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Societe de l'Histoire de France

Editions de Boccard

UNE ANECDOTE DE BRANTÖME: SUR LA DOT DE CATHERINE DE MÉDICIS


Author(s): Lud. Lalanne
Source: Annuaire-Bulletin de la Société de l'histoire de France, Vol. 26, No. 1 (1889), pp. 116-119
Published by: Editions de Boccard on behalf of the Societe de l'Histoire de France
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Accessed: 28-10-2015 09:42 UTC

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116 SOCIÉTÉ

UNE ANECDOTE DE BRANTÔME


SEK

LA DOT DE CATHERINE DE MËDÏCIS.

Dans la longue notice consacrée à Catherine de Médicis,


Brantôme a mentionné un fait assez extraordinaire et dont
lui seul a parlé. Ce fait se serait passé à l'occasion du mariage
de la nièce de Clément YII avec le duc d'Orléans.
Charles-Quint, nous dit Brantôme, « s'estonna fort de ceste
alliance avec le pape, le cognoissant habille, courageux et
vindicatif de sa prison faicte par son armée impériale au sac
de Bome. Et tel maryage luy despleut tellement, que j'ay ouy
dire à une dame de vérité, lors à la court, que s'il ne fust esté
marié avec l'impératrice, qu'il eust prins l'alliance dudict
pape, et eust espousé sa niepce, tant pour estre appuyé d'un
si grand party, que parce qu'il craignoit que le pape luy
aidast à perdre Naples, Milan et Gênes, ainsi qu'il l'avoit
promis au roy François, lorsqu'il luy fist livrer l'argent du
dot de sa niepce et ses bagues et joyaux; qu'oultre tout cela,
pour faire le douaire digne d'un tel mariage, il luy avoit
promis, par instrument autentique, trois perles d'inexti
mable valeur, de l'excessiveté desquelles les plus grands
roys estoient fort envieux et convoiteux, qu'estoient Naples,
Milan et Gènes1. »
Que le pape eût gardé un souvenir amer de sa captivité et
de l'épouvantable sac de Bome, cela n'est point douteux ;
mais, qu'il eût fait cette promesse extravagante de donner
ce qui ne lui avait jamais appartenu, et qu'il eût eu l'impru

t. Brantôme, t. VII, p. 340.

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1)E L'HISTOIRE DE FRANCE. 117

dence de la consigner dans un acte authentique, personne


ne peut songer à l'admettre. Pourtant je crois à la bonne
foi entière de la « dame de vérité » et à la transmission fidèle
de son dire par Brantôme. En lisant ce passage, je pensai
tout de suite qu'il y avait là un écho de ces bruits de cour
qu'on rencontre si souvent dans ses livres ; et, comme chez
lui il n'y a guère de fumée sans feu, je cherchai longtemps
ce qui pouvait avoir donné lieu à cette singulière légende.
Je finis par en trouver l'origine dans un chroniqueur italien
mort en 1558, Bernardo Segni, dont les Storie florentine
ont été publiées pour la première fois en 1723, c'est-à-dire
cent onze ans après la mort de Brantôme1. Voici ce qu'il
nous raconte dans son "VIe livre.
Lors de l'entrevue de François Ier et de Clément YII à
Marseille, au moment du mariage de Catherine de Médicis,
en octobre 1533, les entretiens des deux souverains furent
assez longs et assez fréquents pour faire redouter la rupture
de la paix avec Charles-Quint. « On avait d'autant plus de
raison de le craindre, dit l'historien florentin, que dans le
peuple courut un mot plaisant (faceto) de Philippe Strozzi,
lorsqu'il versa entre les mains des trésoriers du roi l'argent
de la dot promise. En le recevant, ceux-ci murmurèrent
entre eux que c'était une bien petite dot pour le fils d'un roi
aussi puissant. Strozzi les entendit et leur répliqua par une
belle parole : « Ce n'est pas une petite dot, messieurs, que
« cette dot du pape à monseigneur d'Orléans, si vous y
« ajoutez les joyaux de grandissime valeur qu'outre l'argent
« il ne tardera pas à donner. » A ces paroles, les trésoriers
dressèrent l'oreille : « De grâce, monsieur l'ambassadeur,
« dites donc quels sont ces joyaux. » — « Les joyaux que le
« pape donnera à votre roi, poursuivit Strozzi, sont Gênes,
« Milan et Naples. Ne vous semblent-ils pas dignes de la dot
« d'un roi ? » Les trésoriers se prirent à sourire. Le mot courut
par toute la cour, et, accueilli très favorablement comme
venant d'un homme gracieux et de grand esprit, il arriva

1. La notice de Brantôme parut pour la première fois en 1659, dans les


Additions aux Mémoires de Oastelnau.

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jusqu'à l'empereur, qui se préoccupait et se souvenait de


toutes choses, si légères qu'elles fussent, quand elles pou
vaient nuire à sa grandeur1. ».
Cette historiette me donnait la source du bruit recueilli par
la « dame de vérité. » Mais il restait à découvrir quel mys
tère se cachait sous les paroles de Strozzi que les trésoriers
avaient prises au sérieux et répétées à la cour.
Quand on mit en vente à Paris, en 1887, les diamants de
la couronne, je remarquai, dans rémunération quel'on publia
de ces joyaux, que plusieurs des bijoux anciens étaient, en
raison de leur origine, distingués par des noms géogra
phiques. Bien qu'aucun d'eux ne portât ceux de Gênes, de
Milan et de Naples, le souvenir de Strozzi me revint à l'esprit,
et je pensai que sa réponse pouvait bien n'être qu'un simple
jeu de mots, dont les gens du roi n'avaient pas saisi la signi
fication.
Si l'on possédait une liste des bijoux que le pape avait mis
dans la corbeille de mariage de sa nièce, la question serait
promptement résolue. Malheureusement il n'en existe point;
mais on a divers inventaires des pierreries possédées par la
famille royale, et je crus ne pouvoir mieux faire que de
m'adresser à un descendant des anciens joailliers de la cou
ronne, M. Germain Bapst, que je savais avoir sous presse

1. « Tanto più ne ebbe ragione, quanto nel volgo si sparse un detto


faceto di Filippo Strozzi, usato à tesorieri del re, i quali ricevendo la
dote promessa, e pagata per lui, bisbigliando dicevano intra loro che pure
era piccola a un figliuolo d'un re potentissimo. Onde egli accorgendosene,
con un bel motto rivoltosi, disse : Non è piccola dote, signori, la data del
Papa a Monsignore d'Orliens, se si computeranno le gioje di valuta
grandissima che tosto il Papa debbe dare sopra questi denari. Aile
quali parole porto l'orecchio, dissono : « Di grazia, signore ambasciadore,
ditene quali sono pur queste gioje ? » E Filippo soggiunse : « Le gioje che
debbe dare Clemenle al re vostro sono Genova, Milano e Napoli ; ora
non vi pajono queste degne délia dote d'un re ? » Sorrisero allora tutti, ed
il motto, sparsosi per tutta la corte, ebbe gran favore, come detto da un
uomo graziozo e di grande ingegno, e penetrô flno agli orecchi di Cesare,
che, non straccurando cosa alcuna, benche leggieri, che potesse nocere
alla sua grandezza, si ricordô poi d'ogni cosa. » — Storie florentine di
messer Bernardo Segni, gentiluomo fiorentino, doll' anno MDXXVII
ad MDLV, in Augusta, MDCCXXIII; in-f°, libro sesto, p. 163-164.

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DE L'HISTOIRE DE FRANCE. 119

une très importante et très curieuse Histoire des joyaux


de la couronne de France1. Je lui contai mon embarras et
mes conjectures, et il eut l'extrême obligeance de me com
muniquer les bonnes feuilles des pages qui pouvaient m'inté
resser, où, grâce à lui, je pus trouver ce que je cherchais.
Les bijoux que Catherine avait apportés d'Italie restèrent,
sa vie durant, sa propriété, et elle put en disposer à son gré.
Lors du mariage de François II, elle donna à sa bru un
carcan qui figure sur l'inventaire dressé le 26 février 1560
« des bagues de la reyne Marie d'Escoce » devant faire
retour à la couronne2. Ce bijou était, entre autres, orné de
deux diamants : l'un, à six pointes, estimé dix mille écus;
l'autre, « en table longuette, » estimé huit mille. Onze ans
plus tard, ils sont mentionnés tous deux, dans les mêmes
termes et avec la même évaluation, sur un inventaire des
joyaux de la couronne en date du 26 avril 1571, inventaire
comprenant « les bagues que la royne mère du roy avoit
données des siennes » ; mais, cette fois, ils sont désignés sous
les noms de table de Gênes et de pointe de Milan3. Leur
destination avait été changée, et ils servaient à orner une
bordure de touret destinée à la nouvelle belle-fille de Cathe
rine, Elisabeth d'Autriche.
Enfin, dans le même inventaire4, figure « ung gros ruby
ballay à jour, percé d'une broche de fer, appelé l'Œuf de
Naples, auquel pend une perle en forme de poire ; cy-devant
estimé lxx™ escus. »
Voilà donc retrouvés, à ce qu'il me semble, les trois

joyaux « de grandissime valeur » auxquels Strozzi faisait


une allusion qui causa tant d'émoi. Si les trésoriers du roi
avaient souri de satisfaction en entendant sa « belle parole »,
le rusé Florentin dut rire plus d'une fois, et de bon cœur, en
pensant au joli tour qu'il leur avait joué.
Lud. Lalanne.

1. L'ouvrage a paru chez Hachette en 1889, un vol. gr. in-8\


2. Bapst, p. 55, note.
3. Ibid., p. 160 et 161.
4. Ibid., p. 24 et 169.

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