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Les Annales de la recherche

urbaine

Hongrie. L'aménagement du territoire réduira-t-il les déséquilibres


régionaux ?
Michel Amiot

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Amiot Michel. Hongrie. L'aménagement du territoire réduira-t-il les déséquilibres régionaux ?. In: Les Annales de la recherche
urbaine, N°8, 1980. pp. 87-123;

doi : https://doi.org/10.3406/aru.1980.999

https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1980_num_8_1_999

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Resumen
Hungría. La organización del territorio disminuirá los desequilibrios regionales ? (Michel Amiot, p. 87-
123)
La primera fase de la industrialización y de la reconstrucción después de 1945, en el plano de los
equilibrios interregionales, tuvo efectos negativos porque se agravaron las desigualdades regionales
entre el noroeste del país y la capital, por un lado, y el sur y el este por el otro lado. La industrialización
intensiva que conoce el pens desde los años 60 se acompaña de una selección de las ramas a
desarrollar, de sus implantaciones, y de la elaboración de un plan de conjunto de organización del
territorio y de equipamiento urbano. La combinación de estas políticas con la de la habitación produjo
varios efectos en la población del país que se pueden resumir en : ¿ un país industrializado en el que
la mitad de la población vive en la campaña ?.
El artículo pasa en revista las instituciones que contribuyen a la puesta en obra de la política de
organización del territorio y describe las funciones del V ATI, instituto donde se labora la planificación
espacial, nacional y regional. Es asombroso constatar la existencia de ciertas homologías. Como en
los países capitalistas, la organización del territorio en Hungría es una preocupación de segundo
orden. Las autoridades recurrieron a ella después dé haber tomado conciencia de los desequilibrios
involuntarios engendrados por la industrialización acelerada. La preocupación de la ¿ planificación
regional ?, teniendo cuidado de integrar la previsión de los efectos espaciales del desarrollo
económico en las previsiones económicas mismas, es una preocupación relativamente reciente y a
propósito de la cual no hay que alimentar muchas ilusiones. Todo pasa, en efecto, como si
encontráramos en el régimen socialista las mismas diferencias que golpean tanto al observador de los
países capitalistas, entre los deseos del experto organizador y las decisiones tomadas efectivamente
por los agentes económicas, políticos o administrativos. Los objetivos expresados por el experto-
organizador toman en serio, de una manera ingenua, la contabilidad que el hombre político preconiza
a titulo de ideal entre todos los objectivas que pretende obtener : desarrollo equilibrado de todas las
fuerzas de la sociedad y de todas las partes del territorio, supresión gradual de la desigualdad de la
condición de los habitantes de la ciudad y de los de la campaña, de los trabajadores manuales y de
los trabajadores intelectales, etc.

Abstract
Hungary. Can regional planning reduce regional disparities ? (Michel Amiot, p.87-123)
The first phase of industrialization and reconstruction after 1945 had a negative impact on the state of
interregional equilibrium since the regional inequalities between the Northwest of the country and the
capital on the one hand, and between the South and the East on the other, were intensified. The
intensive industrialization that Hungary experienced since the sixties involved the choice of sectors to
be developed and their location as well as the elaboration of an overall plan for regional development
and urban facilities. The combined effect of these policies and that of housing upon the population
coulb be summarized by saying they produced "an industrialized country in which half of the people live
in rural areas".
The article also deals with the institutions involved in the implementation of regional planning policies
and describes the functions of V ATI, an institute for planning the use of space at the national and
regional levels. Certains anologies are particularly striking. As in the capitalist countries, regional
planning in Hungary came second in the order of priorities ; the authorities resorted to it only after
realizing the extent of the involuntary disparities created by accelerated industrialization. The interest in
"regional planning" — which strives to integrate the prediction of the spatial effects of economic
development with economic forecasting in general — is a relatively recent concern and one about
which there should not be too many illu¬ sions. It would seem that under socialist regimes the same
gap so frequently observed in capitalist countries exists between the desires of the expert planner and
the decisions actually taken by the economic, political or administrative agents. The aims formulated by
the planning expert take naively for granted the compatibility, which the politician postulates as an
ideal, of all the objectives he supposedly pursues : balanced development of all the social forces and
all regions of the country ; gradual elimination of existing inequalities between country and city
dwellers, between manual and intellectual workers, etc.
Résumé
La première phase d'industrialisation et de reconstruction après 1945 a eu, sur le plan des équilibres
interrégionaux, des effets négatifs, puisque les inégalités régionales entre le nord-ouest du pays et la
capitale, d'une part, le sud et l'est, d'autre part, se sont aggravées. L'industrialisation intensive que connaît
la Hongrie depuis les années soixante s'est accompagnée d'une sélection des branches à développer et
des implantations, et de l'élaboration d'un plan d'ensemble d'aménagement du territoire et d'équipement
urbain. La combinaison de ces politiques et de celle du logement a produit des effets sur le peuplement du
pays que l'on peut résumer ainsi : «un pays industrialisé dont la moitié de la population vit à la campagne» .
L'article passe en outre en revue les institutions qui contribuent à la mise en œuvre de la politique
d'aménagement du
territoire et décrit les fonctions du V A T I, institut où s'élabore la planification spatiale, nationale et
régionale.
On est étonné de constater l'existence de certaines homologies. Comme dans les pays capitalistes,
l'aménagement du territoire en Hongrie est une préoccupation de seconde urgence, à laquelle les autorités
n'ont recouru qu'après avoir pris conscience des déséquilibres involontaires engendrés par
l'industrialisation accélérée. Le souci de la «planification régionale», investie du soin d'intégrer la prévision
des effets spatiaux du développement économique dans la prévision économique elle-même, est un souci
relativement récent à propos duquel on ne saurait nourrir d'illusions excessives. Tout se passe en effet
comme si l'on retrouvait en régime socialiste cet écart qui frappe tant l'observateur des pays capitalistes,
entre les souhaits de l'expert aménageur et les décisions effectivement prises par les agents économiques,
politiques ou administratifs. Les visées exprimées par l'expert-aménageur prennent en quelque sorte
naïvement au sérieux la compatibilité que l'homme politique ne cesse de postuler, à titre d'idéal, entre tous
les objectifs qu'il prétend poursuivre : développement équilibré de toutes les forces de la société et de
toutes les parties du territoire, suppression graduelle de l'inégalité de la condition des citadins et des
campagnards, des travailleurs manuels et des travailleurs intellectuels, etc.
Hongrie. L'aménagement du territoire

réduira-t-il les déséquilibres

régionaux ?

Michel Amiot *

En exposant quelques-uns des problèmes que rencontre l'aménagement du


territoire en Hongrie, comment éviter de se référer, surtout implicitement, à
la situation ouest-européenne ? Il est d'autant plus tentant de comparer les effets
ou les résultats des politiques d'aménagement en Europe de l'Ouest capitaliste et
en Hongrie socialiste que, parmi les pays de l'Europe de l'Est, la Hongrie se
singularise par un ensemble de traits qui la rapprochent considérablement, en
apparence, des pays capitalistes : absence des files d'attente devant les magasins,
qui sont la plaie de la Russie soviétique ou d'autres pays de l'Est, abondance de
denrées aux étalages, densité du trafic automobile dans le centre de Budapest,
voire même embouteillage de la circulation sur l'autoroute qui, le dimanche,
ramène les Budapestois du lac Balaton à la capitale. A ces premières impressions
de voyageur s'ajoute la satisfaction qu'éprouve le touriste occidental à se mouvoir
sur le territoire hongrois avec la même liberté que dans n'importe quel pays
du Marché commun et sans souffrir des restrictions et des contrôles qui sont le
lot des visites dans la plupart des autres pays de l'Europe de l'Est.

* Chargé de recherches au C N R S.
87
Hongrie, l' aménagement du territoire

On peut multiplier encore les ressemblances, et observer qu'en particulier dans


Budapest, tout comme dans les capitales et les villes d'Europe occidentale, les
bureaux et les sièges sociaux des entreprises occupent progressivement le centre
et se substituent aux logements vétustés et que les grands ensembles se multiplient
préférentiellement à la périphérie. Et, comme dans les plus mauvaises traditions
des pays capitalistes, on n'a apparemment rien pu faire pour empêcher l'occupa¬
tion d'une grande partie de la rive sud du lac Balaton par des constructions
individuelles qui barrent l'accès au lac.
Non seulement le caractère spécifiquement socialiste de l'aménagement du
territoire et de la planification urbaine ne saute pas immédiatement aux yeux,
mais encore certaines des analyses officielles, présentées par les experts hongrois,
sont tout à fait propres à inciter l'observateur étranger à situer la Hongrie et les
pays d'Europe de l'Ouest dans le contexte commun des sociétés industrielles à la
poursuite d'un but identique, la construction d'une société économiquement déve¬
loppée et techniquement moderne. Une fin identique, deux modes de production
différents : dans ce contexte, est-il possible de faire autre chose que d'évaluer
et comparer les capacités de l'un et l'autre mode à réaliser efficacement le progrès
technique et à en partager équitablement les dividendes ?
Il est vrai qu'à cet égard la Hongrie peut exciper du handicap particulier qu'a
constitué pour elle l'état de sous-développement dans lequel se trouvait le
pays lorsque le nouveau régime prit en charge la modernisation en 1948. Ce
thème de l'héritage d'une arriération proprement féodale des campagnes, lié
à celui de l'héritage du retard d'un développement industriel par ailleurs très
inégal et très inégalement réparti, revient comme un leitmotiv dans les analyses
autorisées et se conjugue avec celui des destructions infligées, au cours de la
Seconde Guerre mondiale, au patrimoine bâti et aux installations industrielles
pour justifier le retard qu'accuse aujourd'hui, malgré tout, la Hongrie, sur les
pays capitalistes les plus développés, dans la course universelle au progrès
matériel.
A nouveau on peut énumérer les signes qui confortent ce jugement : la
taille des voitures, plus petite, et leur nombre plus réduit, l'état médiocre de
l'infrastructure routière et ferroviaire, le délabrement des façades dans Budapest
(les traces des combats de la Libération subsistent encore sur les murs), d'innom¬
brables autres choses incitent à comparer la Hongrie, par exemple, à la France
d'il y a dix, vingt ou trente ans.
Mais c'est en ce point de la comparaison que surgit la difficulté. Car, à y
regarder de plus près, on s'aperçoit que, dans la Hongrie socialiste d'aujourd'hui,
même grevée dans son développement par de lourds handicaps historiques, même
dirigée dans ce développement de façon très pragmatique et fort peu doctrinaire,
il n'y a pas
trialisée à un
beaucoup
stade moins
de sens
avancé.
à voir l'équivalent d'une société capitaliste indus¬

C'est que, d'abord, l'ensemble des « retards » observables en Hongrie ne


88
l'héritage historique

correspond en aucune manière à la situation d'une France qui aurait un peu


remonté le temps ou dont le film serait revenu en arrière \ Mais il ne suffit
pas que la combinaison des retards soit différente pour que la Hongrie et la
France ne soient pas comparables sur le simple plan du niveau technique
des ces
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significations sociales différentes. Enfin, on peut constater en Hongrie des phéno¬
mènes qui n'ont pas leur équivalent en Europe de l'Ouest. Le plus spectaculaire
consiste dans la sous-urbanisation du pays et, corrélativement, dans l'existence de
« villages géants » ou « villages agricoles », atteignant jusqu'à 30 000 habitants,
et dont la présence aux abords de la capitale elle-même est tout à fait stupéfiante.
A de tels indices, on peut reconnaître qu'on est dans un monde tout à fait
spécifique, qu'il faut apprécier par rapport à lui-même d'abord et à son histoire,
non par rapport à la norme plus ou moins implicite des sociétés capitalistes \

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89
Hongrie, l'aménagement du territoire

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La Hongrie dans l'Empire austro-hongrois en 1914.

L'héritage historique : ce quil y a à planifier

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La Hongrie doit assumer plusieurs héritages historiques. Pour commencer,


lorsqu'elle s'est détachée de l'Empire austro-hongrois à la fin de la guerre de
1914-1918, elle a été amputée d'une partie considérable de son territoire :
d'environ 300 000 km2 de superficie, elle s'est trouvée réduite en 1920 à quelque
90 000 km2. Mais surtout, elle ne conservait plus qu'une grande ville digne
de ce nom, Budapest, et perdait les importantes villes périphériques, avec leurs
zones industrielles, de Zagreb et Novi-Sad (au profit de la Yougoslavie), Bra¬
tislava et Kosice (au profit de la Tchécoslovaquie), Cluj, Temisoara et Brassov
(au profit de la Roumanie). Elle perdait en outre son débouché sur la mer
Adriatique avec Fiume. Avec ces villes, elle perdait du même coup le réseau
des liaisons tangentielles, et aujourd'hui encore, étant donné le caractère centra-

90
l'héritage historique

lisé, radio-concentrique du réseau de transports, il est beaucoup plus malaisé de


passer d'une ville à l'autre du pourtour que d'aller de Budapest à chacune de ces
villes.

L'absence de villes importantes capables d'attirer et retenir la main-d'œuvre


issue des zones rurales va entraîner un gonflement disproportionné de la capitale,
qui compte en 1945 le quart de la population du pays, plus de 40 % de la produc¬
tion industrielle et dont le niveau de qualité des services et des infrastructures est
sans commune mesure avec le reste du pays.
Le reste du pays : d'une part, une bande septentrionale (dont fait partie la
région budapestoise), minière et industrielle, avec les villes de Györ et Miskolc ;
d'autre part, la partie centrale méridionale, agricole, séculairement soumise au
régime des latifundia, avec une population nombreuse, faiblement touchée par
l'exode rural en raison de la lenteur et du caractère ponctuel de l'industrialisation,
affectée par un sous-emploi chronique et survivant misérablement grâce aux
ressources concédées par les grands propriétaires fonciers sur les lopins familiaux,
et, enfin, tantôt regroupée dans un dense réseau de gros villages-marchés agri¬
coles, tantôt dispersée en de multiples hameaux. Qu'une agglomération de 5 000
à 30 000 habitants s'appelle un village signifie absence de commodités (électricité,
tout-à-l'égout, eau courante), de services et d'infrastructures de communication.
La division des grands domaines à la fin de la dernière guerre et la distribution
des terres aux paysans (50 % des fermes possédaient moins de 3 ha) 3 ne pou¬
vaient que pérenniser le sous-emploi agricole, la pauvreté, et l'indigence des
équipements.
Dans les années qui suivent la Seconde Guerre mondiale, la Hongrie a le choix
(abstraitement parlant) entre plusieurs options de développement et, par consé¬
quent, entre autant de politiques d'occupation et d'aménagement du territoire.
Une solution consisterait à faire de la Hongrie une société paysanne à vocation
essentiellement rurale et agricole en fixant la population dans les campagnes et
en réorganisant l'agriculture4. Une autre solution est progressivement mise en
place lorsque la Hongrie passe dans le camp socialiste, dans les années 48-50 :

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91
hongrie. l'aménagement du territoire

La notion d'unité urbaine en Hongrie et en France

Lorsqu'on dit que la moitié des Hongrois et les trois quarts des Français vivent dans les
villes, en fait on ne parle pas des mêmes choses.
Selon les critères de l'Institut national de la statistique et des études économiques, est réputée
urbaine toute agglomération définie par la continuité de l'habitat, dont la population est au
moins égale à 2 000 habitants.
En 1975, la population française se répartissait ainsi :
Communes rurales 14 252 000 27 %
Communes urbaines 38 403 000 73 %
dont Paris 8 550 000 16 %

Total 52 655 000 100 %


Source. Données sociales, IN SEE, Paris, édition 1978.
En 1970, la population hongroise se répartissait ainsi :
Agglomérations de moins de 2 000 habitants 19,4%
Agglomérations de 2 000 à 10 000 habitants 29,0%
Agglomérations de plus de 10 000 habitants (sauf Budapest) 32,8 %
Budapest 18,8 %

Total 100 %
(10 316 000 habitants)
Selon les critères hongrois, si plus de 80 % des habitants vivent dans des agglomérations de
plus de 2 000 habitants, 50 % seulement sont considérés comme vivant dans des agglomé¬
rations urbaines, qui correspondent, en gros, aux agglomérations de plus de 10 000 habitants.
Mais il peut se faire que certaines de ces agglomérations, jusqu'à 30 000 habitants, soient
considérées comme rurales. C'est qu'en Hongrie, au contraire de la France, la
notion de continuité de l'espace n'emporte pas automatiquement l'idée de caractère urbain.
Le label urbain est délivré par les autorités à un certain nombre de localités dont le
niveau d'équipement est considéré comme suffisant pour permettre aux habitants d'accéder
au mode de vie urbain. Ainsi la Hongrie comporte à la fois des villes de 10 000 habitants et
des villages de 20 000 habitants.
On voit ici se dessiner le processus très différent du procesus ouest-européen actuel
d'extension urbaine. Comme l'équipement ne suit pas automatiquement la croissance
des agglomérations, les autorités hongroises ont été conduites à sélectionner un certain
nombre de localités dotées du statut urbain et destinées à recevoir en priorité les subventions
publiques qui leur permettront de moderniser ou d'acquérir l'équipement correspondant
à la qualité urbaine. La hiérarchie des localités est enregistrée dans un document d'aména¬
gement d'importance décisive : le Plan national d'aménagement du réseau hiérarchisé des
localités.

92
l'héritage historique

elle consiste à lier, sur le modèle soviétique, l'industrialisation accélérée et la


réorganisation de l'agriculture dans le cadre de la collectivisation. Au nombre
des avantages escomptés de l'industrialisation figuraient non seulement l'éléva¬
tion, à terme, du niveau de vie général, mais aussi le transfert d'une partie
importante de la main-d'œuvre agricole (52 % de la population active en 1949)
vers le secteur industriel (22,4 % de la population active en 1949) et, simulta¬
nément, la constitution d'une classe ouvrière importante, capable de contre¬
balancer la classe paysanne et de soutenir le nouveau régime.
La redistribution spatiale de la main-d'œuvre libérée par la constitution pro¬
gressive de vastes exploitations agricoles collectivisées 5 offrait le choix entre deux
modalités extrêmes. L'industrialisation intensive, appuyée sur le renforcement
exclusif des centres existants, essentiellement localisés dans la bande septen¬
trionale, aurait entraîné un transfert considérable de population sur des distances
importantes et un accroissement spectaculaire du déséquilibre démographique
et économique en faveur de Budapest et de la zone septentrionale. Or, c'est
un élément explicite essentiel de la politique économique du régime socialiste
que de vouloir réduire les inégalités sociales et, pour commencer, celles qui
les déterminent, dans l'ordre des chances mises à la disposition des individus
par la situation géographique, la qualité de l'équipement en matière de services
et d'infrastructures, etc. L'autre parti, celui de l'industrialisation extensive, a
donc été choisi, parce qu'il ménageait la possibilité d'employer la nouvelle
main-d'œuvre ouvrière en minimisant la longueur des migrations nécessaires
et, surtout, en entraînant la répartition homogène du développement industriel
et agricole sur l'ensemble du territoire 6.
Pour atteindre cet objectif, la société socialiste disposait d'un instrument auquel
l'imaginaire des consciences ouest-européennes attribue ordinairement une toute-
puissance mythique : il s'agit de la planification généralisée à tous les secteurs
de l'intervention de l'Etat dans la société. Le caractère centralisé de cette plani¬
fication peut laisser croire, avant tout examen, qu'aucun obstacle important
n'empêchera les autorités de collecter, puis de répartir harmonieusement sur le
territoire national les ressources nécessaires au démarrage et au développement
de l'industrialisation extensive et d'accompagner ce développement par une
politique appropriée d'urbanisation, c'est-à-dire de construction de logements,
d'infrastructures, etc.

5. La surface moyenne des coopératives est de 2 500 hectares, et, dans la Grande Plaine
(l'Alföld), dans la partie sud-est du pays, il n'est pas rare de trouver des coopératives de
7 à 8 000 ha. Les fermes d'Etat constituent 14 % de la surface cultivée et leur surface
moyenne est de 6 100 ha. (Cf. Rural Transformation..., op. cit., p. 20.)
années
6. Le à programme
venir réitèreduque,Parti
« dans
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construction
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du socialisme,
en 1976 pourles différences
les quinze
diminuent
essentielles graduellement
entre travail manuel
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93
Hongrie, l'aménagement du territoire

®• I Centres de niveau moyen


° Autres agglomérations
Attraction entre centres de service de niveau moyen
— Attraction de niveau moyen

Des inégalités persistantes

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la
et

94
l'industrialisation accélérée

(routes, chemin de fer, voirie...) est visible ; enfin, le déséquilibre persiste entre
les régions 7 et, dans l'espace, entre le développement économique et le dévelop¬
pement social et urbain8.
Etant donné le caractère systématique de la planification volontaire, on ne
peut clairement donner une idée du procesus de l'aménagement du territoire, et
donc des difficultés rencontrées, voire des effets inattendus, qu'en explicitant
au préalable les relations qu'entretient l'aménagement du territoire avec le
dispositif de collecte et de distribution des ressources, avec les traits originaux
du développement de l'agriculture, de l'industrie, avec les caractères particuliers
de l'activité du bâtiment, etc. De quelque manière, un exposé sur l'aménagement
du territoire dans une société socialiste prend inévitablement l'allure d'un exposé
synthétique sur le fonctionnement global de la société en question. Mais, dans
une société de ce type, plus que dans une société capitaliste, c'est très directement
que les éléments composants du tout social sont placés en situation d'interaction
réciproque, par un système de guidage volontairement synthétisant.

L'industrialisation accélérée et ses effets sur le territoire


et son utilisation

La prise en charge du démarrage industriel par l'Etat répondait à la fois


à une volonté politique et à l'impossibilité d'agir autrement dans les conditions

conduit
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l'auteur,
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8. Cf. l'article de Kàroly Perczel (avec un résumé en anglais), « Interaction du dévelop¬


pement socio-économique et du développement urbain dans l'évolution de la structure
spatiale du pays», Telepiiléstudomànyi Kozlemények, 26, Budapest, 1977 : «Le dévelop¬
pement équilibre est un phénomène rare. On peui constater que, fréquemment, le
développement économique précède les réalisations sociales ; l'amélioration du niveau de
vie et le développement urbain viennent encore après. [...] Le sous-développement relatif
de l'urbanisation est particulièrement visible dans les régions industriellement avancées, à
l'exception de deux ou trois régions particulièrement avancées. Cet écart entre le dévelop¬
pement industriel et le développement urbain est un obstacle considérable à l'entrée de la
phase de croissance intensive. »

95
hongrie. l'aménagement du territoire

d'un territoire faiblement urbanisé. A l'inverse de ce qui s'était généralement


produit dans les pays d'Europe occidentale, où l'urbanisation et l'accumulation
du capital dans les villes par la bourgeoisie avaient précédé l'industrialisation et
où les villes avaient accueilli les masses de travailleurs issus des campagnes,
l'industrialisation hongroise assurée par l'Etat collectiviste a devancé l'urbani¬
sation (sauf cas exceptionnels, en particulier celui de Budapest), au point même
que l'urbanisation ne parvint pas à suivre au même rythme 9.

On peut résumer ainsi le déroulement de la réorganisation de l'économie dans


les années cinquante, avec les conséquences durables qu'elle a entraînées 10 :
« A l'aide du programme d'industrialisation accélérée, les dirigeants économiques
du pays s'efforcèrent d'introduire des changements fondamentaux dès la période
du premier plan quinquennal : il s'agissait de faire passer le pays d'une structure
agraro-industrielle à une structure essentiellement industrielle. Dans ce but, les
investissements agricoles furent limités à 13 % du total des investissements. La
proportion des investissements d'infrastructure non productifs qui, dans les pays
capitalistes développés,'" atteignait 60 % des investissements totaux, était, à la
même époque, d'environ un tiers des investissements totaux »
Le démarrage industriel, c'est-à-dire simultanément la constitution d'une classe
ouvrière plus importante, s'opéra donc dans les années cinquante, d'une part,
sur la base des infrastructures existantes, dans la zone nord-ouest du pays ;
d'autre part, par le moyen de la coûteuse création, de toutes pièces, d'une
dizaine de villes industrielles (les villes « socialistes ») susceptibles d'accueillir
l'industrialisation nouvelle, dans l'incapacité où les grosses bourgades rurales
étaient de remplir ce rôle 12 ; enfin, par la dissémination, à travers le territoire

du
l'Etat
L'industrialisation
conséquences
voir,
sous-urbanisation.
de 9.l'Ouest
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fondamentalement
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la
du terre.
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par
les
la

10. Nous suivons de très près ici la contribution de Zsuzsa Hantó, Zoltan Kárpati et
András Vagvölgyi («The Development of Settlement Structure in the Hungarian Village »)
à l'ouvrage collectif Hungarian Society and Marxist Sociology in the Nineteen-Seventies,
op. cit.
11. Ivan Berend et György Ranki, A Magyar gazdasdg 100 ève (Cent ans d'économie
hongroise), Budapest, 1972, p. 246-247. Cité par les auteurs de l'ouvrage précité, op. cit.,
p. 134-135 (en anglais).
12. Les villes socialistes étaient délibérément dépourvues de centres, afin que l'espace
urbain ne comporte pas la polarisation, propre aux villes capitalistes, entre centre privi¬
légié et périphérie défavorisée.

96
hongrie. l' aménagement du territoire

rural, de foyers industriels faibles utilisateurs d'infrastructures. Les inconvénients


à supporter pour ce type d'industrialisation : l'usure et l'obsolescence des
infrastructures existantes et leur non-renouvellement ; l'aggravation de la ques¬
tion du logement provoquée par l'insuffisance de constructions susceptibles
d'accueillir les ouvriers migrants vers les foyers industrialisés, sans compter,
naturellement, la restriction imposée à la part de la consommation.
A cette période correspond une politique d'aménagement du territoire fort
peu volontaire. La consécration prioritaire et quasi exclusive des forces au
développement économique entraîna un accroissement non voulu de l'écart
entre les régions préalablement pourvues d'infrastructures (la bande septen¬
trionale, la zone de Budapest), où se développaient les activités les plus quali¬
fiées et d'un rendement plus élevé, et les régions de tradition agricole, vouées
à une industrialisation extensive peu exigeante en matière de qualification, mais,
aussi, de faible productivité.

Une autre phase s'ouvre dans les années soixante, après que l'accumulation du
capital, réalisée au cours de la décennie précédente, eut été considérée comme
suffisante par les autorités et l'opinion populaire : il s'agit d'une phase d'indus¬
trialisation intensive, tout à fait sélective dans le choix des branches économiques
et des implantations retenues, utilisatrice de main-d'œuvre qualifiée et nécessitant
des infrastructures développées (c'est-à-dire des investissements « non produc¬
tifs »). Ce type d'industrialisation est considéré à son tour comme mieux à
même de réduire les inégalités régionales engendrées ou aggravées par la
politique industrielle extensive, et la période qui s'ouvre avec les années soixante
correspond aussi à la mise en place d'une politique d'aménagement du territoire
qui tente de remédier à la contradiction entre les impératifs du développement
économique prioritaire (et de la constitution d'une base sociale ouvrière du
régime socialiste) et les effets territoriaux négatifs engendrés par ce type de
développement.
Cependant, les résultats sont encore loin d'être satisfaisants, si l'on en croit
certains observateurs : « Malgré les réalisations, la proportion du revenu national
consacrée aux investissements d'infrastructure et d'équipement des communes est
restée jusqu'à ce jour une partie injustifiablement minime des investissements
totaux en termes de niveau de développement économique. C'est une conséquence
logique du fait que la politique économique traite la question du développement
des infrastructures et de l'équipement communal sous l'appellation d'investisse¬
ments " non productifs " ; qu'elle réalise ces investissements là seulement où la
fixation d'une main-d'œuvre qualifiée est une condition indispensable de la
production industrielle. Le changement des années soixante et le passage à la
phase intensive entrouvrirent seulement la vanne des investissements d'infra-

98
l'industrialisation accélérée

Un Hongrois sur deux vit toujours à la campagne.

structures et d'équipements communaux exigeant peu de capitaux dans les régions


agricoles. Cela ne transforme cependant pas fondamentalement la tendance à
l'accumulation des handicaps 13... »
Pour illustrer ce point, il suffit d'évoquer la très forte impression que produi¬
sent sur le voyageur les considérables inégalités de développement constatables
à travers le paysage hongrois. Quelquefois, ces inégalités coexistent dans le
même espace : c'est le cas déjà à Budapest, grande métropole moderne de deux
millions d'habitants, qui a annexé sur son terrain administratif (dans le secteur
est principalement) une banlieue de villages qui appartiennent à un autre âge,
avec leurs chemins de terre. C'est le cas aussi dans la représentation même que
se fait la mentalité hongroise de la distinction entre la ville et la campagne :
quelle n'a pas été notre surprise, à l'occasion de la visite de la petite ville de
Veszprem, une localité de quelque 40 000 habitants proche de Budapest, qui
doit sa croissance rapide au développement industriel et touristique, de constater
qu'elle consiste dans la juxtaposition d'un centre historique et culturel — de

13. Hungarian Society..., op. cit., p. 136.

99
hongrie. l'aménagement du territoire

petites dimensions, mais d'aspect nettement « urbain » — , de grands ensembles


et de maisons individuelles modernes, et d'une agglomération très
étendue de maisons entourées de jardins et de vergers enserrées dans un réseau
de chemins de terre — bref, ce que nous appellerions un gros village. Qu'une
ville en extension morde sur la campagne avoisinante est un fait qui n'est pas
nouveau ni étonnant. Ce qui est significatif de l'aperception hongroise des
rapports de la ville et de la campagne, c'est le fait que le niveau d'équipement de
la partie « villageoise » de la ville était assez élevé (eau courante, tout-à-l'égout,
électricité) pour être considéré comme de type urbain. A partir de là, on peut
imaginer ce que sont les localités que les Hongrois eux-mêmes désignent comme
villages.
Ces villages présentent une grande diversité, qui ne peut être bien comprise
que si l'on évoque d'abord une autre conséquence de l'industrialisation rapide
et qui consiste dans le type tout à fait spécifique des mouvements de population
qu'elle a entraînés.

Un pays industrialisé dont la moitié de la population

vit à la campagne...

en
vit
Examinons
d'un
ouest-européen
d'hui
Tout
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toujours
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pays
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hongroise
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travail.
notion
(44 %

D'abord, quelle qu'ait été la profondeur des transformations opérées par


l'industrialisation, le développement urbain et les vastes migrations qui leur sont
liées, il n'y a pas eu de dépopulation rurale : « En 1973, 52 % de la popu¬
lation du pays vivait dans les zones rurales, contre 62 % en 1930. Cependant,
le nombre des ruraux, en chiffres absolus, n'a qu'à peine diminué, et il semble
que l'exode rural n'a concerné que le surplus de la population dû au croît
naturel 14. » (La population totale de la Hongrie a peu augmenté en cinquante
ans, passant de 8 700 000 vers 1930 à 10 millions et demi en 1974.)
Ceux qui sont restés à la campagne ne sont pas demeurés dans l'agriculture,

14. Rural Transformation..., op. cit., p. 11.


100
l'industrialisation accélérée

tant s'en faut. Le processus de collectivisation de l'agriculture, sous la forme


prédominante de coopératives, n'a démarré qu'assez lentement dans les années
cinquante et, en raison de la faible part consacrée à l'investissement dans l'agri¬
culture à l'époque, a nécessité la présence d'une main-d'œuvre abondante. Après
les tragiques événements de 1956, au cours desquels les terres avaient été
redistribuées aux paysans, la collectivisation reprit à un rythme soutenu au
tournant des années cinquante-soixante, et les paysans quittèrent en masse une
agriculture qui, par ailleurs, se mécanisait et nécessitait moins de main-d'œuvre 15.
Cette considérable transformation de la structure professionnelle s'est traduite
dans un exode rural intense jusque vers 1960, mais qui n'a affecté les villages que
de façon très inégale (et inattendue). Sommairement, on peut dire que le taux
d'émigration varie en fonction de la taille des villages et de leur situation géo¬
graphique. D'une part, le taux d'émigration augmente lorsque diminue la taille
(en dix ans, de 1960 à 1970, les villages de moins de 500 habitants ont perdu
13 % de leurs habitants ; ceux de 500 à 1 000 habitants, 8 %, etc. La tendance
se renverse à partir de 5 000 habitants : entre 5 000 et 10 000 habitants, les
villages gagnent 3 %, puis 7 % entre dix et vingt mille, etc.). Il n'y a donc
pas eu à proprement parler dépopulation rurale, mais redistribution spatiale de
la population rurale.
D'autre part, le taux d'émigration est élevé dans les villages du Sud-Est,
pauvres et isolés ; et, d'une façon générale, les voies de l'exode ne consistent
pas à passer progressivement d'une localité à une autre plus importante, mais
à sauter par-dessus les intermédiaires pour gonfler brutalement les localités
proches des villes et des centres industriels, qui additionnent les avantages liés
à la proximité d'équipements et de services à caractère urbain et ceux que pro¬
cure traditionnellement la culture d'un lopin de terre privé.
Les raisons qui président à ce mode d'occupation de l'espace sont complexes.
Les unes sont négatives : étant donné l'insuffisance des investissements consacrés
à l'équipement urbain (les investissements « non productifs »), les capacités
d'accueil des agglomérations urbaines sont demeurées très inférieures à la
demande, au point même que, dans le cas de Budapest, les autorités durent s'en
remettre à une mesure d'interdiction administrative, bien inefficace, pour tenter
d'enrayer le flot massif d'immigrants attirés par les emplois industriels: Les
autres raisons sont positives : le désir de continuer à séjourner à la campagne

la 15.
se
capitaliste.
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peuvent
pement,
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Szelényi
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«période
chiffre
pays
de

101
Hongrie. V aménagement du territoire

est lié à la possibilité que procure le jardinage familial de compléter les revenus
du ménage dans des proportions importantes. Dans beaucoup de cas, les ouvriers
des campagnes bénéficient d'un revenu monétaire supérieur à celui des ouvriers
des villes. Ce lien de l'ouvrier à la terre est un caractère tout à fait original
de l'organisation économique et sociale hongroise. Il fait partie de tout un
système, qu'il faut évoquer en quelques mots.
La collectivisation de l'agriculture s'est effectuée, à près de 90 %, sous la
forme de la coopérative, plus efficace en pratique que celle de la ferme d'Etat 18.
Mais un secteur privé subsiste, non pas en dehors du secteur collectivisé, à titre
de résidu ou de concession tolérée, mais en symbiose véritablement organique
avec lui : « Le nombre des petites exploitations privées était en 1972 de 1 700 000.
Elles sont presque entièrement consacrées à des productions d'appoint et
confèrent ainsi à l'agriculture hongroise son caractère spécifique 17. »
Comparée à celles des coopératives, leur surface est minuscule : « 50 %
occupent moins d'un demi-hectare, mais, même ainsi, elles jouent un rôle décisif
en couvrant les besoins de la population rurale en nourriture, et, dans le cas
de certaines productions, du pays tout entier. Approximativement, la moitié
de la population totale du pays et 80 % de la population rurale (propriétaires
et membres de la famille y compris) possèdent des exploitations complémentaires.
Leur production en valeur s'élevait en 1971 au double environ de celle des
fermes d'Etat et aux deux tiers de celle des coopératives. Plus de la moitié
des fruits et des œufs viennent des exploitations complémentaires 1B. » Ajoutons :
les deux tiers des légumes, la moitié des porcs, etc.
Il s'agit là de production complémentaire autant que supplémentaire, dans la
mesure où les exploitations privées et les coopératives se rendent des services
réciproques : « Il va sans dire que le lopin domestique ne produit pas la nourri¬
ture nécessaire aux animaux ; aussi environ 40 % de la surface fourragère
de la coopérative sont-ils utilisés à cette fin. Par conséquent, l'économie du lopin
domestique est liée étroitement à l'économie coopérative, qui fournit au lopin
les productions nécessaires à l'alimentation des animaux, ainsi que les animaux

l'étatisation
ce
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dans
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hyper¬
c'est
les
du
de;

102
l'industrialisation accélérée

d'élevage. Inversement, l'intérêt du lopin domestique pour la coopérative tient


au fait que la coopérative utilise les granges et les poulaillers du lopin domestique
tout autant que la main-d'œuvre familiale, y compris celle des membres de la
famille qui ne sont plus employés dans l'agriculture 19. »
Sur le nombre des petites exploitations privées, 45 % sont constituées de lopins
concédés en usufruit aux travailleurs des coopératives agricoles, et 55 %, c'est-
à-dire un million d'entre elles, appartiennent à des gens qui ont quitté la terre
pour travailler dans les autres secteurs : selon la source précitée, les actifs non
agricoles qui cultivent ainsi la terre représentent 40 % de tous les actifs non
agricoles.

Les effets, sur le territoire, de la symbiose originale entre

l'agriculture familiale et l'agriculture coopérative

urbains,
à L'importance
dans
la les
dispersion
explique
agglomérations
des
donc
revenus
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la rurales.
fixation
supplémentaires
industrielles
d'une partie tirés
importante
et àdelalapénurie
culture
de la classe
des
du sol,
logements
ouvrière
jointe

La combinaison très étroite de l'économie agricole coopérative et de la petite


exploitation privée (en interaction réciproque ) et la double activité que mènent
les ouvriers-cultivateurs des zones rurales ont sur Y occupation de l'espace des
impacts spontanés différents, qui ont échappé en grande partie à la volonté
planificatrice.
Sous l'effet de l'exode rural, certaines zones sont devenues des aires de dépopu¬
lation, soumises à un appauvrissement croissant. Ainsi, dans le sud-est du pays,
qui comptait deux millions d'habitants répartis en hameaux très dispersés, le
décroissement spontané a été tel qu'aujourd'hui 400 000 habitants seulement
subsistent encore, dans des conditions de sous-équipement accentué. La solution
finale du problème que pose le sous-développement de ces habitations dispersées
réside dans leur disparition complète à terme.
D'autres hameaux, voire de simples fermes dispersées, apparaissaient comme
voués à la disparition sous l'effet du développement des coopératives. Mais,
dans bien des cas, à cause de la fonction que remplit l'exploitation du lopin
domestique, la persistance de ces fermes dispersées s'est révélée d'une importance
vitale pour l'économie agricole. L'inégalité est grande entre l'importance

19. Ibid.

103
hongrie. l'aménagement du territoire

du rôle que jouent ces fermes, voire le revenu monétaire relativement confor¬
table de leurs occupants, et l'arriération des équipements et infrastructures
(absence d'électricité, d'eau courante, de tout-à-l'égout) 20.
Des habitations dispersées de ce type entourent les agglomérations où les
coopératives ont fixé leur siège et leurs installations. La dispersion rend très
coûteux un équipement éventuel qui n'est d'ailleurs pas en vue.
Il s'est ainsi constitué une hiérarchie, pour ainsi dire spontanée, des agglo¬
mérations sous l'effet de l'industrialisation accélérée et des choix exclusifs et
rigoureux qui lui furent associés. Cette hiérarchie ne correspond pas en tous
points, loin s'en faut, à la hiérarchie territoriale que les autorités du pays souhai¬
teraient développer.
En fait, là où étaient les équipements, les capacités d'accueil ont été insuffi¬
santes, et, pour des raisons diverses déjà évoquées, les migrants se sont concentrés
dans des agglomérations proches des villes, mais insuffisamment équipées, tandis
que d'autres (les agriculteurs des fermes et hameaux isolés) demeuraient loin
des avantages de la civilisation urbaine et que d'autres encore (des marginaux,
mais parmi eux l'importante minorité des Tziganes) s'installaient dans les fermes
et les villages abandonnés.

L'importance des migrations alternantes et la coupure

qu'elles produisent au sein de la classe ouvrière

entreprises
prend
àde fait
Un
la fixation
autre
originales.
en Hongrie
quiaspect
des
les emploient
ouvriers-cultivateurs
des
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dans sur
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l'espace
et migrations
revêt
rurales,
découle
des alternantes,
modalités
à distance
directement
tout
des
qui

L'importance du phénomène se lit dans les chiffres 21 : « 58 % des actifs vivant


dans les villages sont employés hors de l'agriculture. L'énorme majorité des
travailleurs non agricoles sont employés dans l'industrie urbaine et font la
navette : le nombre de ces migrants excède le million. [...] Ils représentent au
moins 20 % de la population active en Hongrie, et, parmi eux, un nombre rela¬
tivement substantiel, 300 000 environ, retournent à leur domicile principal une

l'ainsi
duction
20. Rural
21. La
nommé
agricole.
question,
Transformation...,
lopin
» (Hungarian
ondomestique
s'en doute,
op.
Society,
joue
cit.,
est un
controversée
p.op.rôle
15.cit.,décisif,
introduction,
: «bien
Il estque
p.bien
décroissant,
18.)connu qu'en
dans Hongrie
la pro¬

104
l'industrialisation accélérée

fois par semaine, voire une fois par mois, et vivent sur les lieux du travail
ou à proximité dans des foyers de travailleurs. »
Ainsi l'industrialisation, parce qu'elle s'est faite dans un contexte de sous-
urbanisation, a entraîné le développement à grande échelle des migrations alter¬
nantes, qui n'ont pas seulement pour effet le gaspillage du temps de transport
ou la distension des biens familiaux, mais aussi et surtout l'établissement d'une
division de nature sociale à l'intérieur de la classe ouvrière. En effet, ce sont
les ouvriers les moins qualifiés qui sont le plus soumis aux migrations alternantes,
et aussi les moins qualifiés qui travaillent sur place dans les entreprises indus¬
trielles des zones rurales (le cinquième de l'industrie du pays est localisé dans
les villages). Ce qui fait que la coupure entre l'habitat et le travail se double
d'une coupure à l'intérieur de la classe ouvrière, parallèle à la séparation de la
ville et de la campagne héritée d'avant guerre22.
Inversement, « un autre phénomène s'est développé, qui consiste en ce que
certains des actifs employés dans l'agriculture, particulièrement des " cols
blancs vivent à la ville et font la navette entre la ville et l'établissement rural.
On estime à environ 150 000 le nombre de ces " migrants inverses soit à 15 %
du nombre total des migrants 23 ».
Dans cette question du mode d'appropriation sociale du territoire, le cas
de Budapest occupe une place prédominante. L'afflux d'une main-d'œuvre
considérable désireuse de s'installer définitivement dans la capitale a provoqué
une demande de logements qui déborda largement les capacités. Dans les années
soixante, deux sortes de mesures furent mises en œuvre pour tenter d'enrayer
la congestion qui menaçait la capitale et augmentait l'acuité du problème du
logement.
L'une consiste dans la stimulation de la décentralisation des entreprises,
qui connut des résultats très mitigés, les entreprises acceptant difficilement de
s'expatrier en province et profitant de l'occasion pour s'y débarrasser de leur
équipement ancien. L'autre, d'ordre purement administratif, consiste dans l'inter¬
diction pure et simple faite aux nouveaux travailleurs de résider de façon

feraient
Society...,
modes
sition
capitale
prééminence
Erdei,
p.
d'avant
22.
23.
137-138),
Rural
Les
du
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social
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le
les
Transformation...,
des
transposer
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respectifs
reste
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centres
du
montrent
du du
chapitre
territorial
leest
pays
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plus
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Selon
campagne
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(Hungarian
avec
(op.
Hongrie
L'oppo¬
Ferenc
par
de
leurs
cit.,
ne
la

105
Hongrie, l'aménagement du territoire

permanente à Budapest, à moins de justifier d'une ancienneté d'emploi à Buda¬


pest d'au moins cinq années. La conséquence de cette interdiction administrative
fut que le flot d'immigrants fut à terme ralenti et que les nouveaux arrivants
s'installèrent sur la bordure extérieure de la capitale, où, en dehors des heures
de travail et avec l'aide des amis et au moyen de matériaux de fortune, ils
bricolèrent de minuscules habitations qui constituent ce qu'on appelle la « Cou¬
ronne », particulièrement visible dans le sud de l'agglomération. Bien entendu,
cette zone a proliféré en dehors de toute programmation d'équipements, et son
développement pose aux autorités un problème non prévu et épineux à résoudre.
A peine moins précaire qu'un bidonville, cette agglomération témoigne des
ratés de la planification spatiale.
La création de la Couronne n'est pas la seule parade à l'interdiction de séjour
des nouveaux immigrants. Dans les villages proches de la frontière administrative
de la capitale, on peut observer l'existence de nombreuses extensions des maisons
d'habitation. L'architecture traditionnelle de ces maisons est tout à fait atta¬
chante : tout en longueur, prolongées par des jardins, les maisons basses s'ali¬
gnent les unes à côté des autres, perpendiculaires aux chemins de terre qui qua¬
drillent le territoire du village. L'appentis qui prolonge un grand nombre de ces
maisons consiste la plupart du temps en une seule pièce, très rudimentairement
équipée, louée aux familles d'ouvriers immigrés. C'est très immédiatement qu'on
voit se côtoyer dans ce cas les deux couches de la classe ouvrière : l'une déjà
installée et plus qualifiée, l'autre tout juste issue de la terre et des champs et
payant la dîme de sa mobilité géographique et sociale.
Ainsi, pour nous résumer, le décollage économique extrêmement rapide du
pays, son industrialisation obtenue à marches forcées, la modernisation de son
agriculture, le plein emploi, l'élévation générale du niveau de vie et des réalisa¬
tions incontestables dans le domaine urbain sont les aspects positifs d'un
processus dont le prix à payer a consisté essentiellement dans la pérennisation
d'un déséquilibre territorial spécifique entraînant une différenciation sociale non
voulue entre les citadins et les ruraux et, à l'intérieur de la classe ouvrière, entre
les citadins qualifiés et les ruraux non ou moins qualifiés. Ici ou là, on entend
répéter qu'une politique alternative était envisageable et qu'elle sera probable¬
ment mise en œuvre dans le futur proche. Elle aurait consisté à moins disperser
les crédits d'équipements communaux, de toute façon très insuffisants, et à faire
porter les efforts davantage sur l'amélioration de l'infrastructure routière, amé¬
lioration qui aurait permis de désenclaver beaucoup de villages profondément
isolés et de raccourcir la durée des migrations alternantes.

106
la question du logement

La question du logement et V aménagement du territoire

mondiale
centres
même
térisée
lativement
d'un
autre,
regarde
concernant
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ments
de
autorités
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carac¬
corré¬
terme
année
parti¬
part
qui
des
un
les
a

En face des 36 % de logements construits chaque année par l'Etat et destinés


exclusivement aux habitants des villes, on enregistre 22 % de logements construits
en copropriété (en « coopérative », dit le langage officiel) sous forme de petits
immeubles. Dans ce cas comme dans le suivant, l'Etat fournit un soutien
financier partiel. Le reste, soit 42 %, consiste en maisons individuelles, généra¬
lement édifiées dans les zones rurales par leurs propriétaires, avec l'aide de leurs
amis ou de quelques artisans. C'est dire que le soutien de l'Etat s'étend à tous les
secteurs, mais de façon très inégale, et que l'inégalité de ce soutien recouvre une
inégalité de traitement à l'égard des citadins et des ruraux. Ne pouvant tout
développer de front, les autorités ont choisi de développer les villes au détriment
de
la classe
la campagne,
ouvrièreoù pourtant demeure en permanence une part importante de

cependant,
monde
24. Lacapitaliste.
ségrégation
mais d'une
D'une
résidentielle
manière
part, tout
elle
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sans
notion
différente
aucun
qui doute
n'a
des pas
formes
moins
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extérieure
officiel.
revêt
Elle
etdans
moins
existe
le
tranchée : si certains quartiers de Budapest sont manifestement habités de préférence par
l'intelligentsia et d'autres de préférence par les ouvriers, la distinction, loin d'être brutale
comme dans l'ouest de l'Europe, est de l'ordre du plus ou moins. D'autre part, elle revêt
des modalités plus domestiques, ou plus intimes. Pour l'évoquer, on ne saurait mieux dire
que Guy Bürgel parlant de la division de l'espace urbain moscovite {art. cit., p. 74) : « Dans
la plupart des cas, à Moscou, rien ne permet, ni la situation du quartier, ni l'environnement

107
hongrie. l'aménagement du territoire

Le rôle des institutions dans l'aménagement du territoire

conditions
qu'elle
Les processus
s'exerce
dont par
doit
économiques
letenir
canal
compte
d'un
et certain
sociaux
la politique
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qui d'aménagement
viennent
d'institutions.
d'être du
évoqués
territoire,
sonttelle
les

Comme dans tous les pays socialistes de modèle soviétique, les institutions
politiques combinent aux divers niveaux territoriaux le fonctionnement d'ins¬
tances élues au suffrage universel et d'instances émanant du parti unique,
organisé selon la règle du centralisme démocratique, le Parti socialiste ouvrier
hongrois. Autrement dit, la hiérarchie du parti double et pénètre la hiérarchie des
instances élues, et son intervention (y compris dans le choix des candidats à
présenter au suffrage électoral) est le facteur essentiel de la centralisation de
l'exercice du pouvoir. La centralisation apparaît en outre comme la garantie la
plus solide de l'équité dans la répartition et l'utilisation des ressources 25.
Au niveau gouvernemental, l'Office national du Plan occupe une place parti¬
culièrement importante, dans la mesure où la nationalisation de la partie la plus
décisive de l'économie subordonne le fonctionnement du marché aux prescrip¬
tions du Plan, qui fixe le niveau de l'effort à accomplir pour la période
quinquennale, la part de l'investissement, celle de la consommation, etc.
Au niveau territorial, la Hongrie se divise en 19 départements (dont la surface
moyenne est un peu inférieure à celle des départements français), dirigés chacun
par un conseil départemental et un président élus. Les 19 départements sont
divisés en 94 arrondissements qui, depuis 1971, ne conservent plus que des
antennes administratives et ont perdu leurs corps élus. L'échelon de base est la
commune, avec son conseil et son président élus.
De ces communes, dans les années d'après-guerre, le nombre était aussi grand

de
immédiat,
entre
inégalités
surfaces
stock
les
soumis
la
famille
deviennent
secondaire.
1978
Paris,
25.
province.
l'hôte
immeubles
; Voir,
les
national
1979.
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sont
sas
des
les
du
et

108
Controle de l'irrigation dans le département de Györ-Sopron.
Sans doute est-il contradictoire de vouloir à la fois la croissance économique et l'égale
participation de toutes les parties du territoire à cette croissance.
\ /
hongrie. l' aménagement du territoire

que celui des localités, soit quelque 3 000. Il apparut que, dans la période d'indus¬
trialisation accélérée où la production des ressources et leur collecte cen¬
tralisée aux fins de réinvestissement passaient en priorité devant la redistribu¬
tion et la consommation, le nombre excessif des communes était un facteur
de dispersion des ressources et demandait à être réduit. Deux formules furent
utilisées : la fusion et le regroupement en syndicats intercommunaux à inté¬
gration poussée. Le résultat de cette politique de concentration est qu'aujour¬
d'hui la Hongrie compte 1 425 communes (conseils municipaux) pour un
nombre de localités qui est toujours de l'ordre de 3 000. (Les 1 '425 conseils
municipaux se répartissent en 729 conseils couvrant chacun une localité, et
714 conseils intercommunaux regroupant, selon le cas, de 2 à 6 (voire 7) loca¬
lités.) Il faut préciser encore que toutes les communes n'ont pas un statut égal.
La capitale non seulement possède à elle seule statut de département, mais elle
est administrée sous le contrôle d'un ministère de la capitale. Enfin, les cinq
villes considérées comme les plus importantes du pays (Györ, Miskolc,
Debrecen, Szeged, Pécs) ont statut de département.
Ces précisions sont importantes, étant donné que l'échelon territorial décisif
est le département. Dans le système centralisé de collecte et de redistribution
des ressources, la collecte se fait en chaque point productif du territoire natio¬
nal 26, mais la redistribution privilégie l'échelon départemental. C'est en effet
là que se préparent, puis sont notifiées les tranches territoriales du Plan, c'est-
à-dire, tout simplement, le montant des crédits auxquels aura droit le départe¬
ment pour la construction des logements, des services, des infrastructures, etc.
Dans le conseil départemental siègent des représentants des communes, et
l'on pourrait imaginer que leur présence tend à faire du conseil départemental
le lieu où se passent les compromis pour le partage et le saupoudrage des
crédits. Cette tendance, si elle existe, est efficacement contrebalancée par l'inter¬
vention de la hiérarchie centralisatrice du parti, et c'est dans ce contexte qu'on
peut comprendre comment les chefs-lieux de département ont réussi à concen¬
trer les crédits de l'Etat en leur faveur. A l'intérieur de leurs propres départe¬
ments, les cinq villes-départements (et plus encore Budapest) ont bénéficié de
crédits supplémentaires pour la construction de logements et l'équipement de
services urbains. Mais on a vu que les résultats de cette mécanique se tra¬
duisent malgré tout, étant donné la limitation globale des ressources, à la fois
par le sous-développement des villages27 et par un développement insuffisant

directs
douteux,
tion
26.des
27. Essentiellement
Que
sont
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impôts
dans
pas

110
la hiérarchie planifiée des villes

des centres urbains. Il semble que, dans l'avenir, afin de tenir compte de ces
déséquilibres, la ventilation des crédits d'équipement et de logement se fasse
moins au détriment de la périphérie et qu'une certaine déconcentration des
pouvoirs s'accentue. Déconcentration, et non pas décentralisation. Les ressources
propres des communes sont très faibles, et tout aussi faible, par conséquent,
le phénomène du gouvernement local. L'idée de l'intérêt général est étroite¬
ment associée à celle de gestion centralisée.
Appuyée sur le développement des pôles industriels existants, sur la création
des villes industrielles socialistes et sur l'implantation du cinquième du poten¬
tiel industriel à la campagne, la politique d'industrialisation accélérée n'a pu
être menée qu'en bénéficiant de l'armature institutionnelle centralisée qui réser¬
vait les crédits en priorité aux zones où se réalisait la production.

La hiérarchie planifiée des villes , élément essentiel


du système d'aménagement du territoire

l'industrialisation
toriaux
en
les
sation
pement
la
localités.
La
même
dénomination
pouvoirs
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intensive
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national
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régions.
déséquilibres
visant
en
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dechantier
processus
du
l'industriali¬
Vers
à accroître
dévelop¬
terri¬
1960,
sous
des
de

Elaboré à l'Institut hongrois d'aménagement urbain et régional, ce document


sert de base à l'action des pouvoirs publics dès 1968 et il est approuvé par
le gouvernement en 1971.
L'essentiel du Plan consiste dans une carte des agglomérations hongroises,
telle qu'il apparaît souhaitable de la réaliser pour l'an 2000. L'objectif consiste,
partant des inégalités de développement actuelles, à réduire les différences
entre les agglomérations et à couvrir le territoire d'un réseau homogène et
hiérarchisé d'équipements.
L'idée d'une hiérarchie des agglomérations, distinguées par le rayon d'action

la planification),
communes
tions
comme
blesse enduimportantes
privilégiant
financement
entre elles,
Valóság,
dans
lalocal
lacommune
ledomination
n°àplan
la3, disposition
hiérarchique
1979.
chef-lieu,
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conseil
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localités,
des
département,
les
communes.
quelques
l'auteur
et souligne
qui
évoque
communes
répartit
la très
la rivalité
les
considérées
grande
subven¬
fai¬
des

111
hongrie. l'aménagement du territoire

de leurs aires d'attraction et la portée des services plus ou moins rares qu'elles
sont capables de rendre à la population, s'est traduite de diverses manières.
C'est elle qui anime la doctrine des « métropoles régionales d'équilibre » mise
en œuvre dans la France des années cinquante, afin de combler le « désert
français » en dotant certains grands centres urbains provinciaux de services
que la capitale était seule à fournir jusqu'alors. Il n'est pas impossible que les
promoteurs hongrois du projet de réseau hiérarchisé des agglomérations se
soient inspirés de cette expérience comme de bien d'autres menées dans les
pays capitalistes développés. Ils ont pu aussi recueillir les leçons des réalisations
soviétiques en matière d'unités résidentielles intégrées. Les Russes ont conçu
un système hiérarchisé d'unités résidentielles, dont l'élément est le micro-district,
ensemble d'immeubles d'habitation abritant de 10 à 12 000 habitants, desservis
par des équipements élémentaires capables de satisfaire les besoins quotidiens
de la population. L'addition de plusieurs de ces micro-districts compose une
unité de degré supérieur, pourvue d'équipements capables de satisfaire des
besoins plus rares, etc. Des exemples de ces réalisations existent, en particulier
à la périphérie de Moscou et de Leningrad.
Le calcul de l'optimum économique, qui est à la base de cette théorie, a
servi à fixer la carte de la hiérarchie hongroise des agglomérations. Certains
biens ou services sont de telle nature (rareté, coût) qu'ils ne peuvent être dis¬
tribués qu'en un point du territoire (la capitale) ; d'autres peuvent être distribués
en plusieurs points, d'autres encore en un plus grand nombre de points, etc.
Afin de réduire les très fortes inégalités engendrées par une histoire séculaire,
tout particulièrement dans sa phase récente d'industrialisation accélérée, le
Plan propose une pyramide hiérarchique de localités, au sommet de laquelle
se trouve Budapest, capitale pourvoyeuse de biens et services les plus rares
(en même temps que de tout l'éventail des moins rares, propres à satisfaire
les besoins de la population locale) ; puis viennent les cinq villes que nous
avons déjà citées comme dotées, chacune pour elle-même, du statut (et des
poles d'équilibre françaises, bien qu'elles ne portent pas ce titre, mais celui
crédits) de département. Ces villes sont l'équivalent fonctionnel des métro-
de « centres supérieurs spéciaux » 28 .
En dessous de ce niveau viennent sept centres supérieurs et onze centres
supérieurs partiels — en tout 18 localités correspondant aux villes les plus
importantes des départements, mis à part les cinq centres régionaux situés à
la périphérie du territoire et destinés à faire contrepoids à la capitale, en fixant

Facteurs
expressément
tion
28. inKaroly
Europe,
de l'urbanisation
le
Perczel,
Akadémiai
terme un
de et«des
Kiadó,
métropoles
de initiateurs
la concentration
Budapest,
d'équilibre
du p.
Plan
de » la
125-131.
deà population
la hiérarchie
propos desencinq
Hongrie
des centres
localités,
», Urbaniza¬
; cf.utilise
« les

112
la hiérarchie planifiée des villes

sur place une main-d'œuvre et une population jusqu'alors attirées trop inten¬
sément par la capitale.
Selon un degré décroissant de niveau d'équipement, on trouve ensuite
65 centres moyens et 41 centres moyens partiels (qui sont des villages en voie
d'urbanisation). En tout, la Hongrie se propose d'avoir en l'an 2000 une
armature équilibrée de 130 villes.
La hiérarchie se poursuit vers le bas, avec une nomenclature très détaillée
qui distingue entre centre primaire spécial, centre primaire, centre primaire
partiel, et enfin les « autres », les sans -nom.
En fait, ces nuances ne correspondent pas à grand-chose, étant donné que
la distribution des crédits ne descend guère au-delà du niveau des centres
urbains et que l'équipement des autres localités n'est pas hiérarchisé, il est
tout simplement négligé. Mais l'élaboration de la hiérarchie a nécessité une
constante discussion entre les experts de la planification territoriale et les
responsables locaux, et, dans bien des cas, le label de centre partiel a donné
bien des compensations psychologiques aux collectivités locales qui ne par¬
venaient pas à accéder au rang de centres importants. Des compensations
psychologiques qui ne se sont pas monnayées en subventions. Le Plan est
actuellement en révision, car il semble qu'à l'origine, même en démultipliant
les appellations pour accorder des satisfactions purement psychologiques, le
planificateur ait vu trop grand, eu égard à la quantité des ressources possibles.
En effet, les villes ne se sont pas développées aussi vite qu'on l'espérait. Les
cinq centres spéciaux, avec des populations dont le chiffre tourne autour de
100 000, ne parviennent guère à rivaliser avec la capitale ; les autres villes
n'ont pu être toutes équipées de la façon souhaitée, et, comme on l'a vu, les
migrations rurales n'ont pas suivi la voie (si l'on peut dire) hiérarchique qui
va des plus petites localités vers les plus grandes, mais se sont concentrées
dans de gros villages proches des villes, et pour lesquels le système de distri¬
bution des crédits n'a rien prévu.
Dans la nouvelle hiérarchie révisée, la notion de centre primaire partiel
disparaîtra, et environ 130 villages de niveau « centre primaire » seront retenus
pour être équipés d' « éléments à caractère urbain ».
Il semble, par conséquent, que les autorités s'apprêtent à tenir compte de
l'impossibilité d'enrayer le processus du développement inégal de l'espace.
S'il est impossible d'équiper tous les centres urbains prévus à l'origine comme
devant couvrir d'un réseau dense tout l'ensemble du territoire, et si l'on veut
que des centres moins nombreux soient équipés en service à long rayon d'at¬
traction, il sera nécessaire de faire porter l'effort de manière plus accentuée
sur l'amélioration de l'infrastructure routière et ferroviaire existante.
L'exigence de productivité, liée à une industrialisation intensive elle-même
très exigeante du point de vue de la qualité et du niveau de l'équipement urbain
et des services, entraînera, semble-t-il, que soit entériné le renoncement à vou-

113
hongrie. l' aménagement du territoire

loir équiper tout l'espace et que soient développées, en contrepartie, les commu¬
nications.

Le VATI et le BUVATI, organismes d'aménagement

du territoire

Ce sont toutes ces péripéties de l'évolution économique et sociale du pays


qu'ont dû accompagner les organisations chargées de l'aménagement de l'espace.
Elles sont au nombre de deux : l'une est spécialement chargée de l'élaboration
des plans urbains du territoire de Budapest (BUVATI);l'autre couvre tout
le reste du territoire national (VATI: initiales hongroises de : Institut hon¬
grois d'urbanisme et d'aménagement du territoire). On peut suivre, dans l'évo¬
lution des attributions du V A T I, comme la réfraction des inflexions apportées
à la politique globale de développement du pays.
A l'origine, c'est-à-dire dans les années cinquante, le V A T I est un bureau
d'étude qui centralise (concurremment avec le BUVATI)l'élite des experts
du pays en matière d'architecture et d'urbanisme. Dans une période où la
reconstruction est encore à l'ordre du jour et où l'industrialisation l'emporte
dans l'ordre des préoccupations, le V A T I consacre ses efforts à l'élaboration
des plans d'urbanisme pour les villes dont l'essor apparaît comme devant être
rapide : villes industrielles et minières du Nord, villes socialistes, etc.
C'est au cours des années soixante que l'Institut voit sa vocation fondamen¬
talement réajustée, change l'échelle de ses préoccupations et cesse de réaliser
des plans au coup par coup, pour élaborer la stratégie d'aménagement de la
hiérarchie des localités à l'échelle de la nation tout entière et pour coordonner
l'aménagement du territoire et le développement économique, en préparant des
plans de « développement régional ».
Cette coordination, malgré les progrès incontestables, est encore considérée
comme imparfaite. Le V A T I l'a d'abord essayée en mettant au point le Plan
d'aménagement du réseau hiérarchisé, clé de voûte du système d'aménagement
et qui est, on l'a vu, un travail d'intérêt tout à fait stratégique par le bilan
d'ensemble qu'il présuppose des capacités et du rayonnement de toutes les
localités du territoire. On a vu aussi quel était l'écart entre les prévisions et
les orientations d'une part et l'évolution réelle d'autre part. Le gouvernement
semble avoir entériné cet écart, au moins en ce qui concerne le devenir des
villages, lorsqu'en approuvant le document, en 1971, il n'en a en fait approuvé
que la partie qui concerne les agglomérations urbaines, refusant par conséquent
de s'engager sur le devenir des villages.

114
la hiérarchie planifiée des villes

Quoi qu'il en soit, le Plan du réseau sert de base à la traduction territoriale


des plans économiques, c'est-à-dire à la répartition des crédits quinquennaux
entre les départements, compte tenu de l'importance de chacun d'eux en agglo¬
mérations urbaines en voie de développement.
Le V A T I s'est aussi acquitté de l'élaboration des plans d'aménagement et
de développement de certaines zones particulières, à caractère touristique
dominant, comme le lac Balaton, à l'ouest de Budapest, la Courbe du Danube
au nord de Budapest, la région touristique de l'ouest de la Transdanubie (à
l'ouest du Danube, qui traverse le pays du nord au sud), etc. 29.
Dans tous ces cas, qui sont des opérations ponctuelles, lancées au coup par
coup par le gouvernement, l'aménagement du territoire et les décisions écono¬
miques sont allés de pair, en étroite harmonie. Mais cela ne signifie pas que
la planification économico-spatiale intégrée ne se soit pas trouvée prise de
court, comme dans l'exemple du lac Balaton, la « mer » hongroise. Ce lac,
long de quelque 80 km, situé à quelque distance de Budapest, est le lieu favori
des vacanciers budapestois et des propriétaires de résidences secondaires. C'est
aussi, au cœur de l'Europe centrale, un point qui attire les touristes de tous
les pays voisins et qui a connu au cours des dernières années un développement
considérable, au point que les prévisions des experts ont été largement débor¬
dées : les 600 000 touristes journaliers prévus en juillet-août de l'an 2000
sur les bords du lac sont déjà là, et les équipements actuellement mis en place
pour une population qu'on n'attendait pas si importante softt largement insuf¬
fisants 30.
Depuis peu (1972), le V A T I a été investi de la tâche nouvelle de l'aména¬
gement des zones industrielles. Il ne faut pas oublier en effet que le V A T I
est l'organisme d'étude du ministère de la Construction et du Développement
urbain et que les grandes entreprises, investies du droit de décentraliser leur
implantation, dépendent d'autres ministères. Un sérieux problème de coordi-

à 30.
d'une
lisation
moyens
financer
touristiques
teur
ritaires
oublier
feste
la
autrichien
de 29.
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Hongrie
dont
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du
doit
pas
cemani¬
Reste
Plan.
prio¬
pour
tout
sec¬
pas
des

115
Hongrie. l'aménagement du territoire

nation entre les aménageurs et les agents économiques se posait donc, d'autant
plus aigu que les agents économiques sont loin de coordonner leurs politiques
de décentralisation et que toute décision en matière de localisation industrielle
se heurte à l'accumulation d'une série de difficultés, telles que la pénurie géné¬
rale de main-d'œuvre, la pénurie des sites aménageables pour l'industrie, les
contraintes imposées par les règlements sur la protection de l'environnement
et, naturellement, la nécessité de prévoir en temps utile la construction des
infrastructures. Dans ce contexte, la concurrence désordonnée des entreprises
sur les mêmes sites pouvait avoir des conséquences très dommageables, que
les autorités ont tenté d'éviter au moyen d'une coordination préalable confiée
au V A T I. En fait, l'Institut n'a qu'un rôle consultatif, qui consiste à coordon¬
ner et à faire circuler l'information relative aux projets de décentralisation
industrielle échafaudés au sein des divers segments ministériels et des grandes
entreprises, et à analyser les capacités des sites envisagés.
Enfin, le V A T I a la responsabilité d'élaborer, à l'échelon national, régional
et départemental, des plans de développement, c'est-à-dire de prévoir de quelle
manière le développement économique se traduira dans la transformation de
l'espace, et de prévoir à temps la mise en place des infrastructures, ou les
mesures à prendre pour éviter les conséquences non voulues.

Planification économique et planification spatiale

personnel
mistes,
Il est parmi
intéressant
d'architectes-urbanistes
lesquels
de noter
certains
queont
leet Vtravaillé
d'ingénieurs
A T I, qui
à l'Office
civils,
comprenait
national
s'est adjoint
essentiellement
du Plan.
des écono¬
un

Cette circulation des spécialistes et l'intérêt montré par certains économistes


pour l'interaction de l'économie et des conditions spatiales de son dévelop¬
pement sont un aspect positif de la coordination que tente de réaliser le V A T I.
Toutefois, cette coordination rencontre une difficulté importante, qui provient
de la diversité des temporalités dans lesquelles se meuvent le planificateur
économique et l'aménageur de l'espace.
Les plans économiques ne dépassent pas l'horizon quinquennal, et l'Office
national du Plan commence à peine à tenter des projections à terme de quinze
ans. En revanche, la nature des choses fait que l'aménageur ne peut prévoir les
extensions urbaines et la construction des infrastructures de transport qu'à
l'intérieur d'un cadre temporel beaucoup plus vaste — de quinze ans, et même
trente ans. Ce décalage entre la temporalité de la planification économique et
celle de l'aménagement spatial se traduit naturellement par un déficit d'informa¬
tions dont souffre l'aménageur ; sans compter que, bien entendu, les informations
statistiques concernant le présent, élaborées par l'Office national de la statis-

116
-AîLu ISbO

Budapest.
hongrois
La avec
satisfaction
la mêmequ'éprouve
liberté queledans
touriste
n'importe
occidental
quel pays
à se du
mouvoir
Marchésurcommun.
le territoire
Hongrie, l' aménagement du territoire

tique, ne tiennent encore qu'imparfaitement compte des préoccupations de


l'aménageur. C'est une des tâches à l'ordre du jour que de concilier les intérêts
des spécialistes de l'économie et des aménageurs en matière d'information.
L'articulation de la planification économique et de la planification spatiale,
c'est-à-dire de la maîtrise des effets spatiaux du développement économique,
est encore une tâche de longue haleine, d'autant plus que, par rapport aux
responsables du plan économique et aux décideurs situés sur le plan départe¬
mental, c'est comme expert-consultant, non comme décideur, qu'apparaît le
ministère de la Construction et du Développement urbain, aidé de son Institut.
La situation et le poids respectif de chacun des acteurs peuvent se
comprendre clairement à partir du tableau, simplifié, des documents de plani¬
fication.
Dans l'ordre de la planification économique, l'Office du Plan élabore tous
les cinq ans (sauf exception, comme dans le cas du Plan de construction de
logements pour quinze ans), un plan économique national, qui est traduit sous
forme de tranches» départementales, c'est-à-dire qui répartit les ressources entre
les départements du territoire. Ce sont les départements qui, en principe, ont
pouvoir de décision sur la répartition locale des ressources, le choix des sites
pour la construction des logements et des services, etc. Autrement dit, la
coordination du développement économique et de l'aménagement du territoire
est largement dévolue à la responsabilité des conseils de département. Ces
derniers n'ont pas, sur place, en face d'eux les experts qui pourraient les conseil¬
ler, si grande est la centralisation des capacités dans le V A T I. Mais le V A T I
n'a pas non plus le pouvoir d'influencer, de loin, autant qu'il le désirerait,
les décisions des responsables politiques locaux.
Les documents de planification territoriale sont de deux sortes. Les premiers,
traditionnellement élaborés par le V A T I, sont les plans d'urbanisme (élaborés
à terme de cinq, quinze et trente ans), couvrant l'espace d'une agglomération
(et, depuis la récente mise en place de la « nouvelle méthodologie », couvrant
aussi le territoire environnant) ; les autres, qui relèvent de la fonction nouvelle
de la planification régionale, traitent, on l'a vu, le développement du territoire
national ou de certaines zones, de la manière la plus intégrée possible.
L'Institut compte maintenant 600 personnes et atteint une taille critique.
Selon les dirigeants, le moment est venu de le faire entrer dans une nouvelle
phase, en le déchargeant de l'élaboration des plans d'urbanisme sur des bureaux
d'étude situés dans les villes de province et en lui réservant pour fonction
essentielle de se consacrer à la planification régionale, c'est-à-dire à l'intégra¬
tion du développement économique et du développement territorial. Entreprise
difficile dans un pays aussi fortement centralisé, où le fait de quitter Budapest
pour la province risque d'être ressenti comme un exil et où les ressources

118
planification économique et planification spatiale

locales en matière d'experts ne sont pas suffisantes pour alimenter les bureaux
d'étude envisagés pour la province.
En résumé, le système de la planification hongroise se présente de la façon
suivante : les plans quinquennaux de développement économique et social sont
la pièce essentielle du dispositif. On pourrait dire que, comme en France, ils
ne couvrent que la part de l'économie qui est nationalisée, mais, en Hongrie,
cette part est prépondérante ; par conséquent, le rôle concédé au marché
demeure tout à fait marginal. Les plans déterminent le montant des ressources
qui seront affectées aux différents secteurs de l'économie, au rang desquels
figurent le bâtiment et les travaux publics.
Le Plan reçoit sa traduction opérationnelle sur le plan départemental, où
se fait la répartition des crédits entre les agglomérations, selon les normes fixées
par le Plan d'aménagement du réseau hiérarchisé des agglomérations.
En principe, cette traduction opérationnelle doit tenir compte des conseils
prodigués par les experts de la « planification régionale », chargés de proposer
les moyens de remédier aux effets spatiaux non voulus des décisions écono¬
miques. Enfin, ces décisions (en matière de bâtiment et de développement
urbain)
tion dessont
sols.appliquées au moyen de plans d'urbanisme, ou de plans d'occupa¬

Un des aspects par où se manifeste le décalage entre la planification écono¬


mique et la planification territoriale consiste dans la différence des horizons
temporels dans lesquels se font les deux types de planification. Paradoxale¬
ment, la planification économique, qui joue le rôle décisif, puisqu'elle décide
de l'allocation des moyens nécessaires à la planification spatiale, se déploie
dans le moyen terme (cinq ans) et commence à élargir son horizon jusqu'à
quinze ans (c'est le cas, on l'a vu, pour les programmes de construction de
logements), tandis que la planification spatiale, soumise, en vertu de la nature
techniques des choses, à l'obligation de concevoir à très long terme (cinq, quinze
et trente ans) les différentes étapes de la lente mise en place des équipements
d'infrastructure, court le risque de montrer un chemin qui ne sera pas suivi.
Bien entendu, la difficulté du système hongrois à concilier ses objectifs éco¬
nomiques de croissance et ses objectifs territoriaux et sociaux d'équilibre et
d'équité n'est pas seulement d'ordre technique. Il nous a paru que le type de
développement économique choisi engendrait ses propres inégalités de déve¬
loppement territorial. Sans doute est-il contradictoire de vouloir à la fois la
croissance économique et l'égale participation de toutes les parties du terri¬
toire à cette croissance.

119
hongrie. l' aménagement du territoire

Le cas éminent de Budapest

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Hongrie
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aspect,
fleuve.
zones
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qui
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Maîtriser et même prévoir la croissance de cet ensemble divers et hétéro¬


gène n'a pas été facile. La population de la ville a doublé en vingt ans (un
million d'habitants en 1950, deux en 1970). Un premier plan d'urbanisme
datant de 1959 a été remplacé en 1970 par un plan qui, au moment d'être
approuvé par le gouvernement en 1971, n'était déjà plus en prise sur la réalité.
Les planificateurs avaient adopté pour le plan de 1970 la méthodologie du
scénario unique pour un développement à long terme (jusqu'à l'an 2000) et
n'avaient pas envisagé la possibilité d'introduire des rectifications continues.
La croissance de la ville, non seulement n'a pu être ralentie, mais avait atteint
dès 1979 la taille prévue pour l'an 2000. D'où la nécessité de remettre le plan
en chantier et de préparer une nouvelle version, qui est en fait une refonte
complète, pour 1980, afin de tenir compte des divergences parfois considérables
qui se sont produites entre le plan d'urbanisme de 1970 et le développement
urbain réel, et, par exemple, de réadapter les prévisions de construction d'infra¬
structures aux directions imprévues dans lesquelles s'est faite l'expansion de
l'habitat, etc.
Bien entendu, ces divergences entre les prévisions des aménageurs et les
décisions effectives des constructeurs illustrent une fois encore l'insuffisance

sur31.la rive
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ville
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localités
1848.
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Danube
et Obuda,
n'était

120
planification économique et planification spatiale

de la coordination entre la planification quinquennale économique (dont dépend


la construction des immeubles d'habitation) et la planification territoriale. Le
Plan révisé de 1980, outre qu'il est destiné à pouvoir intégrer des modifica¬
tions continues, reposera sur de meilleures informations en matière de ten¬
dances du bâtiment. On prévoit enfin que la phase de rapide expansion touche
de fait à son terme. Ce qui ne peut que faciliter la réalisation des orientations
du Plan dans le domaine de l'aménagement qualitatif.
En effet, pendant toute la phase d'expansion urbaine rapide, il a fallu parer
au plus pressé et construire des logements. Sur les onze usines d'éléments pré¬
fabriqués importées d'Union soviétique et du Danemark pour accroître la pro¬
duction du bâti en dépit de la pénurie de main-d'œuvre, sept ont fonctionné
au service exclusif de la capitale, où la proportion des logements construits
par l'Etat est de 70 % de l'ensemble des logements, tandis qu'en province
c'est l'inverse (et que pour l'ensemble du pays, rappelons-le, les chiffres sont
à peu près : un tiers pour le financement d'Etat, deux tiers pour le finance¬
ment privé).
Malgré un effort de construction considérable (et aussi malgré une tentative
peu efficace de dissuasion à l'égard des nouveaux arrivants, couplée avec des
essais peu fructueux de décentralisation industrielle), 60 % des appartements
de Budapest ne comportaient en 1970 qu'une seule pièce (sans compter les
annexes : cuisine et salle d'eau).
La solution de grands ensembles construits à la périphérie a été finalement
préférée à l'idée, un moment développée, de plusieurs villes nouvelles. Au
cours des cinq dernières années, cinq cités de grands ensembles de 15 000 habi¬
tants chacune ont été construites et actuellement un habitant sur six, à Buda¬
pest, vit dans un grand ensemble récent. On compte qu'en 1990 la proportion
sera de 1 sur 2,5, et certains des experts de la planification urbaine craignent
qu'à cette époque le type de construction (bâtiments de 11 étages, à cellules
rigides et disposées de façon très monotone, appartements trop petits) ne
convienne plus du tout aux goûts et aux besoins de la population !
Une partie de l'habitat est construite en copropriété, par les usagers eux-
mêmes. La municipalité exerce dans ce domaine un rôle régulateur très précis
en se portant acquéreur, à l'aide d'un droit de préemption, de tous les sites
qui se libèrent sur le marché. Elle les rétrocède ensuite aux associations de
copropriétaires qui acceptent les conditions de la municipalité en matière de
coefficient d'occupation du sol, de normes, etc. En fait, le sol n'est vendu que
pour une durée de 70 ans et deviendra propriété collective ensuite. Inutile de
dire que la demande surpasse de très loin l'offre des terrains ; la mairie n'estime
pas nécessaire d'utiliser la presse pour la publicité et se contente d'afficher
les offres sur les murs des bâtiments municipaux. Lorsqu'un particulier désire
construire en copropriété, il doit chercher les partenaires avec lesquels il va

121
hongrie. l'aménagement du territoire

constituer une association « coopérative » et envisager une attente de trois à


quatre années avant d'obtenir un terrain à construire 32 .
A Budapest, l'Etat n'a collectivisé que les grands immeubles et les vastes
demeures (qu'il a partagées en une multitude de petits appartements). Il existe
donc un grand nombre de petits propriétaires, qui peuvent être expropriés par
l'Etat moyennant une indemnité proposée par l'Etat et généralement rectifiée
par les juges dans le sens d'un rapprochement vers le prix du marché.
Là où la collectivité est propriétaire, étant donné le caractère à peu près
symbolique des loyers, l'entretien des immeubles et maisons d'habitation laisse
souvent à désirer. La municipalité de Budapest commence à se préoccuper
des aspects les plus urgents du problème, dans certains quartiers de la ville
où la rénovation est en cours. En fait, dans le centre de Pest (sur la rive gauche
du Danube), les vieux immeubles (dont beaucoup portent encore sur leurs
façades les traces de la dernière guerre mondiale) sont rénovés par les grandes
compagnies nationalisées qui y installent leurs sièges sociaux : depuis peu,
ce processus est très visible ; les firmes commencent à disposer d'une plus
grande aisance financière et deviennent attentives à la bonne apparence de
leurs bureaux.
Tout autour du centre, et particulièrement à l'est (6% 7e, 8e, 9e arrondissements)
la rénovation vient de commencer à l'aide des fonds municipaux.
Enfin, les responsables de la ville de Budapest se posent le problème du
réaménagement spatial des entreprises industrielles, dont certaines, très proches
du centre, souffrent de l'engorgement des voies de communication (les fameux
Hungarocamions et tout le trafic issu de l'Europe de l'Est transitent dans
Budapest en arrivant par le pont du Sud !) et sont desservis par une main-
d'œuvre logée à la périphérie.

ment
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villes.
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122
planification économique et planification spatiale

Conclusion

La spécificité tout à fait originale du legs historique dont la Hongrie


contemporaine a dû tenir compte confère à l'aménagement du territoire de
ce pays des caractères irréductibles ; plus encore, la spécificité d'une transfor¬
mation volontaire de l'économie, chargée de mener à bien en quelques années
une révolution industrielle et agricole que les pays capitalistes n'ont générale¬
ment pu réaliser qu'en plusieurs décennies et au prix de désordres considé¬
rables.

On n'en est que plus étonné de constater l'existence de certaines homologies.


Comme dans les pays capitalistes, l'aménagement du territoire en Hongrie est
une préoccupation de seconde urgence, à laquelle les autorités n'ont recouru
qu'après avoir pris conscience des déséquilibres involontaires engendrés par
l'industrialisation accélérée. Le souci de la « planification régionale », investie
du soin d'intégrer la prévision des effets spatiaux du développement écono¬
mique dans la prévision économique elle-même, est un souci relativement
récent, on l'a vu, et à propos duquel on ne saurait nourrir d'illusions exces¬
sives. Tout se passe en effet comme si l'on retrouvait en régime socialiste cet
écart qui frappe tant l'observateur des pays capitalistes, entre les souhaits de
l'expert aménageur et les décisions effectivement prises par les agents écono¬
miques, politiques ou administratifs. Les visées exprimées par l'expert-aménageur
prennent en quelque sorte naïvement au sérieux la compatibilité que l'homme
politique ne cesse de postuler, à titre d'idéal, entre tous les objectifs qu'il pré¬
tend poursuivre : développement équilibré de toutes les forces de la société
et de toutes les parties du territoire, suppression graduelle de l'inégalité de
la condition des citadins et des campagnards, des travailleurs manuels et des
travailleurs intellectuels...
Michel Amiot

123

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