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des lecteurs
Janvier 2020 N° 41
Sommaire
Coups de cœur
L'Insoumise de la Porte de Flandre, de Fouad Laroui................18
Petit éloge des fantômes, de Nathacha Appanah ........................18
Les fillettes, de Clarisse Gorokhoff ..............................................18
Loin, d’Alexis Michalik .................................................................19
Le premier homme, d’Albert Camus ............................................19
Édito
“
Quand le monde est traversé par des tempêtes sociales ou
naturelles, quand le feu dévaste la faune et la flore d’un
continent, pouvons nous rester assis dans un fauteuil avec un
bon livre ? Oui, parce que la lecture est peut-être le seul bien
de consommation dont nous pouvons encore abuser…
Loin de nous enfermer dans la passivité et l’indifférence, les livres nous
éveillent à la compréhension du monde et à la connaissance des autres.
On apprend de l’histoire comment les femmes ont été traitées,
enfermées ou bafouées : lisez Le bal des folles ou Possédées, vous
risquez d’être surpris…
Si vous préférez appréhender le présent ou l’avenir proche, ne ratez pas
l’extraordinaire ascension de la Silicon Valley et en contrepartie
l’aventure des laissés pour compte, tous ceux qui partent, pour trouver
une vie meilleure.
Et puis, bien sûr, il y a ceux que je suis ou que je voudrais être,
hommes aux destins fabuleux comme Gérard Philipe ou Olivier de
Kersauson ou citoyens ordinaires, qui traversent des épreuves ou
tentent juste de trouver leur place dans une histoire familiale difficile.
Oui, les livres, ceux que nous vous proposons entre autres, ont cette
fonction de nous ouvrir au monde qui nous entoure et de nous faire
entrevoir parfois une éclaircie…
Kafka écrivait en 1904 à Oscar Pollak :
« Un livre doit être la hache qui brise la mer gelée en nous ».
”
Alors laissez vous emporter !
Marie-Claude
Ceux qui partent
Jeanne Benameur
Actes Sud
4
Ceux que je suis
Olivier Dorchamps
Finitude
Marwan est professeur agrégé d’histoire ; son frère jumeau Ali est avocat
et leur petit frère Foued en dernière année d’université. Élevés à Clichy par
des parents marocains venus en France pour « plus d’avenir et de liberté »,
tous trois sont français de naissance, d’esprit et le revendiquent.
Leur père meurt et ils découvrent avec consternation qu’il a pris une
assurance pour être enterré au Maroc, loin de leur mère, loin d’eux et de
ses amis ! C’est Marwan qui a été désigné dans le contrat pour accompagner
le corps au Maroc, en avion. Pendant que le reste de la famille descend en
voiture, Marwan accompagné de Kabic, fidèle ami de la famille va découvrir
« le secret », qui éclaire d’un œil neuf les décisions de vie de ses parents et
les rattache au Maroc.
Un livre sur la famille, la difficulté de l’émigré d’être chez lui quelque
part et l’acceptation de la transmission, de l’héritage de l’histoire familiale.
Le titre est révélateur et l’auteur l’explique lui-même : « Ceux que je suis »,
il est plusieurs à la fois par l’origine, l’éducation, la pensée et « ceux qu’il
suit » par descendance.
C’est un livre très délicat et tendre, toujours juste dans ses propos sur les
différences.
Je ne saurais pas dire mieux que l’éditeur : « Pudique et délicat à la
justesse irréprochable ».
Pour moi c’est un « beau » livre. Ne le lisez pas trop vite, vous regretterez
de l’avoir terminé !
Marie
5
Éden
Monica Sabolo
Gallimard
L’avis de Marie-Anne
Ce magnifique roman, à lire absolument autant pour la beauté de l’écriture que pour le sujet
traité, entre pleinement en résonance avec une enquête réalisée en 2016 sur la disparition et l’as-
sassinat de personnes autochtones. Une enquête nationale a été diligentée par le gouvernement
fédéral. Extrait du rapport de 2019 : « Si cette Enquête nationale survient aujourd’hui, ce n’est pas
parce que les peuples autochtones ont tardé à prendre la parole ; c’est plutôt parce que le Canada,
lui, a tardé à prêter l’oreille. Les femmes, les filles et les personnes “LGBT” autochtones au Canada
sont victimes de violence depuis trop longtemps. Les faits sont incontestables. »
« La violence coloniale, ainsi que le racisme, le sexisme, l’homophobie et la transphobie
envers les femmes, les filles et les personnes “LGBT” font partie intégrante de la vie quotidienne »,
souligne le rapport. De nombreux Autochtones ont donc grandi en normalisant la violence, alors
que la société canadienne fait preuve d’une apathie incroyable lorsqu’il est question de régler ce
problème… Cela équivaut à un génocide ».
6
Le ciel par-dessus le toit
Nathacha Appanah
Gallimard
Marie-Claude
7
Le dernier hiver du Cid
Jerôme Garcin
Gallimard
8
Valérie Perrin
Albin Michel
Marie-Anne
9
La Rose de Saragosse
Raphaël Jerusalmy
Actes Sud
10
Les veuves de Malabar Hill
Sujata Massey
Charleston
11
Possédées
Frédéric Gros
Albin Michel
12
Le bal des folles
Victoria Mas
Albin Michel
13
Heartland. Au cœur de la pauvreté dans
le pays le plus riche du monde
Sarah Smarsh
Christian Bourgeois
Sarah Smarsh est née au Kansas, dans une famille d’agriculteurs blanche
et pauvre. Hearthland est le récit de cette famille, sur cinq générations.
Mères adolescentes, maris violents, en permanente recherche d’un équi-
libre permettant de vivre ou plutôt survivre à la misère. Une famille qui
subit une réelle ségrégation économique et non raciale dans ce « pays le
plus riche du monde », une famille pour qui le « rêve américain » est un
mensonge : des hommes et des femmes qui travaillent dur, multiplient les
petits boulots pour faire face aux factures et malgré tout ne réussissent pas
à s’en sortir car les choix des gouvernements successifs, de Ronald Reagan
à Bill Clinton, entraînent une diminution du prix des produits agricoles et
une augmentation des prix à la consommation, diminuent les aides (sco-
laires, médicales,...) et la valeur des terres.
Aux États-Unis, pour évoquer les familles comme celle de Sarah Smarsh,
on utilise des termes extrêmement péjoratifs : « Redneck », « trailer trash »,
« hillbilly » : un blanc ne peut être pauvre et s’il l’est, c’est tout simplement
sa responsabilité : soit parce qu’il ne travaille pas assez, soit parce qu’il est
« paresseux, stupide, drogué, dégénéré »…
Un constat ahurissant, un récit bouleversant sans aucun misérabilisme,
qui parle de bonheur simple « travailler la terre, non pas pour le prix du
boisseau de blé, mais parce que sentir l'odeur de la terre humide au lever
du soleil relevait du sacré ».
Un livre plein d’espoir aussi, puisque l’auteure, sortie de la spirale infer-
nale de la maternité adolescente et de la violence conjugale, partage la
vison du monde des personnes parmi lesquelles elle a grandi « selon
laquelle la justice valait la peine qu'on se batte pour elle et une vie
meilleure la peine qu'on la tente ».
Marie-Anne
Sarah Smarsh a grandi au Kansas où elle vit aujourd’hui. Journaliste, elle traite de
questions économiques et sociales pour différents journaux dont le Guardian et le New
York Times. Heartland est son premier livre.
14
The Valley. Une histoire politique
de la Silicon Valley.
Fabien Benoît
Les Arènes
L’histoire des États-Unis au XIXe et au XXe, c’est toujours plus à l’ouest, à la conquê-
te de l’espace, des richesses, réelles ou supposées, d’un individualisme toujours plus
poussé et d’un affranchissement des règles toujours plus grand : la Silicon Valley,
Californie, États-Unis : à la conquête de l’Ouest ! Le mythe américain par excellence,
telle une mission dévolue à ce peuple élu !
Ce sont aussi les hippies de San Francisco et leur désir de contre-culture, de
jeunes Américains créatifs, en rupture de la société telle qu’elle est, qui aspire à
construire un monde nouveau, à la recherche d’une liberté individuelle toujours
plus débridée…
Richesse de la terre (le silicium et non plus l’or), créativité et innovation des
hommes, liberté de pensée et d’agir, individualisme forcené : bienvenue dans la
Silicon Valley !
« L'histoire politique de la Silicon Valley est une histoire américaine. C'est une
histoire de conquête, de colonisation, de frontière à repousser, de monde à
reconstruire ou de nouveau monde à bâtir. La question est de savoir de quel monde
il s'agit ».
« Fred Terman [professeur à Stanford à partir de 1925 et considéré comme le
“père” de la Silicon Valley] entend bâtir un “triangle de fer”, autrement dit un
partenariat privilégié entre université, entreprises et armée ». Avec le soutien finan-
cier du gouvernement fédéral, l’université de Stanford forme des ingénieurs et des
chercheurs qui vont enrichir les entreprises de la région, ces dernières répondant
aux commandes de l’armée. Ainsi se met en place un système qui laisse libre cours à
la créativité de ces jeunes hommes (très peu de femmes !) qui pensent que l’informa-
tique va se démocratiser dans un premier temps, puis permettre une amélioration de
l’Homme : la voie vers le transhumanisme.
« La “révolution numérique”, celle portée par les GAFAM et les géants de la
Silicon Valley, n'est pas une révolution mais bien une contre-révolution, une
régression. C'est une contre-révolution qui n'a pas de limite, tant elle entend tout
embrasser, jusqu'à la nature humaine. Elle veut tout définir, tout régir. […] Elle ne
prône rien d'autre que le démantèlement des États, le règne de l'individualisme et
la fin de la société ».
Un ouvrage remarquablement documenté, à lire comme un roman d’anticipation
tant la découverte de l’histoire de la Silicon Valley est ahurissante… et fascinante !
Quel espace de liberté reste-il à l’homme ordinaire que nous sommes (presque)
tous, pour lutter contre cette « culture » qui nous aliène ?
Marie-Anne
Fabien Benoît, journaliste et documentariste, est l’auteur de « Le monde expliqué aux
vieux : Facebook ».
15
De l'urgent, du presque rien et
du rien du tout
Olivier de Kersauson
Cherche Midi
Vive Noël, vous savez, c'est la période des cadeaux, ce matin là, dans
mes chaussons que j'avais laissés devant la cheminée, j'ai trouvé ce livre
de Monsieur de Kersauson. C'est vrai que j'aime bien ce marin là.
C’est un dictionnaire qui donne la définition de A à Z d'un certain
nombre de mots : il commence par : À côté pour finir à : Vulgarité.
Compte tenu de l'anticonformisme de l'auteur, on peut s'attendre à des
dérapages ou plutôt des définitions qui semblent hors sujet et surtout au
style assumé « politiquement incorrect ».
Par exemple, Trip: « Abat est un groupe de musique qui vous prend
aux tripes » ou bien, Tomber : « L'aéronef est l'ancêtre de l'avion qui lui
a appris à tomber » et encore, Rappeur : « Le rappeur est à la musique ce
que le râpé est au fromage : un accident mécanique ». Je vous cite des
exemples très courts, d'autres comme le terme Éducation qui commence
par ces mots : « J'ai reçu une éducation assez solide sur le courage, la
vertu, la morale, la culture – je peux citer Ovide de mémoire, etc. » est
développé sur 2 pages.
Quand mes petits enfants, qui m'ont offert ce livre, m'ont demandé ce
que j'en pensais, je leur ai répondu que ce n'était pas les Pensées de
Pascal mais que ce livre s'y apparentait. Il est vrai que j'ai beaucoup ri et
réfléchi en le lisant. Monsieur de Kersauson est un dinosaure comme
tous les hommes d'action de cette génération et comme il le dit avec
humour, nous avions été élevés pour être des guerriers.
Monsieur Philippe Bouvard s’il a, de là haut, connaissance de ce livre,
doit être aux anges ! Ne manquez pas la définition d'Heureux, vous com-
prendrez pourquoi ce marin est différent. Enfin, ne manquez pas non
plus de lire la 4e de couverture qui se termine par ces mots : « Un
aventurier, libre dans tous les sens du terme ».
Jean Michel
16
In Waves
AJ Dungo
Casterman
Marie
17
Nos coups
L'Insoumise de la Molenbeek, comme si vous y étiez. Une
Porte de Flandre femme libre, un homme qui ne l'est pas du
tout, et le lecteur qui entre dans la peau de tous
Fouad Laroui les deux. Beaucoup de punch dans peu de
pages.
Éditions Julliard
Percutant et drôle sur un sujet qui, pour-
tant, ne l’est pas….
Anne
18
de cœur
Un récit à (re-)lire à en être (une fois encore) bouleversé ; les 144 pages
retrouvées il y a 60 ans dans la dans la voiture éclatée contre un platane, à
côté du corps d'Albert Camus ; leur brouillon, un manuscrit inachevé. Le
philosophe laisse la place à l'homme mûr qui retourne voir sa mère à Alger.
Sous un pseudonyme, il entame le récit sensible, sensuel, de ses premières
années où, au sein de la misère, il « apprit que la compagnie des hommes
était bonne et pouvait nourrir le cœur », leçon fondatrice.
Au souvenir du père qu'il n'a pas connu, mort à la guerre, sorte de trou
noir pauvre en témoignages, succède le fourmillement de souvenirs du
« petit boursier de la laïque ». Enfant, il a su trouver dans la misère extrême
des faubourgs d'Alger ce qu'il dit avoir gardé, devenu adulte, « cette ardeur
affamée, cette folie de vivre » qu'il proclame dans les sublimes dernières
pages. Au cœur du cœur, une mère dont il a surpris l'amour dans « le
regard tremblant, doux, fiévreux », admiratif qu'elle porte un jour sur lui.
« Elle m'aime, elle m'aime donc ! »
Son art est d'avoir rendu la nostalgie flamboyante.
Nicole
19
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L’esp@ce Multimédi@
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Marie-Claude LAMBERT
Impression :
Zimmermann - Villeneuve-Loubet