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Document 1

C'est un séisme sans bruit. Un individuelle, de droits de l'homme ont si


effondrement silencieux qui saperait les profondément infusé dans notre culture
soubassements de notre société. Les démocratique que leur première
cathos ont le blues, disent-ils. Ils se messagère, l'Eglise, s'en trouve presque
sentent mal aimés, moqués, méprisés. dépossédée, comme le diagnostiquait
Incompris. Mais, pour Danièle Hervieu- Marcel Gauchet.
Léger, la crise est plus grave. Dans son La thèse, cinglante et polémique, met
dernier essai, Catholicisme, la fin d'un cependant hors de cause l'institution
monde (Bayard), paru le 10 avril, la dans ses agissements, ses stratégies et
sociologue des religions n'annonce rien ses discours. Par ailleurs, elle ne manque
de moins que l'imminente désintégration pas de préciser que la fin de l'institution
de l'Eglise. Et, au-delà, c'est tout le en France ne signifie pas la fin du
modèle même de l'institution catholique, catholicisme, ni ne doit occulter la
fondatrice de nos références culturelles bonne santé de l'Eglise hors des
et charpente de nos structures étatiques, frontières européennes. Si cela risque de
qui serait en voie de délitement. Selon déplaire à certains prélats, il s'avère
Danièle Hervieu-Léger, nos cependant partagé par quelques
représentations de l'autorité, de la intellectuels catholiques : « Nous
famille, de la justice, de l'école, sommes passés d'une civilisation holiste
imprégnées, dupliquées même de l'ordre à une société où dominent les modèles
ecclésial, sont en train de muter, laissant individualistes, où personne - ni le
l'Eglise seule, en « état d'apesanteur », à politique, ni le judiciaire, ni le religieux
continuer de fonctionner selon un - ne rassemble, estime le jésuite Henri
système aujourd'hui battu en brèche. Et Madelin, rédacteur en chef de la revue
les valeurs chrétiennes de solidarité, Etudes.
d'égalité des personnes, de liberté

Document 2
Ses fidèles le sentent, ses clercs s'en Pas seulement parce que les petits-
plaignent : l'Eglise n'est plus en odeur de enfants de ce peuple chrétien aux
sainteté aux yeux des Français. A qui la cheveux gris se souviennent à peine
faute et y a-t-il moyen d'y remédier ? Un qu'on les a baptisés. Là n'est pas le pire.
historien, un évêque, une sociologue, un Non : ce que Louis-Marie Billé
jésuite et un journaliste répondent. Les dénonçait à l'automne, c'est « une sorte
cathos ont le blues. Mgr Louis-Marie d'antichristianisme », nourri du
Billé, président de la Conférence sentiment collectif que « le
épiscopale, l'a lui-même reconnu lors de christianisme a donné ce qu'il était en
la dernière assemblée des évêques de mesure de donner, mais qu'il n'a plus sa
France, en novembre : «Les temps sont place dans le paysage ». Constat amer
rudes ». Les temps sont rudes, et pas que partage l'académicien René
seulement parce que l'Eglise compte ses Rémond, auteur, avec Marc Leboucher,
fidèles sur les doigts d'un clergé du Christianisme en accusation (Desclée
clairsemé. Pas seulement parce que ces de Brouwer), dont le succès atteste le
prêtres vieillissants qui attendent la malaise des fidèles. On y dit tout haut ce
relève ne voient rien venir à l'horizon. que beaucoup murmurent depuis
quelque temps: la France n'aime plus ses n'oserait guère avancer les jugements
catholiques. Ou, du moins, ces derniers dépréciatifs ou caricaturaux qu'on porte
ne s'y sentent plus en odeur de sainteté. sur l'Eglise à l'égard des musulmans, et
C'est incontestable : les humoristes ne encore moins des juifs, ou alors on
prennent guère de gants avec l'image s'exposerait à des levées de boucliers
d'un pape aux opinions jugées bien orchestrées.» Faut-il néanmoins
rétrogrades. Sûr aussi que l'Eglise, voir dans cet état de fait le signe d'une
désacralisée, n'est pas plus épargnée par disgrâce ou d'un mépris ? Les cathos
les critiques que les institutions laïques. sont-ils aussi injustement traités que
Que l'imagerie chrétienne inspire les certains d'entre eux semblent le penser ?
publicitaires. Le philosophe jésuite Paul Après tout, Qui bene amat bene castigat
Valadier n'hésite pas, lui, à écrire, dans (Qui aime bien châtie bien)...
Un christianisme d'avenir (Seuil) : «On

Document 3
Alors que l'islam ou le judaïsme ne font protestation lancée par l'hebdomadaire
pas partie du patrimoine culturel de la Témoignage chrétien. Pour la
majorité d'entre nous, sans doute sociologue des religions Danièle
brocarde-t-on le christianisme à la Hervieu-Léger, cet escamotage est une
mesure du sentiment de filiation qui «balourdise de première catégorie »:
nous lie à lui. Et l'on n'a jamais tant écrit, « C'est le fait de pressions de petits
filmé, débattu à propos de la personne de cercles durs à la recherche d'un nouveau
Jésus. Mais, parce qu'ils connaissent souffle pour la laïcité, qui s'imaginent
l'état exact de l'institution, clercs et qu'ils le trouveront en cognant sur la
pratiquants supportent mal cet effet religion ». Une laïcité qui y perdrait
d'optique. Car si, selon les sondages, pourtant sa raison d'être : selon
deux tiers des Français se rangent eux- Hippolyte Simon, elle est, « vis-à-vis du
mêmes dans la catégorie «catholiques», christianisme, comme le lierre avec son
de 10 à 15% d'entre eux seulement - pas arbre : elle en a besoin pour vivre et se
les plus jeunes - assistent encore développer. Mais, si elle étouffe, elle
régulièrement à la messe hebdomadaire. risque fort d'être entraînée dans sa
Les cathos pratiquants se savent chute. »
minoritaires et, à ce titre, réclament le
respect. Lucides, ils n'ignorent pas que
leur Eglise n'a plus la volonté ni les
moyens de régir la société. Pourtant,
certains réflexes anticléricaux semblent
avoir la vie dure : à l'automne 2000, le
gouvernement a exigé des instances
européennes le remplacement des
termes « héritage religieux » par ceux de
« patrimoine spirituel » dans la Charte
des droits fondamentaux de l'Union.
Cette décision a suscité l'indignation des
milieux chrétiens : plus de 70
personnalités ont signé une pétition de

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