroient paſſage sclim fellicits
parleurs terres, cependant que le Sophy eſtoit empeſché contre lesTar-†.
tares de Coraxen Mais ſurtoutilauoit eſté ſollicité parlesCurdes, quiſe -
Oreſtoient ces deuxgrands Princes campez dans la plaine que lesanna- XIII.
les appellent Zalderane, & Paul Ioue Calderane, proche de la ville de
Chois, où Selim diſpoſa ainſiſabataille; il donna à Caſſem Baſſa Beglier-†Zalderane,en
| ment,
bey del'Europe, le coſté droictauecques les trouppes de ſon gouuerne-§
& l'aiſlegauche à Sinan Baſſa, Beglierbey de la Natolie auecques la & les Perſes. -
|
caualerie de l'Aſie, deuant leſquels marchoient les Accangis ou cheuaux
legers,volontaires, quinevont à la guerre qºe ſoubs l'eſperance dubutin,
au milieu eſtoient les pietons Azapes, les plus vils & mal armez, leſquels
eſtoient à la teſte, comme enfans perdus, pour emouſſerlapointe del'en
nemy, & lefaire laſſeraumaſſacre de ces pauures miſerables, que lesTurcs Diſpoſition de
ne reçoiuent en leur armée que pour cette conſideration, eſtans gens de † "
nulle valleur, apres les Azapes, il braqua ſon artillerie de front, à laquelle
il donna quatre mille cheuaux pour eſcorte. Quant à luy il choiſit pour la
ſeureté de ſa perſonne, & pour le ſecours, toutel'eſlite de ſa caualerie, &
auecques tous ſes Iennitzaires, ſemit en vnlieuvn peu releué, s'eſtantrem
† toutàl'entourd'vne double enceinte d'artillerie & de bagage (ſelon
a couſtume) de chameaux baſtez & liez enſemble d'vne lon§ſuitte de
, chaiſnes, celavenant à eſgalervne puiſſante fortification; ſi qu'il pouuoit,
comme dvne roque & fortereſſe, auecques la fleur de ſes ſoldats donner
ſecoursaux endroicts les plus neceſſaires. Il auoit auſſi donné le motaux
Azapes de s'ouurir & ſeparer leurbataillon en deux ſi toſt qu'ils verroient Stratageme de
arriuer la gendarmerie de l'ennemy, afin de laiſſer vne § Selim. -
inſtruict Iſmael de tous ces deſſeings : c'eſt pourquoy il auoit aduerty ſes
s
capitaines de ce ſtratageme, afin qu'auſſi-toſt qu'ils verroient le batail
lon des Azapes ſe mypartir, qu'eux fiſſent auſſi le meſme ſans trou- Duqueliſmae,
$ bler leurs rangs : gar en ce faiſant ils rendroientl'artillerie de leurs aduer- #º
, |jº ſaires inutile, qui n'eſperoient pas cette contre-batterie , & cependant 1
•
lij ;
1 -
· · · · ·
'292 Continuation de l'hiſtoire
| l | -
| |
|
#º auoit reduictes ſoubs ſon obeyſſance , comme il auoit vne grande expe
| | | | |
| • | - |
†" rience enl'art militaire, & qu'il eſtoit de ſa perſonne fort courageux &vail
|ºii , - · • lant,ildiuiſa ſon armée en deux, dontilbailla vne partie à conduire à Vz
º | | | | tazi-ogli, duquelnousauons parlécy-deuant, &l'autre auecques toutela
# * | | | -! · fleur &l'eſlite de ſes gens,illa retint pour luy; quant à cetVztazi, il eſtoit
#. - • - -
iſſu de cette illuſtre famille des § , qui entre lesAzemiens eſt encore
1 . -
| , | |
quelque petit Docteur,faiſansvne alluſióſur ce mot de Iſtizelu en Vſtazi.
|
- • ! '
l
ogli. Les troupesainſi diſpoſées dans cette grande plaine,chacunanimaſes
|
-
•
-
ºt -*
| - "
- gens au combat,Selimprincipalement quivoyoit en ſes ſoldatsie ne ſçay
l' # quellenonchalance & vn courage allangoury par la neceſſité & les miſeres
|
-
-
|
qu'ils auoiét ſouffertes en ce long & penible voyage,ioinct qu'ilsvoyoient
| | ' · ces Perſes des hommes de fer, armez de toutes pieces, contre leſquels ils
• | | auoient à combatre. . -
Selim anime
a
d
ſès gens au
COIIlb38,
Cela fut cauſe que Selim alloit d'vn coſté & d'autreleur remonſtrant
• - º
que l'heure eſtoit maintenant venuë qu'auecques gloire & honneur ils
i pouuoient tirer la recompence de leurs labeurs : car par le gain de cet
-
,º -
" te bataille, leurs eſtoient acquiſes toutes ſortes de richeſſes, & vne af
| | | |
i | | | | - : fluence de tous biens, cetteville que vous voyez deuantvous, diſoit-il,le
| , ſeiour & les delices des Roys de Perſe, n'eſtrienau regard de celle deTau
, ris,quivous ouuriraauſſi-toſt les portes ſivous demeurezvictorieux pour
:
4 -
†
quoy vousvoy-ie doncques les triſtes & les contenances mornes?
| i redoutez-vousvn bandolier, vn vſurpateur, vn heretique, quine regne
i
: , , ,
º
! · que† tyrannie, & qui eſt § parles plus grands de ſes pays,
i | i s qu'ils ne cherchent queles occaſions de ſecouerle ioug,commevousauez
peu ſçauoir que ça eſté à leur ſemonce & priere que nous ſommes entrez
- ·! -
| | | | | | < tablefamille des Othomans, que vous auez ſicordialement chery, ſi par
| º | | |
# .. il || ticulierement choiſy pour voſtre capitaine, & qui ay rendu le iugement
i : s ! quevousauiez faict de moy ſiveritable, que iuſques icy ie me ſuis rendu
| | |
1"
|
" , º inuincible:Queſitoutes ces choſesnevous peuuenteſmouuoir,& ſil'hon
: | |
" |
:
neur des Muſulmansquis'eſt conſerué plein de gloire au milieu des plus
ſuperbes nations de l'Europe, qu'ils ont touſiours batues, vaincues &
| | | § ſoubsleioug de noſtre bien-heureux Empire, ne vous touche
| | ..| |
" |
|| || point, ſivousauez perdu dans ces deſerts que nousauons paſſez,lamemoi
i|
· h , -
|
•º
re de ce que vous eſtes, ſouuenez-vous au moins de conſeruervosvies, car
| -*
, -
# de toutes partsvous eſtes icy entourezd'ennemis,ſivous perdezlabataille,
iln'ya point de retraicte pour vous de quelque coſté † vous vous puiſ
| | | || | ſiez tourner, vous trouuerez des peuples quiont conſpirévoſtre ruine, &
|
qui vous feront perir miſerablementſivous ne vous faictes ouuerture par
: | lagrandeurdevoſtre courage, &letranchant devoſtre cimeterre: ceux-là
| : -· |
- - peuuent
| -
| |
i.i
* º ! "
i
à
• des Turcs, Liuretroiſieſme. 2 93
peuuent bieneſtre craintifs & laſches, quiont moyen de ſeretirer, & qui
ſont aſſeurez d'eſtre receus enleur pays, fuyans par des voyes aſſeurées &
ſans danger, maisàvous il eſt neceſſaire d'eſtre vaillans iuſques au bout &
de vaincre, rompans parvn certain deſeſpoir, tous deſſeings, & toute eſ
perance des choſes qui peuuent eſchoir entrelavictoire & la mort,oubien
ſifuyant.
la fortune vouloit, ſe deliberer de mourir pluſtoſt au combat qu'en
• -
Mais Iſmael auoit affaire à des gens-d'armes qui eſtoient encorestous xIIII,
eſmeus&bouïllans des combats qu'ils venoient de donner contre tant de
Peuples, & tous fiers de leursvictoires, voyla pourquoy il n'eut pas beau i
coupdepeine à les perſuader : toutes-fois comme la voix d'vn general en
Vº°armée eſt proprementlame & le premiermouuant qui pouſſe les ſol
Oo iij
· · · 294 Continuation del'hiſtoire "
dats aux plus genereuſes actions, principalement ſi c'eſtleur Souuerain,
| Iſmaelcreut qu'ilne deuoit pas donner le mot du combat ſans leur donner
| quant & quantvn coup d'eſperon pour marcher auecques plus de vigueur
- j
Iſnaelfia le & d'animoſité contre l'ennemy. Ily-a deſia tant d'années, diſoit-il, com
ſemblable cn
† pagnons, que nous combatons enſemble,yayant commencédés maplus
| | tendre ieuneſſe, qu'ilme ſemble queie ſuis pluſtoſtvoſtre nourriſſon que
voſtre capitaine, & voſtre compagnon que voſtre Souuerain, de ſorte que
º
',., • - vous cognoiſſans tous, comme vous me cognoiſſez. Il me ſemble que de
# -
quelque coſté queietourneles yeux,que ie voy tout eſtre plein d'vn grand
courage,& d'vn deſirmagnanime de combatre furieuſement pourl'amour
· | de la patrie, & de vousvanger de ces harpies qui nous viennent troubler
' • au plus heureux progrez de nos conqueſtes, puis que ſans eux nous nous
fuſſions rendus les maiſtres des Tartares, & nous nous fuſſions ouuert le
1
ayans plus de beſoing d'vnbon logis que d'vn champ de bataille à tous di
| - . uiſez entre-eux, & principalement contre leur chef,lequelilshayſſentau
:
tant qu'ils l'ontaymé,& ne ſont pas à ſe repentir à cauſe de ſacruauté, dela
uoir eſleué à cette dignité : au contraire de nous, qui bien armez, bien
· aguerris & bienvnis enſemble, leur ferons ſentir, ſivous m'envoulez croi-'
re, quel'homme d'armes de Perſe, ne redoutera iamais vn malotru d'Ac
cangis, vn chetifTimariot, voire meſmevn eſclaue de Iennitzaire. Mais
ce qui nous doit plus animer contre-eux, c'eſt qu'eux-meſmes ont com
: mencé de nous offencer, ayans meſpriſé nos Ambaſſadeurs, & nous ſont
| venus attaqueriuſques dans noſtre pays, pour auoir donné quelque ſe
cours au nepueu de leur Empereur qui le veut desheriter, & là deſſus ont
|
· ºr
employétoute leur puiſſance pour nous inquieter, mais c'eſt en cela queie
iuge noſtreauâtage,carils ont employé le vert & le ſec,venez à bout de cet
-
| - te armée,vous eſtes aſſeurez d'eſtre les maiſtres de tout ce qu'ils tiénent en
'
|- s, | :
l- -
Aſie,aubruit de leur deffaicte vous verrez les p
5 peuples
p ſe ſoubſleuer,&
> ceux
|
.
| | | · qu'ils tiennent les plusaffidez ſe ranger ſoubs noſtre obeyſſance : n'auez
| | i . vous pas encores la memoire toute freſche de ce que leur fit ſouffrir Scach
, • Culi, ce diſciple de Harduel, en la Prouince de Tekel? que feront-ils con
:
-
| -
- tre nous s'ils n'ont peuſe rendre les maiſtres de ceux qui n'auoient iamais
: | manié les armes, & quiauoient paſſé toute leur vie en contemplation dans
· - , vne cauerne: Les ingrats qu'ils ſont, ils les auroient encores à preſent à leurs
# ,
, , portes ſans nous qui les deliuraſmes par noſtre bonté, de cette eſpine qui
• ! · -
| | , leurauoit deſia faict rendre tant de ſang, & au lieu de nous § pareil
i à le par quelque notable ſecours, ilsviennent rauager nos Prouinces,& nous
|| || troublernoſtre repos; mais faiſons leur ſentir que ſi noſtre eſpée tranche
- pour nos amis, qu'elle peut exterminer nos ennemis : ils ſe fient ſur leur
artillerie,
lº
#
Mais ſivous me voulez croire, iln'y faut qu'vn peu de dexterité pour en
euiter la fauceté; l'artillerie en vnearmée faictbeaucoup de tintamarre, &
bien peu de mal, mais vn grand courage ne s'eſtonne pas pour le bruict,
entrez furieuſement dans † bataillons lors queleur artillerie aura ioué,
& vous verrez que laroideur devoslances & le tranchant de vos eſpées fe
rabien vn autre eſchec dans leur armée, que leurs canons n'auront faict
dans la noſtre. Car quelle reſiſtance vous peuuent faire des Azapes &
des Accangis, gens ramaſſez de toutes pieces & demy nuds, vous trou ||
uerezpeut-eſtre quelquepeud'obſtacle aux Iennitzaires que vous voyez
renfermezlà haut de forcebarricades, de peur d'eſtre ſurpris, & n'ayez pas
peur qu'ilsviennent les premiers à l'aſſaut: carilsne combatent iamais †
d'artifice, &attendent touſiours que la force ſoit toute emouſſée parlalaſ
ſitude, d'auoir maſſacré ceux que ievous viens denommer, afin d'envenir
ainſiayſementàbout, & ſe donner la gloire qu'ils n'ont pas meritée, &
quant à leurmaiſtre,il ſetientaumilieu d'eux caché, le plus ſouuent dans
ſon pauillon, commevn ſerpent dans ſataniere : mais faiſons leurvoir que
nous auons encoresl'haleine plus longue qu'ils ne ſçauroientauoir §
cheté, & quelalaſſitude ne ſe peut iamais emparer d'vn courage inuinci
ble, qu'auecques la perte dela dernieregoute de ſon ſang Ie vous ay faict
- voirlebien qui doit ſucceder de cette victoire, maintenant ie veux que
vous ſçachiez auſſi les mal-heurs qui nous peuuent arriuer, au cas qu'il :
#'
nous aduint de manquer à noſtre deuoir, car ſur le moindre aduantage
qu'ils auront ſur nous, vous les verrez comme hannetons s'eſpandre par
· toutes nos contrées, & broutertout ce que nousaurons de plus delicieux.
C'eſticyvn des plus poignans aiguillons que DIE v ait donné aux hom
mes pourvaincre, à ſçauoirlaconſeruation de leur patrie & de leurs famil
les, à quoy ie puis encoresadiouſter qu'ilyva de noſtre Religion; car ces
opiniaſtres cy aheurtez à vne vieille opinion toute moiſie d'antiquité,
. nous voudroient faire croire qu'il n'ya qu'eux qui ayent l'intelligence de
noſtre ſaincteloy, parce qu'ilss'arreſtentàvnevieilleroutine : mais faiſons
leurvoir maintenant que celuy qui ſçait le mieux manier les armes, eſt ce
luyquiala meilleureintelligence de laloy du Prophete Mahomet. Que ſi
eecy eſt fortement imprimé dans vos cœurs, & ſi vous auez cette ferme
croyance, aſſeurez-vous d'vnevictoire infaillible, & que le Turcne plan
tera iamais dans Conſtantinople, les lauriers que ſa valeur luy aura faict
cueillir dans la Perſe. A
Plaiſante renº
Lesdeux chefsayansainſi parléàleurs armées, & les courages des ſol Turcs, & des
contre des
datseſtans enflambez d'vne part & d'autre par ces exhortemens,onvintin Perſes en laba
continentaux mains, mais d'vne façonfort plaiſante, carles Azapes auſſi taille de Zale
CIARG,
:
•
|$ º
-,
,
l'artillerie ayant faict peu d'effect à cette fois, chacun ſe deffendit par le co
ſté† eſtoit aſſailly, le combat commença del'aiſle gauche, où les deux
2 " ! chefs Sinan Baſſa pourlesTurcs, & Vſtazi-ogli pourles Perſes, firenttous
#
leurs effortsdebien combatre. Mais apres que les trou pes de la Natolie eu.
·
:
:
| iii ! " rentreſiſté quelque temps,finalement Vſtazi-oglis'eſtant faictvoye parle
·!
|
|
-
|
milieu de leur eſcadron,ſevint ruerauecques telleimpetuoſité ſur les Aza.
| |
1 | -
| † , que dela meilleure partie d'entre-eux, les vns furent taillez en pieces,
. . , les autres pillez parles pieds des cheuaux, ſi bien qu'on oyoit là vn terrible
|| sº, † † tintamarre confus, de voix, de cris, & de gemiſſemens, de cliquetis d'ar
| | | Turcs. mes, de henniſſemens de cheuaux, & parmy celaletonnerre del'artillerie,
i | | | carles canonniers & les maiſtres qui eſtoientàlamire, auoient deſchargé
* i -
| | -
-,
. l' † * meº, que deſial ennemyauoit donné iuſques au logis du Seigneur, tous
| i ' preſts de faucer ſes gardes, ques'ils vouloient ſeraſſeurer & ne point pren
il
1-
-
variegli les Perſes, quine faiſoient plus † pourſuiure les fuyans, qu'ils les con
| | | | # traignirent de tournerviſage, & ſe deffendre àbon eſcient, en ceſte rechar
- # , ſelon quelques-vnsVſtazi-oglifut tué d'vn coup de harquebuſe, mais .
| esannalestiennent † eſtébleſſé, il fut pris parSinan Baſſa, quiluy
, , - -
| | mºs°rºr IſmaelSophy n'auoit pas faict cependant vne moindre execution, car
* · · #
routainſi qu'ilauoit affaireaux plus vaillans des trouppes de Selim, auſſi
conduiſoit-ill'eſlite de toute la caualerie des Perſes, mais comme ſa preſen
· |
ce donnoitvigueur & force à ſes ſoldats plus que n'euſt ſceu faire vn lieu
• •
# !
. |
tenant, quelque reſiſtance qu'euſſent ſceu faire les trouppes Europeannes,
|| | | • | ' illeur donnatant d'affaires, qu'ayant troublé leurs rangs elles commence
-
- - - -
©
|
| #
|
† rentà chanceler & puis incontinent à ſe diſſiper, ayans veu la mort de leur
º, #ººº- generalChaſſan Baſſa quiy demeuraſurlaplace, & cefutalors que ſuruint
| | | Vſtazi-ogli, lequel pour les acheuer,leurvint donner ſurles flancs,ſibien
••*
|
··
, là ...
,!
- # quene ſçachansde † coſtéſetourner,ilss'envindrentietter verslegros
|
-
| §." des Iennitzaires. Selimquivoyoit la ruine manifeſte de ſes gens, fit deſlier
|| i
|| lesattaches du charroy, & faire ouuerture en deux endroicts, par leſquels
il fit ſortirvne partie de la caualerie de ſagarde,& ſe retournantvers les Ien
nitzairesilleur dit : c'eſt maintenantàvous, compagnons, à fairevoſtre de
| uoir, &à ſecourir nos ſoldats quienontſigrand beſoing, le moindrefort
ef
-.
moy-meſme,
† que voschers Gaſilars(ouvaillans
dextres ſoldats)rendrehommes,ilhes
ſontinuincibles,monſtrez-vous vn aſſeuré teſmoi-
en - | 1
|
-
· • · · · ·-
-
rent ſi laſchement en beſongne, que les Perſes auoient tout loiſir de bien . - - |
faire leurs affaires : & de faictau rapport de Paul Ioue, Fabritio diCarrecto, # e, * - , -
grand maiſtre des Cheualiers del'ordre ſainct Iean de Hieruſalem, auquel §" le com
toutes ces choſes furent tres-diligément rapportées, eſcriuit au Pape Leon,
que les Iénitzaires ne voulurant obeyrau comandement de Selim, & qu'ils - - - -
àcombatre
leur dernier
auxbeſoin, carils
ennemis, voyoientvnetelle
aimans force
mieux attendre & vne telle ardeur de
l'euenemcntdouteux de ·
· , +
, •'
cy du coutelas
Laffaire des caualiers
eſtant doncquesPerſes. . aux triariens, leſquels encores
ainſi reduite · ·
XV. •' -
aimoient mieux tout perdre que de prendre ſur eux vne partie du peril, -
à ſa valeur & bonne conduite, & à l'aſſeurance des deux freres Malcozo-"º - -
gles ou Malcozides,l'vn nommé Alibeg, & l'autre Mahomet Beg & ſur- | -
nommez Thur, comme ſi on diſoit les forts, qui eſtoient, ſelon Paulſo- Malcozogles
- - N - - -
.Valeur des. - -
- "
.
ue, eſgaux ennobleſſe de ſang à la famille des Othomans, & quiauoient "º - -
ſiſtoit en la perte d'Iſmael, & que s'ils pouuoient l'aborder, qu'ils ſ'aſſeu
roient que la valeur des Perſes ne les pourroit iamais empeſcher de leur Ils ataºuent
deſſeing : deuouans doncques ainſileurs vies pour le ſalut de leurarmée & le # † . -
de leur Empereur, ils firenttant par leurvaleur, qu'aydez de quelques-vns # ſes • . " -
des leurs quiles ſuiuirent admirans leur courage, qu'ils paruindrent iuſ
quesaulieu où le Sophy combatoit, & le bleſlerent aſſez profondement:
PaulIoue dit que ce futd'vn coup d'harquebuſe dans l'eſpaule, mais com Et le bleſſenti - - -
lers ſont les gardes des Roys de Perſe, car ils ſe ſerueni de trois ſortes de # - |
. gens enleurs armées, lesTarcomans, qui ſont ceux qui ont des fiefs, & quiº .
doiuentvenir ſeruir le Prince quand illeur mande, à peu pres comme no- , , • * , |
· ſtreban &arriere-ban, les ſeconds ſont les Corixxi,'Coridſchi, ou Cord- : . | | : '
Kilers (car on leur donne tous ces nomîs ) qui ſont ſtipendiez , & ſont † - -
delagarde du Prince les troiſieſmes ſont les auxiliaires des Prouinces,à ſça- †º
uoirqui leurſont confederez, comme Artmenens,Georgians & autes. " -
| - - Pp
- . I.
| |
.-
: 4 , - - 0 -
•|
298 « , Continuation del'hiſtoire |
| |
|
# .-
.ſtat , comme le plusvaillant homme de ſon armée auoit eſté occis, à ſça
| | | os , uſine # Vſtazi-ogli, cela l'attriſta fort, & luy renouuelalereſſentiment de ſa
| |i | #
d'Vſtazi-ogli.
bleſſure, toutes-fois il ne laiſſoit pas encores de tenirferme, ſon haut cou
,
- -
º -
, | rage ne pouuant ſ'abaiſſer † quelque accident quiluy euſt peu arriuer .
|
| | ! · ſi que depuis l'heure qu'ils appellent Cuſlaci, enuiron les huictouneuf
|
a
•
heures, iuſques à celle qu'ils appellent Ikindi, à ſçauoir trois heures
, •
i
apres midy, ou vers le veſpre, il auoit touſiours tenuferme, ſans qu'on
peuſtremarquer quelesTurcs euſſent aucun auantage quileur peuſt don
| ) , nerl'honneur de la victoire. -
,l'. ,
*.
|
- Mais Selim qui ſans eſtre embarraſſé dans le combat, iugeoit des coups
† à couuert,ſe ſeruoitbien àpropos des fautes que faiſoient ſes ennemis, de
º
, ! - † ſorte que pour leur donner †ouuente entiere, & les mettre du tout en
º :
# -
|
| deſordre, il fittant tirer d'artillerie, & fairevne telle ſcopeterie, que les
.. .. hommes & les cheuaux Perſes, nonaccouſtumezàvnetelle harmonie(qui
· , †º * faute
Perſes, d'experience en telles affaires) leur faiſoit Pperdre vnebonne parti
aute d - partie -
;
| -
-
des meilleurs & plus courageux d'entre-eux, ils eommencerentà minuter :
| | leur retraicte, & Iſmaelmeſmes, qui pourſuiuy de pres, fut contraihct de
· ſeſauuer dans vnmareſt tout fangeux ;car voyant ſes forces extremement
#elſº#us
cn vn mareſt. diminuées, & de combien elles eſtoient ineſgales à celles des Turcs qu'il
- - N • • | º • - - - T " - - -*
| " voyoit croiſtre àveuë d'œil(carles Iennitzaires faiſoient lors feu & flâme,
| | -
, & s'eſtoientraſſemblez en vngrosbataillon quivenoit fondre contre luy:)
s ! !
iliugea que ſa reſiſtance ne ſeruiroit qu'à le faire perdre,ilſe retira auecques
-
-|
-
#
† ques trouppes,dont la meilleure partie demeura dans le mareſt pour
| - Et de là à Tau uiuie comme elle eſtoit, maisluy qui eſtoitmonté àl'aduantage, ſe retira
- 1 | is où il - - N • • V - - 2»
º - du troſne Royal, & comme ils furent paruenus à leur Horde ou place du
- - • - marché,
-
- -
||
·- -
-
,
-
des Turcs, Liuretroiſieſme. - 299
marché, ilsytrouuerent vne ſigrande quantité de beurres & de miel, que
l'œil, dit Epiphonemate (quia eſcrit cette hiſtoire) n'eſtoit pas capable de -
lespouuoir conſiderer; en outre toutes ſortes de prouiſions, de beſtiaux,
de chameaux, de mulets,d'armes, de cuiraſſes à la façon des Perſes, & vn
grandnombre de priſonniers, dont quelques-vns furent maſſacrez parles
Turcs,apres meſmesl'ardeur du combat,tant ya que durant la bataille, &
apres, il ſe fitvn tel maſſacre & deluge de toutes choſes, que l'Autheur ſus
allegué dit, qu'entre les iours les plus cruels, cettuy-cy reſſembloit le
iour du Iugement : c'eſt vne maniere de parler que les Turcs ont fami
liere, & de
d'horrible.
† ils vſent, quandils veulentrepreſenter quelque choſe
- -
toutes parts, or, argent & tout ce qu'ilyauoit de rare; le reſte fut laiſſé àl'a- #
bandon des ſoldats, où il y en auoit en telle abondance, qu'apres auoir †
chargé tout ce qu'ils quin'eſtoitpas
lefeuaudemeurant peurentſurleurspetit,
chariots, Selim ordonna
ne voulant qu'on
pas que cela miſt †t
retour-"
naſt enlapuiſſance de l'ennemy. Oryauoit-ilgrande quantité de femmes
qui auoient ſuiuy leurs maris à laguerre, & commeles ſoldats fuſſentve- Aduis du cae
nus demanderà leur Empereur, ce qui luyplaiſoit qu'on en fiſt, il fit ap-§
pellerle Caſſi-aſcherougrand Preuoſt, pour luy demander qu'on deuoit †.
faire des femmes des Perſes qu'ils tenoientlors captiues. Laloy Mahome-ºººº
tane, dit-il, ne permet point de les tenir, nypour ſeruantes ny pour eſcla
ues, & ce ſeroit encoresvn plus grand crime de lesfaire mourir. Selim ſur -
" 1
l' º - *l *,!
3OO Continuation del'hiſtoire
| | incontinentle chemin deTauris, que Ptolomée appelle Terua, ou plu
|
:
#i
| | |
|
|
|
. ſtoſtTeura, par tranſpoſition de lettres, & que Paul Ioue, non ſans gran
: - 4
deraiſon, penſe eſtre † ville que les Hebreux appellent Suſe: mais comme
| | ils commençoient à approcher de la ville,Selim ſe doutant bien que lesTe
' ! - Ruſe de Selim briſiens aduertis des grandes forces victorieuſes qu'ilamenoit quant& ſoy,
*
-
|
-
roit neceſſaire à ſon armée, & fiſſent en ſorte qu'ils n'euſſent faute de
: rien. -
»
LesTreuiſiens ayans entenduſon intention, & apres auoir appris par
| | |! | ceux quilesallerent trouuer, †
eſtoit auſſi curieux obſeruateur de ſapa
: role, qu'il eſtoitreligieux conſeruateur de ſa Religion; ſe fians à ce rapport
i
-
† ils penſerent qu'il eſtoit plus à propos pour eux de ne ſortir point de lavil
· 1 º
: º
..
:
. !
-
## le, & de ne ſe point retirer ailleurs , faiſans ſeulement de grandes prou
|
# |
·
i
:
| | |
-
|
| -ſions commeilleurauoit eſté commandé; & de faict Iſmaelen ſa retraicte
paſſant par Tauris,auoit conſeillé meſmes aux habitans, de ſe rendre à Se
- : • |
-
lim, & luy ouurir les portes ſans reſiſtance, de crainte que leur opiniaſtreté
, |i .
| : º| ' . fuſt cauſe de leur totale ruine : ſi bien que les plus notables habitans, & qui
-
• - i ! •!
1 | "
-
-
eſtoient les plus riches d'entre-eux,allerentaudeuant de luy, auecques of
• i · ·
·
; fres de toutes ſortes d'aſſiſtances, de ſecours & d'obeyſſances. Apres donc
+ ·
· qu'ils curcnt, à cette premiere rencontre qu'ils firent aſſez loing de la ville,
| | | | rendu des teſmoignages (ſelon la couſtume) de toutes ſortes de ſubmiſ
| | | | | | ſions, & s'eſtre reſiouys en apparence de ſon bon-heur & de la victoire
, - ! | ... " # slim veut qu'ilauoit obtenuë, comme ilsl'euſſentaccompagné aſſez pres de la ville,
· " † § auecques ſon armée en vnegrande plaine proche de Tauris, où
i , :
:
·
| 1
,
,
ººPºº lesTurcs dreſſerentleurs tentes & pauillons, & luy-meſmeylogea,faiſant
| , ! crier à ſon de trompe partout ſon camp, que nul ſurpeine delavie, n'euſtà
, |
|
faire aucun outrage auxTreuiſiens, & qu'ils ne leurs oſtaſſent pas de force
iuſques à vn ſeulgrain; que ſi quelqu'vn vouloitauoir quelque choſe qui
· · · · luy fuſt neceſſaire, qu'illuy eſtoit permis d'aller dans laville, & de l'ache
| la ... i :
, º , . i
ter, mais que rienne ſe printautrement : & que ſilesTreuiſiens alloient en
i ' . , leur camp, qu'ils peuſſent debiterleurs denrées en toute ſeureté, & s'ente
-
-
| ·
l - , l
i
-
|
tourner dans laville, ſçachantbien qu'ilauroit le tout quandilluy plairoit,
-
-
- | de ſorte que les Treuiſiens, par cette inuention, luy firent pluſieurs pre
# |
| |
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| | | || ſens, leurs permettantàtous les vns apres les autres, de luy aller baiſer la
1 ! " .
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des Turcs, Liure troiſieſme. 3OI
main, & quand le Vendredy futvenu, que les Mahometans ſolemniſent
toutes les ſepmaines, comme nous faiſons le ſainct Dimanche, Selim en-s .
uoya à Tauris
autres-fois faictreſtablir les en
conſtruire Temples & là,
cetteville Moſquées qu'Vſunchaſſan
& que depuis auoit †
le Sophy Iſmael § Pay
Illes fit doncques repurger & luſtreràla maniere des Muſulmans, pour
ſeruir de là enauant à leur ancien vſage, & au plus grand Temple que le
meſme Vſunchaſſanauoitfaictbaſtir, il commandaaux Mueſſins Hozza-†
lars Preſtres Mahometans, qui ont accouſtumé de monterau ſommet de §
certaines
d'yaller, &tours qui ſont
l'appeller à l'entrée
à haute des Moſquées, pourcóuoquer
voixàl'oraiſon.Iſmaelayant le peuple
abolytoutes †
ces leurs charges :
|
3o2 Continuation del'hiſtoire
colere luy reſpondit,que dis-tu doy-ie doncques prendre conſeil de mes
es,gºs eſclaues fais-tu lus de cas d'eux que demoy, & leurveux turendre obeiſ
|||
i Biscoºtrelºy. ſance, comme ſi mon authorité & la tienne deſpendoit de leur pouuoir?
-
eſt-ce † là la recompence de tant de dignitez & de penſions dont
ie t'ay rendubien-heureux iuſques icy? que doy-ie dire,iete prie, ou que
i -
- : doy-ie faire & ordonner de toy ? ayant dit celad'vne fureur toute extraor
· dinaire, illuy oſta ſur le champlacharge de ſon Vizirat, c'eſt à dire lachar
#
chaſtier auec ge de conſeillerd'eſtat, & commanda qu'on le chaſaſt auecques ignomi
i, § nie de ſa preſence, & enuoya apres luyvn fol, pour luy couperla croupiere
- -
##. ſtrevie envnextreme dangerpour toyº n'auons nous pas gaigné vne glo
rieuſevictoire ſurton ennemy ? que deſires-tu d'auantage de nous? pour
: quoy veux-tu que ſans profit nous demeurions ainſi vagabons dans cette
- terre eſtrangereº Ceſſe doncques maintenant d'abuſer de noſtre patience,
- & ne penſe point que nous voulions poſt-poſer nos fouiers à vn deſert
-
| ennemy, & nous faire paſſer icy l'hyuer par force, ayans dit ces choſes,
-
º
ilsrefuſerententierementd'obeyràlavolonté de Selim : de ſorte queluy
-
,
r voyant leur opiniaſtreté, & qu'il n'y auoit point de raiſon qui leur peuſt
| ! s ... perſuader d'hyuerner en ces quartiers là,ilfutcontrainct de deſloger mais
: º ! # deuant que de partir, il ſe fit fairevneſtat du reuenu de tous les habitans de
- ; -
§ Tauris, tant des pauures que des riches, & dit-on qu'il taxa chacun ſelon
||
:
-
i
#, ſes facultez,&ſefitapporter † ſomme de deniers enſon camp,com
lé les Tauri
, , richeſſes.
· · ,
-
meilnepouuoit autrement, laville eſtanttres-riche & marchande,&ou
, " - Et de la tre ce,ilenleuabien iuſques à trois mille ouuriers ou enuiron, des plus ex
' ! .. °º cellens en leurs meſtiers qui fuſſent alors à Tauris, pour les emmener à
: i. .
Conſtantinople,car toutes les belles inuentions,les mignardiſes & lesgen
: tilleſſes enviennent,lesTurcs ayans l'eſprit trop groſſier, & naturellement
maladroictaux choſes ſpirituelles : & auecques toutes ces deſpouïlles il
-
f
|.
,
- -
s'enalla deTauris, apresyauoirdemeuré dixiours, ſelon Paul Ioue,&ſe
|| s ... , lonles relations de Perſe de PierreTechere, ily fut quinze iours.Mais
| # * PaulIoueallegue vne raiſon de ce depart, qui n'eſt peut-eſtre pas hors de
| | | -
". ! " |
desTurcs, Liure troiſieſme. - 3o3 · · ·
debris de ſavictoire, & pluſieurs autres gens de cheual, Iberiens, Alba
niens & Parthes, qui s'envenoientletrouuer, & ſe ſouuenantcombien de
eine il luy auoit donné en cette derniere bataille, ilcraignoitvn ſecond
choc, & meſmes de peur de rencontrer les Iberiens,il print ſon chemin par ,
laregion Hobordene, & Baliſene, encores que ce fuſt ſon plus longche- # †
min, car il ne voulut † retourner vers Araxé, ne circuir le mont Pa- retour.
ryardé , d'autant qu'il auoit appris qu'ils tenoient ce chemin, ains s'en
· vint par Naxuuane , d'autant que la contrée eſtoit fort fertile, & cette
ville abondante en toutes ſortes de biens, & capable de nourrirvne grande
armée. - - - - | -
dit qu'ily demeura bien deux mille hommes † enoyerent dans le fleu- *
uº, & la plus part dubagage, & du chartoy del'artillerie eſtoient arreſtez v. ..
dans des gaizlimonneux,auecques ce que le fleuue tout plein de gouffres † §
leur oſta vne partie du bagage , pluſieurs autres choſes s'eſtoient auſſi §"
arreſtéesaux riues & aux gaiz, leſquelles onattiroit à bord auecques des
cordes ſans grand trauail. Celafut cauſe quetant les Iberiens que les Per- • '
ſes ceſſerent de plus chaſſer,ſe contentans de de quiauoit eſté delaiſſé: mais
cºqui rendoit Iſmaelle plus content, c'eſtoit pour ce qu'ilauoit pris quan-. Entre autre
tité d'artillerie, par laquclle il auoit receu tant de dommage, qu'elle luy"
auoit eſté cauſe dela perte de la bataille, touges-fois les annales Turques
nefont pointdemention de toute cette § desPerſes,queiene croi- *
foiss'pastoutes-fois eſloignées de laverité, elles diſent ſeulement que Se-†
lim - A7 - - tient Selim à
-
A | | | | - "
--
| · 3o4 : Continuation de l'hiſtoire
-|
1 - - fuſt que cela ſe fiſt. Les Vizirs & autresgrands de la porte, quiauoientveu
| | - | - - - · par † de Muſtapha,côbien il faiſoitdâgereux luy cótredire, eſtoient
engrande peine,car ſçachans côbien les ſoldats eſtoient recrus&laſſez d'vn
| |
| |
||
•
· ·
| | |
,
·
ſilongvoyage, & qu'ils ne cherchoient qu'à ſe raffreſchir, ſçauoient bien
.. qu'ils n'iroientiamais de bon cceur en cette § , contre des peuples en
l --
- . - - , ils luy dire leurs raiſons, ſi bien qu'ils ne ſçauoient comment ils ſe deuoient
# · | •
| -
-
-
conduire
entendu ceendeſſeing,
cette affairc, les ſeulsde
reſolurent Iennitzaires de leur
luy en parler, mouuement,
mais comme ils leayans
co
| , · f - gnoiſſoient homme maltraictable & entier en ſes opinions, ils penſerent
. - qu'il falloittaſcher de le gaigner par douceur, & d'yvenir auecques plus de
| - modeſtie qu'ils n'auoient eſté deuant Tauris. Ils luy diſoient doncques, Il
| | | | | 4
yatantoſt neufmois, Séigneur, que nous ſupportons les fatigues de cette
| i : # # guerre, & qu'auecquestres-grands labeurs nous auons oulé iuſques icy:
" · | | | § # | Nous auons combatu contre vn ennemy tres cruel & belliqueux, & en
§ ſommes retournez victorieux, mais ce n'a pas eſté ſansy perdre †
· · | - • de noſtre ſang, & ſansy ſouffrir toutes les ſortes d'incommoditez qui ſe
- · · peuuent imaginer, ſi bien que nos forces ſe ſontteliement diminuées, que
,
, nous n'auons pas le pouuoir de nous ſoubſtenir : les armes meſmes nous
· · · deffaillent, & les autres choſes neceſſaires pour cette guerre que tuveuxen
treprendre : nos veſtemens ſont tous vfez, & ſommes venus à telle pauure
' , 1 té, que nous ſommes contraincts de porter à nos pieds des Tzariques ( ce
· |! | - · ſont des chauſſures de payſans) d'autant qu'il nous faut perpetuellement
\
cheminer : c'eſt pourquoy nous te prions & coniurons, Seigneur, quetu
ne nous veilles point affliger parvne nouuelle guerre, &tlue voyant le mi
:
• ſerable eſtat de nos affaires, tune nous expoſes, deſia tous languiſſans, à
-
* - · la mercy duglaiue de nos ennemis, quine ſçachans pas noſtre debilitére
-
douteront de nous attaquer, mais ſi nous les reduiſons à la deſſenſiue, ils
-
-
º-
- | cognoiſtrontbien à nos deſpens,combien nos forces ſont impuiſſantes,en
•
-
1 -
-
danger meſmes qu'il y aille de ton honneur & deta reputation. Maistou
· · · - - tes ces raiſons & ces raiſonnables pleintes eurent bien peu de pouuoir ſur
| | | !|
|
| l'eſprit opiniaſtre de Selim,darencore qu'ils luy euſſent dicttoutesces cho
i
|
, ſes auecques le plus d'humilité qu'illeurfut poſſible, cela ne le fit qu'en
· durcir d'auantage., & rendre plus entier en ſareſolution, leur reſpondant
selimentieren º" ilne ſe pouuoit faire autrement, qu iln'allaſtattaquer les Gurtziniens,
†, & qu il n'entraſt en leur pays à guerre ouuerte. Pour cet effect, diſoit-il, ſi
L1OO 2U r - - - - - -
-
" - § les munitions
pourſuit ſon ſ ſi
vousbeſoin
manquent,
d'
ie donneray ordre
d
que vous en aurez
fi
à foi
I1C - - -
§" lon, fi vous auez beſoin d'armes ie vous en donneray, & en fin vous
| ·
:
. . manquerez de rien, de tout ce qui vous ſera neceſſaire. ·
| - . · Ayant dit cela, il donna chargeau Baſſa Capitzilar, ou chefdes portiers
| -
- & luycommanda de prendre auecques luy trois mille ſoldats, auſquclsil
-
' ! enioignit de faire vne † par les bourgs & villages de la Prouince
des Carandins, & ouurirle pas à l'armée, qû'illeur promit de faire ſuiure de
-
- 4 -
| -
- - fort pres.Cettuy-cyobeyſſant au commandement qui luy eſtoit faict en-
: - - - - CT4
-
l
- *
-
- |
des Turcs, Liuretroiſieſme. 3o5
tra dans cette contrée,où il fitvn fortgrandrauage & vngrandmaſſacre de . ſeigneurs
payſans , ce que les Seigneurs du pays ayans entendu, ils vindrent ſur leurs †
frontieresſe deffendre, où ils firent paroiſtre aux Turcs qu'ils ſçauoient #
bien remuer les mains : ſi bien que lesvns nyles autres ne s'en retournerent
pas fort contens du combat.Mais le Prince des Gurtziniens quivoyoit que .
ſans aucune ſienne faute, on le pourſuiuoit neantmoins commevn mortel -
enuoye vers
auoient voulu troubler le repos de ſon illuſtre couronne, qu'il ne penſoit ##º
point auoir euiamais aucune inimitié auecques ſa hauteſſe, ny celle de ſes
predeceſſeurs. Qu'iln'ignoroit pointlagrandeur de ſes forces,& combien
ſapuiſſance eſtoit redoutable, & encores maintenant plus queiamais, qu'il
le ſçauoit auoirvne fort puiſſante & victorieuſe armée, qu'il n'auoit donc- .
ques garde d'allerau deuant, ny de rien entreprendre auecques de ſi petites
trouppes que les ſiennes. Que cela eſtoit hors de doute que Selim eſtoit
vn tres-grand, tres-puiſſant & tres-heureux Empereur, & qu'il eſtoitbien .
difficileau Prince des Gurtziniens, ou autre de ſa qualité, de luy ofer & en
cores moins de luy pouuoirfaire du deſplaiſir; Et partantqu'il n'auoit qu'à #:
dire ce qu'il demandoit, ou ce qu'il vouloit eſtre faict, car auſſi-toſt qu'il
auroit commandé, ilſeroit incontinent obey.Telleeſtoit la reſolution du
Prince des Gurtziniens & de tout ſon peuple, d'executer les commande
mens deSultanSelim, & de luy complaire en toutes choſes, quandilsau
roientrecogneuſavolonté.Selim voyant l'humilité de ce Prince, & auec- - 1
fuſt arriué ſur les terres de ſon Empire, mais ce ne fut pas ſans que les ſol- .
dats ſouffriſſent beaucoup de peine & de difficultez, auecques vne grande -
Q_q |
- l,
§ & toute ſa Cour,la ville d'Amaſie, ville d'Armenie, & tout au commence.
: †"" ment duPrintemps, partantd'Amaſie ils'en allamettre le ſiege deuantKe,
|| mach
4
Prent Kemach leil enl'Armeniemineur,
iſit ſoubs ſ quieſtoit des appartenances d'Iſmael,laquel
-
tes choſes ſerontbien conſiderées, on trouuera qu'il y eut fort peu d'ad
uantage pourlesTurcs; car encores qu'ilsayent emporté la victoire enba
- taille† , ſieſt-ce que cela aduint pluſtoſt† laviolence del'artillerie,
9uelque, c5- de laquelle lesautres eſtoient deſgarnis, qu'à force de valeur, mais celane
†" les empeſcha pas de reſſentirtoutes les incommoditez, que peuuentſouf
cette guerre
frir ceux qui ſontvaincus, & m'aſſeure que le butin du camp des Perſes,&
· de Perſe.
-
l'impoſt que Sclim miſtſurlaville deTauris, ne pouuoient pas eſgalerles
grands frais qu'illuyconuint faire pourvn ſilong & penible voyage.Auſſi
i
comme vous auez peuvoir partoute cette hiſtoire, Selimy eſtoitpluspor.
---
- - té de paſſion que deiugement: mais ayant deſia vne grande puiſſance qu'il
| auoit preparée contre les Chreſtiés, il ſe voulut vanger duSophy quiauoit
#i: ·ce qui ani- retiréſoñ nepueu,auecques ce qu'on adiouſte vne autre particularité, c'eſt
-
--
Le perſe font cette guerre. Les relations de Perſe de Texiere, diſentauſſi que ce fut du
†" rantl'année de cette guerre, que les Caſſelbas firent ſhourir SultanAmu
rath, en Dierbek ou Meſopotamie, & en apporterent la teſte à Iſ
mael. . - * -
| Quelques-vns voulu dire auſſi ques elim fut vaincu, maisie perſe
Autre opinion OIlt
: ,
-
/
rent tout le butin qui eſtoit enleur camp, & ſe firent maiſtres des treſors
de Selim, & de toute ſon artillerie, lequelayant entendu tout cet eſclan-Les perſes ſ .
dre, & comme ilauoit ſes ennemis enqueue, rebrouſſachemin. Mais lors n†
ien maiſtres
cette caualerie des Perſes, quifeignoit de fuir deuant luy, tourna bride; ſi # #
•º
lº
bien que Selim attaqué de toutes parts, fiſt vne notable perte de ſesgens, #
& fut contrainctauecques ce quiluyreſtoit de ſe ſauuer # fuite, pourre
cucillir ſes trouppes diſperſées de toutes parts, &ayant paſſélariuiere de
romPre le pont equelilauoitfaict, de peur que les Perſesn'euſſentmoyen
dele ſuiure & del'endommager: mais il n'ya nulleapparence que cela ſoit
arriué de la ſorte, cartous ſont d'accord que Selim entra dansTauris, & y
ſeiourna,ce qu'iln'euſt ſceu faire ſi cette victoire eſtoitveritable : auſſi ne
lesannalesTurques,nyles memoires de Verantiann'enfont aucune men #
tion, ileſtvray que c'eſt Menauinquile dit, comme yayant eſté preſent.
Que ſi Iſmaela eu quelque aduantage ſurlesTurcs, ça eſtélors qu'ils ſere
tirerent, comme nousauons ditcy-deſſus, maisie ſuis touſiours bienayſe \
de ra porter ce que diſent les vns & les autres; carencores que bienſou- -
uºnt les Autheurs ſemblent ſe contredire, c'eſt bien ſouuent pour aduan
cerles actionslesvnes deuantlesautres,ioint que § iesTurcs
ont teuce qui a eſté à leur deſaduantage.
Selimlaiſſa doncques paſſer cet hyuer pour donner quelque relaſche à XIX.
ſesſoldatsharraſſez, mais auſſi-toſt que le Soleil commença à retourner ſur -
---
noſtre horiſon, luy à qui la froideur des glaces n'auoit ſceu refroidirl'ar
deur de ſon ambition, & encores moins le deſir de la vangeance, ſe reſolut
daller attaquer l'Aladulien, lequel non content de luy auoir manqué de Selim contr
ſecours lors qu'il paſſa en Armenie contre le Sophy, & de luy auoir refuſé †º
des munitions à ſon plus grand beſoing, il auoit encores faicteſpier ſes
trouPpes pres de l'Anti-taurus, car meſpriſant Selim pourvoir ſes ſoldats LesAladºlien,
cn ſimauuais equipage, ilauoitfaict cacher des plus courageux de ſes ſub-†
icctsaux montagnes, dans des retraictes, qui ne peuuent eſtre cogneuës mºntagnes.
que de ceux du pays, lesTurcs ſe trouuoient ſurpris à tous propos par ces
gººtteurs de chemins en de certains deſtroicts, principalement la nuict,
• Q_q ij
- . -
-
•!º
| -
- -
-
* , , ! - - © ,- *) | • -
l, , | - pelloit Vſtazel, qui auoit eſté occis, comme vous auez entendu, enlaba
| taille de Zalderane. -
·| · ·
|' !
- · ·
-
Selim diſſimu- ſtrouſſer; auſquels maux, Selim ny tout ſon conſeil, ny meſmc la valeur
iuſques en vn - -
-
-
, § lors cette iniure qui ne leur eſtoit que trop cogneuë iuſques envn autre
| -
temps; eſperant Selim que s'il pouuoit auoirvnpeu de temps pour raffreſ
chirſonarmée, qu'il entireroit la raiſon, à quoyil ne faillit point. Cartout
- au commencement du Printemps, il depeſcha Sinan Baſſa auecques des
,
-
forces ſuffiſantes pourauoir raiſon de ce Royteletapres qu'il eut pris com
me nous auons dit, la ville de Kemach ou Keman, qui eſtoit ſur les fron
tieres, & des appartenances du Roy de Perſe,& qu'ill'euſtiointe à ſon Em.
pire; en cetteville on print & emportatout ce quis'y trouua(deſchargeant
c tt de ainſi ſa colere ſurleshabitans de cette pauureville ) & tous les maſlesiuſ
| -
# ques à vn,furent paſſez parle fil de l'eſpée parle commandement de Selim,
le de Kcman- - - - Y - -
qu'ilauoit de toutes parts, fit tourner toutes ſes ruſes contre luy-meſme,
-•.--
4
| carſçachant la retraicte des ſiens, & comme ils eſtoient diuiſez, illes ſceut
-
- paſ « • Prendrº tellemét à ſonaduantage,les enuironnantde toutes parts,qu'ayans
" . §
dulien.
eſtétaillez
nan en pieces,leur&Prince
fit trancherlateſte, àtroismeſmey
autres filsdemeurapriſonnier, auquel Si
qu'ilauoit,leſquels tomberent
conqueſte de auſſi entre les mains desTurcs. Cela eſtantainſi heureuſement reuſſi,tou
" te la Prouince ſe renditincontinentàSinan, l'Aladulie deuenant de cette
-
façon
-
-
-
:
:
-
des Turcs, Liure troiſieſme. 3O9
façon vne Prouince Turque. Cetteguerre ayant eſté auſſi-toſt acheuée que
commencée
liens,le auecques
tout contre l'extermination
l'eſperance de toute
d'vn chacun & delaSelim
race des Princes Aladu- #º
meſmes,quines'at- sinus Ban
du
Turcs, encores que pour cette fois les trouppes de l'Europe euſſent enta- †º -
Q q iii
•, 31o Continuation del'hiſtoire
il Ces choſes entenduës par Selim, il fit deliurer ces priſonniers, & leurs
faiſant quelques preſens,&pluſieurs belles promeſſes,les renuoyaaucamp
de leurRoyauecqueslettresaddreſſantes à Saxouar-ogli, par leſquelles il
luy mandoit que le temps eſtoitvenu, s'il vouloit, de ſe vanger delamort
--
--
: deſonpere, & de paruenir au deſſus de ſes intentions, car outre ce qu'il
, s'acquerroit ſes bonnes graces, qu'il deuoit reputer pour le comble de ſa
felicité, ill'inueſtiroit encores du Royaume de l'Aladulie, pourueu qu'il
trouuaſtlesinuentions qu'ilpeuſt tirer raiſon de ſon ºnncmy. Les §
ayans communiqué cette menée à Sinan Baſſa, comme il leurauoit eſté
commandé, & faict diligence d'arriuer au camp des leurs, ils declarerent
- le toutàSaxouar-ogli, auquelil ne fallut pas beaucoup tirer l'oreille, car
ily eſtoit deſia tout diſpoſé, mais il auoit affaire àvn Prince fort deffiant,
& qui eſtoit touſiours en garde, ſi bien que recognoiſſant qu'auecques
beaucoup de difficulté pourroit-illuy faire tout ce qu'il deſiroit, il penſa
| | que le plus prompt moyen cſtoit de ſe retirer luy meſme auecques le plus
-
randnombre de caualerie qu'il pourroit versSelim, ce qu'il pourroit ay
† faire pour la grande authorité qu'ilauoit entre-eux, auſſile §
execution, & fitvne telle menée parmy toutel'armée de ſon Prince,ſoubs
l'eſperance des grandes promeſſes & recompences qu'illeurfit,auecquesle
§
auquel il les auoit laiſſez de ſortiriamais de cette guerre qu'auec
la ruine totale de leur pays, que tous les iours les Aladuliens venoient ſe
rendre au camp desTurcs. AE ce pauure Roy ſe voyantaccablé de tant
de malheurs, ne trouua pas plus prompt remede à ſa miſere que la fuite:
mais comme ilalloitfuyant de montagne en montagne, & ſe cachant dans
les creux les plus ſecrets, ſe voyant pourſuiuy par Sinan, & parSaxouar
r† ogli : finalement les ſiens † le trahirent, & allerent deſcouurir à ſes
-
-
#"º ennemis le lieu de ſaretraicte,leſquelsl'ayans prisvif,lemenerentàSelim,
-
, quil'ayantgardé quelques iours priſonnier, luy fiſttrancherlateſte,qu'il
-
4
commanda d'eſtre portée par tous les pays circonuoyſins de l'Aladulie, &
meſmcsiuſquesàVeniſe, comme ſiles Chreſtiens euſſent deu ſe reſiouyr
,r de ſes victoires; mais c'eſtoit pluſtoſt pourles retenir paiſibles voyanspro
. ſpererainſiſes affaires de toutes parts.Apreslaquelle victoireil reduiſitl'A
--
- ladulie en Prouince, de laquelle il fit trois Saniacats, & Saxouar oglipar
deſſus tous, comme illuy auoit promis, & toutes-fois Sinan Baſſa y de
meura tout le reſte del'eſté pour ordonner de la Prouince, c'eſt ainſi qu'on
: raconte la conqueſte de l'Aladulie, où ie trouue plus d'apparence qu'à ce
qu'en racontent les annales Turques, quifont la choſe trop facile pour
· vne Prouince de ſi difficile abord, & pour eſtre alors gouuernée par vn
Prince qui auoit lors les armes en la main, l'vn des fils duquel s'enfuit
en Egypte vers le Soudan, les trois autres paſſerent par la fureur du ci
- mctcrrc. -
--
&
desTurcs, Liure troiſieſme. 3II
& luy fairevoir enſon abſence quelques effets deſonaffection à ſon ſerui
ce, il ſe reſolut defairetous ſes efforts pour ſe rendre le maiſtre de quelques
dix-huict chaſteaux & places fortes que les Högres poſſedoient encore en %
ſa ProIIince,& leſquelles ſon predeceſſeur n'auoit peu dompter,leſquelles .
ayant reduites ſous la dominati6 desTurcs,ilentra parapresayſement auec I† onuſes en la
ſes trouppes
Socole dans la Hongrierauageâttoutes
, & Cotoroſme, lesfrontieres,
places fortes & d'importance & ioignit
qu'il printTeſna,
à ſon †º gr1e.
Saniacat, ordrefort remarquable entre les Turcs, que celuy quia quelque
gouuernement ſur les frontieres, puiſſe par ſavaleuraugmenterſa reputa
tion & ſon reuenu, & enfin parueniraux plus hautes dignitez, ce qui leur
eſt vn bien vifaiguillon pour les inciter aux actions les plus genereuſes. Bd ordre en
Cettuy-cypourſuiuant § fortune, ſe ſaiſitencores de pluſieurs au- "s lºTurss.
tres places & petits chaſteaux où les Hongres ſouloient hyuerner. Ce que
le Roy de Hongrie Vladiſlaus(qui regnoit pour lors)ne pouuât ſupporter,
amaſſa le plus de forces qu'il peut, deſquelles il donna la charge à Batori
Iſphan, † , c'eſt à dire, à Eſtienne fils de Batori, homme bel
liqueux, & quiauoitfaictdeſia pluſieurs fois preuue de ſavaleur, luy com
mandant de s'enaller caperaudeſſous de Semendrie,afin que tenant toutes
lesauenuës,ilprintapres ſon temps & l'occaſion de ſe §r de laville pour
cefaire ily fitapres conduire del'artillerie pourl'aſſieger, ſi bien qu'ils eu -
rent le temps defaire leurs retranchemens, & de commencer à battre les Le Hergre,
fortifications de laplace, auant quelesTurcs ſe fuſſent mis à bon eſcient †**
en deffence : car Aliſbeg, fils de Iachia Baſſa, quiauoit lorsleSaniacat, &
gouuernement de cette place, n'auoit pas donné ordre aſſez à temps à ſes -
W. - - - | | . - -
-
chemens & braqué leurartillerie, & par vne baterie continuelle auoient
Les efforts des - - - »
-
-
§ tellement §
les murailles & lesbouleuers de Semendrie, qu'ilsente
-
-,
#" noientlapriſe preſque pourtouteaſſeurée,ilsauoient enleurarméevneaſ
-
ſez belle infanterie pour lagarde de l'artillerie, quis'eſtoit remparée & re
tranchée d'vn bon & large foſſé, & le reſte de l'armée eſtoit diſpoſé en
|, -
· 1 Toutesfois
|,
--
des Turcs, Liure troiſieſme. . 313
· · Toutes-fois il n'y eut que le Saniac d'Iſuorneauecques ſes forces, & les
Ianaci, ce ſont des Ieunes hommes fort vaillans & courageux, que les †
Turcs nommentainſi de la ferocitéde leurs courages,auccqueslesgens de #
pied Valaches de la Prouince de Semendrie, qui ſe ioignirent enſemble,**
&qui vindrent † les Chreſtiens,lereſte demeurantarreſtez ſansre
muer les mains, faiſans ſeulementvoir de loingleurs trouppes aux Chre
ſtiens. Que ſi Alyſbeg euſt deſployé l'enſeigne , & ſonné la trompette
our vncombatgeneral, faiſant àl'inſtant de l'eſpouuente marcher toutes
ſes trouppes, ils euſſent ſans difficulté mis en route larmée Chreſtienne. †
Laquelle voyant que lesTurcs ſe diuiſoient, & que les vns venoient ſeule- §
ment au combat, & les autres faiſoient eſtat de ne bougerd'vne place, ils †
ſeraſſurerentvn peu, ſi qu'ils ordonnerent quelques-vns d'entre-eux pour
tenir teſteaux Turcs, ou pluſtoſtpour reſiſter & reprimer leurimpetuoſi- Bel ordre des
té, & cependant ayans emmené aueceux leurs chariots, ils ſe retirerent #º
dans leurs confins.Ce quileurreuſſitaſſezheureuſement; carfaiſans mar-§ .
cher leurs chariots les derniers, ils ſe mocquoientayſement de tous les ef-†"º
forts desTurcs, auecques leſquels ils neceſſerent d'eſcarmoucheriuſques
àcequ'ils fuſſent proches de Bellegrade. Entreles plusgenereux Turcs,vn Duel d'vn
Danudes Balys capitaine d'Azapes, & qui marchoit ſoubs l'enſeigne de r§ §
· Muſtapha Beg, cettuy-cyayantacquisvne grandereputation par tout le †
Royaume de la Boſſine, donne des eſperons à ſon cheual, & s'aduançant "sº
bienloingdeuantles autres, appelloit quelque Chreſtien qui vouluſt ſe
battre en duel contre luy, à condition que levainqueurtrancheroit lateſte
auvaincu ; ce qu'ayanteſtéaccepté parvn d'entre-eux, on le fit ſortir de la |
cloſture, & lors prenans du champautant qu'il eſtoit neceſſaire pour don
nercarriere àleurs cheuaux, qu'ils laiſſerent courir à toute bride, & met
tans la lance enl'arreſt, ils faillirent d'atteinte, mais ils ſe heurterent ſi fort i
-
eſté pris en cette expedition. Mais afin que Selim en euſt plus prompte
mentlesnouuelles pourl'oſterde la crainte en laquelle ileſtoit(carcecyne
Alyſbeg en- luy eſtoit pas de petite importance :) illuy cnuoyavn courier expres pour
† laſſeurer de cette victoire, & raconter de poinct en poinct comme toutes
# # choſes s'eſtoient paſſées, & que tout eſtoit paiſible & aſſeuré en ces con
nöcer les nou
uelles de ſa vi trées-là.Ces bonnes nouuelles furent receuës de Selim auecvne tres-gran
ctoire,
deioye,ce quifut cauſe qu'il donnavne robbe forthonorableau meſſager,
· · & l'ayant faict rembourcer de la deſpence qu'ilauoitfaictelelongdeſon
| | | | La recompen V9Yº8° » illuy donna encores outre ce trente mille aſpres , qui peuuentre
· · · · · # à uenir à quelque cinq cens eſcus couronne, & outre cel'office de Subaſſi,
ce couricr. - - " - - - - - -
i :
·
| comme ſi on diſoit Preuoſt de camp,ouiuge criminel, quelques-fois auſſi
--
| | comme vn commiſſaire des viures. -
| º
#
|
-
# de degaſt partoute la contrée, † eſtaux enuirons de la ville de Iaitze, me
| | | . ' tropolitaine du Royaume de la Boſſine, quiappartenoit encores pourlors
,.
au Roy de Hongrie, faiſant vn rauage & vne ruine nompareille partout
où il paſſoit, de champs, devignes, de iardinages, ne pardonnantpasaux
|
|
,
| . ::
| - § plus inanimées, & s'en retournant riche d'honneur & de deſ
pouïlles en la maiſon. •. -
---
| ,! auez ouys euſt preſchévne Croiſade, & que pluſieurs milliers d'hommes
# ſe fuſſent
auoit deſiaenroollez,Vladiſlaus
enuoyé vn Ambaſſade à Selim(qui
pourregnoit
pouuoirpour lors la
obtenir enpaix;
Hongrie)
mais
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| | | | | |
-
| | | *
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- - - - , • - · • - - :
des Turcs, Liuretroiſieſme. 315 | ·
ucrs du corps en vn pal debois,menaçans d'en faire de meſme àl'Archeueſ . i ' , •
rie ,, recueillie
grue
cettearmée de Zekians(ainſi les appelloit-on à cauſe de leur chef) miſe en # # ·! - · · , • *
rout e, & lameilleure partie taillée en pieces, ou priſe priſonniere,leur Roy *** · · · • . · · - º "
meſi12 e tombavifentre les mains duvainqueur, lequelon fit mourir d'vne
mort auſſi cruelle, qu'autre dont onaytiamais ouy parler, caronle cou- - • - ut
ronna d'vne couronne de ferardente,apres cela on luy coupales deux vei-. Leur
> - -
§ Royy Ppris - -
-
-
| -- . '
nesdes deux bras, que l'on fit ſuccer à ſon frere LucZeck, en outre on laiſ- - - ' .
ſa trente payſans trois iours entiers ſans manger choſe quelconque, afin - . · . ||
·
- †uecontraignirent
la violence de la faimles forceaſt de faire ce qu'on voudroit, leſquels
de ronger & deſchirer auecques les dents le ventre & les Son ſuplice
-
:
r • • •
5 l .
-
|
-
autres parties de ce pauure Roy (quieſtoit encores tout plein de vie ) & de cr &§.
-
-
-
l,
-
- - | |
|
x , ,
-
, º" .
n'auoit pris les armes & ne s'eſtoit portéàcette guerre qu'à ſa perſuaſion. . • -
Côme donc ſes membres euſſenteſté tous deſchirez, ilsl'euétrerent, & iet- . ' t.
4 - · · · ·
terent ſes entrailles, puisl'ayans mis par morceaux, ils enmirétvne partie à · · · ·
labroche, & le reſte dans des pots,& le firent mangerà ſes ſoldats,leſquels \ | | | | - ·
ayans eſtérepeus dvnſi ſanglat & barbarefeſtin,ils firent mourir auecques \ ' | , "!
Luc Zeck
uenter de pluſieurs ſortes
: cruautéàlaverité deſuplices,
inouye, les plus
& qui faict cruels cheueux
dreſſerles qu'ils peurentin- ete , deſ ,
à la ſeule ſºldats · · •
| ·
-
· ,
| |
| !
| | -
#
penſée, devoirl'homme ſiacharné contre ſa propre nature, & ſibarbare
ment cruel contre ſoy-meſme, quandilvſe vnefois du tranchant de larai |
| #
ſon, n'ayant peu paſſer cette hiſtoire ſoubs ſilence, veu meſmes qu'elle " | i
-1
·
, 1: .
· , ·
º Paſlà à Iconium ou Cogni, & que là ſe fit vne autre ſedition des len- | | | | | | |
nitzaires, que le CommentaireVerantian dit eſtre arriuéc à Amaſie. • i l | -
| :
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- - - - - - | | -
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*III '
l 4 ' piilent la mai rent) ayantveu meſmes que les Iennitzaires eſtoient allez en la maiſon de
-· § Pyrius Pyrrus Baſſa, qu'ilsauoientenuironnée, forcéeà cheual,
& pillée, ſelonVerantian,
-
i |
re : ne ſçauez-vous pasauecques quel audace, les Iennitzaires ont reſiſtéà
mes intentions : & que (non contens de m'auoir deſobey) ils memena-,
i cent de ſe ranger ſoubs vn autre chef, mais ces deux-cy firent en ſorte
- · qu'ayans deſcouuert les autheurs d'vn tel deſordre, ils rendirent la choſeſ
• , criminelle àtous les autres Iennitzaires, qu'ils allerent eux-meſmes querir
Les Icnnitzai
-
delité de ſon fils, mais comme il eſtoit Princefort cruel, & qui ne cher
| |
choitque les occaſions de reſpandre leſang,ils'imagina que le toutvenoit
parles menées d'Achmet Baſſa, ou pluſtoſtilfutbien ayſe de trouuercette
couuerture pours'en deffaire auecques quelque apparence de iuſtice : caril
selim fia ſe ſouuenoit combien on auoit trouué mauuais qu'il euſt faictmourir les
#a Baſſats
Vizir.
Chendeme & Muſtapha.
Cet Achmet cy eſtoit Epirote, de la famille des Ducagins, de laquelle
ila eſté parlé en la vie de Mahomct ſecond, il eſtoit alors grand Vizir la
ſouueraine dignité apresl'Empereur, quin'atoutes-fois aucungouuernc
ment, mais ne bouge de Conſtantinople (comme celuy qui doit manier
& conduire le timon de ce grand Empire) ſi ce n'eſt que l'Empereuraille
ailleurs, ou qu'il veuille luy-meſme ſe trouuer enſes armées, carilſuit touſ
iours la Cour; quelques-vns ont dit qu'il le fiſt mourir pourſes concuſſi6s,
-
-
- - ſe
-
---
-:
( - , • - |
que Selimmit
res, en auant
ſe ſouuenant qu'ilauoit
peut-eſtre de ce eſté
qu'ilcauſe de ce murmure
auoitfaict autres-foisdespourluy,
Iennitzai-
& cauſe de ſa II}OIU . · · · · · ,!
-
moyen de ſon fils, & que pour cetteraiſonille fit mourir: Ce que Leon- |' | |. ".
-
zi-zaden, c'eſtàdire de la famille des Tatzis, que nous dirions en noſtre " : : · |
· cher, & c'eſt ce qui m'a faict dire cy-deſſus, que ie ne pouuois croire qu'il |
1
- euſt eſté trouuer Selim, car il n'auoit pastant de familiarité pour ce faire,
- ioinct quel'Empereur ſe deffioit de luy,le quatrieſme fut Balgemezes,c'eſt
à dire quine mange point de miel, cettuy-cyauoit la charge de Senuen ou
Segnan Baſſa, comme ſion diſoit celuy quiala ſuperintendance ſurtoutes
lesbeſtes devoiture, & ſurtous ceux qui les conduiſent, il en fit encores -
· mourir quelques autres, mais nous dirons chacun enleur lieu, tout cecy \ - | : |
- cſtant arrriuéen cette année 1514. · · |. - '. - -
trop reſpandu de ſang pour s'en glorifier, & les meſaiſes & les neceſſitez§ t #
queles ſoldats auoient ſouffertes par le chemin,faiſoient qu'ils employoiét †"
- pluſtoſtle temps à ſe pleindre qu'à conter leurvaillance&leurs beaux faits; -
ſibien que ce n'eſtoit qu'vn peu de vent quileur faiſoit dire qu'ils auoient 7 | | | | | |
battu les Perſes, mais le reſſentiment de leurs douleurs leur faiſoit croire # - | | | | -
-
•
†slettresaddreſſantes
Selim dauantage, & luy firent enuoyer par tout des cou-"
riersau à tous gouuernèurs, de Prouinces, For-
-
| · ·, ·
|
|
· -
|
|
|
|
| |
v
4 | Z
* ,
- - - R r iij - | | | |
|
|
| |
| |
| |
| l
318 | | Continuation del'hiſtoire
de cette guerre, pour de certaines grandes conſiderations, & quant aux
| #it 1i, autres plus noblesAccangis quivindrent pour cette expedition,ilendon
·
| nala conduite à Chaſſanbeg fils de Omarbeg, eſleuant Ionuſe qui eſtoit
-º
|
|$ -
- †
du Sophy, tandis qu'il feroit plusgrande aſſemblée, &s'eniroit
# luy-m eſme leurſeruir de conducteur, afin qu'ils combatiſſent doreſnauant
:
-
§ non ſeulementſoubs ſes auſpices, mais auſſi ſoubs ſa conduite, nes'envou
i| *** lant pas fier envngeneral,faiſantvngrandiſſime appareil de toutes choſes,
-
| entre les autres, d'autant qu'ilſcauoit qu'il ne pouuoit apporter d'auanta
ge de terreurà ſon ennemy que par la ſcopeterie, outre le nombre ordinai
re qu'il ſouloitauoir d'harquebuſiers,ilenleua encores quatre mille ou en
roriiie ſonºr uiron, qu'il faiſoit touslesiours luy-meſme exercer pour leur donnerda
mée d'harque- - » . • -\ - / . ſ" • V
-:
†" uantage de courage & d'experience. Or toute cette aſſemblée ſe faiſoit à
Andrinople, commeilviddoncques tout ſon equipage en bon ordre, il
amenatoute ſonarmée à Conſtantinople, oùilne fit pas long ſeiour qu'il
ne paſſaſtincontinentapres à Scutari, † deſtroict du Boſphore § S'en
aller en Aſie, où il ne fut pas pluſtoſt arriué, qu'vne grande multitude de
gens de guerre ne le vinttrouuer de toutes parts, qu'ilioignitauec celles
qu'ilauoit amenées quant & luy:Mais deuant que partirvoicy l'ordre qu'il
donna enl'Europe. . - - · :
-:
§† - qu'ayans diligemment eſpié toutes choſes ils n'auoient ceu rien appren-,
2
§its àl'enuy lesvns des autres, ſans rien conclure de ce pourquoyils eſtoiét \ ·
entre deux, outre celle qu'il luy auoit fallu faire pour ſon armée de mer
qu il remitſus fortſuperbe, & equipée de tout ce qu'ily eſtoit de beſoing,
car iln'auoit pas de petis deſſeings contre les Chreſtiens, ſi DIE v luy euſt
|
| Prolongéſesiours, & ſelon quel'eſtat des affaires de la Chreſtienté eſtoit
Pºurlors, ilyauoitgrandeapparence ques'il euſt faict fondre toutes ſes
forces làcontre l'Italie, † donné de grandes affaires aux Princes
9hreſtiens,tous diuiſez & en guerre comme ils eſtoientles vns contre les -
*ºs : mais la miſericorde diuine deſtournaſurles Perſes & ſur les Egyp- | º •
de Peu d'effect, mais en ces deux guerres, de Perſe & d'Egypte, ils ren
-
- . •
| •.
| ---
· · xxIII. Selimayant donnél'ordre que nous venons de dire en ſes affaires, &
- paſſé qu'ilfut en Aſie, il print ſon chemin par les frontieres de l'Aladulie,
où il futaduerty que Campſon Gauri, Sultan du Caire, † commandoit
Les Egyptiens
# lors en Egypte & en Surie, & les Circaſſes, qu'on appelle vulgairement
† Mammelus, ayans eſté aduertis des grandes forces que lesTurcs faiſoient
qméedesTurcs. 8o - - -
-
que de la Iudée & Surie, & s'envindrent à Alep, ville de Surie qui eſtoit
lors de leur domination. - • "
- Orie trouue icyvne grande contrarieté entre les Hiſtoriens, car Paul
, · cºntrariº Ioueveut que Selimayant à la teſte de dompter le †
, & voulant deſu
cntre les.Au
thcurs. nir ces deuxgrands Princes,le Perſe & l'Egyptien, afin d'enauoir meilleu
- - reraiſon ſeparement, commeilentenditlesgrandsappreſts de Campſon,
-
- qu'ils'arreſta à Agogna, depeur que cet ennemy ſivoyſinne luy donnaſtà
-:
| | · dos, parle montAman, & qu'iln'entraſtenAſie, deſnuée en cet endroict
|
• de deffence, s'il paſſoit outre versl'Euphrates (car les Mammelus ſe van
toient de donner dans laCilicie,ſi IſmaelSophyleurallié eſtoitaſſaillypar
· les armes des Turcs) enuoyant cependant en Ambaſſade vers Campſon
4
Ambaſſade de
entre autresTachisſon Cadileſcher, † le meſme Autheur dit auoireſ
ila tousleus traduicts en Italien.Le
Selim deuers crit quelques liures de cette guerre, qu
| - | ºrº ſommaire de leur charge eſtoit qu'ils ſuppliaſſentle plus humblementqu'il
leur ſeroit poſſible le SultanCampſon,à ce qu'il ſe vouluſt deporter de cet
teguerre, & luy laiſſer prendre lavangeance d'Iſmael quiauoit apporté de
| • telles & ſigrandes calamitez partoute l'Aſie,enintroduiſant de nouuelles
Poinctsdeprin
cipaux ce
-
† ſuperſtitions , deprauant & corrompant les textes ſaincts de la loy Maho
- ' metane, faiſant que cette loy quiauoit eſté en ſi grand honneur par tant
- de nations, ſeruoit maintenant de riſée pour la multitude des opinions
- " qu'on rencontroitaux ordonnances meſmes du Legiſlateur. Que ſi Cam
| | pſon perſiſtoit & ne pouuoitcſtreattiré de ſon party par nulles conſidera
.
;
tions, qu'ils † & recogneuſſent fortparticulierement les deſſeins
- · & les forces d'iceluy, & qu'ils retournaſſentversluy le plus Promptement
qu'ils
|
'i ! ' !
|
-
'•
Mais les annales Turques rapportent cecy tdut autrement, car elles di
ſent queSelim eſtantparty des confins del'Aladulie,s'enalla droictàAlep, Autre narrati5
& qu'aupartir d'Alep, il alla ſur les frontieres de Damas, qu'ils appellent ſtoire
de cette Hi
ſelon lcs
maintenantSchain, diſans qu'ellea eſté appellée ainſi, cóme ſion vouloit Turcs.
annales des
dire vnſac,à cauſe que c'eſt le lieu où Cain tua ſon frere Abel. Or le Sultan
Campſonayant entendu, non ſeulement les grands † eparatifs de Selim,
mais encore qu'ilfaiſoit marcherſes trouppes contieluy, qu'illuy enuoya
des Ambaſſadeurs pour luy remonſtrer qu'il y auoit touſiours euvne al
liance fort conſtante entre les Sultans Cairins & O thomans,que cette paix .
auoit eſté fort longuement gardée ſans eſtre troublée † aucune iniure
qu'ils ſe fuſſent faicte lesvnsauxautres qui euſt eſté cauſe d'en engendrer Ambaſſade de
vne inimitié, que ce que ſon predeceſſeurauoit faict, n'auoit eſté qu'en ſe Selim.
Campſon à
|
---
«
322 Continuation del'hiſtoire
:
-·--
· les Oſmanides & les Egyptiens. Qu'illuy ſembloit donc bien plus à pro
pos,s'ille trouuoit bon, que parvnenouuelle paction ils s'alliaſſent plus
eſtroictement entre-eux, que de rompre lancienne ſur de fauſſes impreſ
ſions. -
-
l'alliance qu'ilsauoient faicteaueele Sophy. -
| | Toutes ces choſes dis-ie, les firent venir en Alep, auecques le plus de
Ce qui fit pri forces qu'ilspeurent pour lors amaſſer, ce que ſçachant Selim, tournatou
- qui t prin
† tes ſes armes contre-eux, yvoyant peut-eſtre vn bel aduantage, ceux-cy
à†
Selim, côuer eſtans ſurpris. I'adiouſte que ce luy eſtoit vne plus belle commodité de
§ combatre cnla Sürie, que d'aller courir enla Perſe parmy des deſerts; car
mes contre les . " • 2 » T V
| x25 , 'Eſt vne tres-ancienne couſtume que les Sultans Califès tiennent lieu de Campſon
Reſponce de
à Se
| Princes en la Religion, & comme tels qu'ils s'efforcent d'entretenir la paix lim.
entre les Roys & peuples Mahometans, celam'afaiét venir armé en ma
| Prouince de Syriepour teleperſuader, mais ſi tu continues cetteguerre auecques opi
niaſtreté, & que tu veuilles attaquer Iſmaelquinous eſt eſtroittement allié, ſçaches
que nous vſerons dupouuoir de noſtre dignité, qui veut que nous ne ſouffrionspoint
que parlinſolenteambition d'vn ſeul homme, les choſes diuines & humaines ſoient
ainſimeſlées en confuſion : Ilya deſia longtemps que ie conſidere ton eſprit, combien il
eſt vain,cruel & turbulent, apres auoirmis à mort tontres-bonpere, tesfreresd'vne
ſiexcellentevertu,ſeptdetes nepueux, ieunes Princes deſigrande eſperance,auecques
tant deſages & vaillants capitainesque tu as faiétinhumainement maſſacrer,nemet
tantaucunes bornes à ton audace & cruauté.Enfin nous deſirons que tu ſçaches que
|
voicylaſeule condition depaix que nous voulons auoir auecques toy, c'eſt que tu t'ab
ſtiennes des Prouinces d'Iſmael, & que turendes le Royaume que tu as vſurpéaufils
du Prince Aladulien, quiatouſîours eſtéennoſtreprotection & ſauuegarde. Queſitu
lefais, outre ce † tut acquerras noſtregrace & bien-veillance, qut ne te ſerapas peu !
- 2 - • -
rapporté des Annales, & nepuis me perſuader que le Sultan du Caire ait .
· entrepris d'eſcrire auecquestant d'inſolence àvn ſi puiſſant Monarque,car
| -i
#,
-
-
iln'ya gueres d'apparence d'aller preſcher les loix à ceux qui ont les armes
, à la main, auſſieſt-il vray qu'en quelque façon que cette affaire ſe ſoit paſ
| ſée (que i'ay voulu rapporter au longpourle contentement du Lecteur)
-
* Selim fit ſi peu de cas desarmées, ny des menaces des Egyptiens, qu'au lieu
- Ruſe desslim qu'ilauoit intention de s'acheminercontre les Perſes, il marcha contre les
f! | †. Égyptiens,toutesfois ilfeignitaucomencement de continuer ſon chemin
| | | † contreles Perſes,enuoyantdeuantſonbagage,& partie de ſes gés,afin que
§ ſur cette apparence le bruit en couruſtiuſqu'au camp de Campſon,& que
· cela fuſt cauſe de le faire moins tenir ſur ſes gardes. En tournant donc †
- chemin ſur la main droicte,il ſe reſolut de paſſer luy & ſon armée par deſſus
--
le mótTaurus,afin qu'entrât parlà dans la Comagene,il peuſt ſurprédre ſes
, ennemis au deſpourueu. Pour ce faire il encouragea toute ſon armée, &
† # principalement les Iennitzaires, auſquels il repreſentoit que les E gyptiens
† enyurez des delices que charrie ordinairemét quant & ſoyvne l6gue paix,
#º gº n'eſtoient
•-- deſormais plus
tous ceux qu'ilsauoient
confits ouydire du
envoluptezauoient temps de
tellement Caitbey,
oublié ceux-cy
leur ancienne
diſcipline, que les Mammelus ne vouloient rendre obeyſſance à perſon
4 |
ne, ſe reuoltans àtous propos contre leurſouuerain, que ce n'eſtoit point
icyles deſerts d'Armenie, ny les ſoldats de Perſe contre qui ils auroient à
14 combatre,gens de fer & d'acier, auſſi difficiles à vaincre au combat qu'à la
fuite, mais que ceux cytous eneruez de voluptez, ſi toſt † verroient
vne ſipuiſſante armée dans leur pays,penſeroient pluſtoſt à la retraicte qu'à
la reſiſtance. Qu'à la verité illes euſt bien conduits par vn chemin plus
doux & plus facile, mais commeilleur euſteſté plus ayſé, auſſi leur euſt-il
rſtémoinsſeur, que l'ennemy croyoit qu'ils pourſuiuoient leur chemin
dans la Perſe, cela eſtoit cauſe qu'ilne ſetenoit point ſur ſesgardes, & qu'il
pourroit eſtre ayſement ſurpris, s'ils vouloientauoir vn peu de Peine pour
-- quelques iours, mais qu'en recompence la victoire leur ſeroit toute aſſeu
-º
rée, qu'ilfalloitfaire diligence, car en cela ſeulement conſiſtoit tout leur
: aduantage, de crainte quel'ennemy,qui auoitvne armée toute preſte, deſ
couurant leur deſſeing,nevint leur empeſcher la deſcente de ces monta
gnes, & perdiſſentainſi par laſcheté ce qu'ils auoient acquis auecques vn
† de trauail, qui leur ſeroit encores de peu de durée. Que §
, lagerilauoit faict recognoiſtre trois routes par des gens de montagne, &
ſou
•| |
* | tº ·
- des Turcs, Liuretroiſieſme. 325
paules des ſoldats, iuſquesau ſommet des montagnes, ne demeurans que
cinqiours ence labeur.Aubout deſquels ils arriucrentau plus haut de ce
mont, auqueleſtansarriuez, Selim leur fit voir par tout au long & aular
ge detres-opulentes Prouinces quileur eſtoient expoſées en proye parcet
teguerre,leur diſant qu'ils ne montoient pas ſeulement alors ſurles murail. -
les de laSurie, mais ſur celles meſmes de la ville du Caire, que d'oreſnauant · •
tout leur ſeroitayſé, que le tout ne conſiſtoit qu'en vne bataille ou deux,
leſquelles gaignées, tout ce grandEmpire flechiroit ſoubs leur domina- | -
tion, ce qui encouragea tellement toute cette armée, qu'ils ne firent plus .
que courir depuis ce mont Aman, ainſi s'appelle cet endroit du mont de
Taur, lequel eſt aſſis preſque au milieu d'entre l'Euphrate, qui tranche
les monts de Taur, & d'entre le golphe Iſſie, auiourd'huy Aiazzo.
Saxouar-ogli fut celuy qui fit le rauage partoute la contrée qui eſt au
pieddumont Aman & deTaurus(cettuy-cyauoit trahyl'Aladulien,com »
me nous auons dit cy-deſſus) où il ſceut parles priſonniers qu'il print, en
quelle part Campſons'eſtoit retiré † ſon armée, mais de peur que Lºrrarat
le bruitdel'arriuée de larmée des Turcs luy en fuſt portée,il mit desgensà †
touteslesaduenuës des paſſages, ſi bien que Campſon Gauri, à ſçauoir le § iaco
Sultan du Caire, ne ſceut point que ſes ennemis euſſent paſſé les ſommets "
dumontTaurus, qu'onluyvint dire qu'ils eſtoient à deux iournées deluy
auecques cent mille combatans, ſelon quelques-vns,les autres veulent da
uantage. Or † grand cœur qu'euſſentles Mammelus, & †
euſ- .
ſent aſſez faictfanfarerauparauantleurs vanitezaumeſpris & deſauantage peu . #º
desTurcs,ſicommencerent-ils à s'eſtonner: Campſon entreautres,de qui †"
lavieilleſſe refroidie luyauoitfaict perdre & emouſſé cette pointe de com- - -
ſi penible pour laborder plus portement, & voyoit bien que ceux qui
auoient bien oſé, non ſeulement combatre les difficultez de la nature, mais
quiles auoient ſurmontées, ne tarderoient guere àl'attaquer, & à venir
aux mains contre luy, quin'auoit pas alors beaucoup de forces, lameilleu
re'partie de ſesgens eſtans encores diſperſez parla Iudée & parla Surie. Il
regrettoit les fautes qu'ilauoitfaictes, l'vne de s'eſtre ſi toſt declaré qu'il -
- , S f iij
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