TITRE : GESTION ACTIF PASSIF - ALM
AUTEUR : PHILIPPE DUCHEMIN – www.finkeys.com
DATE : JUIN 2018
La gestion Actif Passif consiste à gérer le bilan
d’une institution financière. La gestion couvre
les risques et les résultats.
La gestion ALM historiquement centrée sur
les risques de taux et de liquidité, s’est
étendue à l’ensemble des risques tels que
définis par la réglementation. De même, le
suivi du résultat s’est transformé avec
l’introduction des normes IFRS. Tout devient
très dépendant. Une compréhension de
l’ensemble des concepts présentés ici suffit
bien souvent à cerner la gestion ALM.
____________________________
1–Définitions
L’objet d’une institution financière est de prêter
des capitaux à ses clients, afin que ceux-ci les
utilisent dans des activités économiques dont la
rentabilité opérationnelle est supérieure aux
coùts bancaires.
Afin de gérer ses activités financières,
l’information comptable n’est pas suffisante.
C’est pour cette raison qu’il convient de mettre
en place une comptabilité auxiliaire ou
analytique, qu’on nommera ici système
d’information ALM.
Définissons les 3 niveaux d’agrégat
fondamentaux pour la gestion ALM :
1-Les engagements de crédit :
Ce sont les crédits accordés et tirés par les
clients. Ces montants sont enregistrés au
niveau de l’actif de la banque, comme
utilisation des fonds. En symétrie, nous
avons des dépôts ou des prêts. Ces
engagements sont observables à tout
moment : on parle aussi d’encours de crédit
(en anglais ‘outstanding’).
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2-Les engagements croisés par les durées :
Un crédit n’est utile que dans la durée. Il est
donc important de croiser l’engagement et la
durée afin d’obtenir un encours de risque, car
effectivement, le risque est proportionnel à la
durée. Ici, la durée s’entend comme durée
restant à courir et non pas durée passée, car
nous nous intéressons aux risques et non pas
aux résultats.
On obtient alors l’exposition au risque (EAR -
Exposure At Risk). Les amortissements
permettent de diminuer cet agrégat en
diminuant progressivement les encours. Cette
information n’est pas présente dans la
comptabilité générale, c’est la raison de
l’existence des outils ALM. D’autre part, cet
agrégat nous permet de connaitre par avance
l’assiette de calcul de l’ensemble des intérêts et
donc le revenu total. Une façon simple de
croiser les encours et la durée est d’éclater les
encours par durée standards (ou buckets). Ce
sont les gaps. Nous appellerons ‘intensité
capitalistique’, la valeur actuelle des flux futurs
de capitaux qui tient ainsi compte des
engagements et des durées. Cet indicateur
résume parfaitement cet agrégat, mais n’est pas
suffisant.
3-Les engagements croisés par les durées et
les taux.
La combinaison de ces trois paramètres est
homogène à un résultat. En effet, un intérêt se
calcule comme le produit de trois termes :
Intérêt = Encours . Durée . Taux
Ici, la durée est prise au sens durée écoulée, et
donc durée passée dans un cadre comptable,
mais peu aussi s’entendre comme durée future
dans un cadre de gestion prévisionnelle des
résultats.
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Niveau 1 Engagements
= Encours
Niveau 2 Engagements Durée
= Risque
Niveau 3 Engagements Durée Taux
= Résultat
Fig1-Les trois niveaux de la gestion ALM
2-Financement
Le calcul du résultat n’est complet qu’à
condition de tenir compte du financement. Ce
financement est assuré opérationnellement par
le trésorier, et disons analytiquement par le
comité ALM qui fixe les prix de refinancement
à travers le TCI : Taux de Cession Interne (ou
prix de transfert).
Il existe trois méthodes de financement :
 Financement et couverture de taux explicites
avec une opération de même montant, de
même durée et de même type de taux.
 Financement sans couverture de taux, par
exemple avec un financement à taux
variable pour un crédit à taux fixe.
 Financement interne, via TCI : seul
l’information du TCI est renseignée. Cela
implique que toutes les autres
caractéristiques du crédit soient identiques
entre la couverture et le crédit, à savoir :
montant, durées, amortissement.
Bien entendu, il est aussi possible de ne pas se
couvrir : nous ne retenons pas cette hypothèse,
car dans le cadre de la gestion ALM, nous
avons toujours un TCI, qui permet de
refinancer aussi bien à taux fixe qu’à taux
variable.
3 – La gestion des risques.
La gestion d’un portefeuille de crédit passe par
la gestion des risques. Par risque, nous
couvrons l’ensemble des risques qui sont :
- Le risque de taux d’intérêt
- Le risque de crédit
- Le risque de liquidité
- Le risque de remboursement anticipé ou
RA.
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Historiquement, le risque de crédit n’est pas un
risque ALM, mais nous le retiendrons comme
tel afin d’avoir un exposé complet. D’autre
part, les événements de défaut ont bien entendu
un impact sur les autres risques et le résultat
dans son ensemble. Par contre nous ne
retiendrons pas les risques de types risque
opérationnel.
Risque de taux et risque de liquidité:
Les outils centraux de l’ALM sont le gap de
taux et le gap de liquidité. Comme présenté
précédemment, nous sommes au niveau
encours plus durée restant à courir. Les gaps
sont éclatés par tranches de durées (buckets) :
typiquement 1 semaine, reste du mois, chaque
mois de l’année en cours, chaque année future.
Alimentation du gap de taux :
Le gap de taux se remplit avec les flux de
capitaux futurs pour les opérations à taux fixes.
Un crédit amortissable vient alimenter le gap
tout au long de sa durée. Un crédit in fine à
taux fixe ne vient alimenter le gap qu’à son
échéance.
Dans le cas d’un crédit à taux variable, la
période en cours est toujours à taux fixe qui
correspond au dernier taux fixé. Fixer un taux
consiste à observer le taux variable à la date de
fixing pour s’en servir de taux de calcul de
l’intérêt. Pour remplir le gap, on ne tient donc
compte que de cette première période dans le
cas d’un crédit à taux fixe.
Règle d’alimentation du gap avec taux
variable : positionner le flux de capital, à savoir
capital restant du, à la date du prochain
paiement d’intérêt.
Dans le cas d’un swap de taux, celui-ci étant
équivalent à une jambe fixe et une jambe
variable, on alimente deux flux de sens opposé,
l’un à maturité du swap, l’autre à la date de
prochain fixing.
Alimentation du gap de liquidité.
Le gap de liquidité n’est différent du gap de
taux que pour les crédits à taux variable. Dans
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ce cas, on remplace la date de prochain
paiement (ou prochain fixing), par la date de
maturité.
Dans ce cas, les deux alimentations d’un swap
s’annulent. Un swap d’intérêt ne modifie pas la
liquidité, en effet, nous avons un dérivé inscrit
en hors-bilan.
Par contre une ligne de crédit non tirée, viendra
modifier le gap de liquidité. Il en sera de même
d’un crédit octroyé non tiré, durant toute sa
période de différé.
Produits non échéancés :
Ce sont par exemple, les comptes courant, les
livrets d’épargne, les comptes d’épargne, les
livrets A. Ces produits posent problème car ils
n’ont pas de date de maturité qui serviraient à
remplir les gaps. Il est donc nécessaire de faire
des hypothèses de ‘lois d’écoulement’, basées
sur des données statistiques.
Gap statiques et gap dynamiques.
Le gap statique correspond au portefeuille
courant, obtenu par alimentation selon les
règles précédentes. Ces gaps ont une échéance
maximum qui correspond au crédit ayant la
plus grande maturité. L’ensemble des capitaux
sont amortis, et le total des gaps sont identiques
à l’encours du bilan.
Cette vision est peu réaliste, car la banque va
octroyer de niveaux crédits, et nombre des
crédits actuels seront remboursés par
anticipation.
C’est pour cette raison, qu’avec un ensemble
d’hypothèses supplémentaire, on produit un
gap plus réaliste, qui simule l’activité future de
la banque : c’est le gap dynamique, qu’il soit de
taux ou de liquidité.
Bien entendu, la mise en place de ces
hypothèses est un choix très délicat. Il doit
reposer sur :
 Des hypothèses pour déterminer la nouvelle
production : campagnes de marketing,
évolution des taux,
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 Des hypothèses pour déterminer les taux de
RA : corrélations avec les indicateurs
économiques, baisse des taux,
Et bien d’autres hypothèses, qui font tout l’art
de la gestion ALM.
Risque de remboursement anticipé (RA).
Dans la mesure où les accidents de la vie et les
accidents économiques sont nombreux, les
crédits vont rarement à maturité. Il est
important d’en tenir comptes dans les différents
gaps.
L’analyse consiste à obtenir des taux de RA par
année, basés sur des données statistiques,
éventuellement corrélées à des données
économiques ou de marchés. Ces taux sont
annuels et se capitalisent.
L’incidence sur les gaps, est un déplacement
des remboursements, et donc une diminution de
l’intensité capitalistique. Une maitrise du taux
de RA, passe aussi par la maitrise du taux de
RA client, et du taux de RA crédit. Le passage
de l’un à l’autre passe par la notion d’ERA
(Exposure at RA), qui permet de passer d’un
taux à un montant (voir parallèle avec le risque
de crédit).
Risque de crédit.
La gestion du risque de crédit repose sur la
mise en place d’un spread de crédit dans le coût
du crédit, afin de couvrir à la source les pertes
dues aux défauts.
Les gaps doivent tenir compte des défauts qui
diminuent dans les faits les échéances futures :
il est inutile de couvrir des crédits qui ne seront
pas remboursés. De la même façon, ils
modifient le gap de liquidité.
Avec la norme IFRS09, le nouveau calcul de la
provision pour risque de crédit, appelé ‘coût du
risque’, est calculé comme une moyenne : ECR
(Expected Credit Risk). Il devient ainsi possible
d’en tenir compte directement dans les Gaps.
La formule de l’ECR est :
ECR = EAD x PD x LGD x DF (2.1)
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Avec :
EAD: Exposure at Default
PD: probabilité de défaut
LGD : loss given default
DF : discount factor
Spread de Crédit = Probabilité de défaut.
La banque prête 1000 euros à 1000 personnes, pour un
montant de 1 000 000 d’euros. Sur ces 1000 personnes,
une personne fait défaut. Le taux de défaut est donc de 1
pour mille. La banque a perdu 1000 euros. Elle demande
donc 1 euros à chaque client. Cet euro correspond à un
taux de 1 pour 1000. On vient de démontrer que le
spread de crédit est égal à la probabilité de défaut : 1
pour mille.
Il est intéressant de faire un parallèle entre taux
de RA et taux de PD. Ces deux taux
correspondent à des taux de probabilités liés
aux clients, et appliqués à des contrats afin
d’obtenir un montant : ceci dit, leurs incidences
sont totalement différents :
 Le RA entraine un décalage dans les
remboursements
 Le PD entraine une perte sèche de capital.
On voit qu’ainsi, leur traitement dans les gaps
doive être forcément différent.
4 – Résultat et rôle du TCI
Revenons aux TCI : taux de cession interne ou
taux de transfert. En théorie, le TCI ne devrait
couvrir que le risque de refinancement et de
liquidité, mais on peut aussi y ajouter le spread
de crédit. Tout dépend du résultat analytique
recherché.
Les TCI sont issus des barèmes de taux internes
fixés par le comité ALM, afin de fixer les coûts
de refinancement de tous les départements de la
banque. Cela permet d’évaluer un résultat
analytique pour les différents acteurs. Si au lieu
du TCI, une véritable opération de
refinancement interne est mise en place (une
avance du trésorier), le refinancement
deviendra comptable.
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Afin d’être rentable, le taux client doit être
toujours supérieur au TCI. Le TCI est un
plancher à ne pas dépasser.
Le TCI fonctionne aussi bien à l’actif qu’au
passif : en ce qui concerne les dépôts, l’ALM
récupère du cash ‘gratuitement’, qu’elle
rémunère au réseau avec un TCI, Il en est de
même du placement des produits structurés.
Le rôle de l’ALM est de s’assurer que la
moyenne des TCI payés soit supérieure à la
moyenne des TCI reçus afin de dégager une
marge.
Formules de calcul des TCI :
La formule de calcul du TCI pour les taux fixes
est:
𝐾−∑𝑛
𝑖=1(𝐶𝑅𝐷𝑖 −𝐶𝑅𝐷𝑖+1 ).𝐷𝐹𝑖
𝑇𝐶𝐼 = ∑𝑛
(3.1)
𝑖=1(𝐶𝑅𝐷𝑖 .𝐴𝐶𝐶𝑖 .𝐷𝐹𝑖 )
Avec :
- K : Capital initial,
- CRDi : Capital Restant Du à la période i,
- CRDi+1-CRDi+1=AMOi : Amortissement de
la période i,
- ACC : Durée en année = durée en
jours/nombre de jours dans l’année,
- DF : Facteur d’actualisation.
Cette formule est plus facile à interpréter sous la
forme suivante :
𝐾 = ∑𝑛𝑖=1(𝐴𝑀𝑂𝑖 . 𝐷𝐹𝑖 ) + 𝑇𝐶𝐼. ∑𝑛𝑖=1(𝐶𝑅𝐷𝑖 . 𝐴𝐶𝐶𝑖 . 𝐷𝐹𝑖 )(3.2)
Qui signifie que le capital (K) est égal à la
somme actualisée des Amortissements et des
intérêts, calculés ici au taux TCI constant. Le
TCI est bien dépendant de l’échéancier des
amortissements et de l’échéancier de paiement
des intérêts. Si on accepte que le capital initial
K, n’est que le flux d’amortissement au temps
initial, la formule (3.2) devient :
∑𝑛
𝑖=0(𝐴𝑀𝑂𝑖 .𝐷𝐹𝑖 )
𝑇𝐶𝐼 = ∑𝑚 (3.3)
𝑗=1(𝐶𝑅𝐷𝑗 .𝐴𝐶𝐶𝑗 .𝐷𝐹𝑗 )
Nous appelons :
Page 4
 Le numérateur : l’intensité capitalistique, qui
représente le coût actuariel du capital.
 Le dénominateur multiplié par le TCI est le
cout total du crédit égal à la somme des
intérêts actualisés.
Ainsi, l’intensité capitalistique devient égale
au cout du crédit.
Le TCI joue bien son rôle de taux d’intérêt fixe
moyen du crédit. Cette formule est tout à fait
générale, et s’applique à tous les instruments de
taux échéancés.
Les TCI dépendent donc de l’échéanciers
d’amortissement, de l’échéancier des intérêts,
de la courbe des taux à travers les facteurs
d’actualisation DF. Ces taux peuvent être
modifié pour tenir compte par exemple des
options de rachat anticipé : la prime du cap
équivalent sera alors convertie en spread de
taux.
Dans le cas de crédits à taux variable, le TCI
comme taux fixe ne s’applique plus, il faut le
remplacer par une suite de taux forward plus
marge moyenne M:
(𝑀 + 𝐹𝑖 ). ∑𝑛𝑖=1(𝐶𝑅𝐷𝑖 . 𝐴𝐶𝐶𝑖 . 𝐷𝐹𝑖 ) = 𝐾 −
∑𝑛𝑖=1(𝐴𝑀𝑂) . 𝐷𝐹𝑖 (3.5)
Le taux Forward Fi est calculé à partir de la
courbe des taux :
𝐷𝐹𝑖
1 + 𝐹𝑖 = 𝐷𝐹 (3.6)
𝑖+1
Valorisation et résultat
Dans la mesure où les TCI ne sont calculés et
enregistrés que dans l’outil ALM, seul cet outil
est en mesure de calculer des résultats
analytiques.
Dans la majorité des cas, les crédits
appartiennent au ‘Banking Book’, et sont donc
valorisé en couru (ou réescompte) ou en coût
amorti selon la norme IFRS. Pour les crédits, le
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passage du couru au coût amorti ne modifie que
marginalement le résultat.
En termes de résultat opérationnel, il est
important d’estimer les résultats futurs, soit à
partir d’un gap statique, soit dynamique : Dans
le cadre du gap statique, on exclut l’impact de
la nouvelle production, pour obtenir un résultat
sur chaque échéance future à partir de taux
moyens et de marges moyennes. L’évolution
de ces taux et marges moyens sont des
indicateurs essentiels dans le suivi de la
performance.
Remarque : ce n’est pas parce que les TCI sont
calculés et enregistrés, que la banque couvre
son portefeuille (Banking Book). Les TCI ont
pour unique objet de transférer le risque de taux
au trésorier central. Ce dernier a le choix de
tout couvrir avec des opérations externes, ou de
couvrir partiellement tout en respectant les
règles de liquidité (NSFR, LCR), et ses
autorisations de risque. Il faut noter, que la
couverture réduit le potentiel de gain obtenu
par décalage sur une courbe de taux croissante:
en prêtant long à des taux élevés, et en
finançant court à des taux faibles.
En cas de non couverture, le trésorier devra
isoler ses positions ouvertes dans un trading
book évalué en valeur de marché (Mark To
Market).
5–Conclusion.
Nous répétons que la gestion ALM est l’art
d’équilibrer les différents risques, tout en
dégageant des marges suffisantes. Aujourd’hui,
l’outil ALM vient compléter la comptabilité.
On attend le jour où les TCI deviendront des
opérations internes standards avec une
comptabilité générale et auxiliaire tenant
compte des durées : l’outil ALM disparaitra
alors.
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