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cahiers du “DECADRAGES” * CINEMA FRANCAIS (V) Entretien avec Jean Eustache LES FILMS L’Argent de Ia vieille, Le Fond de I'air est rouge L’AVANCE SUR RECETTES EN QUESTION RENCONTRES AVEC DES TECHNICIENS(II) Entretien avec Renato Berta °° 284 JANVIER 1978 1SF CAMPAGNE D’ABONNEM AUX CAHIERS Notre campagne d'abonnements auprés des lecteurs continue, maigré la mise en vigueur de nos nouveaux tarifs d’abonnements. Tout nouvel abonné recevra, gratuitement, fa table des matiéres du numéro 200 au numéro 275 des Cahiers du Cinéma. POUR 12 NUMEROS : FRANCE : 150 F ETUDIANTS, LIBRAIRES et MEMBRES DE CINE-CLUBS : ETRANGER : 185 F ETUDIANTS, LIBRAIRES et MEMBRES DE CINE-CLUBS : ABONNEZ-VOUS! (VOIR BULLETIN D'ABONNEMENT PAGE SUIVANTE) EDITORIAL Depuis maintenant prés de deux ans, les Cahiers du Cinéma ont repris leur parution réguliére, c'est-a-dire mensuelle. Cette régularité constitue d'ores et déja la base indispensable a la vie de la revue, a sa continuation, a ses projets. Les Cahiers ont connu en 1976 et 1977, on le sait, un certain nombre de difficultés financiéres. Une souscription avait été lancée au mois de juillet 1976 auprés des lecteurs et amis de la revue, qui avait permis de recueillir l'argent nécessaire pour franchir le cap alors difficile de l'été. Par ailleurs, alors que les Cahlers réorganisaient peu & peu leur adminis- iration et leur gestion, ils entreprenaient un certain nombre de démarches afin de résoudre la crise financiére endémique qui risquait, A plus ou moins long terme, de paralyser définitivement leur travail. Tout indique aujourd'hui que ces démarches sont en train d’aboutir, sous di- verses formes, a des résultats concrets. — Dans le proche futur, apport d'argent frais par le biais d’une opération d'augmentation de capital des Editions de l'Etolle (S.A.R.L. n’éditant, pour le mo- ment, que la revue) & laquelle participeraient, outre des membres de la rédaction, un certain nombre de personnes proches des Cahlers et intéressées par une prise de participation au capital social qui préserverait lindépendance rédactionnelle. — D'ores et déja, succés de la campagne d'abonnements lancée depuis deux mois — environ dix nouveaux abonnés par jour — attestant les possibili- tés d’élargissement du nombre de lecteurs des Cahiers. Nl s'agit aujourd'hui de consolider ces succés. La relance des Cahlers, la reprise commerciale et financiére ont besoin d’étre confirmées, dés aujourd'hui, par un effort portant sur les ventes en kiosque et surtout sur les abonnements. Nous nous sommes fixés l'objectif de 5000 abonnés en 1978, objectif réa- lisable pour peu que les changements amorcés se poursuivent : 1) Das le mois prochain, changement de présentation des Cahiers. Les lec- teurs se verront proposer, a partir du numéro de février 1978, une maquette plus aérée, une mise en page plus adéquate au contenu actuel de la revue. 2) Dés le présent numéro, la revue compte huit pages de plus. Désormais, les Cahiers seront composés sur 76 pages au lieu de 68. 3) L'effort entrepris pour ouvrir un pdle de réflexion sur de nou- veaux champs cinématographiques (cf. I'écho rencontré par les textes de Claude Bailblé et la rubrique «Rencontres avec des techniciens ») sera poursuivi, sans perdre de vue l'actualité cinématographique et tout en maintenant, plus que ja- mais, ce qui fait l'originalité des Cahiers : le travail théorique sur le cinéma. 4) L'année 1978 verra |'apparition d'un secteur d'édition. Un certain nom- bre de projets sont a I’étude. Les lecteurs des Cahiers seront informés, d'ici quel- ques mois, des premiéres publications. Pour mettre en ceuvre cette politique de rédaction et d’édition, les Cahiers ne comptent que sur le produit des ventes et des abonnements. Les coats actuels de fabrication nous contraignent a porter le prix du nu- méro a 15 F, le prix de l'abonnement augmentant en conséquence (d’autant qu'il porte sur 12 numéros par an et non plus sur 10). Cette augmentation devrait nous aider A couvrir les frais supplémen- taires entrainés par l'augmentation du nombre de pages et I'amélioration de la présentation de la revue. Toutes transformations entreprises pour répondre aux exigences de plus en plus explicitement formulées par nos lecteurs (et dont temoignera bientdt la reprise d'un courrier). La Rédaction en Chef. PARAL) CINEMA be Réve de singe. te desler film de Marco. Ferrer wma TANVIER 178 EDITORIAL oar ‘QUESTIONS DE FIGURATION Décadrages, par Poscel Govier SS™~—SSC‘“‘ OD CINEMA FRANGAIS (Vv) Entretien avec Jean Fustache p16 Sur Une sale Ristolre, par Bernard Boland °. 8 TROISIEME FESTIVAL DE PARIS Sept films hongrois, par JeanPaul Fergier p32 1 Enratien aves Marta Meszaros p34 13 Sur trois films da Marta Meszaros, par ThérBea Giraud 2.37 ato Zenussl), par 5, Le Rove du destin (Dariush Mehrjui), par Serge Le Péron aa ‘camaues Argent de le vielila (Lo scopone scientifico, Comencini). par Danitle Dubroux _p. 42 Table ronda sur Le Fond de lair est rouge (Marker) p46 NOTES SUR D'AUTRES FILMS epérages (Souter) Le, Null Tous Jos chat sont ori, (Zingg) Pardo, (Sr out), Nous somme its. arebes on lsra6l (Niddam), Le Crabe- fEinbour (Senonndoror) Audet au blon ot de mat (Cavan) p. 82 AVANCE SUR RECETTES EN QUESTION Positions, par Jacques DoniolValeroze B56 RENCONTRES AVEC DES TECHNIGIENS (II) Entretion avec Renato Berta oa PENT JOURNAL Semaine du Cinéma sovidtique, par Jean-Paul Fargior 270 Jalvision, par tous Skorecks ——SS™~™~—sSC‘“‘C*S*S*~CSsS REDACTION EN CHEF : Sergo DANEY, Sorge TOUBIANA. SECRETARIAT DE REDACTION ET EDITION : Joan NARBONI, DOCUMENTATION : Thérdes GIRAUD. REDACTION : Pascal BONITZER, Joantouls COMOLLI, Danidle DUBROUX, Thérése GIRAUD. Pascal KANE, Serge LE PERON, Jeon NARBON!, JeanPlerre OUDART et Louis SKORECKI, Les ma nuserits ne sont pos rondus. Tous droits réservés, Copyright by les Editions de l'Etoile. CAHIERS DU CINEMA. Revue mensuolle de Cinéma. 9, passage de 1a Boule-Blanche (G0, rue du Faubourg-Saint-Antoine), 75012 Parls, Administratlon-abonnement ; 343.98.75. Redaction + 343.8220, Chaque mois : 2 numéros Avant-Scene Cinéma Shadows, J. Cassavetes - N' 197, 1" décembre Annie Hall, Woody Allen - N’ 198, 15 décembre Cinéma industriel, index analytique des 200 premiers numéros de l'Avant-Scéne Cinéma, La Cinémathéque idéale. N’ 199-200, 1”-15 janvier Rappel : Spécial Murnau (Faust, Le Dernier des Hommes, Tartuffe) (n‘ 190-191) ; Le Dernier nabab (n’ 192) ; Spécial Griffith (Naissance d'une nation, The Battle (n° 193-194) ; Providence (n‘ 195) ; Les Dames du boils de Boulogne (n’ 196). En vente en librairies, en kiosques, ou au siége de la revue : nv ordinaire : 10-F (Etr. 12 F) - n° spécial : 20 F (Etr. 24 F) @ « L'Avant-Scéne » a édité 1000 piéces et 200 films. ™ Textes intégraux et photos. Le numéro 10 F. (Etr. 12 F). ™ 15000 abonnés dans 65 pays. 27, rue St-André-des-Arts, 75006 Paris - C.C.P. Paris 7353.00 V Tee eC Rn eens Ee Pe CAL me ee Coe a De Cue Eee 5 27, rue Saint-André-des-Arts, Paris-6° - C.C.P. Paris 7353.00.V Les parentheses de l'eau, de Leonardo Cremoninl Deécadrages par Pascal Bonitzer Questions de figur La perspective, la rencontre de la peinture et de optique géométrique eucli- dienne. la soumission miraculeuse des corps figurés aux idéalités mathémati- ques, toute cette science de la Renaissance a un sens profondément équivoque, comme le notait Panofsky dans La Perspective comme forme symbolique (Ed. de Minuit): « On est tout aussi justifié & concevoir l'histoire de la perspective comme un triomphe du sens du réel, constitutif de distance et d'objectivité, que comme un triomphe de ce desir de puissance qui habite l'homme et qui nie toute distance, comme une systématisation et une stabilisation du monde exté- rieur autant que comme un élargissement de la sphére du Moi. Aussi la pers- pective devait-elle nécessairement contraindre les artistes & continuellement s'inwerroger sur le sens dans lequel ils devaient utiliser cette méthode ambiva- lente : la disposition perspective d'une peinture devait-elle se régler sur le point oceupé effectivememt par le spectateur (..), ou alors fallaitil, d Vinverse, de- mander au spectateur de ‘adapter par ta pensée & la disposition adopiée par le peinire 2» (op. cit.. pp. 160-161). Parmi les querelles théoriques engendrées par cette alternative, Panofsky cite la question de la distance (longue ou courte) et de obliquité ou non du point de vue ; a titre d’exemple, i! oppose ainsi le Saint Jéréme d’Antonello da Mes- sina, peint a distance longue en situant le point de vue au centre du tableau ~ construction qui maintient le spectateur « a lextérieur » de la seéne -, et celui de Diirer, dont la distance courte et la vue oblique produit un effet d'intimité et donne Fimpression d'une « représentation déterminée, non pas par les lois ob- Jjectives de Varchitecture, mais par le point de vue subjectif du spectateur en- ‘rant a instant. » (op. cit. p. 172). En quelque sorte, la distance courte et Fobliquité du point de vue « happent » le spectateur a T'intérieur du tableau. Cette séduction du spectateur par le dispositif, 1a peinture classique en a poussé leffet plus loin encore, au prix d'une stupéfiante centrifugation de la composition. L'opérateur de cette « centrifugation » (je n'ai pas d'autre terme sous la main), c'est le regard. Le Saint Jéréme de Diirer est penché sur son écritoire, faisant du spectateur le voyeur de sa méditation : mais s'il levait la iéte et regardait. que se passerait-il alors ? Le plus célébre tableau jouant de cet effet est, on le sait, Les Ménines de Velasquez, qui représente une scéne dont Jes principaux acteurs sont situés a extérieur du tableau, a la place méme du spectateur de celui-ci : leur image est fuligineusement évoquée en abyme par tun miroir situé au point de Fuite de la perspective (il s'agit, faut-il le rappeler, de Philippe IV et de son épouse) ; mais ce qui les rend si présents. si nécessai- res dans la scéne, c'est que tous les regards des personnages du tableau sont dirigés vers eux. qui posent pour le peintre auloportraituré. Je n’insisterai pas sur les implications générales de cette représentation, qui ont été analysées par Michel Foucault ( Les mots et les choses). Je veux seulement souligner I’ ueil et Maudace de cette séduction supréme, qui force le spectateur ac {ue lat scéne se poursuit au-deld des bords du cadre, et le maintient en dedans tout en le repoussant au dehors, qui multiplie la puissance de la représentation Wy évoquer l'irreprésenté. sinon Tirreprésentable, et qui lui fait ouvrir un es- pave illimité (indefinitus). En aucune autre wuvre peut-étre les positions respectives de l'artiste et du souverain ~ a 'époque classique du moins ~ ne sont mises en scéne de fagon aussi retorse, aussi lendue, aussi dramatique (faisant du spectateur anonyme le témoin fasciné et Farbitre de ce drame). Nul doute que Vélasquez n’en dit ici beaucoup plus que ce qu'il semble dire, et que tant de science et de hardiesse déployees n’enonce quelque chose d'une tension entre Mhumilité du courtisan el la maitrise de Fartiste. La représentation nest pas, si elle fut jamais, ce re- doublement maniaque du visible ; elle est aussi évocation du caché, jeu de la rité avec Ie savoir et le pouvoir. 9 dons s0 cellule, d’Antonetio da Messing Saint Jéréme dens son cabinet, d'Albert Ooi Poste. ’ La Notte, de Michelengelo Antoniont 10 Questions de figuration Vertiges, de Crémonini Décadrages " Lespace sans maitre de la représentation moderne est lui aussi truffé de lacu- nes, de sollicitations de invisible et du caché, pourtant ce jeu s'est compli- qué. ou plutat s'est obscurci, en méme temps il s'est aplati et simplifié. Dans ta peinture, aujourd'hui, Cremonini, Bacon, Adami... ou certains hyper- réalistes, Ralph Goings, ov Monory ~ on pourrait multiplier les exemples - jouent beaucoup des caches et des décadrages qui font du tableau le lieu d'un mystére. d'une narration interrompue et suspendue, d'une interrogation éter- nellement sans réponse (les surréalistes aussi T'ont fait mais, pour la plupart, sans sublilité). Je voudrais insister sur le procédé que j'appetle, faute de mieux, décadrage. C'est tout & fait autre chose que la « vue oblique » de la peinture classique. Cremonini par exemple : ses salles de bains, chambres d'amants, compartiments de trains (Les parenthéses de l'eau, Posti occupati, Vertiges, etc.) me paraissent plus intéressants, en tout cas plus séduisants, que les Cavaliers et Bacufs 1ués de ses premiéres toiles, & cause justement des an- gles insolites, des membres tronqués en amorce, des reflets insuffisants dans des miroirs troubles, dont les derniéres sont hantées. Il est vrai que l'invisibi- lité partielle du décor et des personnages, ici, et a Vinverse des Ménines, est sans importance du point de vue de I'identité, du visage véritable de ces per- sonnages : il s'agit de nimporte qui, de n’importe oii: homme moyen, l'habi- tat de masse. Pourtant un effet de mystére, d’angoisse, de demi-cauchemar capture le spectateur. Je m'étonne a ce propos qu’on ait si peu remarqué com- bien la peinture, en pareil cas, cite ou semble citer le cinéma. N'est-ce pas le cinéma qui a inventé les champs vides, les angles insolites, les corps parcellisés en amorce ou en gros plan ? Le morcellement des figures est un effet cinématographique bien connu ; on a beaucoup glosé sur la monstruo- sité du gros plan, Le décadrage est un effet moins répandu, malgré les mouve- ‘ments d'appareil. Mais si le decadrage est par excellence un effet cinématogra- Phique, pourtant, c'est précisément a cause du mouvement, de la diachronie ddes images dans le film, qui permettent d’en résorber, autant que d'en déployer les effets de vide, Une ferrme, par exemple, écarquille les yeux avec horreur devant un specta- cle quielle est la seule a voir. Les spectateurs voient, sur l'écran, sur la toile, expression d'horreur de cette femme, la direction de son regard, mais non objet. la cause de cette horreur, hors du cadre. Je me souviens ainsi d'une toile de Dino Buzzati (Uéerivain) représentant une femme hurlante, apparem- ‘ment nue, saisie en buste dans le cadre d'une fenétre, je crois, ou méme dans un carré conventionnel de bande dessinée, et les yeux fixés sur une chose in- connue située d'aprés son regard a pew prés 4 la hauteur de ses genoux ; une lé- gende inscrite 4 méme la toile, comme dans les bandes dessinées, soulignait avec un parfait sadisme, d'une interrogation banale (qu’est-ce qui la fait done crier comme ga ? - je n'ai pas souvenir du texte exact), le caractére énigmati- que de la chose en question. Dans le tableau (il en serait bien entendu de méme en photographie), 'énigme est évidemment destinge a demeurer en suspens, ‘comme I’horreur exprimée par le visage de la femme, puisqu’il n'y a pas de dé- veloppement diachronique de image. Au cinéma en revanche (et dans les- bandes dessinées. qui en imitent le principe), un recadrage, un contrechamp, un pano, etc., peuvent ~ et done d'une certaine fagon doivent, si auteur ne veut pas étre accusé d’entretenir volontairement ta frustration des spectatgurs montrer la cause de cette horreur, répondre a la question soulevée auprés des spectateurs par la scéne tronquée, voire répondre au défi ouvert par cette béance : de la combler, soit de produire un semblant satisfaisant de la cause, tel, autrement dit, que les spectateurs puissent en éprouver véritablement "hor- reur. Le suspense consiste différer, pour la nourrir, cette satisfaction. 2 Toute solution de continuité, sans doute, appelle réparation, coaptation. En occurrence. on peut noter que cette solution de continuité est double : scéno- graphique et narrative. Ces deux plans ne se recouvrent pas. Le second est produit par le premier, en ce sens que faire du cadre un cache, donc l'opérateur dune énigme, est nécessairement embrayer un récit (1). A charge pour celui-ci de boucher Je trou, la terra incognita, la partie cachée de la représentation. Dans le tableau de Buzzati, comme dans tout tableau, c’est au spectateur que revient la charge de ce récit, puisque le tableau ne peut qu’amorcer. Ce n'est pas un hasard si l'un des rares cinéastes 4 mutiler sans rémission les corps par Te cadrage, a « casser » systématiquement et sans repentirs lespace - je veux parler de Bresson. plus que d’Eisenstein — se fait une gloire de penser le « ciné- matographe » en termes de peinture (cf. Notes sur le cinémat ographe, NRF). Straub, Duras, Antonioni aussi sont peintres, par l'usage de cadrages insolites ct frustrants. Is introduisent au cinéma quelque chose comme un suspense non narratif. Leur scénographie lacunaire n’est pas destinée a se résoudre en une « image totale oli viennent se ranger les éléments fragmentaires », comme le voulait au contraire Eisenstein (« Montage 38 » in Réflexions d'un cinéaste,) Une tension y perdure, de plan en plan, que le « récit » ne liquide pas ; une ten- sion transnarrative. due & des angles, des cadrages, des choix d'objets et des urées qui meitent en valeur linsistance d'un regard (comme la toile de Buz- zati le fait sur un mode érotique) ou Vexercice du cinéma se redouble et se creuse d'une interrogation sitencieuse sur sa fonction. Le décadrage est une perversion, qui met un point d'ironie sur la fonction du cinéma. de la peinture. voire de 1a photographie. comme formes d'exercice d'un droit de regard. Il faudrait dice en termes deleuziens que art du déca- drage. le déplacement dangle, Vexcentricité radicale du point de vue qui mu- tile et vomit les corps hors du cadre et focalise sur les zones mortes, vides, stéri- les du ironique-sadique (comme il est clair dans le tableau de Buz- ali Jtimerais citer aussi les dessins d’Alex Barbier, qui paraissent trop rare- ment dans Charlie mensuel). Ironique et sadique pour autant que cette excen- tricité du eadrage, en principe frustrante pour les spectateurs, et mutitante pour les « modéles » (lerme bressonien), reléve d'une maitrise cruelle, d'une pulsion de mort agressive et froide : usage du cadre comme tranchant, le rejet du vivant (par exemple, 'étreinte des amants dans Vertiges de Cremonini) a la Périphérie, hors du cadre, la focalisation sur les zones mornes ou mortes de la scene. la louche exaltation des objets triviaux (e.g. la sexualisation des lava- bos. des ustensiles de salle de bains, chez Cremonini encore), mettent en valeur Farbitraire du regard dirigé d'aussi curicuse maniére, et peut-éire jouissant de ce point de vue stérile Peut-éire. Car ce regard, aprés tout, n’a qu'une existence fantomatique. Le re- gard n'est pas le point de vue. Ce serait, s'il existait, la jouissance de ce point de vue. C'est la bizarrerie du point de vue qui le suppose, la bizarrerie impli- ‘quée par le décadrage, puisque ce que j'appelle décadrage, peut-étre impropre- ment, ~ la déviance du cadrage, qui n'a rien a voir avec Pobliquité du point de vue (2) ~. n'est rien d'autre que cette bizarrerie remarquée. Cette bizarrerie se remarque de ce qu‘au centre du tableau, en principe occupé dans la représenta- tion classique pat une présence symbolique (image des souverains dans le m roir des Ménines, par exemple), il n'y a rien, il ne se passe rien. L'eil habitué (Gduqué "a centrer tout de suite, a aller au centre, ne trouve rien et reflue ala périphérie, ou quelque chose palpite encore, sur le point de disparaitre. Fading de a representation, et qui se refléte aussi souvent dans les figures, dans les themes de ladite représentation : les autos vides et les drugstores déserts de Ralph Goings. les viandes affolées de Bacon, les aveugles a demi cadavres de ‘Cremonini (3), fes yeux caviardés de Monory... L'ironie, c'est montrer froide- ment, dire froidement la cadaver Questions de figuration 1, On connait la distinetion bazinienne entre le cadre et le cache, «Les limites de Perm ne sont pas. comme te ocarutaize technique le las serait parfois enendre, le ca ddrede Tinage, mais un eaehe gquine peut que démnasquer lune partie dle ta réalité, Le cendre polavise espace vers Te dedans, rout ce que Fran tnous: monte est aie contraire cease se protonger indgfin- iment dans Fmaivers. Le cadre est evmuripéw, Péeran comri= uge.+ (« Peinure et hema a. in Qv'estoe que fe cinéina 7, P, 128). Ri ajouter i cela, sinon que ces eux propriclés peuvent mu- tucllement se pervertir. comme daulleurs le monte Bazin. 2. Sut Tobliquité du point sfe vue et lt suture de la posi tion subjective du spectateur nis classique, : Oudart, La Sue tre, Cahiers 209 ot 21 2. Althusser a eommnené (Cromunini peiatre de Fabsiraith, chee Ceenvonini tect eile et cette mile renee des visages, et Tétrange absence qui les hamte :« Une absence purement negative, celle de fa fonetinn purement Inananiste gui leur est rape se, ef girs refsent et nme absence pasitive, determing, celle de tw structure du ‘monde qui tes determine, qua en fait les. Gires. ananenes quis som, effets structurany dex rapporis véels quit tes amcernen. © Un peu plus Fon dans le méme article, AF tusser qoute t « He peut spend » cette abstraction (qui la condition Wire pré= Sent dans si peiannire sons la Dar kes r= urs quill pent: sous. ta forme de lenr ubsenee. est- distire en Fespéce sous la forme ds sa propre absence. © faut envendee pose, le refus de toute uquee (remaryuse, ‘Althusser, au point gui Py voit redou: Dive). ECT'on peut voir aussi bien dans une tell + ab- Décadrages Chronique d’Anna Magdelena Bach, de JeanMarle Straub Le Disble probeblement, de Robert Bresson Questions de figuration Vertigo, daltred Hitchcock Décadrages sence», qui barre aussi la toile & grandes lignes eontes tant hi profondeur. comme Finseription pure du sujet mat, évanouissant, du « dise cours de la seience » ob Al thusser tend ai ranger les énoneés pieturaux de Cre nini. et qui n'est rien que cette absence remarquée, 4. Sur opposition ironie- humour, sadisme-ma- “voir Gilles De- leuze. Présentation de Sacher-Masuch (Minuit, 10/18}, Gilles Deleuze ef re Parict Duel (Flammarion) notumaent pp. 83-84. Quant a la photo, pihic. je pense entre autres a un album pary Manne ud niére. de Helmut Newion, Femmes: seerétes. (Flaming rion) photos érotiques de luxe, et a une hésitation si- gnifiemive du préfacier vil de Newton est inh main, Jroid, et de bien des maniéres cruel, Nulle chaleur nie tempére Fhuntott oa: re son eure, ef pronrtant Thumour — ow peursire serultit plus appioprié. de dire Fironte = s'v donne libre ceours.» Un pew plus = Ces feunnes at physique angjeours.frappant Sassijer~ vissent pourtant, dans. te invone the Newton sem evil de mmitre, 01 elles Sy trans Jormem en symbols dom Tunrrait érotique est déipouillé plus personnes mais. perso rue. © HE agit ici bien si Wun exemple un peu particu hice. Sur Ia fonction ironique et dénonciatriee de ku photo, ravoie plus gengrafeme Portraits (Avedon, yur exemn= be 1s Ceue obsession du maitre dans un espace sans maitre, cette obsession de la place du maitre. corrélative trés souvent d'une néo-maitrise hystérique (Phyper- réalisme), ont certes quelque chose de déplaisant et de sinistre, dans leur duction méme. C'est le e6té mortifiant du décadrage qui est pénible et sans hu- mour. La photographic, par exemple, qui est par excellence l'art du cadrage et du décadrage (un morceau de réalité détaché a vif ou a froid, par Linstantané ou la composition), est un art fonciérement dénué d’humour, voué A "ironic, & ta dénonciation (4). Or le cinéma, sur ce point, présente plus de ressources, peut-étre & cause du mouvement qui est sa loi, et des événements qu'il est contraint de produire : les événements au cinéma, tout ce qui sidére le cadre, ont toujours la forme de humour — le gag, cest-idire Ia catastrophe non tragique, qui nest ni du commencement (péché) ni de la fin (chatiment), mais surgit par le milieu et procéde par répétition, est le prototype de I'événement cinématographique -, il y une puissance de basculement du point de vue et des situations qui appar- tient en propre au cinéma. Ce qui est important chez Godard, par exemple, ce n'est ni le cadrage ni le décadrage. c'est ce qui vient sidérer le cadre, comme les tracés vidéo a la surface de l'écran, lignes, mouvements qui dégoivent toute immobilité maitrisante du regard. Dans les plans fixes de 6 x 2, ce qui importe n'est pas le sadisme apparent du cadre statique, mais la durée qui s'y combine pour produire des évenements de voix, de gestes. Le décadrage, en ce sens, mest pas diviseur, morcelant (il n'est tel que du point de vue de l'unité classi- que perdue), il est au contraire multiplicateur, générateur d’agencements nou- veaux. - Aussi bien, comme le montre l'apologue de Jean Eustache, Une sale histoire, Tironie sadique du cadrage excentrique peut toujours basculer, de fagon humoristique-masochiste, sur lenvers du décor. Le grand ironiste, le maitre, c'est Hitchcock, qui ne le montre jamais et dont Truffaut résume ainsi une des déclarations : « I y a done une chose que tout cinéaste devrait admetire, c'est que, pour obtenir le réalisme é U'intérieur du cadrage prévu, il faudra éventuel- lement accepter une grande irréalité de Vespace environnant ; par exemple un gros plan de baiser entre deux personnages censés se tenir debout sera peut- Gire obtenu en plagant les deux personages d genoux sur une table de cuisi- ne. » (Le cinéma selon Hitchcock, Seghers, p. 296. Cf. aussi tout le passage sur Psycho dans le méme chapitre). Mais ce qui fait ’espéce de charme de Phis- toire de Piq/Lonsdale, et du film d’Eustache une legon éthico-théorique de ci- rnéma, c'est que le trou soit a ras du sol, et que le voyeur doive opérer ta joue contre fe carrelage, les cheveux menaces de trainer dans la pisse. L’humour, c'est laveu gai du sravail que cette posture lui a coité, et d'y avoir puisé ce sentiment de dignité sur le mot duquel se clét, par deux fois, le film, Pascal BONITZER 16 Cinéma frangais (V) Entretien avec Jean Eustache Jean Eustache. A voir ce qu’ est devenue la criti que de cinéma professionnelle ces dernieres an- nées, je m'attendais a ce qu'elle ne sache pas comment parler de Une sale histoire, qu'elle se déclare incompétente d'une fagon ou d'une autre et j'avais pensé que pour ce film il faudrait faire appel des gens extérieurs, des philosophes, des psychanalystes, ceux qui s‘intéressent au lan- gage de la sexualité, au « discours amoureux ». Ce n’est pas par opportunisme que j'ai choisi ce sujet, mais il se trouve, c'est comme ga, qu'il est dans lair du temps. Depuis une dizaine de jours, j‘assiste a peu prés ce que j’avais prévu : dans une revue médicale, par exeniple, j'ai trouvé une page écrite par une femme, qui s‘intitule : Les fantasmes phallocrati. Jean Eustache fet Maurice Pialat (tounage de Mes petites amoureuses} ques d'un cinéaste raté, et dans laquelle elle dit que Pig est un maniaque, Eustache un débile et que Lonsdale devrait se faire analyser pour avoir accepté de participer 2 une aventure pareille. Depuis 68, un cinéma, une idéologie, a pris le pouvoir, et ca s'est passé ati niveau des créateurs comme au niveau de l'exploitation, de la presse. La multiplication des petites salles. les trusts, en sont la preuve, l'inégalité des chances aussi - qui existait déja bien sar, mais qui s’est accentuée. I! y a également inflation d’auteurs qui ne font plus de films ou ne sortent pas les films qu’ils font. Toute une série de contradictions, dont des ten- dances a succés se dégagent. Les De Funds- Belmondo, Verneuil-Zidi sont des entreprises comme Walt Disney, purement commerciales, Entretien avec Jean Eustache pour amuser; & ma connaissance jamais ces gens ne prennent la parole sur le cinéma. Je n'ai Jamais eu connaissance d'une interview de Zidi par exemple ; il travaille, il fait ses films, il fait énormément d’entrées, i] répond a la demande. De ce cinéma trés commercial la presse rend trés peu compte Les autres tendances du cinéma francais, de- puis 68, on en trouve deux : la direction Claude Sautet, et la direction Pascal Thomas. 1 semble qu'une bonne moitié des films soit faite par Pas- cal Thomas ou ses préte-noms et l'autre par Claude Sautet ou ses préte-noms. Il y a des mois ‘oi on voit sortir trois films de Pascal Thomas. En revanche, il y a dix-quinze ans, il y avait au moins un film par mois qui, s'il n’était pas un chef-d'ceuvre, était au moins stimulant. Dans les années 59-60, tous les premiers films de ce qu'on a appelé la nouvelle vague affir- maient un eréateur, un cinéaste : A bout de souf- fle, Le Signe du Lion, Adieu Philippine, Lola, Les Bonnes Femmes, Les quatre cents coups. Depuis 68, on ne trouve pas une fois par mois une chose pareille, on la trouve trés rarement. Les films qui mont donné des raisons d’aimer le cinéma de- puis cette époque, il y en a deux ou trois, pour moi c'est ceux de Rozier et de Pialat.. Les films que j'ai préférés I'an dernier, c’étaient Les Nau- Sragés de I'tle de la Torte, qui a fait un flop mal- gré la présence de Pierre Richard, et La Gueule ouverte, également un flop. I] semble que le ci- néma de création, celui qui stimule - méme bien sorti, dans un certain nombre de salles, comme c‘était le cas pour ces deux films -, méme sou- tenu par la critique, soit refusé par le public. Crest un phénomene que je ne peux pas analyser, mais que je constate chaque fois. En revanche, des films intelligents et sensibles, mais que je ne considare pas comme des films intéressants, ont un certain succés d’estime. Par exemple, Elles deux, de Marta Meszaros, que j'ai vu au Festival de Paris, est un film intelligent et sensible, fait avec des professionnels extraordinaires, on voit qu'ils ont le temps de travailler, techniciens ot acteurs sont extraordinaires. Tout ga, c'est trés bien, pas putain du tout, mais ga me paratt pr @tre encore plus dangereux profondément sur la déviation du goat, On s‘éloigne de ce qui est, a mon avis, la raison d’étre du cinéma : le cinéma c'est le pied, si l'on peut dire. Tl n'y a pas un film de Renoir, si tragique qu'il soit, ot je ne prenne pas mon pied, méme si je pleure tout le temps. Jai revu Le Fleuve & la télé hier, c’était hélas en version frangaise mais, 70% de la bande-son étant du commentaire, ce n’était pas trop grave. ‘Quand ont voit le film en salle, la copie est toute cassée, trés difficile a suivre, ld c’était une copie- image impeccable. C'est une émotion extraordi 7 naire, aussi forte que La Regle du Jeu et c'est aussi un plaisir, une jouissance... Cette jouis- sance donc, je la trouve absente des films intelli- gents et de bon godt dont je parlais. ‘Je demeure fidéle a mes options de cinéphile. Je waime plus Preminger et Minnelli ; mais les fon- damentaux : Renoir, Dreyer, Mizoguchi, sont res- lés intacts. Je revois réguliérement leurs films. Cahiers. Les deux tendances dont tu parlais, comment se fait-il qu’elles tiennent ? Peux-tu préciser aussi leur opposition, ca n'est pas du tout pareil quand méme ?... Eustache. Dans la lignée Sautet, il y a Taver- nier, Bertucelli et d'autres. Dans la lignée Tho- mas, ily @ Claude Berri, Michel Lang. Ce sont des recettes, des fabrications de’ produits. La sincé- rité de ces auteurs, je ne la mets pas en cause, C'est tout a fait inconscient chez eux. Je crois que ces gens-la sont trés sincéres : ce qui me trouble, c'est que je comprends mal ce qui est profondé- ment leur propos, pourquoi ils font du cinéma, au fond. 11 y a aussi Boisset et Costa-Gavras dans un autre genre. Cahiers. Qu’est-ce que tu rencontres comme obstacles pour faire tes films ? Eustache. Je ne fréquente pas Pialat ni Rozier, mais le fait quiils tournent aussi peu que moi prouve qu'on doit avoir des difficultes commu- hes. Il y a des difficultés économiques et des dif- ficultés personnelles qui sont également des diffi- cultés économiques. Il doit y avoir quelque chose dans !’époque qui ne stimule pas le désir ou Ja né- cessité. Je le dis parfois sous forme de boutade. Quand je vais présenter mes films & l'étranger, ¢a m’airive (les discussions sont partout les mé- mes, dans tous les festivals du monde, les ques- tions sont les mémes que dans le ciné-club d'un petit village francais), on me demande souvent pourquoi j'ai voulu faire ce film-la. En dehors des petites réponses anecdotiques qui n’ont pas grande importance, je me suis apercu que la seule raison que je pouvais donner, c'est : par né- cessité. Les films que j'ai faits, j'ai senti un besoin impérieux de les faire, et 8 n’importe quel prix que bien souvent j'ai sacriffé la qualité pour les faire quand ménie. Je les faisais sans les moyens professionnels et techniques avec les- quels il fallait les faire, en pensant, pendant le toumage : «Je m’en sortirai toujours », « Le rap- port qualité-prix, je le tiens ». Avec le temps qui passe on oublie un peu ces soucis et on se dit :« La, Jai raté, je n'ai pas été assez exigeant », et on s‘apergoit qu'on le savait déja & Yepoque et on est tres emmerdé, Je n’aime pas revoir mes anciens films et je m’en veux beaucoup de ne pas les avoir mieux faits. Je me suis apercu que déja, a l'époque, j'en connaissais les défauts et que c’est Cinéma frangais (V) pour des raisons pratiques, matérielles, tenant au plan de travail par exemple, que je n’ai pu ob- tenir davantage. Sur le moment, je pensais «Avec le tric que jai, je m’en tire au mieux. » En fait, ce mieux est relatif. Pour comparer avec un écrivain, ou un peintre, son exigence c’est son temps. Son’ temps caiite moins cher que celui d'un tournage. Dans l'ensemble. on peut dire que si Yon a si peu de créateurs importants au ci- néma, le fait que Je cinéma soit une industrie joue beaucoup. TI faut avoir un immense savoir, tun immense talent pour détourner ces contrain- tes économiques. Beaucoup y ont laissé des plu- mes, Maintenarit, je commence a me dire : « Ce que je votilais faire était quand méme mieux que ce que j'ai fait. » Cahiers. Tu dis que tu tournes par nécessité. Est-ce qu'il y a des projets que tu n’as pas pu ré- aliser entre La Maman et la Putain et Mes Petites Amoureuses ? Eustache. Je pouvais faire Mes Petites Amou- reuses immédiatement aprés La Maman et la Pu- tain, mais il fallait que ce soit l’été,-et il n’y avait matériellement pas le temps de Je tourner en 6té 73, j'ai donc attendu un an. Depuis, je n'ai pas fait de projets, parce que j'ai décidé - pas par ca- price ~ de ne pas écrire de film tant que je ne sau rai pas s'il sera, s'il pourra étre produit, et quand et comment il le sera. Mes Petites Amoureuses y sont pour quelque chose. Jusqu’a La Maman et a Putain je n’ai.écrit que des films fauchés. La Maman et la Putain est un film trés pauvre, dont le budget était inférieur a 700 000 francs, Pour une durée pareille... Mes Petites Amoureuses est Je seul film que j’aie fait dans les conditions habi- tuelles du cinéma et c'est le seul de tous mes films courts, moyens ou longs, qui a &é un véri- table échec financier. Je me suis apergu qu’en tournant. dans des conditions traditionnelles, économiquement, je ime cassais la gueule. Je né peux pas ne pas en tenir compte. L’écriture d'un long métrage demande huit a douze mois de tra- vail, puis il y a la préparation, le tournage, le montage, la sortie, la promotion du film. Ga prend deux ans. Le salaire moyen, quand on n'est pas un réalisateur-vedette, ne permet pas de vivre wois ans. Pour un type qui marit un film, qui Yécrit, qui est la depuis avant le début jusqu’a- prés la fin, le salaire normal est voisin du $.M.I.C. Le technicien qui passe trois mois sur un film, ensuite il a besoin de repos, il se repose un mois, fait un autre film de deux mois, il n’a pas la charge du réalisateur. L’auteur-réalisateur a une charge particuliére qui n'est pas vraiment recon- nue, peut-étre parce que I’on pense parfois : si je fais un gros succes, je vais avoir un tel salaire que je pourrai vivre sur un film pendant dix ans, doné si jen fais un tous les trois ans... On devient un réalisateur-vedette quand on fait 800 000 en- Entretien avec Jean Eustache wées sur Paris. Sur le nombre de gens qui font des films, je ne crois pas qu’il y en ait une di- zaine. C'est la raison pour laquelle j'ai décidé que, méme si les films que je fais ne sont pas liés & Tactualité immédiate, je ne voulais pas écrire quelque chose sans étre sir (un minimum) de le faire quant aux moyens et aux dates. On ne concoit pas un film de la méme facon si on sait qu'il va codter 100 millions ou 600. On a eu des exemples : quelqu’un écrit un scénario pour un film d'un budget de 600 millions, il arrive a le monter pour 120, il se dit : «J'adapte». Ga ne peut pas donner un trés bon résultat, Je me sou- viens d’avoir lu le premier scénario de Souvenirs d’en France de Téchiné. Il était extraordinaire mais jétais affolé a Iidée du budget, toutes les séquences étaient chéres. C’était un film d'un prix exorbitant, Il a trouvé une production et récrit le scénario. C'est un film trés intéressant mais j'ai été dégu, quoiqu'il se soit admirable- ment ‘tiré du rapport qualité-prix. Malgré le soi-disant succes de La Maman et la Putain, Je n'ai pas eu une seule proposition. De ma vie je n'ai pas eu une seule proposition. La seule que j’aie jamais eue, c’est : « Si vous avez un scénario, venez me voir. » Ce qui veut dire : tra- vaillez huit 4 douze mois, venez me voir et puis nous verrons. Il y a dix ans, j‘aurais peut-dtre es- saye de le faire, maintenant je m’en sens incapa- le. Cahiers. On a un peu limpression qu’Une sale histoire, tu as fait comme un raid dans la pro- duction, en ne comptant que sur toi, et que main- tenant tu jubiles un peu en voyant les réactions de la profession... Eustache. J‘ai voulu faire un coup artisanal, c'est pourquoi j'ai été dela conception @ la sortie en salles. Je suis producteur - réalisateur - distri- buteur du film. Pour un petit métrage, c'est pos sible de s'occuper de tout. Ga demande beaucoup de travail, du temps perdu, dans la mesure od je ne suis pas qualifié pour faire ce travail, je mets beaucoup plus de temps que la machine qui fone tionne. Je pensais que cétait possible. Si cette opération marche ga ne veut pas dire : faites comme ga. Ca veut dire : voila ce qu'il ne faut pas faire, c'est I'exemple meme de quelque chose qui ne marche qu’une fois, c’est une exception & tous les niveaux, celui du sujet d’abord. Ce n'est pas une provocation, j’ai cherché des produc- teurs, des distributeurs, je ne les ai pas trouvés. Devant cette carence, je me suis occupé de tout, artisanalement : pas en amateur, c'est profes- sionnel. Je crois que ga peut devenir une affaire saine économiguement, les gens ont été payés et peut-étre que je rembourserai les dettes que j'ai 6té obligé de’ faire. Je n'ai pas pu obtenir de eréance sur mon nom personnel, alors j'ai des 19 La Maman et Ia Putain, de Jean Eustache Adieu Philippine, de Jacques Rozier 20 dettes personnelles, et je pense que je pourrai les résorber en un an. C'est donc un film qui ne perd pas d'argent. De nos jours, c’est exceptionnel, de ce point de vue on peut considérer que c’est une réussite. Mais j'ai eu tellement de problémes pra- tiques, bureaucratiques, dans cette expérience, qu'un jour, sij’en ai le courage, j'aimerais rédiger un petit journal trés précis pour décourager les gens d’en faire autant. Le jeu ne vaut pas la chandelle. Cahiers, Est-ce que des gens comme Moullet ne sont pas dans la méme position par rapport au type de production, et de film aussi ? Eustache. Anatomie d'un rapport, c'est magni- To Fabel odd. tal pl tae fique, mais je ne sais pas comment il a sorti son de lean Eustache film, je sais qu'il a été trés estimé, mais il n’a pas fait énormément d’ entrées. Dans ces cas-la, c'est, sans doute une erreur de prendre un distribu- teur, pour des raisons purement pratiques. M j'ai traité directement avec les exploitants, grace @ une dérogation. J'ai fabriqué un programme, J'ai trouvé moi-méme des salles acceptant de le sortir, il n'y a aucune raison pour que je ne puisse pas traiter directement avec les exploi- tants. Un distributeur avence d’abord tous les frais de sortie : copies, publicité... La j'ai calculé qu'il me faliait environ 20 000 entrées pour cou- vrir ces frais. Et puis. comme pour le moment, le film est a moitié en 35 mm et en 16, je voudrais pour la sortie en dehors de Paris I'avoir entiére- ment en 35, et pour agrandir la partie 16 en 35 i me faut 20:00 entrées. C'est la raison pour la- quelle j'ai préféré sortir dans une salle et demie seulement, le 14 Juillet: Parnasse en séances nor- males et le St-André-des-Arts en séances spécia- les. Si j'ai 2000 entrées par semaine dans deux salles, le film peut tenir un certain temps. Si j'ai quatre sailes, je ne ferai de toute fagon pas plus de Enfence nue, de Maurice Piolat 2 000 entrées, et le film ne tiendra pas l'affiche, du point de vue exploitant ce n’est pas intéres- sant. Je pense que le public intéressé par mon film, il va le voir méme si le film ne passe pas dans son quartier. Je n’ai pas fait d'étude de marché mais je ne pense pas avoir fait de grosse Mes petites omourouses, erreur. De toutes facons, si ca ne marche pas stellen dans deux salles, ca n’aurait pas marché dans Cahiers. C'est quoi la nécessité du film ? Eustache. C'est une chose trés secréte que je n’ai jamais pu analyser ct je m’en suis beaucoup voulu ; depuis Le Pere Noél a les yeux bleus : je Yai écrit en une journée et je ne I'ai pratiquement pas retouché. Quand m'est apparu le désir de faire Une sale histoire, je me suis dit : « Mai C'est idiot, je connaissais histoire depuis tres longtemps, pourquoi ai-je éprouvé aujourd'hui Yenvie d’en faire un film ?» J’aurais pu gagner du temps en le faisant deux-trois ans plus tot. Entretien avec Jean Eustache Pour Mes Petites Amoureuses, ga s'est presque passé de la méme facon sauf que j'ai mis six a sept ans a lécrire, Je racontais lhistoire et je me disais : «| manque quelque chose, quand j'au- rai trouvé ce quelque chose, je I'écrirai » et pen- dant plus de six ans je n’ai jamais écrit plus des dix premieres lignes que je recommencais pério- diquement, jusqu’au jour ou je me suis dit : «Je vais quand méme essayer d’avancer, tant pis si ce n'est pas bon, j'avance. » J’ai écrit le film jus- qu’av bout, et je me suis apercu qu'il ne man- quait rien. Mais ce n’est pas un hasard si je me disais qu'il manquait quelque chose. C'est un phénomane que j'ai eu peur de regar- der en face. Cette Sale histoire, je voulais la faire depuis des années et je cherchais des biais pour Ja faire. D'abord, je pensais la mettre dans un Jong métrage, en faire une digression, ce qui au- rait 68 un peu difficile parce que l'histoire est longue. En littérature on peut se permettre une digression d'un chapitre entier : quelqu’un vient et raconte une histoire. Au cinéma ga se fait as- sez peu. Ensuite, je ne savais pas trop comment la tourner. je me posais la question de la mise en scane, de Tillustration de histoire et je n’étais pas satisfait par cette réponse. Ensuite j'ai pensé : «Ce qui est intéressant dans cette his- toire, c'est le réflexion, donc je ne vais I'illustrer qu’a moitié, illustration sera portée par le récit, ‘on verra tantdt I'action, tantot le récitant. » J’ai pensé que ce n’était pas bien non plus et, en der- nier lieu, j'ai trouvé que la seule facon de faire ce film c’était le récit, filmer le type qui raconte lhis- toire. C'est le film impossible a faire, je le déclare impossible. J’essaie de l'écrire, je ne peux pas, donc je le fais raconter. J'ai inclus ma pré- occupation et ma recherche dans le film. Ce n'est pas une impuissance a illustrer, pour ce film-la illustration n'est pas nécessaire, je préfére la ré- flexion. Jexpliquais un peu tout ga au début du scénario, Cahiers. Il y a peu de cinéastes « reconnus » qui osent faire un court, un moyen métrage, tater d'un genre réservé en France aux premiers films. Eustache. Le cinéma a quand méme beaucoup changé depuis les années 30. J'ai 'impression, peut-étre @ tort, qu’avant la guerre les films étaient plus égaux. S‘il y avait des devis variés, des petites productions, des grosses productions, la quasi-totalité des films avait, sinon une chance égale, du moins une certaine chance dans lour carriére — ce qui a bien changé : on assiste main- tenant a des devis faramineux, qui dépassent 2 milliards, tandis qu'il y a des gens qui arrivent, je ne sais par quelle combine, a faire des films de 50 millions. Les différences des budgets et des chances dans la carriére sont tellement grandes que la situation est incompréhensible. Avant guerre, un cinéaste qui avait fait un ou deux a longs métrages pouvait espérer continuer a tra- vailler, peut-étre pas en toute liberté, il ne faisait pas tous les films qu'il voulait faire avec tous les Moyens quil voulait - méme pour Renoir ce n’était pas si facile que a -, mais ca marchait tout de méme mieux que maintenant, Je m’expli- que mal, indépendamment du caractére de ces gens-la, comment Rozier n'a fait que trois longs métrages en vingt ans et Pialat trois en dix ans ? C'est assez peu quand on compare a la produc- tion des réalisateurs des années 30. Les difficul- és économiques sont trés importantes. Pour ma part, donc, Toscan du Plantier m’a dit : « Quand vous avez un projet, appelez-moi, vous savez ob me trouver. » Eh bien, je lui ai téléphoné une vingtaine de fois et je n'ai jamais réussi a l'avoir au bout du fil... Pour Une sale histoire j'ai tra: vaillé comme un débutant mais avec I'expérience que j'avais, A l’époque de La Maman et la Putain on m'a dit : « C'est un film extraordinaire, mais avec vos quatre heures... si le film durait deux heures, il ferait un malheur. » Ils avaient raison. J'ai dit «Je ne peux pas le couper, Cest comme ¢a. > Cette fois, j'ai fait un programme de cinquante minutes ét on me dit: «Mais pourquoi vous n’avez fait que cinquante minutes ? C'est pour des raisons économiques que vous n’avez pas pu faire plus long ?» C'est pour des raisons écono- miques que j'ai choisi cette durée, mais j’ai choisi de faire le film parce que je pouvais le faire sur cette durée et je n’allais pas le dilater. Avec une durée d'une heure trente, il n’aurait aucun sens. Je laisse les films respirer leur durée. Méme si javais voulu, par intérét tactique, financier, al- longer Une sale histoire,.je m’en sentais incapa- ble. Si je fais 20 a 25 000 spectateurs avec ce pro- gramme, ca ne sera pas un triomphe mais ca sera quand méme la marque de quelque chose. Les producteurs sont progressivement rempla- cés par des financiers. A une époque, il était cou- rant de dire beaucoup de mal des producteurs Ge qui était absurde. Les producteurs étaient des producteurs, les financiers ne sont pas des pro- ducteurs, le rapport au commerce n'est pas le méme. On peut dire tout le mal qu’on veut de Braunberger, c'est un producteur incontestable, il a eu une influence trés positive sur le cinéma francais, Cahiers. Bt les institutions, as-tu eu affaire a el les? Eustache. Mes deux longs métrages ont eu Vavance sur recettes, La Maman et la Putain sur film terminé et Mes Petites Amoureuses sur scé- nario. Mes Petites Amoureuses, sans l'avance, on ne I’aurait sans doute jamais fait. Done, je suis 2 éviderament favorable a ce systéme. J'ai, depuis quelques mois, plusieurs amis qui ont eu 'avance (entre 60 et 80 millions anciens}, certains ont le plus grand mal 4 monter leur film, et on peut craindre que certains ne se fassent pas, malgré ces avances qui représentent le quart ou le tiers du budget du film. L’avance peut aider A donner Je coup d'envoi a des films qui ont d'autres ga- ranties, un scénario un peu dramatique, des ac- teurs sur qui on peut un peu compter, mais le scenario qui ne compte que sur lui-méme, Mes Petites Amoureuses par exemple, le scénario seul pour un film d'un prix moyen ne tient pas. (Il ar- Tive une ov deux fois par an qu'un de ces films fasse beaucoup d’entrées, a la surprise générale : A nous les Petites Anglaises, par exemple.) M.PA., Cétait un film assez cher, il s'est monté avec l'avance sur recettes, une’ coproduction O.R.T.F., une avance distributeur et une vente préalable 4 l'Allemagne, car La Maman et la Pu- tain avait eu un succes considérable en Allema- &ne. Tout cela faisait les deux tiers du budget et est pour le dernier tiers que la société a fait fail- lite. Le film ne s'est pas vendu a l’étranger, con- trairement a La Maman et la Putain. Je pensais que ce film, en couleurs, avec trés peu de dialo. gues, d'une durée acceptable (2 hi allait ouvrir un marché sur l’étranger... Expliquer I'échec des Petites Amoureuses, c'est compliqué. J'y ai réfiéchi. J'ai trouvé des rai sons, mais elle ne sont pas trés bonnes, Je pense que le film a été mal distribué en France, par le distributeur des Verneuil-Beimondo, des Charlots-Zidi (A.M.L.F.). Lidée de ce distribu- teur, c’était qu'un film d'auteur se passe de pu- blicité. Pour une grosse maison de distribution, promouvoir un film des Charlots ou les Petites Amoureuses, c'est A peu prés le méme travail de bureau, ils n’ont pas voulu investir une certaine guantité de travail sur un film qui, aprés tout, ne leur codtait pas trés cher. La distribution, done, Ya pas aidé, mais ce n’est pas une raison sufli- sante, je crois qu'un film qui doit marcher, aussi mal distribué soit-il, marche. C’est I'esprit qui ré- gne dans le cinéma, dans le public, le rapport film-public, le systeme de « collaboration production - presse- public» unis contre les créateurs. Les gens qui voyaient le film I'ai- maient bien mais ce n’était pas un film qui pou- vait faire beaucoup d’entrées. Done c’était un film trop cher. Je ne sais pas comment travaillait Dreyer, mais il est évident que ses films devaient perdre de I'argent. Je ne sais pas comment ils étaient subventionnés. Les Amoureuses, c’était un film qui, peut-étre, ne pouvait pas gagnér d'argent, mais dans le systéme dans lequel on fonctionne, il ne pouvait pas non plus étre considéré comme un film de prestige Cinéma frangais (V) dans le cinéma francais. Mon nom n’est pas pres- Ligieux, Bresson, lui, peut perdre des millions par film, de moins en moins, mais ¢a passe encore quand méme. Tout a me pose beaucoup de ques- tions. Si je tourne avec Marléne Jobert et Jean Yanne comme Pialat, je vais peut-6ire faire 500 000 entrées, mais quel film je vais faire ? Nous ne vieillirons pas ensemble ést un film tres intéressant, mais c'est le moins bien de ses trois longs métrages, Jai dit plusieurs reprises que je fonctionnais plus comme un écrivain que comme un cinéaste, Maintenant, j'aurais énormement de mal a con- cevoir un film avec des vedettes comme Piccoli par exemple, alors qu’on peut espérer un certain succés avec son nom. Encore qu'il y ait des sur- prises : un film comme Le Vieux Fusil fait plus d'un million d'entrées a Paris tandis que Jacques Renard, qui fait son premier film avec Noiret (Monsieur Albert) fait. 14 000 entrées. Alors quel role joue Noiret ? Je crois que c'est non seulement difficile mais piégeant pour I'auteur d'essayer de jouer avec les institutions. Pour Une sale histoire, j'ai pris un comédien ex- traordinaire, Lonsdale, mais qui n'est pas, a ma connaissance, une valeur au box-office. Je suis trés content de notre collaboration, mais c'est une autre question. A vrai dire, je suis dans le ci- Tage, je ne sens pas du tout d'orientation. Je suis dans la nuit, je suis citoyen d'un pays occupé par des forces étrangeres, cette occupation m’empé- che d’étre vraiment libre et je ne sais pas com- bien de temps elle va durer. Je sais qu'on est dans un tunnel, je le sens physiquement, je le vois aussi dans les chiffres, ce qui marche c'est n‘importe quoi, il n'y a pas vraiment de politique. Je ne vois pas d’issue a cette situation. Je ne vois pas non plus de moyen de réaction. J’étais trop Jeune a l'époque, avant la nouvelle vague ; je suis, arrivé a Paris quand le cinéma « de qualité » te- nait le haut du pavé. Quelques mois aprés mon arrivée je me suis mis a lire Rivette, Chabrol, Truffaut, Godard, sans vraiment les comprendre car je n’avais pas du tout réfléchi encore. Jallais au cinema comme consommateur. Quand la nou- velle vague est arrivée j'ai ressenti tout ce qu'il y avait de légitime dans le désir de changement. Aujourd'hui, je ne vois pas une institution com: parable a celle du cinéma « de qualité » et je ne vois pas comment des gens peuvent réagir. Il me semble que ceux qui font leur premier film - et je n’en vois pas beaucoup — n‘ont pas cette unité et ne s‘alfirment pas créateurs comme ceux qui fai- saient leur premier film dans les années 60. Vingt ans aprés tout a changé, bien sir: au- jourd'hui je sens vaguement une revendication, ‘mais je ne a comprends pas, alors qu’a I’époque de la nouvelle vague, sans étre dans le métier, Entretien avec Jean Eustache Les Paporezzl, do Jacques Rozier (sur le tournage ‘du Mépris Michel Piccoli, Brigitte Bardot et JeanLue Godard) Le Cochon, de Jean Eustache et Jean-Michel Berjol 2 és rapidement ce qui était en jeu avec les premiers films des gens des Cahiers, ou pro- ches, Demy, Varda. Cahiers. Demy. justement, qui a du mal & mon- ter ses films, part tourner en U.R.S.S... Eustache. Oui, je V'ai rencontré hier, il part en effet préparer le tournage la-bas. Je suis allé moi aussi en U.RS.S. il y a deux ans et j'ai discuté avec des cinéastes soviétiques de leurs condi- tions de tournage. Ils travaillent bien, mais ils sont d'une lenteur... Il y a dix personnes pour oc cuper la place d'une en France ! Un tournage moyen dure un an. 1 n'y a pas de film vite fait, sauf peut-étre ceux de Tosseliani, qui a une place tout 4 fait marginale dans le cinéma d'U.R.S.S. ‘Quand Kurosawa a tourné li-bas, les techniciens ~ qui doivent tous étre mensualisés - se sont dit : un Japonais, l'inertie va le rendre fou ! Il parait, qu'il les a tous fait craquer, il était plus lent que tous les Russes ! Cahiers. aujourd'hui, les gens comme Jacquot, Biette, Vecchiali Eustache. Est-ce vraiment un front ? Quand je parle d’artisanat, ce n'est pes pour instituer l'ar- tisanat contre l'industrie, c'est un manifeste per- sonnel, individuel. Je joue le paradoxe. Je pré- fererais de trés loin ‘une contestation globale mais je ne la vois pas se dessiner, je ne sens pas de point commun. Aujourd’hui, comment oser g dire que Truffaut ou Chabrol font presque le ci néma qu’ils attaquaient quand ils étaient criti ques? Crest bien difficile a dire parce que ce sont des gens que je connais, mais en fait Je ne sens pas les choses autrement. Je sais que ce quills préférent au cinéma c'est le tournage, alors le scénario peut étre baclé, le montage ils n'y vont pas... Ils tournent et ils retournent. Je comprends trés bien qu’on adore tourner et méme qu'on ne puisse pas s’en passer mais quand méme... Renoir aussi aimait les tournages et cela ne l'empéchait pas de concevoir autre- ment les choses. Que des gens qui ont eu telle- ment d'importance aient pu, sans s’en apercevoir ou en s‘en apercevant, je n’en sais rien, rentrer dans l'ordre qu’ils dénongaient... Je n'ai pas vu Gloria, mais que les Cahiers reconsidérent au- jourd’hui Autant-Lara plus attentivement que ‘Truffaut, ga ne m’étonne pas, ga fait partie du brouillard ‘dans lequel je me trouve. Cahiers. Et Godard, tu vois ce qu'il fait ? Eustache. Numéro deux, c'est un film que j'ai trouvé passionnant. Ce qui m’a troublé c'est le peu de gens qui ont vu ce film. Comme si, quand fon s’en va, la place était vite prise par la médio- crité et qu'on ne la retrouveit plus. Pendant les années ot Godard faisait deux ou trois films par an, tout le monde se définissait par rapport & lui, 24 méme Audiard. L'absence de Godard a permis a tous les médiocres de prendre |e pouvoir. Méme Cahiers. Tu parlais de tunnel... Je crois qu'on peut étre dans le tunnel tout en faisant beau coup de films, peut-étre parce qu'on n‘arrive pas @ en faire un... Godard faisant douze heures d’émission par exemple. Eustache. Je ne sais pas comment il fonctionne. Une chose est sire: avant, j'avais impression de savoir oi j'étais quand je voyais des films ga, c'était ca... Je pouvais faire des catégories. maintenant, non Cahiers. Etle film de Bresson, que penses-tu des réactions de la critique @ son égard ? Eustache. Je lis assez peu de critiques. La criti- que juge le cinéma a partir de la médiocrité des ‘ceuvres académiques. C'est pourquoi je pensais qu'elle serait désarmée devant mon film. Avant, elle se définissait peut-étre par rapport & Godard. par exemple. Le film de Bresson. com- ment a-t.il 6té accueilli par la critique ? Je trouve que son plus beau film c'est Pickpocket et qu'il ¢ chuté depuis jusqu’aux Quatre nuits d'un réveur que je trouve inepte. Mais les deux derniers sont magnifiques. Je vois beaucoup moins de films maintenant et je réagis comme un spectateur or- dinaire («c'est magnifique », «ga m’a emmer. dé »...) J'ai, neuf fois sur dix, envie de me tirer au bout de dix minutes et je trouve trés peu de sujets de satisfaction. Je revois d’anciens films. J'ai maintenant tendance @ valoriser, dans la pro: duction actuelle, ce qui est le moins mauvais ; ce qui n'est pas putain est a priori intéressant et es- Umable, mais c'est un critere relatif, c'est pas Yenthousiasme ! Je crois que Narboni, dans votre dernier nu- méro, parlait de la passion cinéphilique... L’Ami américain, ga c'est un trés grand plaisir ! Et ce qui prouve une fois de plus que je suis dans le ci- Tage, c'est que je croyais que ¢a allait faire un malheur, or le film n'a eu qu'un petit suc time. Cahiers. Pour les gens qui veulent faire un ci- néma ou quelque chose passe, le mythe du ci néma populaire fonctionne toujours, Jacquot aussi espérait beaucoup plus d’entrées pour Les Enfants du placard... Eustache, Jusqu'a nouvel ordre, je n'ai pas été convaincu par une autre possibilité. Actuelle- ment je suis étonné par les queues devant les sal- les de cinéma. Ce qui intéresse aujourd'hui un public important, c'est l'intelligence, la sen: Cinéma frangais (V) lité, le sérieux du propos, la qualité du travail ; mais cela n’a rien a voir avec la création, la Jouissance, Ienrichissement. Cahiers, J'ai Uimpression que le public, au- Jourd’hui, est plus «culturel ». A Vépoque de Re- noir, dl existait quelque chose de vraiment popu- laire. Eustache. C'est vrai. Je me souviens d’avoir vu Le Journal d'un Curé de campagne dans une salle pleine, et une réflexion d'un spectateur avait frappé ; « Ga nous change des films habi- tuels, mais qu’est-ce que c'est bien !» Crest-a- dire, une fois ou deux par an, on pouvait voir un film de Bresson ou de Tati, en sachant que ca allait pas étre Robin des Bois (avec Errol Flynn), mais sans le regretter. Maintenant, ce phéno- mene a disparu. Le dernier film de Bresson a fait moins de 100 000 entrées. Un condamné a mort s'est échappé avait eu un certain succés public. Cahiers. Aujourd’hui, il y @ Barry Lyndon Méme si cest un auteur, un bon film, il y @ tout de suite un aspect « grande culture ». Eustache. Barry Lyndon n'a marché que sur la France et Kubrick, c'est unique. C'est l'indivi- dualiste. Est-ce qu’on peut faire un cinéma avec seulement des cas uniques ? Des cinéastes uni- ques ? Je ne crois pas, Cahiers. On va voir un Kubrick, un Fellini, un Bergman comme on va voir une exposition Pi caso, par exemple. Eustache. On n'est pas stir de prendre son pied, mais il faut faire ga... Pour en revenir au film et ace que je disais de la critique de cinéma, je ne me suis pas trompe. Personne n'a défendu Une sale histoire. Chazal, que j‘estime énormément parce qu'il aime le ci- néma — ce qui n’est pas évident quand il faut écrire tous les jours, il y a fatalement une amer- tume qui se fait... Teisseire, de l’Aurore, a fait quelques lignes pour éviter d’en parler... Perez en a dit plutét du mal malgré sa premiere - phrase : « Je m’avoue impuissant (sic) rendre compte de la complexité des recherches de Jean Eustache. »... Télérama, qui m‘avait toujours dé- fendu avec beaucoup de gentillesse.. Ia critique de cinéma s'est donc montrée im- puissante, alors que jai l'impression d’avoir fait du cinéma et non un ouvrage de spécialisation qui se trouverait par hasard sur pellicule. Je crois que la critique ne juge plus que par rapport a certaines valeurs ; pour Ie critique du Figaro les valeurs de toujours, de la société établie, va- leurs réactionnaires, gouvernementales (celles du ministére de la Culture). Pour les autres, le film actuel c'est celui de Tavernier... Le Crime de Enteetien avec Jean Eustache 28 ‘monsieur Lange, c’était vraiment un film de 1936, sur état d'esprit de 1936, et méme des films de consommation de \'époque ré- fléchissaient leur temps. Tandis que Des enfants gatés, c'est le film du Programme commun, mais qui ne saurait pas en parler, qui serait aussi con- fus que les discussions politiques qu'il y a actuel- Jement... et qui méle le féminisme en méme temps. Ca m'a paru le moins bon film de Taver- nier, je suis trés étonné de son succes journalisti- que. Pendant ces trois années d'inactivité je me suis donc isolé, sans m’en apercevoir. Avec mon «quvrette », terme que quelqu'un a employé pour parler de mon film court, et que je ne Une trouve pas du tout péjoratif, j’ai esseyé au moins de Jean Eustache (t détre d'aujourd’hui. Je ressens de plus en plus clairement la solitude des créateurs. Je ne pense pas qu’ils puissent jouer double jeu. Du temps des Bonnes Femmes, de La Peau douce (qui est, Je crois, un wes grand film), c’était possible. Maintenant la scission, qui était latente, s'est accomplie. histolre, tournage} Je ne sais pas si ce que je dis recoupe vos pré- occupations. I! y a dix ans qu’on n'a pas discuté ensemble... Etant bien entendu que je ne tiens pas un discours politique. Dans ma vie j'ai fait de politique dans mes films. Comme tout le monde j’en fais une digestion, mais je n'ai jamais pris la politique comme propos direct. Cahiers. Aujourd’hui, on se retrouve parce que nous, on en revient, de « la » politique. Si on veut parler du cinéma qu’on aime, on est obligé de faire abstraction de nos a priori politiques. Effec- tivement, on les « digere ». Pickpockst, de Robert Bresson Eustache. En 1973, il y avait eu un article que je n'avais pas vraiment compris, qui associait Le Dernier Tango, La Grande Bouffe et La Maman et la Putain. J‘avais trouvé qu'il y avait soit un Le Gueule owv manque d'information, soit une mauvaise foi, ie Maurice| Falat dans le sens oli il s’agissait de deux films a 7* 800 000 entrées et d'un film de 60 000, et que dire « trois succés », ce n’était pas vrai. J'aurais aimé avoir une explication, je ne me sentais pas du tout solidaire de ces deux films... Cahiers. A l’époque on était maoistes, et com- plétement en dehors du cinéma. Mais it y avait un retour du refoulé, on aimait bien certains Jilms, le tien par exemple ou La Grande Bouffe, ‘aussi. Le Dernier Tango, par contre, posait cer- tains problémes. Il existait dans la revue une es- péce de police intérieure qui disait : attention, ce n'est pas de ¢a qu'il faut parler. Et finalement, écrire sur ces films qu’on aimait, méme pour en dire du mal (1/c’était une fagon de les repécher... 26 On est sorti de tout ¢a peu aprés, et maintenant on retrouve le fil qui se tissait par ailleurs : Straub, Godard, Bresson, Pialat, Demy, toi, etc. La situation que tu as trés bien décrite sur la création, on la retrouve, & mon avis, dans la criti- que. Eustache, Les échos que j‘avais eus des Cahiers, Cest : « Je les achéte toujours ou je suis toujours abonné, mais je ne les lis plus, je ne comprends pas », de la part de gens tout a fait ouverts, esti- mables. Ce qui me faisait de la peine, & moi, c'est que les Cahiers avaient fait, pendant un certain nombre d'années, se définir l'ensemble de la presse de cinéma qui les taxait déja d’ésotérisme, de délire d'interprétation, etc. A I'’époque des querelies (avec Positif, etc.), I'uuilité, l'impor- tance des Cahiers dépassait de trés loin leur dif- fusion. Cette influence s'est perdue depuis 68 et gama fait de la peine car j'y étais attaché senti- mentalement. A la grande époque cinéphile, et puis ensuite, avec les Fieschi, Comolli, Narboni, on ignorait tout des chiffres d’entrées et des con- ditions matérielles des tournages, de la produc- tion... Aujourd’hui, on n'a parlé presque que de cela... Mais tu voulais qu'on parle du film... Je ne sais pas quoi dire. Je ne veux pas me poser de question sur: qu’est-ce que le trou ? Qu’est-ce que le sexe re- présente ? Ga m’amuse de lire des choses la- dessus. Libération et Le Quotidien de Paris en ont parlé trés sérieusement ; en dehors d’eux, c'est le tabou, le refus. Jai impression que c'est compa rable aux attaques contre Madame Bovary : comment ose-t-on parler en art d'une femme adultére ? Jusqu’od ira-t-on se souiller ? Quel su- jet ira-t-on chercher pour se faire remarquer ?... Je parle du sexe en termes anatomiques, pas du tout en termes moraux. A I'heure oti le cinéma porno est autorisé, en parler autrement devient. La censure a mieux compris que tout le monde : «Ce discours est plus évocateur que n'importe quelle image. » Tls semblent avoir compris que la parole a autant 'importance que image, au ci- néma, Sinon, c'est le refus radical de parler de ca : C'est « sale ». Des gens, a la sortie de la pro- jection au Festival de Paris disaient : «1 faut vraiment s’abaisser » (1). * Cahiers. C’est dréle, ca ne parle que de ce qui est eau-dessous de la ceinture » et en méme temps c'est de Val et de U'oreille qu'il s’agit, les organes du haut, « culturellement » valorisés... Eustache. On répéte que le sexe se passe dans la tate... Quoi qu'il en soit, il faut le regarder en face. Cinéma frangais (V) Cahiers. 4 propos de l'idée de deux fois : on peut toujours raconter une histoire sale au ci- néma si aprés on passe @ quelque chose de cultu- rel. Si on y revient, tout chang. Eustache. L’histoire racontée une fois peut étre acceptée, mais deux fois laissent beaucoup plus incertain qu'une seule. Le discours est beaucoup moins net. Au début, pour ce film, la démarche était trés terre a terre. On a toujours dit que les documentaires que j'ai faits ressemblent 4 des films de fiction comme les films de fiction res- semblent @ des documents, et pourtant dans les fictions je n'ai jamais laissé les acteurs improvi- ser, se dire eux-mémes, Et dans les autres, La Rosiere de Pessac, par exemple, je ne suis jamais intervenu, j‘étais a l'abri derriére la caméra, La, est tout 4 fait simple : revenir 4 un cinéma hol- lywoodien, dans le sens d’un langage classique ot chacun parle a son tour, od les plans viennent les uns aprés les autres, ou une realité est inter- prétée par des comédiens, mise en scéne et éclai- rée selon les régles traditionnelles, la fiction au cinéma n’étant, a mon avis, que la mise en scéne et Tinterprétation. Le scénariste, auteur dra- matique n'a pas sa place au cinéma, Bresson, pat exemple, prend un autre biais. Le cinéma n'est pas une histoire bien contée oa I'auteur en sait davantage que le spectateur. Le cinéma, c'est la prise en charge par des acteurs de n‘importe quoi. Alors 2, je montre la méme chose, le ta- bleau et son modéle, pour reprendre Jes termes de Bresson. Certains peuvent préférer le modéle. C'est comme les tableaux faits d’aprés des photo graphies. Cela correspond a attitude du peintre qui respecte autre chose que son modele, qui res- pecte aussi le matériel dont il se sert. Il ne plie pas le matérie! 2 la resemblance du modéle, il ne truque pas la peinture, les couleurs, c'est Vanti-trucage dans la création, En littérature on retrouve ga chez Flaubert. C'est scolaire, c'est simple, mais en fait le cinéma est dans une telle confusion que j‘essaie de prendre les choses & zéro, méme si ¢a ne sert a rien. Mais je sais que de toutes facons c'est passionnant, les legons. En méme temps, c'est tres provocateur aussi, dans le sens de stimulation du sang. Le sujet, je I'avais tellement digéré depuis des années que:je ne peux pas en parler ~ sauf per boutade. J'ai essayé maintes fois de raconter cette histoire, pas comme une histoire que javais vécue mais comme un film que je voulais faire, comme un scénario. Et on m'arrétait toujours-: «Je ne veux pas en savoir plus... c'est pas possi- ble !»... J’ai éprouvé le besoin de faire’ le: film pour raconter cette -histoire jusqu’au bout et qu'elle soit éntendue. Dans le film, il est dit qu'aucune femme ne vou- lait entendre cette histoire ; si elles 'écoutent, la, Entretien avec Jean Eustache ‘Jean-Nodl Pig et Jean Eustache (tournage éUne sale histoire) Le Cochon, de Jean Eustache et Jean-Michel Baro! La Rosidre de Pessac, de Jean Eustache 2 Cest parce qu’elles participent a l'écoute de la caméra. Le discours du film n’est absolument pas en opposition avec le discours féministe. Il y est parlé du désir de l'homme. J’espere qu’aucun homme ne se scandaliserait si une femme parlait du désir des femmes par rapport aux hommes. Je sais qu'il y @ 1a un malentendu sans intérét. Les femmes qui réagissent en tant que fémninistes dans leurs critiques se trompent complétement de ci- ble. C'est passionnant pour les femmes qu'un homme parle de son désir, enfin, ca devrait les intéresser. Gahiers. Si on ne dit pas ¢a, on ment sur son dé- sir. C'est pourquoi une femme qui ne peut enten- dre ce discours se fait complice du mensonge. Eustache. Mais certains hommes non plus ne peuvent pas entendre ca. L'Américaine qui joue dans le film, quand elle a rencontré Pig, elle sa- vait que c’était lui qui avait raconté l'histoire la premiére fois, elle pensait qu'il I'avait vécue, elle lui a dit : « Vous savez que 99 % des Américains ne regardent pas le sexe des femmes. Je vous f6- licite de I'avoir fait. » C’était un point de vue f8- ministe, ga. Aujourd’hui, od toute provocation, au theatre par exemple, est possible, une chose aussi polie, aussi chaste, aussi bien exprimée, dans une dis- cussion de salon style Stendhal, peut faire réagir Le Figaro, la censure, comme si la peur des mots revenait. Je n’attendais pas ces reactions, je pen- sais plutot a une satisfaction de type ¢ joufssance de l'esprit ». Il n'y avait, de ma part, aucune pro- vocation, je trouvais lhistoire wés trés belle. L’embiguiié des deux interprétations m'intéres- sait : un grand comédien qui, d’aprés un texte, improvise son jeu et Piq qui improvise les effets quil va faire sur un texte dont il connatt toutes les idées. Ces deux mémes textes sont de nature différente. J'ai trouvé ce rapprochement assez instructif. Je ne veux pas parler du trou ou du sexe, je parle plus volontiers de ces détails tech- niques, qui ne sont pas passionnants, en vérité. Tl y a trois semaines, je suis allé & Vienne présenter tous mes films, on m’a demandé de discuter avec le public. Le premier jour, la discussion était tel- lement désolante que j'ai décidé, ce qui ne me ressemble pas, de présenter les films avant, plu tt que d’en discuter aprés. Je me suis apergu alors que je parlais beaucoup mieux de mes pre- miers films, de ce que j'avais voulu faire, de ce que j'avais fait. Pour exprimer ce que j'ai voulu faire, il_me faut énormément de temps. C'est pourquoi je préfére aujourd'hui ne pas parler d'Une sale histoire, et que les gens se révalent. J'ai pu constater que « l’évolution des maurs », est de la frime et que le fond des tabous de- meure. {Propos recueillis par Serge Toubiana). Une sale histoire, de Jean Eustache (Miche! Lonsdale} Sur “Une sale histoire” par Bernard Boland Une sale histoire est histoire d'un désir : histoire qui se donne comme la recherche de Fobjet réel d'un vrai désir. Cette course folte a ta vérité de son désir précipiters le personage du récit dans 'empire du semblant. chute repérable dans l'énoncé méme du recit. On y reviendra. Cependant, ensemble du film lui-méme est déterminé par la roblematique du personnage, aboutissant ainsi a un dispositit filmique donné par fe plus-de-semblant. Je voudrais essayer de démontrer que c'est dans la mesure méme ‘ii le désir de plus-de-réalité & oeuvre dans fe film équivaut un plus-de-sembtant que de cette histoire de désir peut surgir te désir Une sale histoire 0 Raconter une histoire. c'est faire confiance au récit dans son pouvoir de dire les évé- ements tels qu'ils se sont passés ; c'est en effet le récit - le syntagme narratif ~ qui produit cette idée de la réalité des événements : ce qui est arrive, Réalité qui a le plus grand rapport avec imaginaire. Spécularisation du sujet dans le « moi » du héros et aussi spécularisation du temps dans le » temps du récit », 1a suite logique des événe- ‘ments. Eustache aurait pu filmer cette histoire : « J'ai commencé @ éerire un seénario ‘mais ¢a svallait pas », dit le réalisateur joué par Jean Douchet. Nul doute que ce met- teur en scéne est paresseux, ne veut pas jouer le jeu du récit filmé. avec les problémes antficiels de forme que cela pose. Et puis. comment faire apparaitre le sujet en tant que tel dans le récit filmé ? 11 va done demander a Ia personne censée avoir vécu histoire de venir la raconter. Mais la, autre difficulté: cette personne filmée en train de raconter va devenir une sorte d'acteur qui va jouer un réle au détriment de la ré- alité. C'est pourquoi le réalisateur va (aire appet & un acteur professionnel qui va as- sumer le personage. Bien sir, nous, spectateurs avertis, savons que Miche! Lonsdale va du méme coup créer ce rote, V'interpréter dans sa vérité dacteur. Mais tout se passe comme si cette réalité-la, le réalisateur. un peu bizarre, n’en voulait pas, faisant inter- venir, dans un deuxiéme film, le personage présumé acteur reel du récit. I relégue Ia belle performance de Lonsdale dans le semblant. Et nous, spectateurs avertis, savons quill n'y a jamais que des acteurs et que c'est dans leur jeu que réside la vérité « hic et rune » du spectacle, nous sommes pris d'un doute : au-dela du « jeu » de Jean-Noél Pig, une dimension supplémentaire, imprévue, perturbante pour notre plaisir de spectateur savant apparait ! Et si c‘était vrai ? Si cette histoire s'était bien passée avec ce type qui la raconte ? Dimension constitutive du semblant que cette désignation de Ja réalité ; comme un nouveau tour de semblant par-dela tout savoir ; encore et tou- jours illusion de réalité qui recouvee tout savoir sur la réalité de Illusion. Mais ce récit de désir est encore marqué du sceau du semblant dans son contenu (ou sson projet) qui est de couvrir la fernme dans la vérité méme de son sexe comme objet réel de désir pour Te personage. Cette vérité est aux toilettes. comme il se doit, et 'on s‘attend qu'elle se révéle par'effraction, par le trou secret qui fait communiquer les toilettes hommes-femmes. Or ce trou n'est pas un véritable trou, plutét un angle de fuite, quelque chose qui, remarque le personage, « semble faire partie de Uarchitecx ture de ces toileties », Autant dire quit s‘agit d'une porte ouverte, en quelque sorte, et ‘on devine que par cette « ouverture » sur laquelle ne pése plus aucun interdit, le per- sonnage va retrouver l'objet interdit de son désir: la femme. S‘imaginant découvrir la vérité de Pautre sexe en tentant de faire disparaitre le semblant (le café, la vie, les fer- mes, gagner de argent, ete.) par une détermination unique. il va, a travers ce trou qui en est pas un, étre ramené aux petites differences, aux différences imaginaires classer les sexes d’aprés leurs qualités : beau. petit, aid, ete. Cela avec une croyance nouvelle, un plus-de-semblant : c'est qu'il vient de franchir un pas de plus dans Vima- ‘arisation de l'autre sexe. A ce niveau de la narration (ce n'est pas le seul nous le verrons plus loin). ve personnage est davantage encore aveugle & Ia vérité de son pro- pre désir, ce qu'il m&connait c'est que le « faux » désir de homme pour les petites dif- erences imaginaires de la femme n’est possible que parce que ce semblant est accro- ché a autre. Mais pourquoi raconter cette histoire a des femmes ? Il n'y a évidemment qu'une seule réponse possible : pour leur plaire. Exhibant sa découverte de son « vrai désir » cconime « yerite de la fenime », le narrateur offre en cadeau, en moyen de séduction, en clemande d'amour. son moi imaginaire, Seulement, comme toute demande d'amour, celle constituée par ce récit n'est pas simple ~ les femmes sont convoquées dans le film comme représentantes de fa femme. C'est-i-dire comme objet du veritable désir cen méme temps, a titre de destinataires, comme garantes de cette vérité, Elles de- vromt consacrer cette vérité, en occurrence en « n’aimant pas », en fuyant, tout comme lit» vamp des toilettes » stupéfaite d'avoir été découverte et qui a donne par lé Ia plus belle preuve d'amour que le personnage pouvait espérer. Conjonction impossi- bie, bien sir, et dont limpossibilité est bien marquée dans cet extraordinaire moment oi les femmes, extirpées de leur mode d’étre habituel, par exemple en conversation autour de ces tables que l'on voit au fond, sont convoquées comme représentantes de {a ferune, pour écouter le scandaleux récit. Ce qui passe 4 ce moment sur ces visages Bénés, c'est la résistance du réet, résistance de la part de ces femmes a assumer I' Cinéma frangais (Vi imaginaire qu'on voudrait qu'elles soient. Cette résistance se poursuivra par ces ac- uiescements hasardeux a de supposées demandes : « c'est trés bien », « je vais cela pour vous »,« je vais aussi vous regarder » etc. Jusqu’é ce que sur les ruines d'un récit qui se defait, et dans la confusion d'un échange dialogué, apparaisse la parole pleine, le désir. Je voudrais maintenant revenir au récit méme et a son aspect de désir honteux et obscéne pour tenter de percevoir, dans et par le semblant, ce qu'il nous livre de ce que le narrateur alfiche : un désir singulier. Le récit est celui d'un sombre voyage, d'une descente aux enfers, qui exclut le per- sonnage du rang'des hommes et de la normalité. Mais cette descente qui est censee le ener vers la verité de son désir n'est pas exempte d'ambiguités quant a cette vérité. La singularité dont il fait état est celle d'un sous-groupe infra-humain, celui des «hommes des toilettes ». avec leurs cravates faussement respectables, et leur front lui samt d'une sueur indigne. Société d'initiés avec ses propres rites. comme le claque- ‘ment indicatif des talons ? C'est ce que ce personnage en mal de dignité, en mal de codes culturels, voudrait suggérer : pour en faire partie il s'adressera a Son ami. le Grand Pervers qui le fera entrer dans le cercle. En fait, croitil. il nest pas comme ‘eux ». et i] rappelle cette remarque des gargons de café qui I'a, en réalité, décroché du monde des hommes pour tui faire découvrir son désir. « Je ne suis pas comme eux » continucra-t.il d affirmer en sourdine, démentant par la la référence culturelle rassu- ante i Finitiation mais en exposant ainsi, par la dénégation, sa parole de dupe. Mais ‘est aussi par ld que. brusquement. quelque chose s‘actualise, que le personnage du Fécit se confond avec le narrateur : ce dernier n’a-Lil pas lui aussi une cravate, repré- seniée par le récit limpide et eru, ce récit balaillien racont8 avec l'art du XVINF si cle? Nrestil pas en train de faire croire que, tout comme les hommes des toilettes, veulent paraitre respectables, lui aussi fait partie des hommes ? C'est dans ceite appa- rition ostentatoire de « Phomme », de ce personnage-narrateur constitué imaginaire- ‘ment comme homme, comme attribut, comme cravate exhibée devant cette assemblée de femmes, que peut étre appréhendé quelque chose de ce qu'il nous dit étre son vrai disir. a savoir ce que le récit nous expose « au premier degré » : regarder l'autre sexe 1 par ki regarder sa castration, son anéantissement comme homme. Processus qui ne pout s’cffectuer que dans et par les les représentations imagées ;c’est bien pourquoi la ccravaie et le front luisant, le personage ne peut se les attribuer, car ce qu'il y lit ce sont les représentations de son désir. D’oii siirement cette impression générale de malaise et de séduction mélangés que laisse le réeit :« Que le livre le plus incongru soit finalement le plus beau livre, et peut-cire le plus tendre, cela est tout d fait scandaleux », On connait ce jugement de Blanchot sur Mine Edwarda de Bataille. Dans la logique de cette formule je crois u'on pourrait donner pour le film de Jean Eustache un tour de vis supplémentair ‘que ce film qui se donne comme le récit d'un désir le plus singulier soit finalement cela méme pour quoi il se donne. Bernard BOLAND. u Troisiéme Festival de Paris Du 2 au 8 novembre s'est tenu, & l'inévitable Empire, le troisiéme Festival cinémato- graphique de Paris. On sait quune menace pése sur l'avenir de cette manifestation, pas assez publique paraitil. Si Yon peut nourrir tes craintes les plus vives devant ces projets de « reorganisation » (qui évoquent plus une « reprise en main », générale, d’ail- leurs. dans le secteur du cinéma, ef. dans ce numéro, Nentretien avec Jacques Doniol- Valeroze a propos de l'Avance sur recettes, et offensive contre U'1.D.H.E.C., sur la- quelle nous reviendrons). on ne saurait néanmoins se cacher Mactuelle dysharmonie du fonctioonement de ces jouraées. Celle-ci tient surtout a un certain divorce entre or- ganisation et la programmation : d'un c6té le mauvais godt S.F-P., ambiance de salle de congrés, la multiplicité des contrdles, 'aménagement si peu accucillant de espa qui font de "Empire un Tiew hautement antipathique, et peu adéquat aux films pré- sentés. De l'autre une programmation originale et méme risquée (La Vocation sus- pendie de Raul Ruiz, Une sale histoire de Jean Eustache), cinéphilique (Chytilov: Terayamna, Ivory) et procédant d'un véritable désir ~ tranger & toute mode ~ d'olTtir un panorama des diverses cinématographies mondiales. la plupart mal ou inconnues du public parisien. Mais ce sérieux culturel et ce refus de la facilité, propre aux choix de P-H. Deleau (dont témoignent par exemple les rétrospectives indienne, ou hon {groise . le choix d'un certain nombre de films iraniens, canadiens, etc.), pourraient-ils longtemps cocxister avec Ia « politique de prestige » qui risque d’étre mise en place ? ‘Que Deleau doive aujourd'hui se justifier de programmer Le Fond de lair est rouge de Marker, et se laver du soupgon de politisation, augure mal évidemment dé Tavenir de cette manifestation. ‘Aux antipodes de la Quinzaine des réalisateurs, on imagine que certains, déja, 18- vent de faire du Festival de Paris un nouveau Deauville : vedettes, visons, chapeau- tage politique et films » aimables » : tout cela, bien sir, au nom du sacro-saint « pu- blic » P.K. Dans les pages qui suivent, nous ne rendons pas compte de lensemble des films présentés au festival, dont beaucoup ont été depuis distribués & Paris, mais d'un certain nombre seulement, provenant principalement des pays de l'Est. 2 1. Sept films + un, Hors jew de Peter Szast. Reflets de Reszo Sroremy. Le Voyage en Angleterre de Isivan Datday, Le Dia- Ble bat sa femme et marie sa fille de Ferenc Andras, Une vie toute ordinaire de Imre Gyongyossy et Barba Kabay, Les Crémeurs d'un mythe de Andras Lanyi, Souvenir d'Amérique ‘de Gabor Body : sept films présentés salle Violine pendant le dernier Festival de Paris, section « Perspectives da Cinéma Hongrois », Et Elles deux de Marta Meszaros, en sélection of- fivielle, Huit films dont jai éi€ le curieux et reste l'éonne. 2. Un un nouveau : telte est Timpression premiére. Sacré vieux «(on nouveau » qui fait retour tous les cing-dix ans sous fe feutre ou le plomb des critiques, mais jamais en méme emps! Ton nouveau, me suis. laissé impressionner, mais pour savoir sil est vraiment nouveau, ce ton, il me faudrait avoir une vue plus large, moins sporadique, de la cinématogra- hie hongroise. car il nest peut-dire nouveau que pour moi, we parce que je entends d nouveau. Et de Fat. ce que jai cry Percevoir at travers ces huits films. plus ou moins fort selon chacun. ressemble beaucoup au ton nouveau des films hon _grois ~ mais aussi polonais et tchécoslovaques ~ des années 60. S'tait-il affaibli ? A Prague. sirement, et méme anéanti. Mais a Budapest ? De loin en loin je me souviens d'un Bacso, Wun Meszaros qui quelyue peu dé-tonait... 4. Precaution étémemaire. Ton nouveau ou retrouve, de ces, sept films plus un nextrapoler aucune conclusion : ni sur le cinéma hongrois. ai sur la société hongroise. Ne pas les em- baller en généralisations abusives. Ne les prendre ni caution ni 4 témoin, encore moins en olage. Les considérer simp ‘ment comme des pellicles. Comme des films faits en Hongrie ‘ees dernigres années. Comme des faits. 4. Autre fat. « Le jeune écrivain hongrois Miklos Haras: ‘auteur de Touvrage Salaice aux pigees (éd. du Seuil), s'est va refuser, pour fa leuxiéowe fois en quelques mois, par les aut rites de som pas’, un vise pour se rendre en Allemagne féd: zrale on it vient dobtenir une bourse d'études d'un an. La dei ‘sion ate ministére de Fnérieur homgrois se fonderait sur le Sait que le frére de Vintéressé, Peter, a émigré illégalement e ‘Suede en 1974 », lnformation publige par Le Monde le jour ‘méme oui fe Festival de Paris ouvrait & notee euriosité tonnes perspective sur le cinéma de ce pays que les journalistes de signent souvent comme Ia « vitrine du socialisme ». Je fe re pete: ne nous emballons pas. 5. De quel wil je les regarde ces films ? Sirement pas du _méme ail qu'un spectateur hongrois. Je men laisse probable ‘ment davantage conter que ces jeunes ouvriers (dont parle Harasvti p. 39 de Salaire aux piéees) & qui la direction fait projeter un film éducatif sur les « Régles de sécurite dans les usines » = « avec les vedeties favorites des cabarets de Pest « et qui rivalisent de goguenardise a Végard du seénario, des dialogues, des gags + Ils les wavaient venir de loin et raion Tavauce « 1. Sept films hongrois En présence de ces sept films plus un. dont les ficelles = i fi- calle il y a ~ sont certainement moins grosses que celles d'un im de propagande patronale, je nai guére les moyens de rire avanee et plus dune fois je me serai laisse pieger par un trompe-ta 6, Par exemple, Le Diable bat sa femme et marie sa fl, ai 4 raison de le prendre comme une farce plutst réjouissanie, ‘quand une amie hongroise qui 'a vu cet hiver a Budapest oi il sori avee un grand baltage publicitaire du style « enfin un film comique bongrois sur la Hongrie aujourd'hui », m’ firme qu'elle "3 subi de fort mauvaise humeur ? Li ou je vois, Critiques et notations eruelles pour la bureaueratie, ou iout au moins match nul elle m'assure qu'il faut lire au bout du compte une valorisation des serviteurs de IElat sur le dos des paysans, Le Disble bat sa femme et marie sa tile, de Ferenc Andras. LLe film ~ premier long métrage de Ferene Andras, né en 1942 - souvre sur un montage d effets syncrétiques é'insignes. religicux et insignes de parti offeris aux mémes ctals (Gxaue 2. L'action se déroule dans un village des bords du tac Balaton. en une seule journée. pas nimporte laquelle : le 20 vit. Tans qu’ Budapest on Féte In Constitution, au village fon célébre le patron local, saint Etienne. Les échos des cere monies de Etat sovialiste parviendront tout au long du jour ‘et du film par ta télévision contindment branchée que per ‘sonne ne regarde (dispositif proche de celui d'Une journée par. ticulire Dans une belle et vieille maison entourée de vignes. toute ane famitle de paysans, plucst aisés sinon ches, s'ap- svoir une parente de ta capitale. Avec une cortaine est que [4 belle eur uméne avee elle som patron, 'y aur oust sat femme et Fille. On tue des vo ulles on prepare une grande houfle, Pour honoree le bureaw: re cafe et pousse-eale, lal soutirer un ‘coup de proton en Faveur de ht fille que ses parents voudrarent pour ss partieipation iby Commune de 19 et aussi, ae ru ‘comprondie, a kr Revolution sovigtigue. proméne ses Souve: 1 eh senor gael) 10UL ‘avoir Ge un sol chef du «rain doré » qui cransporta, ralinal Pacely, futur Pie Xl. au Con: de Bawapest, Puts c'est Parrivde des invites prose Mercedes et chauffeur de style, Alors assiste stl face ai faze de deux mondes gui essarent de Seblouie mucuellgment avee leurs avantages xt privileges res pectils. Villfcampagne. mode vestimentaire/richesses Ju ter roit, pouvoits diserctionnaices/bien accumulés. Coté valle, «les femmes (T&pouse pimbéche, la fille minete. la seer 1p) jouent Is parade : le haut fonetionnaire n’enire rouge qu. chemin slams hes sade 3 sfes eucharistic attends. ite ov par triste sire. un pisses Mheure du festin. 6 deception. n'accepte ‘que ses hdtes Sempilfrent. Bons vi tcompleve. Et que sit femme se laisse Veil 1g semble que cette comédie de murs charge sss en Fes uns que les autres, Quelle que Sout la classe, par dan. fa couche (des classes. par décret. il n'y en a plus) a le ‘quelle ils t Je ne vois pas que le « docteur » de Ia les profiteurs ue village Le Voyage en Angleterre, de Istven Dorday Cost bien Hie Ave, object mon amie hongroise, gui. m signal ee propos que Pune des plus fréquentes aurojustilicn tiony des serviteurs de Etat aujourd'hui consiste i dire reganler key eeussla. pendant que nous nous erevons i bitin le Pays, eu ily ne penisent qu‘d aecunuler.& bien vivre. &joulr. 2. Mais si le pre Fenn ve mar Vuleére ~ & quoi Le Diable bat sr aboliquement obéirait. comme pas mal d'ecuvres sesbit ~ est tout ce qu'il reste dairguanent aux an geriet (et pa pis It quand mi dre a se réjouir? EL hows occu cela ne sigaifie-il pas ta fin alu evo positif? Pour le moins. son née, son inopportunits. son inelMeaeits. pprlle lex masses n'y sont peuldire pas 3 dine reverse main mtalieater eeu “ cine ‘encbas ('egalité Uo umber one dy eéalisme {qw'd perdre ainsi une fi une res un jour finiont par y laisser bien Digi ply beaucoup ane es Geoute.. 8. Lar snlig resis bas € rester + reponse Wen: » uleéres den Inuut = c'est ce que je déchifirerai dans: re, premer film de fiction o'Istvan eur Ue locumentaires (tlm qui. vorieusement, of wer Ie age que Le Diahlen. obs ligicus et dle bibeluts pobtiques. dlglieate pour Anna Forge. Is trouser sponsible des pion adolescent pour repre WS um groupe de 25 pionniers 4) woir 13-14 ans. un physique ‘ouvrigre ow paysanne. Et "Apres bien ras totes les illage a youet ide guitare, plutst branché sur fa pop. auquel un professeur de ‘musique apprend vite une chanson boy-scout pour le rendre plus présentable. Désigné comme élu ~ lui, i ne demandait rien, tout se passe entre bureaucrates au wlephone ~, i! faut ul soit conforme. C'est le monde a 'envers. Eton assiste & lune stupéfiante entreprise de conformisation, de remodelage.. Puisyu'il été retenu. par un ordre venu d'er-haut, heureux ‘candidat doit tenir dans le moule. Les responsables locaux {ont du zéle, comme ces Mics qui veulent absolument faire ren ter un suspect dans un poricait-robot. Sauf qu’ici ce n'est pas de crime qu'il agit, mais de bonheur. Un voyage & Tétranger, maeite. qui dédaignerait ga (surtout quand tant de gens se voient eur passeport refusé)! Personne évidemment. El pour- tant es parents de fa copie conforme, qu'une voiture officielle dans les champs pour quils signent Pautorisa- ‘ion de voyage, 'engageant du méme coup & fournir & leur fils des cadeaux folkloriques pour les petits Anglais et de argent de poche, revieanent bientit sur leur decision. Ils ne sont plus accord, leur fils n'ira pas en Angleterre. Alors le film nacre par fe détail toutes les manceuvres. toutes les pressions quis, subissent. Ils en triompheront en restemt sourds a toutes ls is jonctions, 4 tous les accommodements. Leurs motifs fe film et est Li a force — les laisse dans Fambiguité. On ne peut sa voir, saut si soi-méme on prend parti sis s‘obstinent par ar- igration, peur de fa modernité, retard sur le progrés, ou par scerete ef instinctive résistance i un abus de pouvoir, au com: mandement du bonheur obligatoire. Quant & moi, je me cis, ‘que leur imperméabilité intraitable appartient moins au passé qu’ Taveni ign a con Angleterre, Le an éleve et a 9. Séeurte les mailles de ta fiction pour voir respirer le réel, les mailles du rel pour voir impitoyable, désillusionnée, ico- nique. farceuse, naitre une autre fietion. Loin des phrases et des promesses, les codes craquent, flottent, se désagrégent.. Loin de In revolution... Méme si nulle part personne ne peut Jamas totalement se soustraire [ui le régime ne régne pas Partout en malice. lei il hésite, la il clapote, ailleurs il piétine TI stessouMe assembler, il s'épuise & diviser. Souvent il transpire en vaines pertes. Parfois il se casse les dents. Et Séenille 54 carapace. Tous yeux éearquillés, je mesure ~ et jen jouis ~ Fécart entre les éarcans ¢'Etat et les carcasses vi Cad ri que Mart autorise & force de revendiquer sa propre _certes se voit borne par Finterdit majeur de filmer 34 le pouvoir (comme a tres justement formule $, Daney. Car hers u” 256, Le discours off) mais. du coup, peu dieuvres ‘comme certains fiims des pays de (Est, poussent aussi loin la ‘mise a plat quotidienne de I'Etat, sa dissemination civile. Se fon Fart du ricochet. Ruses, feintes, défis. faux mouvement, ‘euuites, compeomis, dees, demi-oui. non ambigu : toute tune gamine de réactions adaptées ol Sexposent a la fois com- nt le pouvoir petit tous las désrs, méme les plus prives, et comment les désirs, ft-ce les plus publics, s’evertuent a se dipsirer du pouvoir. 10. Pour fini, je ne parlerai pas de Hors jew (histoire un pea lourde Sui acbitre de Football qui se prend trés au sérieux). Je te dirai rien de Reflers(penible histoite d'une fille qui se mure ans le mutisme) si ee n'est que jaime bien le plan ou elle dé hire ses i qu'un mot Une vie tout orudinaire (celle d'une vieille paysannee qui grimpe encore tans ies arbres, rouit te lin de ses pieds nus dans eau d'un imareenge et fiait par séaliser son veeu d'aller voir son fils & fe de $6): cest beau, en noir et blane et en 1.33. Je dirais bien quelque chose de ces Créateurs «C'ny siete (qui se dispute pour emplacement du tombeau Ue Petofl le pote révolutionnaire, morta la batalle de Seges- var) sijavais compris qui était qui. Je ne m°altarderai pas sur Ailes deus. saut pour dire que Marta Meszaros me parait étre la pus subsite des vingastes de la dépositivation en ce sens que «lle part de curtaines valeurs morales de la positi- iste (ravail, dévouement. amour. fidélite) et traque lies investissent ou refoulent de pulsionslibidi absentes de (oule la cinématoges- Absentex comme telles. absentées. Meszaros, ims oi elle se révéle une remarguable directrice urs. shaettices, eerne au plus prés ce que represente de ramatique. individuellement, 13 destabilisation du héros posi- je voudrais signaler (intérét de Souvenir d'Amérique, long metrage de Gabor Body. D'abord parce quill se situe dans Feventail des évitements, dont je parlais plus haut, Souvenir d’Amérique, de Gabor Body ure précise : le sujet historique, Comment parler du destin d'une revolution, du devenir-répressif des. ré volutionnaires ? En passant par l' Amérique. Le film met en eee Ues officers hongrois. acteurs révolutionnaites des, fut- tes pour lindependance de 1848-49, émigrés aux Etats-Unis ‘Pour Tuir la repression. Ils se mettent au service des Nordistes, pendant Ia Sécession, avant de devenir massacreurs d'Indiens, Mies ow agents du eapitalisme. L'un deux est plus ou moins Vinventeur d'un instrument géodésique et travaillera aprés la suerre pour la compagnie qui construit le chemin de fer vers FOuest. Le second motif 'intérét du film est la, dans eet ap pareil de mesure et de visée. Il in-forme le film, est le prétexte (ou le moyen de 10Us les effets de deconstruction propres 4 mi- fer les codes du film historique jusqu’a faire éelater ses lim tes, sa vail is Stes. renversGes, ratutées, iraversées de pointilés, marquées de croix de visee, ralenti lou, saccades. déchirement. rayures, voilages. musique saturée ou inscrite sur la pellicule : procé des habituels d'une cortaine avant garde. du cinéma under. ground. que Ton est d'abord surpris de trouver appliqués ici. inais qui Irés vite eonduisent a s'interroger sur une certaine Fagon de faire histoire, Jean-Paul FARGIER 2. Entretien avec Marta Meszaros Cahiers. Vous aves réalisé beaucoup de documentaires avant de passer wux films de fievion. Comment étes-vous pas- sie de un é autre ? Et dans vos films de fiction, Vaspeet pré- is, informatil, provienril de votre travail documentaire ? Marto Meszaros. Les documentaires, pour moi, etait avant tout une école, une école de cinéma et aussi une fagon d'ap- prendre a mieux connaiire mon pays. J'ai véeu ts longtemps. ‘en Union sovietique, j'y suis parte trés jeune, j'y ai fait mes, tudes et quand je suis revenue. je ne connaissais pas bien la vie dans mon pays. In Hongrie. J'ai done fait des documentai- tres, tres classiques. Dans mes films de fietion, au con- traire, je reconsiruis emticrement les situations, les histoires. Cela ne vient pas d'un regard documentaire sur la vie. Je ta vaille beaucoup avec les comédiens et je leur laisse beaucoup de possibilités improvisation. Je n’éeris jamais de scénario sans savoir qui jouera le rdle principal et jécris souvent mes histoires en fonction de la personnalité des comédiens avec ui jai envie de travailler. C’a dé le eas pour Adoption et Cati Berck, pour Neu mois et Lily Monory. Pour Elles deus, est pare: je Favais écrit au depart pour Lily et Jan No. wicki, qui état déja son partenaice dans Neuf mois, mais jai ‘te longtemps bloguée parce que je ne trouvais personne pour Jouer le réle que joue finalement Marina Viady. Et le Tilm que je finis en ce moment, Vide m’en est venue & partir de Jan Nowicki et dela petite fille qu joue dans Eis deux et (que je trouve trés bien. Entretien avec Marta Meszaros Cahiers. Méme si cv n'est pas votre point de départ, on a impression que vous accurde: une grande importance aux notations précises, aux devas, et é leur imégration au cours de a fiction. Dans Elles deax, par exemple,j‘aime beaucoup fa premiére scéne, quand Maria Vlad ouvre son sac dans le train et relit le télégramme quielle a regu vos. Wy a. au depart. un parti prs de réalisme et les is vennent ensuite en cours de tournage. Dans cet exem- ple, je savas que si je fasais lie Marina Vlady ce t6é- Bramme au moment méme of elle le egoit, il aurait flla un ros plan, qui n'aurait été qu'un gros plan de Marina Viady. ‘Alors que Ii en plan large. dans fe rain, etait tres diferent it n'y avait pas de deamatisation et ce métait plus Marina Viady mais Mavi, dans une situation précse. Pour moi, c'est ees different du travail que je Casas Jans mes documentaires. la ily avs dans mes els. il n'y est plutst du réafisme. plus proche de Tecole russe ov de Técote anglaise (comme les premiers ims de Richardson) que «du néo-réalisme italien auguel vous étes beaucoup plus habi- twas, ie. Chez mo, les Wstals ne sont jamais pris dans la vie ‘qotidieane. intime. vomme ceux qui constituent le jeu Anna Magnani. par exemple. Ca ne mintéresse pas du tou. ‘Cest plutst un réalisme qui porte sur de situations sociales, sur de fait, que je presente une fagon assez sche. Je com: sence toujours pa Situcr un personage : voi elle travail, elle fait tl ou tl travail on voit ce travail et c'est seulement Sprés que senclenche faction. Il a'y a pas pour moi defi tion psychologique possible sans cette presentation concrete Ue la situation sociale des personnages. Dans Adoption, elle teavaille dans une fabrique de bois (et [on voit le bois la poussiére, les copeaux). Dans Elles deux méme, on voit et on pred que Marina Viady est dreetrice dun foyer dour Fes on voit eon apprend quelle a des dificltés dans son due ce nest pas toujours facil, et. Tout cela fait par- tie e Ia construction de mes films, de leur dramaturpe. Is ne sont pas du tou + je iline, jenregistre des moments preci des fats et e'est seulement apres, quand leilm est ter- thing, que Mon peut comprendre les eonflts qu étaient pré- sents dans ees moments. Cahiers. Cest dyatement irés net aw niveau de lespace. Dans vas films, Fes gens se déplacemt beaucoup, on voit des Urajets, des trains, des gues, 1rés préciséiment ; mais on nar rive jamais & situer wn lieu par rapport é un autre, géographi- quearen! ow temporellemem. Ces liewx correspondent d des nomen, eu aussi. Est-ce wn procédé d'écriture ou bien es cee aussi parce que, en Hongrie, on se déplace beaucoup, et aril ya une plus grande mobilité ? Meszaros, Ce a’est pas parce que ga se passe comme ga en Hongrie, c'est moi qui veux que ga se passe ainsi. Dans mes, films, les histoires sont banales, ine se passe rien d'extraordi- naire. c'est méme un peu toujours la méme chose, sauf que ¢a change de lieu & chaque fois. Ce sont les déplacements qui rnourrissent les conflits et les changements. Le confit entre Marina et son mari, par exemple, vient du fait qu'elle a ‘changé de travail et qu'elle ne rentre plus tous les jours & la maison a cing heures. Elle est soudain ailleurs et c'est ga qui vva changer toute sa vie, sa conception du mariage, de la fa~ mille, El ga, effectivement, ga m'intéresse beaucoup : quand quelgu'un change de place, géographiquement, socialement, {ga déplace tout le reste . Queest-ce que c'est que la « famille », fe «mariage «, 1a «view? On reste dans des banalilés tant qu'on ne sintéresse pas 4 ce qui construe la famille. Quand fon y change quelque chose, de I'extérieur, soit le lien fonda- 35 Neuf mois, de Marta Meszaros ‘Adoption, do Marta Meszaros ental subsiste et In famille aussi (mais autrement), soit tout s'oflrite et il ne reste rien. C'est ce qui se passe pour Marina, Vindy et sa famille, Pour la famille formée par Lily, Nowicki ella petite fille, c'est le contraire c'est un couple qui se dis- pute toujours, qui n’arrive pas a vivre ensemble, ni sépare: ‘ment : lui boit beaucoup et elle est un peu bizarre. Ce qui se passe entre eux est ce qui mYintéresse le plus, c'est plus pro- fond. C'est justement parce qu'il n'y a pas dans leur union toutes ces structures banales qu'on peut y entrevoir autre chose. Et moi, je cherche toujours dans mes films a provo- quer. & bousculer les habitudes, pour voir ce qu'il y a dessous. Cahiers, Elles deux, est-ce que cela neut dire que les rapports entre tes deux femmes sont ce qu’ sa de plus important clans te fim? Afészaros, Non. La wcaduction du ttee est trés mauvaise. En hongrois, c'est intraduisible : ce n'est pas « elles » qui compte, mais « deux ». c'est ta notion de dualité, ces-i-dire deux d deux. Mls sont trois personages principaux, mais considérés a ‘chaque fois par couple. Comune le film est déja passé au Festi val de Paris sous ce ttre, c'est difficile de le changer mainte- nant. Cette traduction doit sans doute quelque chose au Fémi nisme qui est un peu devenu une mode, ici Cahiers. Esv-ce qui n'y a pas ambiguité dant vos titres? Par exemple, Adoption ne correspond qu'é la derniére image du film et avee Neuf mois, on eroit quill s‘agit d'une histoire de" grossesse, M wos. C'est vrai. Adoption est mal traduit (méme ‘eat liuérab parce que chez nous» adoption »a un sens beau- coup plus large que le fait précis d'adopter quelqu'un, cela veut dire aussi bien : ‘adapter a une situation. Le hongrois est tne langue trés difficile. Quant a Neuf mois, ces! different. est moi qui lai voulu 4 cause de cette demiére image dec: couchement. laquelle je tiens beaucoup. Mais peul-étre Nici. avee la mode du féminisme, ¢a perd beaucoup de son Cakicrs. Méme si le rapport entre les deux femmes n'est pas le centre du fl, c'est ce que je trouve de plus réussi et de plus complexe aussi. Quund elles sépient & travers la porte, par exemple, ot la seéne de Marl repoussant Lily dans ta fore. ‘Meszaros, On représente toujours les rapports entre les fem- mes de la méme fagon : elles échangent des habits, elles par lent de choses intimes ete. C'est vrai que c'est és féminin, les hommes ne font jamais cela, Dans Adoption, on les voit se passer une chemise de nuit ec. et il ya une complicté physique ‘entre elles. Mais ce n'est pas si simple ily a des heuris aussi, quand le gargon vient. par exemple, ou au début, quand elles se blessent, Le rapport entre elles est conflictuel. L'une est Jeune ei Tauire plus dgée et cela déji compte. Dans Elles deus. tes deux femmes sont attiées Tune par Fautre, mais jus- tement parce qu'elle sont totalement differentes, leur rapport est uifficile, Et ee qui est important, c'est que Marina n'aime ppas seulement Lily mais aussi Nowicki et la petite file Cahiers. Ce qué mvintéresse aussi dans vos films, cest le dé: Part banat des situations, leur edté presque wnous deux »: elle dime wie homme marié, oti un homme qui Boit et se dégrade etc. enfin toute la game des amours impossible. Ed partir de lé, vous arrives 6 saisir des intensités, Gi leur restituer une campleur.. Meszaros. Oui. Prenez New/ mois, ests banal, Mais dks Fe dépar, il y a quelque chose d'un peu tordu, de Tordre de la Neu! mols, de Marta Meszaros Festival de Paris Merta Meszaros Entretien avec Marta Meszaros prosogation dont je parlaus tout & Vheure. lei, est le fait que Lily « déja un enfant suns éire marige, qu'elle continue & étu et qu'elle va faire un autre enfant. A distorsions, je peux parler coneréiement sport ete. Souvent, on me dit que ration mais je ne crois pas : ele a en tore envie de vivre avee lui, méme Aver tous ses problemes.. La fin du filmy n'est pas kt fin de Thistoire, seulement un mo: iment ou gat reste OuverL Cahiers. Estee que vous are ici? Et celui de Chytitova ? vu des films de femmes Mexzuros, Non et je le regrette parce que j'simais bien ce quelle Faisait. Je ne sars pas pourquoi elle s'est arrétée de fi ther depuis si longtemps. J'ai vu aussi beaucoup de films UAgnés Varda, aime beaucoup les premiers e¢ meme le der- rier, bien que ce soit assez different, Je le vois comme lis toire de deux fumilles, comme une grande fresque, Mais ce Mt pas du tout ce que je pourrais faire, moi. Cahiers. Comment cas fins sanvils recus par la ertique et ‘par le public en Hongrie ? Meszaros. Hs sont us, Lisbas, il ay pas les mémes pro- bblemes se sortie qu'iei. Dans ensemble. ga marche bien. sur tout cldopnon. Elles deux west pas encore sort, Mais dans Fensembic, ls eritique naime pas mes films. Cahiers. Li vase Adoption, Ja) eu Limpression dene de ant wo jlo 868 neuf pate rapport @ certains clichés du fen hivime.. in evi vtulent, charnel des personnages, Et puis aussi cet asp androgen je pease surtout d Lily et d Gxon- gover Fighn. fa seconde aciviee du file, qu'on retroure dans 1 suivants. avee sey airs de Cavan... et wrdine Catt Be- ins dex munnants uti elle fait de la menuiserie ‘coup de person elle est extraordinaire. Le ‘cncia a eonsteut depuis Fe debut Ju sigele Fimaged'une eer Fantastiques, image, d'une eeruaine ailleurs oue us etait possible parce que Cétait un personnage historique et role masculin dans La Reine Christine et ta, aussi patee a it Garbo. Ceci dit, en général. je n aime pray les Femmes qui jowent des rBles maseulins. Parce que je suis forme, jaime tes enfants. iwissi Ios fenimnes. Seulement je n'aime pas le Féminisme a la ‘qui dit qu'ellé ne peut travailler faire un film sgwtavee des lommes, vivre quTavee des femmes, C'est son tem: ment, d'accord, mais je trouve ga complétement foux av hiveat ane vision globale, On ne peut changer la situation ten climtinant Tes hommes. Hy a des hommes. il y ades ‘on ay peut rien ehianger. méme si dans leur rapport tcontinuelle bagarre. L’amour est devenu il, Limage de la feminité change : rien qu'au ai rents, du maquillage, sous influence des fem- mes qur (ravaillent, Mais la femme est devenue aussi plus cruelle see Phomme parce qu'elle veut aussi sa propre vie et est Ga qui est important, cette bagarte, ce travail. c crs. Mais justesnent, ce qui est interessant, e'est le de puasentent des situations hamadtes de départ et puis le fait que il if tans vos fons, cv son les fenumes qui fou rout le ia manent pis gue les. hanmes. Meszurey, Dans cldopaion, une femme de quarante-de sleimande a un homme macie de lui faire un enfant, et ga c'est dlejc ne proves “egard des homies. Paree que jusqu'a present, biologiguement et psychologiquement, les femmes Supputaight tout le désir dey hommes et Forgsnisation de leur tig en fonction de ee dsir. Muintenant encore. ce a’est pas Geil W et c'est trés dicile 'arriver a autre chose. Par exem, 1 encore quelque chose d'énorme pour un homme rx c'est ls Fernie qui lit In premiere son envie. Paree que profondément, n'a pus change : le mariage. le fa jis. tol ‘gi. Ga existe Toujours. Pare que je suis une {commend i faire des films sur les femmes. mais & je eros qu je NeUX et que je vals faire des films Sur Fes haimmes. Tous les hommes mont it par exemple que dans Nenf mois, Phomune était caricatural, Je ne le crois pas. un Lype qui Cxiste et qui pense comme gat et qui veut ga Bergman, gui est un homme, earicature plus durement Tes hommes. Ce sont ales choses tres compliquces, les rappors est aussi ce quil ya de plus impor: aement abords, Méme si ca ade) <2hans la tte des femmes. C'est Ia contrainte de ka tradi ga'on $e fait & soi-méme era irés long. Pourtant deja «fille qu'on avait d peine enten- Tout eu. erie yue Lour ga. C'est du men elles se mentent encore, Fin ake les dens fp Ale mais qué av “parce qu (Propos rccusills par Thérése Giraud et Dominique Villain.) 3. Sur trois films de Marta Meszaros Ty eu, il y a quelque temps déja, apparition massive de films de femmes, des femmes dans ies films telles qu'lies talent apparues sur la scéne sociale et politique : Mon ewur est rouge. Ben et Bénédicte, L une chante, autre pas, Est-ce cette prise en compte du mouvement collectf qui les distingue autres films de femmes comme ceux de Duras, Akerman ? ‘Ce qui était en jeu dans ces films, cétait d'abord la mise en ‘avant (en s‘appuyant sur un mouvement réel) d'une nouvelle ige. d'une contre-image qui en finisse avec celle de ces fem- mes fatale. fantastiques et mystérieuses (cf. entre cconstruites par les hommes. soumises a leurs ceprices et a teurs fantasmes. I fallait investi le liew-cinéma avec ses Dropres images. y constituer ces propres chaines, pour les faire aceéder & ordre du vraisemblable, du représentable. ‘Mais fe droit de douane en quelque sorte le prix pour le pas sage a Tecran, le prix paye par le mouvement a eté la dispar tion méme du mouvement. le gommage de son irruption sur la seéne historique, opération de base de toutes fictions natura- 38 liswes, D’un edté. la grande aventure des femmes, de leur ima: ginaire et de leur créativité libérée, le nous des ferames comme Porteuses de la derniére cause, des germes d'un nouveau monde a venir. Et de Vautre, ringvitable pidge de la réalité, la réalié Ia plus nvire, In grande misére des femmes. ya Ben et ity a Bénédicte. il y a celle qui chamte et celle ui se tait, ily a Frangoise Lebrun et Temployée de Hertz dans Mom caur est rouge. Le partage des personnages : his toire de répartir les antagonismes, de ne pas provoquer les conflits. La multiplication, addition des images les unes apres les autres, histoire de colmater les bréches, 'occuper toute Ia place. de tout mettre sur la surface de I'éeran : c'est quiil y va encore du pouvoir-maitre Car dans une comme dans autre de ces chaines, celle des hommes et celle des femmes, il nes'agit en fait que d'une seule chose : évacuer ce qui fait probléme, ce qui résiste & toute re- presentation : le difficile travail de "amour et ’échee & en par ler Crest ce & quoi s'attaque, dans ses films, Marta Meszaros. Adoption, Neuf mois et derniérement Elles deux, que'que chose comme une houllée d'aic dans cet enfermement qui se rmettait en place. dans ces modeéles rétits de la nouvelle fémi Paradoxslement cette bouflée d'sir frais venait de (Est. Les films de Marta Meszaros sont des films de femmes au méme titre que les préeédents, dans la mesure ot elle ne prend. le social en compte qu’a partir des problémes de ferumes : la maternite, la liberté économique et sexuelle, l'indépendance. Mais au leu de les égrener le long d'une grande fresque écla- te, ces problémes, elle les rameéne la ob ils s‘ancrent, li 04 ils font probleme : dans les corps, le lieu de l'amour et de sa de ‘mande, C'est de la qu'elle part, c'est la qu’elle ancre ses fic: tions, dans ta banalité des histoires d'amour et des codes amoureux. & ce petit décatage prés que, dobjet de I'amour. les. femmes en deviennent le sujet: ce sont elles qu le parlent, qui en puintent les codes, qui en retiennent, le déilement continy st lingaire qut les figent en des instants symhétiques et percu ants, ces instants gui habitent toutes les histones banales & male Sy arréter, Dans ces lls il y'va aussi du collage, non plus celui du cal anatage et du remplissage en vue d'une finalité & venir, mais, celui lu déeoupage. du démontage, de la fragmentation, le tra- ‘ail Je it division du sens par fa juxtaposition de ces moments ui en cur-méiey ne disent que leur banalité, sinon dans les incervalles. par In confrontation de leur non-sens, Un exemple dans Neuf mais : lui violent et vengeur, lui dé chive i robe, Elle lui renvoie sa violence, la retourne comme ‘comme elle le reiourne en te déshabillant tendre- in enfant: entre Chomme-enfant et la femme-mére, nents universellement codés de amour, le désic, en- Ision hors des corps, hors-eadre, tigee p Los films de M. Meszaros sont irracontables, sauf a les dé- evire plan par plan. Ce ne sont plus les deur faces de la mé- aille gagnée parle feminisme, la brune et la blonde, le réel et Fimaginarre. mais les multiples facettes de la boule de cristal qui donne yuelyuefors a voir dans ces brefs reflets de lumiere, vee qui s'y cache en profondeur ; au centre, il y a le norud, le tere. ee qui est & découvrir mais toujours est dérobé. Adoption : ane femme veut un enfant d'un homme marié q refuse. A la fin du film, elle se retrouve avec un enfant qui a'a Fiend voir avee homme, avec aucun homme. Entre les deur, homme et la fernme. homme et Venfant: rien. ‘Neuf mois : une femme aime un homme qui aime aussi cette Festival de Paris We. Mais entre eux deux : rien, Seulement un enfant, une Allaire W'aveouplement. produit du désir mais non pas de amour. ‘flex deny : doux femmes et un homme. Entre les trois : rien, seulement une enfant qui regarde et qui crie le mensonge. Qu'y abil? Rien. » répond-on tout le temps, quand on ne it pas quoi eépondre, quand la réponse est celle de la de- le temps de ee rien, ce sont les corps féminins que M. met au travail ittéralement, dans des films profon diément chatuels. physiques, violemts. violemment érotiques.. Le corps feminin, traditionnellement fantasmé, représenté ‘come Te portur de tous les mystéres de la Creation, mais dont Fétrangete. la, est rapportee a Tordre de préoccupations Termporeltes- les inguretudes de la santé les angoisses du vel ent. tes marques du travail. Hs ont 40-ans ils ont 16 ans. ils sont presques androgynes. ils ont des allures de Nout mois, de Marta Meszaros seyous. ils ont kt violence de leur dési ils rent, ils pleurent, is houdent. ils s“siment. ils Se Reurtent et ils Sabiment. Entre Feaimnes aussi tout ne es pas tout seul Androgynes ? Il ne suit pas de mélange. an pew de Vun et tun peu de Fautre et de tout réumir dans le creux d'un person: nage composite. ‘Androgynes plutdt dans la mesure oi ces corps ne sont ran: ‘geables, catégoriables dans aucune image, dans aucun cadre de la feminite His y gognent une épaisseur charnelle, un relief pulsionnel sis en jeu dans Faffrontement de ees cadres ; les cadres de la représentation et ceux de lenfermement quotidien. En cela. el les sont femmes, différentes. Et les cadres du film, ce sont ‘ceux de la mise en évidence des frontiéres, di travail de Vhete rogene. Deu femmes au bistrot dans Adoption et dans Elles deux : perdues et isolées dans leur immensite (Uimmensité des bis: trots de TEsi). Tout d'un coup le cadre se refermey les en Terme : les hommes les entourent, marquent la frontigre a ne ppas depasser. C'est pour ga qu'elle se rassembient ces femmes, pour faire sauter Ges fronticres. C'est pour ¢a que la jeune dans Adop- tion va voit Fautre, lui demande de Vaide : pour sortir des ca- res de MEtat ‘Mais pas seulement : elles soat attrées "une par autre aussi par leur difference, leur héterogéneité. Il y a des moments ten- res. ceux de la complicit, ceux de Tattirance. mais qui de une a Tautre ne se ponctue jamais, toujours dans Mintempo- Sur trois films de Marta Meszaros rel de leur demande. Mais il y a aussi des heurts, comme le travail de la diffrence, de la mise en défaut du moi: ailleurs «elles ne racontent jamais leur vie. elles ne lai donnent jamais tun sens, elles ne Stexpliquent pas. Dans Adoption : deux femmes: une jeune, mais prison: rire de Etat (un home pour enfants absndonnés par les pa rents), qui n'a offrir que sa revolt. Lautre, indépendante et ‘mire, sage et rééchie mais qui ne sait que Faire de cette indé- pendanes. Toutes deux face au vide, face au manque, dans tune quéte que Fon devine interminable et qui ne viendra se ponctuer que des atributs grotesques de amour: un mariage traditionacl un enfant emmaillote qu'elle porte a bout de bras commie le substitut dérisoire de sa demande, Les corps mis au travail dans le lieu de amour : «Je ne peux rien Tui refuser » ditelle dans Elles deux : de quoi faire Feémie toutes nos féministes bon teint, roses bonbons di Ia pu ‘deur outeée. Elle ne lui refuse pas son Uésir (ef. la seéne racon- tée plus haut dans New’ mois), mais ce dans quoi il veut Yen Termer ; le couple. le mariage, la maison, renfermer et le do mestiquer, En général. un accouchement au cinéma est toujours Mac couchement de quelque chose d'auire, Dans Neuf mois, elle iecouche que d'un enfant. C'est de Taceouchement méme qu'il agit; Caccouchement comme le uifficile travail de Famour avec s2s joies et ses peines,la marque de ce travail ‘sur Tes corps. Le travail qu'il faut pour sont des seniers bat- tus (le dfilement linéaire et continu des codes). Enire le mo 39. ‘ment de accouchement pourtant filmé de bout en bout et le ‘moment ob on lui remel enfant. il y a une rupture. une sya- cope : Fenfant est aussi range au corps de Ia mére que cet amour dont il est censé ire le produit. Car l'amour, c'est aussi ce grand vide qui ne se comble jamais. qui se loge quel- ‘que part-au milieu, entre les corps et leur demande, et Tenfant Produit ou non de Faccouplement (ef. Adoption) n'est pos le signe de Tainour. de union pariaite des corps. mais de Fetrangeté méme de cette demande et de son impossibilité & tre comble, Liamour, c'est ce qui travaille les femmes, c'est leur affaire, du moins pour le moment: est elles gui le mettent au travail ‘gui en révelent le manque. Mais dans Elles deux deja, Yimpos- Sible de la demande est reporté, porté par le corps de I'hom- Crest leur afaire aussi parce que c'est li que sancre le fémi tisme, cest aussi ce qui en constitue les limites, ce qui en re bat les elans (cf. une certaine tendance au familialisme). Mais il peut éire aussi te lieu d'une grande aventure. ‘A partir de i, du lieu de la demande, de limpossibitté sméme de toute relation & lauire, & Vhétérogéne, & mettre en Gvidence le noa-sens de amour et de son desir, seulement, on peut aller ailleurs. L'amour ne devient possible qu’ partir du ‘moment oi on le sail impossible. Il sera alors tout autre. ‘Thérése GIRAUD. 4. “Camouflage”, de Krzysztof Zanussi Ceci est uo article marxiste. Dars un film de gauche, le marxisme en gros (en gros et en portions, & la louche, celle qu'on serre, eta la cuiler, celle ont le dos ne srt pas dy aller, en vrac et en doses, je ne fer pas le détail, on y serait encore demain matin, tant il est vrai sje le marxisme n’existe pas. qu’existent seulement des mar ‘mes, ga commence a se savoir, pourtantpersisterai:e a le mer au singulier, car comment autrement désigner cet im- tncnse éservoir de doxa qui se rélame de Marx comme ¢'une boone image de marque et se partage de plus en plus & 'égal dds hon sens 2, e marxisme-en gros dans un film de gauche ‘94 srt a prendre conscience. C'est ee qui permet au(s) per- Sonnage(s) animé(s) par le scénario et, suppute-ton, au(x) Spectateu(s) (Ii, mangue de pot la petite phrase sur les con- vaineus d'avance est absolument juste), de_ prendre cons- cience.-99 fois sur 100, le théme du fim de gauche cest la prise de conscience : la profondeur, étendue Ia vitesse seules les diflerencient, et les citconstances, c'est ga la fition, Te cconere, individuel, Panecdotique, sinon mieux vaut faire de Ja theorie, Dans un film de gauche. le marxisme est deri la ‘caméra. Jamais ou presque devant. On peut compter sur les doigts d'une main, en France, des deux en Italie, les personna- ses dont le marxisme comme tl serait un des rats, Tune des omposantes, doat on pourrait dire voila est un mar parle, cest un marxiste qui agit, est un marxste qui pense. Si cela se présente, c'est toujours d'une victime, d'un persé- cuté, d'un martyr qu'il s'agit. Le film de gauche affectionne les fon-conscients (ce que pointe trés bien S. Toubiana a pri pos de Tavernier, Cahiers 282) et une fois la prise de cons- cience faite i préfére monter te son {pom pom pom porn) et metre le mot fin, Pourtant on aimerait bien voir qu'est-ce quills en font aprés de leur marxisme, ces héros de la cons- cence (ce que montre Godard dans Comment ¢a va ? qui, jus- lement, n'est pas un film-de-gauehe). Dans un film socialiste, dans un film fait dans un pays socia- liste, duns un film fait dans un pays qui se dit socialiste (choi sissez votre mention), le macxisme ga sert a rien, c'est la. De- vant la caméra. C'est partout. Dans un fim socialiste, du moins dans un film dont V'intrigue se dérovle li-bas et au- jourd hui, les personnages sont tous maraistes ou presque, ils Cont tous eu & Técole des bonnes (ou des mauvaises) notes en M.H. (matérialisme historique) et M.D. (matérialisme dialec- Lique) les décors sont marxistes, les usines sont marxistes, et les appartements, et les routes. et les senters, toute la géogr hie, et toute histoire. Le marxisme fait partie du paysage, Urbain ov rural, il est dans ari est dans Teas i est dans la hou. il est dans Ix merde (et fa traduction liuérale de Camou ‘Plage est, parait-il, « Couleur de merde ») I est en chacun et fenire chacun, Il est partout et cest pour cela qu’on ne le voit 40 plus. 1 est et il ale pouvoir, il est et ila la puissance. Un film socialiste montre ce que le film de gauche voile ou tait :que le ‘marxisme est moins un moyen de connaissance qu'une techni. (que de prise du pouvoir ~ un savoir-prendte-et-garder le pov: voir, Aprés quoi la conscience devient inutile, voice nuisible. ‘Si toute conscience est conscience de classe, comme il n'y & plus de classe. il n'y a plus de conscience, elle n'a plus lieu i ‘objet. ni sujet. Sauf on Etat. La seule conscience de soi est (cn) Etat et elle s‘appelle Parti. On aura toujours trop de doigts a Ia main pour compter les personnages qui, dans les ims socialises. opérent une prise de conscience par le mar- xisme ~ ou alors est qu'ils vivent dans des temps reculés, avant, avant ta prise du pouvoir. Rarement, fitm aura aussi bien éalé que Camouflage, du Polonais K. Zanussi, quel point le marxisme ~ celui que ‘ine définissait comme « Vidéologie du prolétariat éduqué par le capital » = nest pas autre chose qu'un darwintsme social (evlon ta magnifique expression de Eduard Goldsticker. rei- sant Engels et sa Dialectique de a Nature ; Goldsticker. un des intellectuels qui ont fait le Printemps de Prague, ce Prin. imps dont il faut se souvenir qu'il fut d'abord un sursaut de ly conscience individluele et morale face & tous les galvaud: ‘ges marxistes de 1a raison) (1). Zanussi met en seéne V'afTrontement de deux universitaires polonais dont le plus haut en grade est justement un passionné 46 la dialectique de ta nature, surtout chez les animaux. qu'il traque avee ses longues Focalestrés style safari photos. L'au- ite, nférieur hierarchigue, est simple assistant. Ensemble, is Cont Ia responsabilité d'un stage dete of des eudiants de plu- sieurs universiés rialisent pour un prix de linguistiques com- parées. Le premier est d’age mir, le second est jeune, encore {iés proche des éiudiants, sensibie a leurs revendications de smocratiques, revendications que le premier trait par Vintimi- dation et le méprs (vous voulez des délégués ? vous aavex (u'a éire coux que j'ai désignés. Le premier en sait long sur les institutions et comment sen serve, autre ignore tout et croit encore a la« vocation d'enseignant s, au « beau mister» de chercheur. Si le second a des serupules sautr la petite “Anglaise. boursiére de Sa Majesté. autre ache quil pave les servantes pour les baser. Longuesjoutesoratores ena parte, confits de tactiques Sut le terrain, miroitements des valeurs démondtisées, pieges des justifications ct justifications des pie: Bes : chaque coup. c'est le face a face du eynique et du maf, JusquTa ce quils ne fassent plus qu'un, noués dans une rixe dont le fond homosexuel semble alors évident (un signe de plus des profondeurs psychorsociales qu'exhibe cette fiction, sméme si Zanussi fat Tétonné quand on lui fait la remarque que son film contient aussi cela) Camouftage ou « Couleur de merde » s‘inscrit dans la tradi tion du roman d'apprentissage. Saul que dans son cas ils'agit non pas d'une marche en avant mais d'une régression, du ‘moins du point de vue de la conscience morale. En ce sens on’ Put dire que ce film, selon une courbe dune cruaute implaca- ble, offre une veritable prise de conscience d lenvers. Le schema parfait ~ et terrifiant ~ d'une déconscientisation Lieremple magistral d'un décervelage. Dun décervelage ma- aistal Festival de Paris On a beau commencer den savoir long sur les sociétés socia- listes, on reste stupéfait par ce qui se déplie li, devant nous. tous ces effets de marxisme.. Et pss de fagon primaire, som- ‘naire. Trés subtle, av contraire. U n'y a qu’a voir la fagon ont fe film joue de ta sexualité(rarissime dans les films $0: cialistes). ai dj signalé implication de homosexualite et de la prostitution. Je voudrais, pour finir cette nove, marquer Fimportance d'une scéne apparemment anodine et qui pour- rait bien cependant en étre la clef. ‘Tres gag hors récit : des étudiants « volent » au Maitre son appareil photo et clichent a la sauvette un cul, le cul de Fun entre eux dénude a cet effet, cul qui se trouvera done inscrit dans la série des photos safari. La farce consisterait a glisser tun corps étranger. obscene, dans la suite des vues (d'animaun ‘entre eur). El si ce corps, ou plulét cette image d'un corps, était pas si étrangére que ga i la série mais au contraire ea cconstituait Ia vérite tue 2. Indiquant en clair — encore faut-il Finterpreter ~, dévoilant quelles pulsions se déplacent et s'n- vestissent dans cette chasse aux images d'oiseaux de proie sai- grant les passereaux. Le camouflage s‘arréterait of Vob-scénité commence. Jean-Paul FARGIER. 1. Voie ace suet ~ conscience et raison - le discours de Karel Ko sik au Congrés des derivains tehécoslovaques, publi par Les Ca- ders de Est, numézo 7. ‘A propos de Goldstcker: son emetien avec Antonin Lihm dant Trois Générations, €8. Gallimard 70, Envin, dans cette perspective : fe marxisme comme darwinisie so- ial, je signale Taructe de Dominique Colas, « Les bolcheviks peuvent ne pas prendre le pouvoir” Terps Modemnes octobre 77.04 il trate du marxisme comme naturolisarion du social: atile qui est par ailleurs ee que Fan peut lve actuellement de plus perspi ace sut la désunion de la Gauche. Et de plus drole ~ce qui ne ete Camoutlage, de Krzysztof Zanussi La Roue du destin 5. “La Roue du destin} de Dariush Mehrjui Le film de Dariush Mehrjui, Davereh Mina (La Rowe du destin), qui a obtenu te Prix des journalistes d’Antenne 2, est Te troisigme film de ce réalisateur iranien. La trame en est constituée par le trafic du sang en Iran : le sang est acheté a bas prix aux drogués et malades des bas-fonds de la ville et re vendu clandestinement aux hépitaux. Deux personages, un fils et un pére, verus pour se signer & Téhéran, se trouvent ea traines dans le cercle infernal ; le pére meurt et le fils devien- dra un enlremetteur comme les autres. Congu lui-méme selon tun modéle cyclique, le fitm ne divise pas la scéne sociale entre bourreaux et victimes, ni entre oppresseurs et opprimés, ceux du dessus, ceux d'en-dessous, comme on aurait pu s'y altendre, mais, tous au méme niveau, fait de chacun une victime et un complice du mal. Dayereh Mina se veut fla fois documentaire, et parabole de In vie humaine : ce qui fait beaucoup. En fat la scéne recher- c’chée est celle du Fantastique, mais le film bute sur le référent atroce qui lui sert de base (et lui-méme sur les contraintes de la censure : voir plus loin), et les coutoirs des hépitaux, les an- tichambres des laboratoires maudits, les corridors, les esca~ liees. retombent, de l'univers kafkaien quils auraient pu pro: duire, & Métat de décors naturels et méme naturalists. La fie~ tion elle-méme, faute de trouver une scéne pour se tenir, s'em- bourbe a plusieurs reprises. Dans La Vache (un film sur Valiénation réalisé en 1969) Di riush Merhjui parvenait pourtant admirablement a faire dé- coller argument fictionnel des bords du ridicule dans lequet il aurait pu aisément tomber (un paysan aimait d'amour $1 vache et une fois celle-ci morte, il se prenait pour elle) pour tne fiction of le Fantastique se mettait a désigner le réel avec tune intelligence qui, dans le contexte répressif du régime ira- rien, fournissait un bel exemple de ce que Brecht pouvait entendre quand il parlait de fa ruse. La situation (sur le plan politique) ne s'est ~ c'est notoire ~ pas arrangée (100.000 emprisonnés politiques dans les pi sons du Chah) et fa situation du cinéma s'est en tout cas totale ‘ment détériorée. Depuis La Vache se développait en Iran un. mouvement de cinéma trés important : une quinzaine de ré- alisaleurs commengaient & faire des films qu'on pouvait voi dans certains Festivals ou Semaines organisées i cet effet. La, plupart de ces films étaient passionnants ; une douzaine d'en- tre eux ont été censurés, et il est devenu plus que difficile de trouver en Iran un producteur prét & investir de Vargent pour des films qui sont de moins en moins sirs de sortir. A €ela est venu s'ajouter le Tait que le cinéma iranien n'a plus été protege du tout, du fait de la non-apptication de la loi sur le contin= gontement des films étrangers ; le résultat a été une immense importation de films trangers (moins de taxes et moins de ris- ‘ques pour les disiributeurs), et un effondrement de ta produe- tion iranienne: on est passé de 100 films par an 4 5 films (cette année). ing films, dont Daverch Mina qui, aprés avoir eu des en- huis pour pouvoir se réaliser (retardé pendant son tournage jpar la censure préalable qui sévit également en Iran, et sans ‘doute géné dans sa conception méme par le risque omnipré- sent de censure totale) est aujourd'hui encore empéché de sor- tir en tran, Ly 2 li, pour le moins, un probléme de fond, tout bétement de liberté diexpression pour tous en Iran, et en particulier pour les artistes et les intellectuels tenus par le régime iranien. pour des fauteurs de troubles et méme, selon les derniers échos de Ta presse du Chah sur la contestation étudiante qui ne cesse de s'y produire (tapportés dans Libération du 8.12.77), des ‘agitateurs i la solde de Tétranger » Discours classiquement détonné pour masquer une crise culturelle a laquelle le régime ne peut faire face. Régime lui- ‘mime tellement boraé que tout acte de création (artistique ou fuire) y est un acte de résistance. Et mérite d'étre salué comme tel Serge LE PERON. Bien que non présenté au Festival de Pi oi le film de Jean-Claude Bictte. Le Théitre des Matizres entretien dans le n' 277 des «Cahiers» et critique dans notre prochain numéro), doit étre absolument vu, soit au Studio Action-République. soit La Cle. a2 Sur “L’Argent de la vieille” par Daniéle Dubroux Luigi Comencini est un grand cinéaste populaire. Souvent, il faut bien l'avouer, on «est tout content — cela prouve qu’on a gardé une certaine fraicheur malgré ce que pen- Sent certains - de découvrir qu'on peut encore jouir avec un plaisir sans détour d'un film acclamé par le grand public, et méme, 6 miracle ! rire de concert avec la salle. Bien siir des gens s'étonnent, on imagine des choses, par exemple que les Cahiers ont &é achetés moralement et financiérement par Autant-Lara et ce serait la raison d'un anticle écrit par son pseudonyme, JC. Biette, qui glorifie Gloria, ce mélo. Dino de Laurentiis aurait ete jusqu’a glisser un dessous de table a S. Toubiana pour qu'il dise que le second King Kong n'était pas indigne du premier, quitte faire hurler tous les cinéphiles intransigeants. Et méme Luigi Comencini en personne, at-il reconnu qu'il {ait question de son film, un film pour enfants apres tout, dans 'excellent article de J. Narboni sur la marionnette article exposé en ce moment au Musée de I'Homme (Ca- hiers, 265) ? Peutétre que non, car il n'a encore rien donné. Jespére bien qu'il le fera aprés avoir lu mon article sur son dernier film dont je vais essayer de montrer qu'il ext LeArgent de la vielle a un trés grand film populaire au sens le plus noble du terme, bien que ce qualificatif ait €té plus que galvaude, rebattu, ressassé, surtout a une époque oil des fronts culturels strigeaient un peu partout comme phare et réceptacle (concentration) de cette fa~ ‘meuse culture qui nous tenait tant & coeur. On Ha vérifié ces derniers temps, le peuple r’aime pas la concentration. Il continue dans certains endroits a aimer le cinéma, en Italie par exemple. Et nous aussi quoi qu’on dise. Il scopone scientfico, grossiérement « traduit » en frangais par L'Argent de la vieille, part d’une histoire qui est censée se répéter depuis huit ans, exactement de la méme fagon : une vieitle américaine, Bette Davis, vient passer I'été dans tune somptueuse villa & la périphérie de Rome, elle adore jouer au scopone, un trés an- tique jeu de cartes. Elle convie presque chaque soir un couple du bidonville voisin, ré puté irés bon joueur, a venir disputer une partie avec elle et son chauffeur, Joseph Cotten. illion de Mais depuis huit ans cette vieille maligne teur reprend infailliblement fe n mise qu'elle offte généreusement au début de la partie. Pourtant chaque année, lespoir, qui fait vivre le peuple, Vespoir de gagner renait dans les deux ccrurs trés unis de ce couple de six enfants, Alberto Sordi et Silvana Mangano, et ils attendent impatiemment le retour de la vieille comme on attencrait le printemps ou Marrivée du Sauveur. Les dialecticiens éclairés pourront se laisser éblouir phore politique, savoir: la vieille, 1a capitalisme-impérialisme américain, Peppino et Antonia, relies au bidonville, le peuple piégé par le grand capital mais y participant par pure nécessité vitale (ou infrastructurelle si l'on préfére). C'est pourtant bien a cette prise de conscience qu’essaye de les faire parvenir le pro- fesseur en matérialisme scientifique, quand il leur explique :« I faut détruire scientiti- quement la vieille», « apprenez déja & hair », sous-entendu : comme un ennemi de classe. Mais eux, ils ne peuvent pas, «ils Vaiment bien cette vieille ». Tl serait done un peu osé de faire passer le terrain oii se rencontrent La milliardaire et les sans-le-sou pour celui de Ia lutte des classes. On n’y découvre guére de rapport exploitant-exploité, dominant-dominé se tramer & travers de sournoises détermina- tions. Ou alors il faudrait y voir cette idée scandaleuse que les victimes sont consen- tantes et en redemandent, puisqu’elles n’attendent qu'un coup de sonnette (le coup de fit de ta vieille) pour aller se jeter dans les bras du capital. Non, ce terrain est tout autre. Ila un espace bien précis, bien délimité, c'est espace du jeu. La table de jeu était en effet le seul endroit possible ou faire s'asseoir et s'af- fronter ensemble les deux extrémités les plus antinomiques de l’échelle sociale : la milliardaire et le chifonnier (n’oublions pas que Peppino débarrasse caves et greniers avec son tricycle a moteur). Le seul espace, disions-nous, car, comme le rapport fon- damental au pouvoir, il est de ordre du symbotique, c'est la que se joue effectivement (car symboliquement, il faut le redire) le rapport du maitre et de l'esclave - en it couramment d'un homme qui travaille dur pour gagner difficilement sa vie. fait « lo schiavo » ~ dans un échange réciproque, le défi a mort, ou ce qui est en jeu, c'est dalle jusqu’aux limites de la destruction de l'autre. L'Américaine n'est pas dupe, elle sait quelle séduction, quelle ruse, il faut pour exercer le pouvoir (avoir la main au jeu), c'est pourquoi elle utilise le chantage affectif pour défier ses partenaires de remetire en jeu tous leurs gains, ou alors fait fa morte pour leur faire croire & une victoire illusoire sur elle. Mais qui en réalité pousse le défi jusqu'aux extrémites les plus folles, aux deux péles ‘du couple maitre-esclave ? En bien ce sont les deux femmes, ce sont elles qui ménent le jeu et la danse frénétique des cartes sans cesse redistribuées. Elles sont a la ois les deux leaders et les deux entraineurs du combat, & certains moments le salon ressemble & tun ring de boxe et 'on voit Antonia d'un cété et la vieille de autre en train de faire revenir & eux (et galvaniser) leur coéquipier épuisé avant le prochain round. 44 |. Les personnages sont ca- ricaturaux mais pas mons: trueux comme ils le sont sou- vent dans le cinéma de Fel- fini et méme dans certains films de Pasolini. C'est leur Fonction sociale qui les rend cearicaturaux : le professeur- discoureur, le curé conciliateur, ie bellitre-tri ccheur, a | prostituée-brave fille bernée par le sort. C'est par [a fagon quils ont d'hy- pertrophier leur réle, ou den Sortir soudainement par un retournement imprévs de uation, quills deviennent burlesques. Critiques Les femmes dirigent dans le film, rien de plus logique dans une fiction comme I! sco- pone, oi [a tradition langagiére populaire est prise a la letire, celle qui fait dire aux hommes : ma bourgeoise pour désigner leurs épouses. Le docteur Lacan qui s'y con- nait aussi en populaire Ia lui-méme fait remarquer : « Le populaire ~ mot j'en con- nais... Le populaire appelle sa ferme la bourgeoise. C'est ¢a que ga veut dire. C'est ui qui lest a la Botte, pas elle. » Car bien souvent, elles tiennent les cordons de la bourse, la vieille Américaine a fait de son ex-amant un chauffeur a sa solde et a sa botte ei Antonia est préte a sacrifier Tamour de Peppino pour largent de l'appartement: La botte dont il s'agit n'est pas celle des savants jeux d'escrime dont les manants étaient bannis. Pas de boite secréte dans 1 scopone, rien que des coups (et des coits) visibles, publics, de plus en plus énormes : 1a montagne de dollars qui s'amasse sur la table, quelques coups d'éclat aussi: le cendrier jeté sur le crane du chauffeur. Jeu éclatant des personnages : liquéfaction de la vieille, craquage dit chaisffeur, ten- sion frénétique d'Antonia, évanouissement de Peppino, mimiques et grimaces de connivence ; mise en scéne et éclairage (Ia lumiére qui vient frapper I'l de Peppino) de la méme veine. C’est en somme, li aussi, tout ce qui différencie un théatre de la rétention, du main- tien, de 'unité (les trois unités du theatre classique) et un théatre burlesque, d’ou n'est ppas exempt, il faut le noter, le tragique (ef. ta petite fille Cléopatra gardienne de la conscience du peuple et de sa lucidité). Au centre de la fiction, la scéne du spectacle (Ié salon de VAméricaine) avec ses at teurs grimés (Bette Davis excessivement fardée), costumés (a robe invraisemblable d'Antonia) et ses spectateurs (les domestiques), installés aux premiéres loges, derriére ta porte vitrée, qui regardent sans se méler au spectacle, séparés de lui par cette bar- riére invisible qu'au thédtre on appelle 1a campe. Plus loin, ne voyant pratiquement rien du spectacle, comme il arrive aux spectateurs du poulaitier (qui comblent les manques avec leur propre enthousiasme), se Faisant ra conter [histoire grice & une communication maintenue en permanence par le télé- phone (les jumelles au théatre) : ceux du bidonville sur la place publique. Et comme toujours dans les représentations populaires, le spectacle est (aussi) dans la salle. Les Episodes de |'intrigue y sont retransmis, amplifiés, mythifiés (« Ils ont gagné 7 mi liards! »... quand le déroulement de action n’en est encore qu’a 25 millions), rejoués sur un mode ludique et parodique par U'assistance en liesse. Car il ne faut pas Voublier, ce sont deux ‘des leurs qui ont été hissés sur la scéne, ‘comme a la foire quand le bateleur invite un spectateur a venir se mesurer pour de rire 4 invincible Monsieur Muscle ou au briseur de chaines : 1é il ne s'agit que d'une vieille. apparemment, miais « elle-est invincible comme fa mort » Passage du parterre a la scéne, traditionnel done, mais extraordinaire, le spectacu- laire c'est qu'ici, contre toute attente, c'est le spectateur, le badaud qui inverse les res ‘et devient le véritable héros du spectacle : Antonia ér Peppino gagnent. Ce bouleverse- ‘ment inespéré dans l'ordre habituel des choses met toute 'assemblée dans une excita- tion démesurée, la victoire de leurs deux protagonistes se communique & chacun (et & ‘chacun des spectateurs du film) ; ils deviennent tout a la fois spectateurs et acteurs, g2- ‘ngs par la toute-puissance magique’ qui s'est emparée de leurs représentants. D’oit Vespéce de mouvement frénétique qui les fait se déplacer de la place publique aux gril- les de la villa, & la cabane de Peppino. A certains moments, la fenétre ouverte de la cabane crée le cadre improvist d'un petit theatre de tue, o8 Peppino et Antonia re- Jouent pour le public les moments importants de la partie qui vient de les opposer a la Vieille. Ceiui-ci est pris & partie comme a Guignol, il doit participer et se prononcer sur qui est le meilleur, qui est le benét du couple. Cette forme de thédtre - on parlait dimprovisations burlesques, de spectacle de foire, de Guignol ~ se situe entre le mime et le réel, le peuple y joue, y excéde son propre réle (1). L*Argent de Ia Me 2. Dans L'Guvre de Frangois Rabelais et la cul- ture populaire au Moven Age et sous fa Renaissance, tou Jours aux. Editions Galli- mard. 3. Crest aussi la démarche fun autre trés grand cinéaste Populaire: Sembéne Ous- mane, dans un film comme Nala 4. Des acteurs en or: bien plus de cent ans de cariére & eux quatre. Ex cee (ois en- core, sous Ia direction de Co: mencini, ils colmatent admi rablement Is décrépitude! gé- nérale de leurs cinémas res- pects. Exception qui con- firme la régle. (Cl. Les Fils ne valent pas les peres, P. Kané, Cahiers n* 282). 45 Toutes formes de jeux, que le toujours actuel Bakhtine a appelé la culture carnava- lesque (2) : cette conception esthétique particuliére de représentation de la vie lors des fétes de carnaval. «+ Précisément ce qui mettait les gens dans cet état d’exaltation folle durant le carna- val, e'éait Vrruption dans un monde totalement inversé : la misére devenait 'opu- lence, la servitude se muait en liderté sans contrainte. Le peuple vivait la ré- incarnation d'un retour & 'Age d'or », Crest quelque chose de cet ordre qui arrive ici. L’état d'exaltation inhabituel qui sest ‘emparé du bidonville va durer le temps d'un cycle de 24 heures, le temps ou Peppino et Antonia gagnent. Dépouiller la vieille Américaine de sa fortune, c'est en effet pené- trer magiquement pour le chiffonnier et sa compagne, et utopiquement pour toute la population dans une nouvelle vie d'abondance et de prodigalité. Revanche temporaire des pauvtes sur les riches. ‘Comme dans le réalisme burlesque, les thémes les plus graves de l'existence sont Vobjet de dérision ; au-dela de la personne de la riche Américaine, c’est de la vieillesse, de la maladie et de la mort qu'on se moque le plus, car la mort est enceinte du renou- veau dans Nimagerie du carnaval ; la victoire sur elle n’est nullement son élimination abstraite mais son détronement, elle est ramenée a la trivialité d'un corps : matériet qui se dépouille pour le bienfait de ceux qui restent (d’ou l'expression qui revient sans ccesse sur la place : «Il faut {a’plumer ») ; la mort ramenée aussi a la mensuration d'un corps avec un métre de menuisier pour confectionner le cercueil. Hl scopone scientifico est un grand film populaire, et pourtant je ne pense pas que Luigi Comencini ait été faire une enquéte sur le terrain pour enregistrer la faconde des faubourgs, ni méme qu'il se soit coltiné des soirées-débats avec des chiffonniers ou des comités de locataires (sur ce théme bien précis, cf. Les enfanis gatés de Taver- nier) de bidonville pour étudier quel était leur rapport 4 l’appart., au fric, aux gosses. Ce qu'il fait enteer dans son film ce sont les éléments de spectacle liés organiquement 4 des traditions populaires toujours vivantes ; non pas le soidisant vécu des masses, mais les modes de représentation, les conventions de jeu qui leur sont propres (3). Le cinéma reste de la sorte la méditation et la prolongation du théatre comique popu- laire. Cette question pourrait d'ailleurs étre poste & des cinéastes qui se fantasment un au- ditoire « de masse » et surtout pensent parler en son nom : dis-moi ce que tu fais en- tret dans ton film (dans 1! scopone, le théétre de rue, le Guignol, le carnavalesque) et de te dirai A qui tu t'adresses. Quand c'est la philharmonique et 1a sémiotique (Padre Padrone), on pourrait rigoler et iui rétorquer : tu ne nous feras pas gober que tu veux toucher un public populaire, moins que par un subterfuge tu ne veuilles lui faire oublier jusqu’a sa propre culture en la falsifiant sous une autre dont tu as décidé qu'elle devea dorénavant étre la sien- ne... dans la perspective d'un « socialisme avancé Impossible de ne pas relever pour finir lidentité, la nationalité des protagonistes de ta partie. Bette Davis et Joseph Cotten d'un cdté, Silvana Mangano et Alberto Sordi de l'autre (4) : Le cinéma américain (le Premier, le Riche, le Modéle) et le cinéma lien (le Populaire, le ‘Comique, le Néo-réaliste méme). Drdle de confrontation, pourrait-on dire, ce face a face n’a rien a voir afec la volonté crispée d'un Bertolucci de se mesurer - et méme de la mesurer (cf. J. Narboni sur la quéquette de Sterling Hayden dans Novecento) - avec le maitre (le métre 2) ; pas non plus l'acte d'amour fou & oeuvre chez Wenders dans L'Ami américain. Ni crispation, ni dévotion, ni fas. ination. Mais convocation a une farce et déguisement de chacun avec les oripeaux de Tun et de autre. Décidément 1! scopone est un film contemporain. Daniéle DUBROUX. Table ronde sur “Le fond de lair est rouge” de Chris Marker Le Fond de I'air est rouge Jean-Paul Fargier. Je me sens trés souvent proche de 1a sensibilité du film de Marker dans la mesure 04, je croi Crest le film d'une génération ; c'est dix ans (67-77) ~ ce Gui s'est passé du c6té de la Révolution -, vus par une gé- neération, celle qui a traversé le stalinisme, qui a milité avant moi. Je me sens trés proche de cette sensibilitl de ce retour-la sur le stalinisme, de ces désespérances- de ces désillusions. Thérése Giraud. Le film se veut un collage de moments livers, mais je le trouve en fait extrémement linéaire. C'est Tridée de Ia mémoire collective qui est mise en ceuvre : se retrouver des héritages a partir du présent. La vision de Thistoire quiil affiche dés le début sera présente jus- qu’ la fin dv film. Fargier. Je crois que est un film trés personnel, de quelgu'un qui dit «nous» parce quiil se sent proche dune dizaine de personnes avec qui il traversé toutes ‘ces années, les gens par exemple qu'on entend sur la bande-son : Signoret, Montand, Périer et Régis Debray aussi... Je comprends parfaitement qu'on ne soit pas accord, que ga ne résonne pas de la méme fagon pour autres. Serge Le Péron, Ces voix justement, connues, codées, qui résonnent d'emblée de quelque chose, elles ont un statut bizarre par rapport a ces dix années. Elles sont ef- fectivement les voix de la génération d’avant Ia nétre, el les font comme si elles parlaient de Pintérieur tout en sant qu’au fond, elles n'en ont jamais complétement ete. Crest ga qui me géne dans lc film, V'idée de paterner les enfants de Mai 68, ceux de la génération des années 60. Ilya une grande ambiguité. Le « nous » fait comme si ces voix avaient fait partie, corps et me, avec toute la croyance que ¢a impliquait, de cette époque, alors quvel- les étaient déja ~ a cause de lidéologie de la gauche, du statut qu'elle offre aux intellectuels par exemple ~ en de- hors. Comme si on croyait au sens de l'histoire mais ‘qu'on ne croyait jamais aux événements quand ils arri- vent, comme si on savait d'avance qu'ils allaient mal tourner, toujours. Jean Narboni. 1 faudrait parler de Veffet produit par le film. Qu’est-ce qui a contribué a cet effet ? La monumentalité du film, sa durée, le travail de recher- che, la qualité des documents, le c6té fou du projet ~ bi- Tan, somme, etc. ~ et bien sir Marker lvi-méme, comme une sorte de figure de référence, de garantie de sérieux dans le domaine cinématographique-politique. Et puis la critique a noté des différences avec les films précédents de Marker : abandon celatif des effets de style tarabis- cotés, le réle moins oppressant du commentaire, V'inter- rogation sur la provenance des images, etc. Seulement, la question que je pose c'est :« Est-ce qu'il sagit d'autre chose que de raffiner sur le méme dispositif ? Est-ce quill ne s‘agit pas, somme toute, d'un film assez vieillot, qui reléve d'une vicille conception et de la politique, ef de histoire, et du film ? » Fargier, 11 me semble que ce qui est neuf, c'est qu'on a7 est constamment confronté un jeu de ping-pong, & des réactions d’idées, de sensibilités. De temps en temps on est daccord, de temps en temps on n'est pas d’accord, tantét on croit que tel discours exprime le point de vue du film, puis un peu plus loin il est contredit. Je vois la tune sorte de jeu de main chaude des discours. La sé- quence oi des cinéastes sont en train de parler dans une salle de montage, de dire que le marxisme-léninisme c'est trés important, quasiment indépassable, p.e. Immé- diatement aprés vient une intervention de Castro sur le cculte du livre. Elle est montée 1 pour critiquer les dis- cours abstraits et dogmatiques des gens dans leur salle de montage. Un peu plus loin, il y aura plusieurs sé- ‘quences qui montreront I'évolution de Castro et oti Cas- {ro a son tour sera critique. Autre exemple : Marchais et Elleinstein sont montés de telle fagon qu'on voit les con- tradictions du P.C. sur la question du Chili. Dans un premier temps Marchais dit: «Le Chili, ga prouve qu'on peut réussir en France », puis, quand la dictature revient au Chili, Marker montre un extrait d'un passage d'Elleinstein a la télévision ou il dit : « Le Chili ga ne peut pas du tout étre un exemple, on n’a jamais dit ga. » ‘Narboni. Bien sir, i y a ces stratifications de discours, ce jeu de main chaude, etc. Mais ensemble du dispositit finit quand méme par produire wn discours, que le com- ‘mentaire n’énonce jamais, bien sir, mais qui, insidieuse- ‘ment, est induit chez le spectateur, et qui, selon moi, est le suivant : « Impossible de penser ou de politique qui ne passe pas par le P.C. (Fr tre)». Du début a la fin, le fitm martéle cette idée : « eriti- {quez les partis communistes tant que vous voudrez, ne leur passez rien, réformez-les, conseillez-tes, mais de toutes facons, si vous ne passez pas par eux, point de sa- lut. » C'est In question du parti qui focalise tout le film, clest autour d’elle qu'il est centré, Et qu'est-ce qui en ré- sulte? Eh bien, pour moi, que le film ne peut intégrer {ue des éléments, des mouvements, des forces qui se po- sent cette question, qui ne se pensent pas autrement que faisant couple ~ méme si contradictoire ~ avec les P.C. Ex il laisse sur le carreau, il ne peut pas intégrer tout ce ui, aujourdhui, se moque de cela, n'est méme plus ressen- timental ou haineux a "égard des P.C., mais sait que ga se passe a cété, ailleurs ; tout ce qui n'est plus hanté, véri- tablement hanté comme l'est Marker, par la question du parti et du : «Oi est-ce que je me situe par rapport @ lui ?» Et ces forces-la, c'est précisément ce qu'il y a de vivant et nouveau én politique aujourd’hui, que le film re peut pas prendre en compte : toutes les revendications du type « société civile » les mouvements italiens dans leur radicalité, les autonomes, les écologistes (euro- péens, pas seulement japonais, c’est trop facile) qui dé- placent les vieilles oppositions, les vielles dualités pol tiques, les femmes (vues autrement qu’elles ne le sont & la fin du film de Marker)... Je ne parle méme pas du si- lence absolu et honteux sur les Palestiniens, qui releve, mais en partie seulement, de ce que je viens de dire. C'est ca pour moi le cdté vieux-politique du film : pr quement rien de ce qui bouge de fagon nouvelle au- Jourd'hai n'y est 48 Giraud. S'il ne parle par des Palestiniens, c'est parce que son film est finalement européo-ceniriste — ‘méme s'il parte de !’Amérique latine, & un moment oi lar connexion avec ici se faisait sans probléme. La, le pro- bléme dominant de la gauche, en ce moment, c'est : comment étre communiste sans étre stalinien ? Toute la deuxiéme partie du film, c'est ga. Une fois qu'il a montré le phénoméne de rues, un peu guévariste, de Mai 68, Marker ne monte rien de aprés-68. Ii présente 68 avec tun cordon de flies, un cordon de la C.G.T. d'un cOté et le service d'ordre gauchiste de autre et entre les deux, un vide occuper, une espéce de point de jonction trouver. A partir de la, il refait toute l'histoire; il repose cette question comme moteur de toute l'histoire. Fargier. On ne peut pas, méme s'il y a de plus en plus de gens aujourd'hui qui n’en passent plus par la, ne plus Jamais poser le probléme des P.C., qui occupe encore la seéne... Pat le biais de la banalisation du marxisme par exemple, ils ont de plus en plus de pouvoir dans un tas de sphéres. A mon avis, c'est important de revenir sur tout ¢a, surtout si on a beaucoup marché dans ce coup: 1 Si Marker ne montre par les événements italiens, c'est peutétre quil en était a ce moment-la a la fin du mon- tage (commencé trois ans plus t6t). II a une autre fagon de changer de terrain, d'ouvrir sur un autre espace que celui des P,C. : c'est la séquence des chats. « Les chats ne sont jamais du c6té du pouvoir. » C'est une fagon de dire beaucoup de choses... Narboni. Je ne dis pas qu'il faut en finir avec la ré- flexion sur les P.C., le stalinisme, etc, je dis qu'il faut y réfléchir mais peut-éire pour aller ailleurs, autrement, alors que le film le fait mais pour y revenir, pour nous obliger a y revenir. C'est ca le dispositif, comme ta structure des débats a la TV : peu importe que les opi- nions divergent et s‘afrontent sur un objet, un probleme, tun question, Nimportant est que le débat produise cet ‘objet comme objet incontournable de débat. Jene repro- cche pas non plus a Marker de ne pas avoir des plans des événements italiens, mais de ne rendre compte en rien de cet esprit-la. En fait, c'est le film d'un directeur de cons- cience, d'un pédagogue morose des P.C. et des gauchis- (es traditionnels, avec lespoir de combler ce blanc entre deux cortéges dont parlait Thérése : celui de communis- tes enfin destalinisés, démocratisés, etc. et de gauchistes « sérieux », non pieux, non sectaires... Fargier. Peut-étre qu'il y a de ¢a, mais pas seulement 62. Parce qu'll y a aussi en permanence cette obsession, Selte angoisse : comment faire la révolution, comment changer lordre des choses sans se faire massacrer ? Le film est pris dans ce dans quoi nous sommes pris, ‘nous aussi. La premiére image, c'est le Potesnkine, le eri de la femme sur escalier d’Odessa, avec la voix de Si: ‘gnoret qui dit ce que cette image lui évoque de souvenirs. Et la derniére image : des animaux dans le désert, tués, foudroyés du haut d'un hélicoptére. Deux images de mort. Le Péron. Le film donne impression que c’est toujours Table-ronde Jel. Godard (Le Fond de lair est rouge) te méme scénario. Ce qui est dit des dix derniéres années aurait pu étre dit des années 30-40 dans le monde, en U.RSS. en particulier, Les limites des gens comme Marker, Signoret, Desanti, qui portent aujourd'hui la ré Alexion sur la gauche, la révolution, le marxisme, etc. C'est un masochisme post-stalinien duquel ils ne veulent pas sortir. A partir peut-éire des Mains sales de Sartre, ‘on a les mains fragiles, tendues, les mains coupées, qui appellent le « Je suis de ceux qui pensent que les mains Tepoussent » de Bory dans le Nouvel Observateur. Crest penser les dix années a venir comme celles qui iennent de s'écouler. C’est nous enfermer dans une idéologic qui, si elle ne sexprime plus sous la forme ‘Tune voix off violente, dogmatique, ouvertement didac- tigue (ca, c'est vraiment préhistorique), cause pré- cisément aussi du timbre des personages, imbibe beau- coup plus le film. Méme si ce n'est pas une legon, c'est tune invitation recommencer. Fargier. Tu fais vraiment comme si toutes ces ques- tions ne resurgissaient pas, ne se reposaient pas, ne ré- insistaient pas. Elle est énorme la persistance de toutes ‘ces questions liges au probléme des P.C. ! Moi, j'aime te Cuirassé Potemkine Le Fond de Pair est rouge bien entendre ces voix et tout ce qu’elles portent, empor- tent de cette période. Le Péron. Je ne suis pas d'accord. C’est une fagon de recoder ce qui s'est passé, mais on peut voir les choses ‘autrement, d'une fagon pas forcément « matérialiste his- torique » ou « matérialiste dialectique », Cette question 1a rest méme pas posée dans le film. C'est pourtant un courant de pensée qui a cours aujourd'hui... ‘Serge Daney. Je n'ai pas vu le film mais permettez-moi intervenir. Depuis le début vous avez posé sans les po- ser deux questions : le film estil linéaire ou pas ? Est-il monologique ou pas ? Est-ce quill y a un seul discours fu plusieurs en jeu ? Et, question subsidiaire : les voix de Signoret et autres sont-elles des voix du vécu ou plu- 16t des voix qui connotent, qu'on a entendues dans tous les films de gauche, La Spirale compris ? Giraud. Je crois quiil s'agit tout simplement du pro- bléme de l'énonciation. Ga joue sur le vécu, fe « nous ®, le «je », mais en méme temps l'aspect marqué par toute la période du stalinisme, comme tu le disais, n'apparait pas. Marker ne situe pas son énonciation, par contre il fait semblant d’en avoir une autre, celle d'une nouvelle Rénération qui commence avec le Vietnam, Mai 68... et {qui présente vierge de tous ces problémes : cest le tour de passe-passe pour les faire revenir, complétement i changés, comme quelque chose de nouveau, d’épuré. Fargier. Quand méme ! Ils ne sont pas si différents de ous... Ils en étaient, du Vietnam, par exemple. Le Péron. Oui, mais ils y étaient avec une lecture des événements qui ne correspondait pas a ce qui se passait réellement. Quand les Vietnamiens se battaient, comme le dit Signoret, eux disaient : Paix au Vietnam ! Et pas F.N.L. vaincra ! C’est pourtant ga qui était entrepris et cen train d'arriver : la victoire du F.N.L. Giraud. Je me sens complétement frustrée, , dé- 49 possédée, non pas en tant que sujet individuel, mais en {ant que sujet historique, qui a été pris dans diverses ten- dances qu'on né maitfisait pas toujours trés bien, peut ire, mais enfin ga existait, et les erreurs aussi c'est im- portant, les trop et les pas assez. Marker parle de tout avec des clins d'eil. Ca joue complétement sur la méto- nymie, Une image pour le tout : tiens, la c'est le Viet- nam, la c'est ga ! Ca fait trés vieux combattant porteur de sagesse et c'est comme ga que ga fonctionne sur les gens. Fargier. C'est souvent ce qu'il a filmé lui-méme qu'il montre. Narboni, C'est important cette question de la métony- mie, on y reviendra peut-tre en parlant des enchaine- ‘ments du film, de sa construction. En tout cas, pour ce ‘qui est de la linéarité et de la monologie, je erois que, maigré ses enchevétrements, ses bifurcations, etc, il reste complétement pris, en fin de compte, dans une concep- tion « dialectique », orientée, finalisée, téléologique de Thistoire, du genre «horloge de histoire mondiale ». Sauf qu'll représenterait quelque chose comme le mo- ment du négatif. Le titse du film est clair : Le fond de Trair est rouge. C'est une pensée classique du socialisme, du type : toute maladie est l'aube d'une guérison, tout recul appelle une avancée, tout fléchissement annonce tun redressement, etc, En quoi le film différe-t-il d'une fiction unanimiste, au sens ol Ranciére la définit insi : «Comment faire converger,les regards sur une fiction du type «nous venons de la» ? » Cest le sujet du film. Et plus il y a de positions contradictoires au dé- part, plus il y a d’oppositions a résorber, et plus le tour de force produit de gains quand il impose cette conver- sence. Pas étonnant que Bory parachéve ce travail du négatif en le renversant quand il ajoute, aprés les mains fragiles et les mains coupées, « mais les mains repousse- ront toujours, etc.». Le film appelle nécessairement cette conclusion. Et Richard Roud a complétement rai- son quand il dit, dans le press book du film, que Marker tente de faire jouer ensemble des voix jusque-la discor- dantes, etc. Fargier. Tu as raison mais a la fois il y a aussi le con- traire. c'est retors, malin, oserais-je dire : pervers. La ‘question qui est aussi posée cest : « De quoi vous est-il permis de désespérer aujourd'hui ? » La séquence des chats prouve un désir de trouver un ailleurs ou ces ques tions nauraient plus a se poser. Le Péron. 11 s'agit quand méme de Vinterpetlation du militant communiste de base: nous sommes entrainés dans le sens de histoire, nous savons que ce sens de histoire peut nous conduit toutes fagons il y a une contradiction & vouloir faire la révolution puisgu'un jour la révolution sera au pouvoir et comme le pouvoir est mauvais, etc. I! n'y a pas de rupture proposée par rapport a tout ¢a, rupture que Mai ‘68 et beaucoup d'autres choses qui se sont passees de- puis, ont faite, Leenvers positif du film ce pourrait étre Milestones. lei 30 oon ne voit jamais se dessiner un réel collect dénoneci tion, quelque chose qui se donnerait, 4 travers son écri- ture, sa fiction, la possibilité de dire « nous », Fargier. Le film produit aussi d'autres effets, en proc dani a des rapprochements, en faisant entendre deux dis- cours trés éloignés qui, tout d'un coup, sonnent pare Le discours d’Allende, par exemple, devant les ouvriers d'une usine. quand il leur demande : « Pourquoi vous ne participez pas a la politique ?» Incantation des chefs aux sujets : participez, particincz. Et puis la séquence Rateau ot des mifitants disent : « Nous ne sommes que quelques-uns, pourquoi ies autres ne participent-ils as? Il faut les convaincre. » Le Péron. Mais Allende ne représente pas du tout une mauvaise figure de pouvoir. - Fargier. Justement, Du coup, on a une sorte dpuise- ment d'un discours qu’on crédite d'étre bon et qui tourne complétement a vide. Le film ne répond pas a ces impas- ses, mais il les pose. Daney. Est-ce que 'un d'entre vous a eu quelque chose de changé dans l'idée qu'il avait de ées dix ans d'histoi- re, aprés avoir vu le film? Narbont. Pour moi, non, pas vraiment, Bien sir, il y a des moments irés forts, tonnants, bouleversants méme {a réunion clandestine du P.C. tchécoslovaque, l'avia- teur américain au Vietnam, la fille d'Allende.. ls ap- Portent des « preuves 4 Pappui» nouvelles, mais ne ‘changent rien au fond du dossier, a la fagon de penser la politique. Le Péron, Sauf sur Mai 68 peut étre, of i doxa était «En Mai 68, ce qui était bien, c'est que tout le monde parlait » et OW il a été suffisamment vicieux ou malin ‘pour montrer qu'il s'est dit beaucoup de conneries. Par exemple, le type qui dit : « Moi je ne sais pas si je vais pouvoir continuer avec vous parce que j'étais sur les barricades » et qui, tout d'un coup. explique comment il faut faire la révolution. Vilar & Avignon aussi... Giraud. Pour Marker une image fonctionne comme un ‘mot, une abstraction, et a partir de i i refait complete ment la grammaire, il passe les frontiéres sans proble- mes. Ilya une séquence li-dessus assez spectaculaire : ga commence i Rateav, quelqu’un mentionne la mort de Pompidou, aussitét on quitte Rateau pour se retrouver & Notre-Dame, avec Nixon, de i on passe aux chats, de la au Japon... EX ce qui me géne dans ce procédé, c'est u'll met toujours en jeu un supposé savoir c'est-a-dire {Que si toi tu n'as pas Suivi le trajet dominant du militan- tisme, celui des chefs gauchistes (Vietnam, guevarisme, 68..) tu es complétement larguée. En ga il napprend rien, nj & ceux qui en étaient, ni a ceux qui n'en étaient pas. Fargier, Ce qui mintéresse surtout, moi, c'est cette in- terrogation personnelie sur les images. Je trouve trés nouvante la séquence «on ne sait jamais ce qu’on filme ». On croit filmer un cavalier, on filme un puts cchiste, ete. . ‘Table-ronde Narboni. L’histoire de Castro pourtant, je trouve ga un peu fort dans le genre «on ne sait jamais ce qu'on Filme ». Bon, on connait la place de Castro dans la vie de Marker. mais il y a quand méme des moments oi il faut dire non. Le discours sur Prague de Castro, c'est tune des choses les plus détestables et retorses que j'aie entendues en matiére de politique. Tu te souviens ? « Oui, bien sir, moralement ta positition soviétique est indéfen- dable, mais politiquemen... Et que doit faire le peuple ichéque ? Bien sir if ne doit pas accepter ga, mais aiten- tion, s'il se révolte, est-ce quill ne se met pas dans le camp de ta CLA. et des ennemis du socialisme ? Et puls, est-ce que I'UR.SS. powvail se perinettre de voir démanteler le camp des démocraties populaires ? Noi, non, non je vous dis que non », C'est affreux de pré- cautionnisme, de dénégations et de méandres. Alors, bien sir, on voit cette horreur dans le film et c'est bien. Mais ensuite, tout 4 la fin, c'est bien réparé tout ga, bien: oublié. estompé. parce que Castro se heurte en U.RS'S. & des micros qui ne se fléchissent pas. Tout le monde rit, on est alors du cété de Castro contre les mé- chants micros soviétiques bien rigides, on fantasme je ne sais quelle hétérodoxie de Castro & partir d’un gag et le tour est joué, oublié le discours sur Prague. Et pour quelqu'un qui comme Marker a été bouleversé par Pra- Bue, et le monire bien dans tout le début de la seconde partie, c'est un peu fort comme jeu de main chaude et de balance. Le Péron, C'est ga ta désillusion, le désespoir : a vo. lonté farouche de sauver imagerie de la gauche, du so. cialisme et du sens de Thistoire, Narboni. Comment Marker enchaine les images, fait fonctionner cette imagerie ? A coup d’analogies, de mé- taphores ou de métonymies ou dassociations, peu im- porte. La figure de base du film, sa formule génératrice, C'est Ia gigantesque analogie du début, avec le Potem- Aine. Puisque Marker aime a Ia fois les métaphores et les chats, ce début, on pourrait dire que c'est : dans fa ‘nuit de la répression tous les chats sont gris. Tous ces plans de répression dans le monde montés autour des es- caliers d’Odessa. Ensuite le film ne fera qu'étaler, dé plier, metere a plat cette igure, & partir d’enchainemenis faciles et hasardeus... Le Wstsille-des dix millions. de Chris Marker ) Le Fond de I ma INCOURT Classe de lutte, du groupe Sion Fargier. Mais ces équivatences sont interrogées. L'idée de la mort qui unifie (on se retrouve toujours derriére des corteges funcbres - cf. la séquence Overney et beaucoup d’autres) est interroxee. Giraud. Marker termine la séquence de Mai 68 en pas- sant a "Irlande ct encore ailleurs, avec l'idée que partout se passait la méme chose. Peut-étre. Mais quelques jours avant jfavais entendu Schmidt a la télé qui disait « Baa der, cé n'est pas un phénoméne allemand, il y a aussi les Palestiniens, les Basques, Tes Corses et les Irlandais, » Tout ¢a pour dire que lui, Allemagne, n'y était pour rien, que c’était un signe. un fléau du temps, tombé du ciel. qu'on n'y pouvait rien : la peste moderne, Je mets ces deux sons, ces deux images ensemble... Sous les as- pects d'un « je », d’une subjectivité - c'est ma vision i bien le droit d'étre poéte - on passe un dis- cours qui barre toute différence, qui nivelle tout et qui dit: « Le sens de Phistoire, c'est ¢a. » Et ga s‘appuie sur le terrorisme du vécu avec lequel il faut vraiment en fi. nit: jy étais, 'étais partout. Il fait en fait fonction Ghistorien classique qui, a partir d’un suppose tout- savoir, d'une position de maitrise (c'est sa spécialité) de coupe, réagence, manipule les documents, réécrit VHis- toire. I dit «Je», daccord, mais alors c’était déja le «Jew de Vhistorien qui regardait tout ga passer sous ses ‘yeux, intéressé quand méme parce que, dans tout ga, ily fa de la matiére.. Fargier. Mais pourquoi donc ne reconnais-tu pas Marker le droit de penser différemment de toi, de penser pour lui et quelques autres ? Pourquoi ne veux-tu pas fentendre un autre discours que le tien ? Tu devrais faire, toi, un film sur tes documents, ta vision de dix ans d toire. Je crois que ce film est subjectivement désespéré et C'est une des raisons pour lesquelles il est intéressant.. Narboni. Je voudrais revenir a lanalogie et & Vassocia- tion telles qu'elles opérent dans le film, Godard par exemple : lu, il fonctionne plus par métamorphoses que par métaphore, mais c'est vrai aussi que dans Ici et Ail- leurs, il met en place des rimes, des ressemblances, des ‘comparaisons (le mot populaire chez Hitler, Thorez, Lé- nine, la main levee des trois, etc.). Seulement, de la rméme fagon que c'est le ef qui Vintéresse dans Ici e” Ail- leurs, dans ces comparaisons c'est moins les termes comparés qui le retiennent que le comme. Quand il rem- place les diapositives les unes par les autres aussi c'est le geste du « je remplace » qui compte. Et quand il dit: su «Comment ca va?, on peut étre sir que, quelle que soit la réponse - s'il en donne une -, elle n'est jamais : «Ga va de soi ». Ce qui est génant chez Marker, ce n'est pas que ce processus métaphorique soit la, mais qu’il soit naturalisé, effacé comme tel. D’ow des passages archi-faciles d'une séquence autte, par exemple ench ner un plan de C.R.S. a Cerizay a un geste de répression en Irlande pour introduire les femmes. Je ne dis pas, dans le style archéo-marxiste : « Hou la la, attention, il nvanalyse pas les différences spécifiques entre les luttes Cerizay et la lutte des femmes irlandaises », je dis que est filmiquement facile, finalement trés proche du Marker de toujours, et que ga produit des effets politi- ues de confusion. ‘Le Péron. Cest comme Ulrike Meinhof ct ta vicille femme dans le ghetto. C'est un rapport aux images qui pose probléme. Marker a 'air de considérer par exemple ‘que tous les mouvements, toutes les violences, toutes les manifestations se ressemblent. Quand on les voit en- chainées les unes aux autres et qu’on peut les reconnai- tre (ce quill ne Facilite pas) on voit bien que ce n’est pas parcil, quand dans les manifs gauchistes on voit des {gens qui courent, qui se propulsent comme un projectile. Au niveau d'un manipulateur d'images cinématographi- ques (d'images en mouvement) c’est des choses qu'il au- rait &€ intéressant de faire apparaitre : les mouvements différents sous le méme titre générique (manifs, fem- mes, ete.). Il y avait des choses fantastiques a mettre en relief sur V'imimobilité de Praguc, l'arrét de tout pendant tun moment, des gens qui disent : le sens de l'histoire on en a marre, on svarréte, on y oppose ce qu'il y a de plus insensé (notre poids, notre inertie comme dit Baudril- lard). Il y a quand méme Vidée d'une bande-son pr méme si c'est in film intelligent, subtil rite, Giraud. Comme expliquer ('y tiens) qu'il ne mentionne pas les Palestiniens, alors qu'il a bien trouvé le moyen, au tout dernier moment, de placer les femmes, par exem- ple, Ii ya d’abord une réponse extérieure au film : c'est ‘que Mhistoire se fait aussi li-bas, méme si c'est moins a notre portée, et elie se fait lé-bas en des termes qui ne TTintéressent absolument pas, dont il ne veut rien savoir. D’oi exclusion totale des Palestiniens, méme comme ca- davres, méme quand il parle de Munich. Et ily a aussi le fait que s'il les avait mentionnés, la, en fonction de son écriture complétement associative, il aurait été amené den parler et ga, il ne le pouvait pas. Ce n'est pas a no- tre portée, ca veut dire que ¢a nous échappe en partie, quil n'y & pas de discours tout constitué la-dessus, pas images bien encadrées, toutes prétes a étre ingurgitées. Narboni. En fin de compte j'ai envie de dire que ce film, c'est un film wes « Editions Maspéro + (d’ailleurs, Francois Maspéro y intervient), C'est « esprit Mas- péro », avec l’éventail de positions contradictoires que présente ses publications, mais rien d'autre. Et sans sous-estimer "importance de ce travail, je dirai que ces demiéres années, eh bien, la réflexion politique ia plus neuve est venue aussi ailleurs : des Editions de Minuit, de Gallimard, du Seuil, de 10/18, de Flamma- rion, ete. et, ga, le film n’en porte pas trace. Repérages (M. Soutter) Repérages est une collection de photos de plateau hors pl eau qui sont autant de traces, fétichistes et glacées, du pas- sage d'un auteur sans film dans une Suisse sans suisses. Un sociologue scrupuleux ne manquera cependant pas de noter’ les apparitions discrétes, dans ce beau monde d'artistes sans emploi, d'un couple de’ propriéiaires fonciers. 'un routier sympathique et d'un dragueur de guinche populaire : je sup- pose quis sont li pour symboliser. au regard d'un cineaste ‘dont Mime est quelque part & gauche, argent qu'il ne faut pas ccacher, le peuple quil ne faut pas oublier. el le corps ouvti ‘quil ne faut pus trop vite exclure. Bien quils n’aient rien & voir avec le sujet traité, et que Soutter (et ses acteurs) les taite ‘comme des meus. leur apparition permet de rappeler.& qui veut bien Tentendre. qu'il n'est pas tout a fait dupe de T'in- ceroyable betise et du narcissisme eperdu de son projet. Un projet éminemmment charitable, puisyu'l s‘agit de renflover Fin (ériorité bourgeoise. de Ia créditer d'un manyue a étre, dune dltresse et Une angoinse (négati de ses fabuleuses capacites amour), dont Delphine Seyrig et Jean-Louis Trintignam Jouent. en tant qu’scteurs, le privilége. C'est-a-dire que ce pri Vile (idéologico-estetique}, ils le mettent en jeu, sur le tapi en jouant ostensiblement le réle de grandes stars pour qui le sentiment, la passion, amour passent bien plus haut qu'un projet de mise en scéne dont ‘out nous annonce qu'il aura été rate, si 'aventure Soutter s'était risqué & le tourner (bien que Delphine Seyrig soit. par ailleurs, une bonne actrice tchékho- viene). Micux : est par le ratage de la mise en seéne. par Fimpuissance de son projet, que Soutter escompte faire pren- dre Felfet de nostaigie du film, faute de retrouver les racines et les cris du matétre d'une classe décadente que léerivain ‘russe, en son temps, fail mourir avec tant art (il mourait avec elle) en se bornant a faire du nom de Tchékhov ombre ‘ragique qui porte sou:message charitable, la bénédiction urbi et orbi de ses comédiens. et a iravers eux. de tout un monde privilégié et souffrant A quelles bassesses In bourgeoisie ne se livreraitelle pas au- jourd'hui pour se faire aimer G'entends : aimer pour elle- méme) ? Mais lle ne le peut désormais que par le reais dun Geran, d'un comps c'acteurs et d'une scénographie masochiste Brice & quoi elle se voue, comme ici, a refaire. en tant que lasse dominante, €ducation affective de son propre public. II s‘ayit, ce public, de lamener i abaisser son regard et ses ar- ‘mes critiques devant une passion prise (esthétiquement) dans les glaces du masochism, dans une seénographie luxueuse et froide oi des corps d'acteurs bourgeois, plus bourgeois que nature, répétem image aprés image : comme nous sommes seuls, comme il fait froid (on est en Suisse, en hiver), et ‘comme votre devoir est de nous aimer, malgré notre futlité et notre arrogance (c'est pourquoi Trintignant. dans son réle de Inaitre reédugué amoureusement, joue d'abord si ostensible- ‘ment la carte de Tartogance, pout ta caméra. pour le public. avant de suecomber i Ia passion) Et si, au terme de ce chan tage affectf. au moment oi la grace doit ruisseler. quand séléve la voix de requiem de la réctante, une larme vous vient 4 Vil, fa partie sera gagnée. Vous recevrer a la sortie, en rime de séduction, une paire de chaussettes de tennis f liseré ‘rouge et bleu, comme cn porte Trimignant dans la désopilante séquence onirique (ultra-brechtienne) oi: le cercueil de Tehe- kioy est embargué par un cheminot sans eur, et probabie- ment anaiphabéte. I manque malheureusement cette sé- ‘quence un trait d'humour réellement masochiste: comme la nuit est particuligrement froide, et les acteurs légérement vé tus, ils devraient Gernuer et se retrouver ensuite a Vhdtel. de- vant une tisane bien chaude. JP. 0, La Nuit tous les chats sont gris (G. Zingg) Le film de Gérard Zingg apparemment n‘atire pas les fou- Jes, ni ne mobilise la critique : lorsqu’on ne le taxe pas de « di- vertissement gratuit», on le défend en s'étonnant malgré tout une fin déroutante, ow pire, en en faisant un remake du Pro- idence de Resnais : une maniére comme une autre de réduire le nonsense aux éternels problémes du créateur en proie a ses personnages, larte & la creme des maieutiques leborieuses, est clair pourtamt que La nuit ‘ous les chats sont gris ses: tue delibérément dans le domaine du nonsense, de Mirrationnel (qui n‘est pas synonyme de Fantastique), refusant systémati- quement de forger i Vénigme la moindre clé. Deux récits se Notes sur d'autres films ‘eroisent, sans qu'on sache jamais si c'est le hasard ou Vimagi- nation qui procéde & leur renconire. La piste anglaise (Sir Charles et sa nice Lily) embraye sor la piste frangaise (le mar- lou de la Riviera) par de subtiles coincidences de plan a plan, ui stenchainent avec un flegme tout britannique : pas de Surprises, peu d'elfets de suspense, mais un léger sentiment de * derautage » subsilement entretenu, et des trouvailles dans le déail qu'on sugote comme un bonbon : un décor de « cot- tage «, une ombre porlée, un plan trés « chromo de Bruno Nuyteen (1). Est-ce le «rationalisme cartésien » que dérange cette indiffé- rence systématique a la erédibilité, ce décollement léger mais, continu par rapport aux régles, non pas du réalisme (on tolére des infractions autrement snormes, bien que souvent moins. Ctiantes parce que plus codées), mais du vraisemblable ? Mais est-ce pas surtout In bonne conscience du cinéma qui se trouve alteinte ici ? Car tout se passe comme si, de plus en plus, les films « de genre » (comme on dit en peinture. a savoir ceux qui n’entrent pas dans les grandes catégories - western, polar, comiquc, film historique, ete. ~ qui s'autolégitiment) étaient acceptables qu'a condition de fournie un alibi (+ de gauche » si possible) sous forme de grand théme, de problema- fique & mettre en @urre. Ce qui produit toute une série de films » bien intentionnés » dont Pour Clémence fournit, para les plus réceats, un exemple particuligrement significati dans cette « fiction aplatie » (2), ce nest pas tant Vaspect « $0 ciologiyue » qui géne (elle & bon dos, Ia sociologie), que cette rhétorique de Tilustrarion of chaque stquence fonctionne comme rappel et (demonstration d'un théme pré-construit (le portage des Liches ménagéres, ennui, le rapport avec 'en- Fant) qui sippartiem a la panoplie obligée du sujet traité, et dont le film tout emtier ne constitue lu-méme qu'une illust tion plus ov moins laboricuse. L’aplatissement done de la fic tion nest que Ia consequence de sa subordination a Tidée (le = tue » du seénariste) dont elle est censée Faire le tour. et qui cn fourm fa justification ultime. Parallélement, on parle de « crise de la fiction » devant Nap- parition dans le cinéma industriel de productions narratives a ‘minima, jusqu’alors vouées a la marginale (Le Camion, Jeane Dielman): crise de la fiction de gauche? On ‘STapergoit pourtant quril est possible de faire de la fiction qui Fietionne sans tomber pour autant dans les thémes et ta mise fen scéne aulorisés : Les Enfants du Placard, c'est le bon- hheur de la fiction retrouvée. La Nuit tous les chets sont gris, de Gérard Zingg 33. Fiction perdue, fiction aplatie; fiction retrouvée : au bout de Ia figne, La mult tous les chats sont gris développe une fiction «pure » une fiction qui s’emballe sur elle-méme en balayant tout alibi. Si on reproche au film se « gratuité », serait-ce par crainte que le spectateur n’en ait pas pour son argent, ov pour biniser avec eotteévidence, que les millions de Vindustrie ciné: matographique servent i fabriquer, ni plus ni moins, des. films ? Lorsque ces films, comme celui de Gérard Zingg, ne prdtendent pas ouvrir sur un autre espace que celui de la salle ‘de cinéma, sur un autre temps que celui de leur projection, sur tune autre réalité que celle de leur propre togigue, ils raménent cen force, a travers les résistances mémes quils suscitent, cette vérité que la fiction, dés qu'elle n’embraye ni sur un code dé- terming, ni sur un rélérent déterminable, C'est un peu la mau- vaise conscience du cinéma. Nathalie HEINICH. |. Re Gérard Depasie, toujours ga lubméme :sedvcteur pour mine! te. liste ens aux av eu ene cet le type meme du charme Proll, an nen cana ~ et jong’ ee leger emboapont guia Vote [pone de ne se developers urls parties st tegigues a pass es cus {ex ote ve sul es uae que pour Ii s+ Vous des ve ce soi ‘Sema infermpents In vendvse relevant so stable enon, ee regard mois de ata gu men et pas du prem sours. How cha ing DIEM. lene de Towbars, Cabins #283, Paradiso (C. Bricout) Ce quil y a de génant dans la scéne of le héros paumé du film tente de séduire une jeune fille panticuligrement rétive, ce ‘est pas qu'elle soit «naturaliste »~ elle pourrait éire sau- ‘age. romaniique ou humoristique que son fonctionnement resterat le méme. Ce que je pergois dans ces approches, mala- droites de fagon trop ostentatoire. dans ce ratage amoureux trop rate. c'est un effet de naturalisme :énonciation est dés ‘fee come instance distincte de a fition = le sujet de Vénon ion ne parle plus le langage de Ia fiction mais prend ses distances par rapport a celle-ci et prononce un, discours sur Fénonce flmique : ici celui du « rél », du + vécu », ele, De fagon plus feappante peutétre, cette apparition de V'ins- lance énonciative est visible dans le déroulement méme du film. 1 a les images du narrateur, comme celles. au début. de la réalité sociale de Lille : trains déversant des usagers, pages d'efftes d'emploi et. plus tard, la seéne 00 un camion pilot pac des jeunes défonce un café. I y aw les images du person: aye, comme ce modéle de nu proposé aux étudiants des Beaux-Arts dont fait partie le héros du film. I y aura aussi les, scenes de voyeurisme, « couples qui s'ébatient » etc. Cepen- dant c'est par cette dissociation que ce Film. au demeurant as- sez ennuyeux, devient malgeé tout attachant. En effet « ces images du narrateur » échouent la a donner une quelconque vérite, une quelconque assise aux « images du personnage » ‘out aussi exsangues. elles se trouvent ramenées dans la meme position dexcentricté par rapport au regard du personage D’od le Mottement de ce film au regard indécis qui n’arrive as & imposer un regard sociologique. Mais. tout de méme, cette indécision a un certain rapport avec le malaise de ce mi- sérable personage, fils de petits bourgeois ; car que cerche ‘ce jeune paumé. sinon fi se relier & un petit bout de fiction vé- Paradiso, de Christian Bricout ritable ? Bout de fiction que posséde, elle a « dame-pipi » : un tari et des enfants éivignés, cela est déjé beaucoup ear lui ne Peut esperer trouver de roman familial. cet égard la scene de la dispute avec le pére est révelatrice, I n'est pas sans im Portance. je erois. qu'elle commence par avait lieu devant un pposte de television diffussnt un opéra de Verdi. Qu'a done a ‘opposer ii ia magnificence de Ia fiction populaire représentée par Fopéra italien, cette famille misérable ? Non pas du tout lune réalite familiale déssillante, désignant un dissours socio logique sur le chdmage des jeunes et le mal vivre. La presta- tion du pére est tovt aussi théateale, mais c'est du mauvais théitre : d'abord. bien sir. parce qu'il vogue assez maladroi ement « le cinéma de la durée ». mais li n'est pas lessentie. Dans cette scéne on enrend mal les paroles, comme si nous. Sspectateurs. lions trés Zloignés, on ne pergoit que leur cBté al lusif (guerre Algérie, eommunisme, travail. etc). Pas tant scene fabriquée donc. quriinprécise et mal audible. Tout se Passe ensuite comme si ce jeune homme paumé. dégu par ce simulacre de théatre, sen allait chercher dans une longue er- ‘ance nocturne’ une fiction véritable dans laquelle il pourrait Sinsérer. Il y aufa la decouverte de Ia défonce donnée par deux scénes fortes (le récu d'une fille dans la voiture, et la des: cription d'une injection de drogue. les seules de ce film incer- tain, La, Bricout réussit 4 imposer efficacement ce que jappe- lis & Vinstant une « image du narrateur ». Mais aussi et pré cisément. de ces images le héros est tolalement exclu, il se borne a en éire le spectateur (ailleurs, symptomatiquement, la seéne de la seringue n’a aucune justification fictionnelle, sé déroulant hors de fa vision du héros). Image de la défonce f ‘minime. image de plaisir un peu scandaleux, qui jouent un pev Je méme role que opera de Verdi. rOle quasi répressif parce u’en face, te héros n'a rien a proposer. rien 4 opposer. ‘Avec ta « dame-pipi » moche, le jeune homme connaitra fina lement amour, e'est-a-dire la fiction. C'est que quelque chose aussi s'est passé pour le personnage joue par Annie Savarin : elle a regu une lettre de sa petite fille. Scéne remarquable en ce que toutes tes lourdes références du film a un « univers sor dide » (pipi. caca, vomi etc..) trouvent leur point arrives, leur résolution dans ta découverte bienheureuse de Vintimite du couple (c'est li le paradis). I y a a cet égard un moment pivot quand Famie du heros se léve du lit pour accomplir des ablutions. Ici la connotation « sordide » hésite, pour basculer dans le geste intime. Dés tors, la caméra peut se mettre & tournoyer en un veritable chant d'allégresse : le héros a enfin {trouvé son bout de fiction. Ia ainsi accédé & un statut de petit bourgeois, ce que confirmera Ia scéne finale du rhabillage, o& dans une lumiere wés Dayid-Hamilionienne, la dame-pipi de venu modele consentant (on se souvient du début du Film} le agratifiera d'une image qu'il pourra enfin reconnaitre comme sienne. BB. Notes sur d'autres films Nous sommes des Juifs arabes en Israél (I. Niddam) Imaginons un peu la genése d'un titre comme celui-lé. Au depart il y aurait te magnifique slogan de mai « Nous som: snes tous des juifs allemands. » Pout adapter au sujet dont on veut parler. on remplacerait allemand par arabe (ic il y aurait une discussion : sépharade ou arabe ? Pour de multiples sons le dernier s‘imposerait & la raison). Pour préciser et évi- {or les contresens, il faudrait ajouter..en fsradl. Eatin it fau- drait retirer sous pour ne pas dire alors quelque chose de faux, Et Ton obtiendrait fe titre du film d'igal Niddam. Ainsi, de Ja force symbolique d'un slogan, de sa puissance expression soudaine d'une vérité profonde, on serait passé & Vobjectivite d'un titre unitaire. débarrassé de tout caractére passionne! ou reste dagressivité. Quill en soit loug. est um peu te type dopération que réalis le film sur la cé- volts des juifsoriginaires des pays arabes en Isral. Et quelles ‘que soiem les intentions de son auteur (sans doute les me! leures). i faut die de quelle opération il sagt: celle dite du s iscours unitaire» bien connue des délégués a Taménage- ment des relations sociales de (ous poils, opération qui con- siswe a remplacer mine de rien le produit des extrémes at le produit des moyens, subilisation;iour de passe-passe qui s'f- ‘eetwe géneralement dans la longueur et inanité des palabres ‘ui viennent se tenir sur ane seéne insttutionnelle dress la hte ta place, sur le lieu. du non-lieu ouvert pat la révale. Onération de langage quill est aise de repérer: sut le plan de expression, iter tes zones de friction, le passage pales in- cisives, e€ qu'on appelle les sifantes(sionisme, raceme, te- rorisme...)e sur le plan des intentions tenir un langage en fa sant oubiier dou on le tiem. Le tout lgitime par le decretse- Jom lequel les extrémes comme les absents ont ioujours tort. ne s‘agit pas seulement de réclamer justice pour les Pan- theres noires d'Israél (puisqu'l faut appeler les extrémes par leur nom), ni de demandey qu’elles soient données comme origine unique des débats sur cette question d'aujourd'hui, ‘mais simplement de déplorer leur absence pour l'économie du film lui-méme en se disant que leur présence (ce qu'elle re- présente) aurait empéché ce glissement, que dis-je cette gli sade, vers une lecture uniquement institutionnelie de la réalité des juils-arabes en Israél Lacteur principal du film, le pire qui soit, est Le Respons ble, le responsable 4 tous les niveaux, et dans le miroir que le Féalisateur lui tend. ia fowjours raison : le luth marocain ov le folklore yéménite ou méme le ton décidé du Palestiien ne sont plus 1a que pour illustrer son propos (comme dans les soirées de gala les numéros de music-hall sont lt pour égayer lun peu les discours des organisaleurs). Toujours Le Responsa- bie # Le film ne veut entendre que sa voix : voix du conseiller du maire. du seerétaire de cabinet, du ministre, du président d'association, de éducateur, de 'animateur. Donner a enten- dre une voix erédible, & voir un visage aulorisé, avec une vo- lonté farouche d'organisation, de cégulation, un réel plaisir & Scouter légiférer, mettre en institution comme ailleurs on met en equation, Caméra regardant d'un point aveugle enorme centhousiasrie qui se dit dans fe film pour la norme («je vou: lais etre normale » dit une jeune fille c'origine égyptienne), Notes sur d'autres films Croyance en des idées simples, mais fausses, comme celle-ci, ‘que tout irait mieux si pour traiter avec les Arabes,'Establish- ‘ment israelien déléguait des juifs arabes (a '.N.U. aussi). Le probléme palestinien n'est taut de méme pas seulement affsire de comprehension humaine. Sans vouloir tout ramener a des {questions politiques il faut préciser qu'avec In meilleure vo- Tonté du monde if ne sera pas résolu a coups de principes de piychologie sociale. Quelle que soit la douceur qu'on éprouve 4 les entendre. Dailleurs sontils si cassurants, ces discours sages ? Quand tun responsable d'origine libanaise se prononce a la fin pour les deux Etats qui pourraient selon tui clore heureusement le drame, i ne manque pas de donner sereinement ses argu- ‘ments, celui-ci par exemple : que cette solution s"impose & la raison, 8 cause de la menace que conslitue pour I'Etat d'israél la présence d'un million et demi d’Arabes a linté- Fieur de ses fronticres : ga n'est pas trés doux, c'est méme un peu dur & entendre. Il y a une logique a ce mot de la fin: cette ‘menace, c'est elle qui pése sur le sens du film, le surcharge de tout son poids d'inconnu ; c'est elle qui brouille le regard jus- aqu'a Ie limite du contresens. Comme ce dernier plan arrété sur Fimage 'un Palestinien faisant signe du doigt qu'il ne veut ‘pas qu’on le filme,iui et (ou) sa femme (scene fréquente en terre arabe) : un doigt qu'il est logique de prendre alors pour tune épée de Damoclés brandie au-dessus des spectateurs du film. Décidément la normalité comme le consensus ont souvent besoin, pour donner d'eux-mémes un spectacle crédible, de se mettre en scéne a cheval sur une catastrophe imminente. SL P. Le Crabe-tambour (P. Schoendorffer) Iy a du sentiment. de Ia conviction (non, certes, la convic- tion ne manque pas), et de belles images sur les Mots d'argent ‘au large de Terre: Neuve, Philippe Collin a dit tout ce qu'il fal- fait dire. mon avis, dans Elle du 5 décembre, de ce produit & tous égards pesant ct sinistre, aussi me contenteraie, avec sa perinission, de le citer :« Pendant prés de deux heures, il pleut des « retours ew arriére « entrecoupés de cas de conscience. dont fa nostalgie pour la belle épaque des casseurs de Viets peut donner la neusée aussi sirement que le tangage et le row- fis. Ravis de porter Vunlforme, occasion que le cinéma francais leur propose rarement, les comédiens sien donnent & ‘cerur joie dans la lugubre tradition des films anglais de ma- rine «Iecres rigides et regard lointain, Parce qu'un exemplaire du Négre du Narcisse rraine sur une table, parce que le per- sonnage dle Wiltsdoef peut loincainement rappeler te Kurz du Coeur des ténébres, on s‘empressera d'évoquer Joseph Con- rad, ce sera un blasphéme, tout comme de citer te nom de John Ford sous préiexte que des militares font des effers de Jugulaire en plein vent, Non, nous sommes ict dans lunivers ‘difiant des Trois de Saint-Cyr, adroitement ravalé & inten tion des jeunes générations. » Je n'ai strictement rien a ajou- {er, sinon quill me parait tout & fait normal que Maurice Druon se soit déclare enw et bouleversé par ce film (publicité ‘des quotidiens), mais que cette émotion ait pu éite partagé pa 58 Le Grabetembour, de Pierre Schoendorffer des critiques de quotidiens ct d’hebdomadaires situés parait-il 4 gauche me Inisse confondu. Le roman de Schoendorffer = d'od le film est tire ~ avait €1é sévérement jugé par les mémes publications. Quel est donc le pouvoir du cinéma, que Ph, Collin se soit trouvé pratiquement seul a dire sa répugnance pour cette apologie senlimentale de '0.AS. de la race blan- tche (épisode de Willsdorf prisonnier) et de ’Occident éter nel ? Méme la critique communiste (L"Humanité, France now- wells) s'est montrée attendrie et désarmée (je ne sais pas pour- quoi, il est vrai, je dis « méme..e). Mais te probleme n'est sans doute pas du céré des pouvoirs du cinéma : it est celui du pouvoir de la critique de cinéma en France, et il y aurait la, hiélas, beaucoup a dire. PB. Au-dela du bien et du mal (L. Cavani) Viviane Forrester dans Art Press de décembre, régle trés bien ‘son compte & cette petite chose (quoique probablement a gros budget) constamment sinistre, grotesque et prétenticuse. La thése du film, soutenue avec Pexquise légéreté cavanienne, & savoir : ce qui a mangué a Nietzsche et Paul Rée. cest de vi ‘re leurs fantasmes homosexuels, ne me parait pas devoir étre disculée trop longuement, aussi me pefmetirarton de ren- vvoyer it article cité, qui m'épargne heureusement le mien. On pourrait seulement sétonner quun si pate navet ait souleve es debats, qu’ wuvé des gens pour admirer, d'au- tres pour sien iadigner. ct qu'une pleine page du Monde ail &@ ‘occupée contradictoicement & son sujet par des personnalités bien en vue de intelligentsia frangaise (Guattari et Benoist, ‘deux nietzschéens, 4 ce qu'on dit), Mais il en est de certains fiims comme de certains livres: ils ne sont écrits et réalisés ‘que pour le bruit qu'on espére quits feront dans les media. Bien, ga a encore marche, au suivant. PB (Ces notes ont 66 rédigées par Bernard Boland, Pascal Bonitzer, Nathalie Heinich, Serge Le Péron et Jean- Pierre Oudart). L’AVANCE SUR RECETTES EN QUESTION par Jacques Doniol-Valcroze i IvAvanee sur recettes en question 37 ‘Question. Ga ressemble 8 quoi votre «Avance »? Au monstre du Loch Ness, 3 la Béte du Gévaudan ? Pourquol tout ce tintamarre dans le presse, tous ces communiqués, ces réponses aux réponses, cette conférence de presse et, pour couronner le tout, ces inter- pellations & Assemblée nationale ? Jacques Doniol-Veleroze. Ii conviendrait d'abord de séparer Vanecdotique du probleme essential ui. Question. Mais enfin, il y a une « Affaire Claudine Guilmain ». Vous Vesquivez ? ¥.D.V. Non. Simplement, |e problame n'est pas 18. En 1876, 310 cinéastes ont do- mandé l'avance, 48 ont obtenue, En 1977, sur 9 séances tenues jusqu’en septembre. 329 cindastes ont 6té candidate (on arrivora & plus de 4001, 52 ont obtenue... Refléchis- ber : si en 76 et 77, lea 539 candidate malheureux avaient, chacun, déclenché une affaire Style Guilmain, il y 8 longiemps qu'il n'y aurait plus d'Avance sur recettes et je ne vois pas Qui s'en porterait mioux. Question, Les producteurs traditionnels sans doute.. J.D. Erreur. Avjourd hui la crise est telle qu'un sur trois la demande ou la demandera. Question. Alors, Claudine, on n’en parle plus ? J.D.V. La colére est mauveise conseillére. Son talent n'est pas en cause. Sur un coup de téte elle s’est lancée dans une action ieresponsable qui, finalement, ne débouchera sur rien... sinon conforter d'autres campagnes contre trés exactement le cinéma qu'elle vou- lait défendre et promouvoir, S'ajouteral que se faite essimiler par Gabriel Matzneff & Pa- fadjanov (dans le Monde) et se lancer dans une série de propos diffamatoires contre d'autres cinéastes qui sont. comme elle (elle qui, il faut le dire. a eu une avance pour son premier film Véronique ow été de mes trelze ans), du cété du «cinéma dauteur». je trouve cela... comment dire... mélancolique, triste Question. Courageux aussi, peut-étre ? Car enfin elle brile sex vaisseeux... J.D.V. Le courage est une vertu contradictolre. Si on se trompe de tre bon tireur ? ible, 8 quoi sert Question. Eile a peut-ére été victime d'un complot ? 4J.0.V. Absurde. Quel complot ? Huit personnes sur neuf n‘ont pas aimé son scénario et ont voté contre. C'est tout, De tels votes sont et seront fréquents. C'est ia régle des com- missions qui tranchent par scrutin, Si on est candidat. on ne peut accepter cette regle de épart ot la récuser & larrivée si le résultat ne vous 2 pas 6te favorable. ly a par ailleurs tun systéma assez soupla dappel et de réexamen. Question. Mais vous-méme an nz défendu ce projet, voté pour. J-D.V. Cela ne change rien au probléme. Mes collégues ont eu une opinion différente de 1a mignne. Jo ne vais pes pour autant les taxer de malhonndteté ou les soupconner de combines. ‘Question. Et si vos collégues s'éta‘ent trompés ? J.D.V. Qu'est-ce que ¢a veut dire : «se tromper », dans ce genre de problématique ? On ne pourrait parier d'orreur que s'il y avait « constance dans I'erreur». C'est alors, et alors, seulement quil y aurait scandale. ‘Question, Mais encore ? ‘J.D.V. Quel est le bilan de la Commission qui est en place depuis décembre 76 ? D'uno part, sion examine les noms connus, ella a accordé I'avance & Moulle, Littin, Rosselli Anna, Vecchial, Claude Simon, Genét, Jean-Louis Jorge, Blain, Stanojevic, Garrel. Mé- ‘armitz, Fleisher, Caval ch, Akerman, Kanapa, Jos! Farges, Kast, ‘Adam, Fassbinder, Schroeter, Vautier, Marker, Benayoun, Santiago, Lapoujade, Féret, Cozarinsky... D'autre pan. sur ia cinquan- taine davances, 16 ont ét6 & des promiers longs métrages (c'est-a-dire pratiquement & des inconnus) dont B ont ét6 réalisés ou sont on cours de réalisation. Ce bilan : dun cOté — 38 Jacques Doniol-Valeroze celui des noms -, comme de l'autre — celui de la promotion des jeunes, des nouveaux ~ ‘me parait positt. il n'y a donc pas « constance dans lerraur », donc pas de scandale, done 1p2s de proces a intenter & la Commission, done, une fois de plus, je le répéte, Claudine Guilmain se trompe de cibie. Question. Et si elle a ative ouvribre ? été vietime de son projet ee unités de production », de coopé- Y.0.V. No me faites pas rire. Qui dans la Commission connaissait son projet ? Il est © collent dsilleurs. Une personne ? Deux peut-éire ? Et qui cela pouvalt-il géner ? Et pour- uoi ? Qui va croire qu'au moment de voter quelqu‘un s'est dit: elle est 'auteur, dans le cadre de la S.R.F,, d'un projet sur les unités de production, done, nonobstant excellence de son scénario, je vote contre ? Ce nest pas sérieux. Question. Et /a S.RLF, justement, qu’est-ce quielle pense de tout ca? ¥.D.V. Ilya consensus sur essential. I peut y avoir confit sure détall. Nous venons de le voir. Cest normal, le contraire serait inquiétant, Question. Done. vous étes pour ‘avance ? ¥.0.V. Dans le contexte actuel, économique et politique, on ne peut étre que pour. Mais. ii est pas interdit de réver aux généreuses utopies des Etats généraux de 68. On ne salt jamais ce qui peut arriver et il n'est pas interdit d'étre optimiste. ‘Question. Et en attendant ? DV. Eh bien justement, il fout situer, tr8s schématiquement, ce contexte historique. En 1946 te cinéma frangais est complétement envahi, colonisé par le cinéma americain {t Léon Blum est allé & Washington signer avec M. Bymes des accords ou le cinema francais @ éé completement sacrifié. Bret, ca va tres mal et les pouvoirs publics sont

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