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Système immunitaire
Édouard Kouassi, Jean-Pierre Revillard, Michel Fournier,
Pierre Ayotte, Raynald Roy, Pauline Brousseau, Lahlou Hadji
Système immunitaire
Édouard Kouassi, Jean-Pierre Revillard, Michel Fournier,
Pierre Ayotte, Raynald Roy, Pauline Brousseau, Lahlou Hadji
1. Introduction
2. Principales caractéristiques du système immunitaire
2.1 Fonction immunitaire dans une cellule
2.2 Fonctions immunitaires dans un organisme
2.3 Immunité naturelle
2.4 Immunité spécifique
2.5 Pathologies du système immunitaire
3. Manifestations diverses d'immunotoxicité
3.1 Immunosuppression
3.2 Hypersensibilité
3.3 Auto-immunité
3.4 Syndromes d'activation et d'hyperéosinophilie
4. Approches expérimentales pour l'évaluation du risque
immunotoxique
4.1 Utilité des procédures d'évaluation toxicologique
en immunotoxicologie
4.2 Principes d'une exploration immunotoxicologique
4.3 Principales étapes de l'évaluation du risque en immunotoxicologie
5. Conclusion et perspectives
Références
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transport vers la membrane ou vers des sites Différentes structures moléculaires com-
intracellulaires de dégradation complète (pro- munes à un grand nombre de bactéries et de
téasome, lysosome). En cas d'altération de parasites activent une ou plusieurs des trois
l'ADN interviennent des enzymes de réparation voies du complément, aboutissant à l'opsonisation
et un système de contrôle régulant d'une part le du pathogène (par liaison covalente de C3b et
cycle cellulaire, d'autre part l'expression des C4b à sa membrane), étape initiale de sa phago-
gènes de mort et de survie. La réparation incom- cytose ainsi qu'à une réaction inflammatoire par
plète conduit alors à l'arrêt du cycle et à la mort libération de peptides C3a et C5a (anaphyla-
cellulaire par apoptose. La défaillance du sys- toxines), et à la lyse du microorganisme par mise
tème de contrôle (mutations de p53) conduit à en jeu du complexe d'attaque membranaire.
la transmission d'altérations génétiques aux cel- Lors de l'infection d'une cellule par des virus,
lules du même clone. des modifications membranaires (telles que la
diminution de l'expression des molécules de
classe I du complexe majeur d'histocompatibi-
2.2 Fonctions immunitaires
lité [CMH]) vont permettre la destruction de la
dans un organisme cellule infectée par des lymphocytes cytotoxiques
Les cellules qui s'associent pour constituer un NK («natural killer»: cellules tueuses de l'immu-
organisme utilisent, pour s'agréger entre elles, des nité naturelle).
paires de molécules membranaires complémen- Les cytokines produites dans le cadre de l'im-
taires (structure et contre-structure ou encore li- munité naturelle agissent sur des cellules du sys-
gand et récepteur). Parmi ces molécules, certaines tème hématopoïétique et stimulent préféren-
peuvent être produites sous forme soluble et par- tiellement telle ou telle lignée cellulaire:
ticipent à la signalisation intercellulaire. Par augmentation des polynucléaires neutrophiles
exemple, les cytokines produites en réponse à un par l'action des facteurs de croissance GM- et
signal activateur peuvent transmettre différents G-CSF lors des infections bactériennes, aug-
signaux aux cellules exprimant le récepteur spéci- mentation des mastocytes (IL-4) ou des
fique. Dans ces conditions, la multiplication cel- éosinophiles (IL-5, éotaxine) au cours de cer-
lulaire, la différenciation ou la survie des cellules taines parasitoses ou d'agressions toxiques.
dépendent d'un ensemble de signaux issus de leur Au total, l'immunité naturelle est caractérisée
environnement. Les microorganismes vont, en par sa mise en jeu rapide et par le développe-
règle générale, utiliser les molécules d'adhérence ment de réactions inflammatoires (bactéries,
intercellulaire comme récepteurs pour s'intro- parasites) ou cytotoxiques (virus) conduisant
duire dans un organisme hôte. souvent à l'exclusion du pathogène.
Une forme d'immunité intermédiaire, entre
immunités naturelle et spécifique, peut inter-
2.3 Immunité naturelle venir dans certaines agressions. Il s'agit des anti-
Des structures moléculaires communes à de très corps naturels, souvent de classe IgM et de faible
nombreux microorganismes vont interagir avec affinité, ce qui explique leur capacité d'interagir
des molécules complémentaires préformées de avec des structures chimiques de microorga-
l'hôte (en solution ou à la surface de cellules) nismes très différents. Parallèlement, les lym-
pour déclencher un signal de «danger» con- phocytes T à récepteur γ δ présents surtout sur
duisant à l'exclusion du pathogène. les revêtements cutanéomuqueux, ont des récep-
Par exemple, les régions lipidiques des endo- teurs de structure peu diversifiée. Ils constituent
toxines des bactéries Gram négatif (LPS: une première ligne de défense et peuvent recon-
lipopolysaccharides) s'associent à des molécules naître des glycolipides ou des protéines de stress
de transport (LBP pour «LPS binding proteins»), de l'hôte ou des microorganismes.
à des récepteurs des phagocytes mononucléés
(famille des Toll récepteurs, CD14) et de l'en- 2.4 Immunité spécifique
dothélium. Elles stimulent aussi la synthèse de
médiateurs chimiotactiques et l'accumulation Molécules propres à l'immunité spécifique
de phagocytes polynucléés (neutrophiles). L'immunité spécifique est apparue lors de la
divergence entre vertébrés et invertébrés. Elle est
690 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ PUBLIQUE
découverte d'un certain nombre de maladies résistance vis-à-vis des infections bactériennes et
génétiques monofactorielles, avec des phéno- virales, aussi bien dans des études animales que
types très variés allant des déficits immunitaires chez l'humain. Les composés organochlorés
combinés sévères des nourrissons à des formes comprennent des pesticides (dieldrine, mirex,
totalement asymptomatiques. Outre les muta- toxaphène), des composés industriels et des
tions, avec ou sans conséquences pathologiques, sous-produits de divers procédés industriels, tels
ces études ont conduit à la découverte de multi- que l'hexachlorobenzène (HCB), les biphényles
ples allélismes, non seulement au niveau du polychlorés (BPC), les polychlorodibenzo-p-
C M H , mais aussi sur les gènes codant les dioxines (PCDD) et les polychlorodibenzofu-
cytokines et leurs récepteurs, des molécules du ranes (PCDF). Parmi les composés orga-
complément ou des molécules impliquées dans nochlorés, ce sont les substances de structure
la signalisation cellulaire. Cette extrême diver- moléculaire similaire à la 2,3,7,8-tetra-
sité interindividuelle doit être connue dans chlorodibenzo-p-dioxine (TCDD) qui possè-
toute étude portant sur l'immunotoxicité des dent le potentiel immunotoxique le plus élevé.
xénobiotiques. Ce sous-groupe comprend les congénères de
BPC non-ortho et mono-ortho substitués, ainsi
que les congénères de P C D D et de PCDF por-
3. MANIFESTATIONS DIVERSES
tant des atomes de chlore en position 2,3,7 et 8.
D'IMMUNOTOXICITÉ Ces molécules se lient au récepteur Ah, un
On distingue quatre grandes catégories de mani- récepteur intracellulaire liant les hydrocarbures
festations immunotoxiques qui sont décrites ci- aromatiques, et le complexe ligand-récepteur
dessous. Une combinaison de ces manifestations ainsi formé interagit avec l'ADN pour contrôler
se retrouvent dans plusieurs situations, comme l'expression des gènes impliqués dans la pro-
illustré dans l'encadré 26.1 sur les aspects lifération et la différenciation cellulaire
immunotoxicologiques du tabagisme. (Whitlock, 1991). Chez presque toutes les
espèces étudiées, y compris les primates, les sub-
stances similaires à la 2,3,7,8-TCDD produisent
3.1 Immunosuppression une myélosuppression, une immunosuppres-
Une diminution de la résistance vis-à-vis des sion, une atrophie du thymus et une inhibition
infections microbiennes, virales et parasitaires des composantes du système du complément
signale généralement un effet immunosup- (NRC, 1992). Les effets sont d'autant plus
presseur des xénobiotiques. L'épidémie due à un sévères que l'exposition a lieu durant la période
virus proche de celui de la maladie de Carré, qui pré- ou périnatale. Les données disponibles chez
a décimé plus des 2/3 des phoques de la mer du l'humain proviennent essentiellement d'inci-
Nord à la fin des années 1980, s'explique pro- dents impliquant une exposition à des doses
bablement par le fort degré de pollution chi- élevées de substances organochlorées, et de con-
mique des eaux marines. Il est relativement sommation d'aliments contaminés impliquant
facile de déceler une immunosuppression aiguë des niveaux d'exposition plus modérés. Ainsi,
par l'histologie des organes lymphoïdes, des enfants et de jeunes adultes exposés acciden-
l'analyse des sous-populations lymphocytaires et tellement à un mélange de BPC et de PCDF à
des tests in vitro de fonctionnement des cellules Taïwan (patients Yu-Cheng) montraient une
immunocompétentes. Par contre, l'immuno- diminution des concentrations sériques d'IgA et
suppression à long terme, comme celle induite d'IgM, ainsi qu'une diminution des proportions
par certains médicaments immunosuppresseurs de lymphocytes T totaux et des lymphocytes T
administrés sur de longues périodes de temps CD8+, comparativement aux valeurs observées
(cyclosporine A) pourrait expliquer une inci- chez des témoins appariés pour l'âge et le sexe
dence augmentée de certains types de cancers (Chang et coll., 1981). Les enfants nés de mères
(Penn, 1988). exposées lors de cet incident ont vécu davantage
Parmi les polluants chimiques de l'environ- d'épisodes de bronchites et de pneumonies
nement, plusieurs composés organochlorés pos- durant leurs premiers six mois de vie que des
sèdent des propriétés immunosuppressives qui enfants non exposés provenant du même voisi-
se traduisent généralement par une baisse de la nage. De plus, des enfants de 8 à 14 ans qui
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avaient été exposés in utero ou par l'allaitement conde exposition au même antigène ou à des
lors de cet incident étaient plus susceptibles de expositions ultérieures. Comme indiqué plus
présenter des infections de l'oreille moyenne haut, on distingue plusieurs types d'hypersensi-
que des témoins appariés. Dewailly et coll. ont bilité sur la base de leurs mécanismes
montré que la susceptibilité aux otites immunologiques effecteurs dépendant des anti-
moyennes est associée à l'exposition prénatale corps ou des cellules T. Certains xénobiotiques,
aux composés organochlorés chez les enfants particulièrement les métaux (nickel, béryllium,
Inuits du Grand-Nord québécois (Dewailly et dérivés de platine), les activateurs d'époxyde, les
coll., 2000). Une étude menée chez des nou- diisocyanates et certains antibiotiques et
veau-nés de la Basse-Côte-Nord du golfe du anesthésiques locaux, induisent une hypersensi-
Saint-Laurent au Québec a permis d'établir des bilité immédiate impliquant la production d'an-
corrélations positives entre les concentrations ticorps de classe IgE qui se fixent sur les masto-
plasmatiques de BPC et l'inhibition de sécrétion cytes et entraînent le relargage des molécules
des cytokines inflammatoires IL-10 et TNF-α préformées comme l'histamine et l'héparine.
ex vivo (Belles-Isles et coll., 2000). La source de Ces réactions d'intolérance chimique provo-
l'exposition chez les mères de ces enfants quent divers signes cliniques comme l'asthme,
provient de la bioaccumulation des les rhinites et l'anaphylaxie.
organochlorés dans la chaîne alimentaire aqua- Les réactions d'hypersensibilité retardée les
tique, notamment dans les graisses de phoque et plus courantes sont celles induites par le nickel
de béluga dont ces populations consomment et le béryllium (qui induisent aussi une hyper-
traditionnellement de grandes quantités. sensibilité immédiate tel que mentionné ci-
Certains métaux lourds (mercure, cadmium, dessus), le chrome, le mercure et le cobalt.
plomb) possèdent des propriétés immuno- Cliniquement, ceci correspond à des dermatoses
suppressives qui proviennent en partie de leurs de contact (impliquant essentiellement des cel-
effets cytotoxiques, par induction d'apoptose ou lules T cytotoxiques CD8+, spécifiques de pep-
de nécrose dans les cellules du système immuni- tides hapténisés associés aux molécules de CMH
taire, entraînant une diminution de la résistance classe I) et à des réactions granulomateuses.
aux infections. Le mercure inorganique de
source naturelle ou industrielle peut être
3.3 Auto-immunité
méthylé dans le milieu aquatique, et le mercure
organique ainsi formé peut s'introduire dans la Les maladies auto-immunes provoquées par des
chaîne alimentaire. La forme méthylée du mer- xénobiotiques sont la conséquence d'une
cure est 10 fois plus cytotoxique que sa forme dérégulation du système immunitaire, consis-
inorganique sur les lymphocytes T et les mono- tant en une réponse dirigée contre les consti-
cytes humains en culture (Shenker et coll., tuants du «soi» ( K a m m ü l l e e r et coll., 1989).
1997) en raison notamment de la plus grande Celles-ci peuvent être systémiques, comme le
liposolubilité des formes organiques. Les études lupus érythémateux disséminé et la polyarthrite
in vivo dans des modèles animaux corroborent rhumatoïde, ou spécifiques d'organes comme
très bien les résultats des études in vitro, mais les certaines glomérulonéphrites, thyroïdites ou
données cliniques humaines sont encore insuf- hépatites. Les maladies auto-immunes bien ca-
fisantes pour tirer des conclusions. ractérisées d'origine médicamenteuse ne sont
pas nombreuses, un nombre limité de médica-
ments pouvant être incriminé, comme l'hy-
3.2 Hypersensibilité
dralazine, la procaïnamide, la chlorpromazine,
Les xénobiotiques et les médicaments sont l'isoniazide, la streptozotocine, la penicillamine
susceptibles d'induire des réactions d'hypersen- et l'alphaméthyldopa. La fréquence des réac-
sibilité (allergies), la substance chimique ou ses tions autoimmunes induites dans chaque cas est
produits de biotransformation jouant le rôle très faible. De plus, les produits chimiques et les
d'haptène. La structure chimique de l'haptène toxiques de l'environnement n'ont été que
intervient probablement dans son immunogéni- rarement mis en cause dans les maladies auto-
cité après liaison aux protéines cellulaires. Les immunes. Parmi ceux-ci, les métaux lourds tels
réactions allergiques résultent alors d'une se- que le mercure et l'or sont connus pour leur
SYSTEME IMMUNITAIRE 693
La fumée de cigarette comprend environ 4000 composés différents répertoriés à ce jour, dont 55 sont recon-
nus comme cancérogènes chez l'animal et 43 d'entre eux comme cancérogènes pour l'homme. Les diverses
études menées à ce jour sur les effets de la fumée de cigarette chez les animaux de laboratoire et l'humain ont
révélé des actions modulatrices pléïotropes sur les paramètres immunologiques suivants:
• Lymphocytes T (CD4+ et CD8+) et B (CD19+) et cellules NK (CD56+)
• Taux d'immunoglobulines circulantes
• Macrophages tissulaires
• Complexes macromoléculaires du complément sérique
• Sécrétion de cytokines pro-inflammatoires (IL-1 ß, 1L-8, IFNγ et T N F α ) et anti-inflammatoires (1L-4 et
IL-10)
Les effets globaux observés sur ces éléments révèlent un effet inhibiteur sur la synthèse de certaines classes
d'immunoglobulines (IgG, IgM et IgA), alors que les IgE et les IgD sont augmentées (Gerrard et coll., 1980).
On observe aussi une augmentation des cellules NK et une diminution des cellules T (Hockertz et coll.,
1994). La nicotine de la fumée active et passive provoque une diminution de la réponse immune spécifique
à une stimulation antigénique, une anergie des lymphocytes T et une diminution de la sécrétion d'anticorps
par les lymphocytes B. Ces effets à leur tour induisent une diminution de sécrétion de cytokines. Un des
dérivés cancérogènes de la nicotine, la NNK (4-[méthyl-nitrosamino]-l-|3-pyridyl]-l-butanone) serait
impliqué dans la modulation de sécrétions de ces cytokines.
Les paramètres immunologiques (cellulaires et sériques) modulés par la fumée de cigarette induisent des
modifications significatives sur le statut immunologique de l'humain (Sopori, 2002). Ainsi, on observera les
effets globaux suivants:
Pour les adultes, les effets combinés de la modification des paramètres immunologiques cellulaires et sériques
par des composés de la fumée vont aggraver certaines pathologies:
• Cancer du poumon favorisé par l'immunosuppression induite par la fumée
• Cancer de l'œsophage
• Cancer du foie
• Maladie ischémique cardiaque
• Ulcères peptiques et gastro-intestinaux divers
• Diminution de la capacité respiratoire
• Axe hypothalamo-immunitaire perturbé et dépendance à la nicotine accentuée
• Effets sur la femme enceinte et le nouveau-né
• Aggravation de la maladie asthmatique
Il sera nécessaire de continuer à étudier les effets immunomodulateurs des mélanges de produits se trouvant
dans la fumée de cigarette. L'identification et la caractérisation spécifique des molécules impliquées dans
l'immunosuppression, l'hypersensibilité et la dérégulation du système immunitaire devront être entreprises
aussi bien dans le but de connaître leur mode d'action et ainsi de pouvoir les neutraliser que d'en tirer peut-
être des molécules à visée thérapeutique.
694 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ PUBLIQUE
capacité d'induire des glomérulonéphrites personnes et provoqué 400 décès, s'est mani-
(Bigazzi, 1999) et certains pesticides orga- festée, dans sa phase aiguë, par une hyperther-
nochlorés ou organophosphorés peuvent induire mic, des éruptions cutanées, une pneumopathie
des anémies hémolytiques. interstitielle et une péricardite associée à une
Les mécanismes impliqués dans l'induction de hyperéosinophilie, ce qui conduit à rechercher
l'auto-immunité sont encore mal connus. La liai- aujourd'hui des causes toxiques éventuelles dans
son du xénobiotique à des molécules endogènes les syndromes d'hyperéosinophilie idiopathique.
est un phénomène qu'on retrouve dans certaines
manifestations auto-immunes telles que les 4. APPROCHES EXPÉRIMENTALES
anémies hémolytiques. Dans ces conditions, deux
types d'anticorps sont produits: 1) des anticorps POUR L'ÉVALUATION DU RISQUE
dirigés contre le xénobiotique (ou un de ses IMMUNOTOXIQUE
métabolites) fixé à la membrane des hématies, et
2) des anticorps dirigés contre un constituant de 4.1 Utilité des procédures d'évaluation
la membrane des hématies. La présence de toxicologique en immunotoxicologie
néoantigènes a été démontrée dans certaines
Les études toxicologiques de routine exposant
hépatites auto-immunes induites par l'halothane
des animaux de laboratoire à différentes doses
et l'acide tiénilique. L'activation de clones de cel-
de xénobiotique à l'intérieur de protocoles d'ex-
lules T autoréactives et la fixation du xénobio- position variés permettent de révéler un certain
tique sur les molécules du CMH ont été démon- nombre d'effets immunotoxiques. L'examen
trées dans certains modèles animaux. histopathologique est, a priori., un test impor-
tant dont on peut tirer des indications perti-
3.4 Syndromes d'activation nentes (Kociba, 1982). Ainsi, les modifications
du poids et de la morphologie des glandes sur-
et d'hyperéosinophilie
rénales suggèrent une variation importante du
On observe un syndrome d'activation accompa- niveau des hormones glucocorticoïdes. Une
gné d'hyperthermie, de malaise, de diarrhée, de diminution du poids et de la taille du thymus
fuite capillaire avec œdème cérébral et pul- (atrophie) représente une perte de thymocytes et
monaire au cours de la première injection de présuppose des effets indésirables sur la matura-
certains anticorps monoclonaux (OKT3) ou tion et la différenciation des lymphocytes T; une
lors des traitements par l'IL-2 recombinante à diminution du poids de la rate consécutive à
forte dose. Des réactions semblables sont une atrophie des centres germinatifs est souvent
observées à la suite d'une intoxication par cer- associée à une atrophie des plaques de Peyer. Les
taines toxines bactériennes qui contaminent modifications de l'architecture de la moelle
accidentellement les aliments ou l'eau de con- osseuse, combinées à une anémie chronique et à
sommation, comme dans le cas de la tragédie un rapport disproportionné cellules myéloïdes/
survenue en mai 2000 à Walkerton, une petite cellules érythroïdes, suggèrent une toxicité sélec-
ville de l'Ontario au Canada, à la suite de la tive du xénobiotique sur les cellules souches de la
contamination de l'eau municipale par des co- moelle. La diminution des protéines sériques et
liformes (E. coli 0157:H7) et qui a fait à ce jour une modification du rapport albumine/
une dizaine de victimes et rendu 2000 person- globulines sériques indiquent une diminution
nes malades. Le syndrome d'activation est dû à possible du niveau des immunoglobulines. Les
l'induction d'une synthèse de cytokines inflam- autres indices de l'évaluation toxicologique,
matoires telles que le TNF-α, l'IL-1β et l'IL-6 comme l'activation métabolique du xénobio-
par action directe sur l'endothélium et sur les tique, les interactions lipophiles, la distribution
monocytes/macrophages (comme le font et l'élimination, sont aussi des éléments impor-
notamment les endotoxines et autres substances tants de toute exploration immunotoxi-
bactériennes) ou par activation des lymphocytes cologique. L'application des essais classiques de
T (notamment O K T 3 , IL-2 ou entérotoxines toxicité, à court et à long terme, fournit donc
staphylococciques). des indications précieuses dans l'établissement
du risque immunotoxique d'un xénobiotique
L'intoxication à l'huile frelatée survenue en donné.
Espagne en 1981, qui a touché plus de 20 000
SYSTÈME IMMUNITAIRE 695
Animaux Observations
Souris L'espèce de choix. Tests d'immunocompétence in vivo contre les agents infectieux: virus
(encéphalomyocardite), bactéries (Listeria monocytogenes, Streptococcus pneumoniae), parasites
(Trichinella spiralis). Tests de réponse anticancéreuse (mélanome B16F10). Test du ganglion poplité (PLN),
test du ganglion local (LLNA) et test de l'hypersensibilité cutanée (MEST)
Singe Évaluation du risque et extrapolation des données aux humains. Les espèces de choix: rhésus
(Macaca mulatta), cynomolgus (Macaca fascicularis)
Cobaye Tests d'hypersensibilité cutanée aux xénobiotiques: test de maximisation (antigène introduit par voie
intradermique) et test de sensibilisation cutanée (antigène appliqué sur la peau)
Poisson Les espèces sentinelles/biomarqueurs de l'immunotoxicité (Oncorhyncus mykiss, par exemple). Tests de
l'histopathologie du système immunitaire
Ver de terre Les espèces sentinelles: Lumbricus terrestris, Eisenia foetida. Études d'immunotoxicité des sols
contaminés
4.2 Principes d'une exploration Les tests les plus fiables sont les suivants: syn-
immunotoxicologique thèse des anticorps mesurés par une technique
de plages, test de cytotoxicité des cellules NK,
À l'exception des effets chroniques de l'im- analyse de sous-populations cellulaires, tests de
munosuppression chez les malades transplantés, prolifération des cellules T et B, et test
des réactions auto-immunes et pseudo- d'hypersensibilité retardée. Il est recommandé
grippales induites par les médicaments, il existe d'effectuer une confirmation du potentiel
peu de données sur l'immunoxicité des xénobio- immunotoxique du xénobiotique par des études
tiques chez l'humain. Le plus grand nombre de de résistance in vivo contre des agents infec-
données disponibles en cette matière provient tieux: virus (encéphalomyocardie), bactéries
d'études conduites chez l'animal de laboratoire (Listeria monocytogenes, Streptococcus pneumoniae),
(tableau 26.1). Plusieurs auteurs ont proposé le parasites (Trichinella spiralis) et des tumeurs
modèle de la souris ou du rat pour standardiser (mélanome B16F10). L'augmentation de l'inci-
et valider les critères d'évaluation immunotoxi- dence de mortalité vis-à-vis des infections chez
cologique (Luster et coll., 1994). L'hypertrophie les animaux expérimentaux exposés aux
du ganglion poplité provoquée par l'injection de xénobiotiques est probablement un bon signe
xénobiotique dans le coussinet plantaire chez la d'immunotoxicité, comparativement à une
souris ou le rat est semblable à la réaction locale infection inapparente ou banale chez un sujet
du greffon contre l'hôte et est proposée comme non immunosupprimé. Cependant, plusieurs
modèle d'auto-immunité. L'hypersensibilité tests de résistance de l'hôte à divers pathogènes
cutanée est étudiée chez le cobaye et le modèle sont recommandés à cause de la complexité des
expérimental de la maladie mercurielle chez le composantes de la réponse antivirale et
rat. Certaines espèces de poissons, d'oiseaux et antibactérienne. Par exemple, la cyclophospha-
de vers de terre sont sélectionnées comme mide supprime la réponse immunitaire vis-à-vis
espèces sentinelles, alors que les études plusieurs pathogènes bactériens et viraux, sauf
immunotoxicologiques chez les primates sont l'infection au virus herpétique HSV-2 et l'infec-
pertinentes dans une évaluation du risque et tion à C. neoformans. La justification de l'utili-
dans l'extrapolation des données aux humains. sation d'une batterie de tests plutôt que d'un
seul se trouve également dans le fait que l'altéra-
La valeur prédictive de certains tests a été
tion d'une composante de ce système entraîne
standardisée par des études inter-laboratoires.
696 ENVIRONNEMENT ET SANTÉ PUBLIQUE
1. Identification du danger (toxicité) Analyse des données disponibles provenant des études humaines et animales
sur l'immunotoxicité du xénobiotique en cause
3. Évaluation de l'exposition Estimation de l'exposition, dosage du niveau de xénobiotique dans les organes
cibles ou application d'un modèle pharmacocinétique à base physiologique (rate,
thymus, ganglions, moelle, sang)
4. Caractérisation du risque Estimation du risque des effets indésirables dans une population à partir des
indications de danger et d'exposition. Estimation des effets potentiels sur la santé
souvent la mise en jeu de mécanismes compen- potentiel d'un xénobiotique donné. Ces don-
satoires impliquant d'autres composantes de ce nées comportent des essais de toxicité à court et
système pour restaurer un état normal. La valeur à long terme chez l'animal, des examens
prédictive des tests immunologiques peut être histopathologiques et un nombre réduit de tests
incertaine du fait des différences dues à l'espèce, fonctionnels. La plupart des analyses immuno-
à l'âge et au sexe. Une limite additionnelle toxicologiques n'ont pas dépassé cette étape
provient du fait que la plupart des accidents d'identification du danger. Dans la deuxième
immunotoxiques n'apparaissent que chez un étape, des études d'immunotoxicité détaillées
faible pourcentage de sujets exposés. incluant par exemple l'utilisation des modèles
Les tests utilisant des cultures de cellules ani- d'infections expérimentales fourniront des
males ou humaines exposées in vitro aux informations sur les relations dose-réponse et
xénobiotiques sont fort utiles pour analyser par permettront de déterminer la dose sans effet
exemple les phénomènes de mort cellulaire néfaste observé («no observed adverse effect level»;
(Corcoran et coll., 1994). Toutefois, ils ne peu- NOAEL). La détermination du NOAEL est
vent servir à étudier les effets des substances compliquée par les sensibilités différentes des
chimiques qui doivent être métabolisées in vivo tests d'immunotoxicité. Ainsi, une différence de
avant de devenir actives, à moins de fournir les 15 à 25 % par rapport à une réponse normale au
enzymes nécessaires à leur biotransformation. niveau des paramètres immunitaires cellulaires
De plus, il reste encore à démontrer si ces tests peut être jugée significative, alors qu'une varia-
ont un intérêt en terme d'immunotoxicité cli- tion de 80 % sera nécessaire au niveau de la
nique, même si leur importance en terme de résistance antimicrobienne ou antivirale.
compréhension des mécanismes d'action aux Dans la troisième étape, les analyses sur le ter-
niveaux cellulaire et moléculaire ne fait pas de rain ou l'application de modèles mathématiques
doute. fourniront des données sur les concentrations
environnementales du xénobiotique en cause et,
par conséquent, les estimations sur le niveau
4.3 Principales étapes de l'évaluation
d'exposition et la charge corporelle. Cependant,
du risque en immunotoxicologie ces données sont souvent insuffisantes pour l'es-
Les quatre étapes principales de l'évaluation du timation exacte de la teneur du xénobiotique
risque toxicologique peuvent s'appliquer en dans les organes cibles du système immunitaire.
immunotoxicologie, à savoir: 1) l'identification Des modèles de pharmacocinétique à bases
du danger, 2) l'évaluation de la relation dose- physiologiques, tenant compte par exemple des
réponse, 3) l'évaluation de l'exposition, et 4) la spécificités liées à l'âge et au sexe, sont à inven-
caractérisation du risque (tableau 26.2). ter. La caractérisation du risque est l'étape finale
Toutefois, des ajustements sont nécessaires pour du processus. Toutefois, les modèles mathéma-
tenir compte de la complexité de la réponse tiques existants, comme ceux employés dans l'é-
immune. Dans la première étape, les données valuation du risque des cancérogènes, ne sont
disponibles à partir des études humaines et ani- pas applicables dans l'évaluation de l'im-
males serviront à évaluer le niveau de danger munotoxicité, entre autres, à cause des effets
SYSTÈME IMMUNITAIRE 697
Bibliographie
Belles-Isles, M.. H. Bilrha, B. Moreau, P. Ayotte, E. Kammtiller, M. E., N. Bloksma et W. Seinen.
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