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Colin Georges-S. Origine arabe du mot français ogive. In: Romania, tome 63 n°251, 1937. pp. 377-381;
doi : https://doi.org/10.3406/roma.1937.3849
https://www.persee.fr/doc/roma_0035-8029_1937_num_63_251_3849
sikh-,
i. Cf.
t. 6,Dictionnaire
p. 421. Paris,
raisonné
1863. de V architecture française du XIe au XV [c
378 MÉLANGES
dans son Dictionnaire étymologique de la langue française (1932) :
« Terme technique d'origine obscure. L'orthographe augive est
due à un rapprochement avec auge, et cette étymologie est
encore admise ; le mot signifierait donc proprement « en forme
d'auge » ; mais cette interprétation ne satisfait pas. »
En effet, on conçoit mal le rapport visuel qui peut exister
entre une ogive, ou une voûte d'ogive, et une auge. D'autre
part, le mot latin médiéval og'is, que Littré considérait comme
Yêtymon de notre augive-ogive, n'existe pas. Mr. Huard a
montré 1 que, dans les deux textes du xme siècle où l'on avait
cru le rencontrer, il fallait lire egis « bouclier ». Il convient
donc de chercher pour ogive une autre origine.
Il semble qu'un détail important ait échappé jusqu'ici aux
chercheurs. C'est que le mot ogive ou augive apparaît d'abord,
aux xine, xive et xve siècles dans les expressions croix d" augive,
croix augivère, croisée à' augive. Or, ces expressions ont un équi¬
valent formel et sémantique dans l'expression espagnole bóveda
de aljibe, litt. « voûte de citerne », que. le Diccionario de Ja lengua
española (Real Academia española, Madrid, 1925) définit ainsi
« voûte déterminée par des voûtes demi-cylindriques se cou¬
pant à angle droit. » C'est donc ce que nous appelons encore
une « voûte d'arête », engendrée par le croisement à angle droit
de deux voûtes en plein-cintre, le coupement de ces deux
voûtes déterminant des arêtes saillantes qui se projettent en
dessous pour se croiser diagonalement au centre de la voûte
d'arête. Lorsque, pour des fins ornementales ou architecturales,
ces arêtes sont renforcées en nervures, on obtient la « voûte
nervée sur arcs entrecroisés » qui est à l'origine de la « croisée
d'ogive ». Par la suite, ces arêtes renforcées en nervures
devinrent l'essentiel des voûtes de ce type et l'expression croisée
d'ogive devint croisée d'ogives.
Si donc l'espagnol bóveda de aljibe ne correspond pas mot-à-
mot au français croisée d'ogive , il correspond exactement à voûte
d'ogive. Et il apparaît que le français augive, ogive n'est autre
que l'espagnol aljibe, en graphie ancienne algibe.
de i.cette
Cf. indication
Bulletin des
à M.Antiquaires
R. Thouvenot,
de France,
conservateur
193 3, p. des
96. antiquités
— Je suisà redevable
Volubilis
(Maroc).
ORIGINE ARABE DU MOT FRANÇAIS OGIVE 379
Le passage de al à au est normal en français médiéval Le
g/j doux de l'espagnol n'est devenu une spirante vélaire sourde
que vers la fin du xvie siècle. Enfin, le passage du b espagnol
(spirant ?) à v français ne fait pas difficulté.
Mais, en espagnol, algibe-aljibe n'est pas un mot d'origine
romane, c'est un emprunt arabe. Comme on l'a reconnu depuis
longtemps, son prototype arabe est al-gubb d'où dérivent direc¬
tement le castillan alchup et le portugais aljube. Cependant,
dans certains parlers arabes de la péninsule ibérique, la voyelle
u avait dû passer à i, sans doute sous l'influence de la prépa¬
latale g 2 ; d'où une forme dialectale arabe *al-gibb, attestée par
les emprunts algibe-aljibe (cast.), algibe (port.). La réduction
de la géminée arabe est courante dans les emprunts effectués
par les langues romanes. Quant au e terminal, qui apparaît en
espagnol et en portugais, il représente la voyelle disjonctive
externe que l'arabe hispanique prononçait après un groupe de
consonnes en fin de mot 3. L'étymologie : ar. al-gubb esp.
algibe-aljibe étant établie 4, la généalogie de notre mot « ogive »
s'établit à son tour comme suit : franc, augive, ogive <C esp.
algibe
« citerne
, aljibe
». <i ar. hispanique al-gibbe <C ar. classique al-gubb
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FRANÇAIS CHEVRIN 38 I
quer qu'à la simple « voûte d'arête » qu'ont connue les Anciens
et les Orientaux. Or, ce qui constitue la caractéristique de l'art
ogival, c'est la « voûte sur croisée d'ogives » ; dans celle-ci,
les arêtes saillantes projetées en dessous par la « voûte d'arête »
ont été renforcées ; elles deviennent des « nervures » qui, se
croisant diagonalement, finissent par constituer une armature
de pierre indépendante, une « croisée de nervures », qui sup¬
porte les segments de voûte et permet la construction de « cou¬
poles nervées ».
Comme on le voit, si, étymologiquement, l'origine arabe du
mot « ogive » est assurée, le secret de l'origine de la voûte sur
croisée d'ogive demeure à peu près entier.
En terminant, je tiens à indiquer que j'ai été mis sur la piste
de l'étymologie indiquée ci-dessus par mon collègue et ami
Marcel Cohen, qui, sur cette même question, a déjà com¬
muniqué une notule à la Société de Linguistique de Paris
(cfr. jBull. S.L.P., 1934, t-35> asc- P- xiii).
Georges S. Colin.