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ART ET SOCIÉTÉ

Author(s): Antonio Candido


Source: Cahiers Internationaux de Sociologie, NOUVELLE SÉRIE, Vol. 37 (Juillet-Décembre
1964), pp. 131-147
Published by: Presses Universitaires de France
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40689272 .
Accessed: 12/06/2014 23:51

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ART ET SOCIÉTÉ
par AntonioCandido

Nous n'avons pas l'intentiond'apporterune contribution origi-


nale à la sociologiede l'art ; nous ne nous proposonsque d'attirer
l'attentionsur les aspects sociaux les plus apparents de la vie
artistique.Et puisque notreexpérienceest surtoutlittéraire,nous
envisagerons, en parlantde l'art, surtoutl'art littérairequi est,en
quelque manière,le moins« artistique» des arts.
Du siècle dernierà nos jours,ce genred'étudess'est peu déve-
loppé,et toujoursde façontrèsincomplète; ceci est dû à l'absence
d'un systèmecohérentde références, c'est-à-dired'un assemblage
de formulations et de conceptspermettantde limiterobjective-
ment le domaine de l'analyse, pour échapperle plus possible à
l'arbitrairedes points de vue. Il n'est donc pas étonnant que
l'applicationdes considérationssociologiquesà l'étude de l'art ait
eu des conséquencessouventdouteuses,qui ont soulevé des pro-
blèmes méthodologiquessouventdélicats.
En effet,abusés par leurs tendancesimpérialistes,des socio-
logues et même des psychologuesont cru à certainsmoments
pouvoirexpliquerle phénomèneartistiquedans son intégrité.Des
problèmesqui avaient défiédes générationsde philosopheset de
critiquesont tout d'un coup paru faciles à résoudreà certains
espritspossédant une orientationsociologiqueou psychologique,
ce qui bien des fois porta le discréditsur ces disciplinesen tant
qu'instrumentsd'interprétation.Rappelons-nous les fameuses
simplificationsqui aboutirentà des formulestellesque : « Donnez-
moi le milieu et la race, je vous donnerail'œuvre » ; ou bien :
« Puisque talentet géniesontdes formesspécialesde déséquilibre,
l'œuvreconstitueessentiellement un symptôme». Et ainsi de suite.
A ce propos, et pour éviter des malentendus,je citerai un
passage de Sainte-Beuvequi me semble exprimerexactementles
relationsentre l'artiste et le milieu : « Le poète n'est pas une
résultanteni même un simple foyerréflecteur ; il a son miroir
à lui, sa monadeindividuelleet unique. Il a son nœudet son organe
à traverslequel tout ce qui passe se transformeet qui, en ren-
voyant,combineet crée » (1).
De nos jours, le premiersoin sera donc de délimiterles diffé-
rentsdomaineset de montrerque la sociologien'est ici qu'une

(1) Apud René Bad y, Introductionà Vétude de la littératurefrançaise,


Editions de la Librairie de l'Université, Fribourg,1943, p. 31.
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disciplineauxiliaire; elle ne prétendpas expliquerle phénomène


artistique,mais seulementéclairerquelques-unsde ses aspects. A
l'égard d'un grand nombrede faits artistiques,l'analyse socio-
logique est inefficace, et ne pourraitque désorienterleur inter-
prétation; pour d'autres,elle peut êtreutile; pour une troisième
catégorie,enfin,elle est indispensable.Nous ne nous occuperons
que de ce dernieraspect.
Une premièrequestion vient alors à l'esprit : quelle est l'in-
fluenceexercéepar un cadre social sur l'œuvre d'art ? Question
qui doit être immédiatement complétéepar cette autre : quelle
est l'influenceexercéepar l'œuvred'art sur le cadre social où elle
surgit? Ce n'est que de cettefaçonque nous pourronsnous appro-
cherd'une interprétation dialectique,dépassantle caractèreméca-
niste des interprétations souvent mises en avant. Quelques-unes
des tendancesles plus importantesde l'esthétiquemoderneconsis-
tent à rechercher commentl'œuvre d'art modèleson milieu,crée
son public; quelles sont ses voies de pénétration, agissanten sens
inversedes influencesexternes.Cette préoccupationest visible
dans l'œuvre esthétiquede Malraux,ainsi que dans les travaux
récentsd'Etienne Souriau et MikelDufrenne(1). Nous insisterons
pourtantsur le premieraspect - sans toutefoisnégligerentiè-
rementle second; et nous nous demanderonsquelles sont les
influenceseffectives des cadres sociaux sur l'œuvre d'art.
A ce point de vue, il existe deux réponses traditionnelles,
parfoisfécondes,mais qui doiventêtrerejetéesdès le début dans
une étude comme celle-ci. La premièreconsiste à étudierdans
quelle mesurel'art est l'expressionde la société,des classessociales
et des groupes; la deuxième,dans quelle mesurel'art est social,
c'est-à-dire,comprenden lui-mêmeun aspect collectif.Dire que
l'artexprimel'existencedes unitéscollectivesfaitaujourd'huil'effet
d'un truisme; mais cette constatation,qui a représentéune nou-
veauté dans le passé, futune découverteconsidérable,historique-
mentparlant. Pour ce qui est de la littérature,ce point de vue
s'ébaucha pendantle xvine siècle,au momentoù des philosophes
tels que Vico, Voltaire ou Herder pressentirent les corrélations
de l'œuvre littéraire,le premieravec l'ensembledes œuvres de
civilisation,le second avec les institutions,le troisièmeavec les
nations. Ce fut peut-êtreMme de Staël qui, en France, fut la
premièreà formuler et à ébaucherd'une façonsystématiquecette
véritéque la littératureest un produitsocial, lié aux conditions
socio-culturellesoù elle surgitet agit (2). Mais on ne quittaitpas
ces considérationsd'ordregénéral- plus utiles pour établirdes

(1) André Malraux, Les voix du silence,Gallimard, Paris, 1951 ; Etienne


Souriau, L'art et la vie sociale Cahiers Internationauxde Sociologie,V, 1948,
p. 66-96 ; Mikel Dufrenne, Pour une sociologie du public, Ibid., VI, 1949,
p. 101-112; Id., Phénoménologiede Vexpérienceesthétique,2 vol., Presses Uni-
versitairesde France, 1953, surtoutle vol. I, chap. 3, p. 81-110.
vuir un expuse ues rappuns enne îviiiie ue ouaei et sea pieueuesseurs
fC' ' TT - - _ - - -a ** - mmr* a m jt *i am «a .a W-«. *n ~-«l *<■ A Wh X WA TfcÄ* w'a Ä iJ A C? 4 J-k V 1 A. 4> mam «MkX >J JCa.amma«« w»m.

'6)
allemands in Mary M. Golum, From Thèse Roots, The Ideas that have made
Modern Literature,Columbia UniversityPress, N.Y., 1944.

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panoramasque pour l'étude des faits concrets- même lorsque


Taine introduisitla notion plus flexibleet plus richede moment
pour complétercelles de milieu et de race dont parlaient les
écritsantérieurs(1). Dans la pratique, cela menait à l'attitude
peu féconde qui essayait de voir dans quelle mesure certaine
formed'art ou une œuvredéterminéeexprimentla réalitésociale.
Nous sommes donc en présence d'analyses bien superficielles
qui tentaient d'expliquer socialement l'art par la mesure où
celui-cidécritles manièresde vivre ou les intérêtsde telle classe
ou de tel groupe - vérité épidermique,peu satisfaisanteen
tant qu'explication.
La deuxièmetendance consistaità étudierle contenu social
des œuvres, en prenant pour base, généralement,des critères
moraux ou politiques courants,ce qui revient pratiquementà
affirmer ou à sous-entendre que l'art doitavoir un contenude ce
genre,et que ceci mesuresa valeur. C'est, on le voit, plutôt une
affirmation de principesqu'une hypothèsede recherche; on y
retrouve,sous les vêtementsde la sociologieou de la philosophie
du xixe siècle,la vieilletendancedogmatiquequi amenaitBossuet
à proscrirele théâtre; tendancequi aujourd'huirassemblefrater-
nellementles marxistesles plus sectaireset les catholiques les
plus rigides,dans la condamnationd'œuvresqui ne correspondent
pas aux valeurs qu'exaltent leurs idéologiesrespectives.La for-
mulationla plus fameusede cette manièrede voir,et sans doute
la plus cohérentedans son radicalisme,se trouvedans une étude
célèbreoù Tolstoï,condamnesans appel les œuvresd'art qui ne
lui paraissentpas apporterun messagemoral conformeà l'anar-
chismemystiquede sa vieillesse(2).
Pour le sociologue moderne,ces deux tendances ont eu le
méritede montrerque l'art est social dans deux sens : a) II dépend
de l'action des cadres sociaux qui s'exprimentdans l'œuvre d'art
à des degrésdifférents de sublimation; b) Et il produitsur les
sujets individuelsaussi bien que collectifsun effetpratique, en
modifiantleur conduiteet leur conceptiondu monde,ou en ren-
forçantchez eux le sentimentdes valeurssociales.Ces phénomènes
s'observentindépendamment de la consciencequ'en ontles artistes
et les « publics », usagers qualifiésdes œuvres d'art.
Toutefois,aujourd'hui,on s'intéressedavantageà l'analyse des
types de relationset des phénomènesstructurauxliés à la vie
artistiqueen tant que cause ou conséquence.Dans ce sens,même
des phénomènesapparemmentdéliés de toute corrélationsociale,

(1) On peuttrouverdansl'étudede HarryLevin, Literatureas an Insti-


tution(in MortonDauwenZabel, Literary opinioninAmerica, Harper& Bros.,
N.Y., 1951),un pointde vue modernesur le rôle de Taine et de ses idées.
On y trouve,en mêmetemps,un exempledu retardoù se trouvent mêmedes
critiquesde la plushautevaleur,commeLevin,en facede ce problème, retard
dû à leurattachement excessifà uneconception La
tropgénérique. conception
de Taine se trouverésuméedans la fameuseintroduction à VHistoirede la
anglaise,17eédition,Hachette,Paris,vol. I, p. v-xliv.
littérature
[¿) LjGU iulsiuï, vv nui is ¿'i i i uuu jhhjuijö un ¿'ii, i/iau. ¿'. xuauub, uaiuiu,
UniversityPress, 1942.
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comme la littératurehermétique,présententdes aspects (par


exemple, le développementd'un langage peu accessible, avec
pour conséquence la differentiation de groupes d'initiés, ainsi
que des effetspositifset négatifsdans l'opinion publique) qui
les rendentaussi sociaux aux yeux du sociologueque la poésie
politiqueou le roman de mœurs.
Dès lors, la premièretâche est de rechercherles influences
concrètesexercéespar les facteurssocio-culturels.Il est difficile
de les discriminerdans leur quantitéet variété,mais on peut dire
que les plus décisifsdépendentde la structuresociale,des valeurs
et idéologies,des techniquesde communication. La manièredont
s'exercel'influencede ces troisgroupesde facteurset le degréde
cette influencevarientselon l'aspect que l'on considèredans le
processusartistique.Les premiersse manifestent d'une façonplus
visibledans la définitionde la position(ou status)de l'artiste,ou
dans la configuration des groupesrécepteurs; les seconds,dans
la formeet le contenude l'œuvre; les troisièmes,dans sa facture
et sa transmission.Mais ils marquentde toute façon les quatre
momentsde la production,car : a) L'artiste,sousl'impulsiond'une
nécessitéintérieure,l'orienteselon les modèles (patterns)de son
époque ; b) II choisit certains thèmes; c) II utilise certaines
formes; d) La synthèsequi en résulteagit sur son milieu.
Gomme on voit, il n'est pas recommandablede séparerla
répercussiond'une œuvre de sa facture,car sociologiquement au
moins,elle n'est terminéequ'au momentoù elle retentitet agit
sur un public : du pointde vue sociologique,l'art est un système
symboliquede communication inter-humaine, et c'est en tant que
tel qu'il intéressele socioloque. Or, tout procès de communica-
tion présupposecelui qui communique(dans ce cas l'artiste),
ce qui est communiqué(ici l'œuvre)et celui qui reçoitla commu-
nication(c'est-à-direle public à qui l'œuvre s'adresse); à partir
de tout cela se dégage le quatrièmeélémentdu processus,c'est-
à-dire,l'effetproduit(1).
Mais ce caractèrene doit pas nous faireoublierque l'art est
avant tout une communicationexpressive: expressionde réalités
profondément ancréesdans l'artiste- plutôtque transmission de
notionset de concepts. Dans ce sens, il dépend essentiellement
de l'intuition,autant dans sa phase créatriceque dans sa phase
réceptive; ce qui permetà quelques-uns,dont BenedettoCroce,
de penserque l'art n'exprimeuniquementque des traitsirréduc-
tiblesde la personnalité.Bien qu'un sociologuene puisse accepter
les conséquencesthéoriquesde l'esthétiqueidéalistede cet auteur,
celle-cia eu du moinsle mérited'attirerl'attentionsur cet aspect
intuitifet expressifde l'art : la poésie,par exemple,étant consi-
dérée comme un type de langage, qui manifesteson contenu
dans la mesureoù elle est forme,c'est-à-dire,au momentoù se
définitl'expression.La parole seraitdonc,en mêmetemps,forme

(1) Voirà proposde ces éléments,Hartleyand Hartley,Fundamentals


ofSocialPsychology,
Knopff, N.Y., 1952,chap.II-VII,surtout
p. 27.
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et contenu,et à ce point de vue, l'esthétiquene se sépare pas de


la linguistique(1).
Toutefois, justement parce qu'il est une communication
expressive,l'art présuppose quelque chose de différentet de
plus large que les expériencesdu seul artiste.Celles-cien forme-
raienttout le contenusi le solipsismeétait possible; mais dans
la mesure où l'artiste cherche ses thèmes et ses formesdans
l'arsenal commundonné par la civilisation,et dans la mesure
où ceux-ci s'ajustent à un public donné,actuel ou préfiguré(on
n'exprimequelque chose que pour quelqu'un), il est impossible
de laisser de côté, dans l'explication de cette œuvre, tous les
élémentsdu processusde communication, processusintégratifet
bi-transitifpar excellence.
Ce pointde vue nousamèneà chercherla manièreselonlaquelle
les élémentsen cause sontsocialementconditionnés; ces éléments
coïncidentavec les troismomentsindissolublement liés de la pro-
duction et qui, lorsqu'il s'agit de communicationartistique,se
nommentauteur,œuvre,public. L'influencedes facteurssociaux
varie selon la formed'art mise en questionet l'orientationgéné-
rale que suiventles œuvres. Pour nous en tenirà la littérature,
celles-ci- d'un point de vue sociologique- pourraientêtre
divisées en deux groupes,suscitantdeux types d'art : l'un que
l'autre art de ségrégation.
j'appellerai art d'agrégation, Je ne vise
pas, avec cette distinction,à établirune discriminationcatégo-
rique, mais simplementun moyen de fixerun peu les idées.
Le premiertype,l'art d'agrégation,s'inspiresurtoutde l'expé-
rience collective et a pour but des moyens de communication
accessibles. Dans ce sens, il chercheà s'agrégerà un système
symboliquedéjà existant; il utilisece qui est déjà accepté comme
formed'expressiond'une société déterminée.Le deuxième type
se préoccupe surtout de renouvelerle systèmesymbolique,en
créantde nouvellesressourcesexpressives; de ce fait,il ne s'adresse
- au débuttout au moins- qu'à un nombreréduitde récepteurs
qui, en tant que tels, se détachentdu bloc de la société.
L'objection qu'immédiatementl'on peut faire,c'est qu'il ne
s'agit pas de deux types, mais de deux aspects qu'on retrouve
constammentdans'toutesles œuvresd'art, et qui se manifestent
en proportions variablesselonla dialectiquede l'expressioncollec-
tive et des caractéristiquesindividuellesde l'artiste.Mais si nous
considéronsseulementla prédominancede l'un ou de l'autre type,
la distinctionpeut se maintenir; et c'est ce qui nous intéresse,
car elle a eu pour base l'existencede deux phénomènessociaux
très généraux et importants,l'intégrationet la différenciation
- c'est-à-dire,les procèsqui tendentà accentuerdans l'individu
ou dans le groupela participationaux valeurs communesde la
société,ou ceux qui tendentà accentuerl'individualité,les carac-
tères différents des individus.Ce sont des processuscomplemen-

ti) Benedetto Croce, Estetica come scienza dell'espressionee linguistica


generale,8e éd., Laterza, Bari. 1946, passim.
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taires,desquels dépend la socialisationde l'homme; et de même,


l'art ne peut survivrequ'en équilibrant,à sa manière,les deux
tendancesen question.
II
Si nous envisageonsles facteursde nature sociale que l'on
retrouvedans la structure sociale, dans les valeurset dans les
techniques de communication, nous verronstoutde suitela nécessité
où nous sommesde définirleur champ d'action. Prenonsles trois
élémentsfondamentaux de la communication artistique- auteur,
œuvre,public - et voyons tourà tour comment la sociétédéfinit
la positionet le rôle de l'artiste; commentl'œuvre dépend des
ressourcestechniquespour incorporer les valeursqu'elle propose;
commentse formeun public. Tout ceci interessele sociologue
dans la mesureoù cela éclaire la productionartistique,et bien
que nous nous occupionssurtoutdu sens société-> art, nous ne
négligerons pas pour autant de soulignerl'importancedu rapport
art-> société.En effet,
l'activitéde l'artistestimulela différenciation
des groupes; la création des œuvres modifieles ressourcesde
la communication expressive; les œuvresorganisentet délimitent
le public. En voyantles problèmessous cette double perspective,
on aperçoitle mouvementdialectiqueréunissantl'art et la société
dans un vaste systèmesolidaired'influencesréciproques.
1. La position de Vartiste
La positionsociale est un aspect de la structuresociale. Dans
le cas qui nous intéresse,il est importantde vérifiercomment
la société attribue un rôle spécifiqueau créateur de l'art, et
commentelle définitsa positiondans l'échelle sociale ; cela ne
concernepas seulementl'artisteen tant qu'individu,mais encore
la formationdes groupesd'artistes.Nous indiqueronsdonc suc-
cessivementcommentsurgissentdans une société la positionet le
rôle de l'artiste; ensuiteles conditionsqui amènentla différen-
ciation des groupesd'artistesau sein d'une société; finalement,
la différenciation de ces groupesdans les sociétésstratifiées.
Rappelons-nousd'abord qu'à une certaineépoque on a beau-
coup exagéré l'aspect collectifde la création,en concevant le
peuple, dans son ensemble,commecréateurd'art. Cette idée de
l'apparitiond'œuvres pratiquementanonymes,nées de la collec-
tivité,est venue surtoutd'Allemagne,où, au xvme siècle,Wolff
affirmaque les poèmesattribuésà Homèreétaient,en vérité,des
créationsdu génie collectifgrec; les aèdes auraient recueilliles
multipleschantstraditionnels et leur réunionpostérieurea formé
une unité précaire.Plus tard, la collectiondes contes populaires
des frèresGrimmparut apporterune preuve à ce type d'hypo-
thèse - sans que l'on ait fait attentionà l'abîme qui sépare les
contes folkloriquesnaïfsdu raffinement, de la conceptionélevée
de VIliade et de VOdyssée.A cette mêmeépoque, féruede Volks-
geist,s'ébauchèrentdes théoriessur la formationpopulaire des
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épopées et des romansmédiévaux,ce qui était facilitépar le peu


d'information que l'on pouvait avoir sur leursauteurs.Cetteidée,
nettementromantique,est dépassée. Nous savons maintenantque
l'œuvre exige nécessairementla présence de l'artiste créateur.
Ce que nous appelons Vartcollectif est une créationd'un individu
tellementidentifiéaux idées et aux valeurs de son temps,qu'il
paraît se dissoudredans son époque - à moins qu'il ne s'agisse
d'œuvres créées par quelqu'un dont le nom s'est perdu.
En vertu de ces circonstances,à mesureque nous remontons
dans l'histoire,nous avons de plus en plus l'impressiond'une
présencechaque foisplus fortedu collectifdans les œuvresd'art.
Il est certainaussi que des forcessociales conditionnent et orien-
tent l'artiste à un degré plus ou moins élevé. En premierlieu,
ces forces déterminentl'occasion où se produira l'œuvre; en
second lieu, elles jugeront de la nécessité de la productionde
cette œuvre; en troisièmelieu, elles détermineront si l'œuvre
deviendraou non un bien collectif.
Les élémentsindividuelsn'acquièrent de sens que dans la
mesureoù ils répondentà des nécessitéscollectives; et ces néces-
sités, par leur action, permettentà leur tour aux individusde
s'exprimer,éveillantun écho dans le groupe.Les relationsentre
l'artiste et le groupe sont modelées par cette circonstanceet
peuventêtre schématiséesde la façonsuivante: en premierlieu,
il faut qu'un agent individuelprennesur soi la tâche de créer
ou de présenterl'œuvre; en deuxièmelieu, il est ou il n'est pas
reconnuen tant que créateurou interprètepar la société,et le
destin de l'œuvre est lié à cette circonstance; en troisièmelieu,
il utilise l'œuvre, ainsi déjà marquée par la société,comme un
véhicule de ses aspirationsindividuellesles plus profondes.
Des considérations de ce genrenousrévèlentce qu'il y a de peu
satisfaisantet de peu exact dans les discussionsqui cherchentà
savoirsi l'œuvreestle fruitde l'initiativeindividuelleou des condi-
tionssociales,commes'il s'agissaitd'alternativess'excluantmutuel-
lement.En vérité,l'œuvresurgitde la confluence des deux aspects,
qui sontindissolublement liés. Ce qui nous mèneà reprendre le pro-
blème,et à nous demanderquelleest la fonctionde l'artiste,quelle
est sa positionsociale et quelles sontles limitesde son autonomie
créatrice.Le dernierpointsera éclaircipar la discussiondes deux
premierset par la présentationultérieuredu problèmedu public.
Les « caractéristiquesde l'art paléolithiquetendentà prouver
que l'art primitifdépendait de l'exercice du talent individuel,
quelles que fussentles utilisationscommunautairesou pratiques
de cet art (...). Nous devonslaisserde côté l'idée que les peintures
auraientétéle résultatcasueldu loisirforcéd'une tribude chasseurs,
ou mêmedes sous-produits des cultesmagiques.Elles étaientsans
doute associées à de telles activités,mais pour qu'il y eût pro-
duction, il fallait l'existence d'individus possédant une sensi-
bilitéet une habilitéexpressivesexceptionnelles(1). L'art présup-

(1) HerbertRead, Artand Society,PantheonBooks,N.Y., p. 14-15.


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pose donc un individu qui prend l'initiativede l'œuvre. Mais


est-ce qu'il est forcémentun artiste,définiet reconnu par la
société comme tel ? C'est-à-dire,pour utiliserle jargon sociolo-
gique, la productionde Part dépend-elledes statutset des rôles
définisen fonctionde l'art ? Il fautrépondreque l'on trouvedes
variationsselonla société,selonle type d'art envisagé,et surtout
selonla perspectiveconsidérée.Alorsque pourl'attituderomantique
la collectivitéest créatrice,nous trouvonsà l'autre pôle, l'opinion
d'un savant contemporain, Hauser, selonlequel les peinturespré-
historiquesdémontrentdéjà l'existence d'un artiste spécialisé,
d'une sorte de sorcier-artiste, qui serait dispensé des tâches de
productionéconomique pour pouvoir d'une certaine façon se
spécialiserdans l'art (1).
Gela signifie(quoique dans le terrainde la pure conjecture)
que pour lui les sociétés préhistoriquesreconnaissentdéjà une
fonctionsociale de l'art. Cependant,il suggèreainsi le rapport
étroitentre l'art et la société, que l'on peut vérifierau moyen
de la différenciation précoce de la fonction de l'artiste. On
pourrait dire que dans les sociétés primitives,cette fonction
de l'artisteest reconnuetoutes les fois qu'elle correspondà des
nécessités collectives. Et quelle serait la nécessité sociale de
reconnaître,c'est-à-direde nous donner déjà l'existence d'un
artistedéfinien tant que tel ? Nous répondronsen présentant
deux exemples.
Les Tonga, groupeBantou du Mozambique,pratiquentl'usage
de l'éloge public des chefs.D'où, en conséquence,l'existencedu
faiseurd'élogesprofessionnel, pour ainsi dire,genrede poète de
palais. Ce sont les Mbongi ou hérauts (selon la traductionde
Junod), qui précédentles notables en chantant leurs louanges
(essentiellement, leur généalogie).Il s'agit sans doute d'une fonc-
tion sociale qui renforcecertainsaspects de la structuresociale
et du systèmede domination,et qui se traduitpar les rôlesattri-
bués à ces hérauts,élémentsessentielsde l'étiquettedes Tonga
et qui se différencient au sein de la société comme un groupe
d'artistesparasitaires(2).
Mais il existeaussi, parmiles primitifs, de véritablesembryons
d'artistes professionnels, comme on peut le voir par un autre
exempleprisà Rivers.Dans les îles Banks,chaque individupossède
un chant particulierqui le distinguedes autrescommeune sorte
de blason oral (si l'on me permetcette expressioncontradictoire),
et qui lui est indispensablepour être bien reçu dans l'au-delà
par les espritsdes morts.Toutefois,commetoutle monden'est pas
capable de composerson proprechant,des individusbien doués
tendentà se spécialiseren tant que compositeurs.Les chants
sont exécutéssur commandeet payés, une partieà la commande

(1) Arnold Hauser, The Social Historyof Arl^ 2 vol., Routledge & Kegan
Paul, Londres, 1951, vol. I, p. 39-45.
'A/J AACUII XV. ÜU1HU1J, ÍMU7U/O t/l VVUIU.I I IOO UOO UUIUUUO, J-JO.VIO U. U11O U1UU
sud-africaine,2 vol., Payot, Paris, 1936, vol. I, p. 395-399.
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et le reste à la livraison (1). Voici donc un deuxième type de


nécessité sociale, qui déterminel'apparition d'une fonction;
l'artiste remplitcette fonction,il joue dans le groupe un rôle
reconnuet rémunéré.
Quoi qu'il en soit, l'existenced'un artisteréellementprofes-
sionel, qui vit de son art et s'y consacre entièrementn'est pas
fréquentechez les primitifs ; elle correspondà un développement
social plus récent.Dans les sociétésarchaïques,le rôle de l'artiste
n'est pas nettementdifférencié d'autres rôles, qui correspondent
à d'autres fonctions; et cela parce que l'art, la poésie surtout,
ne se distinguentpas eux-mêmesdes autresmanifestations cultu-
relles. Dans les sociétés modernes,l'autonomie de l'art permet
d'attribuerla qualité d'artisteà ceux qui le pratiquenten même
temps que d'autres activités; et c'est pour cela que si un poète
est en mêmetempsinspecteurde l'enseignement, ou médecin,les
deux activitésne sont pas pour autant confondueset l'individu
est identifiésocialementpar son rôle le plus prestigieuxselon la
situationconsidérée.Il n'est pas rareque ce soit le rôle de l'artiste
qui l'emporte.Ce rôle fonctionnealors en tant que point d'appui
pour les autres rôles,et constituel'axe autour duquel se définit
socialementla personnalité.Toutefois,lorsquel'art ne se dissocie
pas nettementdes autresactivitéssociales,l'artisteresteprisdans
le syncrétismedes diversesfonctionssociales.
Nous trouveronsun bon exempleà proposde la construction de
piroguespar les Trobriandaisde la Mélanésie,que Malinowskia
immortalisés dans des livresqui sontpeut-êtreles plus attachants
de l'ethnologiemoderne.La fabricationest confiéeà un spécialiste,
qui travailleaidé soitpar ses parents(qui alorss'initientau métier),
soit par le propriétaireet par la communauté.De la coupe de
l'arbre au lancementde la pirogue,toutes les phases s'accompa-
gnent d'exorcismeset d'invocations,la plupart d'une tonalité
poétique accentuée, proférées,selon le moment, soit par le
constructeur, soit par le propriétaire,soit par le sorcier(2). Nous
nous trouvonsici devant une activité où s'allient d'une manière
inséparablela technique matérielle,la magie, la poésie; et les
responsabilitéssont égalementdivisées entre trois rôles sociaux
différents. Nous ne pouvons pas parler d'un artiste,quoique sa
fonctionexistede façonlatentedans la construction de la pirogue.
Le même phénomènepeut être vérifiéen ce qui concerneles
activitésagricoles,si l'on examinel'abondantmatérieloffert dans
un autre de ses livres par Malinowski(3).
Une fois reconnuscomme tels, les artistespeuvent demeurer
isolés les uns des autres, ou bien se lier entreeux. Ce lien naît
soit d'une consciencecommune,soit de la formationde groupes,

(1) W. H. R. Rivers, The Historyof Melanesian Society,2 vol., Cambridge


Univ.Press,1914,vol. I, p. 78-79.
r¿) üronisiawmalinowski,Argonautsoftnewestern
racijic, Jrioutieage,
Londres,1932,cap. V, VI, XVII et XVIII.
{ô) tsronisiawmalinowski, dorai (Jaraensana theirMagic, %¿vol., Amen-
can Book Co., N.Y., 1935,passim.
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généralementdéterminéspar la technique.Tout art présuppose


une technique,à un degré plus ou moins élevé, c'est-à-dire,des
formuleset des manièresde fairequi, une fois établies,doivent
être conservéeset retransmises.Dans les civilisationsprimitives,
aussi bien que dans les historiques,on trouvefréquemment cer-
tainesconfréries qui détiennentces techniqueset y initientd'autres
individus.Dans ces groupesdifférenciés et d'une cohésioninterne
très forte,dont la sociabiliténaît de l'activité technique,nous
pouvons déceler un type de conséquence structurellede l'art.
Ces groupessont très importantsdans les civilisationssans écri-
ture, car les techniquespeuvent se perdreet leur conservation
pose des problèmesdélicats de préservation,d'initiationet de
transmission, qui ne serontrésolusque s'il y a autour d'eux une
forteconcentrationde sociabilité.Nous voyons donc l'art s'asso-
cier au secretet au rite,et donnerlieu à la formationde groupes
ésotériques,qui subordonnent l'apprentissageà une initiation(1).
Toutefois,ce n'est pas seulementparmiles primitifs que l'art
prenddes aspects décidémentcollectifs.Les civilisationsles plus
élevées connaissentdes phénomènesanalogues; souvenons-nous
des confréries d'aèdes en Grèce,ou de constructeurs de cathédrales
au MoyenAge. Tout se passe comme si la société détachait de
son sein un groupedétenantles secretstechniques,chargéd'exé-
cuterl'ouvrageexigé par l'intérêtde tous dans un secteurdonné.
Dans les sociétés stratifiéeset de structureplus diversifiée,
nous pouvons remarquerl'influencedes couches sociales sur la
distribution et le caractèredes groupesd'artisteset d'intellectuels,
qui tendent à se différencier d'après les fonctions,suivant le
systèmede stratification. Dans un ouvragebienconnu,Max Weber
décritla formationde l'élite intellectuellede la Chine,qui, sous
la pressiondes demandesadministratives, formele mandarinat;
le savoir était le critèredu recrutement, qui se faisaitau moyen
d'un systèmecompliquéd'épreuvesdifficiles. Les mandarins,qui
étaientdes expertsen calligraphie- en Chineun artvéritable-
s'exprimaientaussi dans un style de caste. Ce style constituait
un des facteursde différenciation collective,commeun instrument
raffinéaccessible uniquementà un petit nombred'élus ; maîtri-
sant un styleprécieux,recherché,subtil,sachant manierl'ironie,
les fonctionnaires lettrésenvoyaientbien des fois des rapports
sous la formede poèmesdidactiques(2).
Dans l'Occident médiéval,les intellectuelset les artistes se
réunissaienten groupesparfoispuissants.La stratification sociale
les distribuaà son image, et leur productions'orientaen consé-
quence. Nous avons donc le clerc - philosophe,théologien,
savant - assimiléà la stratereligieuse;le troubadour(ou trou-

(1) Sur la force associative des métiers,ceux de caractère préscientifique


et artistique inclus, voir les données réunies par Richard Thurnwald, V éco-
nomie primitive,trad. Mourey, Payot, 1937, Paris, p. 157-185.
'&) ma*, vv Buen, jL/te vviriouiicu.toeun.Jtv ucr vveiueugiuneu, i*w .tciilic,
p. 395-430, in GesammelteAufsaetze zur Religionssoziologie,4e éd., Mohr,
Tuebingen, 1947.
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vére) à la stratechevaleresque, ou dominépar les valeursde


cettestrate; les architectes identifiés
et les peintres aux métiers
bourgeois; pourne pas parlerdes jongleursde toutesorte,qui
créaientet diffusaient Inu-
la poésieparmiles couchespopulaires.
tilede direcombiences corrélations directement
influençaient les
thèmeset la formedes œuvresd'art.
de Vœuvred'art
2. La configuration
L'œuvre dépendstrictement de l'artisteet des conditions
socialesqui déterminent la positionde celui-ci.Pour une plus
grandeclarté,j'ai cependant préféréinsistersurlesrapports del'ar-
tisteavecles aspectsproprement structurelsde la société.Pource
qui est de l'œuvre,nous appellerons l'attentionsur l'influence
exercéepar les valeurssociales,les idéologieset les systèmes de
communication ; toutcecise transforme dansl'œuvreen contenu
et en forme.On ne sauraittoutefois distinguer formeet contenu
que d'un pointde vue virtuel,puisqu'enfaitils naissentde l'im-
pulsioncréatriceconsidéréecommeunitéindivisible.Une fois
acceptéecetteséparation, il s'ensuitque les valeurset idéologies
contribuent surtoutà la formation du contenu,tandisque les
modalités de communication exercent leurinfluence surla forme.
La poésiedes sociétésprimitives nousmontre l'importancede
l'expérience quotidienne en tantque sourced'inspiration, surtout
s'il s'agit d'activitéset d'objetsfortement imprégnés de valeur
socialepourle groupe.Dès qu'il se réfèreà eux,le poèteassure
sa positiond'interprète du groupe,en un sensqui pourraitfré-
quemmentnous paraîtremêmeanesthétique. Citonsle poème
esquimaudontparleBoas, dans lequel les femmescélèbrent le
retourde leursmaris,aprèsune chassetrèsheureuse, avec des
verstels que :
, je vais manger!
Nos maris arrivent
L'auteurcommente : « Gelapeutparaîtretoutà faitprosaïque
à qui ne connaîtpas les privations de la vie esquimau; maisces
versinsignifiants donnentpeut-être librecoursà la joie de voir
les hommes revenir sainset saufsdes dangersde la chasse,retour
qui prometde plusla perspective d'uneveilléejoyeuse,où tous
se réunirontpourmangeret causer» (1). Dans ce cas précis,une
activitédéterminée se transformeenoccasionet matériel de poésie,
parcequ'elle est positivement évaluéeet apte à créerun choc
émotionnel. Pour prendreun exempleplus prochede notretra-
ditionlittéraire et artistique,rappelonsla voguedesgenrespas-
torauxqui, à l'origine, correspondaient à un genrede vie fonda-
mentaldes Grecset qui à la longuese sontassociésaux symboles
de la nostalgiede l'âge d'or.
Ces valeurspeuventprendreun caractèrenettement idéo-
logique; ainsi l'influence du christianismequi, pourles arts,a

(1) Boas, Literature, Music and Dance, in Franz Boas, edit., General
Anthropology,Heath and Co., N.Y., 1938, p. 594-595.
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été décisive et immense,développant des constantes qui ont


subsistéjusqu'à nos jours dans les thèmesde la peinture,de la
sculpture,de la musique,de la littérature.Les rosaces,les statues
et les vitraux des églises influencèrent toute une imageriede
saints et de démons,de symbolesde la Vierge,d'allégoriesbibli-
ques ; et La divine comédieest construiteautour des dogmes
théologiques,diviséeen un nombrerituelde vers et de cantiques,
construisanttout un systèmed'allusions à des valeurs intellec-
tuelleset affectivesde la religion.Dans le Sigio de Oro espagnol,
les problèmesdu perfectionnement spirituelinspirèrent une poésie
très riche, qui créa des tropes hermétiqueset des allégories
correspondant aux mouvements intérieurs,tels la « nuit obscure»,
le « cerfblessé » et 1' « aimée » de saint Jean de la Croix.De nos
jours, le bolchevisme,dans sa phase ascensionnelle,a engendré
un type de roman collectiviste,où les personnagesdisparaissent
devantl'effort anonymedes masses,tel Le ciment,de Fedor Glad-
kov ; et à une poésie synthétique,agressive et très marquée,
qui tend parfois,selon le poète, vers l'affichepoétique, élaborée
pour que la masse puisse l'appréhenderd'une façon immédiate,
tels les vers de Maiakovski.
Ainsi que les valeurs,les techniquesde communicationdont
dispose la société exercentleur influencesur l'œuvre d'art, sur-
tout sur sa formeet, à traverscelle-ci,sur ses possibilitésd'agir
sur son milieu.Ces techniquespeuvent être immatérielles - tel
le refraindes chansons,destinéà appeler l'attentionet à rester
gravé dans la mémoire- ou elles peuvents'associerà des objets
matériels,tels qu'un livre,un instrumentmusical,une toile.
La formemodernedu quatuor musical,par exemple,a trouvé
sa définitionau xvnie siècle,en grandepartieparceque les joueurs
de sérénadesviennoisne pouvaient pas transporteravec eux le
clavecinindispensableà la basse ; ils eurentdonc besoinde déve-
lopper un nouveau systèmede coordinationdes instrumentsà
cordes(1). La poésie,née à une époque où il n'y avait pas d'écri-
ture,développa des formestelles que le refrain,la récapitulation,
la mesure des vers elle-même.Ces formesrésultentdu besoin
d'énonciationverbale,de la nécessitéd'apprendrepar cœur, des
exigencesde l'oreille,etc. On remarque,dans les poèmes homé-
riques,le retourdes formules, la constancedes attributs,la répé-
titiondes invocations,des épisodes,des réflexionset, aussi - ce
qui nous paraît étrange,à nous autres,modernes- la présence
des morceauxoptatifs,les fameuxdoubletsqui appelèrentl'atten-
tion des érudits. Un rationalistetel que Victor Bérard serait
amené à voir en eux des interpolationsdues aux avatars que
subirentles manuscritsanciens.Des éruditsplus prudentsse sou-
viennentque « ces répétitionsont quelque chose du refrain,et
peuventêtre employéespour créerune atmosphère » : que « les
poèmes sont essentiellement des œuvres chantées,chantées par
épisodes et non dans leur intégrité» ; que les doublets« peuvent

(1) Cf. Rosemary Hughes, Haydn, Dent., Londres, 1950, p. 152-153.


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êtrevoulus » pour que l'aède « puisse choisirentredeux versions,


selon ce qu'il voulait déclamer, ou selon le public auquel il
s'adressait» (1).
Mais lorsquel'écrituretriompheen tant que moyende commu-
nication,le 'panorama se transforme.La poésie ne dépend plus
exclusivementde l'audition,elle se concentreautour des valeurs
intellectuelles,pouvant même s'adresserde préférenceà la vue,
tels les poèmes en formed'objets ou de figuresdes maniéristes
et, de nos jours, les « calligrammes» d'Apollinaire.A l'époque
actuelle,la poésie pure a oublié l'auditeuret s'adresse surtoutà
un lecteurattentif,capable de s'adonnerà la réflexionet de vivre
dans le silenceet la méditationce que lui apportece chant muet.
Rappelons encorel'exemplede l'influencedécisivedu journal
sur la littérature,avec la création de genres nouveaux tel le
feuilleton,ou les modificationsde genres existants,comme le
roman. L'invention du roman-feuilleton en France, dans les
années 1820,amena une altérationnon seulementdes personnages,
mais aussi du style et de la techniquede la narration: roman-
feuilletonclassique,au langageaccessible,avec desthèmesvibrants,
des « suspenses» qui nourrissent l'expectative,un dialogue abon-
dant aux répliquesbrèves. Ce genre,à son tour,influençad'une
façonpuissantele nouvel art du cinéma,qui, surtoutpendantla
phase du muet,se répanditen grandepartieau moyendes films
en série; et ceux-ciobéissaientplus ou moinsaux mêmesprincipes
du roman par livraison,ajustés à l'écran.
Rappelons-nous, finalement,que Beethoven n'aurait pu
composerses grandessonatestant que l'on n'avait que le clavecin
ou l'épinette; ce fut l'introductiondu pianofortequi, avec son
immenserichessesonore,permità ces chefs-d'œuvre, de voir le
jour.
3. Le public
Le récepteurd'art constitué par le public dans ses diffé-
rents aspects est (notammenten littérature)le dernierpoint
que nous avons à considérer.Ici, commedans les cas précédents,
les influencessociales sont très marquées; et tout d'abord les
influencesstructurelles.
Pour ce qui est des sociétésprimitives,ou des groupesrustiques
qui ne possèdent ni l'écriture,ni les techniques modernesde
communication,la séparationest moins nette entre l'artiste et
les récepteurs.Il arrive même qu'on ne puisse pas y discerner
un public à proprementparler,dans le sens courantde l'expres-
sion. Le petit nombre des membresdu groupe, l'articulation
intimedes manifestations artistiquesavec les autres aspects de
la vie sociale, donnentlieu soit à une participationde tous dans
l'exécutiond'un chant ou d'une danse, soit à l'intervention d'une
grandequantité d'artistes,soit à une telle conformité de l'artiste

(1) Robert Aubreton, Introdução a Homero, Universidad de São Paulo,


Faculdad de Filosofìa, Ciências e Letras, Boletín n. 214, 1956, p. 55-56.
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aux patterns et expectatives de son groupequ'il n'arrivepas à


s'en distinguer. La vie paysannede l'État de São Paulo, au
Brésil,comportedes manifestations telles que la cana-verde,
oùtouslesparticipants deviennent despoètes,échangeant desvers
railleurset plaisants.De même,dans le cururûtraditionnel, le
nombredes chanteurspeut augmenter à mesureque l'inspira-
tion s'emparedes assistants,multipliant ainsi le nombredes
concurrents de cettejoute chantée.
Maislorsquelessociétésdeviennent plusdifférenciées etqu'elles
augmentent en volumedémographique, l'artisteet le publicse
distinguent nettement l'un de l'autre.Ce n'estqu'alorsque nous
pouvonsparlerd'un « public» au sensmoderne du mot.Cepen-
dant,dansn'importe quellesociété,existetoujoursce phénomène
fondamental d'unepartiedugroupequiparticipe à la vieartistique
entantqu'élément récepteur ; c'està euxquel'artiste pensequand
il crée,ce sonteux qui décident du destinde l'œuvred'art,s'inté-
ressantà ellesi elleréussità fixerleurattention. Maistandisque
dansunesociétépeu différenciée, les récepteurs se trouvent habi-
tuellement en contactdirectavec le créateur, ce n'estgénérale-
mentplusle cas de nosjours.Le publicne forme plusun groupe,
maisun rassemblement informe, c'est-à-dire, nonstructuré, et de
ce rassemblement peuventse dégager- ou ne pas se dégager-
des groupements délimités.Les auditeursd'un programme de
radio,les lecteurs d'unauteurcontemporain peuventdoncformer
un « clubdes amisdu chanteur X », ou « des lecteursde Y ». Ils
peuventaussi,à l'occasionde congrèsou d'autresinitiatives, se
réuniréventuellement en groupeslimités.Mais,à l'étatnormal,
le publicest une « masseabstraite» ou « virtuelle», commel'a
caractérisé vonWiese.
La sociétécontemporaine présente uiie grandevariétéde ces
rassemblements informes d'individus disséminés un peu partout,
qui forment les différents publicsdes arts,et qui augmentent et
se divisent à mesure quecroîtla complexité de la structure sociale;
ils ne peuventêtrecaractérisés que parle dénominateur commun
de l'intérêtesthétique.Leur action sur l'artisteest énorme.
ThomasHardy,blessépar le peu de succèsde ses romans,les
abandonneet se dévoueexclusivement à la poésie.Forcépar les
exigences de seslecteurs, GonanDoyleressuscite Sherlock Holmes
- qui ne l'intéressait que d'une façontoutesecondaire- et
prolonge encorependant20 ans la sériede ses aventures.Pour
conquérir fortune et renommée, plusieurs romanciers modernes se
plientaux demandesdu romancommercial.
Voyonsmaintenant l'influence d'un facteursocio-culturel, la
technique, surla formation et la caractérisation des publics.Dans
le cas de la littérature ou de la musique,les manifestations pri-
mitivesse liaientforcément à la transmission immédiate, par
contactdirect,et ceci se conjugueavec les motifsd'ordrestruc-
turel,déjàprésentés, pourlimiter le publicetintensifier sonrapport
avec l'artiste,qu'il soit créateurou exécutant.L'inventionde
l'écriture a changécet état de choses(pourla littérature, bien
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entendu).Alors s'ouvritl'ère du développementdes publics indi-


rects,des contactssecondairesqui eurentde plus en plus tendance
à prédominer.Le mouvementdevait s'accélérerde manièreverti-
gineuseavec l'inventionde la typographieet la findu mécénat
de la classe noble. De nos jours, des inventionstellesque la radio,
dans le cas de la musique,la reproduction généraliséedes tableaux
d'une fidélitéadmirable,dans celui de la peinture,ont donné lieu
à un type entièrementnouveau de public, modifiantl'attitude
générale face à l'art, comme on le perçoit nettementdans les
études de Malraux.
Si nous nous tournonsmaintenantversle comportement artis-
tique des publics, une troisièmeinfluencesociale attire notre
attention,celle des valeurs; elles se manifestentsous des noms
différents - goût, mode, vogue - et exprimenttoujours des
« expectativessociales » qui tendentà se cristalliseren routine.
En effet,la société trace des règles parfois tyranniquespour
l'amateur de l'art, et une grande partie de ce que nous croyons
être une réaction spontanée de notre sensibilitén'est en fait
qu'une conformité automatiqueavec les normesétablies(patterns).
Bien que cette constatationblesse notrevanité,il est certainque
bien peu d'entre nous seraientcapables de manifesterun juge-
mententièrement libéré des pressionsles plus directesdu milieu
dans lequel nous vivons.
En 1837, dans un concertdonné par Liszt à Paris, figurait
dans le programme,à côté d'une pièce de Beethoven,une autre
de Pixis, compositeurdéjà peu estiméà l'époque. Le programme
intervertitles noms par mégarde,et attribua à l'un l'œuvre de
l'autre,de tellesorteque le public,composéde personnescultivées
et raffinées,applaudit longuementl'œuvre de Pixis, que l'on
croyaitde Beethoven,alors qu'il manifestaun ennuivisiblepour
l'autre, au point que beaucoup de spectateursquittèrentla salle.
Ce fait véridique illustre avec beaucoup plus d'éloquence que
n'importequelle argumentation ce que je viens d'affirmer: même
lorsquenous pensonsn'êtreque nous-mêmes, nous sommesencore
un public - nous faisonspartie d'une masse dont les réactions
obéissentau conditionnement du momentet du milieu.
Les normes sociales une fois implantéesdans l'inconscient,
notreréactionest parfaitement sincèreet nous donne une satis-
factionéquivalente à celle de nos découvertes- qu'elles soient
positives ou négatives. Rappelons-nousla chute brusque de la
renomméede Charles Morgan parmi les élites brésiliennes(qui
l'avaient connu à traversla critiquefrançaise),quand on décou-
vrit qu'il ne jouissait d'aucune notoriétéen Angleterre,où il a
toujoursété considérécommeun écrivainde troisièmeordre,un
pasticheurhabileet agréable,sans personnalité, incapablede satis-
faireceux qui parlaientla mêmelangue que lui... Ou alors, dans
le domaine de la musique,l'ennui sincèreque le public habituel
des salles de concertcommenceà ressentirvis-à-visde la triade
classique, Haydn-Mozart-Beethoven, et l'enthousiasme corres-
pondant pour les Italiens de style baroque que l'on vient de
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CAHTERS INTERN. DE SOCIOLOGIE 10

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ANTONIO CANDIDO

redécouvrir: Corelli, Geminiani, Vivaldi, etc. Il y a plus


que de l'humouret de l'ironie dans les conseils « pour paraître
connaisseur», prodiguéspar un ouvrage récent : ils expriment
cette nécessité,insoupçonnéede beaucoup, d'adhérer à ce qui
nous paraîtdistinctif d'un groupedéterminé, minoritaireou majo-
ritaire,et qui fait que notreréactionsera bien ancrée dans l'opi-
nion collective.

III
Les considérationsantérieuresadmises commevalables, nous
voyonscommentles facteurssociaux agissentd'une façonconcrète
sur l'art, notammentsur la littérature.Je ne veux pas insinuer
que ces influencessontles seules,et elles sont certainement insuf-
fisantespour expliquer l'œuvre d'art et la création,comme je
l'ai clairementexpriméau début. Beaucoup d'écrivainsbien plus
incomprisque Hardypersistent dansla directionqu'ils ontadoptée;
bien des amateursrésistentau goûtgénéral; sans parlerdes impul-
sions personnellesqui prédominentdans les véritables œuvres
d'art, quels que soient les éléments sociaux auxquels elles se
trouventcombinées.Mais à un niveau plus profond,nous retrou-
vons toujoursla présencedu milieudans le sens que je viens de
suggérer; et dans la mesureoù l'étude sociologiquede l'art est
valable (ce qui ne peut pas êtremis en doute),les facteursétudiés
me paraissentdevoirpeser.
Pour terminer,je reviensà ce rapportinextricabledu point
de vue sociologique,entrel'œuvre,l'auteur et le public, dont la
positionrespectivea déjà été donnée. L'art, dans la mesureoù
il est - commenous l'avons présentéici - un systèmesymbo-
lique de communicationinter-humaine, présupposele jeu perma-
nent des relationsentreles trois,qui formentune triade indisso-
luble. Le public donne un sens et une réalité à l'œuvre d'art, et
sans lui l'auteurne se réalisepas, car ce public est d'une certaine
façonle miroirqui réfléchitson image en tant que créateur.Les
artistesincomprisou inconnus,commencentréellementà vivre
quand la postéritéreconnaîtleur valeur. C'est ainsi que le public
est un facteurde liaison entrel'auteur et son œuvre elle-même.
Celle-ci,à son tour,relie l'auteur au public, car l'intérêtdu
public est tout d'abord tournévers elle et ne s'étend à la person-
nalité qui l'a produitequ'après avoir établi ce premiercontact
indispensable.Alors,à la sérieauteur-public-œuvre, nous pouvons
ajouterla chaîneauteur-œuvre-public. Mais l'auteurlui-mêmeest
un intermédiaireentre l'œuvre qu'il crée et le public auquel il
s'adresse; il est l'agent qui met en marche le processus,et il
définitun troisièmeordre d'interactions: œuvre-auteur-public.
A proposdu langagelittéraire, un savantcontemporain exprime
bien ces relationslorsqu'il observe que l'inventionde l'écriture
« donna à l'être humainla possibilitéde créerdans un temps et
un lieu donnés,une sériede signesauxquels un autre êtrehumain
dans un autre tempset un autre lieu peut réagir.Le résultatest
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ART ET SOCIÉTÉ

que l'écrivainne voit que lui-mêmeet les mots,il ne perçoitpas


le lecteur; le lecteurvoit les motset lui-même,mais il ne perçoit
pas l'écrivain; et un troisièmeêtrehumainpeut ne voir les écrits
qu'en tant qu'objets physiques,sans avoir consciencedu lecteur
ni de l'écrivain. Et ceci peut amenerl'écrivainà supposer,sans
réfléchir,que les seules parties du processussoient la première
et la deuxième; le lecteurà supposerque le processusne consiste
que dans la deuxièmeet troisièmeparties; alors qu'un critique
malavisépenseraque la deuxièmepartieest la plusimportante(...).
Mais la vérité fondamentaleest que l'acte complet du langage
dépend de l'interactiondes trois parties,chacune d'elles n'étant
finalement intelligible(...) que dans le contextenormaldu tout ».
Je ne veux pas approfondir l'étude complémentaire
de l'action
de l'œuvre d'art sur la société,délimitantdes secteursdu goût et
des courantsd'opinion,formantdes groupes,servantde véhicule
à des normes(patterns)esthétiqueset morales- ce qui rendrait
plus clair encorece systèmede relations.Mais je croisavoir établi
que l'étude sociologiquede l'art, que j'ai abordée ici surtoutà
traversla littérature,bienque n'expliquantpas l'essencedu phéno-
mène artistique,aide à comprendrela formationet le destindes
œuvres d'art, et éclaire donc la créationelle-même.

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