Está en la página 1de 3

La lente agonie du quartier de Sulukule

à Istanbul
14 AVRIL 2009
Rédigé par Nat et publié depuis Overblog

Cela faisait longtemps que je voulais retourner dans le quartier de Sulukule à


l'agonie. J'y étais passée, peu de temps après m'être installée à Istanbul, ne
sachant pas à l'époque ce qu'il était réellement, mais impressionnée par cet
environnement inhabituel. Je n'avais pris aucune photo ce jour-là, mal à l'aise et
n'étant pas adepte de cette forme de voyeurisme.

         

Ce quartier a fait couler beaucoup d'encre depuis 3 ans. Niché entre Edirnekapı
et Fatihkapı, contre les remparts byzantins qui délimitent la vieille ville, Sulukule
est le plus vieux quartier gitan au monde ! Au temps de l'empire ottoman, les
musiciens les plus réputés de la communauté venaient au palais de Topkapı
pour divertir les sultans et la cour, accompagnés de danseuses du ventre qui
s'appelaient peut-être Esmeralda...

Les rom, appellation turque pour les gitans, sont arrivés à Istanbul au XIème


siècle, à l'époque byzantine, en provenance d'Inde. Certains d'entre eux sont
allés s'installer aux quatre coins de la planète, d'autres sont restés... Pendant
des siècles, la culture gitane s'est enracinée à Sulukule, y a posé ses marques,
et le quartıer est devenu un lieu de pélerinage important de la communauté.
Durant des dizaines d'années pendant la seconde moitié du XXième siècle,
jusqu'en 1991 où elles ont été fermées sur décision municipale, les tavernes du
quartier vibraient au son des violons, des clarinettes et des orchestres gitans et
les noctambules venaient y passer une partie de la nuit. A Sulukule, on trouvait
à la fois des maisons, certaines plus que centenaires, d'autres plus récentes, et
d'innombrables "gecekondu", constructions de fortune érigées sans
autorisation, formant le bidonville le plus réputé d'Istanbul.

Le 11 avril 2006, Istanbul a été élue "capitale culturelle européenne 2010" et la


ville s'est mise à la tâche. Le 13 juillet de la même année, la Mairie du Grand
Istanbul, celle de l'arrondissement de Fatih, dont dépend Sulukule, et l’agence
pour le développement du logement (TOKI) ont signé un accord par lequel 571
familles allaient devoir quitter les lieux. Pourtant, Sulukule est classé en zone
de « renouvellement urbain »...

    

Les autorités s'appuient sur une loi qui date de juin 2005 dite de « rénovation
pour la protection et l’usage des biens historiques et culturels détériorés ». Mais
les mots "rénover" et "détruire" ont-ils la même signification ???

Des ONG locales ainsi que des membres de l'Association pour la solidarité et le
développement de la culture rom de Sulukule se sont mobilisé, ont introduit une
procédure en justice contre la mesure d'expulsion d'urgence prononcée, sans
succès. Des propositions alternatives ont été faites, tentant de concilier la
spécificité de la culture rom et l'aménagement du quartier sans que les
habitants ne soient obligés de le quitter, échec.

A ce jour, 571 maisons ont déjà été rasées et 640 attendent leur mort prochaine
annoncée. 34 habitations considérées comme "historiques" vont rester sur
pieds, souvenirs furtifs d'une époque révolue. 17 autres ont été ajoutées sur la
liste semble-t-il. 
Les propriétaires expulsés ont été indemnisés selon la valeur vénale de leur
piètre bien. La fourchette moyenne d'indemisation se situe entre 30 et 100 000
TL (15 à 50 000 Euros environ), parfois plus. Pour des familles qui vivent avec
200 à 300 TL/mois (100 à 150 Euros), la somme versée est énorme. Quelques
uns n'ont pas su gérer cet argent et ont mal tourné... Drogue et alcool se sont
parfois confondu avec la couleur des billets.

En outre, comment peuvent-ils assurer, dans les immeubles où ils sont ou


seront relogés à quelques dizaines de kilomètres de là, des loyers, des charges
mensuelles bien au-delà de leurs capacités, des frais de déplacement
démultipliés ???

Le projet de nouvelles constructions à Sulukule va faire perdre un bout de l'âme


et de la richesse d'Istanbul, cette âme-mosaïque composée d'origines et de
cultures différentes.

Istanbul sera bien capitale culturelle européenne 2010, mais elle ne sera plus la
capitale de la culture Rom....

También podría gustarte