EL EDITOR.
Al regresar de Europa, nuestro joven compatriota Don
Daniel Gareja Mansilla, recibié una prueba de este libro
y tuvo 4 bien expresarnos, bajo la forma de Prefacio, las
impresiones que habia sentido leyéndolo.
Lo publicamos en el idioma original en que el sefior
Garcia Mansilla ha escrito, para no alterar su estilo y por
ser el francés tan usual entre los argentinos:
PREFACE.
En général, on lit peu les préfaces: je dirai donc que
c'est dans cette heureuse sécurité que je m’enhardis a
écrire celle-ci.
Les livres de science, les romans & thése, d'autres ouvra-
ges encore d'une nature spéciale et nouvelle, appellent le
plus souvent une préface, destinée a jeter de la lumiére
sur des points obscurs, & justifier certaines conclusions,
certaines situations délicates, ébauchées ’ dessein, en un
mot, & mettre Je lecteur au diapason et I'auteur a I'abri
des projectiles de la critique. Ce n'est nullement le cas
ici. «Los Ranqueles> n'ont pas besoin de préface et je ne
prétends ni ajouter ni préparer i une lecture dont le pre-
mier charme est principalement dans son originalité méme:
il suffit de commencer pour s’en conyaincre.
Je ne suis qu'un poéte. Je ne me donne pas pour un
prosateur et je serais désolé & la pensée que l'on puisse= wt —
croire 4 Ja moindre recherche de style de ma part on,
simplement, au prétexte d'étaler des phrases; été tenté
par une aussi belle occasion de pouvoir dire tout haut, et 2
tout le monde, combien ce livre m'a amusé, tout seu! et
tout bas. Je ne suis qu'un poste, je le répdte, et c'est
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précisement l'immense poésie de cet ouyrage qui m’a séduit;
ee ne sont pas des vers, non, mais il se détache de ces
pages vécnes, une si violente senteur de terroir, une si
haute et si vraie image de la nature américaine dans ce
qu'elle a de plus recélé et de plus personnel; le caractire
de ses premiers enfants & longue chevelure, qu'elles m'ont
communiqué une profonde émotion, un intérét si puissant
que je ne doute point qu’elles doivent captiver un lecteur
quelque peu passioné. Et n’est-ce pas une chose curieuse
de suivre pas & pas, A travers ces récits que Ion sent
fideles, ce jenne et brillant officier, ce type de la civilisation
la plus raffinée et la plus moderne, jusque dans le cam-
pement de ces étranges maitres du désert tour & tour
fourbes et généreux, naifs ou terribles, sous le vol de leurs
passions!
Je ne parlerai point de I’éelat du style ni du mouvement
du dialogue, n'ayant pas pour habitude de donner des lecons
4 qui en sait plus long que moi; qu'il me suffise de dire
que «Los Ranqueles» figurent dans la liste des auteurs
classiques Espagnols et qu'ils ont été traduits en plusieurs
langues.
(a et 1a, une pointe de philosophie doucement railleuse,
un je ne sais quoi d'insouciant et de Quichottesque, une
prédilection marquée pour le théatral et le hardi, l'amour
presque immodéré de Tentithése, un entrain toujours
soutenu permettent de reconnaitre l'auteur, de telle sorte— vu —
que, si le manuserit original était tombé, anonyme, dans les
rues de Buenos Aires, il n’eut pas été malaisé de mettre au
bas la vraie signature: il n'y a pas deux hommes dans ce
pays qui pourraient écrire ce livre a, je dirai plus, on
écrit une fois «Los Indios Ranqueles», on ne. les recommence
pas.
J’ai lu ce livre en une seule nuit, comme j'ai lu Monte-
Chisto, j’étais arrivé 4 la dernitre page, et A la derniére
ligne, que je lisais encore, je révais plntot, perdu dans le
charme infini de cette puissante évocation, et voici que la
figure d'un autre célébre voyageur s'est dressée devant moi,
aceompagnée d'un cortége de noirs dans, les splendeurs d'un
Paysage inconnu,,. je pensais A Stanley... revenant de
l'Afrique Centrale... mais j'oubliais, ami lecteur, que vous
h’avez pas encore lu ce livre... commencez done, et yous
m'en donnerez des nouvelles.
Dastet Garcia MANSILLA.
Buenos Aires, 25 Septembre, 1890.