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Une recherche centrée sur les prépositions

dans un cadre contrastif interlinguistique

Michel Camprubi*

Synthèse de nos articles des Cahiers de grammaire, concernant d’abord le


passif en espagnol (critères du choix de l’auxiliaire ser ou estar) , puis les
prépositions (leurs contenus et leurs emplois en discours) pour l’espagnol, le
catalan et accessoirement le français. Sont abordés la référence temporelle
et les compléments prépositionnels des verbes et adjectifs dans le domaine
« notionnel », ainsi que les complément de nom. Nous terminons par un
aperçu de notre étude de la référence spatiale (espagnol et catalan) publiée
ailleurs.

This is a synthesis of former papers in the Cahiers de grammaire, dealing


with passive in Spanish (selection criteria concerning ser and estar), and
prepositions (contents and use in discourse) in Spanish, Catalan and
marginally French. This study addresses time reference and prepositional
adjuncts to verbs and adjectives, as well as noun adjuncts. Our last point is a
survey of our paper on place reference (in Spanish end Catalan) published
elsevhere.

*
Professeur émérite, Université de Toulouse-Le Mirail, ERSS.

Cahiers de Grammaire 30 (2006)


« Spécial Anniversaire », pp. 51-62
Michel Camprubi

Notre publication d’articles dans les Cahiers de grammaire (= C.G.) a


commencé en 1982, avec le numéro 4. Nous y abordions l’importante
question de la formation du passif espagnol dont l’utilisation est un des
problèmes majeurs dans l’apprentissage de la langue pour les élèves ou
étudiants francophones. Nous en parlons ci-après. Par la suite, nos articles ont
concerné exclusivement les structures prépositionnelles, en général dans un
cadre contrastif mettant en présence les langues voisines (romanes) que sont
l’espagnol, le catalan et le français. Nous les résumerons ici et terminerons
notre panorama en ajoutant quelques précisions à partir de publications
effectuées ailleurs que dans les Cahiers de grammaire.

1. Une question de grammaire espagnole : le passif


1.1. Méthodologie et état de la question avant notre analyse
Nos études de grammaire espagnole (cf. Camprubi 1972) se sont inscrites,
dès le départ, dans le sillage de Bernard Pottier (1965 et 1970) et dans une
approche que nous avons appelée par la suite sémantico-fonctionnelle. La
particularité de la structure ou « microsystème » de passif en espagnol, et
d’une façon plus générale la question de la « voix attributive », provient de
l’existence dans cette langue de deux verbes copules-auxiliaires (ser et estar)
au lieu d’un seul en français notamment. De là le problème du choix, pour les
apprenants, du verbe à utiliser. Si la question de la structure attributive de
base, celle de l’attribut du sujet introduit par un verbe copule, était déjà très
bien analysée par Bernard Pottier et représentait un excellent outil pour
l’enseignant, il n’en allait pas de même pour celle de passif. En effet, ni dans
la littérature grammaticale traditionnelle et courante (manuels scolaires), ni
dans l’analyse de Pottier, les critères de choix du verbe auxiliaire
accompagnant le participe passé n’étaient suffisamment clairs ou explicites.
Chez Coste et Redondo (1965), par exemple, le raisonnement était nettement
« circulaire », nous parlant d’un « vrai passif » avec l’emploi de l’auxiliaire
52 ser, et d’un « faux passif » avec l’emploi de l’auxiliaire estar ; mais ces deux
cas de structure étaient à leur tour définis par la seule présence de l’un ou
l’autre des deux auxiliaires, ce qui ne permettait pas, évidemment, de savoir
sur quels critères devait s’effectuer le choix. Quant à l’analyse de Pottier, elle
distinguait bien le cas du passif (avec un aspect d’action ou de procès de la
part d’un agent : el problema fue resuelto ayer) et celui du résultat d’action
(avec un aspect d’état résultant du procès antérieur : el problema está
resuelto) et caractérisait ainsi le premier de « bi-actanciel » et le second de
« mono-actanciel » ; de plus, Pottier montrait que certains passifs ne se
construisaient pas avec le verbe ser mais avec le verbe estar, en précisant
que :

Le passif utilise ser, et parfois estar avec des verbes évoquant une faible
activité : el jefe del estado estuvo representado por el Ministro de Hacienda
(Pottier 1969, p. 65).

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Toutefois, il nous apparaissait vite que, sans critère précis permettant de


déterminer le degré d’activité évoqué par le verbe, on ne peut opérer le choix
de l’auxiliaire avec certitude.

1.2. Notre analyse (cf. Camprubi 1982)


Notre réflexion nous conduisit finalement, par le biais de la différence de
complément temporel que les verbes transitifs peuvent admettre (hacer +
fabricar algo+… en una hora /vs./ acompañar a alguien durante un rato) à
identifier les verbes transitifs se combinant au passif avec ser aux verbes
perfectifs et ceux se combinant avec estar aux verbes imperfectifs. Dès lors,
nous avions le moyen de les classer sans hésitation dans l’une ou l’autre de
ces deux catégories grâce au test dudit complément temporel. L’analyse
montrait encore que seuls les verbes perfectifs donnent lieu à un cas de
résultat d’action (nous l’appelions « le résultatif », opposé au strict passif) ; et
c’est bien parce que les verbes imperfectifs ne donnent pas lieu à résultatif,
que la langue peut utiliser avec eux l’auxiliaire estar pour le passif, alors que
cet auxiliaire sert à former le résultatif des verbes perfectifs, la langue faisant
ici preuve d’une extrême économie dans l’emploi de ses moyens. Les choses,
d’autre part, apparaissaient également plus compliquées que ce que l’analyse
de départ laissait supposer : de nombreux verbes qui peuvent donner, dans
une acception perfective, un passif avec ser, peuvent aussi prendre une
acception imperfective et former alors leur passif avec estar :

Francia fue ocupada en menos de tres semanas por los alemanes /vs./
Francia estuvo ocupada por los alemanes durante cuatro años.

Mais, grâce au test de perfectivité/imperfectivité, on peut toujours savoir à


quelle acception on a affaire en contexte. Ajoutons que la forme du
complément temporel qui atteste l’imperfectivité est non seulement celle où
apparaît la préposition durante mais aussi celle représentée par un adverbe de 53
« continuité temporelle » du genre de : actualmente, de modo permanente,
etc.
Nous obtenions donc deux classes de verbes, la première avec comme verbe
type hacer (« faire ») donnant lieu à résultatif, la deuxième avec des verbes
du genre de acompañar dans leur acception imperfective, car le plus
souvent, rappelons-le, ce sont des verbes pouvant présenter aussi une
acception perfective et ils sont à ranger alors avec ceux de la première classe.
Nous devions aussi faire état d’une troisième classe de verbes qui, tout en
étant imperfectifs, ne se combinent qu’avec l’auxiliaire ser : ce sont des
verbes de « savoir-connaissance » – saber, conocer… – et ceux qui expriment
un « sentiment » tels que amar, querer, avec leurs antonymes, odiar,
aborrecer (« haïr », « exécrer »), etc. Il s’agit de verbes dont le procès/état

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moral n’accepte comme complément d’agent qu’un nom d’être vivant,


essentiellement un humain.
Ultérieurement, nous avons simplement précisé quelques points, notamment
la faible ou nulle pertinence du temps verbal dans ce fonctionnement du
passif, et nous avons apporté de très nombreux exemples d’auteurs qui ont
toujours confirmé le bien-fondé de cette analyse.

2. Etude des structures prépositionnelles


Cette question constituait, à l’origine, un sujet de thèse de doctorat d’Etat qui,
finalement a donné lieu à une présentation dans le nouveau cadre de
l’Habilitation à Diriger des Recherches.

2.1. Méthode et outils conceptuels utilisés


L’étude a consisté dès le départ en une approche sémantique inspirée des
travaux de Bernard Pottier (avant tout sa Systématique des éléments de
relation, 1962, qui a été l’un des ouvrages de référence pour ce domaine
d’étude). Cette approche se caractérise par une confrontation des emplois des
diverses prépositions pour en dégager les traits distinctifs ou sèmes. Elle
dérive de la phonologie structurale et des travaux de Jakobson en particulier,
et doit aussi beaucoup à la psychomécanique de Gustave Guillaume (cf.
1964). Conformément à cette dernière, l’analyse distingue trois domaines
fondamentaux d’emploi des formes : le spatial, le temporel et le
« notionnel ». C’est dans le domaine de la référence spatiale que peuvent
s’apercevoir le mieux les concepts de base utilisés pour la représentation de
ces domaines. Ainsi, Pottier établit une représentation de l’espace en langue à
travers les concepts de « limite simple » et « limite double » (pour la
première, c’est l’idée d’un lieu « vu » comme terme d’un déplacement et,
pour la seconde, celle d’un lieu à limite d’entrée et limite de sortie, autrement
54 dit un lieu étendu, une « surface »). A partir de là, toute opération de
localisation se définira dans le cadre de l’une ou l’autre de ces
représentations. Non prévu initialement dans les analyses de Pottier, le
concept de « point » nous a semblé être un complément utile sinon nécessaire
aux deux précédents, surtout dans la référence spatiale telle qu’elle apparaît
en espagnol. Pour ce qui est du domaine temporel, nous avons nous-même
fait des choix de représentation qui adaptent les précédents concepts définis
pour l’espace en les étendant à la référence temporelle (ainsi on peut y
retrouver le concept de limite sous la forme de « date-limite » ou « point
temporel », fixés sur l’axe d’écoulement du temps, et le concept de « limite
double » sous la forme du « segment temporel » ou « laps de temps »). Cette
extension permet de comprendre pourquoi les mêmes prépositions se
retrouvent dans des emplois temporels en homologie avec les emplois
spatiaux (par ex. en espagnol : tomo el fresco a la puerta de casa pour

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l’espace, et estamos a dos de febrero ou acabo de trabajar a las cuatro pour


le temps). En figure, représentations temporelles :

(passé) las cuatro (futur)


a en +

(limite) (segment ou
laps de temps)

D’autre part, on recourt, pour le contenu prépositionnel lui-même, à une


caractérisation par le type de « vision » qu’il apporte : soit « prospectif », soit
« rétrospectif » (ou encore « coïncident » d’après des travaux ultérieurs de
Pottier). Ainsi, la vision « prospective » est donnée dans le cas d’un lieu
envisagé comme but d’un déplacement (voy a casa), et la vision
« rétrospective » dans le cas du lieu de provenance (vengo de casa), la vision
« coïncidente », enfin, étant celle qui accompagne la localisation situative
statique (estoy en casa = je suis à la maison) ou le parcours d’un lieu (me
paseo por la ciudad = je me promène dans la/en ville). Ces types de vision se
retrouvent sans difficulté pour la référence temporelle mais, aussi, plus
abstraitement, dans les emplois ressortissant au troisième domaine, le
« notionnel » (Ce livre est pour toi = prospectif /vs./ pleurer de rage =
rétrospectif). Globalement, donc, une telle analyse des structures
prépositionnelles établit une « combinatoire » de contenus (traits
distinctifs/sèmes) entre les prépositions et les noms qu’elles précèdent ou les
verbes qu’elles suivent (dans le cas notamment de la pertinence, pour le
choix de la préposition, de l’idée de déplacement que ces derniers expriment,
comme on l’observe en espagnol).

2.2. Articles des Cahiers de grammaire concernant les prépositions


2.2.1. Article sur la référence temporelle 55
Le premier de nos articles concernant les prépositions (Camprubi 1984)
abordait la référence temporelle en catalan, à travers l’étude des compléments
circonstanciels (de verbe ou « de phrase »). Comme on le sait, ce thème
général de la référence temporelle allait devenir un des « programmes » au
sein de l’ERSS. Dans notre article, nous passions en revue les syntagmes
introduits par les différentes prépositions simples (a, en, per et « zéro ») et,
dans le cadre de la combinatoire évoquée ci-dessus, nous établissions les
paradigmes nominaux qui nous semblaient devoir être distingués. Ainsi, par
exemple :
– préposition « zéro » : elle résulte de l’effacement de la préposition en et le
nom représente une division temporelle du type « terme du calendrier »,
autrement dit une « macro-division temporelle » :

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Un dia va arribar a casa… - El dia que vulguis l’anirem a veure (= Un jour… -


le jour que tu voudras…)
Aquella nit no vaig dormir gaire (= Cette nuit-là, je ne dormis guère)
El mes que ve… (= Le mois prochain…)

– préposition en : pour une localisation intériorisante, elle se combine avec


des noms de « micro-division temporelle » comme instant, moment, hora :

En aquella hora…(= A cette heure-là) - En un moment determinat (= à un


moment déterminé)

Dans certaines structures, le type de déterminant du nom est un élément


pertinent : c’est le cas des quantificateurs (numéraux et autres) qui, dans le
cas de la préposition en, définissent une expression qui n’est plus localisante
mais de durée (= temps d’accomplissement du procès, avec les verbes
perfectifs comme déjà vu plus haut) :

(fer quelcom) en una/dues hores (= faire quelque chose en une/deux heures)

En définitive, comme nous le disions dans notre conclusion, toutes ces


expressions forment un système qui « fonctionne sur la base d’une
structuration lexicale-grammaticale (classes de noms et types de
détermination formant des paradigmes) qui révèle sa cohérence » (p. 52).
Il nous apparaît aujourd’hui que nous avions déjà une approche bien
identifiée depuis sous l’appellation de « lexique-grammaire », avec les
travaux spécialement de Maurice Gross (cf. Gross M. 1975, 1981) et de
Gaston Gross (1986, 1994).

2.2.2. Compléments prépositionnels dans le domaine « notionnel »

56 Notre second article (Camprubi 1988) concernait la construction


prépositionnelle des verbes et adjectifs en catalan et en espagnol en dehors de
la référence spatiale ou temporelle, autrement dit les compléments appelés
très sommairement « d’objet indirect » ou désignés parfois, pour des verbes
par ailleurs transitifs, comme compléments circonstanciels de manière, cause,
moyen, etc. Pour introduire une certaine systématisation dans cette étude,
nous adoptions, à côté des dénominations traditionnelles des compléments,
des étiquettes casuelles telles que « datif » et « cas du bénéficiaire ». Nous
passions en revue, pour les deux langues considérées, toutes les constructions
intéressant les prépositions simples. Quant aux verbes et adjectifs, à partir de
listes données dans divers ouvrages, nous en retenions un échantillon
suffisant pour illustrer l’analyse. Ce faisant nous abordions la question de la
nature de « l’objet indirect », qui nous amenait à la conclusion suivante :

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Quant à la notion d’objet, elle nous paraît être le résultat d’une plus grande
abstraction à partir des valeurs les plus proches de la spatialité. Autrement dit,
il y a objet (indirect) dans la mesure où il y a déspatialisation, perte de valeur
spatiale-concrète, pour aller vers le plus notionnel-abstrait.
Mais comme il s’agit de gradation, une zone intermédiaire se fait jour où le
complément est encore un lieu mais figuré, déjà abstrait et où la syntaxe reflète
le fonctionnement ou système de la spatialité ou localisation. (p. 58)

Par ailleurs, nous étions aussi confronté au problème de la distinction entre


complément de type « objet (indirect) » et complément circonstanciel ou
périphérique. Nous disions à ce sujet que :

[...] certains compléments sont plus facilement ou plus souvent donnés comme
présupposés que d’autres et ce seraient les compléments circonstanciels. Pour
les autres, donc, il y aurait place, entre le strict complément d’objet indirect et
le circonstanciel, occupant une position intermédiaire en système, pour des
compléments au plein sens du terme, sans lesquels, en somme, se manifesterait
une incomplétude quelque part dans le champ de la signification. Tout bien
considéré, moins périphériques que les purs circonstants, ils constituent de
véritables arguments du verbe ou adjectif dont la valence conduit à leur
existence au moins implicite. (p. 59)

2.2.3. Compléments de nom


Notre article suivant (Camprubi 1990) intitulé « La relation prépositionnelle
entre le nom et son complément nominal en espagnol et en catalan »
commençait par faire le parallèle entre la complémentation par rapport au
verbe (« objet direct ») et celle relative au nom afin de montrer qu’une même
transitivité s’y manifeste (esp. amar a alguien / el amor al prójimo = aimer
quelqu’un/l’amour du prochain – oler a quemado / el olor a quemado = sentir
le brûlé/l’odeur de brûlé). Egalement, pour ce qui est du régime indirect du
verbe, on retrouve une même construction prépositionnelle avec le nom :
57
(esp.) acceder a el acceso a
abusar de el abuso de
abundar en la abundancia en
esforzarse por el esfuerzo por
arremeter para el arremetimiento para

Cette parfaite symétrie de construction ou régime prépositionnel s’observe


également en catalan et en français.
Une deuxième section de l’article traitait du complément « déterminatif du
nom » (avec la préposition de) et partait de l’étude qu’en avait faite, pour le
français, Inge Bartning (1987). Notre conclusion sur le rôle de la préposition
de dans les langues considérées était que sa capacité à apparaître quelle que
soit la structure sous-jacente (sémantique ou conceptuelle) :

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suppose, au moins, une certaine « neutralité » quant au contenu de base qui est
le sien et une très grande généralité quant à sa fonction de relation. De fait, il
apparaît que cette fonction se limite à une mise en relation de deux termes
(syntames nominaux), disant simplement du premier que c’est par le second –
ou mieux à partir du second d’où le de – qu’on peut l’appréhender quant à sa
nature, identité, action, portée, situation spatiale ou temporelle, etc. Nous avons
là le rapport le plus général et abstrait qui soit : à peine plus qu’une simple
mise-en-présence concomitante (ce serait la parataxe) ; mais c’est finalement
par le seul jeu des contenus respectifs des deux termes nominaux et par la
combinatoire qui en résulte et qu’une stratégie adéquate, comme le dit
Bartning, doit déterminer, qu’on forge une interprétation […]. (p.12)

Nous traitions aussi, dans l’article, d’une autre sorte de complément de nom
en espagnol, introduit par de également (el hombre de ojos azules) qu’on peut
appeler « de caractérisation », correspondant à un complément introduit en
français par à (l’homme aux yeux bleus) et qui est plus ou moins en
concurrence avec le complément prépositionnel introduit par con (El hombre
con abrigo negro =l’homme avec un manteau noir). Egalement, on peut
trouver un complément nettement « circonstanciel », comme après un verbe
(tela para camisas = de la toile pour des chemises). Au total, on a une échelle
du degré d’intégration à l’entité concernée de la qualification qu’apporte le
complément de nom. Soit, en figure, sur un axe d’intégration allant du plus
au moins :

de con para
(= caractéristique (= élément descriptif (= destination,
intégrée) conjoint) usage)

2.2.4. Compléments circonstanciels


58 Notre troisième et dernier article des C.G. (1991) concerne « Les prépositions
dans les compléments circonstanciels ou adverbiaux du domaine notionnel en
espagnol et en catalan ». Revenant sur la distinction à faire entre
compléments de type « objet indirect » et de type « circonstanciel », nous
précisions d’emblée :

En première approche, ces derniers apparaissent comme moins nécessaires […]


par rapport à la relation ou noyau prédicatifs, comme « non argumentaux ».
C’est ainsi que ces compléments appelés de « manière », « moyen », « cause »,
« but »… peuvent pratiquement apparaître avec n’importe quel verbe pour peu
qu’on veuille, précisément, indiquer ce genre de circonstance relativement au
procès, donnant lieu à des inventaires très ouverts, pour ces verbes,
contrairement au cas des compléments non circonstanciels (argumentaux) pour
lesquels les verbes qui les admettent peuvent se recenser systématiquement et
donner des listes bien définies. (p. 3)

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Les prépositions dans un cadre contrastif interlinguistique

Nous avons nous-même entrepris plus récemment la confection de telles


listes systématiques de verbes et adjectifs appelant des constructions
prépositionnelles bien définies, dans le cadre d’un « lexique-grammaire »
partant des diverses prépositions simples (en espagnol, catalan et français, cf.
Camprubi 2005).
Dans l’article des C.G., et toujours sous l’angle du sémantisme des
prépositions, nous passions en revue les différents compléments
circonstanciels, comme, par exemple, pour l’espagnol :
– de manière (vestirse a la francesa = s’habiller à la française) – explicable
par l’implication du nom manera, à côté de la tournure également possible
avec le substitut nominal générique lo (a lo Georges Brassens) ; l’idée de
« moyen » très proche de celle de manière explique la possibilité d’un emploi
concurrentiel de la préposition con (avec) :

alejar a alguien a/con golpes (= éloigner quelqu’un par des coups)

Avec la préposition de, on a en espagnol : estar de pie (être debout) – hacer


algo de buen grado (faire quelque chose de bon gré).
– de moyen – essentiellement introduit par con : estudiar con libros/discos
(étudier avec des livres/disques).
Nous traitions ensuite du complément de « cause » (préposition espagnole
por) et examinions les divers emplois de cette préposition particulièrement
riche de possibilités et qui traduit souvent la préposition française pour en
plus de par, ce qui est une source de difficultés pour l’apprenant
francophone.
De la conclusion de cet article, on peut retenir que l’étude des prépositions y
suit une conception d’unicité, c’est-à-dire que chacune d’entre elles a une
valeur de base propre ou « invariant » (suivant le terme de Jakobson), 59
conduisant à des « effets de sens » multiples, en discours, parfois proches de
ceux d’autres prépositions mais jamais totalement identiques. Cette valeur de
base ne correspond pas à un « cas grammatical » de façon univoque, une
même préposition pouvant être utilisée pour plusieurs d’entre eux et,
inversement, plusieurs prépositions pouvant l’être pour un même cas. Ceci
serait dû au fait que les cas sont « la conceptualisation […] de situations-type
de la vie courante ou champ d’expérience » alors que « la préposition
possède un sens bien à elle, qu’elle ne tient que de la structure de la langue »
(p. 23). Quant aux effets de sens, ils coïncident aux cas grammaticaux, au
plan du discours, en tant que ces derniers sont « l’étiquetage systématisé ou
réducteur » des premiers. « Mais alors, ce qui ressortit à la langue ne se
trouve que dans le contenu des prépositions, tandis que les effets de sens ne
sont que métalangue ou au-dehors de la langue. Seule est donc pleinement
légitime, quant à l’élucidation de ce qu’est réellement et seulement la langue,

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une analyse partant du contenu des prépositions, dans son univocité


sémantique, et non des cas grammaticaux en tant que tels […]. » (p. 23-24)

3. Autres publications : aperçu sur la référence spatiale


Cette question a été la première que nous avons abordée, pour ce qui est des
prépositions, faisant l’objet d’une de nos « études » de grammaire espagnole
(Camprubi 1972). Il s’agit donc du système de représentation de l’espace en
espagnol, sensiblement différent de celui du français ou du catalan. Pour cette
dernière langue, nous en avons fait également une analyse (Camprubi 1987 et
1992) qui montre une plus grande ressemblance avec le français et nous
avons tiré parti des travaux de Claude Vandeloise (1984 et 1986),
spécialement de la distinction fondamentale entre préposition strictement
« localisatrice » (à) et préposition « configurationnelle » (dans, sur). Pour ce
qui est de l’espagnol, cette distinction n’a pas lieu d’être, la préposition en y
assumant clairement les deux rôles, comme cela apparaît bien par le contraste
avec les deux autres langues où la préposition change :

(esp.) Estar en casa et Vivir en un pueblo


/vs./ (cat.) ésser a casa - (frç.) être à la maison
mais : viure en un poble - habiter dans un village

Un point intéressant à retenir, d’un point de vue contrastif, est la différence


séparant le français des deux autres langues quant à l’usage qu’il fait de la
préposition sur pour la localisation – « configurationnelle », donc, en suivant
Vandeloise – (cf. Camprubi 1999, p. 53) :

(frç.) être/se trouver sur la place + le port + les quais + la plage +...
(esp.) estar en la plaza + el puerto + los muelles + la playa
(cat.) ésser a la plaça + (a)l port + (a)l moll + la platja

60 L’espagnol indifférencie, comme on l’a vu, les deux types de localisation en


utilisant toujours en pour un espace contenant et le catalan recourt à la seule
préposition de la localisation « stricte », a. Notre analyse était que « ce choix
du français concerne les noms désignant une étendue spatiale manifeste, ce
qui accentue l’aspect de contenant et donc de ‘porteur’ potentiel, entraînant
finalement la vision de superposition. »

Conclusion
Comme nous l’avons signalé, une démarche de type lexique-grammaire est
apparue dès nos premières analyses de la référence temporelle, établissant
des classes d’objet. Cette orientation nous a retenu dernièrement de façon
plus précise et systématique (Camprubi 2005), en particulier parce que nous y
voyons un moyen d’affiner l’analyse des constructions prépositionnelles, en

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Les prépositions dans un cadre contrastif interlinguistique

répertoriant les classes et sous-classes de prédicats exigeant telle ou telle


rection et également les classes d’objet sélectionnant la préposition qui
précède. Cela permet de dépasser la traditionnelle classification par « cas
grammaticaux » (ou compléments de la nomenclature traditionnelle), toutes
choses insuffisantes quand on y regarde de près. La comparaison
interlinguistique s’en trouve grandement facilitée et, par là-même,
l’enseignement des langues peut en tirer parti en ce qui concerne l’emploi des
prépositions qui n’est pas la moindre des difficultés que doit surmonter un
apprenant.

Références bibliographiques

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Camprubi, M. (1999), Questions de linguistique romane contrastive, P.U.M.,
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Camprubi, M. (2005), « Prépositions et classes ou sous-classes de prédicats et
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descriptions, Mélanges offerts au Professeur Christian Molinier, Berne,
Peter Lang, pp. 81-98.

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Michel Camprubi

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Cahiers de Grammaire 30 (2006)

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