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comme anti-herméneutique*
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depuis 1968 , notamment dans une confrontation avec
premier lieu comme « un procédé pour l'investig~tion
~.s_the.sesdeJ~!~~~~E! ~reud, l!u~_~!je r!proche prin-
de processus animiques, qui sont à peine accesslbIes
c"p~Iement, dans son interp~ét~~_?_~_~e_!<:!eud,
de ne pas
autrement »3. Or cette m~t?0de_~~!. __l::onstamment
ten~Pt~_~~l~_1J:!.(t!!~<!_e de Fr~ud Iui-mêDie. '
définie comme analytique, associative-dissociative, Ia
o 0'0
séduction » ne peut se borner à une simple confronta- interprétation constituent une catégorie plus vaste que
tion empirique avec Ies faits, dont Ia théorie serait sortie cefIedeTa-traducilon~-ou-bíerisreües-ne-seralenipas à
vaincue. Il y avait, dans cette théorie freudienne, un subsumer dans une théorie de IâtrãductiOU-gên~raiISêe:-
germe de vérité, mais insuffisamment élaboré, et par --'Enfin~le prlV1IégJ:ela
notion de traduction, car elle est
conséquent des faiblesses, des manques a généraliser et apte à élaborer ce que je nomme « modele traductif »,
à se porter à l'essentiel. Il n' est pas question ici de dans une théorie de Ia réception du message de I'autre,
reprendre cette élucidation, qui m'a mené à une généra- une théorie qui est aussi théorie du refoulement.
lisation, au sens épistémologique du terme. Herméneute, traducteur, théorisateur, iI s'agit Ià de
3. - La concomitance de ces deux occultations - celle facettes d'une même activit~:-cellede-iã-~~ception-du
messaged'el'autre-. -- ----------.--.-- -- -- ---.---------.-.
de Ia théorie de Ia séduction, et celle de Ia méthode indi-
viduelle au profit d'un retour de Ia Iecture herméneu- ----:f'
en reViens'donc au probleme généraI de 1'her-
tique, via symbolisme, typicité et complexes - cette méneutique, pour énoncer, dans Ie cadre de Ia théorie
concomitance doit évidemment être rapportée à des de Ia séduction généralisée, cette proposition fonda-"
liens profonds. Je ne saurais Ies développer ici, mais ils mental e : le seul herméneute véritable, originaire, c'est l'être\11
sont faciles à repérer. humain. Tout être humain. 11 '
4. - Dans 1'exposé de Ia théorie de Ia séduction En ceci, je me rapproche partiellement du point de
généralisée, je parle plus volontiers de traduction que de vue heideggerien: I'herméneutique fondamentale ne
Iecture, d'interprétation voire de compréhension. Les saurait être apportée de I'extérieur, comme une disci-
raisons en sont multiples. pline spécialisée._ª!~ .._Ee peut êtr~_qu'upe l:lerméneu-
Tout d'abord, nous partons toujours d'un sens _ti9..~_<!~
_~3:_(;<:>~<.!i!!2!:1_~~_~a~E~.u?rati9.'!te_p~!'..Y~
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exprimé, exprimé à un autre : d'un message. Ce message humain.
" s'exprime dans un « Iangage », si on veut bien rendre à ce Mais mon explicitation de cette these sera profondé-
i terme son acceprion---générãle-de~systeme sémiolo~ ment différente :
íglg~~=~!_~õn pas delangageve~bãI: -~~-~~~~-~~~!~~tif: 1 / Ce qui fait 1'objet d'une p~otocompr~hension,
Ensuite, iI me parait que Ie mouvement herméneu- prototraduction, ce n'est pas de Ia situation, mais du
tique, Iorsqu'il réécrit son histoire aux xvme, XIXe et
XX" siecles - et iI ne cesse de Ie faire - néglige trop sou-
message. Comment une situation, en effet, pourrait-elle d' observations empiriques, comment cette remontée à
faire l'objet d'une traduction? 11 n'y a pas d'inter- l'enfance échapperait-elle au reproche d'être de nature
rogation sur Ia condition humaine qui ne soit véhiculée ontique, purement mondaine, et à sa récusation comme
par le message de l'autre. Les grandes questions fonda- situation fondamentale? Le simple doute cartésien y
mentales - d' ou venons-nous ? Ou allons-nous ? Pour- suffirait!
quoi les genres?, etc. - ne viennent à l'individu que Sans vouloir ici développer ma justification, j'en don-
posées par l'autre. nerai le principe : Ia situation de traduction originaire
Quel individu ? Quel autre ? communique, comme de l'intérieur, avec l'expérience
2/ Celui qui exerce cette prototraduction, ce n'est unique inaugurée par Freud : Ia situation analytique. Le
pas l'homme adulte, en situation ici - un cogito - voire témoin de Ia « séduction ~)infantiIe est Ia « séduction l)
un Dasein. Le heideggerianisme, voire l'ensemble de Ia analytique, que nous nommons « transfert l}9.
J- pensée herméneutique, restent marqués au sceau de Ia La situation originaire (renouvelée dans Ia cure ana-
pensée réflexive, ce que je nomme Ia petÍsée ptolé- lytique) n'est donc pas: je suis là, en situation, et
méique, laquelle - par excellence - est Ia pensée de ;'interprete. Mais: I'autre s'adresse à moi, de façon
l'adulte refermé sur lui-même. Celui qui traduit origi- énigmatique, et je (nourrisson - analysant) traduis.
nairement, donc, c'est le petit enfant, le nourrisson. Et, QueIques mots, donc, de ces « messages énigmati-
\i pour faire bonne mesure, complétons : le nourrisson qui que~ li de l'adulte, adressé~ à l'~n~ant. Je les dis « éni~- 1 1'
\l n'a pas d'inconscient. matlqueS~) en un sens tres preClS; non pas: myste-
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Je risque par là de voir les adeptes d'une philosophie rieux, ou difficiles d'acces, ou inexpliqués. Mais: à I
du sujet quelle qu'elle soit se fermer à jamais les oreilles. double face, dans Ia mesure ou l'adulte, lui, « a l) un
« Avoir un inconscient ~): que peut bien vouloir dire ce inconscient, lequel est particulierement mis en éveil par
réalisme psychologique naif? A-t-on un inconscient Ia relation à ce tout petit qu'il a lui-même été. Des
comme un sac de noix ou un fardeau de buches ?8Mais -I< messages qui sont Ie plus souvent non verbaux : soins,
plus grave encore à leurs yeux, sera Ia cemra1:ion sur Ie mimiques, gestes, mais parfois verbaux aussi. Des mes-
nourrisson, ou sur Ia situation nourrisson-adulte. Et en sages que je dis compromis en ce qu'ils ne véhiculent
effet, si nous n'y avions acces que par une démarche pas seulement leur sens manifeste, mais Ieur compro-
extérieure, une reconstruction à partir de souvenirs ou mission par Ies signifiants inconscients : « compromis ~)
exactement comme Freud l'a montré pour les actions
manquées, méprises de Ia parole (Versprechen), de
8. Und vieles l'écriture (Verschreiben), etc. Énigmatiques pour le
Wie auf den Schultern eine
Last von Scheitern ist
Zu behalten 9. Cf. Du transfert: sa provocation par l'analyste, in La Révolution
Hõlderlin, Stuttgarter Ausgabe, 2, I, p. 197. copernicienne inachevée, Paris, Aubier, 1992, p. 417-437.
récepteur, iIs ne Ie sont que parce qu'iIs sont énigmati- ciation et par Deutung, Ies traductions manifestes. Dans
ques pour l' émetteur. son parcours, elle tombe souvent sur des strates de tra-
La réception de ces adresses, je ne vois pas de meil- duction anciennes, qu' elle ne se prive pas de recons-
Ieur modele pour Ia figurer que celui de Ia traduction. truire. Mais toujours pour pousser plus avant Ie pistage
La traduction se produit selon des codes plus ou moins des résidus inconscients.
élémentaires, fournis au départ par Ie monde cultureI, Rappelons-nous I'usage de Ia métaphore de Ia « clé »
mais aussi par Ia physiologie voire l'anatomielO• Qui plus en herméneutique. Rappelons-nous aussi I'examen et Ia
est, et cela est essentiel, Ia traduction originaire n'a pas critique par Freud de l'interprétation classique et popu-
qu'une face de Iumiere, d'élucidation et de maitrise, elle Iaire des rêves par Ia « Clé des song_~»:_Ç'-(:~!qll~lacl~_.
J a aussi une face négative, Ia traduction étant toujours en qui sert à ou~E"~~~1-~1.!~} et ..surtout,!J~!:!!!..~!:. La
j~ même temps échec de Ia traduction, c'est-à-dire refou- méthode psychanalytique, dans son originaire, n'a pas
/Iement, constitution de I'inconscient comme déchet de de clés, mais des tournevis. Elle démonte Ies serrures,
,:.Iatraduction 11 • elle ne Ies ouvre pas. Ainsi seulement, caII!.b.ºQI~urpar .;1:,
\
Que serait donc une pratique herméneutique de Ia effraction, elle tente de s'approcher du tr6sor, terrible et
psychanalyse? Appliquant sur un ancien codage un dérisoire, des signifiants inconscients.
nouveau codage, se centrant sur Ie manifeste pour Ie Le seul herméneute, c'est I'enfant, puis I'analysant.
« relire », elle ne peut constituer qu'un redoublement du Nous n'avons pas à en faire un herméneute freudien,
refoulement. Je ne vise pas principalement I'interpré- kleinien ou Iacanien. Herméneute, il Ie sera toujours
tation dite anagogique ou jungienne: adversaire trop bien assez par Iui-même, dans son aspiration inextin-
facile dont Ia critique peut servir d'alibi à des herméneu- guible à Ia synthese, malgré toute analyse.
tiques plus subtiles, avalisées par Ie maitre Freud Iui- Je terminerai par une rapide considération sur ce
même. qu'est Ia théorie en psychanalyse. 11 paralt indispensable
Mais dans Ie flot des théorisations secondaires, pré- de distinguer ici deux niveaux, bien marqués par Ies
tendument psychanalytiques, Ia méthode et Ia situation titres de deux ouvrages de Freud : Les théories sexuelles
analytiques restent comme Ie roc, pour rappeler I'hété- infantiles et Trois traités sur la théorie sexuelle.
rogénéité de I'inconscient par rapport à tout systeme. Le premier niveau, désigné par commodité niveau I,
Que fait cette méthode ? Animée par Ie champ du trans- est celui des théories découvertes en I'être humain par Ia
fert et Ia réactivation de Ia relation à I'énigme (celle du psychanalyse. Ce sont des idéologies, des mythes, des
psychanalyste), elle détraduit, par association-disso- mises en forme qui, comme telles, ne sauraient être ni
réfutées ni prouvées par Ia psychanalyse. Ce sont elles
que les critiques de Ia psychanalyse attaquent Ie plus
10. Cf. plus haut p. 17 sq. : 1'énigme des genres est traduite selon le
code « castratif )},qui est à Ia fois anatomique et culturel.
volontiers, et non sans raison puisque Ia plupart des
11. Cf. Court traité de 1'inconscient, présent recueil, p. 67-114. psychanalystes en ont fait leurs théories. Autant pré-
tendre réfuter I'ethnoIogue, en démontrant Ie caractere ment, elle se propose de guider cette praxis. Or I'un des
fantasmagorique et contingent de teI mythe amérin- accomplissements de Ia théorie 11, c' est de rendre
dien ... Mon rapprochement avec I'ethnologie n'est compte de Ia fonction de Ia théorie (mythes et idéoIo-
d'ailleurs, Iui-même, pas contingent : Ies « découvertes » gies) dans I'être humain, et notamment dans Ie proces
psychanalytiques sur Ies théories mythiques recoupent du refoulement. En ce sens, et si Ia cure se propose une
en de nombreux points Ies découvertes ethnologiques. Ievée, au moins partielle, des refouIements, sa maxime
Quant à Ia fonction de ces théories, nous nous situons ne saurait être que : hands of! à I'immixtion des théories
Iargement en concordance ã~~~--unLévi-St~auss q~nd _ ou plutôt des idéologies - « psychanalytiques », dans Ia
pratique analytique. Bas Ies pattes, dans Ia cure, à ,i ~
11~~~6;i~~~e~~:~~~j~-}:~~~~1t~:~f~:~~~t:{~~~--
dê" i'
-c-ette--ãngõ-lsse-existentfêlleestcorrélailve attaque
l'herméneutique, à notYê1ierrn€iiêutique ! Une maxime
régulatrice, qui ne saurait être observée qu'asympto-
-par-iemessage-~Ie-Yãutre··:·-·l'ãutre--liumaln·- adultê, tiquement, et dont une autre formulation serait celle du
d'abord (der Andere), puis I'autre choseen-nous(da~ « refusement du savoir » (Versagung des Wissens) du côté
de I'analyste.
li
'. \'<::.
Ander~:}'inc()_~~~_~~E:~)-.: -
A ce niveau I, j' opposerai un niveau 11, ce1ui de Ia
théorie proprementpsychanaIytique, qu'on nomme
aussi métapsychologie. Comme toute théorie, elle ne sau-
rait être que construite, pour tenter de rendre compte
d'une expérience; au premier plan l' expérience de Ia
cure: situation, méthode, objeto C' est Ia théorie du
refoulement, de Ia genese de l'inconscient, de ses mani-
festations, de sa nature. La théorie psychanalytique,
telle que décrite au niveau 11, peut-elle revendiquer
d'être réfutable et faIsifiable? Qu'elle n'use pas de
modeles physicomathématiques n'empêche pas qu'elle
ait à subir I'épreuve du raisonnement et Ia confrontation
avec I'expérience.
Si différems, hétérogenes même, que soient ces deux
niveaux de Ia théorie, i1 existe entre eux une re1ation
pratique essentielle: Ia théorie niveau 11 veut rendre
compte d'une expérience et d'une praxis, et inverse-
Jean Laplanche
Entre séduction
et inspiration :
l'homme
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