Documentos de Académico
Documentos de Profesional
Documentos de Cultura
Le thrips est ce petit insecte, à peine plus grand qu’une virgule, qui infeste nos fruits,
nos légumes, nos céréales. C’est une peste planétaire. Tout le Monde s’en plaint !
Sa vitesse de multiplication est si grande, les générations se suivent si rapidement,
que l’animal est devenu résistant à la plupart des pesticides.
La guerre chimique est engagée, les armes développées sont de plus en plus
puissantes. Mais le ravageur, à chaque fois, s’adapte.
N’y a-t-il pas des façons de sortir de cette escalade de violence ?
Une stratégie guerrière peut-elle évoluer en quelque chose de plus vertueux ?
Mais fin juillet, dans l’une de nos serres, les thrips se développèrent rapidement. Pas
une fleur n’était épargnée, laissant envisager des fruits complètement déformés et
invendables. Jusqu’à cette date, nous n’avions pas eu besoin de recourir à un seul
insecticide.
Débuter un traitement chimique aurait pour effet de détruire toute la faune auxiliaire.
Pouvions-nous prendre ce risque ?
Beaucoup de questions
Mais justement, pourquoi les thrips se sont-ils développés que dans cette serre et
pas ailleurs ?
Nous utilisons pourtant de l’extrait d’ail pour les éloigner. Cela n’a pas marché !
Aurions-nous favorisé l’émergence d’une nouvelle souche de thrips adepte du
régime crétois ?
Ou alors, à force d’en utiliser, n’avons-nous pas sélectionné un comportement de
résistance ? La chaleur et la sécheresse ne laissaient dans l’environnement plus
beaucoup d’opportunités à nos thrips pour se nourrir. Malgré l’ail, quand on à faim,
on mange !
Bref, nous comprenions que l’ail ne suffisait plus.
Il nous restait les auxiliaires : que faisaient-ils ?
Et là, surprise ! Malgré une recherche approfondie, nous n’avons quasiment rien
trouvé dans cette serre, alors qu’ils étaient très présents ailleurs : dans les autres
serres, mais également dans la luzerne à 20 m, autour des points d’eau, dans la haie
et partout où l’herbe n’était pas tondue.
Par contre, dans la serre, là où le sol est recouvert de plastique, et sur ses abords
immédiats, là ou l’herbe est « bien » tondue : rien du tout !
Il nous a fallu en convenir : notre serre n’est pas attractive pour les auxiliaires ! Et en
plus, la chaleur estivale y développe une odeur de plastique qui ne doit pas être très
attractive pour des insectes. Même nous, on trouve que ça pue !
Comme les thrips, les auxiliaires sont aussi gourmands. Les insectes ont des
organes des sens très développés, avec des antennes qui perçoivent les parfums
d’une façon redoutablement efficace et subtile.
Il ne faut pas oublier que les auxiliaires sont des prédateurs. Ils ont des
comportements de prédateur, avec des stratégies, des intentions. Et lorsque l’on
chasse, on ne s’y prend pas n’importe comment, « au petit bonheur la chance ». La
première règle, c’est de trouver un bon terrain de chasse. Et si on veut manger du
thrips de fraisier, on va dans un champ de fraises qui sent bon la fraise !
De la théorie à la pratique
Qu’à cela ne tienne : nous avons décidé de transformer notre serre qui pue en un
champ attractif aux intenses effluves de fraise.
En espérant que les auxiliaires ainsi informés découvrent enfin l’abondante
ressource de nourriture cachée dans cette serre malodorante.
Ainsi, nous avons fait infuser pendant 12 heures, 4 kilogrammes de déchets de
fraises (les fruits abimés que nous ne vendons pas) dans 25 litres d’eau.
Le liquide ainsi obtenu, a été pulvérisé au petit matin sur les plantes (soit 250 m²).
Vers midi, nous observions déjà que de nombreux insectes pénétraient dans la serre.
Au début, c’était surtout des mouches et des moucherons.
Nous commencions même à avoir un peu peur : ça sentait tellement bon que nous
imaginions déjà toutes les drosophiles suzukii et d’autres prédateurs de fruits arriver
en grand nombre.
Nous avions convenu d’attendre une semaine, et qu’en fin de compte, nous avions
toujours la possibilité d’un traitement chimique pour sauver la culture, avec ses
terribles conséquences.
Le résultat
Nous avons pris l’habitude de régler nos problèmes par des techniques ciblées :
traitements phytosanitaires, introduction d’auxiliaires…
On peut envisager les problèmes différemment et entrer dans un processus qui
permettrait de réguler de façon autonome les ravageurs de nos cultures.
C’est une question de stratégie.
Notre imagination est un outil très utile pour nous y aider : soyons inventifs !
Hervé COVES
Chambre d’Agriculture de la Corrèze
Rue Jules Bouchet - 19100 BRIVE
Tél : 05 55 86 32 33
herve.coves@correze.chambagri.fr
http://limousin.synagri.com