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L’apprentissage du français à l’aide d’un traducteur automatique :

pratiques innovantes en Thaïlande


Sombat K, Professeur Associé (Ph.d.), Université Naresuan
Phitsanulok, Thaïlande {sombat.khruathong@gmail.com}

Dans cet article nous exposerons nos premières observations sur les pratiques
innovantes dans l’enseignement du français en considérant un public cible donné ; les
étudiants en français de l’Université Naresuan considérés comme « faux débutants ». Nous
commencerons par présenter les raisons qui nous ont poussé à concevoir un logiciel
traducteur, en partant de notre expérience et en réalisant l’analyse morphosyntaxique et
sémantique du thaï et du français (cela dans la perspective d’une traduction automatique).
Nous tenterons ensuite de montrer quels sont les principaux obstacles linguistiques à franchir
par nos étudiants, en compréhension.
Pour résoudre le problème en compréhension, nous avons ainsi conçu un logiciel
traducteur du thaï au français, basé sur une étude contrastive des deux langues et avons
également mis à la portée de nos étudiants une liste d’exercices élémentaires de traduction,
qui leur permettra de franchir une première étape importante de leur apprentissage, leur
permettant d’apprendre à saisir clairement ce qui distingue le français du thaï. Ce faisant, ils
comprendront que le thaï « socle de leur vision du monde », est une langue qui suit
exactement « le plan du réel » alors que le français, objet de leur apprentissage, reste une
langue de « l’analyse et de l’abstraction ».
Mots-clés : traducteur automatique thaï-français, aide à l’apprentissage du français,
interlangue, thaï-français

1. Introduction :

En élaborant cet article, je me pose la question de savoir ce qu’il faut à un enseignant


de langue pour concevoir un traducteur automatique propre à lui au lieu d’utiliser de
nombreux logiciels existants en ligne. Autrement dit, ai-je moi-même compétence pour
aborder un tel sujet ? En Thaïlande, on peut classer empiriquement ceux qui se disent
« enseignants de français » en trois groupes : ceux qui enseignent en utilisant totalement une
méthode fabriquée par des concepteurs et des didacticiens du Nord, sans trop se préoccuper
de ce qui se passe réellement dans la tête des apprenants ; ceux qui enseignent en utilisant
plusieurs méthodes thématiquement sélectionnées et également fabriquées par les
didacticiens du Nord, sans également trop se préoccuper d’un taux élevé de « déperdition »
dans l’apprentissage du français ; ceux qui enseignent en utilisant un support de cours qu’ils
ont conçu par eux-mêmes afin que les étudiants puissent comprendre l’objet du savoir
partagé : le français. Je me situe dans le dernier.

Partant du postulat que chaque langue a sa propre façon de voir le monde (hypothèse
de Sapir-Whorf), je suis d’accord avec Vinay et Darbenet (1977,58) qui disent que chaque
langue a son propre plan du réel différent. En faisant une lecture critique sur le livre
« Stylistique comparée du français et de l’anglais » de ces deux auteurs, au cours de mon
étude doctorale1, où des problèmes lexicaux, syntaxiques et sémantiques ont été évoqués et
commentés, j’ai pu constater que, dans un certain point de vue, le thaï est plus proche de
l’anglais que du français. Ceci est particulièrement convaincant quand j’ai abordé les
problèmes des verbes sériels. S’il existe une ressemblance frappante entre les emplois post-
verbaux de ces verbes thaïs avec des prépositions anglaises telles que « in, out », qui
s’ajoutent, comme en thaï, pour en indiquer la direction, il devrait y avoir une raison
quelconque. Après mes réflexions approfondies sur cette question, j’ai désormais commencé à
comprendre pourquoi chaque génération d’étudiants enseignés n’a pas pu éviter les fautes
typiques de la grammaire française. Cela revient à dire que l’apprenant, étudiant le français
dans un contexte dont la langue est peu présente à l’esprit, subit l’influence de la
représentation linguistique du thaï qui « côtoie le concret » alors que le français, par
entendement, interprète le même phénomène selon « un niveau d’abstraction auquel l’esprit
s’élève pour considérer la réalité sous un angle plus général ».

En regardant de plus près la plupart des manuels qui sont utilisés par nos enseignants,
je n’ai constaté que des exemples à exploiter qui, pour la plupart des cas, prêtent au contexte
francophone du Nord. S’il est vrai que les exemples spécifiquement sélectionnés exposent aux
apprenants une telle authenticité, et à force de travailler sur des exercices qui sont des trous à
remplir, cela ne veut pas dire que les apprenants « comprennent » et « construisent » une
véritable connaissance sur le français appris alors qu’ils ne peuvent se garder de recourir à la
langue maternelle chaque fois qu’ils font des phrases. A cet effet, le résultat obtenu est
évidemment insatisfaisant puisqu’ils n’ont aucune expérience à maîtriser la démarche mentale
à laquelle ils font appel de façon consciente ou inconsciente pour retrouver une forme
équivalente aux problèmes imposés par la langue cible.

C’est en faisant ma thèse consacrée aux problèmes des verbes sériels qui sont les
fondements de la construction syntaxique de langue maternelle, que j’avais vraiment
l’occasion de faire des réflexions rétrospectives pour arriver à la conclusion suivante : si l’on
n’apprend pas aux étudiants à relever ce qui distinguer le plus nettement possible le français
du thaï, cela va de soi qu’ils commettent des fautes répétitives et finalement découragent pour
continuer à apprendre le français. A notre avis, ce qui est important, au départ de l’acquisition,
il faut impérativement que les étudiants arrivent à maîtriser en compréhension leurs nouvelles
connaissances.

Pour justifier ce que nous l’avons dit, voici deux exemples représentatifs :

1
L’intitulé exact de la thèse est : « Vers une analyse micro-systémique en vue d’une traduction
automatique thaï-français : application aux verbes sériels ». Thèse de doctorat de 3ème cycle, soutenu en
2006 à l’Université de Franche-Comté, sous la direction de Sylviane Cardey-Greenfield.
1. khaw+kʰɯ̂n+paj+jɯn+bon+to Il se met debout sur la chaise.
lui+monter+aller+debout+sur+table
2. khaw+dɤ̄ːn+jo:n+klap+? :k+paj Il rebrousse chemin (à pied) pour

+kha:m+thanon traverser la rue.

lui+marcher+rebrousser+sortir+aller+travers
er+rue

Dans l’exemple 1, il s’agit du verbe « se mettre » qui se transforme en pronominal du


verbe « mettre. Si l’on donne l’ordre à un étudiant thaïlandais de « se mettre debout sur la
chaise2 » sans faire aucun geste, il est impossible qu’il fasse l’action demandée car ce qui lui
est demandé ne traduit pas le sens imposé par la représentation linguistique du thaï à laquelle
il est habitué.

Quant à l’exemple 2, voyons bien qu’en thaï, sa construction verbale permet d’avoir en
série au maximum 6 verbes. Pour rendre un équivalent en français, un apprenant thaï est
obligé de découper sa démarche mentale en 3 parties : d’abord, il faut une action principale
qui est le noyau de la phrase. Ensuite, il faut décider s’il faut garder « à pied » ou le laisser
tomber, car le terme « rebrousse chemin », sans aucune explicitation sur le moyen de
mouvement utilisé, laisse comprendre que le sujet se déplace à pied puisque c’est une
personne. Enfin, le français exige que « traverser la rue » se transforme en expression du but
car la phrase « *Il rebrousse chemin (à pied) traverser la rue » est agrammaticale.

Etant donné que ces cas sont productifs en thaï, enseigner le français au public
thaïlandais sans avoir recours à la langue maternelle me paraît tout à fait frustrant. Pour
Youssef Atrouz (2004 ), dans son article intitulé « Didactique du F.L.E. et traduction : une
complémentarité incontournable », La langue maternelle est pour « panser » et « pallier les
insuffisances de l’enseignement /apprentissage de F.L.E. Dans le même article, ce qui me
paraît d’autant plus intéressant est la citation de D. Groux et L. Porcher qui défend
l’importance de La langue maternelle : c’est « dans l’enseignement de la langue maternelle
que se rassemblent les enjeux de toute éducation ». Si c’est « cette langue première qui
structure et organise l’ensemble des connaissances. Sa maîtrise forme la charpente de tout le
montage enseignement/apprentissage », le fait que l’enseignement des langues étrangères ne
pratique plus ou pratique peu le recours à La première langue apprise, forme une nouvelle
génération d’apprenants qui, tout au long de l’apprentissage de l’anglais imposé à tous les
enfants thaïlandais dès le plus jeune âge, est peu invitée à entreprendre des réflexions
poussées sur leur propre langue maternelle qu’ils utilisent comme outil indispensable pour
construire « du sens des objets ».

Wolfgang Butzkamm (2003), défenseur ardu de l’importance de la langue maternelle


dans l’apprentissage de langues étrangères dit ceci :

2
La phrase impérative est : « Mettez-vous débout sur la chaise ».
« Using the mother tongue, we have (1) learnt to think, (2) learnt to
communicate and (3) acquired an intuitive understanding of grammar. The
mother tongue opens the door, not only to its own grammar, but to all
grammars, inasmuch as it awakens the potential for universal grammar that
lies within all of us. This foreknowledge is the result of interactions between a
first language and our fundamental linguistic endowment, and is the
foundation on which we build ourselves. It is the greatest asset people bring to
the task of foreign language learning. For this reason, the mother tongue is the
master key to foreign languages, the tool which gives us the fastest, surest,
most precise, and most complete means of accessing a foreign language. »

Pour l’auteur, La première langue de l’apprenant est une sorte de « passe-partout


(master key) » qui est un moyen d’accès le plus sûr, précis et complet à la langue étrangère.
La langue maternelle mène à la « grammaire universelle » qui est innée chez nous.

Michael Swan (1985) est également contre la suprématie de l’approche communicative


qui, d’après lui, n’a pas réussi à tenir compte des connaissances et compétences ainsi que
leurs expériences du monde apportées par leur langue maternelle :

« This (the first of two articles) examines some of the more theoretical ideas
underlying the ‘Communicative Approach’. These include the belief that we
should teach ‘use’ as well as ‘meaning’, and some attitudes regarding the
teaching of ‘skills’ and ‘strategies’. A second article will deal with more
pedagogical aspect of the approach, especially the idea of a ‘semantic
syllabus’ and the question of ‘authenticity’ in materials and methodology. In
both articles, it is argued that there is serious confusion in the communicative
view of these matters. In particular, the Communicative Approach fails to take
account of the knowledge and skills which language students bring with them
from their mother tongue and their experience of the world. »

Dans un autre article intitulé « The influence of the mother tongue on second language
vocabulary acquisition and use », le même auteur parle de la difficulté d’acquérir le lexique du
français où le genre pose problème :

« Different learners approach the difficult French gender system from different starting
points. Italians get enormous help from a mother tongue which assigns gender to nouns
much as French does, though there are of course problems with particular words.
German has three genders as against the French two, and knowledge of German is of
little help in predicting the gender of a French noun; on the other hand, German-
speakers are at least psychologically prepared for nouns to have genders, and this may
well help them to notice and store the genders of French nouns as they learn them.
English- or Turkish-speaking learners of French do not even have this advantage, and
find French genders very difficult ».

Les étudiants thaïlandais éprouvent le même sentiment : le système du genre français,


bien qu’il soit binaire (masculin ou féminin), demande qu’ils l’acquièrent le plus
systématiquement dès le départ de leur acquisition car cela enchaîne des effets successifs
dans les autres étapes de l’apprentissage du français. A titre d’exemples, on peut citer les
confusions dans les emplois des articles, l’accord du participe passé, l’accord de l’adjectif
attribut ou épithète.

Jeanne Rolin-Ianziti (2001), professeur de français à l’Université de Queensland en


Australie, après avoir présenté quelques pratiques apportées par La langue maternelle,
conclut :

« Le recours à l’anglais semble avoir eu l’effet bénéfique de faire percevoir la


différence entre les deux sons. Plus généralement, la mise en correspondance
qui peut s’appliquer à d’autres domaines formels de la langue cible, se justifie
par son potentiel : mener à la perception des différences entre les deux
langues et éviter les transferts négatifs de la langue maternelle à la langue
étrangère. »

Radhwan Alsabri3 de l’Université de Sanna au Yémen, qui a fait une étude sur
« Ressemblances et divergences : obstacles ou aides pour l’acquisition / apprentissage des
langues étrangères - Le cas d’une étude contrastive « français-arabe», souligne dans sa
conclusion que « la plupart des difficultés rencontrées chez un arabophone apprenant le
français relèvent de sa Langue maternelle, sans nier l’existence d’autres facteurs comme la
LE4, elle-même qui provoque de cas de généralisation ; le système social et culturel ;
l'enseignant; l'apprenant; la méthode utilisée, etc. Les difficultés n’apparaissent pas seulement
au niveau syntaxique, mais également aux niveaux phonétique, lexical, sémantique et
communicatif. »

Jean Pacquement, agrégé de grammaire et enseignant natif ayant connu 6 ans


d’expériences dans deux autres universités thaïlandaises avant d’enseigner un semestre à
notre université en 2009, en réponse à l’invitation à la critique de notre problématique, nous
rappelle ainsi :

3
[http://130.79.201.195/uploads/media/ALSABRI_Radhwan_03.pdf].
4
Pour « Langue étrangère ».
« La traduction est exclue des cours depuis le début de l'apprentissage, car, au
lieu d'être conçue comme un outil et une aide dans l'apprentissage, elle est
conçue comme un sujet à part entière à un niveau avancé (c'est-à-dire qu'elle
est réservée aux spécialistes, voir sa place dans les cursus) et surtout elle est
considérée comme une entrave au libre développement des quatre
compétences.
Précisément cette manière de voir pose un véritable problème, car, sans
l'appui de la traduction dès le début de l'apprentissage, les étudiants
construisent leur objet dans le vide. Précisément, il faut considérer la
traduction comme un exercice d'apprentissage à part entière et il faudrait
donner la possibilité au public de consolider l'apprentissage à l'aide de la
traduction. »

Le commentaire de Jean Pacquement est d’autant plus pertinent puisque lui-même a


entrepris depuis 5 ans une recherche linguistique sur une langue minoritaire en Thaïlande.
Formé à la langue thaï à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales (INALCO), et
doté d’une connaissance approfondie de la grammaire française, il nous a souvent souligné la
nécessité de recourir aux exercices élémentaires de la traduction car il a témoigné que nos
étudiants se trouvaient confrontés non seulement aux difficultés linguistiques du français,
mais aussi à la conception de leur pensée en langue maternelle.

Enfin, on peut dire que nos pratiques innovantes, dont le traducteur automatique est
conçu pour être un outil d’aide au transfert de la pensée linguistiquement bidirectionnelle, est
une réponse à la question posée par Olivier Bertrand (2005) : « l’enseignement du français
aujourd’hui doit prendre en compte les spécificités liées à l’origine linguistique des apprenants
ainsi qu’à leur environnement culturel, social et politique. Comment aborde-t-on
l’enseignement du Français Langue Etrangère dans des classes linguistiquement
homogènes ? »

Il résulte de ce qui précède qu’il y a un mouvement de pensées favorable au recours


de la langue maternelle dans l’enseignement des langues étrangères. Dans ce qui suit, je
présenterai mes observations faites sur les obstacles que la plupart des étudiants, voire de
certains enseignants, ont fréquemment rencontrés. Les exemples abordés ont été illustrés à
l’aide de mon traducteur automatique que j’ai développé en utilisant le langage de
programmation Prolog5. Pour un enseignant de langues, l’avantage de maîtriser un Prolog est
de jouir de ses capacités d’analyse des structures de n’importe quelle langue naturelle, celles
qui m’ont permis d’apporter à l’enseignement / apprentissage du français des solutions plus
pratiques.

5
Il s’agit de « SWI-Prolog », un langage de programmation développé par l’University of Amsterdam. C’est
un logiciel gratuit selon le principe de GNU.
3. Divergences structurales de verbes : aller / être

Commençons d’abord par les problèmes de l’utilisation de ces deux verbes. Je peux
dire qu’ils sont les plus mal maîtrisés par nos étudiants. L’usage impropre vient de la flexibilité
structurale du thaï6 : on peut l’utiliser sans avoir recours à la préposition alors qu’en français
l’usage exige une préposition. Le problème est que la proposition utilisée change de forme.

Paj1/aller
4. phuakraw+paj+?irak Nous allons en Iraq.
nous+aller+Iraq
5. phuakraw+paj+farangse:t Nous allons en France.
nous+aller+France
6. phuakraw+paj+vi:atna:m Nous allons au Viêtnam.
nous+aller+Viêtnam
7. phuakraw+paj+saharat? Nous allons aux Etats-Unis.

ame:rika:
nous+aller+Etats-Unis
8. phuakraw+paj +filippin Nous allons aux Philippines.
nous+aller+Philippines
9. phuakraw+paj+kru the:p Nous allons à Bangkok.
nous+aller+Bangkok
10. phuakraw+paj+sikapo: Nous allons à Singapour.
nous+aller+Singapour
11. phuakraw+paj+l :ha:p Nous allons au Havre.
nous+aller+le Havre
12. phuakraw+paj+hava:na: Nous allons à la Havane.
nous+aller+la Havane

Les exemples 3-11 ont pour but de montrer que nos étudiants pratiquent une seule
forme d’usage du verbe « aller » : l’emploi sans aucune préposition. Par contre, le français
impose 3 formes avec 9 variants à retenir7 : dans l’exemple 3, il faut remplacer la préposition
« à »8 par « en » en tenant compte de la première lettre et du nombre du nom : d’abord, est-ce
une voyelle ou une consonne ? Dans ce cas, il faut que l’apprenant comprenne que ces deux
règles excluent automatiquement « aux/au/à la/à l’ ». Pédagogiquement parlant, il faut

6
A ce propos, on peut dire que le thaï est structuralement plus flexible par rapport à l’anglais. Par
exemple, dans la phrase « tɕʰanthama:nmhawitthaya:lajnare:su:an/*Je travaille
l’université Naresuan », le verbe « thama:n/travailler », en thaï peut être suivi d’un nom de lieu ou
d’un groupe prépositionnel sans aucun changement sémantique alors que le verbe « work » de l’anglais et
« travailler » du français ont un emploi plus restrictif : « *I work the Naresuan University », « *Je travaille
l’université Naresuan ». Le français traduit impérativement les deux possibilités du thaï en une seule : « Je
travaille à l’université Naresuan ». Sur le plan cognitif, cela peut causer considérablement la confusion aux
étudiants.
7
De mon point de vue, pour mieux retenir, il faut d’abord comprendre.
8
Par économie de temps, on enseigne à nos étudiants « aller à ». Et puis on passe aux exercices à trou
pour qu’ils apprennent à remplir par « à/en/au/aux ».
commencer d’abord par ce cas. Mais d’après mes expériences, on commence plutôt par « aller
en France » car on veut parler de la France. L’exemple 4 nous invite à enseigner qu’un nom
féminin et singulier commençant par une consonne demande la préposition « en » dans tous
les cas. Les exemples 6-7 peuvent aller ensemble en ce sens qu’ils touchent au nom masculin
commençant par une consonne (5) alors qu’il faut tout de même préciser que, dans ce cas,
c’est le nombre qui précède le genre, c’est-à-dire que ni le féminin ni le masculin n’est pris en
considération9. Jusqu’ici, on a vu que les noms illustrés sont 5 pays différents.

En enseignant l’exemple 8 qui concerne un nom de ville, on peut remarquer la reprise


de la préposition « à ». Avant de continuer l’exemple 9, j’ai fait exprès d’appeler chacun des
étudiants à donner sa réponse. J’ai immédiatement dit que c’était correct ou incorrect sans en
donner la bonne. Toutes les réponses possibles – en Singapour, au Singapour / à la Singapour /
aux Singapour – ont été proposées. Personne n’a pu se rappeler que Singapour est une
ancienne ville de Malaisie. Même si Singapour est devenue un pays, linguistiquement, il n’y a
aucun changement vis-à-vis de son statut nominal géographique.

Si j’ai mis les deux derniers exemples (10-11) dans le dernier ordre à enseigner, c’est
parce que je trouve que les étudiants ont peu de chance de rencontrer ces deux cas. Il est
indispensable de rappeler le fait que le H dans ces deux noms est un h aspiré. C’est pourquoi
« le/la » sont respectivement demandés.

Voyons maintenant un autre cas du verbe « être » au sens locatif

13. phuakraw+?ju:+farangse:t -Nous sommes en France.


nous+être+France *Nous sommes France.

L’exemple 12 sert à vérifier la compréhension de l’emploi du verbe précédent.


L’intérêt est de montrer à l’apprenant que le verbe « être » au sens locatif, en français, exige
toujours une préposition appropriée. Comme il s’agit d’un locatif, on peut appliquer les règles
du verbe « aller » qui est un verbe de mouvement. L’erreur fréquemment commise par nos
étudiants vient encore du fait que le thaï n’exige pas la présence de la préposition « à ». Donc,
l’effet interlingual est plus marqué.

3. Que faire pour que les apprenants tirent des avantages concrets du traducteur
automatique ?

Pour que les apprenants soient habitués à l’usage de ces deux verbes, j’ai mis une liste
de phrases élémentaires à leur portée. Après avoir fini toute la liste concernée, ils pourront
essayer de remplacer certains éléments par ceux dont ils ont besoin. A titre d’exemple, le

9
Bien sûr que la valeur de pluriel compte dans l’accord du sujet si ce nom prend la fonction de sujet d’une
autre proposition.
pronom « nous » peut être substitué par un groupe nominal où il y a un emploi de l’adjectif
possessif/démonstratif. Bien sûr que les noms de pays peuvent être réutilisés sans aucune
contrainte une fois qu’ils sont répertoriés dans notre base de données.

4. Verbes transitifs ou intransitifs ou simplement un adjectif

Il s’agit d’une asymétrie structurale de verbe dans les deux langues. Je présenterai
quelques exemples dont le contraste est évident et prête souvent à confusion. Les verbes de
sentiments tendent à être les plus abusés car ils aident à traduire un sentiment quelconque du
sujet parlant.

s’amuser / amusant / amuser


Comprenez qu’en thaï « sa2nuk2 » a comme indice catégoriel un adverbe 10. Ce qui
pose problème est qu’en thaï, le comportement de cette classe équivaut à la structure
copulative française, c’est-à-dire qu’il faut le verbe « être » pour admettre un adjectif, un
adverbe ou un nom comme attribut du sujet. En thaï, en général, un mot appartenant à cette
classe peut jouer comme si c’était un verbe simple. C’est pourquoi dans notre base de
données, nous le considérons comme un « vadv11 » qui joue le rôle du verbe principal. D’après
cette explication, on peut imaginer sans peine que c’est une classe nombreuse et très
productive.

14. tɕʰan+sanuk+kap+nang+rɯːaŋ -Je me suis amusé avec le film.

+ni
moi+s’amuser+avec+film+class12+ dém.13
15. kun+paj+thiaw+sanuk+maj14 -Vous êtes allé visiter (un lieu) et
vous+aller+visiter+ amusant+particule est-ce que cela vous a amusé ?
interrogative (Réponse par oui-non) -Est-ce que ça vous a amusé de
visiter (ce lieu-là) ?

10
En thaï, l’adverbe et l’adjectif se confond par rapport à la distinction nette de ces deux classes en
français parce qu’on peut dire que la classe d’adjectif n’existe pas.
11
C’est-à-dire un terme thaï qui se comporte comme un verbe réel. Il a la valeur d’un adjectif français
qui, en phrase, doit être préposé d’une forme conjuguée du verbe être. Je vous rappelle qu’en thaï, sur le
plan catégoriel, à proprement parler, la classe d’adjectif n’existe pas.
12
Pour « classificateur ». En thaï, c’est un terme servant à caractériser un objet.
13
Pour adjectif démonstratif.
14
En la recherchant sur Internet encadrée de guillemets, j’ai trouvé environ « 48,600 » fréquences.
-Est-ce que vous êtes amusé ?
*Est-ce que vous êtes amusant15 ?
15. nasɯː+le:m+ni:+? -Ce livre est amusant.

a:n+sanuk ? Ce livre se lisait bien.

livre+class+dém.+lire+amusant *Ce livre a amusé.


*Ce livre lit amusant.
*Ce livre lit amusamment.

Les 3 exemples ci-dessous représentent les cas où étudiants et enseignants risquent


souvent de commettre une erreur commune. Pour en comprendre le pourquoi, il faut remonter
de l’effet à la cause : le thaï préfère utiliser la forme « sanuk/s’amuser » que de
« thamhaj16+objet+sanuk/amuser ». Pour l’exemple 13, le problème réside dans le fait
que « sanuk » est un verbe à catégorie d’adverbe17 alors qu’en français c’est un verbe
transitif direct. Il n’est pas facile d’apprendre aux apprenants à maîtriser l’emploi de la forme
adjectivale (être amusant) et celui du transitif direct (amuser). C’est pourquoi, si l’on demande
à l’apprenant de traduire sa pensée du thaï en français où il y a un emploi de « amuser18 », on
retrouve très fréquemment les traces de confusion, d’hésitations.

On comprendra mieux la cause quand on considère l’exemple 14 car il s’agit d’une


construction verbale en série : il y a 2 verbes enchaînés et un « adverbe » : paj (aller) +
thiaw (aller faire du tourisme/aller visiter) + ?amuser/amusant ». Là, nous avons un doute
sur « amuser » car cette structure est complexe du fait que la phrase contient les deux actions
suivantes :

1. Le sujet de la phrase est allé faire du tourisme à un endroit.


2. On lui demande si sa visite est amusante. On peut dire autrement si le sujet est
amusé par sa visite.
Ce qui est surprenant est qu’en thaï, nous les avons dites en une seule. Les deux
verbes « aller+visiter » servent à quoi exactement alors ? En fait, on peut dire que c’est une
reprise sémantique. Si l’on n’a pas le souci d’ambiguïté, on peut demander tout simplement :
« (Vous avez visité cet endroit-là) Est-ce que c’était amusant / Est-ce que cela vous a
amusé ? / Est-ce que vous vous êtes bien amusé ? ».

15
Hélas, bien que grammaticalement incorrect, c’est une erreur très productive chez les Thaïlandais
francophones.
16
Un élément qui sert à indiquer la cause.
17
C’est juste pour vous rappeler qu’en thaï, un « adverbe » peut avoir deux valeurs : le premier est un
verbe intransitif. Le second peut être employé comme un adjectif français.
18
Jean Pacquement nous a conseillé de remplacer « amuser » par « distraire ». Mais le problème de la
représentation reste toujours le même car « distraire » est un verbe transitif direct et peut se
pronominaliser (se distraire).
Dans l’exemple 15, il s’agit d’une construction passive qui ressemble à celle du
pronominal passif du français : ce livre se lit bien. Mais dire « Ce livre se lit *amusant » me
paraît impossible. Dans ce cas, il vaut mieux plutôt recourir à l’emploi transitif : « Ce livre m’a
amusé ». Le problème posé est qu’on ne sait pas quel complément d’objet direct utilisé car le
thaï n’a pas mentionné explicitement que le livre était amusant pour qui exactement. Par
ailleurs, si l’on part de la traduction du français au thaï, il n’est toujours pas facile d’arriver à la
construction « transitif direct + sanuk » car pour permettre aux étudiants de comprendre
l’aspect transitif du verbe « amuser », on préfère enseigner ceci : « thamhaj
+khraj+sanuk ». En thaï, « thamhaj » implique une idée causative.

Pour conclure, on peut dire que la plupart des verbes de sentiments français de ce
genre possède un comportement commun. Le thaï est plus variable en termes d’usage. En
voici une petite liste non exhaustive : inquiéter / s’inquiéter / inquiétant / inquiet ;
impressionner / s’impressionner / impressionnant / impressionné ; ennuyer / s’ennuyer /
ennuyant / ennuyeux.

5. Collocation « poussée »

Dans cette partie, je montrerai que le thaï, du fait qu’il est une langue « isolante »,
dont les mots restent invariables, permet une collocation plus poussée, plus approfondie, par
rapport au français : il s’agit d’un jeu de mots avec « haj / donner » et « chaj / utiliser ».
En partant de la phrase (16), voyons que le mot « utiliser » est totalement exclu de la version
française car le verbe « donner » implique que celui qui reçoit quelque chose de quelqu’un
peut l’utiliser comme il voudra.

16. pho:+haj+ŋɤ̄n+tɕʰan+tɕʰaj -Papa m’a donné de l’argent.


papa+donner+argent+moi+utiliser
17. pho:+haj+tɕʰaj+ŋɤ̄n+tɕʰan -Papa demande que j’utilise mon
papa+donner+utiliser+argent+moi argent.
18. pho:+haj+tɕʰan+tɕʰaj+ŋɤ̄n -Papa m’autorise à utiliser de
papa+donner+moi+utiliser+argent l’argent.
19. pho:+haj+ŋɤ̄n+tɕʰaj+tɕʰan -Papa laisse m’utiliser l’argent.
papa+donner+argent+utiliser+moi

Dans l’exemple 17, en replaçant « utiliser » juste après « donner », le sens de la


phrase change complètement : le sujet demande au complément d’objet d’utiliser son argent.
C’est comme si c’était un ordre. L’exemple 18, après l’insertion de l’objet indirect (en thaï c’est
considéré comme direct puisqu’il n’y a pas de préposition) entre « donner » et « utiliser », le
mot « donner » change radicalement de sens : le sujet autorise le complément d’objet direct à
utiliser l’argent (Qui ? Cela dépend du contexte). Enfin, pour l’exemple 19, le sens laisse
entendre que c’est le père qui gâte son enfant en lui donnant de l’argent sans réfléchir !
Comme je ne veux pas montrer seulement les acrobaties de la grammaire du verbe
thaï, je vais passer aux obstacles qui ont l’air de rien. Mais après mes expériences vécues, je
peux dire, sur le plan cognitif, rien n’est plus simple si l’on veut aider nos étudiants à atteindre
un bon niveau de français.

6. Exercices de l’appropriation des adjectifs possessifs

En abordant ce sujet, j’ai hésité de peur de présenter un problème qui, selon le point
de vue de certains didacticiens ou d’enseignants expérimentés, ne pose pas du tout problème.
Mais au vu du résultat obtenu au cours de mes expérimentations successives, je ne peux me
garder de dire que même pour un sujet plutôt simple, la plupart des apprenants avaient du
mal à maîtriser le problème.

Notre traducteur automatique d’aide à l’apprentissage du français est doté d’un


lexique de 1000 noms et 200 verbes. Dans ce cas, les étudiants peuvent faire des essais sur la
formation de groupes nominaux du thaï au français. Nous avons listé une cinquantaine de
groupes nominaux contenant un adjectif possessif précisément précédé du mot « kho:ng5 / de
» qui établit le rapport de possession entre un nom et un pronom approprié qui le suit. On peut
dire que le résultat obtenu est plutôt décevant et confirme notre hypothèse que ces étudiants,
n’ayant pas du tout pratiqué ces exercices de traduction élémentaires, n’ont pas pu faire appel
au système interlingual endormi du fait que les enseignants du secondaire ont exclu la
méthode de traduction pour une raison simple : être sur le courant de la méthode
communicative.

20. pha:sa: -Mon français

+fara2se:t+kh:+tɕʰan -Ma langue française

langue+France+de+moi
21. phrate:t4+thaj+ kh:+tɕʰan -Ma Thaïlande
pays+Thaïlande+de+moi *Mon pays de Thaïlande

Au vu des exemples 20-21, on peut dire peut-être que cela ne poserait pas problème à
nos étudiants. Mais dans la réalité si ! J’accuse encore le fait que dans la plupart des méthodes
existantes, on leur demande de faire trop d’exercices à trou. Il suffit qu’ils trouvent un adjectif
possessif approprié sans avoir à réécrire tout le groupe nominal. Sur le plan cognitif, Peter
Griggs, Rital Carol et Pierre Bange (2002) rappellent ainsi :

« Il ne suffit donc pas de communiquer dans une classe de langues pour


apprendre une langue étrangère. Bien que les tâches communicatives créent
des conditions favorables, ce sont les conditions langagières que les apprenants
adoptent en les réalisant qui constituent le facteur le plus déterminant pour leur
apprentissage. D’après une étude déjà citée, le facteur (Griggs, 2000 ; 2002), les
interactions les plus fructueuses du point de vue acquisitionnel se caractérisent par
un taux élevé d’activité métalinguistique (auto- et hétéroreformulations, recours à
L1...) destinée non pas à l’intercompréhension mais à un travail, effectuée
souvent en collaboration, de recherche de la forme conventionnelle de la langue
cible. Cela dit, l’enseignant a un rôle primordial à jouer dans un dispositif
d’apprentissage par tâches. »

Sur le plan de la linguistique contrastive, on peut également ajouter deux habitudes


linguistiques différentes : le thaï préfère omettre l’emploi des adjectifs alors que le français a
besoin d’expliciter la possession. Considérons cet exemple partant de la version française à
l’appui :

« Après avoir fini ses études, il a été embauché dans une usine ».
On peut la traduire ainsi en thaï :
« latɕa:k+tɕop+ka:ns ksa:
k aw+daja:n+naj+ro:a:n1+h :+ n »
h

après finir étude lui embauché dans usine class un

D’après la traduction littérale de la version thaï, on peut remarquer qu’il n’y a aucun
recours à la possession. Il y a beaucoup de cas productifs tels que : « faire ses études, perdre
sa virginité, payer ses études, risquer sa tête, risque sa vie, etc. ». Dans la tradition du thaï, le
sujet de la phrase suffit pour exprimer la possession implicite. Si je dis « *Je risque vie », le thaï
se fait comprendre à l’idée que c’est la vie du sujet qui est en état critique, c’est pourquoi on
n’a pas besoin d’exprimer nettement rapport de possession établi entre le complément d’objet
direct et le sujet de la phrase.

Dans ce cas, dans notre base de données, il faut qu’on considère ce cas comme une
sorte d’expression au sens large du terme.

7. Comment résoudre la sélection des propositions

Apprendre à nos étudiants à savoir utiliser une bonne préposition en rédigeant une
phrase est une période difficile car le thaï et le français ne voient pas le problème de la même
façon. Nous présentons ici une petite liste d’exemples pour montrer comment le thaï établit un
rapport d’espace et de temps. La reconnaissance des problèmes rencontrés au cours de
l’enseignement nous a permis de créer une base des problèmes liés à l’emploi prépositionnel
pour que nos étudiants puissent franchir plus facilement les obstacles. L’essentiel est que nous
utilisons notre traducteur automatique pour prouver la validité d’une règle de grammaire. Une
fois qu’ils comprennent le problème, ils peuvent s’en servir pour réviser leur connaissance
quand ils voudront.
7.1 Le thaï dit « dans une photo... » / le français dit « sur une photo »

Faire écrire une carte postale aux apprenants est une tâche préférée des enseignants.
Quand on veut parler d’une personne prise en photo, on dit en thaï : « Elle est *dans la photo »
alors qu’en français on dit : « Elle est sur la photo ». Il n’est pas facile de trouver une
explication appropriée pour comprendre la logique du problème. Nous devons emmagasiner
ces cas pour un prétraitement particulier. Cela veut dire que notre traducteur recherchera
d’abord les cas spécifiques pour pouvoir donner une bonne génération.

7.2 Le thaï dit « sur le plafond/au plafond» / le français dit « au plafond... »

Pendant notre enseignement aux faux débutants, nous aimons bien parler « du
plafond » car c’est un objet qu’ils regardent avant de dormir. D’abord, c’est pour leur rappeler
comment le mot « plafond » s’écrit et quel est le genre du mot. Et puis nous demandons en
thaï :

22. mi:+?araj+?ju:+bon+pe:da:n -Qu’est-ce qu’il y a au plafond ?


avoir+quoi+être+sur+plafond -Qu’est-ce qu’il y a *sur le
plafond ?

Pour un Français, il dira toujours « au plafond » alors qu’en thaï on a deux possibilités :
soit « au plafond » soit « sur le plafond ».

7.3 A cause de lui ou grâce à lui ?

En thaï comme en anglais, une cause positive ou négative passe par la seule
préposition « phr/because of ». Par contre, en français, il y a deux groupes prépositionnels
distincts : « grâce à » pour une cause positive ; « à cause de » pour une cause négative.

Comment peut-on arriver à permettre à la machine de sélectionner un groupe


prépositionnel approprié ?

Dans ce cas, nous avons étiqueté certains verbes de nos bases de données de l’une
des deux propriétés binaires. A titre d’exemples, « aimer » porte un trait positif alors que
« détester » porte un trait négatif.

23. tɕʰan+rak-khaw+phr+l:n -Je l’aime grâce à elle.


moi+aimer+lui+grâce à+elle
24. tɕʰan+kli:at+khaw+ phr+l:n -Je le déteste à cause d’elle.
moi+détester+lui+grâce à+elle
Ces deux exemples représentatifs aideront nos étudiants à mieux cerner la subtilité
lexicale de la langue française, là où le thaï ignore l’existence.

7.4 Les prépositions attachées aux verbes

Bien que savoir maîtriser l’emploi des pronoms personnels français soit reconnu
comme une étape importante dans l’apprentissage du français, la plupart des faux débutants à
qui nous avons fait subi un test de deux verbes, « aimer / téléphoner » dont l’un est transitif
direct et l’autre transitif indirect, butent plus précisément sur la confusion entre le
complément d’objet direct et indirect. Même ceux qui sont les plus brillants ne les ont pas
maîtrisés comme il fallait.
Le test utilisé est une liste de phrases en thaï où nous avons mis la phrase avec les
noms et puis celle avec les pronoms.

25. -J’aime Nattapong et Wittaya.


tɕʰan+rak+natt apo+l+witt a
h h

ya:
moi+aimer+Nattapong+et+Wittaya
26. tɕʰan+rak+phu:akkhaw -Je les aime.
moi+aimer+les *Je l’aime.
27. -Je téléphone à Sombat.
tɕʰan+tho:rasap+th+sombat
moi+téléphoner+arriver19+Sombat
28 tɕʰan+tho:rasap+th+khaw -Je lui téléphone.
moi+téléphoner+arriver+lui ?Je téléphone à lui.

Les exemples 23-26 montrent que même pour deux verbes ayant les mêmes pensées
structurales en thaï et en français, les faux débutants qui ont des facilités à l’oral confondent
l’objet direct avec l’objet indirect. Pour l’exemple 26, la plupart des apprenants ont préféré
recourir à la forme tonique suivant la préposition « à ». Encore une fois que cela s’explique par
le fait que la syntaxe du thaï n’a pas d’emploi clitique 20. Sur le plan cognitif, comme les formes
des pronoms français sont pour la plupart variables et dépendent de la structure verbale, le
traitement de l’information prend donc plus de temps.

19
D’après Udom Warotamasikkhadit, un linguiste thaï, à l’origine, le thaï n’a pas à proprement dit de
préposition. Son argument se fonde sur le fait qu’un terme de préposition ne peut pas accepter une
négation. Au contraire, la plupart des prépositions thaï le font. La classe de préposition a été introduite
dans la grammaire du thaï par Uppakitsinlapasan qui écrivit « Siamese Grammar Morphologie » en 1953.
20
« Un pronom est dit « clitique » lorsqu'il ne peut pas être séparé du verbe auquel il se rattache. Il est à
la fois libre morphologiquement et dépendant du point de vue syntaxique. C'est le cas des pronoms
personnels sujets et compléments dits faibles ou atones : Je, tu , il, elle, on, nous, vous, ils, elles, me, te,
se, le, la, les, lui, leur, en, y. (Ces clitiques s'opposent aux formes disjointes dites toniques : moi, toi, lui,
elle(s), eux, soi). Un clitique ne peut pas être employé de façon autonome et ne se trouve jamais en
position accentuée dans la phrase. »
(http://www.henrietteg.com/glossword/index.php?a=term&d=22&t=72)
29. khaw+tɕʰ:fa+tɕʰan -Il m’obéit.
lui+obéir+me
30. khaw+tɕʰ:fa+l:n -Il lui obéit.
lui+obéir+elle
31. nas:+ni:+pen+kh:+ -Ce livre est à Sombat.

sombat
livre+ce+être+de+Sombat
32. nas:+ni:+pen+kh:+khaw -Ce livre est à lui.
livre+ce+être+de+lui

L’un des obstacles difficiles à franchir pour l’apprenant thaïlandais est la distinction
nette entre un transitif indirect demandant une forme du complément d’objet indirect préposé
au verbe et celui exigeant une forme du complément d’objet indirect postposé à la préposition.
Le traducteur automatique est parfaitement applicable pour lui permettre de rappeler et
vérifier les règles concernées. Dans l’exemple 27, après que l’apprenant a obtenu la bonne
réponse, on peut l’inviter à se poser la question de savoir si « m’ », qui est la forme élidée de
« me » est un complément d’objet direct ou indirect. Cette étape est importante car on sait
bien que « me » peut représenter l’une des 3 fonctions : cod, coi et pronominal. En général,
l’apprenant thaï aura tendance à répondre par « cod » car « obéir21 » en thaï est un verbe
transitif direct. Il ne faut pas que l’enseignant donne une explication quelconque. En lui
demandant de remplacer « tɕʰan /moi » par « l:n/elle », l’enseignant l’invite à raisonner
par induction des deux résultats obtenus en lui montrant le tableau des pronoms français.

Au contraire, les exemples 29-30 servent à présenter un adage juridique qui est :
« l’exception confirme la règle » car « être à » impose strictement l’emploi d’un pronom
tonique. Bien que ces exceptions ne soient pas nombreuses22, la confusion reste inévitable. A
propos des règles et des exceptions dans la grammaire française, Georges Duhamel dit ceci :
« Les Français ont édifié une grammaire surprenante, compliquée, tissue de règles strictes et
d'exceptions à la règle23 ».

Pour mieux appréhender le français, la maîtrise des pronoms personnels est une
exigence à respecter dès la première étape de l’apprentissage. Si l’on continue à valider
l’acquisition des pronoms dès la première étape par des questions à choix multiples ou à trous,
sans aucun recours à la langue maternelle je ne pense pas que ce soit rentable sur le long
terme. Je reprends l’idée de Jean Pacquement qui l’a dit plus haut : il ne faut plus que nos

21
En thaï, c’est un verbe sériel composé de deux verbes simples : chua:3/croire+fang1/écouter.
22
Sans compter la structure pronominale, à ma connaissance, il y en a quatre : tenir à, être à, faire
attention à et penser à.
23
Cité dans le CD-ROM du Petit Robert, version 2.
étudiants s’approprient le français « dans le vide », et surtout pour ceux qui étudient le
français comme matière principale24.

8. En guise de conclusion et perspective

Le présent article n’est que le fruit de mes premières réflexions et pratiques


innovantes centrées sur les applications de mon traducteur automatique à l’apprentissage du
français. Ainsi, il est encore loin d’atteindre un résultat fiable, surtout qu’avec les faux
débutants. Je leur ai montré comment utiliser pour arriver à raisonner par induction, à réviser
les règles de grammaire qu’ils confondent souvent.

En ce qui concerne l’autonomisation de l’apprentissage du français, c’est un atout


parce que l’on apprend véritablement à son rythme. Je partage l’avis de Youssef Atrouz
( 2004 ) dans sa conclusion de son article :
« (...) la traduction est une pratique indispensable pour rentabiliser
l’apprentissage du français, ce qui nous pousse à déclarer que la
complémentarité entre traduction et F.L.E est nécessaire et que le mariage
entre ces deux partenaires est légitime par amour et par raison (Nous nous
référons ici à la métaphore proposée par V.Castelloti). Toutefois il faut penser
sérieusement et dès maintenant à l’élaboration d’une didactique de traduction
qui soit compatible avec une didactique de français langue étrangère en vue
d’un maximum d’efficacité et de rentabilité. »

J’attire votre attention sur la métaphore employée par V. Castelloti. Si l’on apprend le
français par « amour (F.L.E.) », il faut qu’on développe sa compréhension pointue sur la
langue. Donc, il faut que l’enseignement du français contribue également à la capacité
d’apprendre de nos apprenants car cela fait 30 ans que notre système éducatif a formé toute
sa jeune génération en imposant les examens finaux principalement fondés sur les questions à
choix multiples25. Les faux débutants à qui j’ai enseigné le français sont le fruit du système. Il
est temps que la traduction humaine ou automatique ne soit plus exclue à l’apprentissage des
langues. Il est temps qu’il y ait une réflexion sérieuse sur la problématique de cette technique
qui nous permettrait non seulement de former de nouvelles générations francophones de
qualité mais aussi de faire revenir d’anciens étudiants de français qui souhaitent revivre leur
français qu’ils laissent endormir par contraintes professionnelles.

24
Je fais allusion à « witɕʰa:?e:k/sujet majeur » d’après le système éducatif universitaire thaïlandais : un
étudiant se concentre sur une filière après avoir fini les cours magistraux imposés à tous les étudiants en
fonction de leur domaine : sciences et technologies, sciences humaines et sociales ou sciences de la santé.
25
Même en mathématiques, un domaine qui demande que l’apprenant sache démontrer des théorèmes,
le contenu du concours d’entrée à l’Université est composé uniquement de questions à choix multiples.
S’agissant de « l’élaboration d’une didactique de traduction qui soit compatible avec
une didactique de français langue étrangère en vue d’un maximum d’efficacité et de
rentabilité », nous pensons poser comme cadre théorique les pratiques éducatives de Paulo
Freire, soutenues par Terezinha Ribas Auada A. et Ruth Scalise Taques Fonseca M.(2001) :

« Paulo Freire affirme que les pratiques éducatives se produisent dans des
contextes historique, social, culturel, économique et politique. Ce point de vue
a été bien accueilli surtout par les professeurs brésiliens de langue étrangère
(LE), puisqu’il donne du prestige et valorise à la fois l’apprentissage des
langues étrangères et l’interrelation entre la langue maternelle (LM) et LE,
dans la mesure où cette démarche peut faciliter et stimuler la progression de
l’élève ».

D’après mes expériences, même après avoir mis le traducteur automatique à la portée
de mes étudiants faux-débutants, ils continuent à mal maîtriser ce qu’ils côtoient au quotidien.
En les faisant travailler sur la structure du verbe « aller » suivi d’un nom de pays, j’ai fait
exprès de mettre sur la liste des exercices élémentaires des noms des pays voisins tels que le
Cambodge (le plus difficile à trouver), le Laos, le Vietnam, l’Indonésie, les Philippines, la
Malaisie, etc. Le résultat n’est pas impressionnant : ils s’intéressent peut-être peu à tout ce qui
concerne les pays voisins, bien qu’ils puissent trouver les informations les concernant. Une
autre explication est peut-être qu’ils se sentent saturés des appellations anglaises et ils ne
trouvent aucune nécessité de les appeler en français.

Pour conclure, il est à rappeler que chaque pays membre de la communauté sud-est
asiatique a voté pour que sa langue soit apprise par les habitants de la région. Cette politique
linguistique entrera en vigueur à partir de l’an 201526. Cela s’explique par le fait que les pays
de la même appartenance géographique se trouvent d’accord pour que leur langue représente
leur identité. Cela traduit leur inquiétude vis-à-vis de leur langue à l’heure où les nouvelles
technologies permettent à leur peuple d’accéder au plurilinguisme. En Thaïlande, ce souci
s’est marqué par la déclaration de la fête nationale de la langue thaï qui date du 29 juillet
1999. La date choisie remonte au 29 juillet 1962, le jour où le monarque Bhumibol Adulyadej a
abordé la question comme suit :

26
Voir le discours prononcé par H.E. Dr. Surin Pitsuwan. « Education is an not only an empowering tool for
every human being an equalizing force as well among the ASEAN peoples. While English is the official
language of the ASEAN, propagating the learning and use of the languages of the Member States increases
appreciation and understanding of each other’s cultures. », [http://www.aseansec.org/documents/091216-
ASEC-Policy-Forum-2.pdf]. Ce discours a pour fondement « le plan socio-culturel de la communauté sud-est
asiatique (ASEAN socio-cultural community blueprint) » où il est du devoir de chaque pays membre de
« soutenir l’apprentissage des langues communautaires et promouvoir les échanges de linguistes
(Support learning of ASEAN languages and promote exchanges of linguists),
[http://www.aseansec.org/5187-19.pdf].
« Nous avons la chance d’avoir notre propre langue depuis l’ancien temps.
C’est pourquoi il faut la conserver. Les problèmes de la conservation sont
plusieurs. Premièrement, il faut que la prononciation soit pure, c’est-à-dire qu’il
faut prononcer clairement. Un autre point qu’l faut purifier est la syntaxe.
Troisièmement, la richesse des mots thaï, nous pensons qu’ils ne sont pas
assez riches, donc il faut en construire de nouveaux (…). C’est vrai que
certains de nouveaux termes sont nécessaires pour la science. Mais il faut
garder de mots simples, il vaut mieux utiliser nos anciens mots existants. Ce
n’est pas la peine d’en construire de nouveaux » (http://th.wikipedia.org).

D’après la traduction, on peut voir que « le monarque est donc contre l'évolution
inévitable des langues car les mots nouveaux permettent aussi aux personnes les utilisant de
se sentir acteurs de changements »27. Sans réflexion, on peut être d’accord avec lui. Mais,
l’avis du monarque n’est pas un ordre déraisonnable, c’est plutôt un avertissement de la
sagesse : utiliser d’abord les mots existants avant d’en construire de nouveaux sinon ils (les
anciens mots) seraient sans valeur !

Références :
Alsabri R. « Ressemblances et divergences : obstacles ou aides pour l’acquisition /
apprentissage des langues étrangères - Le cas d’une étude contrastive « français-arabe»,
[http://130.79.201.195/uploads/media/ALSABRI_Radhwan_03.pdf]
Atrouz Y. ( 2004), « Didactique du F.L.E. et traduction : Une complémentarité incontournable »,
in Le français dans le monde, Juillet-août 2004 - N°334,
[http://www.fdlm.org/fle/article/334/index.php].
Bertrand O. (2005), « Introduction », ouvrage collectif sous la direction d’Olivier Bertrand, dans
Diverserités culturelles et apprentissage du français : approche interculturelle et
problématiques linguistiques, Paris : Editions de l’Ecole Polytechnique.
Blancherie J.-M. (1996), Colloque « Humanités et grandes Ecoles » organisé par la conférence
des grandes Ecoles, Ecole Centrale-INSA Lyon.(avec P Ricoeur, JM Domenach, JP Dupuy, A
Finkielkraut...).
Butzkamm W. (2003), « We only learn language once. The role of the mother tongue in FL
classrooms: death of a dogma », Language Learning Journal, Winter 2003, No 28, pp. 29-39.
Castellotti V. (2001), La langue maternelle en classe de langue étrangère, CLE international
(Coll. D.L.E), Paris.
Castellotti V. (2001), La langue maternelle en classe de langue étrangère, Paris : CLE
International.
Covington M.A., Nute D., Veillino A. (1997), Prolog programming in depth, New Jersey :
Prentice Hall.
Cuq J.-P. et Cruca I. (2005), Cours de didactique du français langue étrangère et seconde,
Grenoble : PUG.
Darbelnet J., Vinay J.-P. (1958), Stylistique comparée du français et de l’anglais, Paris :
Didier.
Griggs P., Carol R. et Bange P., (2002), « La dimension cognitive dans l’apprentissage des
langues étrangères », in Revue Française de Linguistique Appliquée 2002/2, Volume VII, p.25-
28.
Khruathong S.(2007), Vers une analyse micro-systémique en vue d’une traduction
automatique thaï-français : application aux verbes sériels », Thèse de doctorat de 3ème cycle,
soutenu en 2006 à l’Université de Franche-Comté, sous la direction de Sylviane Cardey-
Greenfield.

27
Un avis d’Axel Gauthier, notre relecteur de l’article.
Marchand Frank., Français langue maternelle et français langue étrangère : facteurs de
différenciation et proximités, in Langue française. Vol. 82 N°1. Vers une didactique du
français ?. pp. 67-81.
Mathieu Y.Y. (2000), Les verbes de sentiments, Paris : CNRS Editions.
Rolin-Ianziti J. (2001), « langue maternelle : le retour », in Le français dans le monde, Mai-juin
2001 - N°315, [http://www.fdlm.org/fle/article/315/index.php].
Sungpanich P. (1999), Étude syntaxique et sémantique du groupe prépositionnel du thaï,
Mémoire de D.E.A., Université de Franche-Comté.
Swan M. (1985), « A Critical Look at the Communicative Approach (1) », in ELT Journal, Vol. 39
(1), pp. 76-87.
Swan M. (1985), « A Critical Look at the Communicative Approach (2) », in ELT Journal, Vol. 39
(2), pp. 76-87.
Swan M. (1997), « The influence of the mother tongue on second language vocabulary
acquisition and use », in Vocabulary: Description, Acquisition and Pedagogy, ed. Schmitt and
McCarthy, CUP 1997, pp. 156–180, [http://www.mikeswan.co.uk/elt-applied-
linguistics/influence-second-language.htm].
Terezinha R. A. et Ruth S. T., Fonseca M.(2001), L’alternance langue maternelle/langue
étrangère
dans le contexte éducatif brésilien, in Revue de Didactologie des langues-cultures 2001/1,
N°121, p. 49-61.
Warotamasikkhadit U. (1988), « There are no prepositions in Thai » , in The International
Symposium on Language and Linguistics, ed. C. Bamroongraks et al., Bangkok, Thailand, pp.
70-76.

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