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Volume 7, Numéro 2 O e c o n o m i a H u m a n a

Mars 2009
Nous ouvrons ce
bulletin avec un Éditorial, François Décary-Gilardeau, rédacteur adjoint
article de la titu- Decary-Gilardeau.Francois@uqam.ca
laire de la Chaire,
consacré aux cais- Quelle responsabilité?
ses de retraite et à
la finance respon-
Le mois dernier, je consacrais mon édi- Souvent, on cède à la tentation de
sable. Puis, dans
torial à la responsabilité: j’abordais la vouloir séparer les opérations et la
cette édition spé-
question sous l’angle de la responsabili- politique. Dans ce scénario, le gouver-
ciale (partie 1)
té sociale et m’interrogeais sur le type nement et les ministres seraient res-
consacrée à la
de responsabilité qui liait les entreprises ponsables d’orienter les organismes
Conférence sur la
et les gouvernements dans la nouvelle publics et les agences gouvernemen-
RSE qui s’est tenue
ère « Obama ». Les résultats désas- tales, alors que les opérations seraient
à Agadir (Maroc)
treux de la Caisse de dépôt qui ont ré- sous la responsabilité des administra-
les 26-28 février
duit ses avoirs d’environ 25% en un an, teurs et du PDG. Dans les faits le pou-
derniers, nous pu-
m’incitent à poursuivre la réflexion, voir décisionnel est plus diffus que ce
blions les résumés
mais à un autre niveau. Celui de la res- que prétend cette division du travail.
de 10 communica-
ponsabilité, dans son sens de l’imputa- Même s’il n’est pas très fréquent de
tions qui y ont été
bilité (je préfère le terme anglais ac- voir un ministre s’ingérer dans les af-
présentées (les 10
countability). Qui est responsable de la faires courantes d’une société d’État, il
prochaines suivront
déconfiture de la Caisse de dépôt ? plane toujours le doute d’une telle in-
dans l’édition d’a-
tervention. Ce pouvoir bien réel sup-
vril). Les sujets
L’enjeu de l’imputabilité au sein des or- pose à son tour des responsabilités.
couverts explorent
ganismes publics, parapublics, voire des
à la fois la théorie
partenariats public-privé n’est pas nou- Dans le cas qui nous intéresse, le gou-
et la pratique de la
veau. En équilibre entre la responsabili- vernement a clairement voulu se dis-
RSE, ainsi que les
té ministérielle, la responsabilité du socier des déboires de la Caisse de
liens spécifiques
conseil d’administration et du PDG, trop dépôt, faisant porter le blâme au
entre la RSE et la
de responsables mène souvent à pas de Conseil d’administration (qui sera pro-
consommation ou
responsables du tout. fondément transformé) et à l’ancien
les parties prenan-
PDG. Comme pour Hydro-Québec, il
tes. Deux études
Le cas d’Hydro-Québec démontre bien semble pourtant qu’ultimement, la
de cas basées en
la dilution de l’imputabilité dans ce type Caisse de dépôt relève de l’adminis-
Algérie et en Tuni-
d’organisation. Chez Hydro-Québec, les tration publique, donc du gouverne-
sie viennent com-
structures sont nombreuses, il y a le ment en place. Alors que le débat se
pléter le tableau-
Conseil d’administration, la régie de l’é- porte beaucoup présentement sur la
Nous publions aussi
nergie, le PDG et finalement, il y a un mission de la Caisse, on devrait égale-
un compte-rendu
ministre responsable de la société d’É- ment se questionner sur l’imputabilité
de la conférence
tat. En cas de problème ou de crise, il de nos dirigeants pour minimiser les
Unisféra qui s’est
devient difficile pour le citoyen de bien risques de reproduction de tels événe-
tenue à Montréal
identifier le responsable des déboires. ments et d’autre part pour s’assurer
les 23-24 février
Pourtant ultimement, c’est une organi- que suite à de telles dérives, tout le
2009.
sation publique qui nous concerne tous. monde ne sorte pas de cette aventure
Bonne lecture!
plus blanc que neige.
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Les caisses de retraite et la finance responsable :


de la rentabilité à la citoyenneté

Par Corinne Gendron, Professeure et titulaire de la Chaire de Responsabilité Sociale et de Développe-


ment Durable, UQAM et professeure invitée, CRIMT

Ces dernières années, un citoyen semble avoir que le contenu de cette responsabilité sociale
émergé derrière le consommateur : on achète varie selon les chercheurs et les organisations.
bio, vert, éthique, équitable et responsable. Mais C’est pourquoi les différents indices responsables
le citoyen a aussi investi un autre domaine : ce- contiennent le plus souvent des titres qui ne se
lui de la finance. Ce qu’on appelle la finance ou recoupent guère, et que les premières places au
les investissements responsables sont encore rang des différents palmarès d’entreprises ci-
mal connus des spécialistes et des gestionnaires toyennes sont rarement occupées par les mêmes
financiers. Mais ils constituent une tendance organisations. Il est dès lors difficile de tirer une
lourde qui modifie en profondeur les pratiques et conclusion probante entre la rentabilité et une
les méthodes d’analyse du monde financier. Si variable qui demeure indéfinie. Néanmoins, on
l’investissement responsable était jusqu’à ré- peut constater qu’aujourd’hui, les bonnes prati-
cemment l’affaire de militants et de groupes de ques de gestion incluent bien souvent des di-
pression, de plus en plus d’organisations et mensions sociale et environnementale. De telle
d’institutions s’y intéressent et intègrent des cri- sorte que sans pouvoir départager ce qui relève
tères sociaux et environnementaux dans la ges- de la responsabilité sociale de ce qui relève tout
tion de leurs actifs. Plusieurs organisations du simplement de la bonne gestion, les entreprises
Québec ont même signé les Principes pour l’in- « bien gérées et socialement responsables » sont
vestissement responsable proposés par l’ONU en souvent plus rentables et moins risquées que les
2006. Ces principes reconnaissent que les di- autres.
mensions environnementale et sociale des activi-
tés productives peuvent avoir des répercussions Mais pour véritablement apprécier l’intérêt éco-
sur la rentabilité financière et la pérennité des nomique de la responsabilité sociale, il faut sortir
organisations. Par conséquent, à titre de fiduciai- du cadre financier de manière à appréhender
res, les intermédiaires financiers devraient en l’environnement dans une perspective dynami-
tenir compte dans l’analyse des portefeuilles. que. Il est dès lors plus facile de reconnaître que
ce sont les conditions elles-mêmes de la rentabi-
Il est clair que cette perspective attachée au ris- lité qui sont appelées à changer : un comporte-
que est indispensable pour légitimer sur le plan ment responsable qui n’est pas rentable aujourd-
juridique, compte tenu des devoirs de fiduciaire, ’hui le sera vraisemblablement demain. Beau-
l’adoption de principes d’investissement respon- coup de comportements responsables ne sont en
sable par les différents acteurs du monde finan- effet que des anticipations de la loi à travers les-
cier. En effet, ces principes ne peuvent être quelles les entreprises cherchent à se donner
adoptés que dans la mesure où ils ne nuisent une longueur d’avance par rapport à leurs
pas à la mission première du gestionnaire qui concurrents dans le respect des règles à venir, et
consiste à faire fructifier les avoirs. Pourtant, la même à influencer l’établissement de ces nou-
démonstration n’a pas encore été faite que les velles règles. Au delà de la diminution du risque
pratiques de responsabilité sociale s’avèrent né- que permettrait une gestion socialement respon-
cessairement bénéfiques sur le plan financier; sable, c’est la capacité de l’entreprise à partici-
même que plusieurs chercheurs se sont amusés per à l’édification des nouvelles règles en fonc-
à illustrer la thèse inverse en montrant la renta- tion de sa propre réalité dont l’investisseur res-
bilité de ce qu’ils appellent les « vice funds » : ponsable pourra bénéficier en sélectionnant les
alcool, tabac, etc. En fait, une des difficultés entreprises d’avant-garde dans son portefeuille.
d’associer de façon déterminante la responsabili- Car le jour où les nouvelles règles seront instau-
té sociale et la rentabilité financière vient du fait rées, l’entreprise avant-gardiste jouira d’un net
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avantage stratégique sur ses concurrentes qui se devoir fiduciaire et leur mission, à l’effort collectif
reflètera dans la solidité du titre tout autant que en vue d’un développement durable?
dans sa rentabilité.
La mise à profit de cette marge discrétionnaire
Il n’en reste pas moins que l’intérêt de l’investis- en regard des grands enjeux qui marquent notre
sement responsable ne saurait se limiter à une société soulève par ailleurs des questions de
analyse utilitaire que seule une association dé- gouvernance qui peuvent être délicates : quelles
terminante avec la rentabilité peut satisfaire. valeurs privilégier? Quelles causes appuyer?
L’investissement responsable est le résultat Quels moyens choisir? Dans son cheminement,
d’une incursion du monde social dans l’arène une caisse peut bénéficier de ressources de plus
économique longtemps confinée à une perspec- en plus diversifiées pour adopter une politique
tive fonctionnelle. Dès le 17ième siècle, certains d’investissement responsable en commençant
acteurs ont contesté le caractère moralement par les principes de l’ONU. Mais elle aura avan-
neutre de l’économie en appliquant des critères tage à procéder dans une perspective de consul-
moraux à leurs pratiques financières. Pendant tation et de démocratie qui pourra sans contredit
les années 1960, les mouvements sociaux sont enrichir le processus tout en légitimant les choix
allés jusqu’à utiliser la finance pour faire valoir qui en résulteront.
leurs revendications (campagnes de désinvestis-
sement dans les entreprises impliquées en Afri-
Principes pour l’investissement respon-
que du Sud). Aujourd’hui, l’utilisation de moyens
sable
économiques pour faire valoir des revendications
1 Nous prendrons en compte les questions
sociales est devenue la norme chez les mouve-
ESG dans les processus d’analyse et de déci-
ments sociaux, qu’il s’agisse de consommation
sion en matière d’investissements.
ou d’investissement responsables. Il n’y a plus
2 Nous serons des investisseurs actifs et
de frontières entre le monde économique d’une
prendrons en compte les questions ESG dans
part, et le monde social de l’autre. Et les entre-
nos politiques et pratiques d’actionnaires.
prises sont sujettes non seulement à des
3 Nous demanderons aux entités dans les-
boycotts et à des désinvestissements, mais aussi
quelles nous investissons de publier des infor-
à des classements et à des certifications en vue
mations appropriées sur les questions ESG.
de « buycotts » et d’investissements ciblés. On
4 Nous favoriserons l’acceptation et l’applica-
peut dès lors se demander quel positionnement
tion des Principes auprès des acteurs de la
peuvent avoir les caisses de retraite dans cette
gestion d’actifs.
nouvelle dynamique socio-économique?
5 Nous travaillerons ensemble pour accroître
notre efficacité dans l’application des Princi-
Les caisses de retraite sont un acteur économi-
pes.
que et un intermédiaire financier, certes. Mais
6 Nous rendrons compte individuellement de
elles sont aussi partie intégrante du tissu social
nos activités et de nos progrès dans l’applica-
compte tenu du potentiel et de la sécurité qu’el-
tion des Principes.
les offrent à leurs bénéficiaires d’une part, des
capitaux financiers qu’elles insufflent dans le
secteur économique d’autre part, et enfin parce Proposés par UNEP Finance Initiative et UN Glo-
qu’elles représentent des milliers de salariés qui bal Compact.
leur confient leurs actifs. La manière dont elles Source: http://www.unpri.org/principles/
assument leur mission a des répercussions dé- french.php
terminantes sur le développement et la qualité
de l’économie dans laquelle elles opèrent. Et si
certains aspects de cette mission sont balisés
par la législation, plusieurs domaines comportent Cet article est reproduit avec la permission de la
une marge discrétionnaire et ouvrent par consé- revue Avantages, où il a été publié une première
quent des zones de responsabilité pour les cais- fois en octobre 2008 (Volume 20, numéro 7, pp.
ses à l’égard de la société. Face aux change- 33-35).
ments climatiques, à la fragilisation sociale, aux
risques industriels, à l’épuisement des ressour-
ces, les caisses doivent-elles rester silencieuses
ou chercher à contribuer, tout en respectant leur
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Conférence sur la RSE à Agadir: introduction

Un entretien avec Bouchra M’Zali, Professeure titulaire de finances, département


Stratégie des affaires, ESG-EQAM et affiliée à la Chaire de responsabilité sociale
et de développement durable

Bonjour Madame M’Zali. Pouvez-vous me l’investissement socialement responsable prônés


présenter brièvement la conférence qui par l’ONU, etc. Cela devient crucial de faire le
s’est tenue à Agadir du 26-28 février 2009? point. Ensuite, le choix du Maroc s’est fait aussi
En fait c’est une conférence internationale sur la pour la proximité. C’est une plateforme physique
RSE, plus plébiscitée au niveau francophone. L’i- proche de tous, qui permet à beaucoup de gens
dée c’est de faire le point sur la RSE. Il y a plus d’être sur place, et permet aussi la participation
de deux ans, au même endroit, il y a eu une pre- de l’Algérie et de la Tunisie. En même temps la
mière conférence et l’on a voulu voir deux ans conférence est jumelée avec des visites d’entre-
plus tard ce qu’il en était. Ce qui est intéressant prises, les premières qui ont été certifiées. C’est
c’est qu’entre les deux, l’an dernier, il y a eu une intéressant de voir sur place concrètement ce
conférence (un « think-thank ») à Rabat, qui fai- qu’il en est.
sait le point sur la RSE mais dans l’espace fran-
cophone. Agadir vient donc dans la continuité de En lien avec votre domaine, est-ce que la
tout cela. À Rabat, il y avait beaucoup de prati- finance responsable est notamment une
ciens, là il y a plus de chercheurs. thématique qui se développe au Maroc?
De manière plus directe, je n’en suis pas sûre,
C’est donc la deuxième édition de ce type mais pour survivre les entreprises marocaines
de conférence. Y a-t-il eu une évolution sont obligées de se mettre à la RSE, aux certifi-
dans les thématiques présentées? cations, parce qu’elles exportent en Europe ou
Il y a beaucoup de questionnements : où en est- font de la sous-traitance. Comme leurs marchés
on? Qu’est ce qui a changé? Depuis deux ans sont demandeurs (de par leurs clients ou leurs
beaucoup de choses ont évolué, même sur le actionnaires) de comportements socialement
terrain. L’idée c’est donc de voir de quelle ma- responsables, elles sont forcement touchées. Ce-
nière le chercheur va appréhender cela. Ce qui pendant, il faut voir que l’on n’est plus dans une
est intéressant aussi, et qui est crucial pour tradition judéo-chrétienne mais musulmane. Ce
nous, c’est qu’il y a beaucoup de recherches qui sont des entrepreneurs qui ont donc un autre
se sont développées, par exemple en Afrique du schéma de pensée et d’action.
Nord. C’est intéressant parce que l’on voit la per-
ception, les mesures en RSE dans d’autres pays Par exemple, au-delà de l’impôt qui est deman-
–les pays émergents- qui ont une culture diffé- dé, de par leur religion, les gens versent auto-
rente. Certains chercheurs, comme une étu- matiquement un certain pourcentage de leur re-
diante en doctorat que nous avons reçue ici à la venu en dons, à des gens qu’ils connaissent.
Chaire, travaillaient sur des entreprises qui ont Donc ce qu’on appellerait « philanthropie » ail-
des filiales ou sous-traitent au Maroc, entre au- leurs, est une attitude normale pour un musul-
tres. Ces entreprises sont certifiées en Belgique man pratiquant. Ce sont des approches différen-
mais voudraient que sur place ce soit fait aussi. tes. Autre exemple : il y a tout un débat sur le
C’est très intéressant de voir comment cela se travail des jeunes. Faut-il l’autoriser ou pas?
passe. Parce que le jeune peut être le soutien de toute
la famille dans certains pays, la réponse n’est
Pourquoi avoir choisi de faire cette confé- plus aussi claire. On ne peut pas tout transposer
rence au Maroc? d’un pays et d’une culture à l’autre.
Tout d’abord, c’est au même endroit que la pre-
mière conférence d’il y a deux ans, donc cela as- Merci beaucoup pour cet éclairage, qui per-
sure une continuité. Le monde a tellement chan- met d’introduire les résumés de communi-
gé depuis, ne serait-ce que par les principes de cations présentées à la conférence!
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Séance 1: Théories et pratiques de la RSE

Le management environnemental des


PME : une lecture à travers l’engage-
ment du dirigeant et son profil

Par Jouhaina Ben Boubaker Gherib, Université de la Manouba, Tunisie


Et Sandrine Berger-Douce, Université de Valenciennes et du
Hainaut-Cambrésis, France

Pilier du développement durable, le management cul peut se traduire par un risque de perte de
environnemental fait l’objet de nombreux tra- clientèle, la peur de payer des amendes, ou, de
vaux académiques souvent consacrés aux gran- manière plus cynique, par la possibilité de béné-
des entreprises situées dans les pays développés ficier de subventions publiques. Dans les deux
(Boiral, 2007). Plus récemment, des travaux sur contextes, les PME présentant des degrés d’en-
les Petites et Moyennes Entreprises (PME) posent gagement élevés ont des degrés d’innovation et
l’hypothèse de l’influence des variables entrepre- de créativité plus importants que leurs homolo-
neuriales sur l’engagement environnemental de gues moins engagées. Ceci confirme les travaux
la PME (Berger-Douce 2006). Cette communica- antérieurs sur l’orientation entrepreneuriale
tion a donc pour objet d’analyser l’engagement comme condition nécessaire pour l’engagement
environnemental des PME dans deux contextes de la PME dans le DD (Spence et al. 2007b). En
nationaux, à savoir la France et la Tunisie. Plus effet, en l’absence de fortes pressions de la part
précisément, cette recherche explore le lien en- des parties prenantes, l’engagement environne-
tre le profil du dirigeant (Daval et al. 2002) et mental peut être considéré comme une forme
l’engagement environnemental de l’organisation d’innovation nécessitant des changements orga-
appréhendé selon ses trois dimen- nisationnels que les entrepreneurs proactifs et
sions (intégration dans la stratégie de la PME, visionnaires affrontent plus facilement que les
caractère volontariste de la démarche et degré autres (Portugal et Yulk 1994 ; Shrivastva
de formalisation) (Spence et al. 2007a). 1994). Un niveau d’éducation élevé du dirigeant
apparaît comme un indice en faveur d’un enga-
L’approche méthodologique qualitative et explo- gement environnemental élevé dans les deux
ratoire (Hlady Rispal 2002) utilisée repose sur pays. Le tissu relationnel et la présence d’un en-
l’étude de dix PME dans chaque pays. Les don- tourage entrepreneurial semblent également es-
nées ont été collectées lors d’entretiens semi- sentiels pour permettre à l’entrepreneur de s’en-
directifs et traitées par analyse thématique. gager d’un point de vue environnemental. Ceci
est de nature à confirmer l’importance « de la
Les résultats présentent des points communs et communauté, de la famille élargie, du clan et
des divergences entre les deux pays. des réseaux » dans les deux contextes
(Marchesnay et al. 2006).
Parmi les points communs, la présence d’un État
protecteur ayant mis en place des dispositifs in- Des différences de comportement apparaissent
citatifs et une attitude très prudente face au ris- toutefois entre les entrepreneurs français et tuni-
que de la part des dirigeants de PME sont à rele- siens. Contrairement au contexte français, une
ver. Par ailleurs, la dimension calculatrice de différence apparaît dans les comportements des
l’engagement environnemental est importante entreprises tunisiennes suivant le niveau généra-
dans les deux échantillons. Même si elle ne suffit tionnel aux commandes. La combinaison de l’âge
pas à motiver un dirigeant à s’engager, elle y du décideur à l’âge de l’entreprise est pertinente
contribue efficacement. Cet engagement par cal- dans le cadre tunisien en raison de la faible dis
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tance générationnelle entre les fondateurs des Références bibliographiques


entreprises et leurs actuels dirigeants. S’agissant Berger-Douce S. (2006), « Les enjeux stratégi-
des motivations, si les dirigeants français met- ques de l’engagement environnemental des peti-
tent en avant un aspect coercitif prégnant, les tes entreprises », Gestion 2000, n°1/06, janvier-
dirigeants tunisiens font davantage état d’un en- février, p.171-188.
gagement basé sur l’affect. Au-delà des cadres Boiral O. (2007), Environnement et Gestion – De
institutionnels de chacun des pays, cette diffé- la prévention à la mobilisation, Les Presses de
rence mérite d’être éclairée par l’impact de la l’Université Laval, Québec.
culture nationale sur le management des organi- Daval H., Deschamps B. et S. Geindre (2002),
sations. La prédominance de l’affect en Tunisie “Proposition d’une grille de lecture des profils
apparaît comme le résultat de la combinaison d’entrepreneurs”, Revue Sciences de Gestion, n°
d’une vision à long terme du dirigeant et de son 32.
sentiment de manque d’obligation. Un parallèle Hlady Rispal M. (2002), La méthode des cas: ap-
avec la dimension collectiviste des sociétés ara- plication à la recherche en gestion, Perspectives
bes au sens de Hofstede (1980) pourrait s’avérer marketing, Bruxelles, Editions De Boeck Univer-
pertinent. sité.
Hofstede G., (1980), Culture’s Consequences:
Dans cette optique, les dirigeants français, forte- International Differences in Work-related Values,
ment marqués du sceau de l’individualisme, se- Beverly Hills, Sage Editions.
raient naturellement enclins à s’engager en fa- Marchesnay M., S. Chabchoub Kammoun et H.
veur de l’environnement avant tout sous la Ellouze Karray (2006), « Y a-t-il un entrepreneu-
contrainte. La dimension coercitive du manage- riat méditerranéen ? » Revue Française de Ges-
ment environnemental semble moins présente tion, n°166, p.101-118
en Tunisie en raison du manque d’exigence des OTED (Observatoire tunisien de l’environnement
clients tunisiens, des difficultés d’application des et du développement durable) (2007), Industrie
lois et surtout du manque de moyens pour orga- Durable, juin, Tunisie.
niser un contrôle rigoureux de leur respect par Portugal E. et Yulk C., (1994), « Perspectives on
les entrepreneurs (OTED 2006). L’engagement environmental leadership », Leadership Quar-
environnemental des dirigeants tunisiens est ra- terly, vol.5, n°3/4, p.271-276.
rement normatif en raison d’un manque de ri- Shrivastava P., (1994), « Ecocentric leadership
gueur dans l’application des lois et d’une adhé- in the 21st century » Leadership quarterly, vol.5,
sion globale limitée de la Société tunisienne aux n°3/4, p. 223-226.
valeurs du développement durable. De plus, le Spence M., Biwolé V.O. et J. Ben Boubaker Ghe-
risque de collision entre le discours politique et rib (2007a), «Une étude exploratoire du degré
les mesures économiques préconisées (Zghal d’engagement des PME dans le développement
2002) entraîne parfois une méfiance vis-à-vis durable », Actes des Xème Journées Scientifiques
des actions mises en œuvre. A l’instar du du réseau entrepreneuriat de l’AUF, Antananari-
contexte français, les dispositifs incitatifs sont vo, 23-26 mai.
largement méconnus des dirigeants de PME tuni- Spence M., B. Boubaker Gherib J. et V. O. Biwolé
siennes. Par ailleurs, l’omniprésence de la (2007b), “Développement durable et PME: une
culture de l’informel et de l’influence des réseaux étude exploratoire des déterminants de leur en-
en Tunisie (Zghal 1994), entraîne de fortes asy- gagement » Revue Internationale des PME
métries d’information entre les acteurs économi- (RIPME), vol. 20, n°3/4, p. 17-42.
ques, phénomène qui a tendance à pénaliser les Zghal R., (1994), La culture de la dignité et le
jeunes entrepreneurs. flou de l’organisation : Culture et comportement
organisationnel, schéma théorique et application
au cas Tunisien, Tunis, CEP.
Zghal R. (2002) La gestion des entreprises tuni-
siennes : fondements culturels et défis de la glo-
balisation. La Tunisie d’un siècle à l’autre, Beit al
Hikma, p.189-227.
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Enquête de terrain, regard


historique et interactionniste :
quelques pistes pour un regard
sociologique critique de la RSE

Par Anne Bory, ATER (Laboratoire Georges Friedmann/


Université Paris I)
Et Yves Lochard, Institut de Recherches Économiques et Sociales

Submergée par une pléthore de discours d’ac- Aussi convient-il, et c’est l’objet de la 2ème partie,
compagnement le plus souvent valorisants, la de se déprendre des mots et des notions par les-
Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) est quels la RSE se livre à notre perception pour en
un objet qui se dérobe au regard du sociologue. éprouver la pertinence à la faveur d’une démar-
Aussi l’analyse sociologique critique doit-elle tra- che fondée d’abord sur l’analyse qualitative de
cer son chemin jusqu’à la RSE, en s’attachant de terrain. En participant à des manifestations pro-
près aux discours, aux pratiques et à l’histoire de fessionnelles organisées par des organisations
cette politique patronale. Moins réponse appor- patronales de promotion de la RSE, on peut ac-
tée à une demande sociale pressante que projet céder à un discours plus décomplexé que dans
social et politique volontariste, cet objet est sa forme écrite ou lorsqu’il est prononcé face à
longtemps resté dans l’ombre de l’éloge. En nous des salariés ou des acteurs associatifs. De
fondant sur nos propres recherches préalables même, l’attention portée aux carrières et aux
sur des champs proches (le mécénat d’entreprise parcours biographiques des acteurs met à mal la
et le monde associatif notamment), nous avons conception de la RSE comme réponse à une
tenté de dégager des outils méthodologiques « demande sociale » de citoyenneté d’entreprise.
propres à le rendre intelligible.
Le développement du mécénat d’entreprise et
Le travail symbolique mené par divers organis- l’émergence du concept de RSE peuvent être
mes (instituts, think tanks, instances patronales) analysés comme le produit des dispositions et
ou personnalités et les entreprises elles-mêmes aspirations sociales et politiques des dirigeants
obéit à une véritable division du travail discursif, d’entreprises et cadres supérieurs français ap-
avec ses leaders, auxquels sont dévolus les partenant à la « noblesse d’Etat ». Leur sociali-
grands principes (responsabilité vis-à-vis des gé- sation à être les garants de l’intérêt général et
nérations futures, solidarité…), et ses seconds un désir de moderniser le patronat français, ex-
rôles, qui se chargent de pourvoir le débat public pliquent entre autres l’attirance d’une partie des
en arguments de moindre ampleur. dirigeants pour la RSE. Ce regard donne une
épaisseur historique et politique à la RSE et per-
A cette communication propre à l’entreprise met d’accéder à une chaîne de causalité moins
vient s’ajouter l’écho donné par nombre d’instan- univoque que celle présentée habituellement.
ces publiques et de structures internationales,
qui produit un effet de validation et de caution- Un détour par les analyses historiques du pater-
nement d’une pratique caractérisée avant tout nalisme industriel au 19ème siècle montre des
par son caractère volontaire et déclaratoire. analogies avec la RSE. Avec ce dernier, les politi-
Enfin la communication d’entreprise est confor- ques de responsabilité sociale partagent une pré-
tée par un discours d’escorte des sciences hu- tention à se mêler de l’intérêt général, une vo-
maines. Les sciences de gestion et de la commu- lonté d’encadrement des engagements des sala-
nication, et à un degré moindre la sociologie et riés, une vision communautaire de l’entreprise. A
les sciences politiques ont investi le thème en ces traits communs, il faut ajouter une même
laissant toutefois souvent de côté sa dimension intention d’étendre la sphère d’influence de l’en-
politique (1ère partie). treprise à l’ensemble de la société.
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De fait, la RSE n’a conquis la place significative sivement les acteurs emblématiques, les cadres
qu’elle occupe aujourd’hui qu’à l’issue d’un pro- idéologiques de cette construction, ses canaux de
cessus de légitimation dont nous posons, dans diffusion (canaux de diffusion traditionnels incar-
une 3ème partie, quelques jalons en nous limitant nés par les organisations patronales ou des voies
pour l’essentiel au cas de la France depuis les idéologiques plus inattendues comme certaines
années 1970. C’est un travail sur l’opinion qui ONG ou milieux syndicaux), et enfin la validation
vise à emporter la conviction. L’analyse des pro- par les pouvoirs publics de la RSE comme cause
blèmes sociaux incarnée par le courant interac- légitime.
tionniste qui s’est intéressé aux processus de
construction de ces problèmes nous semble une Dans de tels processus où un groupe social, un
approche appropriée. Devenue une « cause », courant d’opinion tentent d’imposer une cause
digne de retenir l’assentiment de l’opinion publi- comme légitime, le dernier mot appartient en
que, la RSE s’est imposée comme un thème de dernière instance à l’Etat et plus largement aux
premier plan. Elle nous semble gagner à être instances publiques, qui seules peuvent donner
saisie comme l’aboutissement d’une construction un encadrement légal à un engagement volon-
symbolique d’une cause. En sont étudiés succes- taire.

Prestataires de services logistiques et diffusion


d’information sur la responsabilité sociale : Analyse
de la communication sur Internet

Par Marie-Pascale Senkel, maître de conférences en sciences de gestion à l’université de Nantes, CERL-
LEM
Et Pétia Koleva, maître de conférences en sciences économiques à l’université de Nantes, CERL-LEM

L’intérêt pour les questions environnementales, Oxibar (2005) souligne que « d’autres outils,
sociales et sociétales augmente tant dans le notamment les sites web, sont également utili-
monde académique que dans celui de l’entre- sés par les entreprises et offrent des fonction-
prise (privée comme publique). Cet intérêt n’est nalités nouvelles comme l’interactivité, spécia-
pas spécifique à l’époque actuelle puisque Lentz lement avec les parties prenantes ». Wheeler et
et Tschirgi (1963) étudiaient déjà la place prise Elkington (2001) n’intitulaient-ils pas leur arti-
par les questions éthiques dans les rapports cle « The end of the corporate environmental
d’activités d’une population de 219 entreprises report » ? Il est d’ailleurs étonnant que dans
américaines. Notons d’ailleurs que Guthrie et leur ouvrage sur la communication des entre-
Parker (1989) montrent qu’une grande entre- prises en matière de RSE, de la Broise et La-
prise australienne diffusait plus d’informations marche (2006) occultent complètement cet ou-
« RSE » à la fin du XIXème siècle qu’à la fin des til.
années quatre-vingts. Néanmoins, lié à cet in-
térêt croissant pour la RSE, le besoin en infor- Les prestataires de services logistiques, comme
mation sur ces questions augmente, comme le toute entreprise, sont également sollicités pour
soulignent Adams et Frost (2004). Le rapport mettre en évidence leur engagement en matière
d’activité, un support traditionnel de divulgation de RSE.
des informations financières aux actionnaires,
permet aussi aujourd’hui à de nombreuses en- L’objet de cette communication est de caractériser
treprises de communiquer sur leurs actions so- la communication de 50 prestataires de services
ciales, environnementales et sociétales. Mais logistiques (PSL) mondiaux en matière de respon-
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Mars 2009

sabilité sociale sur leur site Internet. Cette re- sentiel est que le fournisseur n’ait pas fait l’objet
cherche permet de mieux comprendre l’applica- d’attaque publique sur ses performances envi-
tion de la RSE dans le secteur de la prestation de ronnementales ou éthiques. Compte tenu de la
services logistiques et l’utilisation d’internet place des prestataires de services logistique dans
comme média de divulgation de cette informa- la chaîne logistique, les résultats de cette étude
tion. Elle montre que les pratiques sont similai- apporte un éclairage nouveau sur nos propres
res à celles d’autres secteurs d’activité et que résultats. Nous sommes donc portées à l’issue
l’utilisation d’internet n’est pas aussi « poussée » de cette recherche à émettre l’hypothèse sui-
qu’on pouvait le penser a priori. vante : le souci de divulguer des informations
sur leur responsabilité sociale (notamment sur
Les limites de cette recherche sont principale- internet) sera plus forte sur le leader de la sup-
ment d’ordre méthodologique. L’analyse de l’in- ply chain que sur les autres membres et notam-
formation divulguée sur Internet ne permet pas ment les prestataires logistiques. Des études de
de juger de l’application concrète dans les entre- cas permettraient de valider cette hypothèse.
prises de la politique RSE. Par ailleurs, contraire-
ment à des études de cas comme celle de Néanmoins, « l’investissement » dans la commu-
McMurtrie (2005) qui examine tout à la fois l’in- nication sur la RSE n’est pas inutile comme le
formation divulguée et, par le biais d’interviews soulignent Lober et alii (1997). La production
semi-directifs, les raisons de la divulgation de d'un rapport environnemental peut aider une en-
ces informations, notre recherche ne se situe treprise a mieux évaluer ses programmes envi-
qu’au niveau de la caractérisation des informa- ronnementaux, sa politique et sa performance en
tions divulguées et ne permet pas de se pencher la matière. C’est donc, pour ces auteurs, un réel
sur le point de vue managérial. outil de management qui ne se limite pas à un
simple outil de communication.
Par ailleurs, cette recherche fournit une photo-
graphie à un instant t et ne permet pas de retra-
cer le processus d’intégration de ces questions
dans la communication de l’entreprise. Suggestion de lecture
Nous pensions que le secteur de la prestation de
services logistiques était un secteur où la pres- Claudio Vitari, Isabelle Bourdon, and Florence
sion publique est forte et où donc, comme le Rodhain (2008)
montre les travaux de Clarke et Gibson- L’utilisation d’Internet par les grandes entrepri-
Sweet (1999), les prestataires vont communi- ses françaises pour la communication externe de
quer pour essayer de diminuer cette pression. leur RSE : une étude sur les entreprises du CAC
Force est de constater que cette idée de départ 40
est certainement erronée. Tous les prestataires
ne sont pas soumis à la même pression publique.
Ainsi, on remarque que les deux prestataires qui
sont des spécialistes du colis, sont aussi ceux qui
divulguent la plus grande quantité d’information
RSE et ont une « note » d’utilisation d’internet
largement supérieure à la moyenne de notre
échantillon.

L’étude de Holt (2004) qui s’intéresse à la prise


en compte des questions environnementales
dans les relations inter-organisationnelles mon-
tre que 21 entreprises sur les 149 interrogées
reconnaissent que leurs considérations environ-
nementales ont fait évoluer celles de leurs four-
nisseurs et 18 entreprises (seulement) se disent
prêtes à rejeter un fournisseur qui ne satisferait
pas à leur politique environnementale. Enfin,
pour plus de 54% des entreprises, le critère es-
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Mars 2009

Séance 2: Consommation et RSE

Stratégies de Responsabilité Sociale


des Organisations du Commerce Equitable

Par Dimbi Ramonjy, Professeur Assistant – Enseignant Chercheur


Groupe Sup de Co La Rochelle et CEREGE (I.A.E. Poitiers) et doctorant en Sciences
de Gestion, Université Paris Dauphine - UMR N°7088 DRM (CREPA) – CNRS

Notre recherche s’inscrit dans la lignée des tra- social : entre une défense et donc la focalisation
vaux (Capron, Quairel, 2004 ; Perez, 2005 ; Du- sur la dimension historique internationale Nord-
puis, Le Bas, 2005 ; Martinet, Payaud, 2008 ; Sud du CE et une ouverture paradigmatique vers
Igalens, 2004) qui visent à comprendre la rela- une logique plus globalisante du mouvement. Le
tion entre management stratégique des organi- statut socio-économique de l’organisation dans
sations et le paradigme de la Responsabilité So- le mouvement : qui serait une façon d’envisager
ciale [RS par la suite] qui tend à être assimilée leur « entreprise » responsable, de visualiser
aujourd’hui comme l’opérationnalisation du Dé- leurs résultats allant de l’utilité économique à
veloppement Durable [DD par la suite]. Nous l’utilité sociale à travers toute la palette de sta-
proposons de discuter plus particulièrement des tuts qui s’intègrent dans les trois grands sec-
organisations du Commerce Equitable [OCE par teurs de l’économie (Lipietz, 2001) ou qui les
la suite] dont la loi en faveur des Petites et décloisonnent.
Moyennes Entreprises de 2005 les inscrit dans ce
champ du DD en France. Comment les OCE intè- De notre analyse et en faisant correspondre ces
grent le développement durable dans leur mana- déterminants du management responsable des
gement responsable ? Tel est notre questionne- OCE à leur représentation des pratiques recueil-
ment. lie par notre étude, quatre idéaux-types - au
sens de Weber – de vision stratégique
Pour topographier le management responsable d’« entreprise responsable » se dégagent. Ils
des OCE, nous avons confrontons ce peuvent servir de repères et de références pour
« framework » de la RS à l’étude des pratiques positionner les organisations dans le mouvement
et stratégies des organisations françaises à tra- et pour matérialiser leur intégration progressive
vers une méthodologie qualitative matérialisée et diversifiée d’une RS.
par vingt entretiens semi-directifs centrés menés
auprès de la communauté des OCE françaises. Les premières conclusions nous permettent donc
Les résultats indiquent une grande diversité des de voir que le mouvement du CE continue sa
positionnements pris par les OCE dont les di- construction sociale. Ainsi, notre contribution,
mensions suivantes permettraient de mieux qui réside dans la matérialisation sous forme de
comprendre leur vision stratégique du DD. Les « framework », s’adresse aux responsables des
logiques de changement : oscillant entre les OCE pour positionner et définir leur vision straté-
deux logiques proposées par Diaz Pedregal gique d’un management responsable. Cet apport
(2007), réformatrice et révolutionnaire. La permet aussi de participer au projet de concep-
conceptualisation de la responsabilité sociale : tualisation et de mise en œuvre du DD et de la
entre éthique et obligations sociales. Du côté de RS des organisations. Un cadre d’analyse qui
l’éthique, celle des individus et celle organisa- nous a permis d’étudier des types d’entreprise
tionnelle des OCE. Du côté des obligations socia- responsable qui sont plus ou moins éloignés de
les, entre une RS « stricte » équitable des OCE par leurs caractéristiques de la notion dominante
et une RS plus globale mobilisant toutes les di- d’une entreprise ou d’une économie non encas-
mensions du DD. Les logiques d’un mouvement trée dans la Société. Notre communication
Page 11 Bulletin Oeconomia Humana
Mars 2009

conclue aussi sur l’affirmation de l’existence non


Tableau 1 : Typologie des visions stratégiques
plus d’un CE mais des CE.
de responsabilité sociale des organisations du
commerce équitable.

Entreprise Entreprise Entreprise Entreprise so-


éthique Solidaire Durable ciale
Logique historique Logique globalisante

Réformiste Révolutionnaire Réformiste Révolutionnaire

Ethique des Ethique de l’économie soli- Obligations d’é- Obligations d’in- Obligations d’utili-
affaires et daire quilibre tégration té sociale et com-
libéralisme social / environ- socio - éco - poli- munautaire
responsable Hybride coo- Hybride as- nemental / éco- tico - environne-

pératif sociatif politi- nomique mentale

socio - co -
économique économique

Bibliographie indicative
Capron M., Quairel-Lanoizelée F., (2004), My-
thes et réalités de l’entreprise responsable, La
Découverte, Paris
Diaz Pedregal V. (2007), Le commerce équitable
dans la France contemporaine : Idéologies et
pratiques, Collection Logiques Sociales, L’Har-
mattan, Paris.
Dupuis J.-C., Le Bas C., (2005), sous la dir., Le
Management Responsable, Economica, Paris.
Igalens J., sous la dir. (2004), Tous responsa-
bles, Ed. d’Organisation, Paris.
Lipietz A. (2001), Pour le tiers secteur : L’écono-
mie sociale et solidaire : pourquoi et comment,
La Documentation Française, La Découverte, Pa-
ris.
Martinet A.-C., Payaud M. A. (2008), « Le déve-
loppement durable, vecteur et produit d’une ré-
génération de la gouvernance et du management
stratégique : Un cadre théorique intégrateur »,
Management International, Winter, Vol. 12, N°2,
pp. 13-25.
Perez R., (2005), « Quelques réflexions sur le
management responsable, le développement du-
rable et la responsabilité sociale de l’entre-
prise », La Revue des Sciences de Gestion : Di-
rection et Gestion, Jan-Apr 2005; Vol. 40, n°
211/212, pp.29-49.

Contact
ramonjyd@esc-larochelle.fr
Groupe Sup de Co La Rochelle
102 rue de Coureilles – Les Minimes
17024 La Rochelle Cedex
Page 12 Bulletin Oeconomia Humana
Mars 2009

Le choix des thèmes et des parties prenantes dans la


communication RSE de la grande distribution: le cas de
deux grandes enseignes belges à l’épreuve de l’analyse
critique de discours

Par Emmanuelle Michotte – Assistante & doctorante, Université Libre de


Bruxelles, Centre Emile Bernheim, Faculté des sciences sociales et politi-
ques , Solvay Brussels School of Economics & Management

Parmi les stratégies de croissance de la grande (panneaux solaires, éoliennes, etc.). La philan-
distribution, la communication d’entreprise et le thropie, entendue comme étant le soutien en-
marketing ont un rôle extrêmement important à vers les communautés locales au travers d’ac-
jouer, notamment en matière de RSE. Le tions de mécénat, est le deuxième plus petit dé-
consommateur assimilant le nom de l’enseigne à nominateur commun. Néanmoins, Colruyt l’envi-
une marque (Duarte et al., 2005), nous soute- sage autrement que Delhaize puisqu’il a déve-
nons l’idée selon laquelle les distributeurs envi- loppé son propre programme de financement de
sagent la RSE comme un instrument visant à la scolarisation et de la formation dans les pays
renforcer leur image de marque en sorte de se du Sud. Enfin, le consommateur et les ressour-
différencier de la concurrence (Girod & Michael, ces humaines sont particulièrement ciblés
2003). Une des spécificités de ce secteur réside comme parties prenantes.
dans la très large diversité des problématiques
RSE et des parties prenantes. Selon la vision ins- Mais l’élément le plus important de cette analyse
trumentale de la théorie des parties prenantes, réside moins dans la nature des choix des thè-
la grande distribution visera celles qui lui sont mes et des parties prenantes que dans l’évolu-
stratégiquement les plus profitables sur le plan tion de la communication de la RSE. On observe
de ses obligations financières (Mercier, 2001). en effet que les enjeux qui relevaient strictement
du social et de l’environnemental sont peu à peu
Le processus de légitimation et d’institutionnali- mêlés à des enjeux économiques (la vente de
sation de la RSE étant toujours au centre des produits, la création de valeur, la gestion des
débats entre l’entreprise et son environnement ressources humaines) ainsi qu’aux missions et
(Champion et al., 2005 ; Burchell & Cook, valeurs des groupes. Les glissements sémanti-
2006 ; Jones & al., 2007 ; Jonker & Marberg, ques tels que « entreprendre de façon responsa-
2007 ; Ben Mlouka & Boussoura, 2008), nous ble » ou « créer de la valeur ajoutée pour tous
pensons qu’il est essentiel de s’intéresser aux les partenaires » sont là pour en témoigner. On
actes discursifs de la RSE. Dans cette recherche, entrevoit par ailleurs que la RSE vient renforcer
nous portons notre attention sur les données l’image de marque des enseignes. L’analyse criti-
textuelles accessibles depuis les sites Internet que du discours que nous utilisons (Fairclough,
des deux plus grandes enseignes belges, Del- 2005) prend ici tout son sens puisqu’elle insiste
haize et Colruyt, ce qui nous permet de retracer sur la nécessité de placer les discours étudiés
l’évolution de la communication de la RSE depuis dans leur contexte de production. A cet égard,
la fin des années ’90 jusqu’à aujourd’hui. nous expliquons l’évolution de la communication
de la RSE d’une part à cause de l’histoire propre
De tous les enjeux abordés par les deux grou- des groupes, et d’autre part, à cause de la trans-
pes, la thématique environnementale est la plus formation du profil du consommateur depuis les
partagée. Nous remarquons cependant que si années ’90. La succession des crises alimentaires
Delhaize se concentre essentiellement sur la ré- (vache folle, dioxine, …) va amplifier la tendance
duction de la consommation énergétique, Colruyt du consommateur à revendiquer plus de droits et
présente une vaste liste d’initiatives et met en notamment plus de sécurité. Mais le consomma-
exergue ses propres solutions énergétiques teur est aussi plus conscient de l’impact de son
Page 13 Bulletin Oeconomia Humana
Mars 2009

mode de consommation sur l’environnement et pdfCahiersRecherche/05-2005.pdf


la vie des autres, ce qui explique le succès gran- Coupain, N., Jaumain, S., Kurgan-van Henten-
dissant du commerce « éthique » et ryk, G., Thys-Clément, F., (2005). La distribution
« équitable » (Coupain & al, 2005). en Belgique. Trente ans de mutations. Bruxel-
les : Racines.
Duarte, G., Ducrocq, C., Lavorata, L. (2003).
Les entreprises Delhaize et Colruyt vont y voir
Conditions de pertinence et de succès du marke-
un argument compétitif et intégrer cette nouvelle
ting éthique des distributeurs, Actes du Colloque
donne à leur stratégie de communication qui,
Etienne Thill, http://www.univ-lr.fr/gestion/
elle, repose sur des slogans commerciaux an-
communications/nouveaux_defis_marketing/
ciens ayant fait leur réputation et leur succès.
conditions_pertinence_marketing_etique.pdf
Chez Delhaize, la communication de la RSE va
Fairclough, N. (2005). Discourse analysis in or-
essentiellement s’axer sur le thème de la santé
ganization studies: the case for critical realism.
pour consolider une image de marque visant des
Organization Studies, 26 (6) : 915-939.
consommateurs soucieux de trouver dans les
Girod, S. & Michael, B. (2003). Branding in Euro-
supermarchés une grande diversité de produits
pean Retailing: A Corporate Social Responsibility
de qualité. L’implantation du groupe aux Etats-
Perspective, European Retail Digest, 38: 91-96.
Unis, où l’obésité et le coût des soins de santé
Jones, P., Comfort, D., Hillier, D. (2007). What’s
sont des problèmes majeurs, explique en partie
in store? Retail marketing and corporate social
cette orientation de la communication de la RSE.
responsibility, Marketing Intelligence & Planning,
A l’inverse chez Colruyt, elle insiste sur la faculté
25 (1): 17-30.
du groupe à développer ses propres solutions de
Jonker, J., Marberg, A. (2007). Corporate social
RSE. De la sorte, le groupe affirme réaliser des
responsibility. Quo Vadis? A critical inquiry into a
économies qui vont se répercuter sur les prix en
discursive struggle, The Journal of Corporate
rayon et renforce ainsi une image de marque vi-
Citizenship, 27: 107-118.
sant à attirer les consommateurs souhaitant
Mercier, S. (2001). L’apport de la théorie des
acheter au prix les plus bas.
parties prenantes au management stratégique :
une synthèse de la littérature. Actes de la 10ème
L’analyse de l’évolution des discours nous indi-
Conférence Internationale de Management Stra-
que que des notions telles que « citoyenneté
tégique, Québec, Lien : http://www.strategie-
d’entreprise » et « responsabilité sociale » ne
aims.com/quebec/web/actes/F-152-cd.pdf
concernent plus seulement les engagements des
groupes sur les plans social et environnemental
mais servent aujourd’hui de vecteurs pour diffu-
ser la marque d’une entreprise et toucher sa
partie prenante la plus importante: le consom-
mateur.

Bibliographie
Ben Mlouka, M., & Boussoura, E. (2008). La
Théorie néo-institutionnelle contribue-t-elle à
l’éclairage du concept de Responsabilité Socié-
tale ?, Actes du 5ème Congrès de l’Aderse, http://
www.aderse.org/indexfr.htm
Burchell, J. & Cook, J. (2006). Confronting the
“corporate citizen”: shaping the discourse of cor-
porate social responsibility. The International
Journal of Sociology and Social Policy, 26 (3/4) :
121-137.
Champion, E., Gendron, C. & Lapointe, A.
(2005). Les représentations de la responsabilité
sociale des entreprises : un éclairage sociologi-
que. Les cahiers de la Chaire de responsabilité
sociale et de développement durable, 5 : 24 p.
http://www.crsdd.uqam.ca/pdf/
Page 14 Bulletin Oeconomia Humana
Mars 2009

La préoccupation pour l’environnement


à travers le comportement du tri des
déchets : concept et profils

Par Ramla Mezghenni Dhouib, Maître-Assistante à l’École


Supérieure de Commerce de Tunis
Et Salma Zouari Haddad, Assistante à l’École Supérieure
de Commerce de Tunis

La préoccupation pour l’environnement (PPE) est à des résultats mitigés, en effet Giannelloni
devenue un sujet dominant à l’échelle planétaire. (1995) a montré que la PPE augmente avec
Les pays développés ont été les premiers à avoir l’âge,Van Liere et Dunlap (1981) ont montré le
pris des mesures en faveur de la protection de contraire.
l’environnement et leurs concitoyens ont adopté Pour ce qui est du revenu, de la CSP et du ni-
des comportements dans ce sens. La préoccupa- veau d’éducation, une majorité des études s’o-
tion pour l’environnement (PPE) fait partie d’un riente vers le fait que le consommateur PPE au-
concept plus large : la consommation sociale- rait un revenu plutôt élevé (Dolish, Tucker, Wil-
ment responsable (CSR). Un consommateur so- son, 1981) et un niveau d’éducation élevé égale-
cialement responsable étant appréhendé par Ro- ment (Samdahl et Robertson, 1989).
berts (1995), comme «celui qui achète des biens Enfin concernant le sexe, les hommes sont
et services qu’il perçoit comme ayant un impact mieux informés, et les femmes plus sensibles et
positif, ou moins mauvais sur son environnement actives en faveur de l’environnement
et qui utilise son pouvoir d’achat pour exprimer (Giannelloni, 1998).
ses préoccupations sociales ». La CSR a donc
une double dimension, sociale, traduisant l’inté- Les variables psychosociologiques permettent
gration de l’impact des comportements de également de cerner le profil du consommateur
consommation sur le bien être de la société et PPE, notamment à travers l’influence des valeurs
environnementale traduisant la prise en compte individuelles ou collectives (hédonisme, univer-
de la dimension écologique dans les comporte- salisme…) et certaines variables de personnalité,
ments de consommation d’où le concept de PPE. tel que le centre de contrôle, l’efficacité perçue
Un consommateur sera qualifié de préoccupé par du consommateur, l’aliénation, le libéralisme, le
l’environnement lorsqu’il « adopte un comporte- dogmatisme, etc.
ment d’achat cohérent avec la conservation des
écosystèmes » (Kinnear, Taylor et Ahmed, La littérature en matière de PPE s’est également
1974). intéressée à répondre à la question fondamen-
tale suivante : quel est le lien entre attitude et
Cette PPE peut s’exprimer à travers 3 dimen- comportement en matière d’environnement ?
sions : l’information à propos des problèmes en- Une attitude pro-environnementale conduit-elle
vironnementaux (dimension cognitive), la sensi- systématiquement à l’action proprement dite ? Il
bilité environnementale (dimension affective) et semble que non et que « même si les préoccupa-
le comportement concret en faveur de l’environ- tions environnementales sont fortes, du discours
nement (dimension comportementale). Giannel- au passage à l’acte, le chemin reste
loni (1998) sur la base de la synthèse d’un large long » (Giannelloni, 1998).
éventail d’études sur la PPE a fait ressortir l’im- Cette constatation nous a amené à essayer de
pact de deux groupes de déterminants permet- dégager, à partir d’une synthèse de la littéra-
tant d’expliquer la PPE. ture, les principaux freins et motivations à l’a-
doption ou non de comportements écologi-
Tout d’abord, les variables socioéconomiques et ques.Sept facteurs ont été dégagés : la
démographiques : contrainte financière, l’aspect contraignant
L’étude de l’impact de l’âge sur la PPE a abouti (Albertini et Bereni, 2003), la réglementation
Page 15 Bulletin Oeconomia Humana
Mars 2009

(Bartiaux, 2007), l’information, la disponibilité de - La dimension espace vert ou flore apparaît à


l’infrastructure (François-Lecompte, 2003) et en- travers les espaces verts à protéger. Cette di-
fin les motivations altruistes. mension est liée à deux types de composan-
tes : une composante relative à l’action de
L’analyse conceptuelle nous a conduits à nous «planter » et une composante liée au fait de
poser les questions suivantes : quel sens accor- « préserver » ce qui existe en matière de ver-
dent les citoyens d’un pays en voie de dévelop- dure.
pement, comme la Tunisie, à la notion de préoc-
cupation pour l’environnement ? Existe-t-il une La seconde analyse est une analyse subjective
typologie des différents profils de consomma- telle que proposée par Schutz (1967,1970), où
teurs préoccupés par l’environnement ? Pour ré- nous avons eu recours au paradigme interpréta-
pondre à ces questions nous avons réalisé une tif d’inspiration phénoménologique afin d’induire
étude qualitative exploratoire où le tri des dé- les raisons particulières exprimées par les per-
chets a été pris comme exemple de comporte- sonnes interrogées. Nous avons abouti à l’aide
ment PPE. de cette analyse à l’identification de quatre types
de profils de consommateurs préoccupés par
Une stratégie de recherche constructiviste a été l’environnement :
élaborée. Une recherche sur le terrain a été en- - Le « préoccupé actif » : personnes préoccu-
treprise qui a consisté en l’élaboration de 17 en- pées par la protection de l’environnement, ce qui
tretiens semi-directifs d’une durée de 20 à 30 apparaît à travers leur comportement de tri des
minutes. Les produits ayant constitué l’objet de bouteilles en plastique et les piles.
notre étude sont : les bouteilles en plastique - Le « préoccupé passif » : personnes préoccu-
(produit recyclable) et les piles (produit très nui- pées par l’environnement, seulement elles ne
sible pour l’environnement). passent pas à l’action.
- Le «non préoccupé actif » : personnes qui sem-
Deux analyses ont été réalisées : la première blent préoccupées par l’environnement à travers
analyse a consisté en une analyse objective qui leurs gestes, mais la réalité qui les a poussés à
considère, selon Garfinkel (1967,1988), que les le faire est autre.
individus ont les aptitudes linguistiques et le - Le « non préoccupé passif » : personnes qui
sens commun leur permettant de produire un n’ont pas de préoccupation pour l’environne-
sens et de conceptualiser leur action (Bergadaa, ment.
2006). Elle nous a permis d’aboutir à une
conceptualisation de la notion de protection de A travers ces deux analyses nous avons aussi
l’environnement en trois dimensions structuran- abouti aux facteurs contribuant ou freinant un
tes : Une dimension liée à l’espace terre autour comportement de tri des déchets.
de soi, une dimension liée à l’espace air que
nous respirons et une dimension liée à l’espace
vert (la flore).
- La dimension liée à l’espace terre est assimilée
par les personnes interrogées à l’espace autour
d’eux qu’ils doivent protéger. Elle apparaît à tra-
vers trois composantes induites de l’analyse du
discours des personnes interrogées. La première
composante est exprimée à travers l’action de «
ne pas jeter », la seconde composante est expri-
mée à travers l’action de « ramasser » et la
troisième composante est exprimée à travers
l’action « conseiller ».
- La dimension « espace air », est liée à la pol-
lution causée par l’usage de la voiture person-
nelle de l’individu. Elle s’exprime à travers deux
composantes : la première composante est ex-
primée à travers l’action d’« entretenir » et la
seconde composante est axée sur l’idée de
« restreindre ».
Page 16 Bulletin Oeconomia Humana
Mars 2009

Séance 5: RSE et parties prenantes

Les associations entre les entreprises et ONG: la création


d’un espace de coopération contribuant à assurer effica-
cité et pérennité aux actions socialement responsables
des entreprises

Par Jacques Poirot, Maître de conférences, IUT Charlemagne, département Techniques de com-
mercialisation, Laboratoire : BETA-REGLES-CNRS, Université de Nancy 2

Les partenariats entre ONG et entreprises, après le modèle utilitariste, les véritables fondements
une période d’indifférence et d’affrontement, se de la collaboration entre les entreprises et les
sont développés à partir du début des années ONG. Les entreprises sont engagées, comme les
1990. Deux modèles ont été mobilisés pour ana- autres acteurs de la société, dans un système de
lyser ces nouvelles relations entre les entreprises dons et de contre-dons ; elles ont l’obligation
et les ONG : le modèle utilitariste et le modèle morale de « rendre » à la société les dons qu’el-
du don. Selon le modèle utilitariste, les entrepri- les ont initialement reçus et dont elles continuent
ses et les ONG collaborent, car les deux parte- à bénéficier (infrastructure, main-d’œuvre quali-
naires en tirent un avantage réciproque. Il s’agit fiée formée par le système éducatif, moyens de
d’un avantage économique, financier et stratégi- financement, découvertes et inventions dont
que. Les entreprises minimisent le risque socié- peuvent profiter tous les acteurs etc.). Pour dis-
tal, en limitant notamment le risque de boycott ; poser, dans l’esprit du public de la licence to
elles bénéficient également d’économies exter- operate, les entreprises doivent effectuer des
nes apportées par les ONG qui aident les entre- contre-dons en devenant socialement responsa-
prises à mettre en œuvre les principes du déve- bles et en allant au-delà des prescriptions légales
loppement durable. Les labels décernés aux en- que le public juge insuffisantes. Cet échange so-
treprises leur permettent de vendre parfois plus cial, qui caractérise cette économie du don, est à
facilement leurs produits et même à un prix plus la fois libre et obligatoire. Les partenaires fixent
élevé que celui de leurs concurrents. Les ONG, librement le montant de leur don, tout en restant
de leur côté, bénéficient d’une nouvelle source soumis à la pression sociale. Les ONG apparais-
de financement qui complète l’apport des fonds sent alors comme des intermédiaires entre les
publics et des donateurs privés. Elles peuvent entreprises (les donatrices) et la société
aussi mieux comprendre les contraintes écono- (ensemble des donataires). Les donataires cor-
miques et financières des entreprises et se mon- respondent notamment aux générations futures,
trer plus efficaces dans leurs actions auprès des dans le cadre de la protection de l’environne-
entreprises. L’objectif essentiel des deux parte- ment, ou à des groupes sociaux spécifiques,
naires est d’obtenir, à travers leur collaboration, pour les actions dans le domaine social. Dans
une reconnaissance du public ; pour les entrepri- leur rôle d’intermédiaire, les ONG sont incitatri-
ses, il s’agit de la reconnaissance de leurs enga- ces et médiatrices, en devenant des prestataires
gements en faveur du développement durable de services et en ajoutant parfois leur propre
et, pour les ONG, de leur compétence profes- don à celui de l’entreprise. Après une analyse
sionnelle. Dans le jeu stratégique qui oppose en- des relations ONG-entreprises dans cette optique
treprises et ONG, chaque partenaire cherche de l’économie du don, une typologie des rela-
parfois à développer sa marge d’autonomie, à tions entre ces deux partenaires a été établie à
acquérir un pouvoir, c’est-à-dire la capacité à partir des caractéristiques essentielles du modèle
influencer le comportement du partenaire. du don.

Cependant, le modèle du don, initié par les tra-


vaux de Marcel Mauss, fait apparaître, mieux que
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Mars 2009

Séance 8: Études de cas

Pourquoi les firmes tunisiennes s’engagent-elles dans la


protection de l’environnement ?

Par Ahmed Turki, Chercheur en Sciences de Gestion, URGE-Faculté des Sciences Economiques et de
gestion de Sfax

La recherche d’une performance environnemen- affaires. Toute action de la part des entreprises
tale ne constitue pas l’unique objectif des actions est tenue d’être analysée sur les plans social,
écologiques. Les dirigeants cherchent à travers écologique, économique et non seulement sur le
la performance environnementale à réaliser cer- plan économique avant d’être adoptée.
tains objectifs qui sont généralement de nature
relationnelle, économique et éthique. En effet, C’est dans ce cadre que s’inscrit cette recherche
par crainte de représailles de la part de leurs qui vise à identifier ce qui pousse les dirigeants
parties prenantes, certaines firmes optent pour des entreprises tunisiennes à mettre en œuvre
les actions écologiques. Les parties prenantes, des actions écologiques. Afin de répondre à cet
comme les associations écologiques et les pou- objectif, une enquête est réalisée sur 8 cas dont
voirs publics, deviennent de plus en plus sensi- deux sont certifiés à la norme ISO 14001. Trente
bles aux questions écologiques et exercent par cinq entretiens semi-directifs sont effectués et
conséquent des pressions écologiques, parfois traités avec le logiciel Nvivo 7. L’analyse de
menaçantes, sur les entreprises. Face à ces contenu fait ressortir que la réduction des pres-
pressions potentielles, les entreprises sont te- sions écologiques constitue la principale, sinon
nues d’améliorer leurs résultats environnemen- l’unique motivation des actions écologiques. Les
taux d’une part et de les diffuser aux parties pre- dirigeants des entreprises sont amenés à mettre
nantes d’autre part. Cette diffusion a pour objec- en œuvre des actions écologiques afin d’alléger
tif d’influer sur les comportements de ces par- les pressions essentiellement d’origine gouverne-
ties. mentale.

De même, certaines actions écologiques, comme À la lumière des résultats de l’enquête, nous
les opérations de recyclage, demeurent rentables supposons que les motivations des actions écolo-
sur le plan économique. Ces actions ne sont pas giques suivent un processus de trois étapes.
le résultat des obligations imposées par les ac- Dans la première, les dirigeants commencent à
teurs sociétaux. Contrairement aux motivations s’intéresser à la protection de l’environnement
relationnelles, les motivations économiques sont suite aux pressions sociétales. Progressivement,
de nature interne. Leurs actions ne sont pas le ces derniers ne sont plus disposés à s’intéresser
fruit d’une pression externe et/ou interne, elles continuellement aux actions écologiques puis-
ne sont déclenchées que si elles sont économi- qu’ils les considèrent comme génératrices de
quement rentables. charges. Ils commencent par conséquent à allier
l’environnement à l’économie en prenant en
La troisième catégorie de motivations écologi- compte les attentes des actionnaires. En accu-
ques est celle s’inscrivant dans le cadre de l’éthi- mulant de l’expérience, l’intérêt se porte aux au-
que et de la responsabilité sociétale. Certains tres parties prenantes et les actions écologiques
dirigeants procèdent à des actions écologiques seront motivées, en plus des facteurs relation-
parce qu’ils admettent disposer d’une responsa- nels et économiques, par des facteurs éthiques.
bilité sociétale à assumer. Les entreprises ne
peuvent négliger les conduites éthiques dans Contact
leur fonctionnement afin qu’elles assurent leur E-mail : ahmed.turki@fsegs.rnu.tn
survie. La notion d’éthique prend aujourd’hui de B.P. 1088 - 3018 Sfax-Tunisie
plus en plus de l’importance dans le monde des TEL : 216 23 23 02 10
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Mars 2009

La Responsabilité Environnementale dans les PME


Algériennes : entre Conformisme et Opportunisme

Par Dr. Ahmed ATIL, Assistant Professor, Centre pour l’Entreprise Responsable, ESC-
Rennes School of Business

Après la vague des programmes de privatisation 140 PME. Les données recueillies ont été traitées
en Algérie, les petites et moyennes entreprises sommairement par des analyses statistiques
(PME) constituent aujourd’hui l’essentiel du tissu (Tris à plats, Tris croisés….) et principalement
industriel algérien et le principal facteur de déve- par des analyses factorielles conduisant à l’éla-
loppement économique et de création d'emplois. boration de typologies. Notre approche d’analyse
Cependant, en matière de politique environne- est basée principalement sur une grille de lecture
mentale, ces PME sont généralement oubliées au inspirée des travaux de recherches de BUTEL-
profit des grandes entreprises publiques. Sou- BELLINI (97), BOIRAL (2001) et BERGER DOUCE
vent, manquant de moyens humains et techni- (2004 / 2007).
ques, la plupart d'entre elles considèrent l'envi-
ronnement comme une contrainte. Les résultats de la recherche nous ont permis
d’examiner les pratiques environnementales des
Ce papier de recherche vise à étudier l’engage- PME. A cet égard, pour la grande majorité (plus
ment et l’intégration de la démarche environne- de 85%) des managers, la préoccupation envi-
mentale dans le système de gestion des entre- ronnementale est plutôt importante. Ensuite, se-
prises. La problématique centrale de notre re- lon les motivations et les enjeux environnemen-
cherche porte sur l’hypothèse suivante : l’identi- taux nous avons élaboré une typologie de trois
fication des motivations et des enjeux environ- groupes de PME (Eco-Nocif, Eco-Passif, Eco-
nementaux permet aux managers des PME de Actif). Enfin, à l’aide de ces analyses typologi-
transformer la prise de conscience en pro- ques, nous proposons un processus d’évolution
gramme d’action en faveur de l’environnemental des PME en fonction de leur groupe d’apparte-
[BOIRAL 2005]. nance.

Cette hypothèse nous amène à poser trois ques-


tions dont les réponses constituent l’objectif de
notre problématique:
1) Quel est le degré de préoccupation de la di-
mension environnementale par les managers de
PME algériennes?
2) Quels sont les enjeux et les motivations de
l’intégration de la dimension environnementale
dans le système de gestion des PME algérien-
nes ?

Afin de répondre à ces deux questions et pouvoir


analyser la relation entre, d’une part, l’identifica-
tion des motivations et des freins, et d’autre
part, la performance environnementale des PME
algériennes, nous adoptons une approche essen-
tiellement exploratoire. Notre approche métho-
dologique est basée sur une étude exploratoire
quantitative des pratiques environnementales
des PME. L’étude est réalisée à l’aide d’une en-
quête via un questionnaire auprès de plus de
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Mars 2009

Le site Internet du mois

www.ethipedia.net

'ethipedia' a été conçu et créé par les codirecteurs d'ethiquette Inc., Brenda
Plant et Tom Liacas. Le projet est né d'un dialogue avec notre partenaire
majeur, le fonds des travailleurs Fondaction CSN, qui évoquait le fait que les
PME québecoises ne savaient pas comment s'y prendre pour embarquer sur
la piste du développement durable. Le prototype du site (BETA) a été lancé
le 5 janvier 2009.

« ethipedia.net » est une base de données en ligne de pratique concrètes


adoptées par des entreprises cherchant à améliorer leurs engagements so-
ciaux et environnementaux lors de leurs opérations.

Son but est d'offrir une bibliothèque de stratégies réapplicables pour per-
mettre d'implanter des principes de développement durable dans une orga-
nisation. En rendant cette information disponible, ethipedia espère accélérer
la prise de conscience du monde économique sur la nécessaire mise en ap-
plication du développement durable en son sein.

C'est également une vitrine pour les bonnes stratégies implantées à travers
le monde. Les représentants des organisations et des entreprises, cher-
cheurs, étudiants et consultants sont tous invités à soumettre du contenu
sur les meilleures pratiques mondiales en développement durable.

Pour assurer un haut degré de crédibilité, les administrateurs du site exer-


cent un droit de regard et de publication sur les pratiques soumises, afin de
contrôler si les critères sociaux et environnementaux sont bien rencontrés.

Le site est organisé sous forme de méritocratie : plus une organisation pu-
blie de pratiques sous son nom, plus elle est visible !

Cette ressource est gratuite et accessible à toutes les entreprises et organi-


sations qui souhaitent aller vers un plus grand développement durable.
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Mars 2009
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Mars 2009

Compte rendu de la conférence « Entreprise et


Développement Durable – De la gouvernance à
la performance responsable : enjeux et solutions »
23-24 Février 2009, Montréal

Par Amélie Beaupré-Moreau , étudiante à la maîtrise en sciences de l’environnement


Emmanuelle Champion , étudiante-chercheure à la CRSDD
Pierre Criqui , étudiant-chercheur à la CRSDD
Et Nicolas Perin, étudiant-chercheur à la CRSDD

Ouverture de la conférence par Pierre Marc Sessions 1 et 2 – Gouvernance responsable et


Johnson, avocat conseil, Heenan Blaikie, et Scott durable
Vaughan, commissaire à l’environnement et au Hélène Gagnon, vice-présidente chez Bombar-
développement durable du Canada dier aéronautique
C’est Pierre Marc Johnson qui ouvre cette 4ème Dans l’optique d’étudier la mise en place des po-
conférence UNISFERA en la replaçant dans le litiques de DD dans les grandes entreprises, la
contexte global de l’économie de marché, ses présence de Bombardier à Unisféra n’est pas
dérives, et la place qui sera disponible pour les anecdotique : le constructeur ambitionnant de se
politiques de Développement Durable dans les démarquer dans ses marchés par l’excellence de
entreprises. Malgré un contexte difficile, on peut ses politiques environnementales et sa responsa-
constater une évolution positive de l’importance bilité d’entreprise (Bombardier a déjà signé le
de ces problématiques dans les entreprises, qui Global Compact). Outre ses obligations règle-
sont passées de thématiques de relations publi- mentaires, Bombardier va de fait construire un
ques à une étape obligatoire des Conseils d’Ad- avantage concurrentiel par sa politique de RSE
ministration. En parallèle, on peut constater que par un engagement de l’équipe dirigeante, et un
le renforcement d’une conscience populaire ci- mouvement top-down de l’information à tous les
toyenne ne se satisfait plus d’une simple straté- niveaux de l’entreprise, possible par l’intégration
gie de conformité de la part des entreprises, et de l’ensemble de la RSE dans la stratégie géné-
les poussent à aller plus loin. rale, et par l’intégration des parties prenantes.
Scott Vaughan, commissaire à l’environnement Bombardier cherche parallèlement à intégrer les
et au développement durable du Canada, expli- initiatives des employés aux prises de décisions,
que la démarche Canadienne, qui doit s’inscrire et compte enfin mesurer l’impact de ses activités
dans les objectifs globaux fixés au niveau des sur l’environnement.
Nations Unies, mais qui peuvent toujours être
améliorés au Canada, dans les processus de pro- Mathieu Bouchard, vice président chez Rio Tin-
duction, les systèmes comptables, la production to – Alcan
de règlements, les exigences de transparence… Mathieu Bouchard commence par admettre le
Des instruments plus adaptés, des mesures plus manque de modestie sur la communication envi-
précises, des normes identifiables sont nécessai- ronnementale et responsable des grands grou-
res pour identifier les risques de manière plus pes, et de la distance nécessaire dans leur ana-
globale et efficace, à commencer par une réelle lyse. Cependant, il montre que le DD commence
stratégie fédérale au Canada. Cette harmonisa- à avoir un impact réellement déterminant sur la
tion des instruments et des pratiques fait encore politique des grandes firmes, bien plus qu’un
défaut à l’heure actuelle, et explique pourquoi le simple enjeu de relations publiques et d’images
Canada n’a pas atteint les objectifs fixés. Enfin, de marque. Si Aujourd’hui Alcan mise sur ces
face à la crise, on ne devrait pas choisir entre le enjeux, c’est pour être reconnu comme un ac-
développement durable et la croissance, mais teur best in class dans la responsabilité d’entre-
plutôt saisir l’opportunité de lier irrémédiable- prise pour son secteur d’activité, y compris en
ment les deux. intégrant au mieux les populations et les collecti-
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Mars 2009

vités locales, dans les consultations et le déve- Allocution de William George, directeur général
loppement des projets. Rio Tinto – Alcan tente de Edelman Montréal
de passer d’un modèle d’entreprise protectrice/ W. George nous présente ici ses recherches sur
philanthropique à un fonctionnement de co- les attentes des canadiens et canadiennes en
initiation des stratégies. Les prochains défis matière de DD et de RSE, ainsi que sur leurs
concernent les GES et PFC qui restent très pro- comportements de consommation. En étudiant
blématiques à l’heure actuelle. en premier lieu l’environnement dans les mé-
Les deux vice-présidents cités ci-dessus, recon- dias, nous constatons que la couverture médiati-
naissent que la situation de crise économique va que de l’Environnement connaît une croissance
affecter le budget des politiques de DD, contre- exponentielle, qui est aujourd’hui le 3ème sujet le
balançant quelque peu l’optimisme affiché plus plus couvert dans les médias canadiens. W.
haut par P.M. Johnson. George étudie les liens entre l’économie verte, la
crise, et comportements de consommation des
Nadine Gudz, directrice de stratégie durable à canadiens. L’économie verte est ici définie
Interface comme l’activité économique des compagnies et
des consommateurs, sous forme de produits,
Nous connaissons déjà l’engagement d’Inter-
services ou modèles économiques qui entraînent
face, nous verrons ici la spécificité de son enga-
à la fois une croissance économique, une baisse
gement et de comment le virage a été fait. Ain-
des impacts environnementaux et une améliora-
si que le savent désormais les entreprises, le DD
tion du bien être social. Les conclusions des étu-
est une opportunité de marché, mais Interface le
des ici présentées laissent espérer que les atten-
perçoit de plus comme un réel facteur catalyseur
tes de la population en termes d’environnement
d’innovation. Pour Interface, traiter les déchets
deviennent telles que les consommateurs pour-
en réutilisant ces matières et en évitant les dom-
raient changer leurs habitudes pour satisfaire à
mages pour la nature est devenu un défi pour
ces attentes, y compris leurs habitudes électora-
atteindre la durabilité par les processus, les
les. Ainsi, cette nouvelle importance des ques-
gens, les produits...et par les gains financiers
tions environnementales pourrait même juguler
ainsi réalisés. Interface se penche désormais sur
l’effet de la crise sur les progrès environnemen-
l’intégration des parties prenantes dans les pro-
taux.
cessus de décisions, mais restent un exemple
pour l’intégration des analyses par cycle de vie
Session 3 – Gouvernance durable et responsa-
de leurs produits et le contrôle de leurs émis-
ble : de la planification de l’intégration à la mise
sions de gaz.
en œuvre
Michel Bourbonnière, responsable Développe-
Anne Duffy, responsable développement dura-
ment durable à la STM
ble du comité pour les JO 2010 Vancouver
La présence de la STM à la conférence Unisféra a
L’accent du travail réalisé par le Comité JO 2010
tout son sens, tant les liens entre transports col-
est placé sur une étude des best practices réali-
lectifs urbains et développement durable sont
sées lors des précédents grands évènements
forts. Outre ses implications traditionnelles
sportifs en termes d’environnement, mais a éga-
(qualité de l’air, santé, smog urbain…) la STM se
lement permis des études sur la réceptivité des
penche aujourd’hui sur de nouvelles problémati-
Canadiens à propos de la durabilité. Les projets
ques, telles l’efficacité énergétique, les orienta-
présentés mettent en avant une inscription dans
tions des plans d’aménagement du territoire,
le cadre du GRI, et une préoccupation sur la pé-
l’intégration de la dimension sociale du DD. La
riode « post-Jeux », pour Vancouver et les in-
STM assurant 30% des transports de la ville de
frastructures développées pour l’occasion. Anne
Montréal, le DD devient un axe essentiel des
Duffy insiste sur la compensation en 5 ans des
stratégies, et se décline sur deux dimensions :
surcoûts occasionnés pas la construction de bâti-
La dimension institutionnelle et la dimension or-
ments éco-efficients, la mise en place d’une stra-
ganisationnelle. Les objectifs sont de monter une
tégie spécifique pour le carbone, et surtout met
approche cyclique, mêlant des mécanismes top-
l’accent sur l’importance du reporting et de la
down et bottom-up, organisée autour de trois
comptabilité : on décrit ce que l’on mesure, une
axes : la mobilité durable, la gestion durable et
étape déterminante à toute évaluation de politi-
la promotion du développement durable.
que, surtout environnementale.
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Mars 2009

l’évaluation. Le rôle du vérificateur interne est


Mario Quintin, directeur du développement du- crucial en rapport avec les exigences précitées,
rable à la SAQ pour s’assurer que les engagements pris à l’in-
Le cas de la SAQ illustre comment une entreprise terne seront suivis par des processus de vérifica-
déjà active dans la prise en compte de paramè- tion internes et d’amélioration continue pour
tres environnementaux va réellement mettre en constituer une véritable démarche de développe-
place une politique de développement durable. ment durable.
De fait, si la SAQ est active depuis 1982 dans sa
prise en compte de l’environnement, elle a du Sessions 5 et 6 – L’intégration du développe-
aller plus loin ces dernières années en prenant ment durable et de la responsabilité sociale dans
en compte l’interaction des trois piliers du DD. les entreprises fabriquant des produits de
L’intervention de Mario Quintin permet surtout consommation : du design du produit à sa mise
de voir comment instaurer une structure de gou- en marché.
vernance pour le développement durable dans Natalie Blouin, Conseillère en développement
une entreprise, afin de coordonner les actions et durable et développement de produits, Institut
de mesurer les résultats à court terme, et de pé- de développement de produit
renniser les initiatives et suivre la performance L’écoconception est ici définie avant tout comme
dans le temps à long terme. une démarche. Pour illustrer cette vision Mme
Alain Webster, vice-recteur de l’Université de Bloin fait appel aux exemples d’entreprises ayant
Sherbrooke misé sur l’écoconception : Lumec (luminaires)
Le cas de l’Université de Sherbrooke est intéres- BainUltra (bains hydromasseurs), et Victor
sant dans la mesure où ce sont les étudiant eux- (textiles). Sa présentation est focalisée sur le
mêmes qui ont poussé pour la mise en place potentiel économique que représente l’éco-
d’une véritable politique de développement dura- conception : on se situe dans discours classique
ble, qui est en exercice depuis 2005. Cette vo- du Business Case. On note que 80% des impacts
lonté des membres et des usagers de l’institution environnementaux peuvent être anticipés durant
de se mobiliser pour améliorer l’institution a en- la phase de conception du produit, ce qui devrait
suite été relayée et soutenue par l’administration inciter les dirigeants à s’impliquer plus en amont
qui a monté des partenariats spécifiques avec la dans les prises de décisions relatives au cycle de
STS, supprimer la vaisselle jetable en son sein…. vie des produits.
Le travail de l’ensemble des parties prenantes a Hubert Bolduc, Vice-président, Communica-
été bénéfique, et permet de formuler de nou- tions et Affaires publiques, Cascades
veaux objectifs. D’ici à trois ans, l’Université de S’impliquer dans le développement durable peut
Sherbrooke devrait reformuler l’ensemble de ses être aujourd’hui une protection contre les fou-
formations en y intégrant le développement du- dres de l’opinion publique. Cascades agit en
rable, et de plus à relier les différents départe- conséquence en se fixant des objectifs multi-
ments de l’Université, pour favoriser la recherche ples : établir un réseau fermé au niveau de la
interdisciplinaire. consommation d’eau et du recyclage de fibres de
papier, certification FSC, utilisation exclusive de
Session 4 - La valeur ajoutée de la vérification biogaz pour l’énergie… le tout piloté par un
interne de la performance et le rôle des indica- groupe d’intervention en énergie. Les conditions
teurs de performance, par Johanne Gélinas, de travail y sont en amélioration depuis 10 ans,
Associée, Responsabilité d'entreprise et dévelop- le groupe misant sur l’attraction et la rétention
pement durable, Deloitte des salariés. Cascades a ainsi progressivement
Mme Gélinas nous présente ici les différents obtenu l’approbation des ONG (Greenpeace no-
standards de développement durable, les proces- tamment), en devenant une forme de caution
sus de vérification internes et externes (ISAE pour d’autres acteurs de la société. Il n’existe
3000, AA1000AS version 2008, CICA HB 5025/ pas de politique développement durable chez
GAAS, GRI) des entreprises, qui sont aujourd’hui Cascades, une nouvelle structure qui relève des
l’objet d’une demande croissante des actionnai- communications tente de renouveler la démar-
res et des parties prenantes. Cette demande che du groupe en faisant appel à l’avis de la so-
pousse à la plus grande attention quand à la vé- ciété civile pour établir un plan plus global. No-
rification de l’information divulguée avant sa pu- tons l’acception particulière de M. Bolduc sur le
blication, à savoir la fiabilité et l’exhaustivité des développement durable, qui le considère comme
indicateurs utilisés et le niveau d’assurance de restreint à l’environnement, englobé au sein de
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la Responsabilité sociale de l’entreprise, plus glo- « bio » entreprises, et la création de nouveaux


bale selon lui. marchés. Les gouvernements ont réalisés que la
Victoria Maybee, Directrice des relations publi- participation des entreprises était nécessaire à la
ques, Procter & Gamble passation d’accords multilatéraux sur l’environ-
Peu de consommateurs sont prêts à déconsidérer nement. De nombreux outils de reporting et de
la performance des produits au profit de la pro- benchmarking sont désormais à la disposition
tection de l’environnement, ce qui constitue un des acteurs privés, qui deviennent proactifs sur
double défi pour Procter & Gamble. Ce groupe des sujets nouveaux (ex : évaluation de la biodi-
mise sur des analyses de cycle de vie (ACV) ren- versité par le secteur minier face aux nombreu-
forçant chaque étape individuellement, mais res- ses pressions, ou signaux d’alarmes émis par les
treintes aux aspects énergétiques, ce qui en li- banques d’investissement des projets d’extrac-
mite la portée environnementale. Mme Maybee tion pétrolière). Deux espoirs existent pour la
décrit les initiatives environnementales de son protection de la biodiversité : l’initiative interna-
groupe en matière de produits, de coopération tionale de mécanismes de compensation des
sectorielle (pour la concentration des produits), émissions polluantes, et le rapport final de Stern
et d’évaluation des sites potentiels avant opéra- sur la biodiversité à paraître en 2010, doté d’un
tion. De nombreux exemples sont choisis dans le fort potentiel d’influence sur les entreprises.
portefeuille de produits pour illustrer son propos, Véronique Morin, Directrice de projet, Unisfé-
sans toutefois être liés par une stratégie globale. ra / Planetair
La vision « centrale » centrale du groupe Le changement climatique est une opportunité
concerne plutôt ses programmes philanthropi- pour innover et améliorer la performance de
ques. l’entreprise. Cinq étapes sont nécessaires pour
Guy Boucher, Vice-président, développement la réduction de son empreinte climatique. Tout
durable, Domtar d’abord la planification d’une stratégie et d’une
M. Boucher insiste sur le besoin de fondements équipe de gestion, tenant compte des risques et
scientifiques au service du développement dura- opportunités, et de l’appui de la direction. La
ble, afin d’en démystifier les enjeux et de fonder quantification des émissions de GES et leur ré-
la communication commerciale dans un contexte duction doivent suivre avant d’envisager leur
d’ACV. Sur le plan écologique la certification fo- compensation sur le marché réglementé (encore
restière est aussi valable que le recyclage du pa- peu développé en Amérique du Nord) ou sur le
pier (puisque celui-ci est limité à 5 ou 6 cycles, marché volontaire (variable selon les cibles, les
et que la quantité de produits chimiques utilisés échelles, les motifs de la compensation). L’addi-
augmente à chaque cycle). Le papier ne repré- tionnalité du projet est le critère fondamental
sente pas la majorité des arbres récoltés, la plus dans le choix de la compensation : il s’agit de
grande menace de déforestation en Amérique du créer une initiative originale qui n’aurait pas vu
Nord étant son utilisation énergétique et l’urba- le jour sans investissement de ce type. La quali-
nisation (le Canada est leader mondial en sur- té des projets de compensation choisis est cru-
face de forêt certifiée). Au final, l’implantation ciale pour la réputation de l’entreprise.
régionale est un critère fondamental pour l’ACV,
puisqu’en dépendent l’approvisionnement en ma-
tières premières et en énergie. Session 8 – Intégrer le développement durable
et la responsabilité sociale des entreprises : lors-
Session 7 – Les récents développements les plus que l’acceptabilité sociale d’une entreprise ou
pertinents pour les entreprises en matière de d’un projet dépend de sa performance sociale et
biodiversité et de changements climatiques environnementale
Nicolas Bertrand, Spécialiste des enjeux « en- Toby Lennox, Vice-président, Affaires corporati-
treprise et biodiversité » et ancien chargé de ves et communications, Greater Toronto Airports
programme au Secrétariat de la Convention des Authority (GTAA)
Nations Unies sur la Diversité Biologique Toby Lennox a mis l’accent sur les défis auxquels
M. Bertrand présente le Business case pour la l’aéroport de Toronto, le plus vaste au pays, a
biodiversité, les risques et opportunités pour les été confronté lors de la mise en œuvre de sa
entreprises selon plusieurs axes de relation : la stratégie de développement durable. Une des
minimisation des impacts de l’entreprise sur la difficultés rencontrées par ce gestionnaire a été
biodiversité, la prise en compte de la biodiversité d’obtenir l’adhésion des différents membres de
comme opportunités d’affaires, la promotion des l’entreprise alors que les retombées de ces me-
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sures ne seront perceptibles que dans quelques Session 10 – Les récents développements gou-
années seulement. Aussi, l’abstraction de cer- vernementaux et intergouvernementaux qui par-
tains enjeux dont les changements climatiques, ticipent à la définition du cadre socio-politique du
par rapport à la problématique du bruit qui est développement durable et de la responsabilité
pour sa part, bien tangible pour les populations sociale dans lequel les entreprises évoluent
riveraines, rend difficile l’adoption de certaines Marie-France Houde, Économiste senior, Divi-
mesures. sion Investissement, Département Finance et
Julie Gelfand Vice-présidente, Développement Entreprise, Organisation internationale de coopé-
durable, Association minière du Canada ration et de développement économique (OCDE)
Le mandat de Julie Gelfand consiste à implanter La crise financière et économique ouvre des
le programme Vers un développement minier perspectives intéressantes sur un éventuel ren-
durable dont l’Association minière du Canada forcement des Principes directeurs qui feront
s’est dotée afin d’améliorer la réputation de ces l’objet d’une révision en 2010. En matière de
entreprises membres. Ce programme volontaire RSE, les Principes directeurs sont considérés
prévoit un système de mise en œuvre du déve- comme les plus complets et les plus légitimes
loppement durable basé sur la participation, la d’une part, puisqu’ils émanent des États et d’au-
vérification de parties tierces et la transparence. tre part, parce qu’ils comprennent un mécanisme
Le défi majeur est d’inclure le plus grand nombre de mise en œuvre, les Points de contact natio-
d’entreprises à leur démarche puisque les com- naux (PCN). Dans le cadre de leur réexamen, il
portements irresponsables de quelques firmes sera sans doute question de la performance des
parviennent à eux seuls à entacher la réputation PCN de leur manque de ressources et de la
de l’ensemble de l’industrie. chaîne de l’offre.
Robert Lauzon, Directeur, Bureau de coordina-
Session 9 – S’outiller afin de mettre en œuvre et tion de développement durable, Ministère du Dé-
de mesurer sa performance en durabilité veloppement durable, de l’environnement et des
François Berthiaume, Conseiller, Environne- parcs
ment, Aéroports de Montréal Le Québec a adopté une Loi sur le développe-
François Berthiaume nous a détaillé les mesures ment durable en 2006 et s’est doté d’une straté-
prises par l’aéroport de Montréal, le 2ième aéro- gie en la matière. Cette stratégie se traduit au
port au Canada, tels que le renouvellement des sein des Ministères et de l’administration publi-
aérogares, la construction d’une station géother- que par la définition de 150 plans d’action. La Loi
mique etc. Cette entreprise implante la norme sur le développement durable constitue un projet
ISO 14001 depuis novembre 2000 dans le but de extrêmement ambitieux puisqu’elle implique la
rassurer ses parties intéressées quant à la sécu- publication de rapports annuels par les Ministè-
rité et l’impact environnemental de ces activités. res et les organisations gouvernementales, l’édi-
L’application de cette norme a donné lieu à une tion de rapports annuels de mise en œuvre ainsi
nouvelle organisation du travail sous le mode de qu’un bilan et une révision de la Loi dans cinq
gestion de projet. ans. Une des difficultés rencontrées actuellement
Stella Leney, Directrice principale, Environne- par le Ministère réside dans la définition et le
ment et affaires corporatives, Hydro-Québec choix des indicateurs à retenir pour l’implanta-
Hydro Québec a intégré le développement dura- tion de cette Loi.
ble au plus haut niveau décisionnel et a appliqué Mot de clôture par Johanne Gélinas, Associée,
tôt l’évaluation et la vérification environnemen- Responsabilité d’entreprise et développement
tale à différents aspects de ses opérations. Hy- durable, Deloitte
dro Québec applique la norme ISO 14001 depuis Pour terminer, Johanne Gélinas a constaté que
dix ans, publie un rapport de développement du- les entreprises québécoises progressaient dans
rable depuis 2003 (dont les informations sont leur implantation du développement durable et
vérifiées par une tierce partie) etc. Assujettie à qu’elles avaient entrepris de structurer leur dé-
la Loi sur le développement durable, Hydro Qué- marche en la matière. Malgré ces avancées, les
bec déposera son plan d’action au cours de l’an- entreprises resteront scrutées par le public et les
née. L’entreprise travaille actuellement sur l’ap- organisations de la société civile, ce qui implique
plication de l’analyse du cycle de vie à ses activi- une amélioration continue de leurs pratiques.
tés et entend augmenter à l’avenir ses achats
éco responsables.
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Nature Québec, Pêches et Océans Canada,


le Service canadien de la faune, la Fonda-
tion de la faune du Québec, la fondation Hy-
dro-Québec pour l’environnement et le Ré-
seau de milieux naturels protégés unissent
leurs forces pour offrir conjointement des
ateliers de formation aux organismes de
conservation des milieux naturels. Les Ate-
liers sur la conservation des milieux natu-
rels offrent la possibilité à des organismes
œuvrant à la conservation des milieux na-
turels au Québec de participer à des forma-
tions variées afin de les aider dans l'accom-
plissement de leur mission.

Pour plus d'informations, veuillez consulter


la page des Ateliers sur le site de Nature
Québec http://www.naturequebec.org/
pages/ateliers2009.asp
Bulletin Oeconomia Humana
Mars 2009

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poste 6972

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Courriel: crsdd@uqam.ca
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Bulletin de la Chaire de responsabilité sociale et de développement durable

Rédactrice en chef : Cherryl André de la Porte


Rédacteur adjoint: François Décary-Gilardeau

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