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À
COMPÉTENCE DES MÉDECINS
m'ai
PARIS.
J.-B. BAILLIÈRE,
LIBRAIRE DE L'ACADEMIE ROYALE DE MÉDECINE ,
ET DU COLLEGE ROYAL DU CHIRURGIENS DE LONDRES ,
Rue de l'Ecule-de-Medecine , n° i3 bis.
LONDRES, MEME MAISON, 3 BEDFORD M REKT , BEDFORD SQUAI1E ;
BRUXELLES , AU DEPOT DE LA LIBRAIRIE MEDICALE FRANÇAISE.
1830.
. ■■><
A MESSIEURS
DE PARIS.
ÊUAS REGNAULT.
AVANT-PROPOS.
DE COMPÉTENCE
DES MÉDECINS
DANS LES QUESTIONS JUDICIAIRES
RELATIVES AUX ALIÉNATIONS MENTALE5 ,
ET DES THÉORIES PHYSIOLOGIQUES
SUR LA MONOMANIE.
CHAPITRE PREMIER.
( '8)
un fou et d'épargner un coupable, il prendra
un terme moyen. Il écartera, par exemple, la
préméditation, en admettant la volonté (i),
sans s'apercevoir qu'il se place ainsi dans l'al
ternative d'envoyer un aliéné aux travaux for
cés à perpétuité , ou d'arracher un meurtrier à
l'échafaud. La justice doit repousser de pareilles
transactions. Elle en aurait peut-être donné
moins d'exemples, sans l'intervention des mé
decins. Ce n'est pas que l'on puisse les accuser
d'avoir manqué de zèle pour arriver à la décou
verte de la vérité. Leur seul tort est d'avoir
méconnu l'insuffisance de leurs lumières. J'ai
dû insister sur ce point, parce qu'ils m'au
raient sans doute demandé quelle était ma mis
sion pour parler de l'aliénation mentale. Ma
réponse se trouve dans cette proposition : C'est
- , que pour être au niveau des connaissances ac
tuelles dans cette branche de la science hu
maine , il suffit du simple bon sens.
CHAPITRE II.
DE LA MOÎTOMANIF.
j
( 4i )
folie? Quel est l'esprit assez étroit pour rendre
la religion responsable des crimes de l'inces
tueux Borgia, ou la médecine des assassinats
ténébreux de Castaing? Lorsqu'on étudie la phi
losophie de l'homme , ce n'est pas le cas d'af
fecter de la pruderie , et de reculer devant la
vérité, parce qu'elle est hideuse. L'homme est
capable de concevoir et d'exécuter les forfaits les
plus horribles. Solon ne fit pas de loi contre
le parricide, et trop souvent aujourd'hui la
justice sévit contre un crime que n'avait osé
concevoir le législateur d'Athènes. Sans doute
aussi nos neveux auront à déplorer quelque
atrocité nouvelle, dont leurs pères ne furent
jamais témoins. Soyons vrais, quoi qu'il nous en
coûte, et accusons la nature humaine, lorsqu'il
le faut, si nous voulons avoir le droit de l'ho
norer quand elle le mérite; car, avec cette doc
trine de monomanie, tout ce qu'il y a de géné
reux dans le cœur de l'homme, de grand et
d'héroïque dans l'histoire , passera bientôt éga
lement pour aliénation mentale. Il faudrait
alors absoudre Marat, et condamner Charlotte
Corday. D'ailleurs, ce contraste du crime ne
fait qu'agrandir l'homme de bien. La vertu ne
( 42 )
doit son éclat qu'aux nombreux combats qu'il
lui faut soutenir. Et nous n'aurions pas à l'ad
mirer, si elle était une conquête facile.
Chacun est tenté, mais c'est sa propre con
cupiscence qui le détourne du bien , et qui l'at
tire au mal. (Epître de saint Jacques, i, i4).
Voilà toute l'histoire de l'impulsion au meurtre,
comme de tous les autres crimes. Une idée de
meurtre surgit dans l'esprit de quelqu'un : d'a
bord, il la repousse; peu à peu il y revient, il
s'y accoutume. Déjà le mal ne le fait plus fré
mir; il se nourrit de cette idée; elle grandit
dans son cœur, elle se fortifie , et bientôt il n'est
plus maître de la chasser ; elle l'obsède, le tour
mente , le domine , le tyrannise ; il faut qu'il y
cède; elle est devenue un besoin. J'avoue que,
parvenue à ce degré, il sera difficile de se sous
traire à son influence. Mais, dans le principe,
il avait la force nécessaire pour y résister; il
est responsable devant la société d'avoir né
gligé d'employer cette force à temps. Si on veut
repousser cette responsabilité , sous prétexte
que le desir actuellement existant, que la force
qui pousse au mal étant irrésistible , il ne faut
pas faire attention à l'origine de ce desir ; que,
( 43 )
si on l'a laissé s'accroître et grandir, ce n'est que
par faiblesse, et que la faiblesse ne doit pas
être punie comme crime , je m'empare aussitôt
de ce principe, et je ferai frémir ceux qui l'in
voquent, en m'en servant pour acquitter un
grand coupable.
Un homme dans la vigueur de l'âge, d'un
tempérament ardent, tourmenté par une sura
bondance de forces qu'il ne consomme pas , di
rige la conscience d'une femme jeune, belle et
confiante. Tous les jours, à toute heure, elle le
reçoit , elle le consulte , et tous les jours il
perd quelque chose du sentiment de ses devoirs.
Trop souvent , dans le redoutable tête-à-tête
de la confession , elle lui fait l'aveu de ses fai
blesses, et chacun de ces aveux fait, sans doute,
naître en lui l'imprudent espoir qu'elle pour
rait n'être pas infaillible. Ce n'est plus le prêtre
qui conseille, c'est l'homme qui s'égare, et
l'homme avec toutes ses passions. Bientôt une
seule idée l'occupe, la possession de celle qu'il /
aime; cette idée s'empare exclusivement de son
esprit, l'accompagne et se fortifie dans la soli
tude, le poursuit et le. tourmente pendant
qu'il célèbre les saints mystères; enfin elle
( 44 )
devient, si l'on veut, une véritable monomanie :
il faut qu'elle reçoive son accomplissement.
Bientôt celle dont l'image le poursuit sans
cesse se présente chez lui , seule , dans l'obs
curité de la nuit. Quel est son effroi, lors
qu'au lieu du ministre de Dieu dont elle venait
chercher les pieux avis, elle voit l'homme agité
par le délire des passions! La terrible issue de
cet événement nous apprend trop bien com
ment elle accueillit ses transports. Mais pour
lui , un refus avait les conséquences les plus
graves : son hypocrisie allait être dévoilée , son
infamie publiée, son existence sociale compro
mise. Un nouveau crime pouvait lui valoir l'im
punité : encore tout transporté d'amour, de
rage, de vengeance et de crainte, il ajoute le
meurtre au sacrilège, et traîne dans l'Isère les
lambeaux palpitans de sa victime.
Il est difficile de trouver un exemple plus
frappant des crimes auxquels peut entraîner une
faiblesse. S'il eût repoussé les premières idées
que fit naître en lui l'aspect de sa victime,
comme le lui prescrivaient ses devoirs d'homme ,
de chrétien et de prêtre, il aurait puisé dans les
préceptes de la morale et de la religion assez de
( 45 )
forces pour en triompher; mais il les laisse pren
dre racine dans son cœur,s'y développer, s'y for
tifier, et bientôt il n'en est plus maître. Probable
ment alors il lui était aussi impossible de résister à
cette passion fougueuse qu'à tous ces monomanes
homicides de résister à l'impulsion du meurtre.
Croit-on pour cela qu'il faille l'excuser? Per
sonne n'en a eu la pensée. Et c'est là pourtant
que conduirait ce système de fausse philantro-
phie , si souvent invoqué aujourd'hui. L'homme
dont je viens de tracer l'histoire commença par
être faible et finit par être criminel. Bien certai
nement il n'avait pas l'idée du meurtre; il n'y
a été conduit que par sa passion , par sa posi
tion. Il n'a pu, dans ce moment fatal, penser
qu'à la honte qui l'attendait : cette funeste
pensée le transporte, l'égare; il consomme le
crime; mais au moment où il le commet, il est
hors de lui, il est aliéné; c'est un véritable
fou. Du reste, je ne crains pas d'affirmer que
tous les criminels, ou presque tous, sont, au
moment du crime, dans un état d'égarement
ou d'aliénation mentale passagère ; cependant,
comme elle n'est que la suite de leurs passions,
je n'hésiterais pas à les condamner.
( 46 )
Celui qui vole a certainement frémi la pre
mière fois que cette idée s'est présentée à son
esprit. Bientôt l'habitude d'y penser ou quel
que faux raisonnement l'aura aguerri , et enfin
il se sera si bien créé ce desir, qu'il ne pourra
plus y résister. Cependant ceux qui réclament
l'impunité pour le meurtre, n'étendent pas leur
indulgence jusqu'au vol; bien que, en logique
et en justice, entre deux crimes l'indulgence
devrait être réservée pour Je moindre.
(1) Tel est le terme dont ils se servent : c'est une idée
qui m'est venue , qui me poursuit, etc. Que ces mots,
s'écrie M. Marc , que ces mots : c'est une idée qui m'a
pris, sont significatifs pour celui qui a observé des mono-
mânes, et leur a souvent entendu employer la même ex
pression , afin d'indiquer la propension vers un acte dont
ils ne pouvaient ou ne voulaient définir le motif ! ( Con
sultation médico-légale pour Henriette Cornier, page 19.)
( *9 )
avec la personne avec laquelle elle avait en
tamé la confidence, j'écoutai son récit, et lui
adressai diverses questions touchant son état.
Je dois dire d'abord que la personne dont il
s'agit^ âgée de vingt-cinq à vingt-six ans, est
d'une complexion extraordinairement forte, et
très-colorée ; elle est mère de deux enfans, dont "
le plus âgé a quatre ou cinq ans. Quand je la
vis la première fois , elle était dans un état dif
ficile à décrire; on aurait dit un criminel qu'on
allait conduire au supplice: ses yeux étaient
rouges et eriflammés , par suite des larmes
qu'elle avait versées. Je la rassurai du mieux
qu'il me fut possible, lui témoignant le plus
vif intérêt. Lorsqu'elle fut un peu remise, elle
me raconta qu'étant un jour à laver du linge à
la rivière, des femmes avaient fait une histoire
(c'était celle d'Henriette Cornier). Elle se re
tira sans aucune impression fâcheuse ; mais le
lendemain , voyant son fils aîné près d'elle, elle
devint inquiète , agitée; elle entendit quelque
chose (ce sont ses propres expressions ) qui lui
avait dit . prends-le , tue-le. Dès-lors, c'est-à-
dire depuis un mois, elle fut tourmentée de ce
même desir d'égorger son enfant; elle lutta
4
( 5o )
vainement pour l'éteindre, il existait encore.
Peu de jours après le récit de l'histoire précitée,
elle se trouva seule avec l'enfant; il y avait dans
la cuisine un grand couteau destiné à couper la
viande (désigné dans le pays sous le nom de
marassin) : alors l'idée de tuer s'était présentée
à elle avec plus de force, et pour ne pas la
mettre à exécution , elle avait pris le marassin
dans son tablier , et était allée le jeter à la ri
vière. Poursuivie par la même idée qui l'em
pêchait de dormir et qui ne la quittait ni jour
ni nuit , elle avait tenté à plusieurs reprises de
s'empoisonner, comme étant le meilleur moyen
de résister à la fatalité qui semblait la pousser.
» La belle-mère demandant le marassin et s'oc-
cupant de le chercher , la jeune femme dit que
c'était inutile, et fit connaître son secret. Lors
que je lavis, je lui demandai si elle avait quelque
sujet de mécontentement dans sa maison ; elle
répondit qu'elle n'avait à se plaindre de per
sonne: si elle avait quelque préférence pour
l'un de ses enfans; elle m'assura que si elle en
avait, c'était précisément pour celui qu'elle
était portée à égorger, et qu'elle ne pouvait voir
depuis un mois, sans être frappée de cette idée :
( )
II faut que tu le tues , tue-le donc , etc. Je
demandai ce qu'elle pensait de cela, desirant
savoir si elle n'était point dominée par quel-
qu'idée de superstition ou de fanatisme ; elle me
répondit là-dessus d'une manière si précise, que
j'en fus moi-même étonné. J'insistai en parlant
d'Abraham, de Jésus-Christ (c'était la veille du
Vendredi-Saint) , et je demandai si par hasard
elle n'attacherait pas à son projet quelque idée
de sacrifice; elle me répondit fortement que
non ; qu'elle savait bien que Dieu ne comman
dait pas un tel sacrifice , et que c'était bien là ce
qui l'avait retenue. Je la rassurai du mieux qu'il
me fut possible , et comme elle me dit qu'elle
ne faisait que pleurer et prier , je lui recom
mandai de ne faire que de courtes prières, et
de ne lire que peu et souvent de très-bonnes
choses.
» Un jour, la malheureuse, résolue toujours
de se détruire, sortit de chez elle pour aller cher
cher de l'eau -forte, et ne fut arrêtée que
parce qu'elle se dit à elle-même, chemin faisant :
Pourtant , que dira-t-on de moi? Cette idée
la fit rétrograder, et elle rentra chez elle, où
4.
( Sa )
elle s'abandonna à toute la violence de son dé
sespoir (i). »
En lisant cette histoire, on se demande com
ment une femme qui n'a pu trouver en elle-
même de motif assez puissant pour éloigner
l'idée du meurtre de ses enfans, a conservé assez
d'énergie pour résister à l'idée du suicide.
Quelle force a donc pu ébranler une volonté
qui semblait irrévocablement fixée? La crainte
du mépris, qui, dans les campagnes surtout,
s'attache à la mémoire de celui qui attente à sa
propre vie. Eh bien ! j'ose le dire , le même mo
tif eût été assez fort pour chasser le desir qu'elle
avait de tuer son enfant. Mais les médecins
avaient publié et les amis du merveilleux répé
taient qu'il existait une maladie terrible qui fai
sait oublier les lois de la nature. Cette maladie
n'est pas la folie, puisque le malade conserve
l'idée de ses devoirs et de ses rapports sociaux ;
c'est quelque chose de plus vague, de plus ef
frayant; c'est une voix intérieure qui #ous de-
RÉSUMÉ.
CHAPITRE III.
i
DU SUICIDE.
To bc or not to be.
(ShakSPEaRE, Hamlet.)
Être pu ne pas être.
CHAPITRE IV.
Oldfond ejres...
TU pluck you out.
(Shakspeare, King Lear.)
J'arracherai ces yeux appesantis
par lage.
I
9'
( >32 )
pliquer par la manie tout acte dont ils ne pou
vaient autrement rendre compte ; c'était s'épar
gner les difficultés de l'analyse; mais dans ce
fait, tout est si facile à expliquer, la conduite de
Trubert peut si bien se raisonner, que je m'é
tonne qu'on ait voulu l'attribuer à la folie. Je ne
chercherai pas si , hors de l'acte qui l'a fait pré
sumer, on peut trouver d'autres signes de cette
maladie ; je demanderai seulement s'il y a un
motif qui ait pu le portera cette mutilation, et
j'en vois un très-puissant dans le desir de se dé
barrasser d'une infirmité qui lui rendait la vie
insupportable. Rien n'est plus naturel que ces
idées sombres qui le portaient à se croire l'objet
de la risée publique ; on ne peut se dissimuler
qu'un homme infirme et souffrant ne soit vis-à-
vis des autres dans une infériorité qui blesse son
amour-propre. S'il n'offre pas en compensation
quelque supériorité d'un autre genre qui serve,
pour ainsi dire, de contre-poids à sa position ,
il cherchera tous les moyens possibles d'en finir
avec une infirmité qui lui interdit les travaux
des autres hommes. Il est vrai que Trubert,
plutôt que d'avoir recours aux lumières d'un
chirurgien , prend sur lui-même d'exécuter une
( '33 )
opération effrayante; mais ce n'est là que de
l'ignorance : il ne calculait pas ce qui pourrait
en advenir; la preuve, c'est qu'effrayé du résultat
il appela un médecin. D'ailleurs, il ne faut pas
croire que les hommes éclairés soient les seuls
sceptiques : l'ignorance a aussi ses doutes. Tru-
bert pouvait bien n'avoir pas dans la médecine
toute la foi qu'exigeait sa triste situation : s'il
en appela au secours de la médecine, c'est qu'il
voyait qu'il avait été trop loin; comme ces hom
mes qui, s'étant jetés à l'eau, manquent de réso
lution au dernier moment et invoquent du se
cours. C'est toujours là cette faculté de s'abs
tenir qui caractérise la raison. Ce n'est pas l'issue
d'une anse intestinale, ou l'écoulement du sang
qui eussent arrêté un fou , encore moins la dou
leur, car il est d'observation que les fous qui
se soumettent à des mutilations ^ paraissent in
sensibles à la douleur. Il n'est pas étonnant qu'il
ait renouvelé l'opération ; les tourmens étaient
revenus , son mal était augmenté ; il s'était
écoulé assez de temps pour lui faire oublier la
douleur d'une première tentative , qui se trou
vait d'ailleurs effacée parla douleur présente; il
pouvait en outre être encouragé par l'heureuse
( '34 )
guérison de la première plaie; il croyait pouvoir
en pratiquer un seconde sans plus de danger.
Encore une fois, tout cela n'est que de l'igno
rance ; je n'y vois aucune trace de folie. En trou-
vera-t-on dans 'cette persistance à vouloir de
mander une troisième opération? Quanta moi,
j'y vois une grande preuve de raison ; j'y vois
du moins cet instinct de conservation de soi-
même , qui fait deviner à un malade ignorant
le remède convenable qui échappe quelquefois
aux lumières d'un médecin. Dans tous les cas,
si on pouvait le croire maniaque, il faut con
venir que ce fut fort heureux pour lui , puisque
c'est à cette prétendue idéefixe qu'il dut sa gué
rison.
CHAPITRE V.
DE L'AMOUR.
CHAPITRE VI.
DE LA JALOUSIE.
CHAPITRE VII,
DE LA COLÈRE.
CONCLUSION.
AU U'ickedness is weahtiess.
(MlLTON.)
Tout crime est faiblesse.
a
( 209 )
DEUXIÈME PARTIE.
NOUVELLES RÉFLEXIONS
SUR
LA MONOMANIE HOMICIDE.
§ Ier-
MONOMÀNIE. i
(0 Annales , 287.
( 223 )
dans les idées ? On sait quelle difficulté un
homme ivre éprouve à s'exprimer : il n'a pour
tant pas de paralysie de la langue. Mais la pa
role ne peut être vive, lorsque la conception
est lente. L'ivrogne a de la difficulté à rassem
bler ses idées; cette difficulté se communique
à sa locution. Delà cette espèce d'empâtement
de la langue qui augmente à mesure que l'in
telligence diminue. Néanmoins il n'y a pas
pour cela paralysie. Il en est de même dans
tous ces exemples cités par les auteurs où la
folie débute par un embarras dans la pronon
ciation et se termine par la paralysie. Ils ont
alors lié les deux termes; et, concluant que
l'un n'était que la suite de l'autre, ils ont dé
cidé que cet embarras dans la langue formait
le commencement de la paralysie générale.
Quant à moi , je pense que cette proposition
est éminemment contestable. Cela n'empêche
pas que ce symptôme n'accompagne souvent la
folie, précisément parce qu'il dépend du désor
dre des idées. Alors la folie est déjà commen
cée; seulement le malade conserve encore assez
de liberté pour pouvoir cacher son état à tous
Les yeux. Mais cela ne peut durer; car toutes
i5
( M )
les fois que la folie débute par cette difficulté
.dans le langage , elle ne tarde pas à se déclarer
avec toutes ses fureurs. Il n'y a pas besoin de
médecins pour la constater : elle se constatera
d'elle-même. Cette difficulté de parler peut
cependant être un commencement de paraly
sie générale. Alors ce ne serait pas un com
mencement de folie. On peut voir par là com
bien cette opinion s'éloigne de celle des au
teurs.
Voici en résumé ce que je pense à cet égard.
Lorsque cet embarras dans la prononciation
est le début de la folie, il n'y a pas paralysie
de la langue; cet embarras s'explique par
l'embarras des idées. La paralysie qui se dé
clare à la suite de la folie , n'a aucun rapport
avec ce phénomène. Lorsqu'il est provoqué
par la paralysie partielle de la langue , ce n'est
qu'un commencement d'une paralysi e plus éten
due; ce n'est pas un signe de folie : la folie ne
se déclarera pas. Après cela comment déter
miner si c'est le début de la folie , ou d'une
simple paralysie ? Il faudra bien que le méde
cin attende pour prononcer; et l'événement,
en l'éclairant, viendra éclairer tous les autres.
( 225 )
Maintenant comme il m'est permis, aussi bien
qu'à M. Leuret, de faire mon roman, je sup
pose que ce symptôme , qu'il croyait si con
cluant, vienne à manquer; ce qui est très-
commun ; et qu'il ne reste plus que l'exaltation
dans les idées, et la conception de projets am
bitieux : celui qui a étudié les nuances de Va-
liénation mentale, osera-t-il affirmer qu'il y a
folie, avant qu'il ne se manifeste d'autre
symptômes qui la rendront évidente pour tout
le monde ?
D'ailleurs M. Leuret oublie que c'est sur la
monomanie que j'ai écrit , et principalement
sur la propension au meurtre ; et je ne de
vrais pas avoir besoin de lui rappeler que ce
n'est jamais au début des monomanies que
l'on observe cet embarras dans la prononcia
tion , mais au début de la folie générale. Ainsi
son exemple qui devait être péremptoire est
tout-à-fait hors de la question : car, lorsque la
folie est parvenue jusqu'à entraîner au meur
tre elle s'environne de tant d'autres symp
tômes évidens, qu'il ne reste plus une place
au doute.
Si M. Leuret trouve ma réplique un peu sé
i5.
( 226 )
vère , il peut se consoler avec un article de la
Gazette des tribunaux (i) , où l'on reconnaît
que son analyse estfaite avec beaucoup d'habi
leté. L'auteur de cet article , simplement des-
tiné à l'apologie des Annales d'hj-giène pu
blique et de médecine légale , ajoute: « Nous
pensons, avec M. Leuret, que M. Regnault est
parti d'une fausse base, en contestant l'existence
de la folie raisonnante. » Si M. Pierre Grand a
lu mon ouvrage , il a dû trouver quelque chose
de plus concluant à m'opposer que les paroles
de M. Leuret ; s'il ne l'a pas lu et qu'il me con
damne d'après l'analyse de ce médecin , c'est
une étrange manière de juger. « Combien de
fois, continuë-t-il , la triste humanité ne nous
a-t-elle pas montré des lésions évidentes de la
volonté avec l'intégrité du raisonnement ! »
Une exclamation n'est pas une preuve. Aussi
n'est-il pas besoin d'argumens pour la réfuter,
et je répondrai que jamais la triste humanité
n'a montré de lésions évidentes de la volonté.
La liberté seule est détruite dans la folie , la
*
( 227 5
faculté de diriger lu volonté est éteinte, mais
non la volonté elle-même. Ces propositions
trouveront plus tard leur développement.
Au reste , la meilleure réfutation des asser
tions de M. Pierre Grand se trouve dans un
autre numéro de la Gazette des tribunaux ( i ),
où un de nos confrères s'est donné la peine
d'examiner mes opinions en détail. Ses suf
frages motivés , dans un article de discussion ,
font plus que contre-balancer une condam
nation jetée en passant, comme complément
obligé des éloges accordés aux Annales d'hy
giène publique et de médecine légale.
En réfutant M. Leuret , j'ai répondu à M»
Raige-Delorme rédacteur des Archives de mé
decine. Dans ce Journal où Georget avait lon
guement soutenu les opinions que j'attaquais ,
jepensaisque cette question serait traitée avec
tout le soin que réclamait l'importance du su
jet. Loin de là, on semble avoir pris à tache
de rétrécir la question et d'étrangler la discus
sion. Vues incomplètes , analyses tronquées ,
i
( *43 )
c'est que sur beaucoup de points ce médecin se
trouve d'accord avec moi. Déjà il avait eu oc
casion de traiter d'une manière incidente quel
ques côtés de la question. C'est lui qui le pre
mier s'est élevé contre les prétentions exclusives
des médecins des hospices d'insensés, qui récla
maient pour eux seuls le privilège d'éclairer
la justice. Il avait aussi soutenu avant moi que
lorsque l'accusé invoquait en sa faveur l'excep
tion de folie, « s'il n'établit pas qu'il était ma
niaque bien décidé avant l'action répréhen-
sible, c'est à lui à démontrer l'excuse de la
manière la plus solennelle (i). » C'est dire clai
rement que le doute dans l'exception ne sau
rait tourner au profit de l'accusé. Aussi ai-je
été étonné de voir M. Worbe se soulever de
toutes ses forces contre une proposition sem
blable que j'avais avancée. «Oui, certes, s'écrie-
t-il, je prétends que dans le cas de doute (il
s'agit du doute dans l'exception ) le juge s'abs
tienne de prononcer une condamnation. En ma
tière criminelle, la possibilité d'unfait, quand le
( 345 )
tant plus que ses observations ont un caractère
de modestie , bien autrement fait pour persua
der que les ambitieuses prétentions à l'infail
libilité.
« Nous ignorons, dit-il, beaucoup de faits;
c'est vrai ; mais est-ce à dire pour cela que les
gens du monde n'en ignorent pas cent fois da
vantage? Ne fut-ce que l'habitude des malades,
c'est déjà une énorme différence. Placez plu
sieurs hommes au milieu des ténèbres , ils ne
verront rien autour d'eux : qu'ils y séjournent
quelque temps, et ils finiront par distinguer
à peu près les objets qui les environnent, et
se guider assez bien à travers l'obscurité. Que
si alors d'autres personnes pouvaient être té
moins de leur assurance , « mais , dirait-on ,
ces gens sont fous; ils croient voir clair, et
ils sont plongés dans la nuit la plus complète. »
Et cependant, ces gens ne seraient pas fous;
ces gens verraient réellement clair dans les té
nèbres. 11 en est de même de la science médi
cale, particulièrement dans la pratique. Il est
certain que tout y est obscurité, pour qui n'y
reste point sans cesse enfoncé , et comme isolé
de la lumière du monde. Mais nous qui, à force
C 246 )
d'y vivre, et d'exercer nos sens à nous y re
connaître , nous sommes fait , pour ainsi dire,
une sorte de faculté visuelle , toute artificielle
et toute personnelle, il est vrai que nous
sommes parvenus à nous y tenir tant bien que
mal, à voir quelque chose là où les autres ne
sauraient rien découvrir , et sauf les faux pas,
qui sont inévitables dans les endroits où il fait
par trop noir, nous savons fort bien nous tirer
d'affaire. Toutefois, n'allons pas nous écrier qu'il
fait grand jour dans notre domaine ; toutes nos
chutes seraient autant de démentis qu'il nous
faudrait subir avec humiliation; ne prenons
point surtout pour des clartés réelles les éblouis-
semens passagers qui viennent nous surpren
dre, ou bien ces éclairs imprévus du génie qui
nous jettent brusquement aux yeux des traits
de lumière, que nous ne pouvons ni supporter
sans danger , dans leur rapidité , ni arrêter au
passage pour les fixer et les répandre au milieu
de nous. »
« Il n'est donc pas vrai , selon moi , que la
médecine , tout ignorante qu'elle soit des der
nières vérités qu'elle recherche , reste pour
cela incompétente dans les questions d'aliéna
( Hi )
tions mentales. Si elle ne sait que les symp
tômes d'une maladie, elle sait du moins les
symptômes; si même elle les Sait mal, elle les
sait encore mieux que ceux qui ne les savent
pas du tout. La médecine de la folie est sem
blable à la médecine des autres maladies. Tous
les jours on prend des hépatites pour des pneu
monies, des altérations de la moelle pour des
altérations de telle ou telle portion du cerveau,
des exostoses du sacrum pour des calculs vési-
caux, des fractures pour des luxations, etc. ; en
conclura-t-on que nous ne devons point nous
mêler d'hépatites , de fractures , etc.? »
J'ai dû faire cette longue citation, parce qu'il
est difficile d'abréger une objection sans la
dénaturer. J'accepte la comparaison qui assi
mile les médecins à des hommes placés au
milieu des ténèbres. Quel est le résultat de leur
séjour plus oumoins prolongé dans l'obscurité !
C'est M. Royer-Collard qui répond : ils finiront
par distinguer à peu près les objets qui les en
vironnent. Qu'est-ce -donc qu'un à peu près ,
lorsqu'il s'agit de décider si un meurtrier est
criminel ou fou , lorsque de cette sorte de
faculté visuelle, tout artificielle , dépend la
( =48 )
vie ou la mort? Rien n'est si dangereux que la
demi-science; j'aime mieux l'ignorance com
plète, parce qu'elle est moins présomptueuse.
Qui de nous , errant dans les ténèbres , n'a cru
pouvoir distinguer les formes des corps, les
signaler, les décrire exactement, jusqu'à ce
que la lumière nous révélât un angle que
nous n'avions pas soupçonné, et qui donnait
à l'objet une forme toute nouvelle. Oui sans
doute, les médecins environnés d'obscurité
dans l'étude des aliénations mentales,, parvien
nent à saisir des yeux quelques objets vagues
et indistincts ; mais dans cette nuit épaisse leur
vue troublée leur crée aussi des êtres imagi
naires , semblables à ces fantômes que produit
par le jeu de ses rayons, la lumière incertaine
de la lune.
Dans le second paragraphe que j'ai cité ,
M. Royer-Collard , pour me combattre , force
les conséquences. Je ne prétends pas sou
tenir que les médecins ne doivent pas se
mêler de la folie pour chercher à la connaî
tre , pour chercher à la guérir , pas plur, que
je ne prétends leur interdire l'étude ou la
guérison des hépatites, des fractures, etc.; mais
( '49 )
je maintiens qu'ils n'en savent pas assez pour
venir dans les tribunaux offrir les secours de
leurs lumières; que, lorsqu'il y a doute sur
l'état mental d'un accusé , leurs notions sont
insuffisantes pour éclaircir ce doute; que, lors
qu'il y a certitude pour la folie , on n'a que
faire de leur ministère. Que signifie le mot
expert ? Son étymologie nous indique que c'est
celui qui sait. Ce n'est pas celui qui sait à peu
près, celui qui sait mieux que ceux qui ne sa
vent pas du tout. Pour l'expertise , on ne peut
admettre un doute ; il faut une connaissance
positive et absolue , sans cela ce n'est qu'un
vain mot. Oui ou non , voilà quelles doivent
être les conclusions d'un expert. M. Worbe
avait déjà exprimé cette vérité dans le Journal
universel des Sciences médicales (i). « Jamais
un artisan ne vient apporter ses doutes à la
justice : pour lui la chose est ou n'est pas.
Imitons le vulgaire et disons simplement non ,
quand nous ne pouvons dire oui. »
Tous les jours on prend des hépatites pour
»7
( 256 )
thèses, que ses opinions personnelles à nous
offrir en échange; il donne pour démontré
ce qui est encore incertain, et peut-être le sera
toujours. »
De ces deux propositions , la première seule
est exacte, la seconde a besoin d'être modifiée.
Je n'ai pas prétendu à l'aide du bon sens don
ner des règles infaillibles pour se guider dans
les cas d'incertitude. J'ai seulement soutenu
que, dans cette question, le bon sens fournissait
autant de certitude que l'état actuel de la
science. Je n'ai pas accordé au bon sens plus
de lumières qu'à la médecine , mais une part
égale, ce qui est loin de lui donner l'infailli
bilité. Cette dernière proposition se trouve
donc absolument rentrer dans la première.
M. Royer-Collard avoue que dans celle-ci j'ai
l'avantage : cela me suffit.
Du reste ce médecin est avec M. Boulland le
seul qui ait avoué l'insuffisance des connais
sances actuelles de la médecine en pareille ma
tière. Cette abnégation d'amour-propre est
assez digne de remarque , pour valoir à ces
jeunes écrivains le blâme de plus d'un confrère;
mais on sait qu'il n'y a que l'ignorance pares
( ^57 )
seuse qui dise que tout est trouvé, parce qu'elle
ne veut rien chercher.
On a pu remarquer que , dans les critiques
qui m'ont été adressées , il n'y avait pas une
.grande uniformité. Cette divergence dans les
idées , ce défaut de fixité et d'union dans la
science, n'a pas été la moindre des difficultés
qui m'arrêtaient dans ma réponse. Chacun ,
ayant sa nuance d'opinion , s'étonnait de me
voir attaquer une erreur qu'il n'avait jamais
adoptée , et ne s'apercevait pas que son con
frère la défendait à outrance. Quelques-uns
m'ont accusé de combattre des chimères, sans
se douter que ces chimères avaient été sou
tenues par d'autres comme vérités incontes
tables. Ainsi M. F. Broussais (i) me repro
che d'avoir attribué aux médecins une opi
nion ridicule, c'est-à-dire, celle d'admettre
que tout suicide est un acte de folie, tandis
que M. Falret a fait un gros ouvrage pour sou
tenir cette opinion, tandis que dans tous leurs
écrits Esquirol, Georget et une foule d'autres
§ H,
, SUICIDE.
(0 Article Folie.
( 377 )
demontrer toute la raison qui se trouve dans
la tristesse du jeune homme cité par M. Esqui-
rol. L'indifférence en pareil cas eût été plus
près de la folie. Dira-t-on que sa tristesse avait
pris tellement d'empire sur lui, qu'il n'était
plus libre ? Un semblable argument peut s'ap
pliquer à tous les besoins , à tous les désirs, à
toutes les passions. Ce serait retomber dans les
principes de ceux qui nient entièrement la
liberté de l'homme.
« Une preuve à posteriori , dit M. Worbe ,
que le suicide est toujours un acte de folie
momentanée, c'est que sur le plus grand nom
bre de ceux qui , voulant se détruire , se sont
manques, très-peu ont recommencé. Plusieurs,
mutilés de leurs mains délirantes, ont gémi dans
la vieillesse, de l'attentat qu'ils avaient, sans
libre arbitre, commis sur leur personne (i). »
Je n'aurais pas pris d'autre exemple, pour
prouver qu'il y avait liberté. Il est tout sim
ple que l'homme qui , résolu de se tuer , a
L'INCUBATION DE LA FOLIE.
• ■- ■ r - - ; :
■
( 3o8 )
EXAMEN
DE LA DOCTRINE DE M. BROUSSAlS
SDK
LA LIBERTÉ MORALE.
j S ■ ■ ,; |; "
EXAMEN <
DE
on l'on a invoqué
L'EXCUSE DE LA FOLIE.
(i ) Voyez page 33 1 .
( 36o )
discussion, d'nssurer ici , de nouveau , que je
n'ai voulu attaquer que des principes,, et que
toute idéede personnalité m'est étrangère. Quel
ques uns de ceux que j'ai combattus m'hono
rent de leur amitié ; plusieurs sont attachés
par les mêmes liens à un père que je suis fier
de citer , parce qu'il aime assez la science pour
me voir sans ombrage exprimer des opinions
que souvent il ne partage pas . Je crois n'avoir
pas trop présumé, en attendant sinon la même
tolérance , du moins la même impartialité , de
confrères qu'il affectionne. Parmi ceux-ci, je
me plais à ranger les deux professeurs dont les
doctrines m'ont surtout paru devoir être atta
quées , MM. Broussais et Esquirol.
M- Broussais dont la polémique vive et ani
mée a donné le premier élan au mouvement
qui agite le monde médical , me pardonnera
facilement la franchise de ma critique. Lui qui
fut poursuivi par l'intolérance , a sans doute
appris à être tolérant. Avec cet illustre réfor
mateur, on est sûr d'avoir une autre réponse que
les injures ou le dédain; car lui aussi se vit ac
cueillir d'abord par le dédai n , j us qu'à ce que l' im
partialité lui assignât le rang qu'il avait mérité.
( 36 i )
Quant a M. Esquirol, il est presque inutile de
le prévenir contre toute interprétation fâcheuse
qu'on pourrait donner à mes écrits. Ses qua
lités personnelles sont tellement connues,
qu'elles suffisent pour le rassurer à cet égard.
Tout le monde sait avec quelle paternelle sol
licitude il préside aux travaux de ses élèves ,
dirigeant et secondant leurs efforts , aidant
et protégeant leurs succès. Quand d'autres
professeurs, prenant ombrage du mérite com
mençant, ont soin de l'éloigner comme une
concurrence dangereuse , M. Esquirol va au-
devant , l'accueille , l'encourage et lui prête
pour l'agrandir l'appui de sa réputation. Si,
parmi ses élèves, quelques uns ont pu com
promettre ses doctrines en les outrant, d'au
tres en les défendant mal , tous ont entouré
leur maître d'affection et de respect.
Dédicace. ^
Avant-propos. yij
CHAPITRE PREMIER. Du de^re" de competence des mé
fies médecins dans les questions judiciaires
relatives à l'aliénation mentale. i
II. De la monomanie. ig
III. Dn suicide. 108
—— IV. De la doulenr et des mutilations volontaires. ii5
—. V. Des passions. i3g
a. De l'amour. i4i
VI. De la jalousie. i5g
VII. De la colère. 187
Conclusion. ao3
DEUXIÈME PARTIE.
FIN.