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Le : 20/12/2018

Cour de cassation

chambre criminelle

Audience publique du 5 décembre 2018

N° de pourvoi: 17-86798

ECLI:FR:CCASS:2018:CR02844

Non publié au bulletin

Cassation

M. Soulard (président), président

SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Cyril X...,

contre l’arrêt n° 196-177 de la cour d’appel de PAPEETE, chambre correctionnelle, en


date du 18 octobre 2017, qui, pour favoritisme, l’a condamné à huit mois
d’emprisonnement avec sursis ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 24 octobre 2018 où étaient


présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M.
Soulard, président, Mme Y..., conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la
chambre ;

Greffier de chambre : Mme Guichard ;

Sur le rapport de Mme le conseiller Y..., les observations de la société civile


professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de
Mme l’avocat général Z... ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 255 bis, 123, 321, du
code des marchés publics, 432-14 du code pénal et 593 du code de procédure pénale,
défaut de motifs, manque de base légale ;

”en ce que l’arrêt partiellement confirmatif attaqué a déclaré M. X... coupable de


favoritisme pour les faits antérieurs au 1er novembre 2008 ;

”aux motifs propres que l’information a établi que par délibération n° 57/CY/08 du 27 juin
2008, le conseil municipal de la commune de Tumaraa, présidé par son maire M. X..., a
autorisé ce dernier à ordonnancer la dépense relative aux prestations de la société Acor
Pacifique d’un montant de 14 765 432 XPF au titre des factures visées à la prévention ;
que cette délibération constitue bien une tentative de faire mettre en paiement les dites
factures et ainsi procurer un avantage injustifié à la société Acor Pacifique alors que
celles-ci étaient relatives à des travaux pour la plupart déjà compris et payés dans le cadre
du marché initial et qui auraient dû à tout le moins faire l’objet d’un marché public » ;

”et aux motifs adoptés que : « M. A..., expert, estimait après analyse de l’ensemble des
documents que les factures pour les travaux de peinture portaient sur des prestations qui
faisaient déjà l’objet de la commande, constatait par ailleurs une ambiguïté sur la
fourniture des tôles dans le marché, et indiquait que pour le mode d’assemblage, il pouvait
être considéré comme une modification du procédé de réalisation et donc susceptible de
générer une facturation ; qu’une deuxième expertise conduite par M. B... concluait à la
prédominance du CCTP par rapport au devis estimatif, et validait le fait que la couverture
des bâtiments étant comprise dans le marché ; que de la même manière, la peinture était
incluse dans la commande et ne pouvait faire l’objet de nouvelle facturation pour travaux
supplémentaires ; que les deux factures de boulonnage pouvaient être considérées
comme consécutives à des modifications portant sur le mode d’assemblage et les factures
complémentaires de M. C... n’avaient selon lui aucune justification, les études ayant été
réalisées sur la commande de la mairie par Atelier 3 et payées 150 000 CFP ; (

) ; que le tribunal retiendra ici que la date de la décision prise par le maire de payer les
prestations supplémentaires à la société Acor Pacifique est le 27 juin 2008 ; qu’elle résulte
de l’action personnelle du maire, la délibération a été soumise sur sa proposition, et en
agissant ainsi il a porté atteinte aux intérêts de la commune dans des conditions non
conformes aux règles régissant les marchés et s’agissant d’un pourcentage
d’augmentation proche de 50 % par rapport au prix initial (

) ; que l’analyse des conclusions des experts et du marché montre que, même s’il a été
nécessaire de procéder à des ajustements lors de l’exécution du chantier, les travaux
correspondant aux factures en cause doivent toutes être considérés comme relevant
d’une opération unique, qui aurait dû faire l’objet d’un avenant et pas de fractionnement de
prestations ; que l’objectif affiché de vouloir mener à terme l’opération ne pouvait en aucun
cas justifier à lui seul de s’affranchir des règles ; que le fait qu’une transaction ait dû
intervenir ensuite n’est qu’une conséquence de ses agissements initiaux et non la cause
directe de la situation ; que le délit de favoritisme est donc constitué, puisqu’il a été
procuré un avantage injustifié, en l’espèce le paiement de factures qui, même à supposer
qu’elles aient pu correspondre pour certaines à des travaux nécessaires, auraient dû en
toute hypothèse faire l’objet d’une mise en concurrence » ;

”1°) alors que le délit de favoritisme n’est constitué qu’autant que le prévenu a procuré ou
tenté de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions
législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des
candidats dans les marchés publics ; que la décision de faire procéder au paiement de
factures relatives à de travaux « déjà compris et payés » dans le cadre d’un marché initial
dont il est constaté qu’il a fait l’objet d’un appel d’offre, ne caractérise aucun fait de
favoritisme au sens de l’article 432-14 du code pénal, mais uniquement un problème
d’indu, ces travaux ayant, par hypothèse, déjà été soumis à l’appel d’offre ; que la cour
d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ;

”2°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la
décision ; que la contradiction ou l’insuffisance de motifs équivaut à leur absence ; que les
juges ne pouvaient, sans se contredire et priver leur décision de motifs, retenir que la
délibération du 27 juin 2008 a autorisé le paiement de prestations à la société Acor
Pacifique qui correspondent à « un pourcentage d’augmentation proche de 50 % par
rapport au prix initial » tout en constatant que l’offre de cette société avait été retenue pour
un montant de 49 102 272 XPF dans le cadre du marché initial et que la délibération
litigieuse « a autorisé ce dernier à ordonnancer la dépense relative aux prestations de la
société Acor Pacifique d’un montant de 14 765 432 XPF au titre des factures visées à la
prévention », ce qui ne correspond pas à une augmentation de 50 % du prix initial ;

”3°) alors qu’en retenant à la fois que les travaux auraient dû faire l’objet d’un « avenant »
– ce qui est exclusif de la conclusion d’un marché distinct impliquant une nouvelle mise en
concurrence – et d’un « marché public » avec mise en concurrence, les juges du fond se
sont encore contredits, ces qualifications étant incompatibles entre elles ;

”4°) alors que sauf sujétions techniques imprévues ne résultant pas du fait des parties,
avenants et décisions de poursuivre ne peuvent bouleverser l’économie du marché ni en
changer l’objet ; qu’en s’abstenant de rechercher si, parmi les factures litigieuses, les
seuls travaux susceptibles de faire l’objet d’un nouveau marché ou d’un avenant,
c’est-à-dire uniquement ceux qui n’étaient pas « déjà compris et payés » dans le cadre du
marché initial, devaient, en ce qu’ils auraient bouleversé l’économie du marché initial, faire
l’objet d’un nouveau marché, distinct, avec mise en concurrence, la cour a privé sa
décision de base légale” ;

Vu l’article 432-14 du code pénal et l’article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que selon le premier de ces textes, constitue le délit de favoritisme le fait par une
des personnes qu’il énumère de procurer ou tenter de procurer à autrui un avantage
injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour
objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics et
les contrats de concession ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ;
que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que, courant 2007, la
mairie de Tumuraa a lancé un appel d’offres en vue de la construction de deux salles
omnisports ; que l’offre de la société Acor Pacific SA, ayant pour président-directeur
général M. Jacques D..., a été retenue ; qu’un marché initial portant sur la fourniture de
deux structures métalliques tôlées a été conclu le 20 septembre 2007 ; que six factures
ont été émises, le 21 août 2008, par ladite société pour fourniture de boulons, peinture et
études complémentaires ; que deux factures ont encore été émises, le 1er octobre 2008,
pour fourniture d’une couverture en tôle, par la société SGC et par la société Location
3MC, dirigées par M. D... ; que le trésorier-payeur général de la Polynésie française a
refusé de régler ces factures considérant qu’elles auraient dû être accompagnées d’un
avenant au contrat initial et d’un nouvel appel d’offres et a signalé les faits au procureur de
la République ; qu’à la suite de l’enquête préliminaire diligentée et de l’information
judiciaire ouverte le 17 septembre 2012, M. X..., maire de la commune de Tumaraa, a été
renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef de favoritisme pour avoir, courant 2008 à
2010, procuré ou tenté de procurer un avantage injustifié aux trois sociétés précitées par
mise en paiement desdites factures visant des travaux qui n’ont pas fait l’objet d’une mise
en concurrence ; que déclaré coupable de ce délit, il a interjeté appel de cette décision de
même que le ministère public ;

Attendu que pour déclarer M. X... coupable de tentative de favoritisme à raison des faits
qui lui sont reprochés antérieurs au 1er novembre 2008, l’arrêt énonce notamment que le
décret n° 80-918 du 13 novembre 1980 rendant applicables en Polynésie française les
dispositions du code des communes et du code des marchés publics a été abrogé, à effet
du 1er novembre 2008, par le décret n° 2008-1020 du 22 septembre 2008 et que jusqu’à
la loi de Pays n° 2017-14 du 13 juillet 2017 portant adoption du code polynésien des
marchés publics, aucune disposition locale n’a encadré la passation de ces marchés ; que
les juges ajoutent, par motifs propres et adoptés, que, d’une part, M. X... a présidé la
séance du 27 juin 2008 du conseil municipal au cours de laquelle a été adoptée une
délibération l’autorisant à ordonnancer la dépense relative aux prestations de la société
Acor Pacifique d’un montant de 14 765 432 francs pacifique au titre des factures
litigieuses visées à la prévention afférentes à des travaux déjà compris et réglés dans le
cadre du marché initial et qui auraient dû à tout le moins faire l’objet d’un marché public ou
d’un avenant, d’autre part, cette délibération constitue une tentative de faire mettre en
paiement ces factures en vue de procurer un avantage injustifié à la société qui les a
émises, laquelle n’a manqué son effet qu’à la suite de la décision du 21 juillet 2008 du
Trésor public qui en a ordonné la suspension ;

Mais attendu qu’en statuant ainsi, après avoir relevé que la majeure partie des factures
visées à la prévention étaient fictives comme se référant à des travaux intégrés dans le
marché public initial conclu après appel d’offres et déjà réglés, et alors que les travaux
mensongers énumérés dans ces factures, identiques à ceux déjà acquittés, ne pouvaient
faire l’objet d’une seconde mise en concurrence puisque déjà actés, la cour d’appel, qui
n’a pas fait le départ entre celles-ci et celles dont elle a observé, sans les préciser, qu’elles
auraient dû faire l’objet d’une mise en concurrence, ni déterminer si leur montant global
obligeait au respect de la procédure d’appel d’offres en vigueur en Polynésie française
avant le 1er novembre 2008 et à la conclusion d’un marché distinct du premier ou d’un
avenant exclusif ou non de mise en concurrence, et qui n’a ainsi pas caractérisé l’acte
commis par le prévenu contraire aux dispositions législatives et réglementaires ayant pour
objet de garantir la liberté d’accès et l’égalité des candidats dans les marchés publics, n’a
pas justifié sa décision ;

D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs, et sans qu’il soit besoin d’examiner sur le second moyen proposé :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de


Papeete en date du 18 octobre 2017, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la
loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Papeete, autrement composée,
à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la


cour d’appel de Papeete et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président
le cinq décembre deux mille dix-huit ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de
chambre.

Décision attaquée : Cour d’appel de Papeete , du 18 octobre 2017

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