Architectures

bioclimatiques
Image illustrant les échanges thermiques
du corps humain obtenue grâce à un procédé
de strioscopie. Schlieren image, 1982
© Avec l’aimable autorisation
du Dr. Gary S. Settles

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L’architecture bioclimatique recherche un équilibre entre
la conception, la construction de l’habitat, le milieu (climat,
environnement, etc.), les modes et les rythmes de vie des
habitants. Par définition, elle n’utilise pas de ressources
énergétiques fossiles, ni non renouvelables, et minimise le
recours à des systèmes de climatisation qu’on appelle actifs.
On peut donc considérer, de manière générale, qu’un bâtiment
est bioclimatique lorsqu’il assure des conditions de confort
tout en utilisant des dispositifs passifs, ce qui le différencie
notamment des air stream architectures présentées ici. À cause
des problématiques environnementales, ce type de réalisation
fait actuellement l’objet d’une attention particulière.
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Le confort comme recette climatique
L’homme habitant l’air en permanence, il va de soi que créer
un espace confortable équivaut à maîtriser l’air, ce qui revient
à contrôler les paramètres climatiques qui le composent :
sa température, son degré d’humidité relative, sa vitesse, le
rayonnement (la température rayonnante). Cela sous-entend que
les réalisations bioclimatiques nécessitent des connaissances en
physique, en chimie, en thermodynamique et en mécanique des
fluides. Obtenir un espace confortable revient à confectionner
un bon gâteau : c’est une question de dosage des ingrédients. Si
pour réussir son dessert, le Maître pâtissier doit savoir doser la
farine, les œufs, l’eau, le lait, suivant certaines proportions, de la
même manière, pour obtenir un espace confortable, le Maître du
confort doit savoir habilement doser les ingrédients climatiques :
une vitesse de l’air donnée associée à une certaine température
de l’air et une humidité relative déterminée, le tout accompagné
d’une touche de température rayonnante.
Ingrédients climatiques
et typologies d’architecture
Néanmoins, la tâche du Maître du confort est beaucoup plus
complexe que celle du Maître pâtissier car son plan de travail
n’est pas vide, propre et stérile comme dans une belle cuisine
d’un bon restaurant. Les ingrédients climatiques composent
déjà le milieu dans lequel le Maître du confort doit opérer, avec
des dosages qui souvent ne sont pas trop adaptés au confort
humain. Il doit donc faire avec et s’adapter aux ingrédients
déjà présents dans la zone de travail. Pour cela, sa recette
n’est jamais la même et son savoir-faire consiste plutôt en une
intervention qui cherche à rééquilibrer les doses: il doit chercher
à limiter les ingrédients qui sont trop présents et favoriser ceux
qui sont faibles ou absents. Étant donné que chaque région
présente, depuis toujours, ses propres ingrédients climatiques
caractéristiques, l’homme a développé avec le temps certaines
typologies d’architectures traditionnelles sur mesure. Adaptées
aux caractéristiques de chaque macro et microclimat, elles sont
en mesure de rééquilibrer les facteurs climatiques afin d’obtenir
un gâteau agréable, soit un confort propice aux activités
humaines. À titre d’exemple, rappelons le riad marocain et
les tours de vents iraniennes qui sont capables de pallier la
chaleur et l’absence d’humidité typiques du climat désertique ;
la maison romaine avec sa cour intérieure (atrium) faite pour
répondre aux exigences du climat tempéré avec une sécheresse
modérée typique du climat méditerranéen, etc.
Architectures bioclimatiques
Une recette variable selon le temps
et les saisons
Par ailleurs, le Maître du confort doit tenir compte d’un facteur
supplémentaire : le temps. En effet, même à l’intérieur d’une
certaine zone géographique, les ingrédients climatiques ne sont
pas immuables mais sont sujets à des variations importantes
qui dépendent des saisons mais aussi des heures de la journée.
Donc, pour assurer un confort en permanence, le projet
d’architecture bioclimatique doit être en mesure d’évoluer
pour s’adapter aux différentes conditions. À titre d’exemple,
imaginons un projet d’architecture bioclimatique implanté dans
une région à climat tempéré. Pendant la période hivernale, il
doit assurer un rayonnement solaire maximum, accompagné
par une isolation thermique élevée de l’enveloppe du bâtiment
qui permet de préserver la chaleur accumulée. Au contraire, en
été, il doit plutôt protéger le bâtiment du rayonnement solaire
avec des systèmes d’ombrage modulables, utiliser une enceinte
massive assurant une grande inertie thermique, favoriser la
ventilation naturelle afin de dissiper la chaleur accumulée.
Durant les mi-saisons, il doit assurer la combinaison de
solutions capables à la fois de refroidir et de chauffer l’air.
Cela sous-entend que l’architecture doit être plutôt considérée
comme un véritable organisme architectural formé d’un certain
nombre de composants qui peuvent varier au fil de temps pour
assurer différentes configurations de fonctionnement.
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Maîtrise du vent et de la ventilation : méthodologies
Une fois que les ingrédients climatiques de départ sont analysés
et que l’on a arrêté quelle dose de ces derniers il faut utiliser
pour obtenir une recette bien équilibrée capable de produire
un confort optimal, le problème n’est pas encore résolu.
Comment faire pour maîtriser la quantité de chaleur ou de
froid sans utiliser un chauffage électrique ou un climatiseur ?
Comment obtenir un certain degré d’humidité sans devoir
recourir à un déshumidificateur ? Comment faire pour obtenir
une certaine vitesse de l’air sans ventilateur? Et enfin, comment
faire pour obtenir une certaine température rayonnante sans
pouvoir utiliser des lampes rayonnantes? D’après le professeur
Torben Dahl, directeur de l’Institut des sciences du bâtiment
de l’École d’architecture RDA (Royal Danish Academy of
Fine Art), et auteur de « Climate and Architecture » (2010),
doser les ingrédients climatiques revient à maîtriser quatre
thèmes climatiques : la chaleur et le froid, l’humidité relative
et les précipitations, la lumière et l’ombre, et enfin le vent et
la ventilation. Nous limiterons notre réflexion à ce dernier
qui repose sur trois méthodologies : l’aérodynamique,
l’aéroconfort, la ventilation naturelle.
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Maîtrise du vent et de la ventilation :
effets, stratégies, outils
En passant par la maîtrise des différents facteurs (vitesse,
pression, densité, température, etc.) et afin d’atteindre le confort
souhaité, chaque méthodologie vise certains effets. Cela grâce
à l’utilisation d’outils ad hoc, empruntés la plupart du temps
aux constructions traditionnelles du monde entier. Ceux-ci vont
du simple objet architectural (une fenêtre, un écran, des stores,
une grille, des jalousies, des ventelles, un mur plus ou moins
épais, des volets, des panneaux coulissants, un certain type
de matériau, une surface colorée, etc.) jusqu’à des dispositifs
architecturaux plus complexes (des conduites, des cheminées,
des tours et des capteurs de vents, des plans d’eau, des serres,
des murs Trombe, etc.).
Les effets recherchés de l’aérodynamique sont de réduire
les turbulences autour du bâtiment afin de diminuer la
consommation énergétique et d’améliorer les conditions du
confort des piétons circulant autour du bâtiment. Les stratégies
normalement utilisées se basent sur la maîtrise du volume, de la
forme, de la façade, de la surface du bâtiment par l’adoption de
géométries arrondies et de façades lisses.
Les effets recherchés de l’aéroconfort sont multiples : assurer
une protection efficace en maîtrisant le degré d’exposition au
vent, cela grâce à l’orientation du bâtiment et des façades et
à la limitation des ouvertures ; favoriser l’utilisation du vent
(par la maîtrise des flux d’air créés par le vent) grâce à une
forme et une géométrie capables de le canaliser ; régler le débit
de ces flux par la maîtrise de la perméabilité du vent grâce à
l’utilisation d’écrans et d’ouvertures dynamiques ; favoriser le
Architectures bioclimatiques
refroidissement passif par la maîtrise de l’évaporation rendue À l’intérieur du panorama riche et varié des réalisations, les
possible par la présence de bassins d’eau. pages suivantes proposent une sélection des exemples les plus
intéressants parmi lesquels le projet de Querkraft architekten
L’effet recherché par la ventilation naturelle est de créer des
pour le Pavillon autrichien de l’Exposition universelle 2021
courants d’air afin de favoriser un échange d’air entre l’intérieur
de Dubai, composé par un ensemble d’éléments coniques
et l’extérieur de la construction. Les stratégies utilisées sont
(cheminées) à fort gradient thermique associé à un plan
multiples. La première se base sur la maîtrise de la pression
adaptable qui permet différentes configurations de travail ; le
de l’air qui vise la création d’une différence de pression entre
Lycée Schorge de Diébédo Francis Kéré construit
zones du bâtiment ou entre les ouvertures. Cela est possible
à Koudougou (2016), basé sur un plan circulaire fermé associé
par les variations de pression naturelle créées par le vent. Une
à un toit surélevé et à plusieurs tours de vent agissant aussi
autre stratégie repose sur la maîtrise et donc la création d’un
bien comme cheminées que comme capteurs de vent ; le projet
gradient thermique (Thermal lift) entre des parties du bâtiment
Air Tree d’Ecosistema Urbano réalisé à Madrid (2004-2007),
qui peut être atteint à travers différents outils : utilisation d’un
basé sur l’utilisation de trois « dynamiseurs aériens », des
conduit / une façade de verre / des espaces verticaux / etc. Une
éléments multifonctionnels à forme de cylindre et ayant pour
troisième stratégie s’appuie sur la maîtrise de la pression et/
but la planification bioclimatique et le conditionnement des
ou du gradient thermique grâce à la construction d’une tour de
espaces urbains en tant qu’expérience innovante de design
vent (Wind Tower) qui se base sur un double conduit. La partie
urbain durable ; le projet pour le nouveau Siège de l’ARPT à
exposée aux rayons solaires a la capacité d’évacuer l’air (grâce
Alger (2013) de Mario Cucinella, basé sur une forme particulière
aux mouvements de convection qui se créent) tandis que la
qui s’inspire des tu’rats, capables de protéger des vents chauds
partie à l’ombre aspire l’air plus frais (grâce à la création d’une
et en même temps de canaliser ceux chargés d’humidité jusqu’à
sous-pression). Une autre stratégie se base sur la maîtrise de
arriver à condenser sur leur surface des gouttelettes d’eau
la pression et repose sur la construction d’un capteur de vent
minuscules ; la Maison de la Musique de Mario Cucinella située
(Wind Catcher) et sur sa capacité à « attraper » ce dernier pour
à Pieve di Cento (2017), constituée par un ensemble
créer une ventilation descendante basée sur une augmentation
de neuf éléments circulaires compacts et autonomes couverts
de pression. Une dernière stratégie consiste à créer une
par un toit en forme d’aile générant une sous-pression capable
ventilation naturelle améliorée grâce à l’utilisation des dispositifs
d’aspirer naturellement l’air chaud interne.
passifs associés à des dispositifs actifs (par exemple des
ventilateurs).
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 ECOSISTEMA URBANO
PROPRIÉTÉ : AIR COMME MATIÈRE À PRESSION ET HUMIDITÉ VARIABLES
ACTION : AIR QUI RAFRAÎCHIT
MODALITÉ : ARCHITECTURE DU VENT NATUREL
MÉTHODOLOGIES CLIMATIQUES :
AÉROCONFORT (MAÎTRISE DE L’ÉVAPORATION )
VENTILATION NATURELLE (MAÎTRISE DE LA PRESSION ET DE LA VENTILATION)
Le projet : créer un boulevard écologique
basé sur un véritable projet de planification
bioclimatique et de conditionnement des
espaces urbains. Une expérience innovante
de design urbain durable.
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AIR TREE
ESPAGNE, MADRID, 2004-2007
Les architectes d’Ecosistema Urbano (Diego García-Setién,
Belinda Tato, José Luis Vallejo) ont gagné le concours pour
la création d’un éco-boulevard à Vallecas, cofinancé par
l’Union européenne, dans le cadre du développement subur-
bain de ce nouveau quartier de la banlieue madrilène. Face à
un environnement immédiat dégradé et sans intérêt, les ar-
chitectes ont opté pour un système de « recyclage urbain ».
La stratégie retenue poursuit deux objectifs : l’un, de na-
ture sociale, est destiné à générer de l’activité pour com-
bler le manque de dynamisme et d’animation du quartier.
L’autre, à caractère environnemental, vise la réhabilitation
bioclimatique d’un espace extérieur qui, pour les archi-
tectes, passe nécessairement par la forte présence d’arbres
et de végétation. En conséquence, la meilleure intervention
est d’en implanter en grand nombre, mais comme leur
développement va prendre du temps, il est nécessaire, en
attendant, de mettre en place un dispositif capable de pro-
duire les mêmes effets que ceux qui seront engendrés par
ces plantations à l’avenir. La solution proposée consiste en
l’installation de trois grands cylindres alignés baptisés res-
pectivement « media tree », « ludic tree » et « air tree » que
les architectes appellent « dynamiseurs aériens ». Chacun
d’eux fonctionne exactement comme un arbre et régule
l’atmosphère autour de lui. Ce sont des éléments multifonc-
tionnels, capables non seulement de s’adapter aux condi-
tions climatiques pour créer un environnement conditionné,
mais aussi de générer de l’activité autour d’eux. Comme
leurs homologues naturels, ces « arbres à air » sont à la fois
au-dehors mais proposent aussi sous leur « frondaison » un
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espace protégé susceptible d’accueillir les multiples activi-
tés choisies par les utilisateurs.
Chaque cylindre est composé d’une structure métallique
légère, elle-même constituée d’éléments en acier boulon-
né, donc facilement amovible. Concernant « l’air tree », le
revêtement de la cour interne est un mur végétal au carac-
tère pérenne (vignes). Le système d’irrigation au goutte-à-
goutte est composé d’anneaux de distribution pour chaque
plante. La façade extérieure est, quant à elle, constituée par
une séquence de seize demi-cylindres hauts d’une vingtaine
de mètres et maintenus à 4 m au-dessus du sol. Ils sont
fabriqués avec un tissu multicouche de polyéthylène de
haute densité et d’aluminium, afin d’assurer une protection
contre les intempéries. L’intérieur de chaque demi-cylindre
contient un dispositif de ventilation naturelle : une tour d’air
avec un conduit de ventilation tubulaire vertical, fabriqués
en PVC. Au sommet, des capteurs de vent rotatif avec trois
fentes attrapent le vent naturel, qui descend à l’intérieur
des tours, grâce aussi à l’aide du ventilateur à six pales.
Pendant les premiers mètres de la chute, le flux d’air tra-
verse un nuage d’eau atomisée – grâce à un réseau de six
nébuliseurs – qui abaisse la température de 8° à 10° C en
fonction des conditions météo. Ce système, couramment
utilisé dans l’industrie des serres, entre en action lorsque la
température dépasse 27° C.
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Seize panneaux photovoltaïques, installés au sommet de
la structure de l’arbre, assurent l’autonomie énergétique. Le
surplus d’énergie généré est vendu aux fournisseurs d’élec-
tricité offrant ainsi une source de revenu servant l’entretien
de la structure  : un exemple de gestion durable des res-
sources.
Par ailleurs, la création de ces espaces bioclimatiques
agréables relance la fréquentation des lieux. Les architectes
considèrent ces pavillons comme des prothèses tempo-
raires qui, une fois démontés, pourront être réinstallés
dans d’autres lieux urbains présentant les mêmes problé-
matiques. Et à Vallecas, les vides créés par ce démontage
traceront les clairières dans l’espace dorénavant réellement
boisé.
« L’air tree » est un dispositif passif, une architecture
bioclimatique dans un climat chaud et sec, extrêmement
intéressant à plus d’un titre. Tout d’abord, la recherche de
confort en plein air est une problématique contemporaine.
Ensuite, la typologie de la structure lui permet d’être dyna-
mique, créant un espace esthétiquement original. Enfin, ce
système articule différentes méthodes d’aéroconfort et de
ventilation naturelle appartenant au thème climatique de la
maîtrise du vent et de la ventilation.
Le projet – un alignement de trois grands
dispositifs à forme cylindrique basés sur
des techniques passives et énergétiquement
autonomes – fait que l’architecte devenu
gestionnaire des ressources recherche
l’obtention d’un résultat maximal avec une
intervention minimale.
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