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Licence de Physique Appliquée

Année 2003-2004

Introduction à la Physique Quantique

Fascicule I : Physique Nucléaire et Atomique

Philippe Tourrenc, Paulo Angelo, Jérôme Gariel

Université Pierre et Marie Curie


ii
Table des matières

I L’atome et son noyau 1


1 Constitution de l’atome 3
1.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.2 Les constituants de l’atome, le défaut de masse. . . . . . . . . . . . . . . . 3
1.3 Le nuage électronique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
1.4 Le noyau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.4.1 Le rayon nucléaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.4.2 Le modèle de la goutte liquide . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.4.3 Les noyaux stables . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
1.4.4 Les états excités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
1.5 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16

2 Réactions nucléaires 17
2.1 Généralités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
2.1.1 Loi de décroissance exponentielle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
2.1.2 Constantes partielles et demi-vies effectives . . . . . . . . . . . . . 18
2.1.3 Lois de conservations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
2.2 Radioactivité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
2.2.1 Radioactivité α . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
2.2.2 Radioactivité β − . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
2.2.3 Radioactivité β + et capture électronique . . . . . . . . . . . . . . . 23
2.2.4 Les familles radioactives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
2.2.5 Radioactivité γ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
2.3 Fission, Fusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
2.3.1 Fission . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
2.3.2 Fusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
2.4 Les rayonnement ionisants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
2.4.1 Activité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
2.4.2 Effet de la radioactivité, notion de dose . . . . . . . . . . . . . . . 28
2.4.3 Protection . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
2.5 Applications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

II La quantification du rayonnement 35
3 Le rayonnement à l’équilibre thermodynamique 37
3.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
3.2 Les modes d’une cavité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
3.2.1 Cavité à une dimension . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
3.2.2 Cavité à trois dimensions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
iv TABLE DES MATIÈRES

3.3 La densité spectrale d’énergie à l’équilibre thermodynamique . . . . . . . 42


3.4 Les conséquences du calcul de Planck . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
3.5 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47

4 Le photon 49
4.1 L’effet photoélectrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
4.2 L’effet Compton . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
4.3 Les coefficients A et B d’Einstein . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
4.4 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55

III Quantification des systèmes matériels 57


5 Quantification des énergies atomiques. 59
5.1 Les spectres atomiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
5.1.1 Les spectres de raies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
5.1.2 La largeur des raies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
5.2 L’expérience de Franck et Hertz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
5.3 Les ondes de matière . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
5.3.1 La longueur d’onde de de Broglie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
5.3.2 L’atome de Bohr . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66
5.4 Les séries spectrales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
5.4.1 L’atome d’hydrogène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
5.4.2 Les atomes à plusieurs électrons . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
5.4.3 Les spectres de raies, les rayons X et la loi de Moseley . . . . . . . 70
5.5 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73

6 Le magnétisme atomique 77
6.1 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
6.2 Le magnétisme à l’échelle atomique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
6.2.1 Le théorème de Larmor . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80
6.2.2 Les moments magnétiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
6.2.3 L’atome de Bohr . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83
6.2.4 Rapport gyromagnétique et précession de Larmor . . . . . . . . . . 83
6.2.5 L’expérience de Stern et Gerlach . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84
6.3 La théorie de la mesure en mécanique quantique. . . . . . . . . . . . . . . 86
6.3.1 La théorie de la mesure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86
6.3.2 L’expérience de Stern et Gerlach : résultats et interprétation . . . 88
6.3.3 Les mesures incompatibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88
6.4 Le magnétisme à l’échelle macroscopique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
6.4.1 Le diamagnétisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
6.4.2 Le paramagnétisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89
6.5 Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
Introduction

La présente introduction concerne le cours de Physique Nucléaire et Atomique et


celui de Mécanique Quantique de licence. Les notes qui résument chacun de ces cours font
l’objet de deux fascicules distincts mais ils participent du même enseignement, celui de la
physique quantique.
Il existe plusieurs façons d’introduire cette physique quantique qui, bien que ca-
chée, régente le monde macroscopique que nous percevons. Dans le cours qui suit, nous
ne respectons pas la chronologie des découvertes et des compréhensions successives. Ce
serait instructif, mais notre but est, avant tout, de présenter la physique quantique telle
que nous la comprenons aujourd’hui. Nous avons donc choisi de la présenter "ex cathe-
dra", puis d’illuster les étapes importantes qui ont conduit aux conceptions actuelles et
les propriétés remarquables des modèles auxquels les physiciens se réfèrent.
Compte tenu du petit nombre d’heures de cours consacrées à cet enseignement
le présent polycopié ne peut constituer guère plus qu’une introduction. Cependant, les
étudiants qui le souhaitent pourront approfondir ces questions en consultant les nombreux
ouvrages qui existent, parmi lesquels nous citons :
pour la physique nucléaire : L. Valentin, Physique subatomique (2 tomes),
ed. Hermann, Paris
pour la physique atomique : B. Cagnac et J-C. Pebay-Peyroula, Physique
atomique (2 tomes), ed. Dunod, Paris
pour la mécanique quantique : Y. Ayant et E. Belorizky, Cours de mécanique
quantique, ed. Dunod, Paris.

Nous recommandons aussi le livre de M. Alonso et E. Finn, Fundamental Univer-


sity Physics (III Quantum and statistical physics) pour l’ensemble de la physique nucléaire
et atomique et de la mécanique quantique ainsi que l’ouvrage de C. Cohen-Tannoudji, B.
Diu et F. Laloë, Mécanique Quantique (2 tomes) ouvrages dont le contenu dépasse très
largement le programme de licence.

Notations particulières
• Nous utiliserons le symbole ” ∝ ” pour signifier ”équivalent à...” ou ”va-
rie comme...” ou encore ”proportionnel à...”.
• Les symboles " ∼ ” et " ' ” signifient respectivement "de l’ordre de..."
et "à peu près égal à..."
• Nous utiliserons parfois le symbole ” := ” au lieu de ” = ”.
Par exemple, définissant l’accélération nous écririons ” γ x := d2 x/dt2 ”. Aucune
loi n’est exprimée par cette égalité, elle ne représente pas une équation ni un résultat.
C’est seulement une définition.
Par contre pour présenter la loi fondamentale de la dynamique (la seconde loi de


Newton) nous écririons ” F = m− →γ ”.
vi Introduction

Ainsi x3 − 7 := 0 doit être considéré comme la relation de définition de x, tandis


que x3 − 7 = 0 est une équation à résoudre dont la solution devra être notée x0 par
exemple ( ” Soit x0 la solution de l’équation x3 − 7 = 0” s’écrit ”x03 − 7 := 0 ”.).
Lors de démonstrations, nous ferons également usage de ” := ” pour souligner
que telle égalité est bien établie et qu’elle ne fait pas l’objet de la démonstration en cours
(par opposition aux égalités notées ” = ”).
Nous utiliserons le symbole ” := ” dans un souci de concision ou de clarification ;
nous n’en ferons pas un usage systématique.

• ” i.e.” signifie "id est" expression latine que l’on peut traduire par " c’est
à dire ".
n−→ −→ −→o
• Nous utilisons en outre les symboles suivants où i , j , k est une base
orthonormée de l’espace de la géométrie ordinaire et (x, y, z) les coordonnées cartésiennes
correspondantes :
→ −
− →
1. ∧ pour le produit vectoriel de deux vecteurs : V ∧ W .
½ ¾

− ∂ −→ ∂ − → ∂ − → →
− ∂f −
→ ∂f − → ∂f − →
2. ∇ := i, j, k pour le gradient : ∇f(x,y,z) = i + j + k.
∂x ∂y ∂z ∂x ∂y ∂z

− ∂ 2f ∂ 2f ∂ 2f
3. ∆ := ∇ 2 pour le laplacien : ∆f(x,y,z) = + + .
∂x2 ∂y 2 ∂z 2
µ 2 ¶
∂2 1 ∂ 2f ∂ f ∂ 2f ∂ 2f
4. ¤ := 2 2 −∆ pour le dalembertien : ¤f(t,x,y,z) = 2 2 − + +
c ∂t c ∂t ∂x2 ∂y 2 ∂z 2
où c est la vitesse limite de la relativité restreinte (appelée communément "vitesse
de la lumière dans le vide").

Multiples et sous-multiples

MULTIPLES SOUS-MULTIPLES
Facteur Préfixe Symbole Facteur Préfixe Symbole
1024 yotta Y 10−1 déci-. d
1021 zetta Z 10−2 centi c
1018 exa E 10−3 milli m
1015 péta P 10−6 micro µ
1012 téra T 10−9 nano n
109 giga G 10−12 pico p
106 mega M 10−15 femto f
103 kilo k 10−18 atto a
102 hecto h 10−21 zepto z
10 déca-. da 10−24 yocto y

Constantes physiques dont la valeur est fixée par définition


Grandeur Symbole Valeur (unités SI)
célérité de la lumière dans le vide c 299 792 458 m s−1
perméabilité du vide µ0 4π × 10−7 N A−2
1
permittivité du vide ε0 ' 8, 854... × 10−12 F m−1
µ0 c2
Introduction vii

Unités usuelles du système international (SI)

Grandeur Unité Symbole


longueur mètre m
masse kilogramme kg
temps seconde s
courant électrique ampère A
température kelvin K
intensité lumineuse candela cd
quantité mole mol
Grandeur Nom Symbole Equivalent
angle radian rad 1
angle solide stéradian sr 1
Grandeur Nom Symbole Equivalent
fréquence hertz Hz s−1
force newton N kg · m · s−2
pression pascal Pa N · m−2
travail, énergie joule J N· m
puissance watt W J · s−1
Grandeur Nom Symbole Equivalent
charge électrique coulomb C A· s
potentiel électrique volt V J · C−1
champ magnétique tesla T Wb · m−2
flux magnétique weber Wb V· s
champ électrique volt par mètre V m−1 Wb s m−1
Grandeur Nom Symbole Equivalent
résistance ohm Ω V · A−1
conductance siemens S Ω−1
inductance henry H Wb · m−2
capacitance farad F C · V−1
Grandeur Nom Symbole Equivalent
flux lumineux lumen lm cd · sr
éclairement lux lx lm · m−2
Grandeur Nom Symbole Equivalent
(radio)activité becquerel Bq s−1
dose gray Gy J · kg−1
dose équivalente sievert Sv J · kg−1
dari 0, 2 m Sv

N.B. Le dari n’est pas une unité "officielle" ; c’est une unité recommandée par
divers scientifiques. La dose équivalente absorbée en un an par le corps humain, sous l’effet
de ses propres sources radioactives internes est de l’ordre de 1dari.

On utilise aussi les unités suivantes :


l’angström : 1Å = 10−10 m
le fermi ou femtomètre : 1fermi = 1 fm = 10−15 m
le gauss : 1 G = 10−4 T
l’électron-volt : 1 eV ' 1, 602 × 10−19 J
viii Introduction

Constantes physiques usuelles


Les valeurs données ci-dessous sont les valeurs recommandées CODATA 1998.
En répétant la mesure d’une grandeur G, on constate que les résultats sont dis-
persés autour d’une valeur moyenne, G. L’écart quadratique moyen, ∆G, constitue l’in-
certitude standard. Les résultats sont pour la plupart compris entre G − ∆G et G + ∆G
(”la plupart” signifie 68% lorsque les erreurs suivent une loi normale).
On écrit, par exemple, G = 6, 673(10) × 10−11 SI, ce qui signifie que l’incertitude
standard (entre parenthèse) porte sur les deux derniers chiffres (i.e. 73) et vaut donc
0, 010 × 10−11 SI. On peut écrire
¯ de façon
¯ équivalente G = (6, 673 ± 0, 010)) × 10−11 SI.
¯ ¯
L’incertitude relative est alors ∆G/G = 0, 10/6, 673 = 1, 5 10−3 .

Grandeur Symbole Valeur


Nombre d’Avogadro NAv 6,022 141 99(47)×1023
constante de la
G 6,673(10)×10−11 m3 kg−1 s−2
gravitation
h ou hP 6,626 068 76(52)×10−34 J s
constante de Planck
~ = h/2π 1,054 571 596(82)×10−34 J s
charge élémentaire e 1,602 176 462(63)×10−19 C
masse de l’électron m ou me 9,109 381 88(72)×10−31 kg
masse du proton mP 1,672 621 58(13) ×10−27 kg
masse du neutron mN 1,674 927 16(13)×10−27 kg
constante de Boltzmann k ou kB 1,380 6503(24)×10−23 J K−1

On utilise parfois les approximations suivantes

NAv ' 6, 02 × 1023


k ' 8, 62 × 10−5 eV K−1
me c2 ' 0, 511 MeV
mP c2 ' 938, 3 MeV ' mn c2 = 939 MeV
mN c2 ' 939, 6 MeV ' mn c2 = 939 MeV
mn ' 1, 67 × 10−27 kg

où mn est considéré comme la masse du nucléon.


L’unité de masse atomique (1 uma) est le douzième de la masse d’un atome de
carbone 12
6 C :
1 uma = 1.660 538 73(13) × 10−27 kg

Grandeur Symbole Valeur


e2 1
constante de structure fine α= ' 7, 297 × 10−3 '
4πε0 ~c 137, 0
e~
magnéton de Bohr µB = ' 9, 274 × 10−24 J T−1
2me
~
rayon de Bohr a0 = ' 0, 529 2 Å
α me c
π 2 k4
constante de Stefan-Boltzmann σ= ' 5, 671 × 10−8 W m−2 K−4
60 ~3 c2
Energie d’ionisation de 1
EI∞ = α2 me c2 ' 13, 606 eV
l’hydrogène (avec mP → ∞) 2

N.B. La densité d’énergie du rayonnement électromagnétique à l’équilibre ther-


σ
modynamique à la température T est a × T 4 = 4 × T 4 .
c
Introduction ix

L’énergie d’ionisation de l’hydrogène donnée ci-dessus est l’énergie d’extraction


d’un électron piégé dans le potentiel central d’une charge e, ce qui correspond à un atome
d’hydrogène dont le noyau (un proton) resterait immobile à l’origine d’un repère galiléen
(un proton de masse infinie par exemple). En réalité, l’atome d’hydrogène étant isolé, c’est
le centre d’inertie du système {proton, électron} qui reste immobile. On peut démontrer
que pour tenir compte du caractère fini de la masse du proton il convient de remplacer
me mP
me par la masse réduite m = . Les énergies d’ionisation des divers atomes sont
me + mP
données dans le tableau de la figure 1-8, page 8.
Lorsque la charge centrale passe de e à Z e, le rayon a0 devient a0 /Z tandis que
l’énergie EI∞ devient Z 2 EI∞ . Ces résultats se déduisent du modèle de Bohr des systèmes
hydrogénoïdes.

La classification périodique
x Introduction
Introduction xi

Les ondes électromagnétiques

λν = c ' 3 108 m s−1


xii Introduction
Première partie

L’atome et son noyau

1
Chapitre 1
CONSTITUTION DE L’ATOME

1.1 Introduction
L’atomisme fut très tôt introduit, dans des contextes divers, dès le monde antique
avec Leucippe de Milet et son élève Démocrite (5ème siècle avant J-C.). Selon Lucrèce (1er
siècle avant J-C.), dans De natura rerum, le monde étant composé de néant et d’atomes
indestructibles, l’âme disparaît avec la mort ; en outre on peut espérer qu’un univers si
simple devienne complètement compréhensible, sans mystères. Cette thèse qui contredit
l’immortalité de l’âme n’était certes pas au goût des pères de l’église et il fallut attendre
la renaissance pour que l’atomisme refasse surface avec Francis Bacon, Pierre Gassendi
et plus tard, Robert Boyle et Descartes. Progressivement, l’atomisme quitte le domaine
de la philosophie pour investir la chimie et la physique. Au 18ème siècle, les aperçus
prophétiques de Boscovitch préfigurent déjà une nouvelle science mais il fallut cepen-
dant attendre la fin du siècle pour que les travaux de Lavoisier et Proust permettent à
l’hypothèse atomique d’émerger sous sa forme moderne. Cette hypothèse se précise tout
au long du 19ème siècle avec les travaux de Dalton, Gay-Lussac, Avogadro, Mendéleiev
entre autres. Cependant, c’est seulement au 20ème siècle que fut comprise la structure de
l’atome : sa constitution et ses propriétés.

La matière est constituée d’atomes qui s’associent au moyen de liaisons, liaisons


covalentes, liaisons ioniques, liaisons hydrogène, etc. On dénombre un peu plus de 100
éléments différents dont certains qui n’existent pas à l’état naturel, ont été fabriqués
artificiellement.
Les atomes peuvent être considérés comme les constituants élémentaire de la
matière tant que les énergies mises en jeu ne sont pas très importantes. Une telle situation
se rencontre en chimie où les énergies échangées n’excèdent pas quelques électrons-volts
par atome. Cependant, les atomes ne sont pas insécables. Il est possible de les "casser" en
les bombardant avec des projectiles (d’autres atomes éventuellement) dotés d’une énergie
cinétique de plusieurs dizaines d’électron-volts. On met ainsi en évidence deux types de
constituants plus élémentaires encore : les électrons et les noyaux .
Les noyaux ne peuvent pas, non plus, être considérés comme des composants
élémentaires, indestructibles. Certains d’entre eux se décomposent spontanément, de façon
aléatoire : c’est le phénomène de radioactivité ; d’autres encore qui semblent très solides
peuvent cependant être cassés lors de collisions avec divers types de projectiles. On met
ainsi en évidence des constituants ”encore plus élémentaires” : les nucléons ∗ .

1.2 Les constituants de l’atome, le défaut de masse.


Les atomes, tels qu’on les rencontre dans la nature, sont des objets de petites
dimensions. Ils présentent une région centrale de forte densité de masse, le noyau, dont les
∗ Les nucléons sont eux-mêmes constitués de quarks.
4 Constitution de l’atome

dimensions n’excèdent pas quelques femtomètres (1 fm = 10−15 m). Le nuage électronique


entoure le noyau. Ses dimensions n’excèdent pas quelques angström (1Å= 10−10 m).

Les électrons constituent le nuage électronique. Le nombre d’électrons, Z, est


le numéro atomique de l’atome. Les électrons sont des particules de petite masse∗
(m ' 9.1093897 × 10−31 kg) et de charge négative (qe = −e ' −1, 60217733 × 10−19 C).

On distingue deux constituants du noyau, le proton et le neutron. Ces deux


constituants sont considérés comme les deux formes possibles d’une particule que l’on
appelle le nucléon.

Le neutron est une particule de masse mN ' 1, 6749286×10−27 kg sans charge


électrique. A l’état naturel il se décompose par radioactivité pour donner un proton et un
électron.

Le proton admet la masse mP ' 1, 6726231 × 10−27 kg. Il présente une charge
positive qP = e ' 1, 60217733 × 10−19 C.

Les masses du proton et du neutron sont voisines ; dans les applications, on prend
souvent pour masse du nucléon la valeur mn ' 1, 67 × 10−27 kg.

Electron, neutron et proton présentent un spin 12 ~ (moment cinétique intrinsèque).

Le nombre de protons dans le noyau est le nombre de charge du noyau tandis


que le nombre total de nucléons est le nombre de masse. Les atomes sont électriquement
neutres. Cette propriété implique que le nombre de charge est égal au numéro atomique,
Z. Le nombre de masse étant noté A, on représente un noyau sous la forme A Z X où X est
le symbole chimique de l’atome dont le noyau est précisément celui que l’on considère.
Ainsi 12
6 C représente un noyau d’atome de carbone (C) qui est constitué de Z = 6 protons
et de 6 neutrons (c’est à dire de A = 12 nucléons).
Les propriétés chimiques d’un élément sont déterminées par le nuage électronique
de l’atome constitutif de cet élément. Il y a donc redondance entre X et Z. En effet, dans
le cas considéré, 12
6 C, le symbole C signifie que l’on considère le noyau d’un atome de
carbone, c’est à dire le noyau d’un élément dont le numéro atomique est 6. Le noyau d’un
tel corps comprend donc 6 protons car l’atome étant neutre, son nombre de charge est
égal à son numéro atomique.
Deux noyaux qui possèdent le même nombre de charge mais des nombres de
masse différents sont des isotopes. Les propriétés physiques de deux isotopes peuvent
être fort différentes : le carbone 14 12
6 C se décompose spontanément tandis que 6 C est
stable. Cependant, les propriétés chimiques sont pratiquement les mêmes car ces atomes
ont les mêmes numéros atomiques et par conséquent les mêmes nuages électroniques.

Calculons la masse, M, des constituants du noyau de carbone 12 6 C :


M = 6 × mP + 6 × mN = 2, 0085 × 10−26 kg.
La masse d’un atome de carbone, Mat , est égale à 12 uma, par définition de l’unité
de masse atomique. Soit, Mat = 12 × 1, 660 540 2 × 10−27 = 1, 9926 × 10−26 kg. On trouve
Mat < M alors qu’en tenant compte de la masse des électrons on s’attendait à Mat > M.
Il faut admettre que la masse d’un atome n’est pas égale à la masse de ses constituants.
La différence est petite (de l’ordre de 10−3 ). De façon générale, soit M la somme des
∗ "petite" en comparaison avec les nucléons.
Le nuage électronique 5

masses des constituants d’un noyau A


Z X (M = ZmP + NmN avec N = A − Z) et MX
la masse du noyau, la différence M − MX = ∆M est appelé ”défaut de masse”. C’est
une quantité positive.
Depuis l’article d’Einstein de l’automne 1905 nous savons que la variation d’éner-
gie d’un système se traduit par une variation de la masse de ce même système :
∆E = ∆M × c2 (où c est la célérité de la lumière dans le vide).
Ainsi, considérons le système formé de 6 protons et 6 neutrons immobiles, très
éloignés les uns des autres. Sa masse est M. Lorsqu’on rapproche les nucléons, le même
système forme un noyau de carbone 126 C dont la masse est Mat . La quantité (M − Mat )×c
2

est l’énergie perdue par le système lorsque s’est formé le noyau. La formule d’Einstein ne
dit pas sous quelle forme apparaît cette énergie : rayonnement, énergie cinétique...
Inversement, pour décomposer un noyau de carbone en ses nucléons constitutifs
il faut lui fournir l’énergie (M − Mat ) c2 . Cette énergie est l’énergie de liaison du
noyau. L’énergie de liaison est une énergie potentielle que possède le système lorsqu’il est
décomposé en nucléons et qu’il perd lors de la formation du noyau.
Les énergies d’ionisations telles qu’elles apparaissent dans le tableau 1-4 sont des
énergies de liaison. Elles sont de l’ordre de quelques eV; le défaut de masse correspondant
est négligeable. Pour le fer (A = 57) l’énergie de première ionisation est 7, 9 eV. Le défaut
¡ ¢2
de masse correspondant est 7, 9 × 1, 6 10−19 / 3 108 = 1, 3 10−33 kg tandis que la masse
de l’atome est 57 × 1, 67 10−27 kg = 9, 46 10−26 kg. L’accroissement relatif de la masse
du système lors de son ionisation est donc 1, 3 10−33 /9, 46 10−26 ∼ 10−8 . On comprend
pourquoi les réactions chimiques qui laissent les noyaux inchangés, ne permettent pas de
mettre en doute la conservation de la masse. Il n’en est pas de même pour les réactions
nucléaires qui conduisent à des défauts de masse plus facilement observables qui sont
fréquemment de l’ordre de 10−3 .

Négligeons le défaut de masse et remarquons la relation me << mP . On en déduit


que la masse totale des électrons Zme est très inférieure à la masse des protons et par
conséquent à la masse du noyau : Zme << ZmP < ZmP + (A − Z) mN ' Amn ; ainsi on
commet une erreur qui reste de l’ordre de 1% en posant M = Amn où M est la masse de
l’atome.

1.3 Le nuage électronique

Les électrons forment un nuage qui enveloppe le noyau.


Rappelons la loi de Coulomb qui explique pour l’essentiel la cohésion de l’atome.

Soient deux charges ponctuelles q et q 0 situées en M et M 0 . La charge q exerce


−−−→ °−−−→°

− 1 q q 0 MM 0 ° °
sur la charge q 0 la force F q/q0 = 2
où °M M 0 ° = r tandis que ε0 est la
µ 4πε0 r r ¶
1
permittivité diélectrique du vide ' 9, 0 109 SI
4πε0

Les électrons se repoussent donc les uns les autres car ils sont de même charge.
Cependant, ils sont tous attirés par le noyau.
6 Constitution de l’atome

Figure 1-1.
Dans un atome alcalin, par exemple, l’électron de valence est éloigné des autres
électrons qui avec le noyau forment un "coeur" de charge positive (cf. Fig. 1-1). Dans ce
cas, la charge "vue" par l’électron de valence est Ze − (Z − 1)e = e. Il en résulte une force
attractive qui maintient l’électron de valence lié au noyau. Des mécanismes similaires,
bien que plus compliqués, se produisent pour tous les électrons. L’attraction exercée par
le noyau domine et assure la cohésion de l’ensemble.
La description du nuage électronique ne peut se comprendre réellement que dans
le cadre de la mécanique quantique. Une classification astucieuse et pertinente, expliquant
de nombreuses propriétés chimiques, fut cependant établie par Mendeleïev bien avant les
premiers balbutiements de la théorie des quanta† . Cette classification, améliorée, com-
plétée et présentée parfois de diverses façons (cf. page ix et suivantes de l’introduction
et la figure 1-4 ci-dessous) est connue sous le nom de "classification périodique des
éléments".

Les électrons se répartissent en couches, dans chaque couche on distingue les sous
couches et dans les sous-couches les cases ; chaque case peur accueillir 2 électrons que l’on
distingue par l’un des deux symboles ↑ ou ↓ .
Les couches sont numérotées 1, 2, 3, ...n, .... Le nombre n est appelé ”nombre
quantique principal”. Dans la couche n◦ n, les sous couches sont au nombre de n, elles
sont numérotées 0, 1, ... , ...n − 1. Dans la sous-couche n◦ , il y a 2 + 1 cases. Ainsi la
couche n◦ n contient n2 cases qui peuvent accueillir 2n2 électrons.
L’usage veut que l’on distingue les sous-couches au moyen des lettres s, p, d, f et
non des valeurs de = 0, 1, 2, 3.

Figure 1-2. Le soufre : 1s2 2s2 2p6 3s2 3p4


† La théorie des quanta est l’ancêtre des théories quantiques.
Le nuage électronique 7

La figure 1-2 présente un exemple de configuration électronique (celle du soufre,


Z = 16). La notation 2p6 , par exemple signifie qu’il y a 6 électrons sur la sous-couche p
(i.e. = 1) de la couche n◦ 2, c’est à dire que la sous couche est ”saturée”. La figure
1-4 donne les configurations électroniques des atomes dans leur état fondamental (état de
plus basse énergie).
Les couches électroniques périphériques correspondent aux valeurs maximales de
n et . Les propriétés chimiques d’un élément dépendent des configurations de ces couches.
Ce sont leurs configurations qui sont représentées sur le tableau de la figure 1-4.

Les liaisons interatomiques se produisent lorsque les couches extérieures des nuages
électroniques s’interpénètrent. Le tableau de la figure 1-3 permet donc de vérifier que
l’ordre de grandeur des dimensions atomiques est quelques angströms.

Figure 1-3.
Le tableau de la figure 1-4 appelle plusieurs remarques.
• Les nombres quantiques n, , m et s (avec s = 1/2 pour ↑ et s = −1/2 pour
↓) déterminent complètement les propriétés de l’électron correspondant et l’on constate
qu’il n’existe pas deux électrons présentant les mêmes nombres quantiques quel que soit
l’atome considéré. Elevé au rang de principe, cette propriété est connu comme le "prin-
cipe d’exclusion" de Pauli. Le principe d’exclusion ne s’applique pas seulement aux
électrons mais à une famille de corpuscules appelée "Fermions" ; le proton et le neu-
tron, par exemple, sont des fermions.
• La constitution d’un atome, dans son état fondamental, à partir de son
noyau et de ses Z électrons s’effectue de telle sorte que l’énergie potentielle du système soit
minimale. Cette règle est très générale en physique. Le tableau de la figure1-4 représente
le résultat d’une telle opération. Pour n < 4 et < 2, on constate que le remplissage
des couches et des sous-couches s’effectue suivant les valeurs de n croissantes et, pour n
8 Constitution de l’atome

donné, de croissantes. Cette règle est en défaut pour n ≥ 4 ou ≥ 2. D’autres règles


permettent de décrire le remplissage mais nous n’étudierons pas plus avant cet aspect des
propriétés du nuage électronique.
• L’énergie d’ionisation reste de l’ordre de quelques électrons-volts. Un maxi-
mum apparaît pour Z = 2, 10, 18, 36, 54 et 86 ; les atomes correspondant présentent donc
une forte stabilité et peu de réactivité chimique : ce sont les gaz rares.

Figure 1-4.
Le noyau 9

Les atomes ne sont pas nécessairement, toujours, dans leur état fondamental.
Ils peuvent être dans un état excité. L’énergie interne de l’atome d’hydrogène dépend
EI
du nombre quantique principal n qui caractérise son état électronique : En = − 2 où
n
EI ' 13, 6 eV est l’énergie d’ionisation.
La quantification des énergies internes des atomes se traduit par l’existence de
spectres de raies (raies d’émission et raies d’absorption).
EI
Lorsqu’un atome au repos dans un état excité d’énergie − 2 retombe dans un état
n
EI EI EI
de moindre énergie − 2 , il émet un photon de pulsation ω, d’énergie ~ω = − 2 + 2 .
p n p
Les raies dont la pulsation correspondent à p = 1 (état fondamental) sont les raies de
Lyman, les raies de Balmer correspondent à p = 2.

Figure 1-5. Séries spectrales de l’atome d’hydrogène.

L’observation des séries de Lyman et de Balmer est antérieure à la compréhension


de la structure énergétique de l’atome d’hydrogène. L’explication qu’en fournit le modèle
de Bohr∗ constitue une forte justification de ce modèle et des hypothèses qui le sous-
tendent.

1.4 Le noyau
Le noyau constitue la région centrale de l’atome. La quasi totalité de la masse y
est concentrée. La dimension du noyau étant très petite (quelques femtomètres), la densité
y est très élevée (∼ 1018 kg m−3 ).
1.4.1 Le rayon nucléaire
Pour connaître la répartition de charges dans le noyau on le bombarde avec des
électrons dont on étudie la déviation. La densité de charge, ρ, suit approximativement
ρ0
une loi de la forme ρ (r) ' où r est la distance au centre tandis que
1 + e(r−R)/0,5 fm
1/3
R ' A × r0 avec r0 ' 1, 1 fm (rappelons que A est le nombre de masse du noyau).
∗ Le modèle de Bohr est un modèle quantique ; c’est le premier modèle d’atome qui décrit convenable-

ment le spectre d’énergie de l’atome d’hydrogène. Il sera étudié ultérieurement.


10 Constitution de l’atome

Figure 1-6.

La distance R qui apparaît sur la figure 1-6 peut être considérée comme le rayon
de charge du noyau.
Pour étudier la répartition de masse dans le noyau, on utilise comme projectiles
des neutrons de haute énergie. Le rayon du noyau obtenu (rayon de masse) est pratique-
ment le même que le rayon de charge.

1.4.2 Le modèle de la goutte liquide


4
La relation R ' A1/3 ×r0 s’interprète ainsi : le volume du noyau est V := πR3 =
3
4 3
πr0 × A = A v. Le volume du noyau, V, est la somme des volumes des nucléons qui le
3
constituent (A v). Il est donc légitime d’interpréter v comme le volume d’un nucléon et
r0 = 1, 1 fm comme l’ordre de grandeur du rayon d’un nucléon. Le noyau apparaît alors
semblable à une goutte d’eau, constituée de molécules entassées les unes sur les autres et
reliées entre elles par les forces moléculaires de Van der Waals.
Suivant la loi de Coulomb, dans le noyaux, les protons se repoussent car ils pré-
sentent la même charge positive. Une force d’attraction d’intensité bien supérieure à
celle de la force de Coulomb, assure la cohésion de l’ensemble. Cette force est la force
d’interaction forte. C’est cette force qui joue, pour le noyau, un rôle similaire à celui
des forces moléculaires de Van der Waals pour une goutte liquide.

On peut considérer en première approximation que la force (forte) qui s’exerce


entre deux nucléons dérive d’une énergie potentielle V (r), où r est la distance entre les
deux nucléons. L’allure de la fonction V (r) est représentée sur la figure 1-7.
La portée de l’interaction forte qui s’exerce entre deux nucléons n’excède pas
quelque femtomètres ; c’est donc la force de répulsion coulombienne qui domine aux dis-
tances supérieures.
Le noyau 11

Figure 1-7.
La force est attractive pour dV/dr > 0 et répulsive à petite distance, pour
dV /dr < 0.
Pour r & 1 fm l’énergie potentielle est donnée par l’expression de Yukawa :

e−µr
V ' −14, 5 ~c avec 1/µ ' 1, 4 fm
r
V est pratiquement nul lorsque µr est supérieur à quelques unités. On dit que la portée
de la force est 1/µ.
Cette expression mérite d’être comparée à l’énergie potentielle électrostatique de
1 1
deux charges élémentaires de signes opposés :VC ' − ~c . Les deux expressions
137 r
e−µr
de V et VC se présentent sous la même forme : −g ~c . Cependant, la portée de
r
l’interaction coulombienne est infinie (µ = 0).
L’intensité de l’interaction forte est mesurée par g ' 14, 5, elle est à peu près 2000
1
fois celle de l’interaction électromagnétique (g = α ' ).
137
Les forces ainsi décrites assurent la cohésion du noyau.
En mesurant le défaut de masse des noyaux, ∆M, on obtient l’énergie potentielle
totale, somme des énergie potentielles associées aux diverses interactions en présence.
Cette énergie potentielle est notée −B où B est l’énergie de liaison ; c’est une fonction
de A et Z, c’est à dire une fonction du noyau considéré : B = ∆M c2 est toujours positive ;
∆M est le défaut de masse.

Figure 1-8a. B/A Figure 1-8b Ajustement théorique.


Figures 1-8 Energie de liaison par nucléon : B/A

Sur la figure 1-8a on constate que pour A & 20 l’énergie de liaison par nucléon
(B/A) est approximativement une constante de l’ordre de 8, 5 MeV, quel que soit A. Une
analogie s’impose. Pour évaporer un gramme d’eau à partir d’un litre d’eau ou à partir
12 Constitution de l’atome

de 3 ou 4 litres, l’énergie à dépenser est toujours la même. Or les molécules d’eau sont
retenues dans le liquide par les forces de Van der Waals que nous avons déjà évoquées,
tandis que les nucléons sont retenus au sein du noyau par les interactions fortes. Cette
analogie renforce l’image d’un noyau qui serait semblable à une goutte de liquide. Ainsi
8, 5 eV serait l’équivalent de la chaleur latente d’évaporation d’un nucléon.
• En première approximation, l’énergie de liaison est donc de la forme
B = av × A
• Mais il faut corriger cette expression pour tenir compte des nucléons situés
4π 3
à la surface de la goutte liquide. Si le volume du noyau est V = r A, sa surface est
3 0
4πr02 A2/3 , le nombre de nucléons de surface est donc proportionnel à A2/3 et la correction
de surface doit conduire à l’expression B = av × A − as × A2/3
• Les protons pour leur part présentent une énergie potentielle, EC , que l’on
peut calculer en supposant une répartition uniforme de la charge Ze dans la sphère de
3 e2 Z2
rayon R = r0 A1/3 . On trouve ce qui suggère que l’expression précédente
5 4πε0 r0 A1/3
Z2
de B soit modifiée ainsi : B = av × A − as × A2/3 − ac × 1/3 .
A
• Deux autres corrections interviennent. Elles sont de nature quantique et
nous ne pouvons pas en donner une justification simple :
(N − Z)2
la correction d’asymétrie introduit le terme −aa où N est le
A
nombre de neutrons du noyau (i.e. N = A − Z);
enfin on complète l’expression de B par un terme d’appariement δ.
Ce terme dépend de la parité de N et de celle de Z. Son expression est de la forme
(−1)Z + (−1)N −1/2
ap × A .
2
L’expression de B est alors :

Z2 (N − Z)2 (−1)Z + (−1)N


B (A, Z) = av × A − as × A2/3 − ac × − aa × + ap ×
A1/3 A 2 A1/2
(1.1)
avec N = A − Z et av ' 15, 56 MeV, as ' 17, 23 MeV, ac ' 0, 711 MeV, aa ' 23, 6 MeV
et ap ' 12 MeV. Cette expression constitue la formule de Bethe et Weizsäcker,
obtenue dès 1935. Elle fournit l’énergie de liaison d’un noyau quelconque dans son état
fondamental. C’est une formule semi- empirique dont les coefficients sont ajustés de façon
à décrire au mieux l’ensemble des atomes. Le résultat est satisfaisant : le défaut de masse
est déterminé par la formule de Bethe et Weizsäcker à mieux que 1% près pour A > 20
(cf. la figure 1-8b).
1.4.3 Les noyaux stables
De même qu’en physique atomique certaines configuration électroniques sont par-
ticulièrement stables (celle des gaz rares), de même certains noyaux présentent une valeur
élevée du rapport B/A. Pour de tels noyaux, très stables, les nombres de neutrons ou de
protons sont les ”nombres magiques” 2, 8, 20, 28, 50, 82, etc.

Le terme d’appariement accroît l’énergie de liaison pour les noyaux ”pair-pairs”


(Z pair et N pair), ce qui en favorise la formation le cas échéant. Ce même terme défavorise
les atomes impair-impair. Ainsi s’explique les abondances des divers types de noyaux
∼ 200 atomes dont le noyau est pair-pair
∼ 135 atomes dont le noyau est pair-impair ou impair-pair
4 atomes dont le noyau est impair-impair
Le noyau 13

Maintenant, posons nous la question suivante : le nombre de masse, A, étant


donné, quelle est la répartition des nombres de protons, Z, et de neutrons, N = A − Z,
qui correspondent à la configuration la plus stable ?
Pour traiter cette question, nous ne tenons
µ pas compte du terme d’appariement

∂B
qui varie de façon discontinue et nous posons = 0 afin de déterminer les confi-
∂Z A
gurations de stabilité maximale. Il vient
A A
Z= 1 '
2+ 2 (ac /aa ) A2/3 2 + 0, 015 A2/3
La figure 1-9 donne l’allure de la courbe de stabilité ainsi que sa localisation
dans le plan Z − N. Le résultat obtenu est satisfaisant car les noyaux stables se situent
effectivement au voisinage de la ligne de stabilité théorique, dans la zone grise où sont
également localisés les noyaux radioactifs∗ .

Figur 1-9.
Sur la ligne de stabilité, Z est une fonction de A. En remplaçant Z par cette
fonction dans l’expression de B, nous obtenons l’expression théorique de B/A. Le graphe
de cette fonction peut être comparé à la courbe expérimentale (cf. Fig.1-8b). Remarquons
que le terme d’asymétrie est essentiel pour permettre la constitution de noyaux chargés ;
en effet aa = 0 impliquerait Z = 0 : les seuls noyaux stables seraient alors nécessairement
neutres.
De façon générale, le nombre de neutrons est du même ordre, mais supérieur au
nombre de protons. C’est une conséquence de la charge des protons car, en supposant
ac = 0, on aurait en effet N = Z = A/2.
La figure 1-10 donne la représentation dans le plan Z − N, des noyaux stables et
radioactifs.
∗ Un noyau radioactif est un noyau qui se "désintègre" après une certaine durée. Cette durée n’est pas

prédictible autrement que statistiquement. Les produits de la désintégration peuvent être divers selon le
type de radioactivité. Nous étudions ces questions plus en détail au chapitre suivant.
14 Constitution de l’atome

Figure 1-10
Le noyau 15

Les noyaux qui ont le même nombre de charge, Z, mais des nombres de masse
différents sont des ”isotopes”. Ils peuvent tous être les noyaux d’atomes possédant Z
électrons, c’est à dire d’atomes présentant le même nuage électronique et par conséquent
des propriétés chimiques similaires. Ainsi on trouve les atomes de carbone 12 14
6 C et 6 C
dans les mêmes combinaisons chimiques et par conséquents dans les mêmes corps : hydro-
carbures, aliments, bois, etc.
Remarquons qu’il existe souvent plusieurs isotopes stables d’un même corps tandis
que certains noyaux de nombre de charge élevé, n’existent que sous forme instable. La ligne
de stabilité introduite précédemment ne présente donc qu’un caractère descriptif de nature
qualitative ; son existence constitue cependant une justification de la formule de Bethe et
Weizsäcker.
1.4.4 Les états excités
Les noyaux ne sont pas nécessairement dans leur état fondamental. Il peuvent être
excités de diverses manières. Reprenant le modèle de la goutte liquide, on peut imaginer
que l’absorption d’un neutron provoque une déformation de la goutte et des oscillations.
Lorsque la déformation est assez importante, la goutte se scinde en deux (ou plusieurs)
gouttelettes.

Figure 1-11.
Si la distance entre les gouttelettes est supérieure à la portée de l’interaction forte,
cette scission est définitive : c’est une”fission”.

Les énergies internes des noyaux sont quantifiées. Lors des transitions radiatives,
un photon est émis tandis que le noyau subit une transition entre deux niveaux d’énergie.

Figure 1-12
La figure 1-12 montre les niveaux d’énergie de 3 noyaux différents (dont deux
isotopes du xénon.). On remarquera l’échelle des énergies au dessus du niveau fondamental
16 Constitution de l’atome

qui est de l’ordre de 1 MeV dans le domaine nucléaire tandis qu’elle est de l’ordre de 10
eV dans le domaine atomique.
Soulignons enfin que les transitions radiatives entre deux niveaux d’énergie quel-
conque ne sont pas toujours possibles. Certaines règles de sélection doivent également être
satisfaites. Une situation semblable se rencontre en physique atomique.

1.5 Conclusion
Les figures 1-9 et 1-10 montrent que les noyaux qui se répartissent au voisinage
de la ligne de stabilité ne sont pas tous stables. Mais qu’est-ce qu’un noyau instable ?
Un noyau instable est un assemblage de nucléons qui ne restent ensemble que
pendant un temps limité. Si ce temps est très grand (de l’ordre de l’âge de l’Univers
par exemple), on conçoit qu’il est impossible de distinguer un noyau instable d’un noyau
stable. Cependant, dans la réalité, la distinction est pratiquement sans ambiguïté.
Un noyau instable peut subir divers types de modifications. Il peut se ”fendre”
pour donner des noyaux plus petits en éjectant éventuellement des nucléons. Ce mécanisme
de ”fission” nucléaire peut intervenir immédiatement lors de la tentative de fabrication
du noyau instable, il peut intervenir après un certain délai. Ainsi certains atomes lourds
émettent spontanément, après un certain temps, une particule α (i.e. un noyau d’hélium
4
2 He). Un tel mécanisme est appelé ”radioactivité α”.
Dans un noyau instable il peut aussi arriver que les nombres de protons et de
neutrons soient modifiés tandis que le nombre de masse, A, reste constant. De telles
réactions sont observées, elles donnent lieu à la "radioactivité β”.
Au chapitre suivant nous étudions ces divers mécanismes.

Pour conclure ce chapitre, soulignons qu’il faut distinguer clairement les propriétés
de l’atome qui sont celles de son cortège électronique, et les propriétés du noyau. Ainsi le
radon (Rn) est un gaz rare, peu actif chimiquement. Cette caractéristique est due à son
nuage électronique qui présente 8 électrons sur sa couche périphérique (6s2 6p6 ). C’est en
outre un gaz radioactif, propriété qui caractérise son noyau. De même le noyau 12 6 C est
stable tandis que 14
6 C est radioactif.
Chapitre 2
RÉACTIONS NUCLÉAIRES

2.1 Généralités
2.1.1 Loi de décroissance exponentielle
Rutherford et Soddy (1902).
Un atome excité retourne à son état fondamental en émettant un photon.
Dans le domaine nucléaire on rencontre des processus analogues, quoique plus
variés. Un noyau excité peut retourner à son état fondamental en émettant un photon,
mais il peut aussi éjecter un électron, un positon∗ ou une particule α† . Dans ces derniers
processus, le noyau change de nature, il n’est plus associé au même élément car Z ne reste
pas constant.
Tous ces phénomènes, désintégration d’un noyau qui éjecte une particule ou désex-
citation d’un noyau ou d’un atome qui éjecte un photon, sont régis par la même loi de
décroissance exponentielle.
Considérons un système particulier, atome ou noyau, susceptible de se désintégrer
(ou de se désexciter). Un tel processus est caractérisé par une probabilité de désinté-
gration (ou de désexcitation) par unité de temps. Cette probabilité est notée 1/τ :
la probabilité pour que le système se désintègre en un temps dt infinitésimal est dt/τ .
A l’instant initial, t = 0, nous considérons un système qui n’est pas désintégré.
Nous notons p(t) la probabilité pour qu’il ne soit toujours pas désintégré à l’instant t. On
démontre la relation
p(t) = e−t/τ
On considère maintenant une population de N systèmes dont aucun n’est désinté-
gré à l’instant t = 0. Après le temps t on définit la probabilité, Pk (t), pour que k systèmes
ne soient pas désintégrés et que N − k systèmes le soient. On démontre la relation
N! ¡ ¢k ¡ ¢N−k
Pk (t) = × p(t) 1 − p(t)
k! (N − k)!
Le nombre moyen de systèmes non encore désintégrés est alors n(t) = p(t) N =
N e−t/τ . Dans une expérience particulière donnée, le vrai nombre de systèmes non encore
désintégrés, nvrai (t), n’est jamais rigoureusement égal à n (t) . En répétant de nombreuses
fois l’expérience de désintégration de N systèmes on observe
q une dispersion des valeurs
¡ ¢
de nvrai (t) dont l’écart quadratique moyen est ∆n = N p(t) 1 − p(t) . On vérifie la
∆n 1
relation <p . Pour n(t) >> 1 on peut poser
n(t) n(t)

n(t) ' N e−t/τ (2.1)


∗ Le positon est l’anti-électron. C’est une particule de masse m , identique à la masse de l’électron,
e
mais de charge e, opposée à celle de l’électron.
† Une particule α est le noyau d’hélium 4 He.
2
18 Réactions nucléaires

En effet, l’erreur relative est presque certainement inférieure à un terme de l’ordre de


∆n
; elle est donc très petite dans le cas où l’on considère des quantités macroscopiques.
n(t)
10−6
Par exemple, pour un milligramme de radium (226 Ra) il vient n ' et
226 × 1, 67 10−27
1
p . 10−9 . La relation 2.1 est cependant en défaut lorsqu’il ne reste que quelques
n(t)
systèmes non encore désintégrés.
Les propriétés qui précèdent sont démontrées en annexe (page 33).

Dans le cas où n(t) reste très grand, le résultat précédent (2.1) peut être aisément
retrouvé de la façon suivante.
Soit dK le nombre de systèmes qui se désintègre entre t et t + dt et n(t) le
nombre de systèmes non désintégrés à l’instant t. Si n(t) est assez grand, la probabilité
de désintégration pendant dt est presque certainement égale à la proportion de système
dt dK
qui se désintègrent (c’est la loi des grands nombres !) : = . On remarque en outre
τ n(t)
la relation dK = n(t) − n(t + dt) = −dn où dn est la variation de n(t) pendant dt. On en
dt
déduit dn = − n(t). Avec la condition initiale n(0) = N, cette équation différentielle
τ
admet la solution (2.1).

Les processus de désintégration sont donc caractérisés par une constante de


temps τ; celle-ci représente aussi la durée de vie moyenne du système, on dit aussi "vie
moyenne" (cf. annexe page 33). On utilise aussi la demi-vie, ou période, T. La demi-vie
est la durée après laquelle la moitié des systèmes subsistent tandis que l’autre moitié est
désintégrée : N e−T /τ = N/2 par définition de T. On en déduit T = ln 2 × τ ' 0, 693 τ .
Les constantes de temps sont très variables.
• Les constantes de temps des désexcitations radiatives varient, typiquement,
de 10−10 s à 10−3 s dans le domaine optique et de 10−15 s à 1011 s (3000 ans) ou plus, dans
le domaine nucléaire.
Dans le domaine atomique, les photons émis ont des longueurs d’onde qui varient
de celles de l’infra rouge à celles des rayons X, tandis que dans le domaine nucléaire les
longueurs d’ondes sont plus courtes, généralement dans le domaine γ.
• Les constantes de temps des désintégrations radioactives présentent éga-
lement une grande dispersion : le césium (55 Cs), par exemple, présente divers types de
radioactivité selon l’isotope considéré, la demi-vie radioactive des divers isotopes varie de
2 s à 2 106 ans ans ; il existe même un isotope stable.
2.1.2 Constantes partielles et demi-vies effectives
Les divers éléments comme le carbone ou l’hydrogène entrent dans la composition
chimique des aliments sous des formes variées. Après leur ingestion ils ne restent généra-
lement pas dans le corps humain d’où ils sont progressivement éliminés. L’alimentation
n’est pas la seule façon d’absorber des éléments chimiques, la respiration en est une autre.
Après avoir été ingérés ou inhalés, les éléments sont éliminés par le corps humain.
La proportion d’atomes éliminés dans le temps dt est une constante. La population des
atomes évolue donc suivant une loi de décroissance exponentielle : n(t) = N e−t/τ b où τ b
est appelé "constante de temps biologique".
Le carbone 6 C a une constante de vie biologique de l’ordre de l’ordre de 15 jours,
soit une demi-vie biologique de l’ordre de 10 jours tandis que le strontium 38 Sr a une
demi-vie de l’ordre de 40 ans.
Généralités 19

La demi-vie biologique dépend de l’organe où s’est fixé l’élément considéré. Aux


divers organes (os, foie, poumon, etc.) correspondent des constantes de temps biologiques
différentes. Ainsi la demi-vie biologique du carbone varie de quelques minutes à 25 jours.
Par conséquent, dans l’ensemble du corps humain, la population des atomes considérés
ne suit pas une loi de décroissance exponentielle. Cependant chaque élément se fixe de
préférence dans un organe précis∗ , si bien que, sans être une loi rigoureuse, la loi de
décroissance exponentielle reste souvent acceptable.
Bien entendu, la loi de décroissance exponentielle suppose que les éléments s’éli-
minent sans être renouvelés. Ce qui est le cas lors d’une ingestion accidentelle. Ce n’est
pas le cas du carbone dont le renouvellement est assuré par l’alimentation. D’autre part,
l’élimination biologique étant assurée par des mécanisme biologiques, elle ne se produit
que chez les êtres vivants et cesse après leur mort.
Considérons maintenant le cas d’un élément radioactif qui aurait été ingéré, du
phosphore 32 15 P par exemple. Il y a deux causes à l’élimination des noyaux de phosphore
32
15 P . La première cause est la radioactivité qui transforme les noyaux 32 15 P en noyaux de

soufre 32
16 S par radioactivité β (voir ci-dessous § 2.2.2). La demi-vie radioactive de 32
15 P est
environ Tp = 14 jours. La seconde cause est l’élimination biologique qui ne dépend que des
réactions chimiques mises en oeuvre ; elle est donc indépendante de l’isotope considéré. Le
métabolisme du phosphore est complexe : 30% s’élimine très rapidement tandis que 30%
des atomes subsistent très longtemps ; les 40% restant présentent une demi-vie biologique
de l’ordre de Tb = 19 jours. Nous considérons seulement cette dernière population. Soit
n(t) le nombre de noyaux 32 15 P à l’instant t. Le nombre de noyau éliminés par radioactivité
dt
pendant dt est n(t) avec τ p ' 14/ ln 2 ' 20 jours. Le nombre de noyaux éliminés par
τp
dt
les mécanismes biologiques, pendant le même temps, est n(t) avec
τb
τ b ' 19/ ln 2 ' 27 jours. µ ¶
1 1
Le nombre total d’atomes éliminés est donc −dn = + dt × n(t). Nous
τp τb
définissons la constante de temps effective τ ef f :

1 1 1
:= + (2.2)
τ ef f τp τb

µ τ ef f '¶11, 5 jours.
Dans le cas considéré on obtient
1 1 dt
L’équation −dn = + dt × n(t) = × n(t) admet la solution
τp τb τ eff
n = N e−t/τ ef f où N est le nombre d’atomes 32 15 P initialement présents dans la popu-
lation considérée.
La population qui s’élimine rapidement présente une constante de temps biolo-
gique τ b << 27 jours‡ .
La population qui subsiste très longtemps dans le corps humain est une population
dont la constante de temps biologique est très grande (très supérieure à 27 jours). Pour
1 1
cette population il vient τ b >> 27 jours > 20 jours = τ p implique ' .
τ ef f τp
Le raisonnement précédent s’applique aussi dans d’autres circonstances. Le bis-
muth 83 84
212 Bi peut se désintégrer de deux façons différentes, pour donner du polonium 212 P o
81 83
ou du titane 208 T i. La constante de temps de désintégration de 212 Bi est τ = 87, 4 min.
∗ Le carbone se fixe principalement dans les graisses, le plutonium dans les poumons, le strontium dans

les os, l’iode dans la thyroïde, le césium dans l’ensemble du corps, etc.
‡ C’est le sens que l’on donne ici à l’expression "très rapidement".
20 Réactions nucléaires

1
On peut définir la probabilité par unité de temps, λP o := , pour qu’un noyau 83 212 Bi
τPo
1
donne 84212 P o et la probabilité par unité de temps, λT i := , pour obtenir 81
208 T i. Les
τTi
constantes λP o et λT i sont appelées "constantes partielles".
A l’instant t, nous disposons de n atome 83212 Bi. Pendant le temps dt, la production
84 dt dt
de 212 P o est dnP o = n tandis que la production de 81 208 T i est dnT i = n. La
τPo µ τ T i¶
dt 1 1
variation totale de n est donc dn = − n = − (dnP o + dnT i ) = − + n dt.
τ τPo τTi
1 1 1
On en déduit = + . Cette relation est analogue à la relation 2.2 ci-dessus.
τ τPo τTi
1
Posons λ = , il vient
τ
λ = λP o + λT i

Pour caractériser l’une ou l’autre manière de se désintégrer, on introduit ”les rap-


λP o τ λT i τ
ports de branchement” = et = qui, ici, valent respectivement 0, 337
λ τPo λ τTi
et 0, 663 (on remarquera que la somme des rapports de branchement est égale à l’unité).
Connaissant τ = 87, 4 min, il est alors possible de calculer les constantes τ P o ' 259 min
et τ T i ' 131 min qui apparaissent comme des constantes de temps de désintégrations
partielles.
2.1.3 Lois de conservations
Les réactions nucléaires que nous considérons se déroulent ainsi :
1. Avant la réaction le système considéré est constitué par une ensemble de particules
(élémentaires ou composées). Ces particules sont assez éloignées les unes des autres
pour qu’elles ne subissent aucune interaction et se comportent chacune comme des
particules libres.
2. Les particules se rapprochent, elles interagissent, des réactions surviennent.
3. Après avoir interagi, les particules sont de nouveau éloignées les unes des autres,
sans interactions mutuelles ; elles se comportent comme des particules libres.
Au cours de la réaction, les constituants des particules se sont réarrangés et les
particules présentes après la réaction sont différentes des particules présentes avant la
réaction.

Les réactions que nous considérons satisfont certaines lois de conservation que
nous explicitons ci-dessous.

Conservation de l’impulsion et de l’énergie.


L’espace est rapporté à un repère minkowskien (repère particulier qui généralise,
en relativité, le repère galiléen de la mécanique newtonienne).
L’impulsion d’un système de particules indépendantes et libres est la somme des
impulsions de chacune des particules qui constituent le système ; il en est de même de
l’énergie.
L’impulsion, −→p d’une particule libre dépend de sa masse, m, et de sa vitesse −

v :


→ m →

p =p →
− v (2.3)
2
1 − v /c2
Radioactivité 21

L’énergie d’une telle particule est

m c2
E=p (2.4)
1−−
→v 2 /c2

c est ici la célérité maximale que postule la relativité restreinte et dont les expériences
montrent qu’elle est égale à celle de la lumière dans le vide.
Le cas des particules de masse nulle, m = 0, est un cas particulier.
De telles particules (photon, neutrino, graviton) sont associées à des ondes dont
la célérité est c. L’impulsion et l’énergie d’une telle particule s’expriment en fonction de
la fréquence, ν, ou de la pulsation ω = 2πν, de l’onde associée :


→ ~ ω−

p = u , E = ~ω
c
où →
−u est le vecteur unitaire dans la direction et le sens de propagation de l’onde.
La première loi de conservation exprime que l’impulsion et l’énergie sont conservées
dans les réactions considérées.
N.B. Cette loi de conservation est très générale et n’a jamais été mise en défaut.
Remarquons que pour les particules massives non relativiste (− →v 2 /c2 << 1) il
vient
à µ → ¶2 !

− →
− 1 − v
p = m v 1+ + ... ' m − →v
2 c
à µ− ¶2 !
1 →
v 1 →2
E = mc2 1 + + ... ' mc2 + m− v
2 c 2

L’énergie apparaît comme la somme de l’énergie interne, mc2 , et de l’énergie


1 →2
cinétique m− v .
2

Conservation du nombre de masse et du nombre de charge.


Considérons une réaction nucléaire de la forme
A1 A0 A0
Z1 X1 +A 0 0
Z2 X2 →Z 0 X1 +Z 0 X2
2 1 2
1 2

La conservation du nombre de masse signifie que le nombre de nucléons est resté


inchangé au cours de la réaction : A1 + A2 = A01 + A02 .
La conservation du nombre de charge s’écrit : Z1 + Z2 = Z10 + Z20 .
Pour appliquer ces règles il convient d’utiliser les notations suivantes

neutron proton électron positon antiproton photon


1 1
0n = n 1p= p+ 0
−1 e= e− 0
1e = e+ 1
−1 p
0
0γou γ

2.2 Radioactivité
La radioactivité naturelle a été découverte par Henri Becquerel (1896) et la ra-
dioactivité artificielle par Frédéric Joliot et Irène Joliot-Curie (1934). On distingue quatre
types de radioactivité.
22 Réactions nucléaires

2.2.1 Radioactivité α
Lors de la formation des éléments, certains noyaux lourds (A > 150) se sont ”mal
formés” dans la mesure où ils se trouvent être instables et éjectent une particule α (42 He)
suivant la réaction
A A−4 4
Z X →Z−2 Y +2 He + Q

Le noyau AZ X est le ”père” (ou la ”mère” selon que l’on se réfère à une société patriarcale
ou non !), le noyau A−4
Z−2 Y est la fille ou le fils (selon le choix !).
Q est l’énergie apparue dans la réaction. Elle est calculée en supposant que le
noyau père et les noyaux fils sont tous dans leur état fondamental.
Remarquons que le nombre de protons et le nombre de neutrons sont conservés
séparément lors de la radioactivité α.
Considérons par exemple la réaction 238 234 4
92 U →90 T h +2 He + Q. Cette réaction
sera susceptible de se produire si elle conduit à une diminution des énergies potentielles
de liaison des éléments constituant le système. C’est à dire si Q est positif (réaction
exoénergétique).
L’énergie interne de chaque constituant est caractérisée par sa masse. On écrit
l’énergie de chacun des noyaux sous la forme W (A, Z) = A × 1 uma × c2 + δ (A,Z) . Le
tableau 2.5 donne les valeurs de δ (A,Z) :
238 234 4
92 U 90 T h 2 He
(2.5)
47, 3 MeV 40, 6 MeV 2, 4 MeV

On obtient Q = 47, 3 − 40, 6 − 2, 4 ' 4, 3 MeV. Cette énergie apparaît sous forme d’énergie
cinétique des produits de la réaction et éventuellement, pour partie, sous la forme d’une
énergie d’excitation d’un noyau fils.
Le noyau d’uranium étant initialement immobile, l’impulsion est nulle ; elle reste
donc nulle. La relation Q << mc2 , valide pour toutes les masses m en présence, nous assure
que l’utilisation de la mécanique newtonienne n’entraînera pas d’erreur importante. La
conservation de l’impulsion s’écrit donc


mT h →

v T h + mHe −

v He = 0

où mT h et mHe sont les masse des produits de la réaction tandis que −



v T h et −

v He sont
leur vitesse. On en déduit
µ ¶ µ ¶
1 →
− 2 mT h 1 →
− 2
mHe v He = mT h v T h
2 mHe 2

La relation mT h >> mHe implique donc que la particule légère (He) emporte la quasi
totalité de l’énergie cinétique. Ce résultat est assez général pour être souligné.
2.2.2 Radioactivité β −
La radioactivité β − se caractérise par la transformation d’un neutron en proton :
1
0n →11 p + 0
−1 e +ν

Les neutrons à l’état naturel se décomposent spontanément pour donner un proton, un


électron et un antineutrino, ν. Une réaction analogue peut prendre place au sein d’un
noyau :
A A 0
Z X → Z+1 Y + −1 e + ν

Dans cette réaction le nombre total de nucléons est conservé, cependant ce n’est le cas
ni du nombre de protons ni du nombre de neutrons mais seulement de leur somme. On
Radioactivité 23

vérifiera que ce sont les éléments situés au dessus de la ligne de stabilité de la figure 1.4.3
page 13 qui présentent ce type de radioactivité. Le noyau fils, Y, est alors plus près de la
ligne de stabilité que le père, X.
Un exemple est donné par la décomposition du carbone 14 6 C dont la demi-vie est
T = 5730 ans :
14 14 0
6 C → 7 N + −1 e + ν

Un autre exemple est celui du fluor 20 9 F. Le diagramme représenté figure 2-1


schématise la radioactivité β − du fluor dont le fils est le néon 20
10 N e qui est formé dans un
état excité.

Figure 2-1. Figure 2-2

Le néon se désexcite, la radioactivité β − du fluor 20 F s’accompagne donc de


l’émission de rayons γ, constitués de photons de haute énergie (figure 2-1).
On peut voir la radioactivité β − , comme une interaction entre nucléons et élec-
trons. Cette interaction assure une liaison entre électron et proton afin de constituer un
neutron mais cette liaison n’est pas permanente et l’électron finit par s’échapper. Cette
interaction est appelée ”interaction faible”.
2.2.3 Radioactivité β + et capture électronique
Une réaction de décomposition d’un proton apparaît dans certains noyaux in-
stables. Un neutron est produit ainsi qu’un positon et un neutrino :
A A
ZX → Z−1 Y + 01 e + ν

A la différence de la radioactivité β − , une telle réaction n’a pas été observée sur des
protons libres.
Un exemple est fourni par la réaction
11 11
6 C → 5 B + 01 e + ν

L’émission d’un positon peut être remplacée par la capture d’un électron :
A 0 A
ZX + −1 e → Z−1 Y +ν

Ce mécanisme se produit avec des atomes dont le nuage électronique recouvre le noyau.
Un tel recouvrement s’interprète comme la possibilité qu’un électron de la couche pro-
fonde (n = 1) pénètre dans le noyau. Un tel phénomène reste exceptionnel, cependant sa
probabilité n’est pas complètement négligeable pour certains atomes.
Le diagramme de la figure 2-2 représente les divers types de radioactivité β du
cuivre 64
29 Cu avec les rapports de branchement.
24 Réactions nucléaires

2.2.4 Les familles radioactives


On distingue quatre familles radioactives. Le père et ses descendants sont repré-
sentés sur les figures 2-4 ainsi que la nature des désintégrations radioactives subies (i.e. α
ou β).

Figure 2-4a. Série A = 4n Figure 2-4b. Série A = 4n + 2


La série du thorium (i.e. A = 4n) et la série de l’uranium-238 (i.e. A = 4n + 2)
sont des séries naturelles.

Figure 2-4c. Série A = 4n + 3 Figure 2-4d. Série A = 4n + 1


Radioactivité 25

La série de l’uranium-235 (i.e. A = 4n + 3) est une série naturelle tandis que la


série du neptunium (i.e. A = 4n+1) n’existe pas dans la nature, la période du neptunium-
93 étant assez courte pour que la famille se soit éteinte.
Remarquons que les noyaux radioactifs représentés figure 1-10 (page 14) pré-
sentent un type de radioactivité qui dépend de leur position par rapport à la ligne de
stabilité (voir figure 2-6 page 27).
2.2.5 Radioactivité γ
On introduit parfois la radioactivité γ pour désigner la désexcitation d’un noyau
produit dans un état excité. Dans le domaine de la physique atomique, le temps de vie
moyen des états excités est très bref. Il n’en est pas de même dans le domaine nucléaire où
les longues constantes de temps permettent l’utilisation de noyaux dans un état excité au
même titre que les noyaux radioactifs. Ainsi l’iode 125 53 I est produit dans un état excité ;
il a une demi-vie biologique dans la thyroïde de 138 jours et une demi-vie physique de
138 × 60, 2
60, 2 jours. Sa demi-vie effective est donc T = = 42 jours.
138 + 60, 2
Une propriété remarquable des rayonnement émis est la finesse des raies. En
effet lorsqu’une onde est émise, on peut en étudier son spectre de fréquence. Pour cela
on considère la fonction F (ν) représentant l’intensité de l’onde (en W m−2 ) portée par
les composantes de fréquences inférieures à ν. L’intensité portée par les composantes de
dF
fréquence comprises entre ν et ν + dν est donc dν. On définit "l’intensité spectrale"

dF
I (ν) := .

Figure 2-3.
La figure 2-3 représente l’intensité spectrale d’une raie lorentzienne telle qu’on
en rencontre en optique. La largeur de la raie est ∆ν et on peut définir la finesse de la
1 ∆ν ∆ν
raie comme f avec := (i.e. une ”grande” finesse signifie que est ”petit”).
f 2ν 0 2ν 0
Il y a bien des causes d’élargissement des raies. Il est possible de les combattre mais il
1
existe une limite ultime ∆ν ∼ où T est la durée de l’émission. Cette propriété est très
T
générale ; elle se démontre dans le cadre de la mécanique quantique. Il suffit de savoir,
ici, que la durée de l’émission des ondes électromagnétiques n’excède pas une durée de
l’ordre de la vie moyenne de l’état excité. Des rayonnement dont l’énergie est de l’ordre
de 0, 1 MeV ont une fréquence de l’ordre de 2 1019 Hz. Avec τ ∼ 1 s on obtient la limite
∆ν
ultime & 5 10−20 . Cette limite doit être comparée aux limites ultimes du domaine
ν
∆ν
optique (pour l’ion Cr3+ du rubis ∆ν ∼ 103 Hz et ν ∼ 5 1014 Hz soit & 2 10−12 , .ce
ν
qui est une très petite valeur dans le domaine optique). Bien évidemment, abaisser la
limite théorique ultime ne signifie pas que celle-ci peut être atteinte. Il reste néanmoins
que les raies de désexcitations des noyaux sont souvent très fines, beaucoup plus fines que
dans le domaine optique.
26 Réactions nucléaires

2.3 Fission, Fusion


2.3.1 Fission
Nous avons vu (paragraphe 1.4.4, page 15 ) qu’un noyau dans un état excité est
susceptible de se scinder en plusieurs parties. Une telle fission peut être spontanée ; c’est
le cas de la radioactivité α de l’uranium, 235
92 U, par exemple. On peut aussi provoquer la
fission en produisant à partir de l’uranium 235
92 U un noyau excité d’uranium-236 :
235
92 U +10 n → 236 ∗
92 U →X +Y

Si le noyau 236 ∗
92 U possède une énergie d’excitation supérieure à un certain seuil (qui dans
ce cas est de l’ordre de Eseuil = 5, 3 MeV), il se décompose spontanément de diverses
manières possibles.
En supposant que les énergies cinétiques de l’uranium-235 et du neutron sont
négligeables, la conservation de l’énergie s’écrit

92mP c2 + 144mN c2 − B (235, 92) = 92mP c2 + 144mN c2 − B(236, 92) + Q

où B (A, Z) est l’énergie de liaison.


La première condition pour que la fission se produise est Q ≥ Eseuil .
L’énergie Q = B(236, 92) − B(235, 92) peut se calculer à partir de la formule de
Bethe et Weizsäcker (1.1 page 12). On pose Q = Q0 +Qapp où Q0 est calculé en ”oubliant”
le terme d’appariement, Qapp . On trouve Q0 ' 5, 9 MeV et Qapp ' 0, 8 MeV. La valeur
de Q est supérieure à celle du seuil. La fission peut se produire avec des neutrons lents,
des neutrons thermiques par exemple. Par contre, un calcul similaire avec 238 92 U donne
Q0 ' 5, 5 MeV et Qapp ' −0, 8 MeV. Dans ce cas le seuil étant 5, 5 MeV, la fission ne peut
pas se produire sans un apport supplémentaire d’énergie. Les neutrons doivent dans ce
cas être des neutrons ”rapides” dont l’énergie cinétique doit être supérieure à 0, 8 MeV.
Sur ces exemples, on remarquera l’importance du terme d’appariement.

La fission est dite ”exoénergétique” lorsque l’énergie de liaison augmente dans la


réaction. Dans un tel cas le système est devenu plus stable ; son énergie interne a diminué.
Pour fixer les idées, considérons l’une des multiples réactions de fission de 235
92 U :

235
92 U + n →236 ∗ 139 94 1
92 U →56 Ba +36 Kr + 3 0 n.

L’utilisation de la formule de Bethe et Weizsäcker donne :

Q = B (139, 56) + B (94, 36) − B (235, 92) ' 166 MeV.

De façon générale, le diagramme de la figure 1.4.2 page 11 montre que l’énergie


de liaison par nucléon augmente lors de la fission de noyaux lourds en noyaux plus légers.
De telles réactions sont donc généralement exoénergétiques (cf. figure 2-7 ci-après). En
outre la proportion de neutrons dans les noyaux légers est plus faible que dans les noyaux
lourds ; des neutrons libres sont donc produits lors de la fission.
2.3.2 Fusion
Considérons deux protons. Ceux-ci se repoussent selon la loi de Coulomb avec
~c
une force qui dérive de l’énergie potentielle VC = α où α est la constante de structure
r
fine (' 1/137) et r la distance des deux protons. Les protons étant des nucléons, ils sont
soumis à l’interaction forte. Pour r & 1 fm, la force d’interaction forte dérive de l’énergie
~c e−µr
potentielle de Yukawa, VY = g où g est la constante de couplage des interactions
r
fortes (' 14, 5).
Fission, Fusion 27

Figure 2-5.

L’énergie potentielle V (r) est représentée sur la figure 2-5. Si les protons se rap-
prochent à une distance r ∼ 10 fm, l’interaction forte domine (attraction entre les protons)
et la réaction nucléaire 11 H +11 H →21 H + e+ + ν peut intervenir. Le noyau 21 H = D est un
noyau de deutérium, isotope de l’hydrogène qui intervient dans la composition de l’eau
lourde (D2 O).
Un noyau de deutérium peut alors fusionner avec un noyau d’hydrogène :
2 1
1 H +1 H →32 He + γ où γ est un photon et 32 He un isotope de l’hélium.
Enfin, une dernière réaction conduit aux noyaux stable d’hélium et d’hydrogène :
2 32 He → 2 11 H +42 He. Le bilan de ces réactions est le suivant

4 11 H →42 He + 2e+ + ...

Quatre noyaux d’hydrogène dont l’énergie de masse est 4mP c2 ' 3753, 2 MeV, fusionnent
pour former un noyau d’hélium dont ¢ 3727, 4 MeV et deux positons
¡ l’énergie de masse est
de masse égale à celle de l’électron 2me c2 ' 1, 022 MeV .
On obtient Q = 3753, 2 − (3727, 4 + 1, 022) = 24, 778 MeV ' 25 MeV.

Figure 2-6. Figure 2-7.

Lors de la fusion d’éléments légers en un élément lourd, l’énergie de liaison par


nucléon augmente : ces réactions sont donc exoénergétiques (voir la figure 2-7).
28 Réactions nucléaires

2.4 Les rayonnement ionisants


Les rayonnements γ sont susceptibles de ioniser l’air. Cette propriété a été utilisée
pour caractériser les rayonnements. Le röntgen (ou roentgen) est la quantité de rayon-
nement qui produit une unité électrostatique (CGS) de chaque signe dans un 1cm3 d’air
normal et sec (1ues CGS ' 3, 3 10−10 C). Cette unité prétendait mesurer les effets des
rayonnements ionisants ; elle est tombée en désuétude. L’expression ”rayonnement ioni-
sant” a cependant été conservée pour décrire l’ensemble des rayonnements émis lors des
réactions nucléaires (rayonnement γ et particules), en particulier ceux émis par les sources
radioactives, mais aussi les rayonnements X émis par les atomes.
2.4.1 Activité
Les sources radioactives, sont caractérisées leur activité ; c’est-à-dire par le nombre
de désintégrations par seconde qui se produisent en leur sein. L’unité en est le becquerel
(1 Bq = 1 désintégration par seconde). On utilisait autrefois le curie (1 Ci = 3, 7 1010 Bq),
activité d’un gramme de radium. On remarquera que l’activité est homogène à l’inverse
d’un temps. Le becquerel est donc homogène à 1 s−1 , comme le hertz. Cependant ces
grandeurs décrivent des phénomènes différents et il est important de ne pas les confondre.
Considérons une source radioactive de constante de temps τ . Le nombre de noyaux
radioactifs évolue suivant la loi exponentielle N = N0 e−t/τ . Le nombre de désintégrations
e−t/τ N
pendant dt est N(t) − N (t + dt) = −dN = N0 dt = dt. L’activité, A(t), de cette
τ τ
source, à l’instant t, est donc

N (t)
A (t) = = A0 e−t/τ
τ

N0
où A0 = est l’activité à l’instant t = 0.
τ
D’après la définition même de l’activité, si la source contient plusieurs substances
radioactives, l’activité de la source est la somme des activités de ses constituants.
L’activité naturelle est très variable suivant la source considérée. Le tableau ci-
dessous donne l’activité de diverses sources naturelles
Source lait eau de pluie eau minérale
activité 80 Bq/ kg de 0, 3 à 1 Bq/ kg peut dépasser 40 Bq/ kg

Le radon-222 est un gaz de la série de l’uranium-238 ; il est présent sur les ter-
rains granitiques. La radioactivité de l’air due au radon est très variable, de 1 Bq/ m3 à
104 Bq/ m3 . Le corps humain est lui-même radioactif ; son activité est de l’ordre de 104 Bq.
2.4.2 Effet de la radioactivité, notion de dose
Les rayonnements ionisants pénètrent dans la matière où ils sont absorbés. On
définit la ”dose” reçue comme l’énergie déposée dans l’unité de masse. La dose s’ex-
prime en J/ kg, l’unité de dose est le gray : 1Gy = 1 J kg−1 (l’ancienne unité est le
"rad" : 100 rad = 1Gy).
La dose absorbée ne donne qu’une indication grossière des effets biologiques que
produit l’absorption de rayonnement ionisant.
Ces effets dépendent de nombreux facteurs : de l’organe concerné mais aussi de la
nature du rayonnement. L’un des dangers majeurs encourus est la destruction de l’ADN
des cellules. De ce point de vue, les particules massives sont beaucoup plus nocives que les
rayons X. Pour en tenir compte, étant donné un organe particulier (poumon, rein, foie ...),
on multiplie l’énergie absorbée par un coefficient qui dépend de la nature du rayonnement
(par exemple, 1 pour les rayons X et 20 pour les particules α). On additionne toutes les
Les rayonnement ionisants 29

énergie absorbées qui ont été ainsi pondérées ; on obtient alors la ”dose équivalente”
pour l’organe considéré, exprimée en ”sievert” (Sv). La somme des doses équivalentes
reçues par tous les tissus et organes, pondérées en fonction de leur apport au risque total
est appelée ”dose effective”.( on utilise aussi, par abus de langage, l’expression ”dose
équivalente”). Les doses équivalentes et les doses effectives s’expriment en ”sievert” (Sv).
L’ancienne unité était le ”rem” : 1Sv=100rem.
La radioactivité naturelle est due aux rayons cosmiques et aux éléments radioac-
tifs naturels présents dans l’environnement. Une partie importante de la dose reçue par
l’homme tient au radon inhalé et aux éléments radioactifs ingérés, principalement 40 K.
Le tableau ci-dessous donne une indication des doses effectives absorbées en moyenne en
France.
Origine inhalé ingéré tellurique1 cosmique2 médicale3 divers Total4
mSv/an 1,5 0,23 0,6 0,3 1,02 0,08 3,74
1
: varie avec le lieu ( et peut atteindre 2mSv en Bretagne). 2 : varie avec l’altitude
(la dose absorbée dans un voyage Paris-Los Angeles est 0, 05mSv). 3 : une radiographie
pulmonaire fournit 0,2mSv environ tandis qu’un scan complet du corps correspond à une
dose 40 fois supérieure. 4 susceptible de varier du simple au double suivant les cas.
Les radioéléments ingérés se fixent pour partie dans le corps humain (les os par
exemple) si bien que le corps humain est soumis à un rayonnement ionisant dont il est la
source. L’activité du corps humain est de l’ordre de 104 Bq; la dose annuelle correspondante
absorbée, qui est la dose minimale à laquelle nul ne peut échapper, est 1dari = 0, 2mSv/an
(dari = dose annuelle due aux radiations internes).
Ces données doivent être comparées aux normes de sécurité imposées suivant les
catégories de populations (doses effectives à ne pas dépasser) :
1. A : Directement affectés aux travaux sous rayonnement (contrôles dosimétrique et
médical systématiques) : 50mSv/an
2. B : Travaillant en zone contrôlée (contrôle dosimétrique systématique) : 15mSv/an
3. C : Public (aucun contrôle) : 5mSv/an
On estime que la dose effective absorbée en France, due aux sources industrielles
(y compris les centrales nucléaires) et aux retombées des essais nucléaires n’excède pas
0, 1mSv/an. A l’évidence, les problèmes spécifiques liés à l’utilisation des centrales nu-
cléaires ne tiennent pas à la radioactivité des centrales en fonctionnement mais bien plus
à la sécurité (accident des centrales de "Three Miles Island"- Pennsylvanie USA, 1979 et
surtout de "Chernobyl"- Ukraine URSS, 1986) et à la gestion des déchets radioactifs de
longue période.

Les effets nocifs d’une irradiation du corps humain sont multiples : leucémies,
cataractes, cancers, etc... Ils dépendent de la façon dont s’est produite l’irradiation.
Les irradiations aiguës attaquent les cellules jeunes et assez peu différenciées.
La cible privilégiée est la moelle osseuse où se fabriquent le sang et les gonades qui pro-
duisent les gamètes, mais aussi les cellules cancéreuses. Là se limite généralement le danger
lorsque la dose absorbée n’excède pas 0, 5Gy à 1Gy.
Lorsque la dose atteint 4 ou 5 grays, des vomissements et des diarrhées appa-
raissent. Si elle dépasse 50Gy, la mort survient en 2 ou 3 jours.
Les irradiations faibles (moins de 1Gy) produisent des effets retardés dont
la cause n’est donc mise en évidence que de façon statistique. Les irradiation de ce type,
produisent des cancers, elles ont, sur les embryons et les fœtus, des effets qui conduisent
à des malformations.
30 Réactions nucléaires

2.4.3 Protection
Deux types de protections peuvent être mises en place.
1. Un contrôle permanent et l’isolement des sources de radioactivité permet de réduire
les irradiations à un niveau tel que le risque reste du même ordre que le risque
naturel. Une épaisseur d’acier de l’ordre de 20 mm permet de diviser par 2 le débit de
dose de la radioactivité de 60 Co, 137 Cs, 192 Ir, tandis que 10 cm de béton produisent
le même effet.
La loi d’absorption est une loi exponentielle. L’intensité du rayonnement (nombre
de particules par unité de surface et unité de temps par exemple) est donnée en
fonction de la profondeur de pénétration d :

Φ = Φ0 e−µ d
(2.6)

Le tableau ci-dessous donne la pénétration, 1/µ, dans l’air et l’aluminium pour


quelques cas particuliers.
1/µ (en cm) particule α proton p électron e rayon γ
énergie air Al air Al air Al Al
1 MeV 0,5 0,0003 2,3 0,0014 314 0,15 16,4
5 MeV 3,5 0,0025 34 0,019 2000 0,96 7,6
10 MeV 10,7 0,0064 117 0,063 4100 1,96 6,25
2. Les accidents graves relèvent d’un traitement médical. Cependant lors d’une pollu-
tion accidentelle plusieurs méthodes doivent être mises en oeuvre. La décontamina-
tion consiste à éliminer les matières radioactives qui se déposent à la surface des sols
ou sur les vêtements. Dans le cas d’une pollution due à un nuage radioactif comme
celui de Chernobyl, une bonne hygiène alimentaire doit être mise en œuvre afin de ne
pas ingérer d’éléments à longue période effective qui pourraient se fixer dans le corps
humain, comme le strontium-90 qui se fixe dans les os par exemple (Tp ∼ 30ans,
Tb ∼ 40ans). Pour éviter la fixation de certains éléments radioactifs on peut tenter
de saturer les possibilités d’accueil au moyen des mêmes éléments stables. Des pas-
tilles d’iode-127 peuvent être distribuées aux populations ; l’iode-127 stable se fixe
dans la thyroïde et empêche l’iode-131 radioactif (Tp ∼ 3ans, Tb ∼ 2ans) de venir
s’y fixer.

2.5 Applications
Les applications de la physique nucléaire sont multiples.
• Les rayons γ sont utilisés en médecine, dans le traitement des tumeurs
par exemple. Ils ont la propriété de détruire de façon sélective les cellules en voie de diffé-
renciation (cellules cancéreuses mais aussi la racine des cheveux !). Ces rayons γ peuvent
être produits lors de désintégrations radioactive (cf. figure 2-1 page 23.) ou encore lors de
la désexcitation de noyaux comme l’iode 125 53 I.
On utilise aussi les substances radioactives comme marqueurs, pour réaliser des
scintigraphies de la thyroïde ou du myocarde par exemple (On prend des photographies des
organes irradiés et on reconstitue une image en 3 dimensions.). Dans ce cas, on sélectionne
des substances rapidement éliminées par l’organisme car nous avons vu que la radioactivité
peut aussi avoir des effets néfastes.
• La radioactivité est utilisée en géologie pour la datation des roches.
L’uranium-238 donne une cascade de décompositions radioactives qui s’achève
avec 206
82 P b qui est stable (cf . figure 2-4b page 24). Le plomb étant initialement absent,
Applications 31

la proportion d’atomes de 206 238


82 P b et de 92 U permet de déterminer l’âge de la formation
géologique étudiée. La demi-vie de l’uranium-238 est 4, 5 109 ans; à cette échelle, on peut
considérer que le passage du thorium-234 au plomb-206 est instantané. L’âge de la couche
géologique étant t, les nombres
¡ d’atomes
¢ d’uranium et de plomb sont respectivement NU =
N0 e−t/τ et NP b = N0 1 − e−t/τ où N0 est le nombre d’atomes d’uranium initialement
9
présents dans la couche géologique
µ ¶ que τ = 6, 5 10 ans est la constante de temps
tandis
NP b
radioactive. Il vient t ' τ ×ln 1 + . Le temps τ étant connu, la mesure de NP b /NU
NU
donne l’âge, t, cherché. Divers autres éléments radioactifs sont utilisés, en particulier
40
K qui donne le noyau stable 40 Ca par radioactivité β − (demi-vie de 1, 3 109 ans). On
détermine ainsi l’âge des volcans, l’âge de la Terre et des diverses couches géologiques.
En archéologie on utilise aussi le carbone-14 pour la datation de certains ob-
jets.
Le carbone 146 C est produit en permanence dans la haute atmosphère sous l’effet
des rayonnements cosmiques. Par radioactivité β − il donne 14 7 N, noyau stable d’azote.
La demi-vie radioactive est T ' 5700ans. Il s’établit un équilibre entre production et
élimination de 14 C qui conduit à une concentration de 1, 2 10−12 de carbone-14 dans
le carbone naturel (formé essentiellement de carbone-12). L’activité d’un kilogramme de
carbone naturel est donc A = N/τ, où N est le nombre d’atomes de carbone-14 par
kilogramme et τ = T /0, 693 ' 8270ans. On trouve A ' 250 Bq/ kg. C’est l’activité d’un
kilogramme de carbone dans un organisme vivant (plante ou animal) car la présence de
carbone ne dépend que des réactions chimiques mises en jeu, lesquelles sont indépendantes
de l’isotope considéré. Lorsque l’organisme meurt, le carbone n’est pas renouvelé et le
carbone-14 disparaît progressivement. Le charbon de bois des grottes de Lascaux présente
une activité de 36 Bq par kilogramme de carbone. L’activité suit une loi de décroissance
exponentielle (A = A0 e−t/τ ). On en déduit t = τ × ln (250/36) ∼ 16 000ans. Il y a donc
environ 16 000 ans que la plante dont était fait ce charbon de bois a cessé de vivre.
Cette méthode est basée sur l’hypothèse que la proportion de carbone-14 dans le
carbone naturel est restée constante (1,2 10−12 ). Rien ne permet de douter fortement de
cette hypothèse pour les 50 000 dernières années. Il semble cependant que cette proportion
ait diminué (de quelques pourcents) depuis l’avènement de l’ère industrielle.

• Les réactions de fission nucléaire sont utilisées pour produire de l’électricité


dans les réacteurs nucléaires. Nous avons remarqué que des réactions exoénergétiques
se produisent lors de l’absorption de neutrons lents par un noyau d’uranium-235. Ces
réactions produisent à leur tour des neutrons.
Ces neutrons rencontrent d’autres noyaux d’uranium-235 à la condition que ceux-
ci ne soient pas trop rares.
Dans ces conditions les neutrons produits provoquent la fission d’autres noyaux
d’uranium-235, fission qui produit des neutrons qui, à leur tour, provoquent ... etc.
De telles réactions en chaîne doivent être maîtrisées sinon elles deviennent
explosives. Pour l’éviter, on ne stocke la matière fissile qu’en petite quantité. En effet,
si la masse est inférieure à une masse dite "masse critique", les neutrons produits
n’ont que peu de chance de rencontrer un noyau à désintégrer avant qu’ils ne quittent le
matériau. Dans ces conditions, même si une première réaction survient par hasard, elle
n’est suivie d’aucune réaction en chaîne.
Pour éviter les réactions en chaîne dans les réacteurs nucléaires on utilise des
barres de contrôle (en bore par exemple) qui absorbent les neutrons à volonté.
Nous avons vu que les neutrons thermiques (neutrons lents) provoquent la fission
de l’uranium-235. Les neutrons produits peuvent être ralentis au moyen d’un ralentisseur
(eau lourde ou graphite) afin d’adapter leur vitesse de telle sorte qu’ils soient aisément
32 Réactions nucléaires

absorbés par l’uranium-235.


L’énergie apparaît sous forme de chaleur. Celle-ci est évacuée par un fluide
”caloporteur ”, eau, gaz ou métal liquide, le sodium par exemple, suivant la nature du
combustible† et le type de réacteur.

Figure 2-8.
Un réacteur nucléaire (figure 2-8) est donc une source de chaleur qui est utilisée
comme source chaude d’un moteur thermique afin de produire de l’électricité.
Remarquons que l’uranium naturel est principalement constitué d’uranium-238.
L’uranium-235 représente seulement 0, 7% de l’uranium naturel qu’il faut donc enrichir
(jusqu’à 3% environ) pour l’utiliser comme combustible nucléaire.

• Les réactions de fusion font l’objet de recherches depuis plusieurs décennies


afin de pouvoir un jour maîtriser cette source d’énergie. De telles réactions se produisent
lorsque deux nucléons s’approchent d’une dizaine de fermis (voir figure 2-5 page 27). Pour
démarrer la réaction, il faut donc maintenir confinés des noyaux d’hydrogène, 11 H, de
deutérium 21 H, de tritium 31 H, et leur fournir une énergie cinétique suffisante pour vaincre
1
la répulsion coulombienne, c’est à dire une énergie de l’ordre de α~c × ' 0, 14 MeV.
r
Malgré la difficulté de l’entreprise, on a déjà observé des réactions thermonucléaires en
laboratoire mais un long chemin reste à parcourir pour aboutir dans des conditions de
sécurité acceptables, à des coûts acceptables.
Les réactions de fusion se produisent dans les étoiles. La réaction décrite au pa-
ragraphe 2.3.2 page 26 est la principale source d’énergie dans les étoiles comme notre
Soleil, étoile de la "séquence principale", de "type G". L’étude des quantités d’hydrogène
et d’hélium dans le soleil montre que celui-ci est vieux de 4, 5 109 ans environ et qu’il va
"brûler" son hydrogène pendant le même laps de temps environ. Lorsque l’hydrogène aura
disparu, une contraction du Soleil se produira (aucune pression interne ne s’opposant plus
à la gravité). Cette contraction provoquera un échauffement suffisant pour que les noyaux
d’hélium subissent eux-même une fusion qui produira du carbone (c’est le flash de l’hé-
lium). Ainsi, des réactions successives démarreront, avec une alternance de contractions et
† L’uranium-235 n’est pas le seul combustible possible, l’uranium naturel (238) est également utilisé.
Applications 33

de dilatations. Le Soleil pourra même se dilater au delà de l’orbite de la Terre, devenant


ainsi une "géante rouge".
Si le Soleil était une étoile de grande masse (plusieurs masses solaires) les réactions
ultérieures donneraient une explosion (super nova). Il resterait alors un noyau stellaire très
dense (étoile à neutron). Il se pourrait même qu’un trou noir se forme.
La masse de notre Soleil est trop petite pour de tels mécanismes. Les réactions
de fusion se succéderont jusqu’à la production des noyaux les plus stables (voir figure
2-7 page 27) et le sort final du Soleil sera sans doute celui d’une naine blanche, en fer
peut-être.

Annexe
1- Initialement, à l’instant t = 0, le système n’est pas désintégré. Soit p(t) la
probabilité pour que le système ne soit pas désintégré à l’instant t.
La probabilité pour que le système ne soit pas désintégré à l’instant t + dt est
égale à la probabilité qu’il ne le soit pas à l’instant t (i.e. p(t)) et qu’il ne se désintègre
pas pendant dt (i.e. 1 − dt/τ). Ainsi il vient p(t + dt) = p(t) × (1 − dt/τ ) . On en déduit
dt
p(t+dt)−p(t) := dp = −p . Cette équation s’intègre : p = p0 e−t/τ où p0 est une constante
τ
d’intégration. Les conditions initiales signifient qu’à l’instant t = 0 nous sommes certains
que le système n’est pas désintégré : p(0) = 1. On en déduit p(t) = e−t/τ .

2a- A l’instant t = 0 nous disposons de N systèmes non désintégrés. Nous


considérons le cas où à l’instant t, le nombre de systèmes non désintégrés est k. Cette
éventualité peut être réalisée en tirant k systèmes de l’ensemble N de toutes les manières
k N!
possibles. Il y a CN = tirages différents possibles. Chaque tirage présente
k! (N − k)!
donc k système non désintégrés et N − k systèmes désintégrés. La probabilité d’un tel
N−k
événement est p(t)k × (1 − p(t)) . Comme l’éventualité considérée peut être réalisée
k
par CN événements indépendants, la probabilité de disposer à l’instant t de k système
N!
non désintégrés est Pk (t) = CNk
× p(t)k (1 − p(t))N−k = p(t)k (1 − p(t))N−k
k! (N − k)!

2b- L’espérance mathématique de k est


P P
n(t) := hki := k
kPk (t) := k × CN p(t)k (1 − p(t))N−k .
k k
µ ¶
P k k N−k ∂ P k k N−k
Formons F (x, y) := k × CN x y = x× C x y . Nous uti-
∂x k N
P k k kN−k
lisons la relation CN x y = (x + y)N ; il vient F (x, y) = x × N (x + y)N−1 .
k
Nous posons x = p(t) et y = 1 − p(t), dans ces conditions, F = n(t) par définition et
F = p(t) × N on en déduit n(t) = N p(t) = N e−t/τ .

moyenne de k2 on opère de façon semblable.


3- Pour calculer laP
On pose G(x, y) := k2 × CN
k
xk y N−k .
k
On vérifie la relation
µ µ ¶¶ µ ¶
∂ ∂ P k k N−k ∂ ∂ N
G(x, y) = x x C x y =x x (x + y) .
∂x ∂x k N ∂x ∂x
34 Réactions nucléaires

En posant x = p et y = 1 − p, on trouve
­ ®
G(p, 1 − p) = k2 = N p − N p2 + N 2 p2 .

La variance de la loi de probabilité suivi par k est


­ ®
V = k2 − hki2 = N p (1 − p) .

C’est la racine de cette quantité que l’on considère commepun indicateur de la


dispersion des résultats possibles lors de la mesure de k : ∆n = N p (1 − p). On en
√ √ √
déduit ∆n/n = 1 − p/ n ≤ 1/ n .

4- La probabilité, π(t)dt, pour qu’un système se désintègre entre t et t + dt


s’obtient en remarquant que le système ne doit pas être désintégré à l’instant t (probabilité
p(t)) et qu’il doit se désintégrer pendant le temps dt (probabilité dt/τ ). On trouve donc
π(t)dt = p(t) × dt/τ . La durée de vie moyenne du système est donc
R∞ R∞ dt
hti = 0 t π(t)dt = 0 t e−t/τ = τ.
τ
On démontre que l’écart type de cette loi est ∆t = τ . C’est un ordre de grandeur
de la dispersion, autour de hti , des résultats des mesures de temps de vie. Remarquons
que cette dispersion (appelée parfois "incertitude") n’est pas due à une imprécision des
mesures ; c’est une dispersion fondamentalement liée au phénomène de la radioactivité.
La durée de vie moyenne est égale à la constante de temps de la radioactivité et à l’écart
quadratique moyen des résultats des mesures de la durée de vie : hti = τ = ∆t
Deuxième partie

La quantification du
rayonnement

35
Chapitre 3
LE RAYONNEMENT À L’ÉQUILIBRE THERMODYNAMIQUE

3.1 Introduction
L’Univers est peuplé de matière et de rayonnement. Les rayonnements que nous
avons rencontrés sont soit des ondes (ondes électromagnétiques ou neutriniques), soit
des rayonnements constitués par des jets de particules massives : rayonnement α ou β.
Par la suite, sauf mention contraire, le terme "rayonnement" désignera le rayonnement
électromagnétique.
La matière présente une grande diversité : électrons, nucléons, noyaux, atomes
et molécules, etc, ainsi que toutes les particules et antiparticules produites dans des an-
neaux de collisions comme ceux du CERN à Genève (Centre d’Etude et de Recherches
Nucléaires).
Les niveaux d’énergie au sein des noyaux, des atomes et des molécules sont quan-
tifiés ; nous y reviendrons ultérieurement. Certaines transitions entre ces niveaux d’éner-
gie peuvent se produire par absorption d’énergie électromagnétique ou par désexcitation
radiative. Pour décrire l’ensemble de ces mécanismes, il faut connaître la structure du
rayonnement (électromagnétique), la façon dont la matière est organisée et la nature des
interactions possibles.
Ce cours a pour but d’introduire les concepts de base nécessaires. Plus précisé-
ment, ce chapitre est consacré à la première tentative de quantification du rayonnement
qui, menée à bien par Planck en 1900, permit d’interpréter convenablement le "spectre
du corps noir".

Une question difficile, posée à la fin du 19ème siècle, concernait le rayonnement


électromagnétique à l’équilibre thermodynamique. Un tel rayonnement est égale-
ment appelé "rayonnement thermique" ou encore "rayonnement du corps noir "
pour des raisons que l’on explicitera plus loin.
Les atomes et les molécules sont neutres en moyenne. La densité de charge n’y est
cependant pas nulle en chaque point (le noyau présente une densité positive et le nuage
électronique une densité négative). Dans un gaz, par exemple, sous l’effet de l’agitation
thermique, les molécules entrent en collision entre elles et avec les parois du récipient qui
les contient. Lors de ces collisions, la répartition des charges varie au sein des molécules
et un rayonnement électromagnétique est produit. C’est ce rayonnement, conséquence de
l’agitation thermique, qui constitue le rayonnement du corps noir. Un tel rayonnement est
émis par tout corps, du fait qu’il n’est pas au zéro absolu. On dit qu’il est produit par
"incandescence". Lorsque le rayonnement n’est pas d’origine thermique, on dit qu’il est
produit par "luminescence".
N.B. Des atomes peuvent être excités par les chocs de particules accélérées à cet
effet. La luminescence intervient, par exemple, lors de la désexcitation spontanée de ces
atomes.
Le rayonnement du corps noir est homogène et isotrope. Pour le décrire on intro-
38 Le rayonnement à l’équilibre thermodynamique

duit sa ”densité spectrale d’énergie”, ρ. L’énergie du rayonnement électromagnétique


contenue dans l’unité de volume est la ”densité d’énergie”, u (en J m−3 ). L’énergie par
unité de volume, du rayonnement dont la fréquence appartient à la bande [ν, ν + dν] s’écrit
sous Rla forme ρ dν où ρ est la densité spectrale d’énergie (en J m−3 Hz−1 ). Ainsi il vient

u = 0 ρ dν.
Des raisonnements thermodynamiques, souvent très astucieux, permirent de dé-
montrer de nombreuses propriétés et d’établir des lois précises. Décrivons succinctement
les principaux résultats déjà connus avant l’introduction des idées de Planck.
• La densité spectrale d’énergie, ρ, est une fonction de la fréquence ν et de
la température d’équilibre considéré, T. La manière dont le rayonnement d’équilibre est
atteint n’intervient pas dans l’expression de ρ (ν, T ) . Cela signifie qu’il n’existe qu’un seul
rayonnement d’équilibre thermodynamique.
• Un corps noir absorbe toutes les radiations qui tombent dessus. Au voisi-
nage d’une telle substance, à l’équilibre thermodynamique, le rayonnement est précisément
le rayonnement d’équilibre thermique. En première approximation, de nombreux systèmes
possèdent cette propriété : le noir de fumée (c’est la raison pour laquelle le rayonnement
d’équilibre thermique est encore appelé rayonnement du corps noir), un petit orifice dans
une enceinte isotherme, un four par exemple (cf. figure 3-1), une étoile, etc...

Figure 3-1.

• Considérons l’élément de surface dS de corps noir. Nous observons dS


suivant la ligne de visée D, faisant avec la normale à dS un angle θ. L’apparence de la
surface dS, est indépendante de θ. Ainsi une sphère incandescente apparaît comme un
disque d’éclat uniforme. Le Soleil paraît plus lumineux au centre que sur les bords ; ce
n’est donc pas un corps noir parfait.
• La loi de Wien donne la forme de la densité spectrale d’énergie :
ρ = T 3 Φ (ν/T ) . On en déduit que ρ (ν) est maximal pour ν m = b T où b est une
constante.
R∞ • La densité d’énergie du Rrayonnement d’équilibre thermodynamique est

u = 0 T 3 Φ (ν/T ) dν = a T 4 où a = 0 Φ (x) dx est une constante. C’est la loi de
Stefan.
Remarquons que la densité spectrale d’énergie peut être définie au moyen de la
longueur d’onde. Dans ce cas r (λ, T ) dλ est la densité d’énergie des radiations dont la
longueur d’onde appartient à l’intervalle [λ − dλ, λ] .
ν2
La relation λ = c/ν donne r (λ, T ) = ρ (ν, T ) avec λ ν = c.
c
Les modes d’une cavité 39

N.B. Ce changement de représentation modifie la loi de déplacement de Wien :


c
r = T Ψ (λ T ) . Le maximum de r est atteint pour λ = λm = b0 /T 6=
5
= c/ν m .
bT
Les difficultés commencent lorsqu’on cherche la forme explicite de ρ (ν, T ) .

3.2 Les modes d’une cavité


Nous devons maintenant décrire la façon dont l’énergie électromagnétique se ré-
partit dans l’espace. Le plus simple consiste à considérer une cavité parallélépipédique
aux parois parfaitement réfléchissantes, dans laquelle on a déposé une parcelle de noir
de fumée qui absorbe, tôt ou tard, les rayonnements présents et émet un rayonnement
purement thermique.
Nous nous proposons d’étudier comment l’énergie électromagnétique se répartit
dans la cavité. Nous présentons ici un modèle simple qui permet de saisir la description
mathématique et les idées physiques que l’on trouvera plus développées dans le cours
d’électromagnétisme.
3.2.1 Cavité à une dimension
Considérons le cas très simple d’une corde tendue dont les extrémités sont fixées
en A et B. D’une pichenette nous ébranlons la corde, ce qui crée une déformation.
Le point M de la corde s’éloigne de sa position d’équilibre, M0 . Le vecteur dépla-
−−−→ − →
cement est M0 M = δ , perpendiculaire à AB.

Figure 3-2.
La déformation se propage le long de AB. Elle se réfléchit aux extrémités fixes de
la corde.
L’onde est dite "transversale" parce que le déplacement est perpendiculaire à la
direction de propagation de l’ébranlement. L’abscisse, z, de M est donc aussi l’abscisse
de M0 .
L’onde est caractérisée par les deux polarisations δ x (t, z) et δ y (t, z) qui repré-


sentent les composantes de δ sur chacun des axes − →e x et −→
e y . Ces quantités dépendent
du point considéré (c’est à dire de l’abscisse z) et du temps t. A chaque instant, compte
tenu des conditions aux limites imposées, les fonctions δ x (t, z) et δ y (t, z) sont nulles en
z = 0, abscisse de A et en z = L, abscisse de B.
Considérons la seule polarisation δ x (t, z) . C’est la somme de deux fonctions dont
chacune décrit une onde progressive : δ x (t, z) = fx (t − z/c) + gx (t + z/c) où c est la
célérité des ondes le long de la corde. La fonction fx (t − z/c) décrit une onde qui se
propage suivant la direction des z croissants ; la fonction gx (t + z/c) décrit une onde qui
se propage en sens opposé.
L’équation de propagation s’écrit
∂ 2ψ ∂2ψ
− =0 (3.1)
c2 ∂t2 ∂z 2
40 Le rayonnement à l’équilibre thermodynamique

où ψ (t, z) = f (t − z/c) + g (t + z/c) représente indifféremment δ x (t, z) ou δ y (t, z) . A


chaque instant, t, la fonction ψ satisfait donc les conditions aux limites ψ (t, 0) = 0 et
ψ (t, L) = 0.
Considérons la fonction ψ à un instant donné. On démontre la relation (c’est une
propriété mathématique) :
( ³ nπ z ´
X sin pour z ∈ [0, L]
ψ= Cn un (z) avec un (z) = L (3.2)
n 0 pour z ∈
/ [0, L]

n est un entier tandis que L est la longueur de la corde. La fonction ψ dépendant du


temps, il en va de même des coefficients Cn .
N.B. Remarquons que le développement de ψ est similaire au développement d’un
vecteur ψ sur les vecteurs de base un .
On remplace ψ par son développement (3.2) dans l’équation (3.1). On trouve
X µ•• ³ n cπ ´2 ¶ ³ nπ z ´
F := Cn + Cn sin = 0 pour x ∈ [0, L] (3.3)
n
L L

d( ) • d2 ( ) ••
où nous utilisons la notation = ( ) et 2
= ( ).
dt Z L dt µ ¶
kπ z ³ nπ z ´
Calculons l’intégrale Pkn := sin × sin dz. On distingue les
0 L L
cas k 6= n et k = n. Il vient
L
Pkn = δ kn
2
où δ kn est le symbole de Kronecker (δ kn = 1 pour k = n et δ kn = 0 pour k 6= n).
N.B. Pkn peut s’interpréter comme le produit scalaire des vecteurs uk et un .
On en déduit
Z Lµ µ ¶ ¶ Ã ¶2 !
kπ z X µ•• ³ n cπ ´2 ¶ L ••
µ
k cπ L
sin × F dz = Cn + Cn × δ kn = C k + Ck
0 L n
L 2 L 2
à µ ¶2 !
•• k cπ L
La relation F = 0 (cf. l’équation (3.3)) implique 0 = Ck + Ck , soit
L 2

k cπ
Ck = Ak sin (ω k t + ϕk ) avec ωk =
L
où Ak et ϕk sont des constantes.
La fonction δ x la plus générale est donc décrite comme une "superposition" de
fonctions périodiques de la forme
³ nπ z ´
Unx (z, t) := An sin (ωn t + ϕk ) un (z) := An sin (ω n t + ϕk ) sin pour z ∈ [0, L]
L
La fonction Unx (z, t) représente un mode de vibration de la corde.
On peut considérer que la corde entre A et B est une région de l’espace (à une
dimension) susceptible de piéger l’énergie des ondes qui animent la corde. Dans ce sens
c’est une cavité à une dimension. La fonction Unx (t, z) représente un "mode" de la cavité
n cπ
("mode" ou "mode propre"). La pulsation du mode, ω n = , est une pulsation propre
L
ωn c
de la cavité, la fréquence ν n = =n est une fréquence propre de la cavité.
2π 2L
Les modes d’une cavité 41

c
Les fréquences propres sont équidistantes de ; le nombre de fréquences propres
2L
dans l’intervalle [ν, ν + dν] est donc dNν = 2Ldν/c. A chaque fréquence propre, ν n ,
correspondent deux modes, Unx (t, z) et Uny (t, z) . Par conséquent, le nombre de modes
dont la fréquence appartient à l’intervalle [ν, ν + dν] est dNν = 4Ldν/c.

3.2.2 Cavité à trois dimensions

Les développements précédents se généralisent au cas des ondes électromagné-


tiques piégées dans une cavité à trois dimensions.

Considérons un parallélépipède rectangle dont les côtés de dimension L1 , L2 et


L3 sont parallèles aux trois axes orthonormées d’un repère galiléen (Figure 3-3). Ce paral-
lélépipède, supposé vide, constitue la cavité que nous considérons. Les parois de la cavité
sont des miroirs métalliques parfaitement réfléchissants. La composante tangentielle du
champ électrique sur les parois de la cavité est donc nulle.
La connaissance, en chaque point r et à chaque instant t, du champ électrique,


E , détermine le champ électromagnétique. Le champ électrique est perpendiculaire à la
direction de propagation de l’onde : on dit que celle-ci est transversale.
Compte tenu des conditions aux limites, on peut définir des modes (électroma-


gnétiques) pour la cavité. Ceux-ci sont notés U n,s (t, r) où n = (n1 , n2 , n3 ) est un en-
semble de trois indices entiers, tandis que s prend deux valeurs selon la polarisation


considérée. Le champ électrique, E , apparaît alors comme une superposition de modes :

− P P − →
E (t, r) = U n,s (t, r)
s n1 , n2 , n3


Sans entrer dans les détails précisons que la fréquence du mode U n,s (t, r) est

sµ ¶2 µ ¶2 µ ¶2
c n1 c n2 c n3
νn = + +
2L1 2L2 2L3

où c est la célérité des ondes électromagnétiques dans le vide.


Comme dans le cas de la corde vibrante, l’onde électromagnétique étant une onde
transversale, à chaque fréquence propre sont associés deux modes correspondants aux
deux valeurs possibles de s.

Nous souhaitons dénombrer les fréquences propres comprises entre ν et ν + dν.


Pour cela nous représentons les fréquences propres au moyen d’un diagramme dans "l’es-
pace réciproque" (Figure 3-4). Nous considérons un repère orthonormé et nous construi-
c c
sons un réseau dont les noeuds, Mn on pour coordonnées Xn = n1 , Yn = n2 et
2L1 2L2
c
Zn = n3 .
2L3
42 Le rayonnement à l’équilibre thermodynamique

Figure 3-3. Figure 3-4.

Dans l’espace réciproque, la longueur ΩMn est la fréquence propre ν n .


On vérifie qu’il y a une bijection entre les noeuds du réseau (i.e. les points Mn ) et
1 c3
les mailles (i.e. les parallélépipèdes de volume := Ve ). Par conséquent, compter
8 L1 L2 L3
les noeuds du réseau dans un volume donné, Vr de l’espace réciproque c’est aussi compter
le nombre de parallélépipèdes que l’on y trouve. En réalité, avec L1 ∼ L2 ∼ L3 , ces deux
opérations sont équivalentes pour Ve << Vr ; dans le cas contraire les effets de bords
peuvent être importants.
Le nombre, Nν , de fréquences propres inférieures√à ν est donc le nombre de volume
Ve contenus dans le huitième de sphère de rayon R = X 2 + Y 2 + Z 2 = ν, caractérisé
par X > 0, Y > 0 et Z > 0 :

1 4 3 4 L1 L2 L3
Nν = × πν /Ve = πν 3
8 3 3 c3

Le nombre de fréquences propres comprises entre ν et ν + dν est donc


dNν = 4πν 2 dν L1 L2 L3 /c3 = 4πν 2 dν V /c3 où V = L1 L2 L3 est le volume de la cavité
considérée. Nous en déduisons le nombre de modes, dNν = 2dNν , dont la fréquence ap-
partient à l’intervalle [ν, ν + dν] :

8πν 2 dν
dNν = ×V
c3

N.B. Les effets de bords sont négligeables pour dν >> c/Lk (où Lk est L1 , L2 ou L3 ).

3.3 La densité spectrale d’énergie à l’équilibre thermodynamique


Chaque mode stocke une certaine énergie, proportionnelle au carré de l’ampli-
tude du mode. Les parois étant parfaitement réfléchissantes, il n’y a aucune déperdition
d’énergie et aucun transfert d’énergie possible d’un mode vers un autre.
Introduisons dans la cavité une parcelle de corps noir dont nous maintenons
constante la température T . L’énergie stockée dans un mode quelconque est absorbée tôt
ou tard par le corps noir, tandis que celui-ci émet un rayonnement purement thermique
qui se répartit dans les divers modes de la cavité. Après un certain temps, le rayonnement
dans la cavité est le rayonnement d’équilibre thermodynamique à la température T. C’est
cette situation que nous considérons.
La densité spectrale d’énergie à l’équilibre thermodynamique 43

Le calcul classique de Rayleigh et Jeans

La thermodynamique classique prétend que chaque mode est susceptible de pos-


séder une énergie comprise entre E et E + dE avec la probabilité Ae−E/kB T dE où kB est
la constante de BoltzmannR(kB ' 1, 38 10−23 J K−1 ).

La probabilité, A 0 e−E/kB T dE, pour que l’énergie appartienne à l’intervalle
1 1
[0, ∞] est égale à l’unité. On en déduit A = R ∞ −E/k T = .
0 R
e B dE kB T
∞ −E/kB T
0 Ee dE
L’énergie moyenne par mode est E = = kB T. Cette quantité
kB T
est indépendante de la fréquence du mode considéré.
L’énergie moyenne portée par les modes de fréquence comprise entre ν et ν + dν
est donc EdNν ; c’est aussi ρ (ν, T ) × V × dν où ρ (ν, T ) est, par définition, la densité
spectrale d’énergie. On en déduit

8πν 2
ρ (ν, T ) = kB T
c3

La mesure expérimentale de la densité spectrale d’énergie montre qu’une telle expression


n’est pas acceptable (voir la figure 3-6). En outre, l’énergie totale contenue dans le volume
R ∞ 8πν 2
V serait W = V × 0 dν kB T = ∞, ce qui contredit l’observation courante.
c3

Le calcul de Planck

L’idée développée par Planck, consiste à admettre que l’énergie dans un mode∗ de
fréquence propre égale à ν, est un multiple entier de hP ν, soit n hP ν, avec une probabilité
Ae−n hP ν/kB T . De nos jours, la constante, hP , introduite est appelée "constante de
Planck" ; sa valeur est hP ' 6, 63 10−34 J s.
La somme des probabilités est égale à l’unité ; on en déduit
1
A = P −n h ν/k T = 1 − e−hP ν/kB T .
e P B

n
¡ L’énergie moyenne
¢ P dans le−nmode de fréquence ν est donc
E ν = 1 − e−hP ν/kB T n hP ν e hP ν/kB T .
n
Tous calculs faits† , il vient

hP ν
Eν = h ν/kBT
e P −1

Cette expression s’interprète de la façon suivante : hP ν est un quantum d’énergie tandis


1
que n = h ν/k T est le nombre moyen de quanta par mode à l’équilibre thermody-
e P B −1
namique. Remarquons que l’énergie moyenne, E ν , est fonction de la fréquence et que E ν
décroît vers zéro lorsque la fréquence tend vers l’infini.
∗ En réalité l’hypothèse portait sur les échanges d’énergie qui ne pouvaient s’effectuer que par nombres

entiers de "quanta " hP ν.


† On utilise la relation
P
∞ 1
e−nX = pour X = hP ν/kB T > 0 (somme d’une série géométrique)
n=1 1 − e−X
P −nX d P −nX e−X
ainsi que ne =− e = .
dX (1 − e−X )2
44 Le rayonnement à l’équilibre thermodynamique

Dans la bande de fréquence [ν, ν + dν] l’énergie moyenne est donc E ν × dNν ; on
en déduit l’expression de la densité spectrale d’énergie

8πν 2 hP ν
ρ (ν, T ) = 3 h ν/k
(3.4)
c e P BT − 1

Cette formule est "la formule de Planck " qui est en complet accord avec les observa-
tions.
Dans le résultat final les propriétés géométriques de la cavité n’interviennent
pas. Celle-ci peut même être de dimension infinie. Les erreurs dues à l’approximation
dν >> c/Lk disparaissent et l’expression (3.4) donne la densité spectrale d’énergie au
voisinage d’un corps noir dans l’espace libre (i.e. dans une cavité de dimensions infinies).
On en déduit l’énergie dW du rayonnement d’équilibre thermodynamique, contenu dans
un volume élémentaire dV, dans la bande de fréquence [ν, ν + dν] , sous la forme

8πν 2 dν hP ν
dW = × h ν/k T × dV
c3 e P B −1
Se reporter à la figure 3-5 pour l’interprétation des divers termes dans l’expression de dW.

Figure 3-5.

Discussion des résultats


R∞
La densité totale d’énergie s’obtient aisément : u = 0
ρ (ν, T ) dν. En posant
hP ν
x= , on obtient la loi de Stefan sous la forme
kB T
Z∞ Z∞
4 8πk 4 x3 x3 π4
u = a × T avec a = 3 B3 dx et dx =
c hP ex − 1 ex − 1 15
0 0

On peut écrire l’expression de la densité spectrale d’énergie de telle sorte que la


loi de Wien soit manifeste :
8πkB3 T 3 x3 hP ν
ρ (ν, T ) = 3 2 × x
avec x =
c hP e −1 kB T
hP ν
Nous représentons la fonction x = 7−→ ρ ci-dessous (figure 3-6).
kB T
La densité spectrale d’énergie à l’équilibre thermodynamique 45

La température, T, étant donnée, le maximum de ρ est obtenu pour la valeur de


x3
x correspondant au maximum de x . C’est-à-dire pour x ' 2, 821... soit encore pour
e −1
kB
ν = ν m = b T avec b = 2, 821... × .
hP

Figure 3-6.
Remarquons que la loi classique est satisfaisante lorsque la fréquence considérée
correspond à un quantum d’énergie petit devant kB T (c’est-à-dire hP ν << kB T ).
Sur la figure 3-7 nous représentons la densité spectrale d’énergie du corps noir
hP ν
à diverses températures, en fonction de la fréquence et non plus de . Toutes les
kB T
informations contenues dans la figure 3-7 sont déjà contenues dans la figure 3-6 ; cependant
cette nouvelle présentation permet de visualiser certaines propriétés plus clairement (par
exemple le fait que ν m croisse avec T ).

Figure 3-7. Figure 3-8.

Sur les figures 3-7 et 3-8 le domaine visible (i.e. 4 1014 Hz < ν < 7, 5 1014 Hz)
a été mis en évidence. La figure 3-8 représente la densité spectrale d’énergie d’un corps
noir à la température 6000 K (c’est à peu près la température de surface du Soleil). La
proportion d’énergie électromagnétique dans le domaine visible est supérieure à 40% :
c’est le rapport de l’aire de la surface grise à l’aire totale comprise entre la courbe et l’axe
des x. A la température de 1000 K (soit 1000 − 273, 15 ∼ 700 ◦ C), la proportion d’énergie
dans le domaine visible reste inférieure à 7 10−6 . Le corps noir est de plus en plus sombre
au fur et à mesure que la température décroît. Il est pratiquement noir à la température
ordinaire. Sa couleur change aussi car le rayonnement rouge (ν ∼ ν r = 4 1014 Hz) devient
très largement prépondérant devant le rayonnement bleu (ν ∼ ν b = 7, 5 1014 Hz). On peut
46 Le rayonnement à l’équilibre thermodynamique

s’en convaincre en étudiant l’évolution, en fonction de la température T, du rapport des


densité spectrales d’énergie ρ (ν r , T ) /ρ (ν b , T ). De façon qualitative, il suffit de remarquer
que le Soleil est jaune pâle tandis qu’un feu de cheminée est rouge.

3.4 Les conséquences du calcul de Planck


Les conséquences du calcul de Planck furent immédiates et importantes.

• Un raisonnement semblable à celui de Planck, appliqué à la chaleur massique


des solides, permit à Einstein d’interpréter la loi de Dulong et Petit selon laquelle le produit
de la chaleur massique, c, d’un corps pur par sa masse atomique, A, est une constante. Le
tableau ci-dessous donne quelques valeurs du produit A c dans les conditions normales.

corps P S I Fe Cu Pt Zn
A c/ J K−1 24,7 23,8 28,4 25,8 24,5 26,1 25,5

Considérons un corps simple‡ solide. Chaque atome du solide est considéré comme
un oscillateur harmonique de fréquence ν, caractéristique du solide considéré.
Admettons que l’énergie de chacun de ces oscillateurs est quantifiée. Le calcul de
hP ν
Planck fournit l’énergie d’une mole à la température T : W = 3 × NAv h ν/k T
e P B −1
où NAv est le nombre d’Avogadro (i.e. le nombre d’atomes constituant une mole), tandis
que les trois degrés de liberté d’oscillation suivant les 3 axes Ox, Oy et Oz d’un repère
orthonormé sont considérés comme trois polarisations possibles.
dW (hP ν)2 ehP ν/kB T
La chaleur spécifique d’une mole est = 3NAv × 2
ס ¢2 .
dT kB T ehP ν/kB T − 1
La limite classique est obtenue lorsque le quantum d’énergie est petit à l’échelle
des énergies thermique (i.e. hP ν << kB T ). Dans ces conditions il vient
dW
ehP ν/kB T ' 1 + hP ν/kB T + .... On en déduit = 3NAv kB .
dT
La chaleur massique du corps est la chaleur spécifique de l’unité de masse, soit
kB
c = 3NAv où A est la masse molaire du corps considéré. En introduisant la constante
A
des gaz parfaits R = NAv kB ' 8, 3 J K−1 il vient

A c = 3R ' 25 J K−1

Certains corps comme le carbone ne suivent pas la loi de Dulong et Petit, cependant
on peut vérifier que A c se rapproche de la valeur théorique lorsque T croît (c’est-à-dire
quand hP ν/kB T décroît et que l’approximation classique devient plus pertinente). Le
modèle d’Einstein permet de retrouver la loi de Dulong et Petit, celle-ci doit cependant
être considérée comme une loi approximative, grossièrement vérifiée car les valeurs réelles
de A c s’éloignent sensiblement de la valeur théorique 3R ' 25 J K−1 . Compte tenu
de la simplicité du modèle ce n’est pas très surprenant. Debye obtient une meilleure
estimation de la chaleur massique des solides en considérant un solide comme une cavité
susceptible d’accueillir des ondes élastiques (longitudinales et transversales) dont l’énergie
est quantifiée.

• La quantification de l’énergie d’un oscillateur harmonique peut se mettre


sous une forme généralisable à tout mouvement périodique.
‡ Un corps simple est formé d’une seule espèce d’atomes.
Conclusion 47

Considérons le mouvement d’un oscillateur de masse m, de raideur k = mω 2 dont



l’élongation est x = a sin ωt. La période du mouvement est T = .
ω
L’énergie de l’oscillateur est la somme de l’énergie potentielle élastique du ressort,
1 2 1
Epot = kx et de l’énergie cinétique de la masse, Ecin = mv 2 . On vérifie l’égalité des
2 2
valeurs moyennes hEpot i et hEcin i :
Z T Z T
1 1 2 1 1 1 2
hEpot i = kx dt = ka2 = mv dt = hEcin i
T 0 2 4 T 0 2

L’énergie de l’oscillateur est une constante dont la valeur est donc 2 hEcin i . La
condition de quantification s’écrit :
Z T
1
hEi = nhP ν = hEpot i + hEcin i = 2 hEcin i := mv2 dt avec νT = 1.
T 0
Z T
En posant mv = p (impulsion de la masse oscillante) il vient pvdt = nhP .
0
Nous posons vdt = dr où dr est le déplacement de la masse m pendant le temps dt. Nous
remarquons que pvdt s’écrit encore p · dr. En considérant p comme une fonction de la
position r, il vient I
p · dr = n hP (3.5)
I
Le symbole signifie que l’intégration a été effectuée sur une période complète du mouve-
ment considéré. La relation (3.5), étendue à tous mouvements périodiques, est une relation
qui fonde l’ancienne théorie des quanta. Elle apparaît comme une règle de sélection qui
permet de distinguer, parmi les mouvements classiques, ceux que la nature privilégie pour
être les seuls mouvements réellement possibles.

• Nous pouvons appliquer cette règle au mouvement circulaire uniforme. Il


vient p = mv− → u où −→
u est le vecteur tangent unitaire à la trajectoire. La vitesse v est
une
I constante. Le déplacement élémentaire est dr = d −

u . On en déduit p · dr = mvd et
p · dr = mv × 2πr = n hP .
Le module du moment cinétique est L = mvr. On déduit de ce qui précède la
relation
L=n~ (3.6)
hP
où n est un entier tandis que ~ = ' 1, 05 × 10−34 J s..

L’atome de Bohr fut construit sur ce modèle dès 1913. Il fallut cependant attendre
la naissance de la mécanique ondulatoire avec la thèse de Louis de Broglie en 1924 pour
comprendre la signification de cette règle mystérieuse

3.5 Conclusion
L’introduction d’un quantum pour décrire les échanges d’énergie et le succès du
calcul de Planck changea radicalement les conceptions en physique en permettant l’émer-
gence de l’ancienne théorie des quanta.
En 1905, Einstein montra que l’effet photoélectrique s’interprétait naturellement,
en supposant la quantification de l’énergie des ondes électromagnétiques elle-même. Il
48 Le rayonnement à l’équilibre thermodynamique

introduisit alors le concept de ”photon”§ . En 1923, Compton montra que les photons
transportent une certaine quantité de mouvement. La nature corpusculaire du rayonne-
ment était alors démontrée. Il restait à Louis de Broglie, dans sa thèse de 1924, de suggérer
que les corpuscules, les électrons par exemple, présentaient un aspect ondulatoire pour que
soit achevée l’esquisse d’un monde nouveau dont l’exploration, encore inachevée, occupa
l’ensemble du siècle dernier.

§ Einstein introduit le concept de photon mais il n’introduit pas le mot ”photon” qui apparaît vers

1926.
Chapitre 4
LE PHOTON

Dans ce chapitre nous rappelons les principales propriétés de l’effet photoélec-


trique et de l’effet Compton qui mettent en évidence certains aspects corpusculaire des
ondes électromagnétiques.

4.1 L’effet photoélectrique


La lumière illuminant un métal est capable d’en extraire des électrons. Cette
propriété constitue l’effet photoélectrique. Cet effet fut découvert à la fin du 19ème siècle
par Hertz et interprété par Einstein en 1905.
Le principe du dispositif expérimental utilisé est représenté figure 4-1.

Figure 4-1.
Les électrons éjectés du métal sont soumis au champ électrique créé par la dif-
férence de potentiel, U, imposée entre les deux électrodes. L’énergie cinétique maximale
1 2
des électrons éjectés est Ec := mvmax . Les électrons atteignent le collecteur s’ils ont une
2
énergie cinétique suffisante : Ec ≥ qe U où qe est la charge de l’électron. Un courant, i,
Ec
circule donc pour U > U0 = − .
e
Trois résultats sont particulièrement significatifs. Ils s’expliquent naturellement
avec l’hypothèse selon laquelle l’énergie de l’onde électromagnétique y est répartie sous
forme de quanta insécables, appelés "photons".
1- L’effet photoélectrique apparaît lorsque la fréquence de la lumière est supérieure
à une valeur seuil, ν 0 , caractéristique du métal étudié.
50 Le photon

On peut considérer que l’extraction d’un électron nécessite une certaine énergie
W. Deux cas sont alors possibles :
• L’énergie d’un photon est inférieure à W : aucun effet ne peut alors inter-
venir. Ceci se produit pour hP ν < W, soit ν < ν 0 = W/hP .
• L’énergie des photons est supérieure à W. Dans ce cas, hP ν > W, l’effet
photoélectrique est possible∗ et les électrons sont éjectés avec l’énergie cinétique maximale
Ec = hP ν−W = hP (ν − ν 0 ) . La mesure de ν 0 permet de déterminer l’énergie d’extraction
W = hP ν 0 . Le tableau ci dessous donne la valeur de W pour divers métaux (les valeurs
de W dépendent de l’état de la surface, elles varient de ±5% selon les auteurs).
métal Cs K Al Fe Cu Pt
W/ eV 2,0 2,3 4,1 4,5 4,7 6,4
2- S’il est présent, l’effet photoélectrique est instantané.
Considérons une onde de faible intensité, produite par une source quasiment ponc-
tuelle, de puissance 1 W située à 10 m d’une cellule à potassium. La puissance P = 1 W
se répartit uniformément sur la sphère de rayon r = 10 m (dont la surface est S = 4πr2 '
1257 m2 ) fournissant à cette distance une intensité lumineuse Φ = P/S ' 8 10−4 W m−2 .
L’énergie d’extraction du potassium est 2, 3 eV ' 3, 7 10−19 J. La distance entre
atomes de potassium est de l’ordre de a = 4, 5 10−10 m (cf. le tableau de la figure 1-3,
page 7). L’énergie qui atteint un atome de potassium est donc l’énergie qui tombe sur une
surface de l’ordre de a2 ' 2 10−19 m−2 , soit une puissance Φ a2 ' 1, 6 10−22 W. Cette
valeur est un majorant de la puissance absorbée par un atome car une part de l’énergie est
réfléchie et, en outre, la première couche d’atomes n’est pas la seule qui soit atteinte par
la lumière, celle-ci peut pénétrer plus profondément dans le métal. Le temps nécessaire
pour accumuler l’énergie d’extraction est donc supérieur à 3, 7 10−19 /1, 6 10−22 ' 2312 s
soit à 40 min environ. Si l’énergie d’extraction était acquise de cette façon† , l’effet photo-
électrique apparaîtrait plus d’une demi-heure après que l’on ait allumé la lampe. Ce serait
facilement observable. Par contre, si l’énergie est répartie en photons insécables, le nombre
de photons qui tombent sur le métal par unité de temps étant très élevé, il est presque
certain que plusieurs d’entre eux donneront lieu, sans délai, à l’effet photoélectrique‡ ;
c’est ce qui est observé.
3- L’intensité du courant qui apparaît dépend du flux d’énergie dans l’onde lumi-
neuse ; cependant, la fréquence de la lumière étant donnée, le potentiel de coupure, U0 , est
fonction de la seule fréquence du seuil, ν 0 .

Figure 4-2. Figure 4-3.


∗ Compte tenu de la grande quantité de photons qui tombent sur le métal, l’effet étant possible, il est
quasiment certain.
† Le calcul précédent ne fait pas intervenir la fréquence de la lumière. S’il décrivait correctement l’effet

photoélectrique, on ne comprendrait pas l’existence du seuil de fréquence ν 0 .


‡ La fréquence du seuil est ν = 5, 6 1014 Hz. En supposant ν = 2ν , le flux de photons est de l’ordre
0 0
de 1015 m−2 s−1 (sur chaque millimètre carré, il tombe un milliard de photons toutes les secondes).
L’effet Compton 51

Si la fréquence est supérieure au seuil, on s’attend à ce que le nombre d’électrons


extraits soit proportionnel au nombre de photons et par conséquent que l’intensité du
courant (en A) soit proportionnelle à l’intensité lumineuse (en W m−2 ). Pour récolter le
maximum d’électrons il faut appliquer entre A et B une différence de potentielle qui crée
un champ électrique fortement attractif. L’intensité atteint alors une valeur asymptotique
dont on vérifie qu’elle est proportionnelle à Φ (cf. figure 4-2)
La façon dont U0 dépend de la fréquence s’explique ainsi : lorsqu’il y a effet
photoélectrique, (pour ν > ν 0 ), la relation eU0 = −Ec = −hP (ν − ν 0 ) est vérifiée. On en
hP
déduit −U0 = |U0 | = (ν − ν 0 ) ; cette relation explique le graphe de la figure 4-3.
e

4.2 L’effet Compton


La relativité restreinte date de 1905. Les expressions de l’impulsion − →p et de
l’énergie E d’une particule sont données par les relations (2.3) page 20 et (2.4) page 21.
On en déduit
E 2 − c2 −

p 2 = m2 c4 (4.1)

où m est la masse de la particule considérée et c la vitesse de propagation des ondes


électromagnétiques dans le vide.
Pour les particules de masse nulle, il vient k−

p k = E/c. C’est cette relation dont
A. H. Compton donne la démonstration expérimentale pour le photon, en 1923. Le photon
apparaît alors comme un corpuscule de masse nulle dont l’impulsion est


→ hP ν →
− hP −

p = u = u (4.2)
c λ

où ν est la fréquence de l’onde électromagnétique qui contient le photon considéré, λ sa


longueur d’onde tandis que − →
u est le vecteur unitaire de même direction et de même sens
que la direction et le sens de propagation de l’onde.
Dans son expérience, Arthur Compton illumine du carbone avec des rayons X de
longueur d’onde dans le vide λ0 ' 0, 71Å. Les rayons X diffusent dans toutes les directions
(figures 4-4 et 4-5).
En analysant les rayons X détectés dans la direction θ, on constate la présence
des deux longueurs d’ondes : λ0 et λ, supérieure à λ0 (cf. figure 4-5). On explique ce
phénomène en admettant que les ondes électromagnétiques agissent de deux façons : elles
peuvent soit provoquer l’oscillation des électrons, soit les arracher à l’atome.
• Dans le premier cas les oscillations se produisent à la fréquence, ν 0 , des
ondes électromagnétiques incidentes. Des charges accélérées émettent des radiations élec-
tromagnétiques ; il en résulte, dans ce cas, une émission† à la même fréquence ν 0 : c’est
l’effet Thomson. La longueur d’onde des ondes électromagnétiques correspondante est
donc λ0 .
• Dans le second cas, on considère que les photons des rayons X incidents
entrent en collision avec les électrons de masse m.
hc
L’énergie des photons est hP ν 0 = ∼ 17000 eV. L’énergie de liaison des élec-
λ0
trons est de l’ordre de 10 eV pour les électrons des couches périphériques. Ces électrons
sont faiblement liés à l’atome (10 eV << 17000 eV). Ils peuvent être considérés comme
des électrons libres dans la collision. Ce mécanisme donne lieu à l’effet Compton.
† Le phénomène est semblable à celui qui intervient dans une antenne émettrice (antenne radio) où les

courants électriques périodiques engendrent une onde électromagnétique de même période.


52 Le photon

Figure 4-4 Figure 4-5.

Considérons la figure 4-4 où le photon de fréquence ν 0 entre en collision avec la


masse m. La masse m est initialement au repos ; dans la collision elle acquiert la vitesse

− c c
v . Le photon voit sa fréquence passer de la valeur ν 0 = à la valeur ν = .
λ0 λ
Nous notons −→p l’impulsion du photon incident et E = h ν son énergie. Nous
0 ϕ0 P 0
hP ν 0 hP
posons p0 = k→ −
p 0k = = (cf. équ. 4.2). De même −

p et Eϕ = hP ν sont l’impulsion
c λ0
hP ν hP
et l’énergie du "photon Compton" diffusé, avec p := k− →pk= = .

− c λ
√L’impulsion acquise par la masse m est notée π tandis que son énergie est
Em = m2 c4 + c2 − →
π 2 (cf. équ. 4.1).
La conservation de l’énergie dans la collision s’écrit Eϕ0 + mc2 = Eϕ + Em , avec

Eϕ0 = hP ν 0 = cp0 et Eϕ = hP ν = cp. Il vient cp0 + mc2 = cp + m2 c4 + c2 − →π 2 . On en
déduit

− 2
π 2 = (p0 − p) + 2mc (p0 − p) (4.3)

− →
− →

La conservation de l’impulsion s’écrit p 0 = p + π , ce qui implique
π 2 = (−

− →p −− → 2
p ) , soit
0



π2 =−
→ p 2 − 2−
p 02 + −
→ →
p0·−

p = p02 + p 2 − 2p0 p cos θ (4.4)

Des équations (4.3) et (4.4) on déduit




π 2 = p02 + p 2 − 2p0 p cos θ µ
= p02 + p¶2 − 2p0 p + 2mc (p0 − p) , d’où
p0 − p 1 1 mc
1 − cos θ = mc = mc − = (λ − λ0 ) , soit
p0 p p p0 hP

hP hP
λ − λ0 = (1 − cos θ) avec λC := ' 2, 4 10−2 Å (4.5)
mc mc

où λC est "la longueur Compton" de l’électron.


Les coefficients A et B d’Einstein 53

On vérifie que la valeur de λ calculée en utilisant la formule (4.5) n’est pas en


désaccord avec les observations de Compton (cf. figure 4-5 où sont représentés les spectres
des rayonnements diffusés dans diverses directions∗ ).
Les résultats expérimentaux confirment donc l’hypothèse que le photon possède
une impulsion donnée par la relation (4.2).

4.3 Les coefficients A et B d’Einstein


La nature corpusculaire du photon étant éclaircie, nous considérons de nouveau
une situation d’équilibre thermodynamique où des atomes interagissent avec le rayonne-
ment électromagnétique.
Nous supposons que les atomes présentent deux niveaux d’énergie E1 et E2 avec
E2 > E1 et nous définissons ν 0 en posant hP ν 0 = E2 − E1 . Nous admettons que ces
niveaux ne sont pas dégénérés, c’est-à-dire qu’à chaque énergie ne correspond qu’un seul
état atomique† .
Nous admettons en outre que la masse des atomes est très grande. Cette dernière
hypothèse implique que la vitesse, v, des atomes est très petite devant la vitesse r de la
v 3 kB T
lumière. En effet, à l’équilibre thermodynamique à la température T, il vient ∼
c Mc2
où M est la masse d’un atome.
Le photon de fréquence ν possède l’impulsion hP ν/c. L’émission d’un photon
se traduit donc par un recul semblable à celui d’une carabine qui éjecte une balle de
plomb. Un recul est également présent lors de l’absorption d’un photon. Ces reculs restent
cependant négligeables si l’on suppose que la masse de l’atome est assez élevée. Dans ces
conditions, petites vitesses et recul négligeable, la conservation de l’énergie implique que
les photons émis ou absorbés par l’atome ont pour fréquence ν 0 .

A l’équilibre thermodynamique, le nombre d’atomes dans les états d’énergie E1 et


E2 sont proportionnels à e−E1 /kB T et e−E2 /kB T . La proportion d’atomes dans l’état d’éner-
e−E1 /kB T ehP ν 0 /kB T
gie E1 est donc p1 = −E /k T −E /k T
= . La proportion d’atomes
e 1 B +e 2 B 1 + ehP ν 0 /kB T
e−E2 /kB T 1
dans l’état d’énergie E2 est p2 = −E /k T = .
e 1 B + e−E2 /kB T 1 + ehP ν 0 /kB T
Dans un article célèbre de 1918, Einstein suppose que ces proportions résultent
de l’effet du rayonnement d’équilibre thermodynamique sur les atomes. Il considère trois
mécanismes possibles.
1. La désexcitation spontanée est caractérisée par une probabilité par unité de temps
que, suivant Einstein, nous notons A. La probabilité de désexcitation par unité de
temps était précédemment notée 1/τ (voir le paragraphe 2.1.1 page 17). Ce processus
ne nécessite la présence d’aucun rayonnement extérieur, c’est ce que signifie l’adjectif
"spontanée". Il fait passer les atomes du niveau d’énergie E2 au niveau E1 . Un
photon de fréquence ν 0 est alors émis.
2. L’absorption d’un photon de fréquence ν 0 provoque l’excitation d’un atome qui passe
du niveau d’énergie E1 au niveau d’énergie E2 . Un tel processus est subordonné à la
∗ Soit I(λ)dλ, l’intensité portée par les rayonnements diffusés dont la longueur d’onde est comprise

entre λ et λ + dλ. Sur la figure 4-5, le graphe de la fonction λ 7→ I(λ) représente, dans chaque direction,
le "spectre" du rayonnement diffusé.
† Le plus souvent ce n’est pas le cas. L’énergie de l’atome d’hydrogène, par exemple, ne dépend que du

nombre quantique principal n. Il y a donc en général 2n2 états (correspondant aux diverses valeurs de ,
m et s) qui possèdent la même énergie (voir le paragraphe "Nuage électronique" page 5) mais il n’y a pas
deux électrons qui présentent les mêmes valeurs des quatre nombres quantiques.
54 Le photon

présence de photons susceptibles d’être absorbés. La probabilité d’un tel processus


par unité de temps est prise sous la forme B12 ρ0 où ρ0 = ρ (ν 0 ) est la densité
spectrale d’énergie du rayonnement à la fréquence de transition ν = ν 0 , tandis que
B12 est un coefficient qui caractérise l’atome. La probabilité d’un tel phénomène est
nulle en l’absence de rayonnement ρ (ν) = 0. En outre, seule intervient la densité
spectrale d’énergie à la fréquence de transition ν 0 ; en effet, les photons de fréquence
ν 6= ν 0 ne sont pas susceptibles d’être absorbés, par conséquent la probabilité de
transition ne dépend pas de l’énergie du rayonnement aux fréquences différentes de
ν0.
3. On peut imaginer un mécanisme de désexcitation stimulée qui disparaîtrait en l’ab-
sence de rayonnement extérieur ; l’émission d’un photon de fréquence ν 0 en résulte-
rait. La probabilité de ce processus par unité de temps est formellement prise sous
la forme B21 ρ0 . On ne sait pas très bien de quoi dépend B21 ; on suppose seulement
que B21 est indépendant de la température (ce qui est généralement le cas des pro-
cessus atomiques individuels). Si ce mécanisme n’existe que dans notre imagination
et non réellement dans la nature, le coefficient B21 sera nul. Les équations que nous
établissons ci-dessous nous donnent la valeur de B21 .
On pourrait imaginer un quatrième mécanisme qui ferait passer l’atome de l’état
d’énergie E1 à l’état d’énergie E2 et pourrait se produire en l’absence de rayonnement
extérieur. Un tel mécanisme serait un mécanisme d’excitation spontanée. Cependant, le
principe de conservation de l’énergie exclut une telle possibilité, l’atome ne pouvant ac-
quérir de l’énergie à partir de rien.

Nous considérons maintenant une population de N atomes, parmi lesquels N1


sont dans l’état d’énergie E1 et N2 dans l’état d’énergie E2 . Il vient

ehP ν 0 /kB T 1
N1 = p1 N = N et N2 = p2 N = N (4.6)
1 + ehP ν 0 /kB T 1 + ehP ν 0 /kB T
Considérons la variation de N1 pendant le temps dt, ainsi que celle de N2 sous l’effet des
divers mécanismes considérés :

désexcitation spontanée désexcitation induite excitation


(dN1 )sp = A N2 × dt (dN1 )désex = B21 ρ0 N2 × dt (dN1 )exc = −B12 ρ0 N1 × dt
(dN2 )sp = −A N2 × dt (dN2 )désex = −B21 ρ0 N2 × dt (dN2 )exc = B12 ρ0 N1 × dt

La variation de N1 (ou N2 ) pendant le temps dt, est la somme des variations dues
à chaque mécanisme élémentaire

dN1 = −dN2 = (A N2 + B21 ρ0 N2 − B12 ρ0 N1 ) × dt

On vérifie la relation dN = dN1 + dN2 = 0.


En régime stationnaire il vient dN1 = dN2 = 0, soit

A N2 + B21 ρ0 N2 − B12 ρ0 N1 = 0.

A l’équilibre thermodynamique on pose ρ0 = ρ (ν 0 , T ) où ρ (ν 0 , T ) est donné par


la formule de Planck (3.4) page 44 tandis que N1 et N2 sont remplacés par leur expression
¡ ¢ 8πν 02 hP ν 0
(4.6) ci-dessus : A + B21 − B12 ehP ν 0 /kB T 3
= 0.
c e 0 /kB T − 1
hP ν
On en déduit
Conclusion 55
µ ¶ µ ¶
8πhP ν 03 8πhP ν 03
B21 − A + A − B12 ehP ν 0 /kB T = 0.
c3 c3

µUne telle3 relation ¶ satisfaite quelle que¶soit la température T. Ceci im-


doit être µ
8πhP ν 0 8πhP ν 03
plique B 21 − A = 0 et A − B12 = 0. On en déduit B21 = B12 .
c3 c3
On note B cette valeur commune.
8πhP ν 03
B21 = B12 := B et A= B
c3
Le coefficient B21 n’est pas nul ; par conséquent le mécanisme de désexcitation stimulé est
un mécanisme bien réel. En outre ce coefficient B21 dont nous ne savions pas de quoi il
dépendait apparaît comme une caractéristique de l’atome, à l’instar de B12 auquel il est
égal dans le cas considéré.
L’émission stimulée est un processus qui intervient dans la réalisation des équi-
libres thermodynamiques, mais c’est un processus d’interaction entre le rayonnement élec-
tromagnétique et les atomes qui est également présent hors équilibre.
L’émission stimulée est due à la présence de photons de fréquence ν 0 qui appar-
tiennent à un mode précis. Les photons émis vont aller renforcer l’énergie de ce mode.
Cette propriété remarquable permet d’amplifier la lumière contenue dans un mode donné
si l’émission stimulée est plus importante que l’absorption.
Le rapport du nombre de photons émis par émission stimulée au nombre de pho-
tons absorbés est (Bρ0 N2 ) / (Bρ0 N1 ) = N2 /N1 . L’amplification se produit donc pour
N2 /N1 > 1 or, à l’équilibre thermodynamique il vient N2 /N1 = e−hP ν 0 /kB T < 1. Pour
réaliser les conditions d’une amplification il faut réaliser une "inversion de population" : la
population du niveau d’énergie E2 doit être plus nombreuse que celle du niveau d’énergie
E1 , ce qui est l’inverse de ce que l’on rencontre à l’équilibre thermodynamique. On obtient
ainsi un"laser ".
La désexcitation spontanée et l’amplification de l’onde provoquent la disparition
des atomes dans l’état d’énergie E2 au profit de ceux qui sont dans l’état d’énergie E1 . Pour
maintenir l’inversion de population, il est donc nécessaire de "pomper " en permanence les
atomes du niveau d’énergie E1 vers le niveau d’énergie E2 . Divers procédés peuvent être
utilisés dans ce but.
Dans l’espace libre, les ondes progressives planes jouent le même rôle que les
modes d’une cavité. Il est possible d’amplifier une onde électromagnétique, en lui imposant
de traverser un milieu où est réalisée une inversion de population. On produit ainsi des
rayons laser dont les propriétés optiques (une bonne définition en fréquence et en phase par
exemple) permettent divers applications (l’holographie par exemple). On sait également
produire des impulsions brèves très énergétiques, utiles pour d’autres applications (la
télémétrie Terre-Lune par exemple).

4.4 Conclusion
L’hypothèse de quantification de Planck, l’effet photoélectrique, l’effet Compton
et leur interprétation démontrent le caractère corpusculaire des ondes électromagnétiques.
Il n’est pas question pour autant de nier leur caractère ondulatoire mis en évidence par de
nombreuses expériences (expérience d’interférences par exemple). Il faut donc admettre
que "onde" et "corpuscule" ne sont pas deux concepts qui s’excluent l’un l’autre mais
qui au contraire se complètent. Le photon n’est ni une onde, ni un corpuscule, c’est un
quanton † . Dans certaines conditions le quanton se comporte comme ce que l’on croyait être
† Voir Quantique par J-M Lévy-Leblond et F. Balibar, interEditions et CNRS, Paris 1984.
56 Le photon

une onde avant la découverte de la physique quantique ; le quanton peut aussi se comporter
comme ce que l’on croyait être un corpuscule. En réalité, le quanton se comporte toujours
comme un quanton....
Les ondes ayant un aspect corpusculaire, il semble naturel d’admettre que les
corpuscules puissent avoir un aspect ondulatoire et que ce soient eux aussi des quantons.
Cette généralisation hardie fait l’objet de la thèse que Louis de Broglie, a soutenu en 1924.
Troisième partie

Quantification des systèmes


matériels

57
Chapitre 5
QUANTIFICATION DES ÉNERGIES ATOMIQUES.

Les énergies internes des atomes† prennent des valeurs discrètes En . Nous avons à
diverses reprises évoqué cette quantification des énergies qui est une propriété non seule-
ment des atomes mais aussi des noyaux (pages 9, 15, 53 en particulier). Dans ce chapitre
nous présentons quelques faits expérimentaux qui nous donnent accès à la structure interne
de l’atome, et nous montrons comment les comprendre.

5.1 Les spectres atomiques


Les atomes, excités par divers moyens, se désexcitent en émettant des ondes élec-
tromagnétiques, rayons X, lumière visible ou infra-rouge. Le spectre d’émission d’un atome
reflète certaines propriétés de sa structure et de son environnement. L’étude des spectres
est donc particulièrement instructive. Dans ce paragraphe nous nous limitons au domaine
visible ou aux domaines proche du visible (infra-rouge et ultra-violet). Le cas des spectres
X sera évoqué plus loin.
Les sources lumineuses courantes sont de deux types.
• les sources thermiques sont obtenues en portant un corps réfractaire à haute
température ; elles émettent un rayonnement au spectre continu où toutes les fréquences
sont représentées. Le spectre du corps noir est un spectre thermique par excellence (cf.
figure 3-7, page 45).
• les sources lumineuses à décharge dans lesquelles un courant électrique
traverse une vapeur atomique produisent pour leur part un rayonnement dans le spectre
duquel seules certaines raies, bien définies en fréquence, sont représentées.
5.1.1 Les spectres de raies
Les longueurs d’onde dans le vide, λ, des raies spectrales d’émission atomique
s’obtiennent à partir de ”termes spectraux”, Tk , qui forment une suite discrète caracté-
1
ristique de l’atome considéré : λ = λnm telle que = Tm − Tn . Cette loi empirique est
λnm
la loi de combinaison de Ritz (1908).
L’interprétation est la suivante : l’atome présente des niveaux d’énergie Ek . Les
transitions d’un niveau d’énergie supérieur Em vers un niveau d’énergie inférieur En
peuvent s’accompagner de l’émission d’un photon ; de telles transitions sont appelées
”transitions radiatives”. La fréquence du photon est alors ν nm ; l’atome émetteur étant
supposé immobile, la conservation de l’énergie impose hP ν nm = Em − En . Ce sont ces
transitions qui sont responsables des raies observées. La loi de combinaison de Ritz s’in-
terprète simplement en supposant Ek = c hP Tk + cte.
Toutes les raies observées satisfont à la loi de combinaison de Ritz, mais, étant
donnés deux termes spectraux quelconques, Tm et Tn , il ne leur correspond pas nécessai-
rement une raie d’émission . Sans entrer dans l’étude de ces propriétés qui dépassent le
† Nous employons le terme "atome" comme une expression générique susceptible de désigner aussi bien

une molécule qu’un atome.


60 Quantification des énergies atomiques.

programme de licence† , mentionnons cependant que chaque état atomique est caractérisé
par plusieurs grandeurs physiques, parmi lesquelles figurent son énergie et son moment
cinétique, combinaison du moment cinétique orbital des électrons et de leurs "spin" (cf.
page 4). Le photon émis suivant la direction et le sens du vecteur unitaire −

u , transporte
hP ν −

une énergie hP ν et une impulsion u qui dépend de sa fréquence ν. Il transporte aussi
c
un moment cinétique qui peut prendre les deux valeurs ±~− →u . De même que l’impulsion, le
moment cinétique total est conservé lors des transitions atomiques. Certaines transitions
sont donc interdites∗ .

Figure 5-1.

La figure 5-1 représente les premiers niveaux d’énergie de l’atome de lithium.


Les lignes obliques représentent les transitions permises. Les nombres indiquent la lon-
† Se reporter à la bibliographie, en particulier au livre de Cagnac et Pebay-Peyroula.
∗ En réalité, ces transitions restent possibles dans des conditions qui ne sont pas celles que nous consi-
dérons.
Les spectres atomiques 61

gueur d’onde dans le vide (en Angströms) de la transition correspondante. Les transitions
permises satisfont certaines règles appelées "règles de sélection".
5.1.2 La largeur des raies
Il n’est pas tout-à-fait exact de considérer que la fréquence d’une raie spectrale
possède une valeur précise. Comme tout rayonnement, une raie spectrale est caractérisée
par sa densité spectrale ou encore par son intensité spectrale, I (ν) (qui s’exprime en
W m−2 Hz−1 et est définie page 25). Une raie spectrale présente donc une certaine largeur
qui peut être "petite" mais qui n’est pas nulle (cf. figure 5-3). C’est la fréquence centrale
que l’on désigne comme "fréquence de la raie".
La largeur naturelle, ∆ν, est liée au temps, τ , durant lequel un atome isolé
peut rester dans un état excité‡ : ∆ν × τ ∼ 1 (cf. page 25). Les atomes sont rarement
isolés et de multiples causes interviennent pour élargir les raies optiques.
Dans un gaz, par exemple, les collisions des atomes entre-eux provoquent une
désexcitation des états excités ; leur durée de vie en est donc réduite et la raie s’en trouve
élargie.
L’effet Doppler dû à l’agitation thermique est une autre source d’élargissement
des raies. Démontrons cette propriété pour un gaz.
Considérons un atome de masse M et de vitesse − →
v qui se désexcite, son énergie
interne passant de la valeur Em à le valeur En . Nous posons ν 0 = (Em − En ) /hP : c’est
la "fréquence de transition".
Nous écrivons la conservation de l’impulsion et de l’énergie, en utilisant les no-
tations de la figure 5-2. Nous nous limitons au cas non relativiste dans les conditions
usuelles : hP ν << M c2 où M est la masse de l’atome.

Figure 5-2.
Dans le cas non relativiste, l’énergie cinétique s’exprime en fonction de l’impulsion

−π2


π et de la masse M de l’atome sous la forme Ec = . La conservation de l’énergie et
2M
de l’impulsion s’écrit donc

− →0 2

π2 π →
− → →

+ hP ν 0 = + hP ν et π = π0 + − p
2M 2M


où −
→p, −
→π et π 0 sont les impulsions respectives du photon, de l’atome avant et après la
désexcitation. →

En éliminant π0 entre les deux équations de conservation il vient


p 2 →

p ·−→π
hP ν 0 = hP ν + − .
2M M
Les relations k p k = hP ν/cµet k−

− →
π k = M v où v est
¶ la vitesse de l’atome avant la
hP ν v ³ v ´
désexcitation donnent hP ν 0 = hP ν 1 + 2
− cos θ ' hP ν 1 − cos θ soit
2M c c c
³ v´
ν ' ν 0 1 + cos θ ×
c
‡ Nous admettrons sans démonstartion cette propriété que justifie la mécanique quantique.
62 Quantification des énergies atomiques.

L’atome étant en mouvement par rapport à l’observateur, la fréquence perçue, ν, est


différente de ν 0 : c’est l’effet Doppler. Ici, la fréquence ν a été calculée à l’ordre le plus
bas relativement à v/c (approximation non relativiste).
Le spectre d’émission est donc constitué d’une multitude de photons de fréquences
toutes différentes, émis par différents atomes (on parle alors d’élargissement "hétérogène"
de la raie). L’intensité spectrale est maximale pour la fréquence ν 0 car la population des
atomes qui ont la vitesse v ' 0 est nombreuse, or de tels atomes émettent des photons de
fréquence ν ' ν 0 . Le nombre d’atomes de vitesse v devient de plus en plus petit au fur et
à mesure que l’on considère des vitesses |v| de plus en plus grandes† . Les atomes émetteurs
se font de plus en plus rares. L’émission à la fréquence ν correspondante devient de moins
en moins intense. L’allure de l’intensité spectrale est donnée sur la figure 5-3 dans le cas
d’une raie naturelle de profil lorentzien et d’une raie gaussienne, d’origine thermique.

Figure 5-3.
lorentzienne gaussienne
" #
1 M c2 (ν − ν 0 )2
I(ν) ∝ I(ν) ∝ exp −
(ν − ν 0 ) + (∆ν/2)2
2 2kB T (ν 0 )2
r
2kB T
∆ν D = 2ν 0 × ln 2
Mc2

Le sodium émet deux raies jaunes caractéristiques de fréquences voisines de


5, 1 1014 Hz. La masse d’un atome de sodium est 23 × 1, 67 10−27 kg. A la température
de la surface solaire (6000 K) la largeur thermique est de l’ordre de 5900 MHz; à 500 K la
largeur thermique est 1700 MHz environ.

L’agitation thermique et l’élargissement des raies spectrales n’est pas le propre des
gaz. On constate des effets analogue dans les solides. Le rubis, par exemple, est constitué
d’une matrice d’alumine (Al2 O3 ) "dopée" par des ions Cr3+ en proportion de l’ordre de
0,05% en masse. La raie rouge du rubis est utilisée dans certains lasers ; elle est due à une
transition des ions Cr3+ ; sa fréquence est ν 0 = 4, 3 × 1014 Hz et sa largeur thermique,
∆ν D , dépend de la température T (figure 5-4).

† En effet, la distribution des vitesse suit une loi de Maxwell-Boltzmann (se reporter au cours de

thermodynamique).
L’expérience de Franck et Hertz 63

Figure 5-4.

Selon le graphe de la figure 5-4, la largeur de la raie rouge du rubis n’excède pas
6 × 1010 Hz à 150 K et atteint 4, 8 × 1011 Hz à 350 K.
La constante de temps de désexcitation de l’ion Cr3+ est environ 3 × 10−3 s = τ
(cette valeur est exceptionnellement grande dans le domaine optique). La largeur naturelle
d’un ion isolé admet donc pour valeur théorique 1/τ ' 300 Hz. Il est clair que la largeur
de raie est essentiellement d’origine thermique. Cette propriété est très générale dans les
conditions habituelles, pour les solides, les liquides aussi bien que les gaz.

5.2 L’expérience de Franck et Hertz


L’existence de spectres de raies n’est pas la seule justification de la quantification
des énergies dans l’atome. L’expérience de Franck et Hertz de 1913 et celle de Franck
et Einsporn de 1920 permirent de mettre en évidence la quantification des énergies de
l’atome de mercure au moyen de collisions électroniques.

Figure 5.5

Des électrons sont émis par effet thermo-ionique (émission par un métal chauffé) ;
dans ces conditions, leur vitesse initiale est négligeable. Accélérés par la grille portée
64 Quantification des énergies atomiques.

au potentiel VG (figure 5-5), ils peuvent gagner l’énergie cinétique eVG . En chemin ils
subissent des collisions avec des atomes de mercure contenus dans la cellule. Ces collisions
peuvent être soit des collisions élastiques avec conservation de l’énergie cinétique, soit
des collisions inélastiques. Dans ce dernier cas, lors d’une collision, une certaine quantité
d’énergie cinétique, δEc , est transférée à l’atome de mercure sous forme d’énergie interne.
La masse de l’électron est très inférieure à celle de l’atome de mercure ; par contre son
énergie cinétique qui peut être de l’ordre de 4 eV, est très supérieure à l’énergie cinétique
3
de l’atome de mercure qui est de l’ordre de kB T ∼ 4 10−2 eV à la température ordinaire.
2
Dans ces conditions l’énergie interne gagnée par l’atome de mercure, ∆E, est pratiquement
égale à l’énergie cinétique, δEc , perdue par l’électron (dans le cas de collisions élastiques,
l’énergie cinétique de l’électron reste donc pratiquement inchangée). Lorsqu’il parvient au
niveau de la grille, l’électron possède alors une énergie cinétique égale à eVG − δEc . Entre
la grille et la plaque, règne un champ électrique qui freine un peu les électrons. Il peut
donc arriver que la vitesse des électrons qui traversent la grille soit trop petite pour que
ceux-ci puissent atteindre la plaque. Dans ce cas, si un grand nombre d’électrons sont
concernés, le courant plaque, ip chute considérablement.
L’existence de niveaux d’énergie dans l’atome de mercure se traduit par le fait que
l’énergie interne susceptible d’être absorbée présente une valeur précise, qui en l’occurrence
vaut ∆E = 4, 9 eV. Le courant plaque, ip , est fonction de VG . L’allure du graphe de la
fonction ip 7→ VG , obtenu par Franck et Hertz est représentée sur la figure 5-6.

Figure 5-6.
Dans la zone I, VG < 4, 9 V, l’énergie cinétique acquise par les électrons n’est pas
suffisantes pour que ceux-ci puissent transférer 4, 9 eV à l’atome de mercure. Les collisions
sont donc nécessairement élastiques.
Au début de la zone II, lorsque 4, 9 V < VG < 4, 9 V + ε, certains électrons
subissent une collision inélastique entre C et VG . Cependant le potentiel VG n’est pas
assez grand pour qu’ils regagnent ensuite une énergie cinétique suffisante pour atteindre
la plaque P ; ces électrons ne donnent donc lieu à aucun courant plaque, ce qui explique la
brutale chute de ip . Lorsque VG croît, les électrons qui ont perdu 4, 9 eV dans une collision
inélastique peuvent récupérer assez d’énergie pour atteindre P. Le courant ip croît de
nouveau avec VG jusqu’au moment où VG = 2 × 4, 9 V. Certains électrons subissent alors
deux collisions inélastiques et tout recommence.
L’expérience de Franck et Hertz met en évidence l’existence d’un niveau d’énergie
situé à 4, 9 eV au dessus du fondamental.
Des expériences plus fines menées en 1920 par Franck et Einsporn mirent en
évidence plusieurs niveaux d’énergie de l’atome de mercure et pas seulement le premier
niveau excité.
Les ondes de matière 65

La répartition des énergies en niveaux discrets explique les spectres de raies et


la loi de combinaison de Ritz ainsi que les expériences de Franck et Hertz et Franck et
Einsporn. Cependant, le fait étant établi, nous n’avons encore donné aucune justification
de cette propriété. C’est cette justification que nous présentons maintenant.

5.3 Les ondes de matière


La quantification des énergies dans l’atome trouve un début d’explication avec
le modèle atomique de Bohr (1913). Ce modèle décrit correctement le spectre de l’atome
d’hydrogène et, convenablement généralisé aux atomes à plusieurs électrons, il décrit l’es-
sentiel des caractéristiques des spectres de rayons X. Construit dans le cadre de l’ancienne
théorie des quanta (voir la relation 3.5 page 47), ce modèle fut proposé avant que ne soit
formulée l’hypothèse des ondes de matière de de Broglie (1924). Ce sont cependant les
ondes de matière que nous introduirons d’emblée afin de montrer comment le modèle de
Bohr leur est relié.
5.3.1 La longueur d’onde de de Broglie
Puisque les ondes électromagnétiques présentent un aspect corpusculaire (effet
photoélectrique et effet Compton), pourquoi les corpuscules (l’électron par exemple) ne
présenteraient-ils pas un aspect ondulatoire ? Cette interrogation est au coeur de la thèse
de Louis de Broglie qui donne la réponse suivante :
A toute particule d’impulsion p est associée une onde de matière de longueur
d’onde λ = hP /p .
On remarquera que cette relation est précisément celle qui relie la longueur d’onde
et l’impulsion du photon. Dans ce sens on peut considérer que le photon est un corpuscule
ordinaire.
Il revient à Davisson et Germer d’avoir mis en évidence pour la première fois, en
1927, le comportement ondulatoire des électrons lorsqu’ils observèrent la diffraction d’un
faisceau d’électrons par un cristal. Le phénomène était semblable à la diffraction de rayons
X (diffraction de Bragg).
Depuis cette époque, de multiples expériences ont démontré la généralité de la
relation de de Broglie. Une optique électronique s’est développée donnant naissance à des
appareils comme le microscope électronique.
Des expérience d’interférences furent effectuées à diverses reprises (figure 5-7) et
aujourd’hui nul ne doute du comportement ondulatoire des électrons‡ .

Figure 5-7.
‡ Rappelons que ce comportement n’exclut pas la possibilité d’un comportement corpusculaire (cf. la

remarque concernant les quantons page 55).


66 Quantification des énergies atomiques.

La sortie, S, d’un canon à électrons constitue la source d’électrons. Un fil F,


perpendiculaire au plan de la figure 5-7, est chargé positivement. Il dévie les trajectoires
des électrons qui semblent provenir des deux "images" S1 et S2 de la source S. Sur
le dessin nous avons représenté l’intensité I de la figure d’interférence obtenue dans le
plan d’interférence. L’interfrange δ est fortement exagérée, de même que la déviation des
trajectoires électroniques. Dans l’expérience de Fert et Faget (1956), δ est de l’ordre d’une
fraction de micron. Pour observer la figure d’interférence on place le dispositif devant un
microscope électronique qui fournit une image agrandie du plan d’interférence.
Une particularité très intéressante des ondes de matière tient à la réalisation de
très petites longueurs d’onde ce qui permet de repousser la limite de diffraction. Par
exemple, un électron
√ de masse m, dont l’énergie cinétique est eU = 100 eV possède une
impulsion p = 2meU et une longueur d’onde λ = hP /p ' 1Å. Porter un électron
au potentiel U = 100 V ne présente aucune difficulté. Pour obtenir une même longueur
d’onde (1Å) avec des ondes électromagnétiques il faut produire des photons d’énergie
hP c/λ ' 12 000 eV. Les optiques (miroirs, lentilles, etc...) sont difficiles (voire impossibles)
à fabriquer. Alors que les électrons peuvent être dirigés, focalisés et réfléchis au moyen de
champs électriques.

Le comportement ondulatoire des corpuscules ne concerne pas seulement les élec-


trons mais aussi toutes sortes de particules. De multiples expériences ont démontré la
généralité de la relation de de Broglie. Parmi celles-ci, citons la diffraction de faisceaux
moléculaires, la diffraction et l’interférence de neutrons et, plus récemment, les dévelop-
pements de l’interférométrie atomique qui ont permis la réalisation d’horloge et d’accélé-
romètres parmi les plus performants.

5.3.2 L’atome de Bohr


Les début de la physique atomique furent marqués par de multiples hésitations.
Dans le modèle de Thomson (1903) l’électron se déplaçait dans un nuage chargé positi-
vement. L’expérience de Marsden et Geiger (1911) conduit Rutherford à en interpréter
les résultats comme la preuve expérimentale de l’existence d’un noyau positif de petite
dimension. Le modèle planétaire† s’impose alors mais de nombreuses incompréhensions
subsistent : le spectre de l’hydrogène et la loi de Ritz par exemple.
Il y a plus grave encore !
Compte tenu de ce que l’on connaît, un électron en mouvement sur son orbite,
se comporte comme une antenne émettrice : il rayonne de l’énergie. L’atome se contracte
donc et les électrons tombent sur le noyau. Les calculs montrent qu’un atome de quelques
angströms s’effondre en un temps très inférieur à une seconde. Dans ces conditions aucun
atome ne devrait être observé. Il faut donc admettre que sur certaines orbites, l’électron
ne rayonne pas. Quelles sont ces orbites ? Pourquoi ? La mécanique quantique donnera
une réponse à la seconde question. Intéressons nous à la première question.

Considérons une charge Ze immobile à l’origine, O, d’un repère galiléen tandis


qu’un électron de charge −e et de masse m décrit une orbite circulaire de rayon r.

† L’interaction coulombienne remplace l’interaction gravitationnelle mais à ceci près, les électrons sont

des satellites du noyau de même que les planètes sont des satellites du Soleil.
Les ondes de matière 67

Figure 5-8
L’onde de matière, ψ, de longueur d’onde λ se propage le long de l’orbite circulaire
(figure 5-8). Nous considérons le point M (noté M0 ) à un instant donné et la suite de points
M1 , M2 , etc. Ces points sont choisis de telle sorte qu’ils soient séparés de la distance λ
mesurée sur l’orbite ; l’onde ψ présente donc la même valeur en ces divers points : ψ (M ) =
ψ (M1 ) = ψ (M2 ) = etc. En outre, ces points sont les seuls qui satisfont cette relation à
chaque instant. Le point M est le point M0 de la liste, ce doit être aussi nécessairement
le point Mn que l’on retrouve après un tour complet. Ainsi, il vient nλ = 2πr avec n ∈ N
(ensemble des entiers).
Dans le raisonnement précédent, il n’est pas nécessaire de préciser la nature de
l’onde ψ. Il faut cependant admettre que l’onde associée aux mouvements périodiques
d’un corpuscule se propage suivant sa trajectoire classique qui ici est le cercle de rayon r.
La condition nλ = 2πr a deux conséquences importantes : la quantification du
moment cinétique et la quantification des énergies.

1) La quantification du moment cinétique. Le moment cinétique est perpendi-


culaire au plan de l’orbite. Son module est L = r p. En remplaçant p par sa valeur
hP /λ et λ par 2πr/n il vient L = r p = nhP /2π = n~ où n est un entier tandis que
hP
~= ' 1, 05 × 10−34 J s.

L = n~ (5.1)
Cette relation est la relation 3.6 page 47.

2) La quantification des énergies. L’électron est soumis à une force centripète


mv 2 Z e2
= := F où v est la vitesse de l’électron sur son orbite. On en déduit
r 4πε0 r2
1 1 Ze2
l’énergie cinétique de l’électron : mv2 = . L’énergie totale, E, est la somme de
2 8πε0 r
2
1 Ze −1 Ze2
l’énergie cinétique et de l’énergie potentielle électrostatique . Il vient
8πε0 r 4πε0 r
2 2
−1 Ze 1 −p
E= = − mv2 = . La relation de quantification ci-dessus, rp = n~, permet
8πε0 r 2 2m
−1 Ze2 −n2 ~2
de remplacer p2 par n2 ~2 /r2 . On trouve = soit
8πε0 r 2mr2
a 4πε0 ~2 1 ~
r = n2 avec a= = ' 0, 53Å (5.2)
Z m e2 α mc
e2 1
où α = ' est la constante de structure fine.
4πε0 ~c 137
68 Quantification des énergies atomiques.

En remplaçant r par sa valeur dans l’expression de E, il vient


µ ¶2
EI∞ Z2m e2 α2
En = − avec EI∞ = = Z 2 mc2 ' Z 2 × 13, 606 eV (5.3)
n2 2 4πε0 ~ 2

Remarquons que la valeur de l’énergie dépend d’un indice entier n. Nous avons donc
affecté l’indice n à la valeur de l’énergie que nous notons maintenant En au lieu de E. Ce
nombre entier est le nombre quantique principal mentionné page 6. D’après l’expression
5.2 il apparaît que la distance d’un électron au noyau croît avec son nombre quantique
principal.
Le modèle proposé est celui d’un atome de numéro atomique Z que l’on aurait
dépouillé de tous ses électrons sauf un. Dans l’étude d’un tel ion, il faut considérer que
c’est le centre de masse qui reste immobile et non le noyau. La différence n’est pas grande
car la masse du noyau est très supérieure à celle de l’électron, si bien que le centre de masse
du système est très voisin du noyau. Cependant, pour tenir compte de cet effet ("effet
d’entraînement" du noyau par l’électron en mouvement), il convient de remplacer dans
les expressions 5.2 et 5.3 la masse de l’électron, m, par la "masse réduite", µ, du système
mM
{noyau, électron}, la masse réduite étant définie de la façon suivante : µ = où
m+M
M est la masse du noyau (voir l’annexe page 75).
Les valeurs de l’énergie sont négatives car nous avons défini comme état d’énergie
potentielle nulle, l’état constitué par les deux particules (le noyau et l’électron) lorsqu’elles
sont éloignées d’une distance infinie. Ceci apparaît dans l’expression ci-dessus de l’énergie
−1 Ze2
potentielle, .
4πε0 r
L’énergie du niveau fondamental† est obtenu pour n = 1. Il vient E1 = −EI .
L’énergie de liaison est l’énergie qu’il faut fournir pour séparer les deux particules d’une
distance infinie et les abandonner sans vitesse dans cet état (état d’énergie nulle). L’état
atomique le plus stable est son état fondamental ; l’énergie de liaison y prend la valeur
α µ
B := 0 − E1 = EI = Z 2 µc2 où µ est la masse réduite :EI = EI∞ . L’énergie EI est
2 m
l’énergie minimale qu’il faut fournir pour ioniser l’atome dans son état fondamental ; c’est
l’énergie d’ionisation.
m
La relation << 1 permet de calculer "le déplacement isotopique" :
M
µ M 1
= = ' 1 − m/M ; on en déduit
m m+M 1 + m/M
³ m´
EI ' 1 − EI∞
M

Ainsi,
¡ l’énergie ¢ de liaison de l’atome d’hydrogène 11 H vaut-elle BH
(i.e. BH =¡ 1 − 5, 4 10−4 ×E 2
¢ I∞ ), tandis que l’énergie de l’atome de deutérium 1 H est BD
−4
(i.e.BD = 1 − 5, 4 10 /2 × EI∞ ). La différence entre les énergies de liaisons est petite
(BD − BH = 3, 7 10−3 eV) mais suffisante pour pouvoir assurer la séparation de l’hydro-
gène et du deutérium de la façon schématisée sur la figure 5-9.
Un laser puissant dont la fréquence est bien définie, comprise entre BD /hP et
BH /hP , illumine un jet atomique constitué d’un mélange d’hydrogène et de deutérium‡
que l’on souhaite séparer.
† Rappelons
que c’est le niveau de plus faible énergie.
‡ Le
deutérium, ou hydrogène lourd, est présent dans les mêmes composés chimiques que l’hydrogène
en proportion atomique de l’ordre de 1,4 10−4 dans l’eau.
Les séries spectrales 69

Figure 5-9.

Les photons absorbés provoquent l’ionisation de l’hydrogène (H → P + +e− ) mais


ils ne disposent pas d’une énergie suffisante pour ioniser le deutérium qui reste donc à
l’état atomique, électriquement neutre. Les particules chargées sont alors éliminées dans
un champ électrique tandis que les particules neutres subsistent. Le jet atomique se trouve
donc enrichi en deutérium.
N.B. D’autres méthodes sont généralement préférées pour diverses raisons indus-
trielles.

5.4 Les séries spectrales


5.4.1 L’atome d’hydrogène
A la fin du 19ème siècle, les travaux de Balmer et de Rydberg permirent de
mettre en évidence une série de raies spectrales de l’atome µ d’hydrogène
¶ caractérisées par
1 1 1
les longueur d’onde λp satisfaisant la relation = RH − où p est un nombre
λp 4 p2
entier supérieur à 2 et RH une constante (appelée "constante de Rydberg") dont la valeur
est RH ' 1, 1 × 107 m−1 . Le succès du modèle de Bohr est d’avoir expliqué l’existence de
cette série.
Les raies d’une même série correspondent à la désexcitation de l’atome d’hydro-
gène d’un niveau élevé vers un niveau d’accueil donné. La série est caractérisée par le
niveau d’accueil.
Selon le modèle de Bohr, le spectre de l’hydrogène est µ
caractérisé¶par les longueurs
c 1 1
d’onde dans le vide λnp telles que hP = hP ν pn = EI 2
− 2 . On en déduit
µ ¶ λnp n p
1 EI 1 1
= − . Ce qui n’est rien d’autre que la formule de Rydberg avec
λnp hP c n2 p2

EI mcα2
RH = =
hP c 4π~
la série de Balmer correspondant à n = 2.
Les résultats représentés figure 1-5 page 9 montrent que les séries de Lyman et
de Balmer, par exemple, sont associées aux niveau d’accueil n = 1 (niveau fondamental)
et n = 2 (premier niveau excité). Les émissions correspondant à ces séries, se situent dans
le domaine ultra-violet pour la série de Lyman (λ < 0, 4 µm) et dans les domaines visible
(0, 4 µm < λ < 0, 75 µm) et ultra-violet pour la série de Balmer.
5.4.2 Les atomes à plusieurs électrons
Les spectres atomiques des atomes à plusieurs électrons sont beaucoup plus com-
pliqués que le spectre de l’hydrogène. Il faut en effet tenir compte des interactions entre
les électrons et le noyau mais aussi des électrons entre eux. Pour saisir la nature des ef-
fets qui interviennent, considérons un modèle simple dans lequel le noyau de charge Ze
70 Quantification des énergies atomiques.

est immobile à l’origine d’un repère galiléen tandis que le nuage électronique, formé de
couches concentriques autour du noyau, présente la symétrie sphérique (figure 5-10). Ces
couches sont notées K, L, M, etc, de nombre quantique principal n = 1, 2, 3, etc.

Figure 5-10.

Selon le théorème de Gauss, une charge q, à la distance r du centre, est soumise au


champ électrique créé par toutes les charges incluses dans la sphère de rayon r, supposées
concentrées au centre. Sur la figure 5-10, les électrons des couches K, L et M font donc
écran à la charge du noyau. Ainsi, chaque électron est-il soumis à l’attraction d’une charge
centrale (Z − sn ) × e où sn est un terme destiné à décrire l’effet d’écran. Ce terme dépend
du numéro de la couche à laquelle appartient l’électron considéré :

K n=1 s1 ∼ 1 à 2
L n=2 s2 ∼ 10
M n=3 s3 ∼ 20

En utilisant la relation 5.3 avec la substitution Z → (Z − sn ) on obtient la contri-


bution de l’électron considéré à l’énergie totale de l’atome ; il vient

(Z − sn )2
En = −EI
n2
Cette expression ne tient pas compte de nombreux phénomènes perturbateurs :
les écarts à la symétrie sphérique, les effets des moments magnétiques des électrons et
leur couplage au moment magnétique du noyau, aux moments magnétiques des autres
électrons et aux champs magnétiques créés par les courants atomiques, etc...
5.4.3 Les spectres de raies, les rayons X et la loi de Moseley
Dans son état fondamental, l’atome est dans un état stable, son énergie est mini-
male. Les Z électrons qui constituent son nuage électronique occupent les niveaux d’énergie
les plus bas. Ils ne peuvent pas se regrouper tous sur le niveau le plus bas car ce sont des
fermions ; c’est à dire que deux électrons ne peuvent pas être dans le même état. Plusieurs
électrons peuvent cependant avoir la même énergie si celle-ci est dégénérée (cf. la note
au bas de la page 53), mais l’ensemble des nombres quantiques qui caractérise leurs états
respectifs ne sera pas le même (principe d’exclusion de Pauli page 7).
Les séries spectrales 71

Les interactions entre un atome et une onde électromagnétique peuvent s’effectuer


de diverses manières. Lorsque les énergies mises en jeu sont de l’ordre de quelques eV,
ce sont les électrons périphériques qui sont en cause. L’absorption d’un photon se traduit
par l’apparition d’un état excité dans lequel un électron périphérique occupe un niveau
qui était initialement vide. Lorsque l’atome se désexcite, il retourne à son état initial
(état de plus faible énergie possible) en émettant un photon. Les spectres d’absorption et
d’émission sont alors les mêmes (figure 5-11 a. N.B. La figure 5-11 doit être considérée
comme un schéma explicatif et non comme une représentation de la réalité.).

Figure 5-11.

Par contre, dans le domaine des ”hautes énergies” (hP ν ∼ 100k eV par exemple)† ,
le mécanisme d’absorption est différent. Il concerne les couches électroniques profondes.
En vertu du principe d’exclusion, un électron d’une couche profonde ne peut pas occuper
un niveau d’énergie immédiatement supérieur car ceux-ci sont déjà occupés‡ . Pour créer
un trou dans une couche profonde il faut en général éjecter l’électron et par conséquent
ioniser l’atome. On pourrait imaginer aussi qu’un électron d’une couche profonde soit
porté sur un niveau excité, initialement vide. Les énergies mises en jeu sont du même
ordre de grandeur que pour l’ionisation et c’est ce dernier mécanisme qui est généralement
privilégié.
Ainsi, l’absorption d’un photon de haute énergie par un atome se traduit par
l’éjection d’un électron des couches profondes et l’ionisation de l’atome ; un trou apparaît
alors (sur la couche L dans le cas de la figure 5-11 b).
Dans tout milieu, l’intensité des rayons X décroît avec la profondeur de pénétra-
tion d (cf. la relation 2.6 page 30) : Φ = Φ0 e−µd . Le coefficient d’absorption, µ, dépend
† Les photons qui possèdent des énergies de cet ordre de grandeur sont des photons X. Les rayons X

sont qualifiés de ”mou” à basse énergie (50 k eV par exemple) et de ”dur” lorsque leur énergie est élevée
(200 k eV par exemple). Les rayons ultra-violets sont des rayons X très mous, tandis que les rayons γ
sont des rayons X très durs.
‡ Si, au lieu d’un atome, on considère un ion multichargé, un mécanisme comme celui décrit par le

schéma 5-11 a) peut aussi conduire à l’absorption et l’émission de rayons X, les énergies mises en jeu
étant alors beaucoup plus importantes que dans l’atome.
72 Quantification des énergies atomiques.

du milieu traversé (c’est cette propriété qui permet la radiographie) et de la fréquence des
rayons X. L’absorption décroît lorsque la fréquence croît mais chaque fois que la fréquence
dépasse un seuil Bn /hP , le coefficient d’absorption, µ, subit un brusque accroissement (fi-
gure 5-12) car un phénomène supplémentaire devient possible, à savoir l’extraction d’un
électron de la couche n.
L’absorption d’un photon X a laissé un trou sur l’une des couches profondes,
la couche n par exemple. Un électron d’une couche supérieure, m, vient alors occuper
ce niveau. Un photon X est émis. Sa fréquence est (Bm − Bn ) /hP . L’ensemble de ces
fréquences forme le spectre d’émission.
2π Bn (Z − sn )2
Loi de Moseley : absorption ν n = avec B n = E I
~ n2
émission ν nm = ν m − ν n
En réalité la situation est un peu plus compliquée car on constate que si la discon-
tinuité K (au voisinage de la fréquence B1 /hP ) est unique, il n’en est pas de même pour
L, M ou N. Au voisinage de la fréquence B2 /hP , on distingue trois discontinuités notées
LI , LII et LIII . Ces discontinuités correspondent aux diverses caractéristiques des électrons
que l’on peut extraire de la couche L ; il y a, en effet, plusieurs sortes d’électrons sur la
couche L, correspondant à trois énergies d’extraction voisines mais un peu différentes. Il
en est de même de la couche M où l’on distingue jusqu’à 5 discontinuités au voisinage de
B3 /hP : de MI à MV .
Nous donnons ci-dessous quelques valeurs des énergies correspondant aux discon-
tinuités de µ. Pour chaque élément, les fréquences, ν K , ν LI , ν LI I , ν LI I I , etc, de discontinuité
de µ constituent son spectre d’absorption. En effet, les photons possédant cette fréquence
peuvent éjecter un électron des couches K et L et, par conséquent, être absorbés.

B / k eV Z BK BLI BLI I BLI I I BMI ... BMV BNI


Li 3 0, 0547 − − − − − − −
Na 11 1, 07 0, 064 0, 030 0, 030 − − − −
Zn 30 9, 66 1, 19 1, 04 1, 02 0, 14 ... 0, 0101 etc.
W 74 69, 5 12, 1 11, 6 10, 2 2, 8 ... 1, 8 etc.
Pb 82 88, 0 15, 9 15, 2 13, 04 3, 85 ... 2, 48 etc.

Ici encore des règles de sélection interdisent certaines transitions (cf. figure 5-12 :
Emission des rayons X ).

Figure 5-12.
Compte tenu des mécanismes décrits, il apparaît que pour un élément donné, les
spectre d’émission et d’absorption ne sont pas les mêmes.
Conclusion 73

Remarquons que l’excitation d’un atome avec création d’un trou dans les couches
profondes peut être produite de diverses manières, en particulier en bombardant le métal
d’une "anticathode" avec des électrons ayant acquis une énergie cinétique suffisante, Ec ,
dans un champ électrostatique par exemple (cf. le tube de Coolidge schématisé figure
5-13).

Figure 5-13.

Au contact de l’anticathode les électrons sont fortement freinés. Ils sont donc
soumis à une accélération et par conséquent ils rayonnent des ondes électromagnétiques.
Ce rayonnement est appelé rayonnement de freinage (on utilise souvent le mot allemand
de ”Bremsstrahlung”). Il présente un spectre continu, borné supérieurement par la valeur
ν max de la fréquence, telle que hP ν max = Ec . A ce spectre continu se superpose le spectre
de raies dû à l’émission de rayons X par les atomes de l’anticathode.

Terminons ce chapitre par deux remarques.

1. Les spectre d’absorption et d’émission des corps composés sont ceux des atomes qui
les constituent.
2. Lorsqu’apparaît un trou dans les couches profondes d’un atome excité par un bom-
bardement électronique ou par l’absorption d’un photon X, le photon de désexcita-
tion qui est émis peut ioniser l’atome en éjectant un électron. Cet effet est l’effet
Auger.

5.5 Conclusion
La compréhension du mécanisme d’émission des rayons X s’appuie sur le modèle
de Bohr (1913) et le principe d’exclusion de Pauli (1925) qui s’en trouvent tous deux
justifiés. Le modèle de Bohr fut élaboré dans le cadre de l’ancienne théorie des quanta dont
la signification apparut plus nettement après l’introduction des ondes de matière par Louis
de Broglie (1924). Au stade où nous en sommes dans le développement du cours, ces ondes
sont encore bien mystérieuses. Dans l’étude du modèle de Bohr, elles se propagent suivant
les trajectoires de la mécanique classique, si bien que la théorie ainsi construite n’est pas
autonome. Schrödinger franchira une étape décisive en proposant une équation d’onde
satisfaite par les ondes de matière (1926) tandis que l’école de Copenhague proposera avec
Niels Bohr une interprétation de la mécanique ondulatoire† (1927), controversée pendant
longtemps mais largement acceptée aujourd’hui.
† La mécanique ondulatoire fait partie du cours de mécanique quantique qui prolonge le présent cours

de physique nucléaire et atomique.


74 Quantification des énergies atomiques.

Annexe
A-1 Principe de l’expérience de Davisson et Germer
Un faisceau incident tombe sur un plan réticulaire d’un cristal sous une incidence
normale (figure 5-13). Les atomes du réseau diffractent l’onde incidente dans toutes les
directions.

Figure 5-13.

Dans certaines directions privilégiées, les ondes diffractées par chacun des atomes
se trouvent en phase. Ceci se produit lorsque la différence de marche est un nombre entier
de longueur d’ondes : d sin θ = nλ.
Un telle diffraction est appelée "diffraction de Bragg". Elle est observée pour
λ < d. Les longueur d’ondes ne doivent pas excéder les distances interatomiques (d ∼ 2Å).
La diffraction de Bragg est observée avec des rayons X. Davisson et Germer observèrent
p2
une telle diffraction avec des électrons. Ceux-ci ont une énergie E = où m est la masse
2m
hP hP n hP
de l’électron et p son impulsion. Avec p = , il vient λ = √ et sin θ = √ .
λ 2mE d 2mE
avec d ∼ 2Å et E ∼ 50 eV il vient sin θ = 0, 87 × n. Une seule direction de diffraction est
observée, correspondant à n = 1 et θ ∼ 60◦ .
A-2 Principe de l’expérience de Fert et Faget
Les calculs se conduisent comme pour l’étude des interférences optiques. Le cercle
de centre M et de rayon MS2 coupe la droite M S1 en H. La différence de marche entre
les rayons issus des sources S1 et S2 est d1 − d2 = S1 H := ∆ (figure 5-14).

Figure 5-14.

La figure admet un axe de symétrie. Les sources S1 et S2 , images d’une même


source sont donc identiques. Au point M, le déphasage des ondes issues de S2 et de S1
est ∆ϕ = 2π∆/λ avec ∆ = a sin θ ' a θ (figure 5-14 b). D’autre part z = tan θ × D '
z
D θ (figure 5-14 a). On en déduit ∆ϕ = 2πa . Les franges noires correspondent à
λD
Conclusion 75

∆ϕ =µπ + 2N π¶ où N est un entier relatif. Sur une frange noire la valeur de z est
1 λD λD
zN = +N . L’interfrange est donc δ = zN+1 − zN = .
2 a a
Dans cette expérience, comme dans toutes les expériences d’optique électronique,
les densités de charge sont extrêmement faibles pour éviter la dispersion du faisceau due à
la répulsion coulombienne entre particules chargées. Le plus souvent, les électrons passent
un à un dans l’appareil.
A-3 Effet d’entraînement du noyau dans l’atome d’hydrogène
Le schéma ci-dessous représente l’atome d’hydrogène et les orbites circulaires de
l’électron et du proton, de masses respectives m et M.
M
Le point O est le centre d’inertie. On en déduit les expressions rm = r
m+M
m
et rM = r, ce qui implique mrm = MrM = µ r où µ est la masse réduite§ .
m+M

Figure 5-13.

Le système se comporte comme un système rigide dont la vitesse angulaire est ω


2 2
et dont le moment d’inertie par rapport à O est I = mrm + M rM = µ r rm + µ r rM car
2
mrm = MrM = µ r. Il vient I = µ r .
Le moment cinétique est L = Iω = µ r2 ω. La condition de quantification 5.1
s’écrit
µ r2 ω = n~ (5.4)

1 Ze2
Les force coulombiennes, de module , qui s’exercent sur chacune des
4πε0 r2
1 Ze2
charges sont les forces centripètes mω2 rm = M ω 2 rM = . Ces équations se
4πε0 r2
réduisent à
1 Ze2
µ r ω2 = (5.5)
4πε0 r2
1 1 1 Ze2
L’énergie cinétique est Ec = Iω 2 = µ r2 ω 2 = (d’après 5.5).
2 2 8πε0 r

§ 1 1 1
= +
µ m M
76 Quantification des énergies atomiques.

−1 Ze2
L’énergie potentielle est Ep = . L’énergie totale est donc
4πε0 r

−1 Ze2
E = Ec + Ep = (5.6)
8πε0 r2
En éliminant ω entre les deux relations 5.5 et 5.4 il vient
a 4πε0 ~2 1 ~
r = n2 avec a= 2
=
Z µe α µc
En remplaçant r par sa valeur dans l’expression 5.6 il vient
µ ¶2
EI Z 2µ e2 α2
En = − avec EI = = Z 2 µc2
n2 2 4πε0 ~ 2

Ces expressions sont similaires à celles déjà trouvées (expressions 5.2 et 5.3) sous
réserve d’y remplacer m par la masse réduite µ.
Chapitre 6
LE MAGNÉTISME ATOMIQUE

6.1 Introduction
En guise d’introduction, nous rappelons sans démonstrations certains résultats
qui concernent le magnétisme : expressions de la force et du moment qui s’exercent sur
un dipôle magnétique, expression de l’énergie potentielle d’un dipôle magnétique dans
un champ magnétique, etc... Pour les démonstrations, nous renvoyons à tous cours de
magnétisme, celui de E. Durand par exemple :
E. Durand Magnétostatique, Masson et Cie (Paris).

Les moments magnétiques sont l’une des caractéristiques de l’atome et plus gé-
néralement des systèmes physiques les plus divers, noyaux, molécules, réseaux cristallins
(celui du fer par exemple). Rappelons tout d’abord les définitions.
L’espace est rapporté à un repère galiléen dont l’origine est O. Nous considérons
un ensemble de points matériels de masse mk , de charge qk situées en Mk et animés de la


v k . On définit le moment magnétique, −
vitesse −
→ →µ , et le moment cinétique L par rapport
au point O :


→ 1P → −
→ P
µ := r k ∧−
qk − →
vk et r k∧−
L := mk →
− →
vk
2 k k
−−→
avec −→
r k = OM k .
L’unité internationale de moment magnétique est le joule par tesla ( J T−1 ).
Le système que nous considérons est un atome dont le centre de masse est assimilé
au noyau que nous prenons comme origine, O. Dans ce cas, seuls les électrons contribuent


à la constitution des moments cinétique et magnétique car −→r = 0 pour le noyau.

− 1X − →
− X
µ := r k ∧−
qe → →
v k et L := me − r k∧−
→ →
vk
2
k k

où qk = qe est la charge de l’électron tandis que mk = me est sa masse.



− qe
Remarquons la relation − →
µ = γ L où γ = est le rapport gyromagnétique.
2me
Dans un atome, les mouvements des électrons sur leurs orbites engendrent un


moment cinétique que l’on appelle "moment cinétique orbital ", L , pour le distinguer


du moment cinétique propre des électrons ou "spin" électronique, S . A chacun de ces
moments cinétiques est associé un moment magnétique qui lui est proportionnel. Dans
le cas des mouvement orbitaux, le coefficient de proportionnalité se calcule comme nous

− qe
l’avons indiqué : −

µ L = γ L L , avec γ L = ' 8, 9 × 1013 s−1 T−1 .
2me
N.B. 1 s−1 T−1 = 1 C kg−1 .
Dans le cas du spin, les propriétés des atomes conduisent à l’expression

− →

µ S = γ S S avec γ S = 2γ L .
78 Le magnétisme atomique

En physique atomique, les moment cinétiques ont pour ordre de grandeur ~ (cf.
la relation 5.1, page 67) ; on définit alors le "magnéton de Bohr " qui fixe l’ordre de
e~
grandeur des moments magnétiques électroniques : µB = ' 9, 3 × 10−24 J T−1 .
2me


De façon générale, à tout moment cinétique électronique, J , combinaison de
moments cinétiques orbitaux et de spins, est associé un moment magnétique, − →
µ , dont
† −→ →

la moyenne temporelle m, est proportionnelle à J . On définit alors le "facteur de
Landé", g, tel que


→ qe →

m =g J avec gL = 1 et gS = 2 (6.1)
2me

La valeur gS = 2, associé au spin électronique, se déduit de l’équation de Dirac qui


décrit l’électron en mécanique quantique relativiste. Dans le cadre de l’électrodynamique
quantique, diverses corrections, que l’on sait calculer avec précision, conduisent à la valeur
gS = 2, 002..., ce que confirme l’expérience. Nous utiliserons cependant la valeur gS = 2 par
la suite.

Il est souvent commode de considérer que les mouvements orbitaux des électrons
créent des courants électriques, responsables des moments magnétiques des atomes. En
utilisant la définition, on peut démontrer que la spire de courant élémentaire de la figure
6-1 où i est une constante, possède un moment magnétique

µ =−

→ →
m = iS −

u (6.2)

Figure 6-1.

Le courant permanent, d’intensité i, parcourt un circuit fermé, délimitant une


surface plane d’aire S. Le vecteur unitaire normal à la spire, orienté par le courant (voir
la règle de la main droite sur le dessin figure 6-1) est noté −

u . Remarquons que iS −→
u est
indépendant de l’origine O.


Placée dans champ magnétique, B , une charge q, animée de la vitesse → −v , est


soumise à la force de Laplace, F , tandis qu’un élément de courant de longueur d , porté

− →

par le vecteur unitaire T , subit la force élémentaire d F :


→ →
− →
− − −
→ →
F =q →

v ∧ B et d F = id T ∧ B

† La moyenne dont il est question est prise sur l’intervalle de temps [t, t + T ] où T est "très petit" : de

l’ordre de quelques périodes électroniques (N.B. la période orbitale de l’électron de l’atome de Bohr sur
son niveau fondamental est voisine de 1, 5 10−16 s). Une telle moyenne peut éventuellement dépendre du
temps, t.
Introduction 79

On en déduit que placée dans un champ magnétique, une spire de petite dimension, est

− →

soumise à un couple de moment Γ et à une force F :


→ →
− −
→ ³ →´ −
− → X →

Γ =−

m ∧ B et F = −
→m·∇ B = mk ∇B k (6.3)
k=x,y,z


− P ∂ ∂ ∂ h−→i − →
avec −

m · ∇ := mk ∂k := mx +my +mz . Remarquons que la relation rot B = 0
k ∂x ∂y ∂z
P P
implique les relations F m = mk ∂k B m = mk ∂m B k d’où la dernière des relations 6.3 :
→ ³− →´ −
k k
− − → P − →
F = → m · ∇ B = mk ∇B k
k

L’énergie potentielle du système formé par un moment magnétique ponctuel, −



m,

− −
→ →
− →

immergé dans un champ magnétique B est U = − m · B lorsque k µ k est indépendant


de B . Dans le cas général il vient



dU = −−

m · dB (6.4)

où dU est la variation d’énergie potentielle du système lorsqu’il est soumis à la variation




de champ magnétique d B .

Un dipôle magnétique est un système physique complètement décrit par son mo-
ment magnétique, − →
m : le couple et la force magnétiques qui agissent sur le dipôle ont pour
expressions les expressions 6.3 tandis que l’énergie est donnée par la relation 6.4.
Un atome n’est pas rigoureusement un dipôle magnétique. Mais cette approxi-
mation décrit convenablement de nombreuses situations physiques. Nous l’utiliserons à
diverses reprises.

Le magnétisme est parfois étudié comme un phénomène qui concerne les atomes
individuellement (par exemple dans l’expérience de Stern et Gerlach paragraphe 6.2.5
page 84 ci-dessous) ; il est également perçu à travers ses effets macroscopiques collectifs
(le paramagnétisme paragraphe 6.4.2 page 89, par exemple).
On distingue de nombreuses sortes de magnétisme : diamagnétisme, paramagné-
tisme, ferromagnétisme, ferrimagnétisme, etc... Les développements qui suivent concernent
le diamagnétisme et le paramagnétisme : dans ce cas, les effets macroscopiques sont les
conséquences statistiques des comportements individuels des systèmes atomiques sans
que n’interviennent ni des interactions globales ni même des interactions entre systèmes
voisins, autres que les éventuelles collisions dues à l’agitation thermique.

Du point de vue du magnétisme, l’état macroscopique d’un milieu est décrit par
−→
son intensité d’aimantation, M.
Considérons un petit volume V, entourant le point P. Dans ce petit volume, n
systèmes atomiques sont présents. Les moments magnétiques de chacun de ces systèmes
sont −
→m 1, −

m 2 , ..., −

m n . Le moment magnétique total est −

m = −→
m1 + −→m 2 + ... + −

m n.
L’intensité d’aimantation en P, ou plus simplement l’aimantation en P, est


→ −

m
M = lim
V →0 V

Les aimantations s’expriment donc en J T−1 m−3 = A m−1


80 Le magnétisme atomique

On définit alors la susceptibilité magnétique, χ, d’un milieu linéaire† :



→ −

µ0 M := χ B

où µ0 = 4π × 10−7 N A−2 est la perméabilité magnétique du vide.




Appliquons un champ magnétique B , sur un milieu linéaire, sans aimantation.

− −
→ →

Le champ B induit dans le milieu une intensité d’aimantation M := χ B /µ0 . Lorsque
χ est positif, le milieu est dit "paramagnétique". Lorsque χ est négatif, le milieu est
"diamagnétique".

6.2 Le magnétisme à l’échelle atomique


6.2.1 Le théorème de Larmor
Les effets du magnétisme sur un atome peuvent être étudiés grâce au théorème
de Larmor. Nous le démontrons en annexe (A-1 page 92) dans le cas classique où l’atome
apparaît comme un ensemble de charges ponctuelles (électrons et noyau).
Le noyau est généralement beaucoup plus massif que le nuage électronique. Nous
pouvons admettre qu’il est confondu avec le ncentre de masse de l’atome et qu’il reste
→ −
− → − →o
immobile à l’origine d’un repère galiléen R = O; i , j , k .

Figure 6-2.

− →

L’atome est soumis à un champ magnétique, B = B k , que l’on considère
comme
n − uniforme ào l’échelle de l’atome‡ . On introduit un repère orthonormé, RT =
→ −→ − → − → →

O; I , J , K = k , d’origine O, tournant autour de l’axe k avec une vitesse angulaire


instantanée Ω (figure 6-2). On pose

→ qe −
→ →

Ω =− B := Ω L
2me

Dans ce cas, le repère tournant est appelé "repère de Larmor ", il est noté RL . La vitesse


de rotation de ce repère, Ω L , est la "vitesse de rotation de Larmor ".
Dans les cas rencontrés en pratique, on démontre que l’atome est décrit par l’ob-
servateur tournant avec le repère de Larmor comme l’aurait décrit l’observateur fixe s’il
† Le →

milieu est dit "linéaire " lorsque l’aimantation induite par l’application du champ magnétique B


et proportionnelle à B .
‡ Cette approximation est en particulier légitime lorsque l’atome est soumis à un champ de radiofré-

quence ou à une onde électromagnétique du domaine visible. Dans ce cas, la longueur d’onde, λ, est
supérieure à 400 nm tandis que la dimension de l’atome, a, n’excède pas quelques angströms : a << λ.
Le magnétisme à l’échelle atomique 81

n’y avait pas eu de champ magnétique appliqué. Cette propriété constitue le théorème
de Larmor. On dit parfois que le champ magnétique est "absorbé" dans la rotation.


Le théorème de Larmor signifie que l’application du champ magnétique B se tra-


duit par une vitesse de rotation supplémentaire des électrons, Ω L de telle sorte qu’aucune
modification n’est enregistrée dans le repère de Larmor.
6.2.2 Les moments magnétiques
Considérons un atome dont la position des électrons est donnée par {− →r k } et leur


vitesse par {vk } . Son moment magnétique par rapport à O est

− qe P−→
µ = r k ∧−

vk . En toute rigueur −

µ est, en général, une fonction du temps que l’on peut
2 k
appeler "moment magnétique instantané". Dans l’atome, les mouvements électroniques
étant des mouvements de petites périodes, T (n’excédant généralement pas 10−13 s), c’est
en fait la moyenne temporelle de − µ , notée h−
→ µ i/t := −
→ →m, qui est la grandeur physique
pertinente pour décrire le comportement de l’atome et son évolution, pour autant que
celle-ci soit due aux évolutions lentes† des champs extérieures imposés. C’est − →
m que l’on
désigne sous le nom de "moment magnétique".
La moyenne temporelle qui conduit à − →
m porte sur des durées de quelques périodes


T. Le moment magnétique, m, est donc une quantité qui dépend a priori de l’instant
auquel on le calcule. C’est, en général, une fonction du temps qui dépend des champs
extérieurs imposés.
En l’absence de champs extérieurs, − →
m est une constante.
On peut aussi admettre que la moyenne temporelle − →
m, puisse être remplacée par
la moyenne sur un ensemble formé de nombreux atomes. De ce point de vue aussi, il est
clair que −→
m est susceptible d’évoluer au cours du temps.

Figure 6-3.


Appliquons sur l’atome un champ magnétique B k , nul à l’instant initial t = 0.
Sur la figure 6-3 nous avons représenté, à un instant t quelconque, un électron particulier
tel qu’il se présenterait en l’absence de champ magnétique (figure 6-3 a) et tel qu’il se
présente en présence du champ magnétique (figure 6-3 b). Dans chacun des cas considérés,
la position de l’électron est respectivement − rk b , tandis que les vitesses sont −
rk a et −
→ → →
vk a et

− →
− →
− qe P− → →
− →
− qe P−

vk b := vk /RL , vitesse par rapport à RL . Posons µ b = rk b ∧vk b et µ a = rk a ∧−

vk a .
2 k 2 k
D’après le théorème de Larmor, − r ,−
→ →
v et −
kb kb

µ se déduisent de −
b
→r ,− →
v et −
ka
→µ par une
ka a

† "Evolutions lentes" signifie ici " Evolutions en des temps longs devant 10−13 s ”.
82 Le magnétisme atomique

t Z
−qe
rotation d’axe Oz, d’angle θ (t) = B (t0 ) dt0 . De même h− →µ b i/t := − →
m b := −m→
0
0 2me

− →
− →

se déduit de h µ a i/t = m a par une rotation d’angle θ. Le moment m a est le moment
magnétique que l’on observerait en l’absence de champ magnétique. C’est un vecteur
constant. Le vecteur − →
m b := h− µ b i/t est par définition ce que l’on note −
→ →. Ce vecteur
m 0
dθ −

subit, au cours du temps, une rotation de vitesse angulaire . Ainsi, m0 est animé d’une

− →
− dt
rotation autour de B , de vitesse angulaire Ω L (figure 6-4) et satisfait donc la relation
(voir la relation 6.10 de l’annexe A-1 page 92)
d−
m→ − →
= ΩL ∧ − →
0
m0 (6.5)
dt

− →

N.B. Remarquer que Ω L et B sont parallèles et de même sens.
Cependant, − → n’est pas exactement égal au moment magnétique car, par rapport
m0
au repère fixe R, la vitesse de l’électron est − vk = −
→ →
vk /RL + − →
v E où − →v E est la vitesse
d’entraînement (voir la relation 6.11 de l’annexe A-1 page 93) ; par conséquent − →
vk =

− →
− →
− →
− −
→ →

vk b + Ω L ∧ rk b . On en déduit que le momentµmagnétique est m = m0 + ∆ m avec
P D qe − ³−
→ ´E −Zqe2 1 P D¡− → ³−
¢− → → ´− E ¶
∆−→
m= →
rk b ∧ Ω L ∧ −
→rk b = →
rk b2 B − B · − rk b →rk b soit
k 2 /t 4me Z k /t

−Zqe2 D³ − → ³−
2 − → →´ − ´E
∆−
→m= B (→ r ⊥) k − k · − r r→⊥
4me /t/Ze

la moyenne, /Ze , est maintenant étendue à l’ensemble des Z électrons de l’atome (N.B.
nous utilisons les notations de la figure 6-5).

Figure 6-4. Figure 6-5.


Nous notons h( )i la moyenne de ( ) , étendue à tous les atomes du volume élé-


mentaire dV entourant le point P. Admettons que la droite qui porte B soit un axe de
symétrie
¿D³cylindrique pour Àla répartition statistique des configurations électroniques. Il
→ −
− ´ E →

vient →
k · r r −
→ = 0 . On en déduit

/t/Ze

­ − ® −Zqe2 2 −

∆→
m = ρ B
4me
D­ ® E
avec ρ2 := 2
r⊥ /t/Ze
.
­ →® ­ →®
Nous verrons que ∆− m est responsable du diamagnétisme tandis que − m0 est
responsable du paramagnétisme. En règle générale, dans les conditions que l’on rencontre
le plus souvent, le diamagnétisme est négligeable devant le paramagnétisme sauf lorsque


m 0 est nul. Nous allons le montrer avec le modèle de Bohr de l’atome d’hydrogène.
Le magnétisme à l’échelle atomique 83

6.2.3 L’atome de Bohr


Considérons l’atome de Bohr dans son état fondamental (figure 6-6). La vitesse

− →

angulaire de l’électron est ω 0 . Appliquons un champ magnétique uniforme B = B k ,
perpendiculaire au plan de l’orbite électronique.

Figure 6-6.
Le théorème de Larmor affirme que dans le repère de Larmor, RL le mouvement
de l’électron reste toujours le même. Cela signifie que l’électron de la figure 6-6 tourne un
peu plus vite sur son orbite, avec la vitesse angulaire ω = ω 0 + ΩL , tandis que le rayon
de l’orbite reste inchangé. La force centripète correspondante est me ω 2 r. Au premier
eB
ordre relativement à B, avec ΩL = , cette force s’est accrue de dF = 2me ωrdω =
2me
2me ωΩL r = ωreB = Bev où v est la vitesse de l’électron sur son orbite† . La force dF est
précisément la force de Laplace supplémentaire qui est apparue en appliquant le champ B.
C’est ce qui explique l’accroissement de la vitesse de rotation de l’électron sur son orbite.
−e →

Le moment magnétique initial est − →
µ0 = v0 r k = h− µ 0 i/t = −
→ →
m 0 où v0 est
2
la vitesse de l’électron sur son orbite fondamentale. Selon la relation de quantification
e~
5.1 page 67, il vient k− →
µ 0k = = µB , magnéton de Bohr. En présence du champ
2me

− −e
magnétique, le moment magnétique instantané devient − →µ =− →µ 0 +dµ k avec dµ = r dv
2
2 2 2
−er e r
et dv = rdω = rΩL . On en déduit dµ = ΩL = − B = hdµi/t . Ce terme est
2 4me
responsable du diamagnétisme mais il est généralement négligeable devant µB . En effet
en remplaçant r par le rayon de Bohr¯ de ¯l’atome d’hydrogène (r ' 0, 5Å) et B par 10 T,
¯ dµ ¯
ce qui est un champ intense, il vient ¯¯ ¯ ∼ 2 × 10−5 << 1.
µB ¯
­ →®
Dans la suite de cette section, nous négligeons le terme ∆− m et nous posons


m=− m→.
0
6.2.4 Rapport gyromagnétique et précession de Larmor
Suivant la relation 6.1 rappelée en introduction, dans un atome, le moment ma-


gnétique, −

m, d’origine électronique est proportionnel à son moment cinétique, J :

→ →
− qe
m = γ J avec γ = g (6.6)
2me


Appliquons sur le système étudié le champ magnétique B . Il apparaît un couple

− →

de moment m ∧ B (cf. les relations 6.3). L’équation d’évolution du moment cinétique
† On remarquera les égalités dF = 2me ωΩL r = 2me (ω0 + ΩL ) ΩL r = 2me ω 0 ΩL r, valables au second
eB
ordre près relativement à B car ΩL = est un terme du premier ordre en B.
2me
84 Le magnétisme atomique



dJ →

s’écrit =−

m ∧ B . On en déduit
dt

d−
→m → →

= −γ B ∧ −
m (6.7)
dt

− →

Cette relation signifie que −

m est soumis à une précession de vitesse angulaire Ω = −γ B .


Dans le cas où seuls sont considérés les mouvement orbitaux des électrons, il vient Ω =
qe −

− B : c’est la relation 6.5 établie ci-dessus qui correspond à un facteur de Landé
2me
g = 1. Dans le cas général, il faut tenir compte du spin électronique en sus des mouve-
ments orbitaux ; le facteur de Landé n’est donc pas toujours égal à l’unité (voir ci-dessous
le modèle vectoriel page 95). La précession donnée par l’équation 6.7 est appelée "préces-

− →
− qe −→
sion de Larmor ". C’est la vitesse angulaire Ω = −γ B = −g B que l’on appelle
2me
"vitesse angulaire de Larmor", dans le cas général et pas seulement lorsque g = 1.
6.2.5 L’expérience de Stern et Gerlach
L’expérience de Stern et Gerlach, réalisée en 1921, est l’exemple d’une mesure,
de nature quantique dont la compréhension s’appuie sur les postulats qui régissent les
mesures idéales.
Pour que toute la portée de cette expérience soit comprise, il fallut que les idées
de l’école de Copenhague concernant la théorie de la mesure s’imposent (congrès Solvay
de 1927) et que le spin de l’électron soit introduit (Uhlenbeck et Goudsmit 1925). Pour
interpréter les résultats expérimentaux, nous ferons appel à la compréhension que nous
avons de la mécanique quantique aujourd’hui† , sauf à anticiper sur la présentation de cette
théorie.

Les atomes que l’on souhaite étudier (l’argent dans l’expérience initiale) sont
placés dans un four à la température T. Ils y forment une vapeur. Un trou laisse échapper
un jet atomique qui pénètre dans l’entrefer d’un aimant où règne un fort gradient de
champ magnétique (figure 6-7).

Figure 6-7.

p Les atomes pénètrent dans l’entrefer de l’aimant avec la vitesse v (de l’ordre de
kB T /Mat où Mat est la masse de l’atome et T la température du four). Ils possèdent
† La quète d’une meilleure compréhension se poursuit encore...
Le magnétisme à l’échelle atomique 85

alors un moment magnétique, − →


m. Dans l’entrefer de l’aimant, ils sont soumis à un champ


magnétique B , parallèle à l’axe Oz. Le moment − →m subit alors la précession de Larmor
(cf. équation 6.7).

Figure 6-8.

Pendant que l’atome se déplace dans l’entrefer, il effectue plusieurs tours complets


autour de B . Les composantes mx et my de − →
m, sont donc nulles en moyenne, tandis que
mz reste constant (cf. figure 6-4).
La force due au gradient du champ magnétique provient donc de la seule compo-

− ∂B z
sante mz . Selon l’expression 6.3 la seule composante non nulle de F est F z = mz .
∂z
Cette force provoque une déviation de la trajectoire des atomes qui dépend de la valeur
de la composante mz de leur moment magnétique (figure 6-8 a).
L’atome considéré entre dans l’entrefer en A; il en sort en B (figure 6-9).

Figure 6-9.

1 Fz 2
Entre A et B les équations du mouvement sont x = vt et z = t . En B il
µ ¶ 2 Mat
2
1 ∂B z D
vient x = D et par conséquent zB = ×mz . Entre A et B la trajectoire
2Mat ∂z v
est parabolique. Le point M de la figure 6-9 est donc le milieu de AB. Entre B et l’écran
E, la trajectoire est rectiligne (la pesanteur produit des effets négligeables). On en déduit
86 Le magnétisme atomique

z zB
= :
L D/2
∂B z D L
z = A × mz avec A= (6.8)
∂z Mat v2
A est une fonction d’appareil. L’observation du point d’impact sur l’écran fournit z. Le
dispositif de Stern et Gerlach constitue donc un appareil de mesure de mz .
Les moments magnétiques des atomes issus du four sont orientés au hasard, de
façon isotrope.
°→° On°→s’attend
° donc à une distribution continue des valeurs de mz , comprises
entre° °−
m
°
° et − °−m
°→°
° et par conséquent à l’apparition d’une tache s’étendant de z =
−A °− →
m ° à z = A °− m ° (voir la figure 6-8 b).
En réalité, Stern et Gerlach observèrent deux taches (figure 6-8 c). La théorie
classique ne peut donc pas expliquer un tel phénomène.

6.3 La théorie de la mesure en mécanique quantique.


6.3.1 La théorie de la mesure


Nous pouvons utiliser la relation de proportionnalité −

m = γ J (cf. équ. 6.6) pour
présenter l’expérience de Stern et Gerlach comme une mesure de Jz plutôt que de mz . Les
résultats de l’expérience s’interprètent alors naturellement dans le cadre de la théorie de
la mesure en mécanique quantique. Nous en résumons les traits essentiels.

Nous avons vu la relation de quantification L = n~ établie à partir de consi-


dérations sur la continuité des ondes de matières (cf. 5.1 page 67). Nous avons indiqué
alors que l’introduction des ondes de matière telles que nous les avions mises en oeuvre


ne constituait pas une théorie, faute d’équation d’onde. En réalité, J étant un moment
→2

cinétique quelconque, la théorie quantique prévoit que la mesure de J conduit nécessai-
rement au résultat j (j + 1) ~2 où 2j est un entier naturel (2j ∈ N). Si nous désignons par

− p
J la racine carrée du résultat de la mesure de J 2 il vient J = j (j + 1) ~. Remarquons
que le résultat énoncé ici n’est
p pas en accord avec la relation de quantification. Cependant,
pour j >> 1 il vient J = j (j + 1) ~ ' j ~ mais j n’est pas nécessairement entier, il peut
1
être de la forme j = k + où k est un entier. Dans ce cas on dit que j est "demi entier ".
2
Découvrir l’existence d’une relation de quantification était un progrès considérable. Que
celle-ci n’ait pas été exacte d’emblée, doit être considéré avec indulgence...

A De façon générale, la liste des résultats possibles d’une mesure ne dépend que de la
grandeur que l’on mesure. Cette grandeur est appelée "une observable" ; la liste des
→2

résultats
© ª est "le spectre de l’observable". Ici le spectre de l’observable J est
possible
2
j (j + 1) ~ avec 2j ∈ N.

B Lorsqu’on effectue une mesure sur un système physique dans un état donné, on obtient
un résultat qui est l’une des valeurs du spectre de l’observable. Lorsqu’on recommence la
même mesure dans les mêmes conditions, on obtient le plus souvent un résultat différent.
En recommençant un très grand nombre de fois dans des conditions identiques, on obtient
un ensemble de résultats rk , en proportion pk .
La dispersion des résultats d’une mesure que l’on répète peut avoir diverses ori-
gines.
1. Recommencer deux mesures dans des conditions identiques est pratiquement impos-
sible ; des écarts d’une mesure à l’autre sont donc inévitables. Ce type de dispersion
peut être réduit en améliorant les performances des appareils de mesures.
La théorie de la mesure en mécanique quantique. 87

2. Les systèmes que l’on croyait avoir préparés de façon identiques peuvent ne pas
être identiques. La encore, une modification de la préparation des systèmes peut
améliorer l’homogénéité des résultats.

3. Les autres causes de dispersion étant éliminées, il subsiste, le plus souvent, une
dispersion de nature quantique. L’état que nous avons préparé est parfaitement
défini mais, en théorie quantique, cela ne veut pas dire que toutes les grandeurs
physiques y sont parfaitement définies. En théorie quantique, mesurer une grandeur
ce n’est pas seulement déterminer expérimentalement la valeur d’une grandeur qui
serait bien définie avant la mesure ; mesurer une grandeur c’est mettre en oeuvre
une interaction entre le système étudié et un appareil de mesure. Cette interaction
modifie le système physique† de telle sorte que la grandeur mesurée prenne une valeur
bien définie. C’est précisément cette valeur qui est le résultat de la mesure. Il n’est
donc pas possible de prédire avec certitude le résultat que l’on obtiendra. On peut
seulement, connaissant l’état du système, calculer la probabilité pour que le résultat
soit rk . Selon la loi des grands nombres, cette probabilité est presque certainement
pk (ou très voisine de pk ). L’ensemble des probabilités pk est une caractéristique de
l’état du système physique sur lequel on opère.

C Ayant préparé un grand nombre de systèmes d’une certaine manière, il peut arriver
que tous donnent le même résultat de mesure. Pour ces systèmes, la grandeur est alors
bien définie avant sa mesure. La mesure ne change pas cet état ; l’appareil se contente
de donner le résultat. C’est ce qui se produit si on effectue deux fois de suite la même
mesure. La première mesure donne un résultat dont on ne peut prédire que la probabilité
a priori. Le résultat de la première mesure étant obtenu (et connu), la seconde mesure
donne certainement le même résultat si elle est effectuée immédiatement après la première
mesure.

A l’issue du four, tous les atomes d’une espèce donnée, ont même moment ciné-
tique J (pour des températures raisonnables qui laissent ces atomes dans l’état fonda-
mental).
La valeur de j est donnée dans le tableau 1-4 page 8. Dans la troisième colonne
on trouve la "formule spectrale" de l’atome considéré. Pour le nickel (Z = 28) la formule
spectrale est 3 F4 . Le nombre 4 en indice à droite est la valeur de j. Pour certains atomes, j
n’est pas indiqué. C’est le cas de l’argent (Z = 47) par exemple. Ces atomes ont tous pour
formule spectrale k S. La valeur de j est alors (k − 1) /2. Ainsi, pour l’argent (Z = 47), de
la formule spectrale, 2 S, on déduit j = 1/2.

Pour un système quantique dont la valeur de j est fixée, on mesure Jz , projection




de J sur l’axe Oz.
La théorie quantique nous enseigne que le spectre de Jz est {m ~} où m est l’un
des nombres de la suite −j, −j + 1, −j + 2, etc, j − 1, j. Pour l’argent, j = 1/2, les valeurs
possibles de m sont −1/2 et +1/2. Pour le titane (Z = 22) on trouve j = 2; les valeurs
possibles de m sont −2, −1, 0, 1 et 2. De façon générale il y a 2j + 1 valeurs possibles de
m et par conséquent 2j + 1 valeurs possibles de Jz = m~.

† L’état physique est décrit par une fonction d’onde et cette modification est appelée "réduction de la

fonction d’onde".
88 Le magnétisme atomique

6.3.2 L’expérience de Stern et Gerlach : résultats et interprétation


1
Lorsque les atomes d’argent sortent du four, ils ont tous même valeur j =
½ ¾2
~ ~
(voir le tableau 1-4 page 8). Le spectre de Jz est alors formé de deux valeurs − , .
2 2
Chacune de ces valeurs donne naissance à un jet atomique, dévié de la façon spécifique
correspondant à la formule 6.8. On observe donc 2 taches.
Par contre si on effectue l’expérience avec du titane on observe 5 taches dont l’une
correspond à un jet d’atomes qui ne sont pas déviés (m = 0).

Le nombre de taches sur l’écran permet donc de déterminer la valeur de j.

On peut démontrer que le moment cinétique orbital de l’argent (de configuration


électronique [Kr] 4d10 5s) est nul. Les deux taches s’expliquent alors par l’existence du
spin électronique qui confère à l’atome la valeur j = 1/2.

Remarquons enfin que la distance entre deux taches sur l’écran est le produit
d’une fonction d’appareil et du facteur de Landé de l’atome considéré. Nous montrons
ci-dessous (A-2 page 95), comment le modèle vectoriel permet de déterminer les facteurs
de Landé des atomes .
6.3.3 Les mesures incompatibles
Supposons que nous percions d’un trou l’écran E de la figure 6-7, au point d’im-
1
pact du faisceau correspondant à Jz = ~ (figure 6-10). Derrière l’écran, dans la région
2
II, l’état de Jz est bien défini. Nous utilisons alors le même dispositif pour mesurer Jy .
1
Nous sélectionnons les atomes correspondant à la valeur Jy = − ~ (figure 6-10).
2

Figure 6-10.

On pourrait penser que dans la région III les grandeurs Jz et Jy sont toutes deux
bien définies. C’est vrai pour Jy qui vient d’être mesuré, mais une mesure de Jz dans la
région III montre que ce n’est pas le cas pour Jz . C’est là une différence importante entre
la théorie classique et la théorie quantique. Nous devons admettre que, dans le cadre de la
théorie quantique, certaines grandeurs sont incompatibles : elles ne peuvent pas être
déterminées simultanément. C’est le cas de Jy et Jz . La valeur de Jz étant bien définie,
une mesure de Jy (dans la région II) se traduit par une interaction qui modifie l’état du
système. Le résultat en est que les mesures de Jz (dans la région III) présentent alors une
dispersion de nature quantique telle que nous l’avons introduite ci-dessus (cf § B 3 page
87).
Le magnétisme à l’échelle macroscopique 89

L’expérience de Stern et Gerlach et ses avatars s’interprètent convenablement


dans le cadre de la théorie de la mesure esquissée ci-dessus et en constituent donc une
justification.

6.4 Le magnétisme à l’échelle macroscopique


Nous utilisons la relation −

m = −m→ + ∆−
0

m, établie précédemment (paragraphe


6.2.2, page 81). En P, l’aimantation du milieu, M, s’exprime donc sous la forme

→ − → −
→ −→ ­ →® −→ ­ →®
M = M0 + ∆M avec M0 = N − m0 et ∆M = N ∆− m (6.9)
­ →® ­ − ®
où − m0 et ∆→ m sont les moyennes de −→ et ∆−
m 0

m sur l’ensemble des atomes contenus dans


le volume élémentaire dV entourant le point P, tandis que B est le champ magnétique au
point P et N le nombre d’atomes par unité de volume.
6.4.1 Le diamagnétisme

− −
→ →

Ici nous supposons −

m 0 = 0 , ce qui implique M0 = 0 . L’expression 6.9 devient


→ −
→ Zqe2 →− χ− → Zqe2
M = ∆M = −N ρ B = B avec χ = −N µ0 ρ
4me µ0 4me
−→
Le terme ∆M est responsable du diamagnétisme (χ < 0).
Pour le bismuth, par exemple, avec ρ ∼ 1Å, Z = 83 et N = 2, 8 1028 m−3 (voir
le tableau 1.3 page 7) on obtient l’ordre de grandeur χ ∼ −2 10−4 . Le tableau ci-dessous
donne la valeur de la susceptibilité pour quelques corps diamagnétiques usuels.

¡ ¢ ¡¢
Substance : bismuth mercure eau argon † hydrogène †
Susceptibilité, χ : −1, 7 × 10−4 −3, 2 × 10−5 −8, 8 × 10−6 −9, 5 × 10−9 −2, 1 × 10−9
¡† ¢
: dans les conditions normales.
6.4.2 Le paramagnétisme
Pour étudier le paramagnétisme, c’est à dire l’effet des moments magnétiques − →
m0
introduits ci-dessus (paragraphe 6.2.2 ou 6.2.3) nous négligeons les effets du diamagnétisme
qui est toujours présent mais est dans ce cas négligeable.

Nous considérons un ensemble de systèmes atomiques présentant le même facteur


qe −

de Landé g. Dans ces conditions, il vient −→m =g J , selon l’expression 6.6.
2me

− →
− →

Ces atomes sont soumis au champ magnétique uniforme, B = B k où k est le
vecteur unitaire suivant l’axe Oz. Les valeurs possibles de la composante mz du moment
qe
magnétique des atomes sont mz = m g ~ := −m g |µB | avec m = −j, −j + 1, etc, j.
2me
A chaque valeur de m correspond une valeur de l’énergie par atome : Um =

− →

− m · B = −B mz = m g |µB | B (voir la relation 6.4 dans le cas où − →µ est indépendant


de B , c’est-à-dire en négligeant le diamagnétisme).
Les valeurs de m ne se répartissent pas uniformément entre les divers atomes.
Deux tendances se contrarient : une tendance naturelle à réaliser un équilibre aussi
stable que possible, c’est-à-dire à disposer d’une énergie minimale† , et une tendance à
l’"isotropisation" des moments magnétiques sous l’effet de l’agitation thermique. Les lois


† Dans l’état d’énergie minimale, →

m s’aligne sur B , dans le même sens.
90 Le magnétisme atomique

de l’équilibre thermodynamique conduisent au compromis suivant lequel les valeurs de m


se répartissent en proportion pm = Λe−Um /kB T .
Λ s’obtient en écrivant que la somme des proportions est égale à l’unité :
Pj
Λ× e−Um /kB T = 1.
m=−j
La composante mz du moment magnétique admet pour valeur moyenne
P
j
hmz i = pm (−mg |µB |).
m=−j
Les composantes mx et my du moment magnétique admettent une valeur moyenne
nulle, car le système présente une symétrie de révolution statistique autour de l’axe Oz.

→ → N hmz i −
− →
L’intensité d’aimantation du milieu est donc M = N hmz i k = B où N
−→ →
− B
est le nombre d’atomes par unité de volume. La relation µ0 M = χ B permet de trouver
hmz i
la susceptibilité magnétique χ = µ0 N.
B
Etudions comme exemple le cas j = 1/2, g = 2.
1
Les deux valeurs de m sont ± . Les valeurs de l’énergie sont U± = ± |µB | B; ces
2
valeurs sont celles
¡ de l’énergie d’atomes présents en¢proportion p± = Λe(±(g|µB | B)/(2kB T )) .
On en déduit Λ e−(|µB | B)/(kB T ) + e(|µB | B)/(kB T ) = 1, d’où
2 |µ | B
Λ= avec X := B .
cosh (X) kB T
On rappelle que cosh x est le "cosinus hyperbolique de x”, défini par la relation
ex + e−x
cosh x := .
2
Résumons sous forme de tableau les divers cas possibles.

1 2 e−X
m= p+ = U+ = |µB | B (mz )+ = − |µB |
2 cosh X

1 2 eX
m=− p− = U− = − |µB | B (mz ) = |µB |
2 cosh X

On détermine aisément les valeurs moyennes :

1. hU i := p+ × U+ + p− × U− = |µB | B × (p+ − p− ) = − |µB | tanh X × B


2. hmz i = p+ × (− |µB |) + p− × (|µB |) = |µB | (p− − p+) = |µB | tanh X

sinh X eX − e−X
On rappelle que tanh X := tangente hyperbolique X := = X
cosh X e + e−X
eX − e−X
avec sinh X := sinus hyperbolique X := .
2
hmz i
Le milieu présente donc une susceptibilité magnétique χ = µ0 N:
µ ¶ B
|µ | |µB | B
χ = µ0 B tanh × N > 0. La susceptibilité du milieu est positive ; le milieu
B kB T
est donc paramagnétique.
Conclusion 91

Dans le cas général on trouve†





→ B |µ | B
M = N g j |µB | Bj (X) avec X := g j B et
B kB T
2j + 1 1 1 1
Bj (X) : = −
2j tanh [(2j + 1) X/ (2j)] 2j tanh [X/ (2j)]
Bj (X) est "la fonction de Brillouin". Nous représentons l’allure du graphe de la fonction
X 7→ jBj (X) figure 6-11.

Figure 6-11.
En champ fort, c’est-à-dire pour X >> 1 ce qui implique |B| >> kB T/ |µB | , les


moments magnétiques sont presque tous orientés suivant B : c’est la "saturation". On
remarquera que c’est à basse température que l’on peut s’approcher de la saturation pour
des valeurs de B pas trop élevées‡ .
|µ | B
Pour X := g j B << 1, c’est à dire dans la plupart des situations physiques
kB T
rencontrées ordinairement (sauf les basses températures), il vient
→ N g 2 j (j + 1) µB2 →
− − N µ0 g 2 j (j + 1) µB2 C
M= B et par conséquent, χ = :=
3 kB T 3 kB T T
la loi de décroissance (en 1/T ) de la susceptibilité magnétique en fonction de la tempéra-
ture est appelée "loi de Curie".
Le tableau ci-dessous donne la valeur de la susceptibilité de quelques substances
à la température ordinaire.
¡ ¢ ¡ ¢
Substance : platine aluminium oxygène † air †
Susceptibilité, χ : 2, 9 × 10−4 2, 1 × 10−5 1, 8 × 10−6 3, 7 × 10−7
¡† ¢
: dans les conditions normales.

6.5 Conclusion
Nous n’avons pas considéré le magnétisme d’origine nucléaire. Celui-ci est pour-
tant bien présent. Les moments magnétiques des noyaux sont généralement exprimés sous
e −
→ →

la forme −→
m N = gN I N où I N est le spin du noyau et mP la masse du proton,
2mP
† Consulter C. Kittel, introduction à la physique de l’état solide, Dunod éditeur (Paris).
‡ La situation est différente pour les matériaux ferromagnétiques que nous n’étudions pas ici.
92 Le magnétisme atomique

tandis que g° N est°le facteur de Landé nucléaire. Comme pour l’étude du magnétisme
°−
→ °
électronique ° I N ° est de l’ordre de quelques ~ et gN de l’ordre de quelques unités ; par
°→ ° me ° ° °→°
conséquent °− mN° ∼ °−→
m ° où °−m ° est le moment d’origine électronique. Les mo-
mP
ments magnétiques d’origine nucléaire sont généralement beaucoup plus petits que les
moments d’origine électronique car me << mP . On peut cependant les étudier et en uti-
liser les propriétés par des méthodes spécifiques, au moyen de la résonance magnétique
par exemple.

Le magnétisme atomique est un domaine qui nous a beaucoup appris sur la phy-
sique de l’atome et la physique quantique. Ce n’est pas surprenant car on peut démontrer
que le magnétisme est de nature purement quantique (théorème de Miss van Leuwen). La
raison est la suivante : s’il n’y avait pas quantification des orbites dans le modèle de Bohr,
toutes les énergies et toutes les orbites seraient acceptables. On démontre que dans ces
conditions les termes diamagnétiques compenseraient exactement les termes paramagné-
tiques, à l’équilibre thermodynamique, et qu’aucun moment magnétique n’apparaîtrait.

Sur le plan pratique, mentionnons que le magnétisme électronique et le magné-


tisme nucléaire fournissent des moyens puissants d’analyse non destructive, par exemple
en chimie et en médecine où le développement de l’imagerie par résonance magnétique
(IRM) nous a donné un outil de diagnostique irremplaçable aujourd’hui.
Sur le plan théorique, soulignons tout particulièrement l’importance qu’il faut
attacher à l’expérience de Stern et Gerlach pour l’interprétation des mesures en mécanique
quantique.

Annexe
A-1. Théorème de Larmor
a- Préalables
n − → −→ −→o
Considérons deux repères. Le repère R = O; i , j , k est un repère galiléen,
n − → −→ − → − →o
orthonormé tandis que le repère RT = O; I , J , K = k est un repère orthonormé,

− →
− →

tournant autour de l’axe k avec une vitesse angulaire instantanée Ω = Ω k (figure 6-2).
A l’instant t il vient

→ −
→ −
→ −
→ −
→ −
→ −
→ →

I = cos θ i + sin θ j , J = − sin θ i + cos θ j , K= k

A l’instant t + dt, l’angle θ de la figure 6-2 a augmenté de dθ = Ωdt. Le vecteur




I a subit la variation


→ dI
− →
− → −
− → → −
− →
dI = Ωdt = J Ωdt = K ∧ I Ωdt = Ω ∧ I dt

→ →
− −
Un calcul analogue peut être effectué pour les vecteurs J et K . On en déduit

− →
− →

dI → −
− → dJ → −
− → dK → −
− → − →
= Ω∧ I , = Ω∧J , = Ω ∧K = 0
dt dt dt


Considérons maintenant un vecteur, V , constant par rapport au repère tournant ; par

− →
− →
− →

définition, il s’exprime sous la forme V = a I + b J + c K où a, b et c sont des constantes.
Conclusion 93

Par conséquent, en dérivant par rapport au temps il vient




dV → −
− →
= Ω∧V (6.10)
dt

Cette relation est très générale. Elle caractérise un mouvement de rotation quel-


conque dans lequel Ω est la vitesse angulaire instantanée de rotation. Dans le cas général,

− →

Ω n’est pas nécessairement assujetti à rester parallèle à un vecteur k donné, ainsi que
nous l’avons supposé ici.

Considérons maintenant le vecteur −



r :

− →
− →
− →
− →
− →
− →

r = x i + y j + z k = X I + Y J + ZK

Dérivons →

r par rapport au temps :

d−
→r dx −
→ dy − → dz − → dX − → dY − → dZ − →
= i + j + k = I + J + K
dt dt dt dt dt dt dt

− −
→ →

dI dJ dK
+X +Y +Z
dt dt dt
On définit
dx −→ dy − → dz − →
1. la vitesse par rapport à R ou "vitesse absolue" : −
→v /R = i + j + k,
dt dt dt
dX −→ dY − → dZ − →
2. la vitesse par rapport à RT ou "vitesse relative" : −

v /RT = I + J + K,
dt dt dt

− →
− →

dI dJ dK → →

3. la vitesse d’entraînement : −

vE =X +Y +Z = Ω ∧− r.
dt dt dt
Il vient

− → →

v /R = −

v /RT + −

vE =− →v /RT + Ω ∧ − r (6.11)

Dérivons une seconde fois :


d2 −
→r d2 x −→ d2 y − → d2 z − →
2
= 2
i + 2 j + 2 k
dt dt dt dt
2 2 − →
− −
→ →

d X →
− d Y → d2 Z −
→ dX d I dY d J dZ d K
= I + J + K + + +
dt2 dt2 dt2 dt dt dt dt dt dt

− →

dΩ − → dr

+ ∧→r +Ω∧
dt dt
Cette expression s’écrit encore

d2 −

r d2 X −→ d2 Y − → d2 Z −
→ −→ →
= I + 2 J + 2 K + Ω ∧− v /RT
dt2 dt2 dt dt


dΩ − → ³→
− → →´

+ ∧→r +Ω∧ − v /RT + Ω ∧ −
r
dt
On définit
1. l’accélération par rapport à R ou "accélération absolue" :

− d2 x −
→ d2 y −→ d2 z −→
γ /R = 2 i + 2 j + 2 k ,
dt dt dt
94 Le magnétisme atomique

2. l’accélération par rapport à RT ou "accélération relative" :



− d2 X −
→ d2 Y − → d2 Z − →
γ /RT = 2
I + 2 J + 2 K,
dt dt dt



− dΩ − → ³−
− → →´
3. l’accélération d’entraînement : γ E = ∧→ r + Ω ∧ Ω ∧− r ,
dt
→ →

Cγ = 2Ω ∧ −
4. l’accélération de Coriolis :−
→ v/RT .
Il vient
γ /R = −

→ →
γ /RT + −

γC +−

γE

b- Le théorème de Larmor
Considérons un électron dont la position est donnée par − →
r , particule ponctuelle


de masse me et de charge qe , soumis à la force F . Cette force est la force de Coulomb
qu’exercent les autres charges de l’atome. C’est une fonction de leur position − →
rk par

− →

l’intermédiaire de r − rk .
Dans le repère R, supposé galiléen, les équations de la dynamique s’écrivent

d2 −

r →

me = F (→
− −

r −rk)
(6.12)
dt2

− →

Appliquons maintenant sur le système physique, un champ magnétique B = B k ,
uniforme. Il vient
d2 −
→r →
− →

me 2 = F + qe − →v ∧B
dt
où −
→v est la vitesse de la charge considérée.
Considérons un repère tournant RT . Exprimons la vitesse − →
v et l’accélération
2−

d r
en fonction des quantités relatives au repère tournant.
dt2
¡→ ¢ − → ¡→ ¢ −

me − γ /RT + −→
γC +− →γ E = F + qe − v /RT + −

vE ∧B

En remplaçant les divers termes par leur expression, on obtient


→ →
− ³−
→ →´ − → → →

F + qe −
→ r ∧ B = me −
v /RT ∧ B + qe Ω ∧ − →
γ /RT + 2me Ω ∧ −
v /RT (6.13)


dΩ → → ³−
− → →´
+me ∧−r + me Ω ∧ Ω ∧ −
r
dt
Posons

→ qe −
→ →

Ω= − B := Ω L
2me
L’équation 6.13 s’écrit


→ qe d B −
− → ³−
q2 − → →´
me −

γ /RL = F + ∧→
r + e B ∧ B ∧−
r (6.14)
2 dt 4me

− →

Dans l’atome, la force F est due à la présence d’un champ électrique, E ; celui-
ci est engendré par des charges de l’ordre de ±e à une distance, r, de l’ordre de 1Å ;
Conclusion 95

°− ° 1 e2
°→°
on trouve° F ° ∼ 2
. Les deux derniers termes de l’expression 6.14 sont donc négli-
° 4πε
→° 0r
µ ¶1/2
° d− ° °− °
° B° 1 2e 21 −1 °→° 1 4me
geables lorsque ° ° << ∼ 3 10 T s et ° B ° << ∼ 2 105 T.
° dt ° 4πε0 r3 4πε0 r3
Ces conditions sont généralement satisfaites en laboratoire mêmes dans des cas extrêmes.
On obtient donc l’expression


me −

γ /RL = F (6.15)


où F est seulement fonction des positions relatives des diverses charges. Dans l’atome,
les charges en présence sont le noyau de charge Ze, situé à l’origine conformément à
−−−→ →
− →
− →

nos hypothèses, et les électrons situés en Mk tel que OMk = xk i + yk j + zk k =

− →
− →

Xk I + Yk J + Zk K avec k = 1, 2, etc, Z. La force qui s’exerce sur l’électron j est donc :
³ →
− →
− →´
− ³ − → →
− →´


− X e2 (xj − xk ) i + (yj − yk ) j + (zj − zk ) k Ze2 xj i + yj j + zj k
Fj = ³ ´3/2 − ¡ ¢3/2
2 2
k6=j 4πε0 (xj − xk ) + (yj − yk ) + (zj − zk )
2 4πε0 x2j + yj2 + zj2
³ →
− →
− →´
− ³ − → →
− →´

X e2 (Xj − Xk ) I + (Yj − Yk ) J + (Zj − Zk ) K Ze2 Xj I + Yj J + Zj K
= ³ ´3/2 − ¡ ¢3/2
2 2
k6=j 4πε0 (Xj − Xk ) + (Yj − Yk ) + (Zj − Zk )
2 4πε0 Xj2 + Yj2 + Zj2

Une équation du type de l’équation 6.15 existe pour chaque électron de l’atome.
d2 Xj d2 Yj d2 Zj
L’ensemble de ces équations exprime , et en fonction de {Xk , Yk , Zk }
dt2 dt2 dt2
(pour les diverses valeurs de j et k). Ces équations sont identiques aux équations 6.12 qui
d2 xj d2 yj d2 zj
expriment 2
, 2
et en fonction de {xk , yk , zk } , seules les notations changent.
dt dt dt2 →

Appliquons sur un atome le champ magnétique B k . A l’échelle de l’atome, B
est supposé uniforme. Il est initialement nul et atteint une valeur constante après un
certain temps. Initialement le repère de Larmor est confondu avec le repère fixe (car

− →

B = 0 ⇒ Ω L = 0 ). Par la suite, à chaque instant, dans le repère de Larmor, les
coordonnées de chaque électron satisfont les mêmes équations (aux notations près) que
dans le repère fixe en l’absence de champ magnétique. Il en est de même du noyau qui
reste à l’origine (xN = yN = zN = 0 = XN = YN = ZN ). L’atome est donc décrit
par l’observateur tournant comme l’aurait décrit l’observateur fixe s’il n’y avait pas eu de
champ magnétique appliqué. Cette propriété constitue le théorème de Larmor.

A-2. Le modèle vectoriel de l’atome


L’étude du magnétisme atomique nécessite la connaissance du facteur de Landé.
Celui-ci est convenablement calculé dans la plupart des cas au moyen du modèle vectoriel
(figure 6-12.).


Le moment cinétique, J , d’un système isolé est un vecteur constant. Sous l’effet
des champs magnétiques internes à l’atome, le moment magnétique instantané tourne
autour du moment cinétique ; dans ces conditions, le moment magnétique effectif est la


moyenne temporelle de la projection sur J du moment magnétique instantané. Il est
proportionnel au moment cinétique.
Nous considérons un système formé par deux sous-systèmes de moments magné-

− →

tiques µ 1 et −

− →
µ 2 et de moments cinétiques J 1 et J 2³. Le moment magnétique total est

− →´


− µ · J →


−µ =− →µ1 +− → µ sur J est −
µ 2 . La projection de −
→ →m = →2
− J . En remplaçant −

µ par
J
96 Le magnétisme atomique


− → → −
− →
µ1 · J +− µ2 · J −
→ qe −→ qe −→
µ1 +−

→ →µ 2 , il vient →

m = →2
− J avec −

µ 1 = g1 J 1 et −

µ 2 = g2 J2
J 2m e 2m e

− →

où g1 et g2 sont les facteurs de Landé associés aux moments cinétiques J 1 et J 2 . On en
→ −
− → → −
− →
qe g1 J 1 · J + g2 J 2 · J −

déduit −

m= × →2
− J.
2me J

Figure 6-12.


On introduit le facteur de Landé, g, associé au moment cinétique J en posant
− −
→ → → −
− →

− qe −
→ g1 J 1 · J + g2 J 2 · J →
− →
− →

m = g J . Il vient g = →
− . La relation J = J 1 + J 2 s’écrit
2me J2

− → −
− →
J 2 = J − J 1. ³−
→ ´2 ³− →´2 ³− → ´2 → −
− → → −
− →
En élevant au carré, on obtient J 2 = J + J 1 −2 J 1 · J soit J 1 · J =
µ³ ´ ¶ µ ¶
1 → 2 ³−
− → ´2 ³− → ´2 → −
− → 1 ³− →´2 ³− → ´2 ³− → ´2
J + J1 − J2 . De même il vient J 2 · J = J + J2 − J1 .
2 2
On en déduit ³−
→ ´2 ³− → ´2
g1 + g2 g1 − g2 J 1 − J2
g= + × ³− ´2
2 2 →
J


Au moment cinétique J 1 est associé le nombre quantique j1 tel que le résultat de
→2
− →
− →

la mesure de J 1 est j1 (j1 + 1) ~2 . De même j2 et j sont associés à J 2 et J . On remplace
³−→ ´2 ³− → ´2 ³−
→´2
J 1 , J 2 et J par le résultat des mesures correspondantes et on obtient

g1 + g2 g1 − g2 j1 (j1 + 1) − j2 (j2 + 1)
gj = + × (6.16)
2 2 j (j + 1)


Pour chaque atome dans son état fondamental, le moment cinétique J est la

− →
− →
− →

combinaison du moment orbital des électrons, J 1 := L , et du moment de spin J 2 := S .
Les nombres quantiques correspondants j1 := L et j2 := S sont donnés par la formule
spectrale de l’atome que l’on trouve dans la troisième colonne du tableau 1-4 page 8.
La formule spectrale se présente sous la forme 2S+1 Lj . La notation qui permet de lire la
S P D F etc.
valeur de L est la suivante : .
L= 0 1 2 3 etc.
Conclusion 97

Le nickel (Z = 28) par exemple a pour formule spectrale 3 F4 . Il faut comprendre


2S + 1 = 3, soit S = 1 et L = ”F ” = 3. Quant à j, nous avons appris à le calculer au
paragraphe 6.3 C ; ici j = 4.

L’aluminium (Z = 13) a pour formule 2 P1/2 correspondant à S = 1/2, L = 1 et



− →
− →
− →

j = 1/2. A J 1 := L est associé un facteur de Landé g1 = gL = 1, tandis qu’à J 2 := S
est associé le facteur de Landé g2 = gS = 2 (cf. 6.1 page 78). En utilisant l’expression
3 1 − 2 (1) (1 + 1) − (1/2) (1/2 + 1) 2
6.16, pour l’aluminium il vient : g = + × = .
2 2 (1/2) (1/2 + 1) 3
2 qe −→ qe −→ ¡→¢2
Le moment magnétique est − →
m = J = J La mesure de − m peut
µ ¶2 3 2me 3 me
qe ¡→¢2
donner le résultat j (j + 1) ~2 avec j = 1/2 pour l’aluminium, il vient −m =
3me
1 2 −1 1
µ . Les valeurs possibles de Jz étant −j~ = ~ et ~ = j~, on en déduit les valeurs
3 B ¡→¢ 2 2
µ µ
possibles de − m z qui sont B et − B .
3 3 →

Supposons que l’atome d’aluminium soit placé dans un champ magnétique B .

− →

La droite qui porte B est choisie comme axe Oz. La mesure algébrique ¡− ¢ de B est notée

B. L’expression 6.4 page 79 donne l’énergie du système : U = −B m z . Deux valeurs
¡→¢ BµB BµB
peuvent être observées selon la valeur de − m z : ce sont − et .
3 3
98 Le magnétisme atomique
Conclusion : vers la mécanique
ondulatoire

Le passage de l’ancienne théorie des quanta à la notion d’onde de matière re-


présente un progrès important mais encore insuffisant à bien des égards. L’étape décisive
fut franchie par Schrödinger en proposant une équation d’onde non relativiste et en l’ap-
pliquant à de nombreux problèmes (1926). En guise de conclusion au cours de physique
atomique, nous établissons cette équation dans le cas le plus simple où les particules ne
sont soumises à aucune force.

− 2π −

Considérons une onde plane de vecteur d’onde k := u où λ est la longueur

− λ
d’onde tandis que u est le vecteur unitaire suivant la propagation. Une telle onde est

− →−
de la forme ψ = ψ0 ei k · r . La quantité ψ représente la valeur de l’onde au point repéré
par le vecteur −→
r . Si l’on étudie une onde sonore dans l’air, ψ représente une pression
acoustique, si c’est une onde électromagnétique dans le vide, ψ est une composante du
champ électrique par exemple. Dans le cas des ondes de matière, nous ne dirons pas ce
qu’est ψ mais nous préciserons l’utilité de ψ et la façon dont on en déduit les propriétés
physiques intéressantes (voir le cours de mécanique ondulatoire).

L’étude de l’effet Compton a montré que les photons possèdent une impulsion
hP
p = dirigée suivant le sens de propagation de l’onde qui leur est associée, ce qui
λ
implique

− →

p =~ k (C.1)
Cette relation est précisément celle que postule Louis de Broglie pour les ondes
de matière.
L’amplitude de l’onde, ψ0 , est généralement une fonction du temps. Soit ω la
pulsation de l’onde considérée. Si cette onde est une onde électromagnétique, l’énergie du
photon, E, s’exprime en fonction de la pulsation de l’onde :
E = ~ω (C.2)
A l’instar de la relation C.1, cette relation est considérée comme très générale,
satisfaite aussi bien par les photons que par les corpuscules matériels. Ce qui distinguent
les photons et les corpuscules matériels, ce sont les relations entre E et −

p qui diffèrent.
Dans la suite nous considérons les ondes de la forme

− →

u = e−iωt ei k · r (C.3)
Nous les interprétons comme des ondes dont les quanta associés ont pour énergie


~ω et pour impulsion ~ k . La relation entre E et −

p étant connue, nous en déduisons
100 Conclusion



la relation entre ω et k . Une telle relation est appelée "relations de dispersion". La
relation de dispersion étant donnée, on peut considérer pour simplifier que ω est une


fonction connue de k : on pose uk (t, r) := e−iωt eik·r . L’onde la plus générale est une
combinaison linéaire d’ondes uk (t, r) que l’on écrit sous la forme
ZZZ
ψ (t, r) = Λk uk (t, r) dkx dky dkz


On vérifie aisément les relations i~ u = ~ω uk et −i~∇uk = ~k uk , soit
∂t k

i~ u = E uk et − i~∇uk = p uk (C.4)
∂t k
Notre propos est d’établir une équation d’onde pour les ondes ψ, à partir de la
relation de dispersion. Cette équation doit être satisfaite quelque soit Λk .
Nous considérons trois exemples correspondant à des particules libres.

1- Les particules libres relativistes de masse m satisfont la relation

E 2 − c2 →

p 2 = m2 c4 (C.5)

∂2
En utilisant les relations C.4 il vient E 2 uk = −~2 u et p2 uk = −~2 ∆uk .
∂t2 k
∂2 ¡ ¢
Chaque onde élémentaire uk satisfait l’équation −~2 2 uk − c2 −~2 ∆uk = m2 c4 uk ⇔
∂t
∂2 m2 c2 ∂2
2 2
uk − ∆uk + 2 uk = 0. L’opérateur 2 2 − ∆ est le "dalembertien" (d’après
c ∂t ~ c ∂t
d’Alembert) ; on le note par le symbole ¤. Les ondes élémentaires satisfont l’équation
m2 c2
¤uk + 2 uk = 0. Toute combinaison linéaire des uk satisfait la même équation. On en
~
déduit l’équation d’onde satisfaite par ψ (équation d’onde d’une particule libre relativiste
de masse m) :
m2 c2
¤ψ + 2 ψ = 0
~
Cette équation est connue sous le nom d’équation de Klein-Gordon.

2- Pour les particules de masse nulle (les photons par exemple), en posant m = 0, il
vient :
E 2 − c2 −

p 2 = 0 et ¤ψ = 0 (C.6)
L’équation de Klein-Gordon devient l’équation de d’Alembert.

3- Les particules non relativistes sont caractérisées par les relations E = mc2 + E avec
2 →
− →−
E << mc2 . Ici on pose E = ~ω. Il vient uk = e−i(mc /~+ω)t ei k · r . L’onde la plus générale
Z ZZ
2 →
− →

s’écrit : ψ = Λk e−i(mc /~+ω)t ei k · r dkx dky dkz . Nous posons
Z ZZ ¯ ¯
¯ ¯ iϕ →
− −
¯ ¯
Λk = Λk e , il vient ψ = e
k −imc2 t/~ ¯Λ ¯ eiϕk e−iωt ei k ·→
r
dkx dky dkz .
k

La différence de phase entre les composantes k et de l’onde ψ sont de la forme


³ → →´ ³
− → →´

ϕk − mc2 t/~ − ω (k) t + k · −
r − ϕ − mc2 t/~ − ω ( ) t + k · −
r
Vers la mécanique ondulatoire 101

Cette différence Zest


ZZla même que la différences de phase entre les composantes

− → −
0
k et de l’onde ψ = Λk e−iωt ei k · r dkx dky dkz , or ce sont ces différences de
phase qui jouent un rôle physique, dans les expériences d’interférences par exemple.
Les ondes ψ et ψ0 présentent donc des propriétés physiques identiques. Pour ces raisons,
nous considérons que, dans le cas non relativiste, l’onde la plus générale est de la forme
ZZZ →
− → −
ψ= Λk e−iωt ei k · r dkx dky dkz .
¡ ¢2 →

p2
De plus, la relation C.5 s’écrit mc2 + E − c2 −

p 2 = m2 c4 , soit E ' à
2m
l’approximation non relativiste :


p2 →

E= = ~ω avec −

p =~k (C.8)
2m

E est l’énergie cinétique de la particule et →



p son impulsion.
1. En utilisant le même procédé que précédemment, on obtient l’équation d’onde de
la particule libre non relativiste sous la forme

∂ −~2
i~ ψ= ∆ψ (C.9)
∂t 2m
où ∆ est l’opérateur Laplacien.

Lorsque la particule de masse m est soumise à une énergie potentielle V(r) dépen-
dant de sa position, l’équation précédente se généralise sous la forme

∂ −~2
i~ ψ(t,r) = ∆ψ(t,r) + V(r) ψ(t,r)
∂t 2m
Cette équation d’évolution est parfois appelée "équation de Schrödinger" ; son
étude fait l’objet du cours de mécanique ondulatoire.

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