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La Passion du Christ vue par René Girard

Par René Girard

Publié le 05/11/2015 à 10:29

Le philosophe et professeur René Girard est mort ce 4 novembre. Lors de la sortie de La Passion du Christ en
2004, il avait écrit pour Le Figaro un texte fleuve en défense du film de Mel Gibson.

Philosophe français ayant enseigné 45 ans aux États-Unis, René Girard a vu le film de Mel Gibson pour Le
Figaro Magazine. Il salue le travail du cinéaste pour inscrire la Passion du Christ dans une tradition esthétique
et théologique.

Une violence au service de la foi

Bien avant la sortie de son film aux Etats-Unis, Mel Gibson avait organisé pour les sommités journalistiques et
religieuses des projections privées. S'il comptait s'assurer ainsi la bienveillance des gens en place, il a mal
calculé son coup, ou peut-être a-t-il fait preuve, au contraire, d'un machiavélisme supérieur.

Les commentaires ont tout de suite suivi et, loin de louer le film ou même de rassurer le public, ce ne furent
partout que vitupérations affolées et cris d'alarme angoissés au sujet des violences antisémites qui risquaient de
se produire à la sortie des cinémas. Même le New Yorker, si fier de l'humour serein dont, en principe, il ne se
départ jamais, a complètement perdu son sang-froid et très sérieusement accusé le film d'être plus semblable à la
propagande nazie que toute autre production cinématographique depuis la Seconde Guerre mondiale.

Rien ne justifie ces accusations. Pour Mel Gibson, la mort du Christ est l'oeuvre de tous les hommes, à
commencer par Gibson lui-même. Lorsque son film s'écarte un peu des sources évangéliques, ce qui arrive
rarement, ce n'est pas pour noircir les Juifs mais pour souligner la pitié que Jésus inspire à certains d'entre eux, à
un Simon de Cyrène par exemple, dont le rôle est augmenté, ou à une Véronique, la femme qui, selon une
tradition ancienne, a offert à Jésus, pendant la montée au Golgotha, un linge sur lequel se sont imprimés les
traits de son visage.

Plus les choses se calment, plus il devient clair, rétrospectivement, que ce film a déclenché dans les médias les
plus influents du monde une véritable crise de nerfs qui a plus ou moins contaminé par la suite l'univers entier.
Le public n'avait rien à voir à l'affaire puisqu'il n'avait pas vu le film. Il se demandait avec curiosité, forcément,
ce qu'il pouvait bien y avoir dans cette Passion pour semer la panique dans un milieu pas facile en principe à
effaroucher. La suite était facile à prévoir: au lieu des deux mille six cents écrans initialement prévus, ils furent
plus de quatre mille à projeter The Passion of the Christ à partir du mercredi des Cendres, jour choisi, de toute
évidence, pour son symbolisme pénitentiel.

Dès la sortie du film, la thèse de l'antisémitisme a perdu du terrain mais les adversaires du film se sont regroupés
autour d'un second grief, la violence excessive qui, à les en croire, caractériserait ce film. Cette violence est
grande, indubitablement, mais elle n'excède pas, il me semble, celle de bien d'autres films que les adversaires de
Mel Gibson ne songent pas à dénoncer. Cette Passion a bouleversé, très provisoirement sans doute, l'échiquier
des réactions médiatiques au sujet de la violence dans les spectacles. Tous ceux qui, d'habitude, s'accommodent
très bien de celle-ci ou voient même dans ses progrès constants autant de victoires de la liberté sur la tyrannie,
voilà qu'ils la dénoncent dans le film de Gibson avec une véhémence extraordinaire. Tous ceux qui, au contraire,
se font d'habitude un devoir de dénoncer la violence, sans obtenir jamais le moindre résultat, non seulement
tolèrent ce même film mais fréquemment ils le vénèrent.

Jamais on n'avait filmé avec un tel réalisme

Pour justifier leur attitude, les opposants empruntent à leurs adversaires habituels tous les arguments qui leur
paraissent excessifs et même ridicules dans la bouche de ces derniers. Ils redoutent que cette Passion ne
«désensibilise» les jeunes, ne fasse d'eux de véritables drogués de la violence, incapables d'apprécier les vrais
raffinements de notre culture. On traite Mel Gibson de «pornographe» de la violence, alors qu'en réalité il est un
des très rares metteurs en scène à ne pas systématiquement mêler de l'érotisme à la violence.

Certains critiques poussent l'imitation de leurs adversaires si loin qu'ils mêlent le religieux à leurs diatribes. Ils
reprochent à ce film son «impiété», ils vont jusqu'à l'accuser, tenez-vous bien, d'être «blasphématoire».
Cette Passion a provoqué, en somme, entre des adversaires qui se renvoient depuis toujours les mêmes
arguments, un étonnant chassé-croisé. Cette double palinodie se déroule avec un naturel si parfait que
l'ensemble a toute l'apparence d'un ballet classique, d'autant plus élégant qu'il n'a pas la moindre conscience de
lui-même.

Quelle est la force invisible mais souveraine qui manipule tous ces critiques sans qu'ils s'en aperçoivent? A mon
avis, c'est la Passion elle-même. Si vous m'objectez qu'on a filmé celle-ci bien des fois dans le passé sans jamais
provoquer ni l'indignation formidable ni l'admiration, aussi formidable sans doute mais plus secrète, qui
déferlent aujourd'hui sur nous, je vous répondrai que jamais encore on n'avait filmé la Passion avec le réalisme
implacable de Gibson.

C'est la saccharine hollywoodienne d'abord qui a dominé le cinéma religieux, avec des Jésus aux cheveux si
blonds et aux yeux si bleus qu'il n'était pas question de les livrer aux outrages de la soldatesque romaine. Ces
dernières années, il y a eu des Passions plus réalistes, mais moins efficaces encore, car agrémentées de fausses
audaces postmodernistes, sexuelles de préférence, sur lesquelles les metteurs en scène comptaient pour pimenter
un peu les Evangiles jugés par eux insuffisamment scandaleux. Ils ne voyaient pas qu'en sacrifiant à
l'académisme de «la révolte» ils affadissaient la Passion, ils la banalisaient.

Pour restituer à la crucifixion sa puissance de scandale, il suffit de la filmer telle quelle, sans rien y ajouter, sans
rien en retrancher. Mel Gibson a-t-il réalisé ce programme jusqu'au bout? Pas complètement sans doute, mais il
en a fait suffisamment pour épouvanter tous les conformismes.

Le principal argument contre ce que je viens de dire consiste à accuser le film d'infidélité à l'esprit des
Evangiles. Il est vrai que les Evangiles se contentent d'énumérer toutes les violences que subit le Christ, sans
jamais les décrire de façon détaillée, sans jamais faire voir la Passion «comme si on y était». Tirer de la nudité et
de la rapidité du texte évangélique un argument contre le réalisme de Mel Gibson, c'est escamoter l'histoire.
C'est ne pas voir que, au premier siècle de notre ère, la description réaliste au sens moderne ne pouvait pas être
pratiquée, car elle n'était pas encore inventée.

C'est parfaitement exact, mais tirer de la nudité et de la rapidité du texte évangélique un argument contre le
réalisme de Mel Gibson, c'est escamoter l'histoire. C'est ne pas voir que, au premier siècle de notre ère, la
description réaliste au sens moderne ne pouvait pas être pratiquée, car elle n'était pas encore inventée.
L'impulsion première dans le développement du réalisme occidental vient très probablement de la Passion. Les
Évangiles n'ont pas délibérément rejeté une possibilité qui n'existait pas à leur époque. Il est clair que, loin de
fuir le réalisme, ils le recherchent, mais les ressources font défaut. Les récits de la Passion contiennent plus de
détails concrets que toutes les œuvres savantes de l'époque. Ils représentent un premier pas en avant vers le
toujours plus de réalisme qui définit le dynamisme essentiel de notre culture dans ses époques de grande vitalité.
Le premier moteur du réalisme, c'est le désir de nourrir la méditation religieuse qui est essentiellement une
méditation sur la Passion du Christ.

En enseignant le mépris du réalisme et du réel lui-même, l'esthétique moderne a complètement faussé


l'interprétation de l'art occidental. Elle a inventé, entre l'esthétique d'un côté, le technique et le scientifique de
l'autre, une séparation qui n'a commencé à exister qu'avec le modernisme, lequel n'est peut-être qu'une
appellation flatteuse de notre décadence. La volonté de faire vrai, de peindre les choses comme si on y était a
toujours triomphé auparavant et, pendant des siècles, elle a produit des chefs-d'oeuvre dont Gibson dit qu'il s'est
inspiré. Il mentionne lui-même, me dit-on, le Caravage. Il faut songer aussi à certains Christ romans, aux
crucifixions espagnoles, à un Jérôme Bosch, à tous les Christ aux outrages...

Loin de mépriser la science et la technique, la grande peinture de la Renaissance et des siècles modernes met
toutes les inventions nouvelles au service de sa volonté de réalisme. Loin de rejeter la perspective, le trompe-
l'oeil, on accueille tout cela avec passion. Qu'on songe au Christ mort de Mantegna...

Pour comprendre ce qu'a voulu faire Mel Gibson, il me semble qu'il faut se libérer de tous les snobismes
modernistes et postmodernistes et envisager le cinéma comme un prolongement et un dépassement du grand
réalisme littéraire et pictural. Si les techniques contemporaines passent souvent pour incapables de transmettre
l'émotion religieuse, c'est parce que jamais encore de grands artistes ne les ont transfigurées. Leur invention a
coïncidé avec le premier effondrement de la spiritualité chrétienne depuis le début du christianisme.

Si les artistes de la Renaissance avaient disposé du cinéma, croit-on vraiment qu'ils l'auraient dédaigné? C'est
avec la tradition réaliste que Mel Gibson s'efforce de renouer. L'aventure tentée par lui consiste à utiliser à fond
les ressources incomparables de la technique la plus réaliste qui fût jamais, le cinéma. Les risques sont à la
mesure de l'ambition qui caractérise cette entreprise, inhabituelle aujourd'hui, mais fréquente dans le passé.

Si l'on entend réellement filmer la Passion et la crucifixion, il est bien évident qu'on ne peut pas se contenter de
mentionner en quelques phrases les supplices subis par le Christ. Il faut les représenter. Dans la tragédie
grecque, il était interdit de représenter la mort du héros directement, on écoutait un messager qui racontait ce qui
venait de se passer. Au cinéma, il n'est plus possible d'éluder l'essentiel. Court-circuiter la flagellation ou la mise
en croix, par exemple, ce serait reculer devant l'épreuve décisive. Il faut représenter ces choses épouvantables
«comme si on y était». Faut-il s'indigner si le résultat ne ressemble guère à un tableau préraphaélite?

Au-delà d'un certain nombre de coups, la flagellation romaine, c'était la mort certaine, un mode d'exécution
comme les autres, en somme, au même titre que la crucifixion. Mel Gibson rappelle cela dans son film. La
violence de sa flagellation est d'autant plus insoutenable qu'elle est admirablement filmée, ainsi que tout le reste
de l'oeuvre d'ailleurs.

Mel Gibson se situe dans une certaine tradition mystique face à la Passion: «Quelle goutte de sang as-tu versée
pour moi?», etc. Il se fait un devoir de se représenter les souffrances du Christ aussi précisément que possible,
pas du tout pour cultiver l'esprit de vengeance contre les Juifs ou les Romains, mais pour méditer sur notre
propre culpabilité.

Cette attitude n'est pas la seule possible, bien sûr, face à la Passion. Et il y aura certainement un mauvais autant
qu'un bon usage de son film, mais on ne peut pas condamner l'entreprise apriori, on ne peut pas l'accuser les
yeux fermés de faire de la Passion autre chose qu'elle n'est. Jamais personne, dans l'histoire du christianisme,
n'avait encore essayé de représenter la Passion telle que réellement elle a dû se dérouler.

Dans la salle où j'ai vu ce film, sa projection était précédée de trois ou quatre coming attractions remplies d'une
violence littéralement imbécile, ricanante, pétrie d'insinuations sado-masochistes, dépourvue de tout intérêt non
seulement religieux mais aussi narratif, esthétique ou simplement humain. Comment ceux qui consomment
quotidiennement ces abominations, qui les commentent, qui en parlent à leurs amis, peuvent-ils s'indigner du
film de Mel Gibson? Voilà qui dépasse mon entendement.

Comment pourrait-on exagérer les souffrances d'un homme qui doit subir, l'un après l'autre, les deux supplices
les plus terribles inventés par la cruauté romaine ?

Il faut donc commencer par absoudre le film du reproche absurde «d'aller trop loin», «d'exagérer à plaisir les
souffrances du Christ». Comment pourrait-on exagérer les souffrances d'un homme qui doit subir, l'un après
l'autre, les deux supplices les plus terribles inventés par la cruauté romaine?

Une fois reconnue la légitimité globale de l'entreprise, il est permis de regretter que Mel Gibson soit allé plus
loin dans la violence que le texte évangélique ne l'exige. Il fait commencer les brutalités contre Jésus tout de
suite après son arrestation, ce que les Evangiles ne suggèrent pas. Ne serait-ce que pour priver ses critiques d'un
argument spécieux, le metteur en scène aurait mieux fait, je pense, de s'en tenir à l'indispensable. L'effet global
serait tout aussi puissant et le film ne prêterait pas le flanc au reproche assez hypocrite de flatter le goût
contemporain pour la violence.

D'où vient ce formidable pouvoir évocateur qu'a sur la plupart des hommes toute représentation de la Passion
fidèle au texte évangélique? Il y a tout un versant anthropologique de la description évangélique, je pense, qui
n'est ni spécifiquement juif, ni spécifiquement romain, ni même spécifiquement chrétien et c'est la dimension
collective de l'événement, c'est ce qui fait de lui, essentiellement, un phénomène de foule.

La foule qui fait un triomphe à Jésus ce dimanche-là est celle-là même qui hurlera à la mort cinq jours plus tard.
Mel Gibson a raison, je pense, de souligner le revirement de cette foule, l'inconstance cruelle des foules, leur
étrange versatilité.

Une des choses que le Pilate de Mel Gibson dit à la foule ne figure pas dans les Evangiles mais me paraît fidèle
à leur esprit: «Il y a cinq jours, vous désiriez faire de cet homme votre roi et maintenant vous voulez le tuer.»
C'est une allusion à l'accueil triomphal fait à Jésus le dimanche précédent, le dimanche dit des Rameaux dans le
calendrier liturgique. La foule qui fait un triomphe à Jésus ce dimanche-là est celle-là même qui hurlera à la
mort cinq jours plus tard. Mel Gibson a raison, je pense, de souligner le revirement de cette foule, l'inconstance
cruelle des foules, leur étrange versatilité. Toutes les foules du monde passent aisément d'un extrême à l'autre,
de l'adulation passionnée à la détestation, à la destruction frénétique d'un seul et même individu. Il y a d'ailleurs
un grand texte de la Bible qui ressemble beaucoup plus à la Passion évangélique qu'on ne le perçoit d'habitude,
et c'est le Livre de Job. Après avoir été le chef de son peuple pendant de nombreuses années, Job est brutalement
rejeté par ce même peuple qui le menace de mort par l'intermédiaire de trois porte-parole toujours désignés,
assez cocassement, comme «les amis de Job».

Le propre d'une foule agitée, affolée, c'est de ne pas se calmer avant d'avoir assouvi son appétit de violence sur
une victime dont l'identité le plus souvent ne lui importe guère. C'est ce que sait fort bien Pilate qui, en sa
qualité d'administrateur, a de l'expérience en la matière. Le procurateur propose à la foule, pour commencer, de
faire crucifier Barrabas à la place de Jésus. Devant l'échec de cette première manoeuvre très classique, à laquelle
il recourt visiblement trop tard, Pilate fait flageller Jésus dans l'espoir de satisfaire aux moindres frais, si l'on
peut dire, l'appétit de violence qui caractérise essentiellement ce type de foule.

Si Pilate procède ainsi, ce n'est pas parce qu'il est plus humain que les Juifs, ce n'est pas forcément non plus à
cause de son épouse. L'explication la plus vraisemblable, c'est que, pour être bien noté à Rome qui se flatte de
faire régner partout la pax romana, un fonctionnaire romain préférera toujours une exécution légale à une
exécution imposée par la multitude.

D'un point de vue anthropologique, la Passion n'a rien de spécifiquement juif. C'est un phénomène de foule qui
obéit aux mêmes lois que tous les phénomènes de foule. Une observation attentive en repère l'équivalent un peu
partout dans les nombreux mythes fondateurs qui racontent la naissance des religions archaïques et antiques.

Presque toutes les religions, je pense, s'enracinent dans des violences collectives analogues à celles que
décrivent ou suggèrent non seulement les Evangiles et le Livre de Job mais aussi les chants du Serviteur
souffrant dans le deuxième Isaïe, ainsi que de nombreux psaumes. Les chrétiens et les juifs pieux, bien à tort,
ont toujours refusé de réfléchir à ces ressemblances entre leurs livres sacrés et les mythes. Une comparaison
attentive révèle que, au-delà de ces ressemblances et grâce à elles on peut repérer entre le mythique d'un côté et,
de l'autre, le judaïque et le chrétien une différence à la fois ténue et gigantesque qui rend le judéo-chrétien
incomparable sous le rapport de la vérité la plus objective. A la différence des mythes qui adoptent
systématiquement le point de vue de la foule contre la victime, parce qu'ils sont conçus et racontés par les
lyncheurs, et ils tiennent toujours, par conséquent, la victime pour coupable (l'incroyable combinaison de
parricide et d'inceste dont Œdipe est accusé, par exemple), nos Écritures à nous tous, les grands textes bibliques
et chrétiens innocentent les victimes des mouvements de foules, et c'est bien ce que font les Évangiles dans le
cas de Jésus. C'est ce que montre Mel Gibson.

Tandis que mythes répètent sans fin l'illusion meurtrière des foules persécutrices, toujours analogues à celles de
la Passion, parce que cette illusion apaise la communauté et lui fournit l'idole autour de laquelle elle se
rassemble, les plus grands textes bibliques, et finalement les Évangiles, révèlent le caractère essentiellement
trompeur et criminel des phénomènes de foule sur lesquels reposent les mythologies du monde entier.

Il y a deux grandes attitudes à mon avis dans l'histoire humaine, il y a celle de la mythologie qui s'efforce de
dissimuler la violence, car, en dernière analyse, c'est sur la violence injuste que les communautés humaines
reposent. Et c'est ce que nous faisons tous si nous nous abandonnons à notre instinct. Nous essayons de
recouvrir du manteau de Noé la nudité de la violence humaine. Et nous marchons à reculons s'il le faut, pour ne
pas nous exposer, en regardant de trop près la violence, à sa puissance contagieuse.

Cette attitude est trop universelle pour être condamnée. C'est l'attitude d'ailleurs des plus grands philosophes
grecs et en particulier de Platon, qui condamne Homère et tous les poètes parce qu'ils se permettent de décrire
dans leurs oeuvres les violences attribuées par les mythes aux dieux de la cité. Le grand philosophe voit dans
cette audacieuse révélation une source de désordre, un péril majeur pour toute la société.

Cette attitude est certainement l'attitude religieuse la plus répandue, la plus normale, la plus naturelle à l'homme
et, de nos jours, elle est plus universelle que jamais, car les croyants modernisés, aussi bien les chrétiens que les
juifs, l'ont au moins partiellement adoptée.

L'autre attitude est beaucoup plus rare et elle est même unique au monde. Elle est réservée tout entière aux
grands moments de l'inspiration biblique et chrétienne. Elle consiste non pas à pudiquement dissimuler mais, au
contraire, à révéler la violence dans toute son injustice et son mensonge, partout où il est possible de la repérer.
C'est l'attitude du Livre de Job et c'est l'attitude des Evangiles. C'est la plus audacieuse des deux et, à mon avis,
c'est la plus grande. C'est l'attitude qui nous a permis de découvrir l'innocence de la plupart des victimes que
même les hommes les plus religieux, au cours de leur histoire, n'ont jamais cessé de massacrer et de persécuter.
C'est là qu'est l'inspiration commune au judaïsme et au christianisme, et c'est la clef, il faut l'espérer, de leur
réconciliation future. C'est la tendance héroïque à mettre la vérité au-dessus même de l'ordre social. C'est à cette
aventure-là, il me semble, que le film de Mel Gibson s'efforce d'être fidèle.

La Pasión de Cristo vista por René Girard


Por René Girard

Publicado el 11/05/2015 a las 10:29

El filósofo y profesor René Girard falleció el 4 de noviembre. Cuando se estrenó La Pasión de Cristo en 2004,
escribió un largo texto para Le Figaro en defensa de la película de Mel Gibson.

René Girard, filósofo francés que enseñó durante 45 años en Estados Unidos, vio la película de Mel Gibson
para la revista Le Figaro. Saluda el trabajo del cineasta por situar la Pasión de Cristo en una tradición
estética y teológica.

Violencia al servicio de la fe.

Mucho antes del estreno de su película en Estados Unidos, Mel Gibson había organizado proyecciones privadas
para luminarias periodísticas y religiosas. Si pretendía asegurarse la buena voluntad de quienes estaban en el
poder, calculó mal su decisión o tal vez demostró, por el contrario, un maquiavelismo superior.

Los comentarios se sucedieron inmediatamente y, lejos de elogiar la película o incluso tranquilizar al público,
no hubo más que vituperaciones de pánico y gritos de alarma angustiosos ante la violencia antisemita que
probablemente se produciría fuera de las salas de cine. Incluso el neoyorquino, tan orgulloso del humor sereno
del que, en principio, nunca se aparta, perdió completamente la calma y acusó muy seriamente a la película de
parecerse más a la propaganda nazi que cualquier otra producción cinematográfica desde la Segunda Guerra
Mundial.

Nada justifica estas acusaciones. Para Mel Gibson, la muerte de Cristo es obra de todos los hombres, empezando
por el propio Gibson. Cuando su película se desvía un poco de las fuentes evangélicas, lo que rara vez ocurre,
no es para denigrar a los judíos, sino para subrayar la lástima que Jesús inspira en algunos de ellos, en Simón de
Cirene, por ejemplo, cuyo protagonismo aumenta, o para a Verónica, la mujer que, según una antigua tradición,
ofreció a Jesús, durante la ascensión al Gólgota, un paño en el que estaban impresos los rasgos de su rostro.

Cuanto más se calman las cosas, más claro resulta, en retrospectiva, que esta película provocó una auténtica
crisis nerviosa en los medios de comunicación más influyentes del mundo, que posteriormente contaminó en
mayor o menor medida todo el universo. El público no tuvo nada que ver con el asunto ya que no había visto la
película. Se pregunta, por supuesto, con curiosidad qué podría haber en esta Pasión para sembrar el pánico en un
ambiente que, en principio, no es fácil de asustar. Lo que ocurrió a continuación era fácil de predecir: en lugar
de las dos mil seiscientas pantallas inicialmente previstas, más de cuatro mil proyectaron La Pasión de Cristo a
partir del Miércoles de Ceniza, día elegido, evidentemente, por su simbolismo penitencial.

Desde el estreno de la película, la tesis del antisemitismo perdió terreno, pero los oponentes de la película se
agruparon en torno a un segundo motivo: la violencia excesiva que, según ellos, caracterizaría esta película. Esta
violencia es grande, sin duda, pero no supera, me parece, la de muchas otras películas que los adversarios de
Mel Gibson no sueñan con denunciar. Esta Pasión ha alterado, sin duda muy temporalmente, el espectro de
reacciones de los medios de comunicación ante el tema de la violencia en los espectáculos. Todos aquellos que
suelen adaptarse muy bien a él o incluso ver en su constante progreso tantas victorias de la libertad sobre la
tiranía, lo denuncian en la película de Gibson con extraordinaria vehemencia. Todos aquellos que, por el
contrario, suelen asumir el deber de denunciar la violencia, sin obtener jamás el más mínimo resultado, no sólo
toleran esta misma película sino que con frecuencia la veneran.

Nunca habíamos filmado con tanto realismo.


Para justificar su actitud, los opositores toman prestados de sus adversarios habituales todos los argumentos que
parecen excesivos e incluso ridículos en boca de estos últimos. Temen que esta Pasión “insensibilice” a los
jóvenes, convirtiéndolos en verdaderos adictos a la violencia, incapaces de apreciar los verdaderos refinamientos
de nuestra cultura. A Mel Gibson se le llama “pornógrafo” de la violencia, cuando en realidad es uno de los
pocos directores que no mezcla sistemáticamente erotismo con violencia.

Algunos críticos llevan la imitación de sus adversarios hasta el punto de mezclar la religión en sus diatribas.
Critican esta película por su “impiedad”, llegan incluso a acusarla, ojo, de “blasfema”.

Esta Pasión ha provocado, en definitiva, un cruce sorprendente entre adversarios que siempre han utilizado los
mismos argumentos. Esta doble palinodia se desarrolla con una naturalidad tan perfecta que todo parece un
ballet clásico, tanto más elegante cuanto que no tiene la menor timidez.

¿Cuál es la fuerza invisible pero soberana que manipula a todos estos críticos sin que se den cuenta? En mi
opinión, es la Pasión misma. Si me objetáis que hemos filmado esto muchas veces en el pasado sin provocar
jamás ni la formidable indignación ni la admiración, también formidable sin duda pero más secreta, que hoy nos
inunda, yo respondería que nunca antes lo habíamos hecho. Filmamos La Pasión con el realismo implacable de
Gibson.

Fue la empalagosa de Hollywood la que primero dominó el cine religioso, con Jesús con el pelo tan rubio y los
ojos tan azules que no era cuestión de entregarlos a los ultrajes de los soldados romanos. En los últimos años, ha
habido Pasiones más realistas, pero aún menos efectivas, porque están adornadas con una falsa audacia
posmodernista, preferiblemente sexual, con la que los realizadores contaban para darle un poco de sabor a unos
Evangelios que consideraban insuficientemente escandalosos. No vieron que al sacrificarse al academicismo de
la “revuelta” estaban debilitando la Pasión, la estaban banalizando.

Para restaurar el poder escandaloso de la crucifixión, basta con filmarla tal como es, sin añadirle nada, sin
quitarle nada. ¿Mel Gibson llevó este programa hasta su finalización? No del todo, sin duda, pero hizo lo
suficiente para aterrorizar a todos los conformistas.

El principal argumento contra lo que acabo de decir consiste en acusar a la película de ser infiel al espíritu de los
Evangelios. Es cierto que los Evangelios se contentan con enumerar todas las violencias sufridas por Cristo, sin
describirlas jamás en detalle, sin mostrar jamás la Pasión “como si estuviéramos allí”. Sacar de la desnudez y la
velocidad del texto del Evangelio un argumento contra el realismo de Mel Gibson es eludir la historia. Esto es
no ver que, en el siglo I d. C., la descripción realista en el sentido moderno no podía practicarse porque aún no
había sido inventada.

Esto es perfectamente correcto, pero sacar de la desnudez y la velocidad del texto del Evangelio un argumento
contra el realismo de Mel Gibson es eludir la historia. Esto es no ver que, en el siglo I d. C., la descripción
realista en el sentido moderno no podía practicarse porque aún no había sido inventada. El impulso principal en
el desarrollo del realismo occidental probablemente provino de la Pasión. Los evangelios no rechazaron
deliberadamente una posibilidad que no existía en su época. Está claro que, lejos de huir del realismo, lo buscan,
pero faltan los recursos. Los relatos de la Pasión contienen detalles más concretos que todas las obras
académicas de la época. Representan un primer paso hacia el realismo cada vez mayor que define el dinamismo
esencial de nuestra cultura en sus períodos de gran vitalidad. La primera fuerza motriz del realismo es el deseo
de alimentar la meditación religiosa, que es esencialmente una meditación sobre la Pasión de Cristo.

Al enseñar desprecio por el realismo y la realidad misma, la estética moderna ha distorsionado por completo la
interpretación del arte occidental. Inventó, entre lo estético por un lado, lo técnico y lo científico por el otro, una
separación que sólo empezó a existir con el modernismo, que tal vez no sea más que un nombre halagador de
nuestra decadencia. El deseo de hacerlo real, de pintar las cosas como si estuviéramos allí, siempre ha triunfado
y, durante siglos, ha producido obras maestras en las que Gibson dice que se inspiró. Él mismo menciona, según
me han dicho, a Caravaggio. Hay que pensar también en ciertas novelas de Cristo, en las crucifixiones
españolas, en un Jerónimo El Bosco, en todos los Cristos de los ultrajes...

Lejos de desdeñar la ciencia y la tecnología, la gran pintura del Renacimiento y de los siglos modernos pone
todos los nuevos inventos al servicio de su afán de realismo. Lejos de rechazar la perspectiva, el trompe-l'oeil,
acogemos todo esto con pasión. Pensemos en el Cristo muerto de Mantegna...
Para entender lo que Mel Gibson quería hacer, me parece que debemos liberarnos de todo esnobismo modernista
y posmodernista y considerar el cine como una extensión y una superación del gran realismo literario y
pictórico. Si a menudo se considera que las técnicas contemporáneas son incapaces de transmitir emociones
religiosas, es porque los grandes artistas nunca las han transfigurado todavía. Su invención coincidió con el
primer colapso de la espiritualidad cristiana desde el comienzo del cristianismo.

Si los artistas del Renacimiento hubieran tenido el cine a su disposición, ¿creemos realmente que lo habrían
desdeñado? Es con la tradición realista con la que Mel Gibson se esfuerza por reconectarse. La aventura que
emprende consiste en aprovechar al máximo los incomparables recursos de la técnica más realista que jamás
haya existido, el cine. Los riesgos están a la altura de la ambición que caracteriza esta empresa, inusual hoy,
pero común en el pasado.

Si realmente pretendemos filmar la Pasión y la crucifixión, es obvio que no podemos simplemente mencionar en
unas pocas frases las torturas sufridas por Cristo. Deben estar representados. En la tragedia griega estaba
prohibido representar directamente la muerte del héroe; escuchábamos a un mensajero que contaba lo que
acababa de suceder. En el cine ya no es posible eludir lo esencial. Pasar por alto la flagelación o la cruz, por
ejemplo, sería retroceder ante la prueba decisiva. Debemos representar estas cosas terribles “como si
estuviéramos allí”. ¿Deberíamos indignarnos si el resultado apenas se parece a una pintura prerrafaelita?

Más allá de un determinado número de golpes, la flagelación romana era una muerte segura, un método de
ejecución como cualquier otro, en definitiva, igual que la crucifixión. Mel Gibson lo recuerda en su película. La
violencia de sus azotes es tanto más insoportable cuanto que está admirablemente filmada, al igual que el resto
de la obra.

Mel Gibson se sitúa en cierta tradición mística ante la Pasión: “¿Qué gota de sangre has derramado por mí?”,
etc. Se propone representar los sufrimientos de Cristo con la mayor precisión posible, no para cultivar el espíritu
de venganza contra los judíos o los romanos, sino para meditar sobre nuestra propia culpa.

Esta actitud no es la única posible, por supuesto, ante la Pasión. Y seguramente habrá un uso bueno y malo de su
película, pero no podemos condenar la empresa a priori, no podemos acusarla con los ojos cerrados de hacer de
la Pasión algo distinto de lo que es Oriente. Nunca antes en la historia del cristianismo nadie había intentado
representar la Pasión como realmente debió tener lugar.

En la sala donde vi esta película, su proyección fue precedida por tres o cuatro proyecciones venideras llenas de
violencia literalmente imbécil, burlona, llenas de insinuaciones sadomasoquistas, desprovistas de cualquier
interés no sólo religioso sino también narrativo, estético o simplemente humano. ¿Cómo es posible que aquellos
que consumen estas abominaciones a diario, que las comentan, que hablan de ellas con sus amigos, se sientan
indignados por la película de Mel Gibson? Esto está más allá de mi comprensión.

¿Cómo exagerar el sufrimiento de un hombre que debe sufrir, uno tras otro, las dos torturas más terribles
inventadas por la crueldad romana?

Por tanto, hay que empezar por absolver a la película del absurdo reproche de “ir demasiado lejos”, “de exagerar
a voluntad los sufrimientos de Cristo”. ¿Cómo exagerar el sufrimiento de un hombre que debe sufrir, uno tras
otro, las dos torturas más terribles inventadas por la crueldad romana?

Una vez reconocida la legitimidad general de la empresa, podemos lamentar que Mel Gibson fuera más violento
de lo que exige el texto evangélico. Comienza la brutalidad contra Jesús inmediatamente después de su arresto,
lo que los Evangelios no sugieren. Aunque sólo fuera para privar a sus críticos de un argumento engañoso, creo
que el director habría hecho mejor en ceñirse a lo esencial. El efecto general sería igualmente poderoso y la
película no estaría expuesta a la crítica bastante hipócrita de halagar el gusto contemporáneo por la violencia.

¿De dónde viene ese tremendo poder evocador que cualquier representación de la Pasión fiel al texto evangélico
tiene sobre la mayoría de los hombres? Creo que hay todo un lado antropológico de la descripción evangélica,
que no es específicamente judío, ni específicamente romano, ni siquiera específicamente cristiano, y es la
dimensión colectiva del evento, es lo que lo convierte, esencialmente, en un fenómeno de multitud.

La multitud que le dio un triunfo a Jesús ese domingo es la misma multitud que gritará pidiendo muerte cinco
días después. Creo que Mel Gibson tiene razón al enfatizar el cambio de dirección de esta multitud, la cruel
inconstancia de las multitudes, su extraña versatilidad.
Una de las cosas que el Pilato de Mel Gibson dice a la multitud no está en los Evangelios, pero parece fiel a su
espíritu: "Hace cinco días queríais hacer de este hombre vuestro rey y ahora queréis matarlo". Se trata de una
alusión a la bienvenida triunfal dada a Jesús el domingo anterior, el llamado Domingo de Ramos en el
calendario litúrgico. La multitud que le dio un triunfo a Jesús ese domingo es la misma multitud que gritará
pidiendo muerte cinco días después. Creo que Mel Gibson tiene razón al enfatizar el cambio de dirección de esta
multitud, la cruel inconstancia de las multitudes, su extraña versatilidad. Todas las multitudes del mundo se
mueven fácilmente de un extremo al otro, de la adulación apasionada al odio, a la destrucción frenética de un
solo individuo. Hay, además, un gran texto de la Biblia que se parece mucho más de lo que solemos percibir a la
Pasión Evangélica, y es el Libro de Job. Después de haber sido durante muchos años líder de su pueblo, Job es
brutalmente rechazado por estos mismos que lo amenazan de muerte a través de tres portavoces a los que
siempre se refiere, de manera bastante cómica, "los amigos de Job".

La característica de una multitud agitada y aterrorizada es que no se calma antes de haber satisfecho su apetito
de violencia sobre una víctima cuya identidad suele importarle poco. Esto lo sabe muy bien Pilato, quien, en su
calidad de administrador, tiene experiencia en esta materia. El procurador sugiere a la multitud, para empezar,
crucificar a Barrabás en lugar de Jesús. Ante el fracaso de esta primera maniobra tan clásica, a la que
evidentemente recurrió demasiado tarde, Pilato hizo azotar a Jesús con la esperanza de satisfacer al menor coste,
por así decirlo, el apetito de violencia que caracteriza esencialmente a este tipo de multitud.

Si Pilato hace esto, no es porque sea más humano que los judíos, ni necesariamente por su esposa. La
explicación más probable es que, para ser muy conocido en Roma, que se enorgullece de hacer reinar en todas
partes la pax romana, un funcionario romano siempre preferirá una ejecución legal a una impuesta por la
multitud.

Desde un punto de vista antropológico, no hay nada específicamente judío en la Pasión. Es un fenómeno de
masas que obedece a las mismas leyes que todos los fenómenos de masas. Una observación cuidadosa descubre
el equivalente en casi todas partes en los numerosos mitos fundacionales que hablan del nacimiento de
religiones arcaicas y antiguas.

Creo que casi todas las religiones tienen sus raíces en una violencia colectiva análoga a la descrita o sugerida no
sólo en los Evangelios y el Libro de Job, sino también en los cánticos del Siervo Sufriente en Segundo Isaías, así
como en muchos salmos. Los cristianos piadosos y los judíos, equivocadamente, siempre se han negado a
reflexionar sobre estas similitudes entre sus libros sagrados y sus mitos. Una comparación cuidadosa revela que,
más allá de estas semejanzas y gracias a ellas, podemos identificar entre lo mítico, por un lado, y lo judaico y lo
cristiano, por otro, una diferencia a la vez tenue y gigantesca que hace del judeocristiano incomparable en
términos de la verdad más objetiva. A diferencia de los mitos que adoptan sistemáticamente el punto de vista de
la multitud contra la víctima, porque son concebidos y contados por los linchadores y, por tanto, siempre
consideran culpable a la víctima (la increíble combinación de parricidio e incesto de la que se acusa a Edipo) ,
por ejemplo), nuestras Escrituras para todos nosotros, los grandes textos bíblicos y cristianos exoneran a las
víctimas de los movimientos multitudinarios, y esto es lo que hacen los Evangelios en el caso de Jesús. Esto es
lo que muestra Mel Gibson.

Mientras los mitos repiten sin cesar la ilusión asesina de las masas persecutorias, siempre análoga a la de la
Pasión, porque esta ilusión apacigua a la comunidad y le proporciona el ídolo en torno al cual se reúne, los
grandes textos bíblicos, y en última instancia los Evangelios, revelan la ilusión esencialmente engañosa. y
criminal de los fenómenos de masas en los que se basan las mitologías de todo el mundo.

En mi opinión, hay dos actitudes principales en la historia de la humanidad: la de la mitología, que se esfuerza
por ocultar la violencia, porque, en última instancia, es en la violencia injusta en la que se basan las
comunidades humanas. Y eso es lo que todos hacemos si cedemos a nuestros instintos. Intentamos cubrir con el
manto de Noé la desnudez de la violencia humana. Y caminamos hacia atrás si es necesario, para no
exponernos, al mirar demasiado de cerca la violencia, a su poder contagioso.

Esta actitud es demasiado universal para ser condenada. Ésta es también la actitud de los más grandes filósofos
griegos y en particular de Platón, que condena a Homero y a todos los poetas porque se permiten describir en
sus obras la violencia atribuida por los mitos a los dioses de la ciudad. El gran filósofo ve en esta audaz
revelación una fuente de desorden, un gran peligro para toda la sociedad.
Esta actitud es ciertamente la más extendida, la más normal, la más natural actitud religiosa hacia el hombre y,
hoy, es más universal que nunca, porque los creyentes modernizados, tanto cristianos como judíos, la han
adoptado al menos parcialmente.

La otra actitud es mucho más rara e incluso única en el mundo. Está reservado íntegramente a los grandes
momentos de inspiración bíblica y cristiana. No consiste en ocultar modestamente sino, al contrario, en revelar
la violencia en toda su injusticia y en toda su mentira, allí donde sea posible detectarla. Ésta es la actitud del
Libro de Job y es la actitud de los Evangelios. Es el más atrevido de los dos y, en mi opinión, el más grande. Es
la actitud que nos permitió descubrir la inocencia de la mayoría de las víctimas que incluso los hombres más
religiosos, a lo largo de su historia, nunca han dejado de masacrar y perseguir. Ésta es la inspiración común del
judaísmo y el cristianismo, y es de esperar que sea la clave para su futura reconciliación. Es la tendencia heroica
a poner la verdad por encima incluso del orden social. Me parece que es a esta aventura a la que la película de
Mel Gibson se esfuerza por ser fiel.

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