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François COUTELIER
AVOCATS ASSOCIES
Le Cygne IV
155. Av. Franklin Roosevelt
83000 TOULON
Tel. 04.94.46.92.30.
Fax : 04.94.42.24.23.
Requête N°23905/07
POUR :
CONTRE :
L'ETAT FRANCAIS
1
PLAISE A LA COUR
L’Etat s’est engagé aux termes d’un contrat de vente entériné en 1971, à garantir de manière
effective le droit à construire sur les parcelles de terrains conservées par Madame LE BER
(pièce 9).
Le contrat de vente précise les trois opérations immobilières dans les termes suivants (pièce
9- page 4) :
« Il est précisé que la cession de ce droit a pour objet non de permettre à l’Etat de
construire sur les dites parcelles, mais de limiter ainsi qu’il suit les possibilités de
construire conservées par la venderesse.
B. Des bâtiments à usage d’habitation d’une superficie de 1200 mètres carrés. Cette
superficie est exprimée en mètres carrés de plancher développée hors œuvre au sens
de l’article 20 du décret n 70 -1016 du 28 octobre 1970 relatif aux plans
d’occupation des sols. Il est précisé en ce qui concerne les bâtiments a usage
agricole que leur importance devra rester en rapport avec les seuls besoins de
l’exploitation agricole de la venderesse sur l’île.
Les termes « limiter ainsi qu’il suit » renvoient directement à l’énumération -par définition
limitative- des trois opérations immobilières évoquées.
2
Cette garantie constituait la condition à laquelle était soumis l’accord de Madame LE BER
relatif à la vente d’une grande partie de ses terrains à l’Etat, à un prix très nettement
inférieur à leur valeur réelle estimée par le Service des Domaines, reprise dans le rapport du
18 janvier 1971 établi par Messieurs LEFEVRE et PHILIPPE pour le compte de l’Etat
(pièce 29 - page 10).
Sauf à avoir perdu la raison, Madame LE BER n’avait aucun intérêt à céder son bien à
l’Etat pour un prix inférieur aux offres émanant des promoteurs privés et même à
l’estimation des Services des domaines, qui était elle-même inférieure à ces offres.
L’Article 545 du Code Civil dispose : « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si
ce n’est pour une cause d’utilité publique et moyennant une juste et préalable
indemnisation ».
Les droits à construire fixés ne varietur dans le contrat de vente constituaient la
contrepartie de l’insuffisance du prix de vente par rapport à la valeur réelle des
terrains.
« Si l’on prend comme base d’évaluation la valeur agricole (environ 3 FF le m2) et celle
des droits de construire relevant du groupement d’urbanisme des Maures (environ 250 FF
le m2 constructible), on parvient à un total théorique se situation entre 50 et 60 millions.
L’étude des options prises par le Groupe BLITZ sur la propriété Richet confirme que c’est
une somme de cet ordre qui représentait l’objectif des héritiers FOURNIER.
Même en retenant l’évaluation la plus modeste faite par le Service des Domaines (42
millions pour la totalité des terrains leur appartenant, soit 3,75 FF le m2), on était au
départ très au-dessus des possibilités financières de l’Etat. »
3
Le Rapport de Messieurs LEFEVRE et PHILIPPE auprès de la Commission Nationale des
Opérations Immobilières et de l’Architecture (C.N.O.I.A) de l’audience du 18 janvier 1971
indique en outre que les résultats de la négociation concernant Madame LE BER étaient les
suivants (pièce 29 – page 17) :
« L’Etat doit pouvoir acquérir la maîtrise foncière de Porquerolles et, pour cela se rendre
propriétaire non seulement des terrains à vendre, mais obtenir en outre qu’une série de
concessions soit acceptée par les propriétaires sur les terrains appelés à rester dans leur
patrimoine. Des servitudes contractuelles assez lourdes ont été ainsi imposées aux
propriétaires.
Les stipulations du contrat doivent donc être qualifiées d’élément exorbitant du droit
commun contenu dans le contrat visé.
Cependant, le 22 août 1977, l’Etat refuse la demande de permis de construire présentée par
Madame LE BER le 10 juin 1977, sur le motif principal de la préservation de
l’environnement et la limitation des constructions sur un site naturel exceptionnel
(pièces 12 et 13), alors que ces motifs ont justement présidé à la signature de l'acte de
vente.
1
Inspecteur des Finances (Rapporteur lors de l’audience du 18 janvier 1971)
2
Directeur Divisionnaire des Impôts (Rapporteur lors de l’audience du 18 janvier 1971)
4
De plus, le Ministère de l’Urbanisme et du Logement rapporte que le Plan d’Occupation des
sols (P.O.S) reprend jusqu’en 1978, « l’ensemble des droits accordés par un regroupement
sur un terrain mis à disposition à l’Etat », alors qu’en Novembre 1979, il est indiqué que le
P.O.S n’intéresse plus les droits en questions, « suite à la prise de position de l’Etat… ».
(pièce 10 – page 6).
Cela est d’ailleurs précisé dans le rapport de Monsieur Jérôme MONOT précisant les
motivations des héritiers FOURNIER (pièce 29 – page 16) :
Il n’existait aucune nouvelle cause d’utilité publique pour que l’Etat puisse limiter les
droits de construire de la propriétaire, exorbitants du droit commun.
Madame LE BER rappelle qu'elle a tout mis en œuvre pour assurer la sauvegarde des droits
de construire qui lui conférait l'acte de vente.
5
En effet, Madame LE BER, lors de l'élaboration du POS de la ville d'HYERES a écrit, le 11
septembre 1984 (pièce n°11), en demandant l'intégration de ses droits de construire dans le
futur plan d'occupation des sols.
L'Etat n'a pris aucune mesure pour appuyer la démarche de Madame LE BER.
Le plan d'occupation des sols (POS), approuvé par délibération du Conseil Municipal du 27
décembre 1985, a méconnu les droits de Madame LE BER, sans que l'Etat, autorité de
tutelle, n'intervienne.
Cette situation a été admise par l'Etat dans une "Etude d'impact sur l'Ile de Porquerolles",
réalisée par le Bureau d'Etudes et de Réalisations Urbaines (BERU) (pièce 28 – préambule,
page 1), dans laquelle, la Cour lira :
"Or, lors des acquisitions des sols, et pour en faciliter la négociation, l'Etat a conclu avec
les vendeurs des accords aux termes desquels des droits de construire ont été reconnus à
certaines parcelles qui sont restées leur propriété personnelle : il s'agit de volumes assez
importants dont on trouvera le détail ci-après et dont l'impact sur le paysage risque d'être
fort."
...
"- De proposer, éventuellement des modifications qu'il serait possible d'apporter dans
l'affectation des volumes à bâtir, ou dans la localisation du programme afférent à chaque
cas."
...
"- Que l'Etat, lors de la signature des conventions d'acquisition ne pouvait attribuer aux
héritiers FOURNIER "des droits publics".
...
"-Que cette non consécration par le plan d'occupation des sols pouvait conduire les
héritiers FOURNIER à demander soit l'annulation des conventions passes (ce qui
entrainerait de leur part la restitution des sommes encaissées), soit l'attribution de
dommages intérêts correspondant au préjudice subi."
Dans ces conditions, Madame Le Ber s’est vue privée de ses droits sur ses biens tels que
protégés par l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention, ainsi que de
leur exploitation.
2) Le droit interne français ne permet pas d’effacer les conséquences de cette violation
Or le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation, après une procédure au fond dans les deux
ordres de juridictions français, ont refusé toute indemnisation à la famille LE BER.
6
La Cour de Cassation dans un arrêt du 19 décembre 2006, débouta les parties de leur
demande de reconnaissance de leur droit à construire développée dans un mémoire ampliatif
(pièce 21 – page 9).
Les parties se sont donc vues privées, depuis la vente de leurs terrains à l’Etat, de leur droit à
construire, et de toute indemnisation du préjudice subi par la non exécution des engagements
contractuels promis par l’Etat depuis les actes de vente du 4 et 17 mai 1971.
Aussi, Madame Le Ber est bien fondée à solliciter une satisfaction équitable en
application de l’article 41 de la Convention.
La satisfaction équitable doit prendre la forme de l’octroi d’un montant destiné à compenser,
en équité, le préjudice subit par le requérant gagnant.
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I – Sur le dommage matériel
Remarque liminaire : le calcul du dommage matériel subi par Madame LE BER repose,
non sur ses propres évaluations, ni même sur des documents produits pour les besoins de la
cause, mais sera exclusivement calculé à partir des documents émanant de l'Etat Français
lui-même ou de ses services contemporains ou antérieurs à la vente.
L'Etat a en effet, toujours admis et reconnu que des offres de 60.000.000 FF soit
9.146.941,03 € avaient été faites à la famille FOURNIER pour l'acquisition de la quasi
totalité des terrains.
Par l’octroi de la satisfaction équitable, le requérant est placé dans la situation dans laquelle
il se serait trouvé si la violation ne s’était pas produite, par application du principe restitutio
in integrum.
A cela s’ajoute le manque à gagner auquel il faut s’attendre pour l’avenir, lucrum cessans, à
savoir la perte d’exploitation des terrains appartenant à Madame LE BER par la suppression
pure et simple de ses droits à construire promis dans le contrat de vente.
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I. 1. Sur la valeur réelle des terrains cédés et des droits cédés par
Madame LE BER
La Cour ne saurait disposer de meilleures évaluations que celles émanant de l'Etat lui-même.
Ce service spécialisé de l'Etat (dont les évaluations sont cependant régulièrement jugées
comme étant sous évaluées par le Conseil d'Etat) a procédé à la détermination de la valeur
vénale 2 ans avant la vente et a retenu, en fonction des termes de comparaison qui
constituent la méthode la plus équitable, qui aboutissait pour l'ensemble de la propriété
FOURNIER aux sommes suivantes :
Ensemble.......................................................................................................7.762.703,96 €
"Par contre, depuis quelques mois se dégagent de nouvelles et plus concrètes perspectives
d'aménagement, dues à l'initiative de Messieurs BLITZ et TRIGANO (agissant à titre
personnel, semble t-il) et un important groupe financier serait disposé à de larges (sinon
totales) acquisitions financières dans l'ile : il s'agit du groupe EMPAIN, agissant avec la
Banque de l'Union Européenne en liaison avec la société pour le développement du
Tourisme (SODETO) et une participation du Crédit Agricole.
Le Comité Interministériel a rappelé que des remous auraient été provoqués l'été précédent
par la mise aux enchères (à partir de 120.000 FF soit 18.293,88 €) des deux hectares de l'ilot
domanial du petit Langoustier.
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A titre indicatif, si les 164 hectares, 40 ares et 38 centiares de Madame LEBER avaient été
cédés sur la base de cette simple mise à prix, cela aurait représenté à l'époque, 19.728.456
FF soit 3.007.583,73 €, une somme sans commune mesure avec celle acquittée par l'Etat de
5.500.000 FF soit 838.469,59 €.
"Une procédure de classement, outre sa lourdeur et son aspect quelque peu "stérilisant",
serait également génératrice d'indemnisations et n'assurerait pas automatiquement
l'ouverture de l'ile.
Il faut rappeler que la vente totale a porté sur 923 hectares 16 ares et 79 centiares.
"Je vous rappelle que les conversations auxquelles l'administration avait paru souscrire
avec le Groupe de Porquerolles pendant le 1 er semestre 1970 avaient contribué à
persuader les propriétaires qu'ils pourraient vendre leurs terres au prix du terrain à bâtir.
Si l'on prend comme base d'évaluation la valeur agricole (environ 3 FF le m²) et celle des
droits de construire relevant du groupement d'urbanisme des Maures, (environ 2,50 FF le
m² constructible), on parvient à un total théorique se situant entre 50 et 60 millions."
"Même en ne retenant que l'évaluation plus modeste faite par les Domaines (42 millions
pour la totalité des terrains leur appartenant, soit 3,75 FF le m²), on était au départ, très
au-dessus des possibilités financières de l'Etat."
Cette commission a émis un avis favorable à l'acquisition de l'ile de Porquerolles par l'Etat
après avoir rappelé que le prix global de 29.950.300 FF pour les 923 hectares, 16 ares et 79
centiares était inférieur à l'évaluation du Service des Domaines (pièce 28 page 3), mais
également que des promesses avaient été faites par des promoteurs privés aux propriétaires
de l'ordre de 60.000.000. FF.
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5. Rapport de Messieurs LEFEVRE et PHILIPPE auprès de la Commission
Nationale des Opérations Immobilières et de l’Architecture, (pièce n° 29, page
17)
«- Mme LE BER :
Ainsi, il apparaît en résumé que la famille FOURNIER s'était vu offrir pour les 923 hectares
16 ares et 79 centiares, 60.000.000 FF soit 9.146.94103 € par des promoteurs privés, ce que
l'Etat ne saurait aujourd'hui utilement contester puisque cette affirmation résulte de son
propre aveu.
En conséquence, l'évaluation des droits de construire consentis par l'Etat dans l'acte de vente
doit être fixée comme représentant la différence entre le prix équitable (celui offert par les
promoteurs privés) et celui offert par l'Etat.
Cette différence pour la seule partie de l'ile appartenant à Madame LE BER, doit se calculer
comme suit :
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60.000.000 FF (Valeur équitable ensemble des terrains Famille FOURNIER) X 164 hectares 40 ares et 38 centiares =
923 hectares 16 ares et 79 centiares (superficie totale vendue) (pièce n° 8)
= 10.685.193 (valeur équitable du terrain de Madame LE BER)
La perte éprouvée par Madame LE BER s'élève donc à 10.685.193 FF soit 1.628.947,17 €
(valeur équitable) – 5.500.000 FF soit 838.469,59 € (prix payé) = 5.185.193 FF soit
790.477,58 € valeur en 1971. (1545,50 indice 1er trimestre 2009) (222 indice 2ème trimestre
1970) = 5.503.077 €.
Cette somme soit être réévaluée au jour de l'indemnisation en fonction de l'indice du coût à
la construction, s'agissant de l'équivalent de droits de construire, soit arrêté au 1 er trimestre
2009.
En tout état de cause, l'indemnisation de Madame LE BER ne saurait en aucun cas être à
minima à la différence entre le prix de vente payé (5.500.000 FF) et l'évaluation la plus
basse de ses terrains faite par les rapporteurs de l'Etat lui-même lors de la séance restreinte
de la Commission Nationale des Opérations Immobilières et de l'Architecture du 18 Janvier
1971 (pièce 29 – page 17) et 6.860.000 FF, soit 1.360.000 FF (207.330,66 €) réactualisée en
fonction de l'indice du coût de la construction (pièce 30), soit :
Pièce n° 8. Le total des terrains acquis par l'Etat représente 923 hectares 16 ares et 79
centiares.
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Madame LE BER tient à attirer l'attention de la Cour sur le fait qu'elle avait déposé une
demande de permis de construire le 26 août 1977 (pièce n°12) qui lui a été refusée le 6
janvier 1978 (pièce n° 13)
En outre, Madame LE BER, avait demandé par courrier du 11 septembre 1984 (pièce n°11)
que les droits de construire dont elle bénéficiait, soient repris dans le POS conformément
aux engagements contractuels de l'Etat.
Cette demande qui équivalait à une demande de permis de construire n'a cependant pas été
prise en considération, privant définitivement Madame LE BER, de la valeur desdits droits
de construire c'est à dire d'une partie du prix de la vente de sa propriété.
Madame Lélia LE BER, aujourd’hui âgée de 88 ans, a subi un très important préjudice
moral en étant privée depuis plus de 37 ans de droits de construire très importants.
Ce préjudice est aggravé par le cynisme dont a fait preuve l’Etat français à son égard, y
compris dans les moyens de défense devant la CEDH (par exemple en reprochant de ne pas
avoir demandé la résolution de la vente, alors que lorsqu’elle le demandait, l’Etat lui
opposait la renonciation à cette action contenue dans l’acte ainsi que la prescription).
Madame Lélia LE BER a été dans l’obligation de faire appel à deux Avocats pour faire
valoir ses droits devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
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Elle devra, ainsi que ses Conseils, exposer des frais pour faire valoir ses observations devant
la Cour.
Madame LE BER demande que le montant des condamnations soit versé sur le compte
n°30077 02103 0000111477 U 80 ouvert à la SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT.
Madame Lélia LE BER demande que ses Conseils, Monsieur le Bâtonnier Laurent
COUTELIER et Maître Laurent CHAMBAZ, puissent faire des observations orales lors de
l’audience qui sera fixée par la Cour.
Présentée à Strasbourg, le
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BORDEREAU DE PIECES
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