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NOTATIONS SUR L’ÉCRITURE CRÉATIVE ET LA TRADUCTION COMME

CRÉATION
On commence avec les mots d’une enseignante nord-américaine, Louise Rosenblatt vers
1939. Elle dit:

“Nuestra sociedad no sólo tiene que hacer posible la creación de grandes obras de
arte; también tiene que hacer posible el desarrollo de personalidades suficientemente
sensibles, racionales y humanitarias para ser capaces de llevar a cabo experiencias
literarias creativas. En pos de tales ideales la enseñanza de la literatura puede llegar
a ser una función digna de la naturaleza humana de la misma literatura. Las
experiencias literarias serán, entonces, una poderosa fuerza para el desarrollo de
individuos con mente crítica, emocionalmente liberados, que posean la energía y la
voluntad de crear una forma de vida más feliz para ellos y para los demás.” (Louise
Rosenblatt, La literatura como exploración, 2002, p. 296).
Le cours intitulé Literatura, Lenguaje y Creatividad est orienté vers cet idéal, on se
propose l’expérience de l’Atelier d’Écrivains dans la Salle de Classe avec la finalité de
prendre la parole, de nous exprimer; mais surtout de réfléchir profondément, mettant en
pratique nos savoirs sensibles à la création de :

Narrations ou drames courts

Écriture collective de scénarios

Écriture à partir d’illustrations

Confection d’une œuvre poétique en vingt (20) pièces:

offrant dix (10) poèmes en espagnol, dix (10) poèmes en français, dont cinq (5) offrent
la version bilingue.

À la question de la place de la langue maternelle en classe de langue étrangère, on


répond. En premier lieu, car, on écoute Emile Cioran, le philosophe roumain, dire:

“El francés: idioma ideal para traducir delicadamente sentimientos equívocos” (p. 197).
Il ajoute:

En una lengua prestada se es consciente de las palabras, las cuales existen no dentro
sino fuera de uno mismo. Esa separación entre nosotros y nuestro medio de
expresión explica por qué es difícil, por no decir imposible, ser poeta en una lengua
que no sea la propia. ¿Cómo extraer una sustancia de palabras que no están
enraizadas en nosotros? El extranjero vive en la superficie del verbo, no puede, en
una lengua aprendida tardíamente, traducir esa agonía subterránea de la que emana
la poesía. (Emile Ciorán, Ese Maldito Yo, 2004, pp. 198-199).
Et encore:

He conocido a escritores obtusos e incluso tontos. Por el contrario, los traductores


con los que he tratado eran más inteligentes e interesantes que los autores a quienes
traducían. Es lógico: se necesita más reflexión para traducir que para “crear” (ibid.,
p. 53).
Y en esta misma línea de ideas, Jorge Larrosa, docente e investigador catalán, nos dice:

La traducción es una operación con la multiplicidad, la creatividad, la relatividad y


la contingencia del sentido. Después de Babel, las lenguas tienden a una diversidad
infinita y la traducción misma es un medio para ese movimiento de pluralización. En
relación a ese movimiento, los aparatos de producción y de transmisión del
conocimiento (los aparatos pedagógicos) han intentado casi siempre forzar una
tendencia correctiva. Su apuesta ha sido por la homogeneidad y la estabilidad. Y las
nociones de universalidad, de consenso o de verdad han sido los instrumentos de esa
homogeneización y estabilización del sentido. Los aparatos pedagógicos han estado
casi siempre comprometidos con el control del sentido, es decir, con la construcción
y la vigilancia de los límites entre lo decible y lo indecible, entre la razón y el
delirio, entre la realidad y la apariencia, entre la verdad y el error. Y en este
momento en que la principal amenaza es la homogeneización, quizá sea tiempo de
dejar de insistir en la verdad de las cosas y comenzar a crear las condiciones para la
pluralidad del sentido. El papel del profesor, me parece, es hacer que la pluralidad
sea posible. Y eso es dar un sentido de la contingencia, de la relatividad y, en
definitiva, de la libertad. (Jorge Larrosa, La experiencia de la lectura, 2003, p. 52)
Sí.

La libertad de poder expresar un discurso abierto a la prosa, a los versos y a las diversas
formas de creación: haikus, caligramas, discursos epistolares, Slam Graffiti o lo que sea.

NOTATIONS SUR L’IMAGE POÉTIQUE

I. Nous allons parler et de la poétique elle-même et de ses espèces; dire quel est le rôle de
chacune d'elles et comment on doit constituer les fables (01) pour que la poésie soit bonne; puis
quel est le nombre, quelle est la nature des parties qui la composent: nous traiterons
pareillement des autres questions qui se rattachent au même art, et cela, en commençant d'abord
par les premières dans l'ordre naturel.
II. L'épopée (02), 1a poésie tragique, la comédie, la poésie dithyrambique, l'aulétique, la
citharistique, en majeure partie se trouvent être toutes, au résumé, des imitations. Seulement,
elles diffèrent entre elles par trois points. Leurs éléments d'imitation sont autres; autres les
objets imités, autres enfin les procédés et la manière dont on imite. En effet, de même que
certains imitent beaucoup de choses avec des couleurs et des gestes, les uns au moyen de l'art,
d'autres par habitude, d'autres encore avec l'aide de la nature (seule) (03), de même, parmi les
arts précités, tous produisent l'imitation au moyen du rythme, du langage et de l'harmonie (04),
employés séparément ou mélangés.
III. Ainsi l'harmonie et le rythme sont mis seuls en usage dans l'aulétique, la citharistique et
dans les autres arts qui ont un rôle analogue, tel que celui de la syrinx (05).
IV. Le rythme est l'unique élément d'imitation dans l'art des danseurs, abstraction faute de
l'harmonie. En effet, c'est par des rythmes figurés (06) qu'ils imitent les moeurs, les passions et
les actions.
V. L'épopée n'emploie que le langage pur et simple (07), ou les mètres, soit qu'elle mélange
ceux-ci entre eux, ou qu'elle ne vienne à mettre en usage qu'un seul genre de métro, comme on
l'a fait jusqu'à présent.
VI. Nous ne pourrions en effet donner une (autre) dénomination commune aux mimes de
Sophron, à ceux de Xénarque (08), et aux discours socratiques, pas plus qu'aux oeuvres
d'imitation composes en trimètres, en vers élégiaques, ou en d'autres mètres analogues, à moins
que, reliant la composition au mètre employé, l'on n'appelle les auteurs poètes élégiaques ou
poètes épiques et qu'on ne leur donne ainsi la qualification de poètes, non pas d'après le genre
d'imitation qu'ils traitent, mais, indistinctement, en raison du mètre (qu'ils adoptent). Il est vrai
que les auteurs qui exposent en vers quelque point de médecine ou de physique reçoivent
d'ordinaire cette qualification; mais, entre Homère et Empédocle, il n'y a de commun que
l'emploi du mètre. Aussi est-il juste d'appeler le premier un poète et le second un physicien,
plutôt qu'un poète. Supposé, semblablement, qu'un auteur fasse une oeuvre d'imitation en
mélangeant divers mètres, comme Chérémon dans le Centaure (09), rapsodie où sont confondus
des mètres de toute sorte, il ne faudrait pas moins lui donner le nom de poète. Telles sont les
distinctions à établir en ces matières.
VII. II y a des genres de poésie qui emploient tous les éléments nommés plus haut, savoir: le
rythme, le chant et le mètre; ce sont la poésie dithyrambique, celle des nomes (10), la tragédie
et la comédie. Ces genres diffèrent en ce que les uns emploient ces trois choses à la fois, et les
autres quelqu'une d'entre elles séparément.
VIII. Voilà pour les différences qui existent entre les arts, quant à la pratique de l'imitation.

“Una simple imagen no deja de tener una gran resonancia psíquica” (Gastón Bachelard,
1957, La poética del Espacio, p. 9).

“Las resonancias se dispersan sobre los diferentes planos de nuestra vida en el


mundo, la repercusión nos llama a una profundización de nuestra propia existencia.
En la resonancia oímos el poema, en la repercusión lo hablamos, es nuestro. (ibid.,
p. 14).
“La poesía es un alma inaugurando una forma” (De Pierre-Jean Jouve, Miroir,
Mercure de France. Citado por Bachelard, 1957, p. 11).
Todo lector un poco apasionado por la lectura, alienta y reprime, leyendo, un deseo
de ser escritor. Cuando la página leída es demasiado bella la modestia reprime ese
deseo” (Bachelard, op. cit., p. 17-18).
Antaño, las artes poéticas codificaban las licencias. Pero la poesía contemporánea ha
puesto la libertad en el cuerpo mismo del lenguaje. La poesía aparece entonces como
un fenómeno de la libertad (p. 19).
El verbo: único devenir de expresión (p. 20).

Y si hubiera que crear una “escuela” de fenomenologías es sin duda en el fenómeno


poético donde se encontrarán las lecciones más claras y elementales (p. 20).
El poema permanece libre, no encerraremos jamás su destino en el nuestro. (Andrée
Chédid, citada por Bachelard, 1957, p. 22).
El artista no crea como vive, vive como crea (Jean Lescure, citado por Bachelard,
1957, p. 25).
“L’homme n’existe que poétiquement” (Antonin Artaud).

L’ARS POÉTIQUE
DANS El CUADERNO DE BLAS COLL D’EUGENIO MONTEJO
Résultat d’une expérience de lecture que nous avons fait dans le cours d’Introduction à
la Linguistique.
D’une part, on a tenté d’étudier des concepts et des particularités concernant la
linguistique et des disciplines connexes ; cela, à l’aide des 100 Fiches pour Comprendre la
Linguistique de Gilles Siouffi, livre que nous a bien servi.
Mais, Eugenio Montejo, avec son personnage, le vieux typographe nommé Blas Coll,
nous a offert une autre manière d’apprécier ces contenus linguistiques.
Eugenio Montejo nous met en scène un homme, on dirait (un chercheur) qui avait reçu
Le Cahier de Blas Coll, et qui va nous le rapporter après une tâche de difficile
transcriptions et des successives recherches sur le lieu, c’est-à-dire, sur Puerto Malo, lieu où
habitait son auteur qui avait déjà 20 ans disparu.
Nous allons apprécier certains fragments de ce cahier qui comprend les réflexions,
préoccupations et recherches linguistiques de ce personnage de fiction.
Le contenu de cette présentation :
 Eugenio Montejo
 El cuaderno de Blas Coll : un essai poétique, philosophique et linguistique
 Sociolinguistique scientifique et Sociolinguistique plastique. On portera un
regard à :
 L’ évolution des langues
 L'économie du langage
 Le bilinguisme
 De la francophonie à la littérature monde.

On tentera de montrer que :


El Cuaderno de Blas Coll n’est pas seulement une œuvre littéraire et philosophique, il
est aussi un travail qui montre des préoccupations linguistiques où l’on « réduit » la
communication des hommes à un univers bisyllabique plus efficace.
Et là, nous pouvons trouver des cas, des explications, des suggestions et des réflexions
liées à la linguistique et ses domaines, tels que la sociolinguistique, la pragmatique, la
sémantique, la syntaxe, la phonétique la psycholinguistique, l’ethnolinguistique entre
autres.
Mais, en raison du temps, nous aborderons, seulement, ce qui concerne la
sociolinguistique. Notre premier regard tombe sur :

L’Évolution du langage

Eugenio Montejo à travers la voix de Blas Coll fait allusion à l’origine, évolution et au
caractère imprécis, lent et rigide de l’espagnol, ainsi que des autres langues romances…
Voyons ou écoutons les mots qui ouvrent son cahier :
Nuestra lengua, como todas las de origen románico, ha consolidado su estructura
durante el ascenso del cristianismo; ha sido creada no sólo sobre las ruinas de la
cultura greco-latina, de la que se aprovecha, sino que su movimiento parece
establecerse para impedir en ella todo cuanto hizo posible el idioma de Ovidio, de
Catulo, de Horacio. No es, por tanto, una lengua de goce, sino de penitencia: le
falta concisión porque al hablante, al « pecador », se le castiga con ella; carece de
declinaciones porque desdeña el politeísmo… (p. 13).

Cet extrait représente un aspect étudié par la sociolinguistique, car cette branche de la
discipline a comme tâche d’expliquer les phénomènes linguistiques à partir de facteurs
politiques et sociaux, selon dit, Siouffi, 1999, p. 36. Dans ce cas, le phénomène linguistique
est représenté par la naissance, le développement et la nature de l’espagnol qui est lié aux
éléments sociaux - le progrès du Christianisme et la chute de la culture Grecque – Latine.
Pour renforcer cette idée, écoutons :
Cuando reparamos en las estructuras tan pesadas de nuestro idioma, en su falta de
contracción tan evidentemente necesaria, nos preguntamos cómo, del latín, lengua
de inigualable concisión, de tan alto poder sintético, pudo nacer esta otra tan
rígida, tan complacida en su propia lentitud […] El castellano toma buena parte de
su léxico de la vieja lengua, pero lo injerta en un sistema intencionalmente
rudimentario. ¿Habrá en ello un signo de punición cristiana? ¿Intuyeron los
primeros forjadores de nuestra lengua que aquella precisión encarnaba el goce
verbal que debía suprimirse a toda costa?

Y que no me hablen de las conquistas logradas por los genios del idioma, de las
cumbres que decoran su tradición, porque ¡a cuánto más alto no habrían llegado
de tener a mano medios expresivos más sutiles y exactos! (p. 24)

Et c’est vrai, Blas Coll avait des préoccupations pour la concision de la langue. Son
projet, dit-il est de faire « higiene de la casa del habla » (p. 18).
Et c’est ainsi que nous passons à :

L’Economie du langage:

Eugenio Montejo à travers le personnage « le chercheur » se réfère à l’économie de la


langue, et cet aspect peut être observé dans l’extrait suivant:
[Blas Coll] Persiguió obsesivamente, mediante la reducción de las palabras y las
estructuras lingüísticas, una ley de máxima economía verbal, en cuya búsqueda inmoló su
razón y vida,… (p. 13).

Et Blas Coll dit:

Fijémonos en que para nombrar la doceava parte de un año usamos sólo una
sílaba: mes; para algo en cambio mucho más corto, una hora, utilizamos dos; y si
queremos referirnos a algo tan breve que casi no existe, como es el segundo,
¡debemos emplear tres! (p. 14).

Et encore:

Don Blas solía incomodarse, sin embargo, ante la posibilidad de que se le tomase
por un dinamitero gratuito, un demoledor equivocado. Nada de eso – argüía -, lo
que deseo es fortificarla, resguardar su tradición, cubriendo sus flancos
vulnerables. Con una lengua tan desparramada nos exponemos a que las
expresiones sucintas y más definitorias de otros idiomas se nos cuelen,
deformándonos la nuestra. Me contentaría con avivar, en lo que me queda de
vida, ese reflejo que ya observo hacia el replegamiento lingüístico. (p. 14).
Repliement linguistique et faire que notre langue nous ressemble, qu’elle soit semblable
à nous même.
En plus on peut écouter :
“La lengua, al igual que el cuerpo, se rige por el principio de economía, constituye en sí
misma una relación económica. Por esto, el dispendio de su energía implica fatalmente su
aniquilamiento.” (p. 34)
“Y pensándolo mejor, no está demás decirlo, de mucho sirvió a los conquistadores
el empleo de nuestra lengua para sojuzgar en su momento dado a los nativos de
estas comarcas, porque lo primero que debió aterrorizar a los indígenas fue
probablemente la interminable extensión de sus palabras.” (p. 35).

Et voilà pourquoi :

Les mots essentiels d’une langue doivent être des monosyllabes :


Sol
Ron Mer
Miel Vin
Sœur Terre - Lune
Paz Paix
Eau –Air – Feu
Dios Fleur - Mère

Et toujours avec cet esprit logique de concision, Blas Coll nous dit encore:

¿A dónde vamos con una lengua que, en estado de supremo peligro para el
hablante, le impone decir: s-o-c-o-r-r-o? Cuando alguien así grita, mar adentro, se
me antoja replicar desde aquí: ¡Déjenlo que se ahogue! (p. 27).

En français on dit : Au secours !, et en anglais on dit : Help !

Mais il vaut mieux passer à une autre chose. On passe au

Bilinguisme

Le bilinguisme fait partie des études sociolinguistiques. C’est en rapport à l’usage de


deux langues. De cet aspect Blas Coll nous dit :

Todo ateo verdadero, o que se tenga por tal, es consciente o inconscientemente


bilingüe (En la escritura usada por don Blas al momento de redactar esta línea,
el aserto puede ser leído igualmente a la inversa: El bilingüismo conduce
consciente o inconscientemente al ateísmo), (p. 23).

Dieu - Бог- God – Deus – Dio – Gott – Dios.

Cela veut dire que l’apprentissage d’une deuxième langue ne concerne pas seulement
les aspects linguistiques, mais aussi, socioculturels.

On parle correctement, mais sans culture, on n’aurait rien à dire !

Et à propos du bilinguisme, Blas Coll nous dit encore :

Don Blas –refiere el zapatero Pedro González- soñaba con ir a la frontera


uruguayo-brasileña, en donde, según sus informes, se comenzaba a hablar
portuñol, una lengua nueva surgida de la vecindad entre el español y el
portugués. “Esa lengua en estado naciente me requiere, mientras yo pierdo mis
días aquí, en este puerto malsano”, le oyó decir. (p. 23)

Et il vaut la peine aussi de lire cet éclaircissement :

-Una aclaración, dit le chercheur:

La descarriada lectura que algunos han dado a mis transcripciones de los


escritos de Blas Coll los ha llevado a endilgarle al viejo tipógrafo cierto
complejo de inferioridad lingüística, que provendría, según ellos, del
predominio del idioma inglés en la época actual […] he de decir que el
reproche me parece tanto más injusto cuanto que el giro epasmódico de la frase
sajona, creo haberlo aclarado, constituyó uno de los blancos predilectos de sus
ataques. Así, por ejemplo, a los jóvenes que manifestaban tanta afición por la
lengua del norte como para lucir letreros ingleses en sus camisas, solía
amonestarlos de continuo. Cuídense de una lengua-les decía- cuyo adjetivo no
pueda nunca posponerse al sustantivo, pues si van para marineros terminarán
como piratas. A otros en distinta ocasión, recomendaba el aprendizaje del
papiamento, lengua más sintética, invento del alma mestiza… me extiendo en
esta innecesaria aclaración porque la mezquina lectura de unos pocos viene a
atribuirle la triste misión de contrabandista a favor de aquellos a quienes tenía
por sus más definidos adversarios” (p. 52-53)

Eh oui, le conseil c’est d’apprendre le créole, que c’est « l’invention de l’âme


métisse ! » (p. 53).

Bien ! On passe maintenant à fêter un peu la


Francophonie:

Dans le cahier de Blas Coll il y a beaucoup de références d’écrivains francophones. Par


exemple, sur Victor Hugo (poète français né à Besançon en 1802 et mort à Paris en 1885)
Blas Coll dit:

“El sabio Joseph, el médico bueno de nuestro puerto, me hizo reparar en esta
observación de Víctor Hugo: “El monosílabo tiene una extraña capacidad de
inmensidad: mar [mer], noche [nuit], día [jour], bien, mal, muerte [mort], sí, no
[non]…” No andaba descaminado el gran Hugo. Por algo el joven vidente Arthur
Rimbaud pudo afirmar que Víctor Hugo, al final de sus días, vio bien y vio lejos
[loin].” (p. 37).

Voilà, c’est Victor Hugo, mais à propos de Rimbaud poète français né à Charleville en
1854 et mort à Marseille en 1891, et dont la prémisse est d’être voyant, opérer le
dérèglement de tous les sens – le développement des sensations mélangées…

En relation à cela, Blas Coll exprime:

Constituye una mutilación cruel, para decir lo menos, que enseñemos a los niños a
reconocer las letras antes que las notas musicales. Por allí comienza, para los
párvulos, la sorda tiranía de la abstracción, que les impide el inmediato
conocimiento de la realidad. Al ronco clamor de los sapos o al más melodioso de
los pájaros se antepone, con los años, el espúreo cepo del abecedario. Y nada
digamos del mágico color de las vocales, ese vívido color de nuestra infancia, tan
prontamente reprimido. Sólo Arthur Rimbaud pudo llegar a ser, como dicen los
ingleses, Arthur Rainbow. (pp. 45-46).

Vous regardez là, l’illustration, c’est Rimbaud qui peint ses voyelles. Peut-être, vous
connaissez son poème :

Voyelles

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu: voyelles,


Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

Golfes d’Ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,


Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d’ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;

U, Cycles, vibrements divins des mers virides,


Paix des pâtis semés d’animaux, paix des rides
que l’alchimie imprime aux grands fronts studieux ;

O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,


Silences traversés des Mondes et des Anges :
-O l’Oméga, rayon violet de ses yeux !

On voit dans ce poème, la déclaration de l’ars poétique de Rimbaud !

Continuons avec un autre maître :

Un autre poète présent, c’est :

Stéphane Mallarmé, poète français né à Paris en 1842 et mort à Valvins en 1898.

Sa prémisse c’est: « Ce n’est point avec des idées qu’on fait des vers, mais avec des mots ».

Et en relation à ce sujet, Blas Coll dit:

La poesía se hace con palabras, según la clásica respuesta de Mallarmé. Desde


temprana edad el poeta se habitúa a ellas muy profundamente, al punto de
intentar, con la experiencia ganada al mester de poetría, la construcción de su
propia alquimia vocálica. Sólo al final […] se descubre que las palabras de que se
vale son simples mediadoras, leves puentes para llegar a las verdaderas palabras
que se encuentran en el fondo de cada uno. Y éstas sí que carecen de letras, pues
no se las dibuja mediante vocales ni consonantes, amén de que resultan idénticas a
todos los hombres, por más que difieran sus respectivas lenguas maternas. Tales
voces son las determinantes absolutas de cuanto el hombre sueña, canta o escribe.
Su ámbito se inscribe entre la imagen y su verbalización, es decir, son
propiamente formas del Verbo cuya presencia nos antecede en la tierra. Con tales
palabras se ha de escribir el poema.

Ahora bien, si no tienen letras, si no contienen vocales ni consonantes, ¿de qué


signos en verdad estamos hablando? Digamos que son formas geométricas
predeterminadas y específicas, pero de cierta geometría acústica; se corresponden
con diversos sonidos que en su conjunto representan el mapa sonoro más ligado al
ser humano. (pp. 68-69).

Et voilà c’est aussi la déclaration d’un ars poétique !


Et on peut encore écouter Blas Coll à propos de Mallarmé :

Extraña aventura la mía, venido de tan lejos a recalar en esta comarca, tras la
huella del más insigne de los tipógrafos del Nuevo Mundo, el sabio Simón
Rodríguez. Cada día me persuado más de que sólo este errante iluminado habría
sido capaz de imprimir el libro soñado después por Stephan Mallarmé, sin
violentar el equilibrio de sus espacios escritos, sus negros y blancos, ni el nítido
dibujo de sus silencios. Rodríguez, Mallarmé y yo –Dios me perdone por
igualarme-, tres locos, tres letras, que nadie descifrará jamás. (p. 46).

Et c’est vrai, Mallarmé, en lettre à Catulle Mendès, homme qui impulse Le Parnasse
Contemporain, montrait de réelles préoccupations pour le soin de l’édition de ses poèmes,
Mallarmé lui dit :

Je voudrais un caractère assez serré, qui s'adaptât à la condensation du vers,


mais de l'air entre les vers, de l'espace, afin qu'ils se détachent bien les uns des
autres, ce qui est nécessaire encore avec leur condensation. J'ai numéroté les
poèmes, est-ce utile ? En tous cas, je voudrais, aussi, un grand blanc après chacun,
un repos, car ils n'ont pas été composés pour se suivre ainsi… (Correspondances
1862-1871).

Et encore un autre poète :

Henri Michaux né à Namur en 1899 et mort à Paris en 1984. Il est un poète et peintre
d'origine belge d’expression française naturalisé français en 1955.

Sa prémisse est : “L’amour est fait de monosyllabes”

À propos de Michaux, et comme Blas Coll fait l’éloge à l’usage des monosyllabes, il
dit : “Reparen, sobre todo, qué lejos de ella [de la premisse] se encuentra quien
monótonamente confiesa: Estoy enamorado.” (p. 48)

Il vaut mieux ne rien dire !

Mais aujourd’hui on fête de la francophonie, n’est-ce pas ? Alors, je vous laisse lire,
ces appréciations de Blas Coll :

Que, en general, los hispanohablantes prefieran el perro al gato, mientras que los
franceses prefieran el gato al perro, se debe, sin duda, a la sensibilidad fonética de
sus propios idiomas. Bien claro se ve que el gato, que emite con mayor frecuencia
sonidos nasales, ha de ser más apreciado por quienes hablan un idioma donde tales
sonidos constituyen la porción más importante de sus diarias conversaciones. Es
probable también que los gatos franceses se hayan acostumbrado a maullar de
modo distinto a como lo hacen los gatos españoles. El caso es que al avecinarse
entre nosotros, como se advierte en las cálidas noches de Puerto Malo, los gatos
casi ladran. (p. 49)

EL CUADERNO DE BLAS COLL : VERS UNE LITTÉRATURE MONDE

(El Cuaderno de Blas Coll comme une manifestation de la “Littérature Monde”)

[…]

RAINER MARIA RILKE

Il n’est qu’un seul chemin. Entrez en vous-même, cherchez le besoin qui vous fait écrire :
examinez s’il pousse ses racines au plus profond de votre cœur. Confessez-vous à vous-
même : mourriez-vous s’il vous était défendu d’écrire ? Ceci surtout : demandez-vous à
l’heure la plus silencieuse de votre nuit : « Suis-je vraiment contraint d’écrire ? » Creusez
en vous-même vers la plus profonde réponse. Si cette réponse est affirmative, si vous
pouvez faire front à une aussi grave question par un fort et simple : « Je dois », alors
construisez votre vie selon cette nécessité. Votre vie, jusque dans son heure la plus
indifférente, la plus vide, doit devenir signe et témoin d’une telle poussée. Alors, approchez
de la nature. Essayez de dire, comme si vous étiez le premier homme, ce que vous voyez,
ce que vous vivez, aimez, perdez. N’écrivez pas de poèmes d’amour. Évitez d’abord ces
thèmes trop courants […] Fuyez les grand sujets pour ceux que votre quotidien vous offre.
Dites vos tristesses et vos désirs, les pensées qui vous viennent, votre foi en une beauté.
Dites tout cela avec une sincérité intime, tranquille et humble. Utilisez pour vous exprimer
les choses qui vous entourent, les images de vos songes, les objets de vos souvenirs. Si
votre quotidien vous paraît pauvre, ne l’accusez pas. Accusez-vous vous-même de ne pas
être assez poète pour appeler à vous ses richesses. Pour le créateur rien n’est pauvre, il n’est
pas de lieux pauvres, indifférents… (Lettres à un jeune poète).

RAFAEL CADENAS (Lara, 1930)

ARS POÉTICA (De Intemperie, 1977)

Que cada palabra lleve lo que dice.


Que sea como el temblor que la sostiene.
Que se mantenga como un latido.

No he de proferir adornada falsedad ni poner tinta dudosa ni añadir


brillos a lo que es.
Esto me obliga a oírme. Pero estamos aquí para decir verdad.
Seamos reales.
Quiero exactitudes aterradoras.
Tiemblo cuando creo que me falsifico. Debo llevar en peso mis
palabras. Me poseen tanto como yo a ellas.

Si no veo bien, dime tú, tú que me conoces, mi mentira, señálame


la impostura, restriégame la estafa. Te lo agradeceré, en serio.
Enloquezco por corresponderme.
Sé mi ojo, espérame en la noche y divísame, escrútame, sacúdeme.

MIGUEL JAMES

POÉTICA

Digamos
que la poesía
es escribir
y decir
palabras
y cosas bonitas
Lo demás
es Prosa
y Tragedia.

PAUL VERLAINE

ART POETIQUE (en Jadis et Naguère, 1885)


De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l’Impair
Plus vague et plus soluble dans l’air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose.

Il faut aussi que tu n’ailles point


Choisir tes mots sans quelque méprise :
Rien de plus cher que la chanson grise
Ou l’Indécis au Précis se joint.

C’est de beaux yeux derrière des voiles,


C’est le grand jour tremblant de midi ;
C’est par un ciel d’automne attiédi,
Le bleu fouillis des claires étoiles !

Car nous voulons la Nuance encor,


Pas la couleur, rien que la Nuance !
Oh ! la nuance seule fiance
Le rêve au rêve et la flûte au cor !
Fuis du plus loin la Pointe assassine,
L’Esprit cruel et le Rire impur,
Qui font pleurer les yeux de l’Azur,
Et tout cet ail de basse cuisine !

Prend l’éloquence et tords-lui son cou !


Tu feras bien, en train d’énergie,
De rendre un peu la Rime assagie.
Si l’on y veille, elle ira jusqu’où ?

Ô qui dira les torts de la Rime !


Quel enfant sourd ou quel nègre fou
Nous a forgé ce bijou d’un sou
Qui sonne creux et faux sous la lime ?

De la musique encore et toujours !


Que ton vers soit la chose envolée
Qu’on sent qui fuit d’une âme en allée
Vers d’autres cieux à d’autres amours.

Que ton vers soit la bonne aventure


Éparse au vent crispé du matin
Qui va fleurant la menthe et le thym…
Et tout le reste est littérature.

ARTHUR RIMBAUD : LETTRES DU VOYANT

Lettre de Rimbaud à Georges Izambard - 13 mai 1871

Mr Georges Isambart, professeur


27, rue de l’Abbaye-des-champs,
à Douai,
Nord.

Charleville, 13 mai 1871.

Cher Monsieur !

Vous revoilà professeur. On se doit à la Société, m’avez-vous dit ; vous faites partie des
corps enseignants : vous roulez dans la bonne ornière. − Moi aussi, je suis le principe : je
me fais cyniquement entretenir ; je déterre d’anciens imbéciles de collège : tout ce que je
puis inventer de bête, de sale, de mauvais, en action et en parole, je le leur livre : on me
paie en bocks et en filles. − Stat mater dolorosa, dum pendet filius. − Je me dois à la
Société, c’est juste, − et j’ai raison. − Vous aussi, vous avez raison, pour aujourd’hui. Au
fond, vous ne voyez en votre principe que poésie subjective : votre obstination à regagner le
râtelier universitaire, − pardon ! − le prouve ! Mais vous finirez toujours comme un satisfait
qui n’a rien fait, n’ayant voulu rien faire. Sans compter que votre poésie subjective sera
toujours horriblement fadasse. Un jour, j’espère, − bien d’autres espèrent la même chose, −
je verrai dans votre principe la poésie objective, je la verrai plus sincèrement que vous ne le
feriez ! − Je serai un travailleur : c’est l’idée qui me retient, quand les colères folles me
poussent vers la bataille de Paris − où tant de travailleurs meurent pourtant encore tandis
que je vous écris ! Travailler maintenant, jamais, jamais ; je suis en grève.
Maintenant, je m’encrapule le plus possible.
Pourquoi ? Je veux être poète, et je travaille à me rendre voyant : vous ne comprendrez
pas du tout, et je ne saurais presque vous expliquer. Il s’agit d’arriver à l’inconnu par le
dérèglement de tous les sens. Les souffrances sont énormes, mais il faut être fort, être né
poète, et je me suis reconnu poète. Ce n’est pas du tout ma faute. C’est faux de dire : Je
pense : on devrait dire : On me pense. − Pardon du jeu de mots. − Je est un autre. Tant pis
pour le bois qui se trouve violon, et nargue aux inconscients, qui ergotent sur ce qu’ils
ignorent tout à fait !
Vous n’êtes pas Enseignant pour moi. Je vous donne ceci : est-ce de la satire, comme
vous diriez ? Est-ce de la poésie ? C’est de la fantaisie, toujours. − Mais, je vous en supplie,
ne soulignez ni du crayon, ni − trop − de la pensée :

LE CŒUR SUPPLICIÉ

Mon triste cœur bave à la poupe…


Mon cœur est plein de caporal !
Ils y lancent des jets de soupe,
Mon triste cœur bave à la poupe…
Sous les quolibets de la troupe
Qui lance un rire général,
Mon triste cœur bave à la poupe,
Mon cœur est plein de caporal !

Ithyphalliques et pioupiesques,
Leurs insultes l’ont dépravé ;
À la vesprée, ils font des fresques
Ithyphalliques et pioupiesques,
Ô flots abracadabrantesques,
Prenez mon cœur, qu’il soit sauvé !
Ithyphalliques et pioupiesques
Leurs insultes l’ont dépravé !

Quand ils auront tari leurs chiques,


Comment agir, ô cœur volé ?
Ce seront des refrains bachiques
Quand ils auront tari leurs chiques
J’aurai des sursauts stomachiques :
Si mon cœur triste est ravalé !
Quand ils auront tari leurs chiques
Comment agir, ô cœur volé ?

ne veut pas rien dire. − RÉPONDEZ-MOI : chez M. Deverrière, pour A. R.

Bonjour de cœur,

Art. Rimbaud.

Lettre de Rimbaud à Paul Demeny - 15 mai 1871


À Douai.
Charleville, 15 mai 1871.

J’ai résolu de vous donner une heure de littérature nouvelle. je commence de suite par un
psaume d’actualité :
CHANT DE GUERRE PARISIEN

Le Printemps est évident, car


Du cœur des Propriétés vertes
Le vol de Thiers et de Picard
Tient ses splendeurs grandes ouvertes.

Ô mai ! Quels délirants cul-nus !


Sèvres, Meudon, Bagneux, Asnières,
Écoutez donc les bienvenus
Semer les choses printanières !

Ils ont schako, sabre et tamtam


Non la vieille boîte à bougies
Et des yoles qui n’ont jam…jam…
Fendent le lac aux eaux rougies !…

Plus que jamais nous bambochons


Quand arrivent sur nos tanières
Crouler les jaunes cabochons
Dans des aubes particulières.
Thiers et Picard sont des Éros
Des enleveurs d’héliotropes
Au pétrole ils font des Corots.
Voici hannetonner leurs tropes…

Ils sont familiers du grand truc !…


Et couché dans les glaïeuls, Favre,
Fait son cillement aqueduc
Et ses reniflements à poivre !

La Grand-Ville a le pavé chaud


Malgré vos douches de pétrole
Et décidément il nous faut
Nous secouer dans votre rôle…

Et les ruraux qui se prélassent


Dans de longs accroupissements
Entendront des rameaux qui cassent
Parmi les rouges froissements.

A. Rimbaud.

— Voici de la prose sur l’avenir de la poésie —Toute poésie antique aboutit à la poésie
grecque ; Vie harmonieuse.
— De la Grèce au mouvement romantique, — moyen-âge, — il y a des lettrés, des
versificateurs. D’Ennius à Théroldus, de Théroldus à Casimir Delavigne, tout est prose
rimée, un jeu, avachissement et gloire d’innombrables générations idiotes : Racine est le
pur, le fort, le grand. — On eût soufflé sur ses rimes, brouillé ses hémistiches, que le Divin
Sot serait aujourd’hui aussi ignoré que le premier venu auteur d’Origines. — Après Racine,
le jeu moisit. Il a duré deux mille ans !
Ni plaisanterie, ni paradoxe. La raison m’inspire plus de certitudes sur le sujet que
n’aurait jamais eu de colères un jeune-France. Du reste, libre aux nouveaux ! d’exécrer les
ancêtres : on est chez soi et l’on a le temps.
On n’a jamais bien jugé le romantisme ; qui l’aurait jugé ? les critiques !! Les
romantiques, qui prouvent si bien que la chanson est si peu souvent l’œuvre, c’est-à-dire la
pensée chantée et comprise du chanteur ?
Car Je est un autre. Si le cuivre s’éveille clairon, il n’y a rien de sa faute. Cela m’est
évident : j’assiste à l’éclosion de ma pensée : je la regarde, je l’écoute : je lance un coup
d’archet : la symphonie fait son remuement dans les profondeurs, ou vient d’un bond sur la
scène.
Si les vieux imbéciles n’avaient pas trouvé du Moi que la signification fausse, nous
n’aurions pas à balayer ces millions de squelettes qui, depuis un temps infini, ! ont
accumulé les produits de leur intelligence borgnesse, en s’en clamant les auteurs !
En Grèce, ai-je dit, vers et lyres rhythment l’Action. Après, musique et rimes sont jeux,
délassements. L’étude de ce passé charme les curieux : plusieurs s’éjouissent à renouveler
ces antiquités : — c’est pour eux.
L’intelligence universelle a toujours jeté ses idées, naturellement ; les hommes
ramassaient une partie de ces fruits du cerveau : on agissait par, on en écrivait des livres :
telle allait la marche, l’homme ne se travaillant pas, n’étant pas encore éveillé, ou pas
encore dans la plénitude du grand songe. Des fonctionnaires, des écrivains : auteur,
créateur, poète, cet homme n’a jamais existé !
La première étude de l’homme qui veut être poète est sa propre connaissance, entière ;
il cherche son âme, il l’inspecte, il la tente, l’apprend. Dès qu’il la sait, il doit la cultiver ;
cela semble simple : en tout cerveau s’accomplit un développement naturel ; tant d’égoïstes
se proclament auteurs ; il en est bien d’autres qui s’attribuent leur progrès intellectuel ! —
Mais il s’agit de faire l’âme monstrueuse : à l’instar des comprachicos, quoi ! Imaginez un
homme s’implantant et se cultivant des verrues sur le visage.
Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant.
Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens.
Toutes les formes d’amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui-même, il épuise en lui
tous les poisons, pour n’en garder que les quintessences. Ineffable torture où il a besoin de
toute la foi, de toute la force surhumaine, où il devient entre tous le grand malade, le grand
criminel, le grand maudit, — et le suprême Savant — Car il arrive à l’inconnu ! Puisqu’il a
cultivé son âme, déjà riche, plus qu’aucun ! Il arrive à l’inconnu, et quand, affolé, il finirait
par perdre l’intelligence de ses visions, il les a vues ! Qu’il crève dans son bondissement
par les choses inouïes et innombrables : viendront d’autres horribles travailleurs ; ils
commenceront par les horizons où l’autre s’est affaissé !
— la suite à six minutes —
Ici j’intercale un second psaume,
hors du texte : veuillez tendre une oreille complaisante, — et tout le monde sera
charmé. — J’ai l’archet en main, je commence :

MES PETITES AMOUREUSES

Un hydrolat lacrymal lave


Les cieux vert-chou :
Sous l’arbre tendronnier qui bave,
Vos caoutchoucs.

Blancs de lunes particulières


Aux pialats ronds,
Entrechoquez vos genouillères,
Mes laiderons !

Nous nous aimions à cette époque,


Bleu laideron :
On mangeait des œufs à la coque
Et du mouron !
Un soir, tu me sacras poète,
Blond laideron.
Descends ici que je te fouette
En mon giron ;

J’ai dégueulé ta bandoline


Noir laideron ;
Tu couperais ma mandoline
Au fil du front.

Pouah ! mes salives desséchées


Roux laideron,
Infectent encor les tranchées
De ton sein rond !

Ô mes petites amoureuses,


Que je vous haïs !
Plaquez de fouffes douloureuses,
Vos tétons laids !

Piétinez mes vieilles terrines


De sentiment ;
Hop donc soyez-moi ballerines
Pour un moment !…

Vos omoplates se déboîtent,


Ô mes amours !
Une étoile à vos reins qui boitent
Tournez vos tours.

Et c’est pourtant pour ces éclanches


Que j’ai rimé !
Je voudrais vous casser les hanches
D’avoir aimé !

Fade amas d’étoiles ratées,


Comblez les coins
− Vous crèverez en Dieu, bâtées
D’ignobles soins !

Sous les lunes particulières


Aux pialats ronds
Entrechoquez vos genouillères,
Mes laiderons !

A. R.

Voilà. Et remarquez bien que, si je ne craignais de vous faire débourser plus de 60 c.


de port, — Moi pauvre effaré qui, depuis sept mois, n’ai pas tenu un seul rond de bronze !
— je vous livrerais encore mes Amants de Paris, cent hexamètres, Monsieur, et ma Mort de
Paris, deux cents hexamètres ! — Je reprends :
Donc le poète est vraiment voleur de feu.
Il est chargé de l’humanité, des animaux même ; il devra faire sentir, palper, écouter ses
inventions ; si ce qu’il rapporte de là-bas a forme, il donne forme : si c’est informe, il donne
de l’informe. Trouver une langue ; — Du reste, toute parole étant idée, le temps d’un
langage universel viendra ! Il faut être académicien, — plus mort qu’un fossile, — pour
parfaire un dictionnaire, de quelque langue que ce soit. Des faibles se mettraient à penser
sur la première lettre de l’alphabet, qui pourraient vite ruer dans la folie ! — Cette langue
sera de l’âme pour l’âme, résumant tout, parfums, sons, couleurs, de la pensée accrochant la
pensée et tirant. Le poète définirait la quantité d’inconnu s’éveillant en son temps dans
l’âme universelle : il donnerait plus — (que la formule de sa pensée, que la notation de sa
marche au Progrès ! Enormité devenant norme, absorbée par tous, il serait vraiment un
multiplicateur de progrès !
Cet avenir sera matérialiste, vous le voyez ; — Toujours pleins du Nombre et de
l’Harmonie ces poèmes seront faits pour rester.
— Au fond, ce serait encore un peu la Poésie grecque. L’art éternel aurait ses
fonctions ; comme les poètes sont citoyens. La Poésie ne rythmera plus l’action, elle sera en
avant.
Ces poètes seront ! Quand sera brisé l’infini servage de la femme, quand elle vivra pour
elle et par elle, l’homme, jusqu’ici abominable, — lui ayant donné son renvoi, elle sera
poète, elle aussi ! La femme trouvera de l’inconnu ! Ses mondes d’idées différeront-ils des
nôtres ? — Elle trouvera des choses étranges, insondables, repoussantes, délicieuses ; nous
les prendrons, nous les comprendrons.
En attendant, demandons aux poètes du nouveau, — idées et formes. Tous les habiles
croiraient bientôt avoir satisfait à cette demande. — Ce n’est pas cela !
Les premiers romantiques ont été voyants sans trop bien s’en rendre compte : la culture
de leurs âmes s’est commencée aux accidents : locomotives abandonnées, mais brûlantes,
que prennent quelque temps les rails. — Lamartine est quelquefois voyant, mais étranglé
par la forme vieille. — Hugo, trop cabochard, a bien du vu dans les derniers volumes : Les
Misérables sont un vrai poème. J’ai Les Châtiments sous la main ; Stella donne à peu près
la mesure de la vue de Hugo. Trop de Belmontet et de Lamennais, de Jéhovahs et de
colonnes, vieilles énormités crevées.
Musset est quatorze fois exécrable pour nous, générations douloureuses et prises de
visions, — que sa paresse d’ange a insultées ! Ô ! les contes et les proverbes fadasses ! Ô
les nuits ! Ô Rolla, Ô Namouna, Ô la Coupe ! Tout est français, c’est-à-dire haïssable au
suprême degré ; français, pas parisien ! Encore une œuvre de cet odieux génie qui a inspiré
Rabelais, Voltaire, jean La Fontaine, ! commenté par M.Taine ! Printanier, l’esprit de
Musset ! Charmant, son amour ! En voilà, de la peinture à l’émail, de la poésie solide ! On
savourera longtemps la poésie française, mais en France. Tout garçon épicier est en mesure
de débobiner une apostrophe Rollaque, tout séminariste en porte les cinq cents rimes dans
le secret d’un carnet. À quinze ans, ces élans de passion mettent les jeunes en rut ; à seize
ans, ils se contentent déjà de les réciter avec cœur ; à dix-huit ans, à dix-sept même, tout
collégien qui a le moyen, fait le Rolla, écrit un Rolla ! Quelques-uns en meurent peut-être
encore. Musset n’a rien su faire : il y avait des visions derrière la gaze des rideaux : il a
fermé les yeux. Français, panadif, traîné de l’estaminet au pupitre de collège, le beau mort
est mort, et, désormais, ne nous donnons même plus la peine de le réveiller par nos
abominations !
Les seconds romantiques sont très voyants : Th. Gautier, Lec. de Lisle, Th. de Banville.
Mais inspecter l’invisible et entendre l’inouï étant autre chose que reprendre l’esprit des
choses mortes, Baudelaire est le premier voyant, roi des poètes, un vrai Dieu. Encore a-t-il
vécu dans un milieu trop artiste ; et la forme si vantée en lui est mesquine — les inventions
d’inconnu réclament des formes nouvelles.
Rompue aux formes vieilles, parmi les innocents, A. Renaud, — a fait son Rolla, — L.
Grandet, — a fait son Rolla ; — les gaulois et les Musset, G. Lafenestre, Coran, CI.
Popelin, Soulary, L. Salles ; les écoliers, Marc, Aicard, Theuriet ; les morts et les imbéciles,
Autran, Barbier, L. Pichat, Lemoyne, les Deschamps, les Desessarts ; les journalistes, L.
Cladel, Robert Luzarches, X. de Ricard ; les fantaisistes, C. Mendès ; les bohèmes ; les
femmes ; les talents, Léon Dierx, Sully-Prudhomme, Coppée, — la nouvelle école, dite
parnassienne, a deux voyants, Albert Mérat et Paul Verlaine, un vrai poète. — Voilà. —
Ainsi je travaille à me rendre voyant. —
Et finissons par un chant pieux.

ACCROUPISSEMENTS

Bien tard, quand il se sent l’estomac écœuré,


Le frère Milotus, un œil à la lucarne
D’où le soleil, clair comme un chaudron récuré,
Lui darde une migraine et fait son regard darne,
Déplace dans les draps son ventre de curé.

Il se démène sous sa couverture grise


Et descend, ses genoux à son ventre tremblant,
Effaré comme un vieux qui mangerait sa prise ;
Car il lui faut, le poing à l’anse d’un pot blanc,
À ses reins largement retrousser sa chemise !

Or, il s’est accroupi, frileux, les doigts de pied


Repliés, grelottant au clair soleil qui plaque
Des jaunes de brioche aux vitres de papier ;
Et le nez du bonhomme où s’allume la laque
Renifle aux rayons, tel qu’un charnel polypier.

Le bonhomme mijote au feu, bras tordus, lippe


Au ventre : il sent glisser ses cuisses dans le feu,
Et ses chausses roussir, et s’éteindre sa pipe ;
Quelque chose comme un oiseau remue un peu
À son ventre serein comme un monceau de tripe !

Autour, dort un fouillis de meuble abrutis


Dans des haillons de crasse et sur de sales ventres ;
Des escabeaux, crapauds étranges, sont blottis
Aux coins noirs : des buffets ont des gueules de chantres
Qu’entr’ouvre un sommeil plein d’horribles appétits.

L’écœurante chaleur gorge la chambre étroite ;


Le cerveau du bonhomme est bourré de chiffons.
Il écoute les poils pousser dans sa peau moite,
Et, parfois, en hoquets fort gravement bouffons
S’échappe, secouant son escabeau qui boite…

Et le soir, aux rayons de lune, qui lui font


Aux contours du cul des bavures de lumière,
Une ombre avec détails s’accroupit, sur un fond
De neige rose ainsi qu’une rose trémière…
Fantasque, un nez poursuit Vénus au ciel profond.

Vous seriez exécrable de ne pas répondre : vite car dans huit jours je serai à Paris, peut-
être.

Au revoir,

A. Rimbaud.

CHARLES BUKOWSKI

ALORS, TU VEUX ETRE ECRIVAIN ?

si cela ne sort pas de vous comme une explosion


en dépit de tout,
n’écrivez pas.
Si cela ne vient pas sans sollicitation de votre cœur et votre esprit et votre bouche et vos
tripes,
n’écrivez pas.
S’il vous faut vous asseoir des heures
à fixer votre écran d’ordinateur
ou plié en deux sur votre machine à écrire
à chercher les mots,
n’écrivez pas.
Si vous le faites pour l’argent ou la gloire,
n’écrivez pas.
Si vous le faites parce que vous voulez
mettre des femmes dans votre lit,
n’écrivez pas.
S’il vous faut rester assis là
réécrivant encore et encore,
n’écrivez pas.
Si c’est déjà difficile rien que d’y penser,
n’écrivez pas.
Si vous essayez d’imiter l’écriture de quelqu’un d’autre,
oubliez.
Si vous devez attendre que cela rugisse hors de vous,
alors attendez patiemment.
mais si cela ne rugit jamais hors de vous,
alors faites autre chose.
S’il vous faut le lire à votre femme
ou votre compagne ou à votre compagnon
ou vos parents ou qui que ce soit,
vous n’êtes pas prêt.
Ne soyez pas comme tant d’écrivains, ne soyez pas comme ces milliers de gens qui se
targuent d’être écrivains,
ne soyez pas superficiel et ennuyeux et prétentieux, ne vous consumez pas d’un amour
narcissique.
Les librairies du monde ont
baillé jusqu’à s’assoupir d’écrivains
comme ceux-là.
N’en rajoutez pas.
N’écrivez pas.
A moins que cela ne sorte de votre âme comme une fusée,
à moins que rester muet ne vous rende fou ou suicidaire ou assassin.
N’écrivez pas.
A moins que le soleil en vous
ne vous brûle les tripes,
N’écrivez pas.
Quand le moment viendra,
et si vous avez été choisi,
cela se fera tout seul et cela continuera
jusqu’à votre mort ou jusqu’à ce que cela meurt en vous.
Il n’y a pas d’autre manière
et il n’y en a jamais eu d’autre.

COMMENT DEVENIR UN GRAND ÉCRIVAIN (How To Be A Great Writer, 1977)


vous devez baiser le maximum de femmes
de belles femmes et écrire
le minimum de poèmes d’amour courtois
et ne vous préoccupez pas de leur âge
et/ou des questions de talents.
simplement buvez de la bière
de plus en plus
et allez aux courses au moins une fois
par semaine
et gagnez
si possible
apprendre à gagner n’est pas à la portée
de tous-n’importe quel plouc
peut devenir un excellent perdant.
et n’oubliez pas ce cher Brahms
et ce cher Bach et cette chère
bière
mais pas de forcing
dormez jusqu’à midi
évitez les cartes de crédits
et aussi de payer
cash.
rappelez-vous qu’il n’y a pas un cul
dans ce vaste monde qui ne vaille plus
de 50$ (en 1977).
et si vous avez envie d’aimer
aimez-vous d’abord
mais en gardant
toujours à l’esprit la possibilité
d’une défaite complète
quelle qu’en soit la raison
fondée ou non-
un avant-goût de la mort n’est pas
nécessairement une mauvaise chose.
ne mettez pas les pieds dans les églises
les bars et les musées et telle l’araignée
soyez patients-
le temps est notre croix à tous
avec
l’exil
la défaite
la trahison
toutes ces saletés.
restez en tête à tête avec la bière.
chaque bière est comme du sang nouveau.
comme une maîtresse éternelle.
prenez une grosse machine à écrire
et comme si vous ne faisiez que
marcher et remarcher
attaquez-la
attaquez-la durement
comme si vous disputiez un combat de
poids lourds
comme le taureau quand il charge
et rappelez-vous les vieux chiens
qui se battirent si bien :
Hemingway, Céline, Dostoïevski, Hamsun.
et si vous croyez qu’ils ne sont pas
devenus fous
dans leur trou
comme vous êtes en train de le devenir
sans femmes
sans nourriture
sans espoir
alors vous n’êtes pas encore mûr.
buvez encore plus de bière.
vous avez le temps.
et si ce n’est pas le cas
ce serait tout aussi
bien.
***
Charles Bukowski (1920-1994) – L’amour est un chien de l’enfer (Love is a Dog from
Hell, 1977)

[…]

L’IMITATION, TRANSTEXTUALITE, UN HOMMAGE, UN FORMAT OU UNE


RÉPONSE?

FERNANDO PESSOA (Lisboa, 1888)

POÈME EN LIGNE DROITE


Je n’ai jamais connu quiconque qui ait pris des coups.
Tous, parmi mes connaissances, ont été des champions en tout.

Et moi, tant de fois méprisable, tant de fois porc, tant de fois vil,
Moi, tant de fois irréfutablement parasite,
Inexcusablement sale.
Moi qui, tant de fois, n’ai pas eu la patience de prendre un bain,
Moi qui fus tant de fois ridicule, absurde,
Qui me suis pris publiquement les pieds dans les tapis des étiquettes,
Qui ai été grotesque, mesquin, soumis et arrogant,
Qui ai souffert l’humiliation et me suis tu,
Et qui, lorsque je ne me suis pas tu, me suis senti plus ridicule encore;
Moi dont se sont ris des domestiques d’hôtel,
Moi qui ai senti les clins d’œil des employés du fret,
Moi qui me suis livré à des hontes financières, contracté des emprunts sans payer,
Et qui, à l’heure de prendre des coups, me suis accroupi
Pour échapper à la possibilité d’un coup ;
Moi qui ai souffert l’angoisse des petites choses ridicules,
Je constate que je n’ai pas de pair en tout ceci dans ce monde.

Tous ceux que je connais et qui parlent avec moi


N’ont jamais eu un geste ridicule, n’ont jamais souffert l’humiliation,
N’ont jamais été rien d’autre que princes – tous, ils sont princes – dans la vie…

Si seulement je pouvais entendre de quelqu’un une voix humaine


Qui confesse, non pas un pécher, mais une infamie ;
Qui raconte, non pas une violence, mais une lâcheté !
Non, ils sont tous l’Idéal, si je les écoute, et qu’ils me parlent.
Qui y a-t-il, dans ce vaste monde, pour me confesser qu’une fois, il a été vil ?
Ô princes, mes frères,

Allez, j’en ai assez des demi-dieux !


Où y a-t-il des hommes dans le monde ?

Ainsi, je suis le seul à être vil et dans l’erreur sur cette terre ?
Les femmes peuvent ne pas les avoir aimés,
Ils peuvent avoir été trahis – mais ridicules jamais !
Et moi, qui ai été ridicule sans avoir été trahi,
Comment pourrais-je parler avec mes supérieurs sans vaciller ?
Moi, qui suis vil, littéralement vil,
Vil au sens mesquin et ignoble de la vilénie.

POEMA EN LÍNEA RECTA

Nunca he conocido a nadie a quien le hubiesen molido a


palos.
Todos mis conocidos han sido campeones en todo.

Y yo, tantas veces despreciable, tantas veces inmundo,


tantas veces vil,
yo, tantas veces irrefutablemente parásito,
imperdonablemente sucio,
yo, que tantas veces no he tenido paciencia para bañarme,
yo, que tantas veces he sido ridículo, absurdo,
que he tropezado públicamente en las alfombras de las
ceremonias,
que he sido grotesco, mezquino, sumiso y arrogante,
que he sufrido ofensas y me he callado,
que cuando no me he callado, he sido más ridículo todavía;
yo, que les he parecido cómico a las camareras de hotel,
yo, que he advertido guiños entre los mozos de carga,
yo, que he hecho canalladas financieras y he pedido prestado
sin pagar,
yo, que, a la hora de las bofetadas, me agaché
fuera del alcance las bofetadas;
yo, que he sufrido la angustia de las pequeñas cosas
ridículas,
me doy cuenta de que no tengo par en esto en todo el
mundo.

Toda la gente que conozco y que habla conmigo


nunca hizo nada ridículo, nunca sufrió una afrenta,
nunca fue sino príncipe - todos ellos príncipes - en la vida...

¡Ojalá pudiese oír la voz humana de alguien


que confesara no un pecado, sino una infamia;
que contara, no una violencia, sino una cobardía!
No, son todos el Ideal, si los oigo y me hablan.
¿Quién hay en este ancho mundo que me confiese que ha
sido vil alguna vez?
¡Oh príncipes, hermanos míos,

¡Basta, estoy harto de semidioses!


¿Dónde hay gente en el mundo?

¿Seré yo el único ser vil y equivocado de la tierra?

Podrán no haberles amado las mujeres,


pueden haber sido traicionados; pero ridículos, ¡nunca!
Y yo, que he sido ridículo sin que me hayan traicionado,
¿cómo voy a hablar con esos superiores míos sin titubear?
Yo, que he sido vil, literalmente vil,
vil en el sentido mezquino e infame de la vileza.

RAFAEL CADENAS (Lara, 1930)

DERROTA (1963)

Yo que no he tenido nunca un oficio


que ante todo competidor me he sentido débil
que perdí los mejores títulos para la vida
que apenas llego a un sitio ya quiero irme (creyendo que mudarme es una solución)
que he sido negado anticipadamente y escarnecido por los más aptos
que me arrimo a las paredes para no caer del todo
que soy objeto de risa para mí mismo que creí
que mi padre era eterno
que he sido humillado por profesores de literatura
que un día pregunté en qué podía ayudar y la respuesta fue una risotada
que no podré nunca formar un hogar, ni ser brillante, ni triunfar en la vida
que he sido abandonado por muchas personas porque casi no hablo
que tengo vergüenza por actos que no he cometido
que poco me ha faltado para echar a correr por la calle
que he perdido un centro que nunca tuve
que me he vuelto el hazmerreír de mucha gente por vivir en el limbo
que no encontraré nunca quién me soporte
que fui preterido en aras de personas más miserables que yo
que seguiré toda la vida así y que el año entrante seré muchas veces más burlado en mi
ridícula ambición
que estoy cansado de recibir consejos de otros más aletargados que yo («Ud. es muy
quedado, avíspese, despierte»)
que nunca podré viajar a la India
que he recibido favores sin dar nada en cambio
que ando por la ciudad de un lado a otro como una pluma
que me dejo llevar por los otros
que no tengo personalidad ni quiero tenerla
que todo el día tapo mi rebelión
que no me he ido a las guerrillas
que no he hecho nada por mi pueblo
que no soy de las FALN y me desespero por todas estas cosas y por otras cuya enumeración
sería interminable
que no puedo salir de mi prisión
que he sido dado de baja en todas partes por inútil
que en realidad no he podido casarme ni ir a París ni tener un día sereno
que me niego a reconocer los hechos
que siempre babeo sobre mi historia
que soy imbécil y más que imbécil de nacimiento
que perdí el hilo del discurso que se ejecutaba en mí y no he podido encontrarlo
que no lloro cuando siento deseos de hacerlo
que llego tarde a todo
que he sido arruinado por tantas marchas y contramarchas
que ansío la inmovilidad perfecta y la prisa impecable
que no soy lo que soy ni lo que no soy
que a pesar de todo tengo un orgullo satánico aunque a ciertas horas haya sido humilde
hasta igualarme a las piedras
que he vivido quince años en el mismo círculo
que me creí predestinado para algo fuera de lo común y nada he logrado
que nunca usaré corbata
que no encuentro mi cuerpo
que he percibido por relámpagos mi falsedad y no he podido derribarme, barrer todo y crear
de mi indolencia, mi
flotación, mi extravío una frescura nueva, y obstinadamente me suicido al alcance de la
mano
me levantaré del suelo más ridículo todavía para seguir burlándome de los otros y de mí
hasta el día del juicio final.

VÍCTOR VALERA MORA (1938-1984)

Yo que jamás he atormentado mi cerebro


que nunca le he parado a la psicología
que ante todo test mental me muero de risa
hace ya tiempo estructuré un esquema teórico
dentro del cual toda persona
que ande tenga o maneje un Mustang
es altamente sospechosa de ser oligofrénica
Pero resulta que la mujer de ojos insoslayables
anda y tiene y maneja un Mustang
Ojalá sea la excepción que la confirme

MIGUEL JAMES (1953)

VICTORIA

Yo que no trabajo ni quiero trabajar


que a todos miro siempre como a iguales
que nací con estrella
que habiendo llegado a un sitio mi tienda allí quiero montar
que de antemano soy recibido y alabado por los más sagaces
que ando borracho por las calles
que de cuanto sobre la tierra marcha me he reído
que soy hijo del Padre Eterno
que me importan un bledo los maestros de bellas letras
que caigo erguido
que he seguido charlando con todos
que soy inocente
que por montes, avenidas y mares guío el timón de mis navíos
que bailo Limbo
que siempre encuentro quien me sostenga
que conozco a los farsantes
que no ceso de andar
que en el Pub escucho voces (sé que es la Chiqui haciéndose la Isa
o la Isa haciéndose la Chiqui)
que moro en la India
que devuelvo centuplicados los amores
que a la ciudad toda la recorro
que por ninguno me dejo llevar
que tengo personalidad
que canto todo el día
que he sido admitido a las iniciaciones de los guerreros
que hago de todo por mi pueblo
que soy Lanza-Lengua-Luz de la Nación
que me fugo de los asilos
que a ninguno rechazo por hermoso
que me casé, tuve un hijo y voy al África para anegarme de sol
que reconozco los hechos
que sé mi historia
que soy listo y más listo que el hambre
que deliro en las plazas
que lloro cuanto tengo ganas
que todo me llega a tiempo
que descanso, combato y vuelvo a descansar
que aguardo el retorno del Ras Tafari
que siento luego existo
que tengo luz bella
que he vivido diez años en el mismo barrio
que me sé elegido
que dejo a otros ahorcarse con sus corbatas
que encontré mi alma
que soy bisnieto de Du, conozco mi espalda y me extasío ante mi imagen en los espejos,
advierto que no pienso seguir así toda la vida, burlándome de Dios, la Hostia y la Virgen
Santísima.

O este poema:
A LAS DIOSAS DEL MAR
Yo que apenas viendo una Mujer quiero desnudarla
Yo que me sueño amándola por los siglos de los siglos
y las eternidades
Yo que quisiera respetar y no desear a la Mujer de mi prójimo
Yo que quisiera ser casto y puro y guardador de Energía
Yo que llevo en mis venas Sangre del Rey Ashanti que tuvo
siete mil Esposas
Yo que quisiera tanto fundirme con una Mujer, volver al Origen
Quisiera ahora tan sólo
Retornar a mi Isla
Y abrazar como esposas
a las Diosas del Mar.

NOTATIONS SUR LA CRITIQUE


Gaston Bachelard dans La poétique de l’Espace, nous dit ceci :

El fenomenólogo no tiene nada que ver aquí con el crítico literario que, como se ha
observado con frecuencia juzga una obra que no podría crear, e incluso según
testimonio de las censuras fáciles, una obra que no querría hacer. El crítico literario
es un lector necesariamente severo. Volviendo del revés como un guante un
complejo que el uso excesivo ha desvalorizado hasta el punto de penetrar en el
vocabulario de los estadistas, podría decirse que el crítico literario, que el profesor
de retórica, que saben siempre, que juzgan siempre, tienen un simplejo de
superioridad. (p. 17).
Dans sa première lettre adressée à Franz Xaver Kappus en 1903 Rainer Maria Rilke lui
dit:
Je n’entrerai pas dans la manière de vos vers, toute préoccupation critique m’étant
étrangère. D’ailleurs, pour saisir une œuvre d’art, rien n’est pire que les mots de la
critique. Ils n’aboutissent qu’à des malentendus plus ou moins heureux. Les choses
ne sont pas toutes à prendre ou à dire, comme on voudrait nous le faire croire.
Presque tout ce qui arrive est inexprimable et s’accomplit dans une région que
jamais parole n’a foulée. Et plus inexprimables que tout sont les œuvres d’art, ces
êtres secrets dont la vie ne finit pas et que côtoie la nôtre qui passe. (Lettres à un
jeune poète).
Dans Le Pèse nerfs Antonin Artaud (1927) dit :

Toute l'écriture est de la cochonnerie.


Les gens qui sortent du vague pour essayer de préciser quoi que ce soit de ce
qui se passe dans leur pensée, sont des cochons.
Toute la gent littéraire est cochonne, et spécialement celle de ce temps-ci.
Tous ceux qui ont des points de repère dans l'esprit, je veux dire d'un certain

côté de la tête, sur des emplacements bien localisés de leur cerveau, tous ceux
qui sont maîtres de leur langue, tous ceux pour qui les mots ont un sens, tous
ceux pour qui il existe des altitudes dans l'âme, et des courants dans la
pensée, ceux qui sont esprit de l'époque, et qui ont nommé ces courants de
pensée, je pense à leurs besognes précises, et à ce grincement d'automate que
rend à tous vents leur esprit,

- sont des cochons.


Ceux pour qui certaines mots ont un sens, et certaines manières d'être, ceux qui
font si bien des façons, ceux pour qui les sentiments ont des classes et qui
discutent sur un degré quelconque de leurs hilarantes classifications, ceux qui
croient encore à des "termes", ceux qui remuent des idéologies ayant pris rang
dans l'époque, ceux dont les femmes parlent si bien et ces femmes aussi qui
parlent si bien et qui parlent des courants de l'époque, ceux qui croient encore

à une orientation de l'esprit, ceux qui suivent des voies, qui agitent des noms,
qui font crier les pages des livres,
- ceux-là sont les pires cochons.
Vous êtes bien gratuit, jeune homme !
Non, je pense à des critiques barbus.

Et je vous l'ai dit : pas d'œuvres, pas de langue, pas de parole, pas d'esprit,
rien.
Rien, sinon un beau Pèse-Nerfs.
Une sorte de station incompréhensible et toute droite au milieu de tout dans
l'esprit.
Et n'espérez pas que je vous nomme ce tout, en combien de parties il se divise,

que je vous dise son poids, que je marche, que je me mette à discuter sur ce
tout, et que, discutant, je me perde et que je me mette ainsi sans le savoir à
PENSER, - et qu'il s'éclaire, qu'il vive, qu'il se pare d'une multitude de mots,
tous bien frottés de sens, tous divers, et capables de bien mettre au jour
toutes les attitudes, toutes le nuances d'une très sensible et pénétrante
pensée.
Ah ces états qu'on ne nomme jamais, ces situations éminentes d'âme, ah ces

intervalles d'esprit, ah ces minuscules ratées qui sont le pain quotidien de mes
heures, ah ce peuple fourmillant de données, - ce sont toujours les même mots
qui me servent et vraiment je n'ai pas l'air de beaucoup bouger dans ma pensée,
mais j'y bouge plus que vous en réalité, barbes d'ânes, cochons pertinents,
maîtres du faux verbe, trousseurs de portraits, feuilletonistes, rez-de-
chaussée, herbagistes, entomologistes, plaie de ma langue.

Je vous l'ai dit, que je n'ai plus ma langue, ce n'est pas une raison pour que
vous persistiez, pour que vous vous obstiniez dans la langue.
Allons, je serai compris dans dix ans par les gens qui feront aujourd'hui ce que
vous faites. Alors on connaîtra mes geysers, on verra mes glaces, on aura appris
à dénaturer mes poisons, on décèlera mes jeux d'âmes.
Alors tous mes cheveux seront coulés dans la chaux, toutes mes veines mentales,
alors on percevra mon bestiaire, et ma mystique sera devenue un chapeau. Alors
on verra fumer les jointures des pierres, et d'arborescents bouquets d'yeux

mentaux se cristalliseront en glossaires, alors on verra choir des aérolithes de


pierre, alors on verra des cordes, alors on comprendra la géométrie sans
espaces, et on apprendra ce que c'est que la configuration de l'esprit, et on
comprendra comment j'ai perdu l'esprit.
Alors on comprendra pourquoi mon esprit n'est pas là, alors on verra toutes les
langues tarir, tous les esprits se dessécher, toutes les langues se racornir,

les figures humaines s'aplatiront, se dégonfleront, comme aspirées par des


ventouses desséchantes, et cette lubrifiante membrane continuera à flotter dans
l'air, cette membrane à deux épaisseurs, à multiples degrés, à un infini de
lézardes, cette mélancolique et vitreuse membrane, mais si sensible, si
pertinente elle aussi, si capable de se multiplier, de se dédoubler, de se
retourner avec son miroitement de lézardes, de sens, de stupéfiants,
d'irrigations pénétrantes et vireuses,

alors tout ceci sera trouvé bien,


et je n'aurai plus besoin de parler.

Miguel James

A UN CRÍTICO

A un Crítico que me preguntó


En qué me inspiraba Yo
Para componer tan hermosas canciones
Le respondí que Yo me inspiraba en las Muchachas
De Caracas
Le dije:
Los poemas andan por ahí
Moviendo sus culitos.

NOTATIONS SUR LA POÉTIQUE DU SILENCE

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