RAPPORT MENSUEL : MAI 2018

La plupart des violences du mois de mai ont eu lieu dans les hauts plateaux du Nord Kivu––
on peut presque tracer une ligne pour relier la plupart des incidents, depuis Eringeti à la
frontière avec la province de l’Ituri jusqu’à la pointe sud du territoire de Masisi. Les niveaux
de violence sont restés élevés, comme les mois précédents, avec une concentration
d’incidents dans le territoire de Beni en raison des affrontements quasi quotidiens entre
l’armée nationale (FARDC) et les rebelles des Forces démocratiques alliées ougandaises
(ADF). L’enlèvement de touristes étrangers visitant le parc national des Virunga a fait les gros
titres dans les journaux internationaux. En général, le conflit reste décentralisé, avec plus de
120 groupes armés sans un récit global ou des intérêts communs.

Dans le territoire de Beni, les combats se

82 morts violentes (¯1% par rapport à avril 2018) sont poursuivis entre les ADF et les FARDC
42 enlèvements 34 kidnappings (¯33%) sans aucun gain majeur d’un côté ou de
l’autre, alors que les massacres de civils se
35 affrontements entre belligérants (¯29%)
sont poursuivis. Le 20 mai, des hommes
armés non identifiés ont abattu dix civils
dans le village de Mangboko, sur la route entre Beni et Oicha, la plus grande vague de tueries
dans l’est de la RD Congo au cours du mois de mai. Dans le même temps, le déploiement
massif des forces de sécurité dans la zone a entraîné une augmentation des abus contre les
civils dans la zone : en mai, 8 civils ont été tués sur le seul territoire de Beni par les FARDC et
4 autres ont été grièvement blessés.

La rivalité entre les Mai-Mai Mazembe et le Nduma défense du Congo-Renové (NDC-R) s’est
poursuivie dans le territoire de Lubero, menant à des combats importants à l’ouest de la route
Butembo-Goma autour des villages de Karambi, Kibukulu et Pitakongo. La plus grande
attaque a eu lieu le 30 mai, lorsque le NDC-R a attaqué les Mai-Mai Mazembe à Pitakongo.
Trois combattants du NDC-R ont été tués et un autre a été blessé lors de l’attaque, ce qui a
conduit à l’incendie du camp des Mai-Mai Mazembe. Pendant ce temps, il y a eu une poussée
de pillages à l’est de la route principale, vers les rives du lac Édouard, où des hommes armés
non identifiés ont kidnappé sept personnes et pillé plusieurs villages.

Dans le territoire de Walikale, le NDC-R a continué à consolider son contrôle sur le

groupement d’Ikobo, juste de l’autre côté de la frontière du territoire de Lubero. Il est
impliqué dans l’exploitation aurifère dans la région, ce qui explique probablement aussi
comment il a développé une bonne relation avec les FARDC stationnés à proximité. Le NDC-
R est toujours l’un des groupes armés opérant sur la plus grande étendue au Kivu, ayant
notamment attaqué une position du NDC-Sheka le 18 mai à Robe, à près de 100 kilomètres
de ses positions sur le territoire de Lubero. La plupart du temps, le territoire de Walikale était
calme en mai, la pire attaque ayant eu lieu le 27 mai à la frontière sud avec le territoire de
Kalehe, lorsque des Mai-Mai Kifuafua ont tué deux commerçants revenant du marché.

Le territoire de Rutshuru est toujours l’une des parties les plus violentes des Kivus, avec de
nombreux groupes armés qui ont commis des violences en mai : les FDLR-RUD, les FARDC,
les Mai-Mai Mazembe, les Mai-Mai Charles et l’APCLS. L’insécurité est devenue si répandue
que certains acteurs humanitaires ont eu recours à des hélicoptères pour apporter l’aide. Les
pires auteurs du mois de mai étaient des rebelles rwandais des FDLR-RUD, qui ont mené
plusieurs raids juste au nord de la ville de Rutshuru. L’incident le plus tragique a été une
attaque le 31 mai, quand ces rebelles ont essayé de violer une fille qui revenait de ses champs
avec sa mère et son frère aîné à Rusaka. Le frère aîné de la fille a essayé de les arrêter, mais
a été abattu, et sa mère a été blessée à la machette. Les assaillants ont ensuite traîné la fille
dans la forêt.

Dans le territoire de Masisi, plusieurs groupes Nyatura ont continué à s’affronter entre eux et
avec l’APCLS et les FARDC. La politique locale était dominée par un conflit entre les sociétés
minières et les mineurs artisanaux de Rubaya. Des manifestations violentes ont éclaté le 4 mai
à la suite de l’expulsion de mineurs artisanaux de mines de coltan locales. Les manifestants
ont barricadé la route Rubaya-Goma et se sont livrés à de violentes escarmouches avec la
police pendant plusieurs jours.

Dans le territoire de Nyiragongo, juste au nord de Goma, des hommes armés non identifiés
ont attaqué une voiture appartenant au Parc national des Virunga le 11 mai, tuant une garde
du parc et kidnappant deux touristes britanniques et leur chauffeur. Ils ont été libérés deux
jours plus tard. Alors que l’attaque est toujours sous enquête et que l’identité des assaillants
reste inconnue, l’incident a entraîné la fermeture du parc national pour le reste de l’année.

Il y a eu de nombreux cas de pillages et de viols à Bunyakiri, du côté ouest du territoire de

Kalehe, en particulier dans le groupement de Kalonge, où ce type de violence était jusqu’alors
relativement rare. Dans la partie nord du territoire, dans le groupement de Ziralo, l’activité
des Raia Mutomboki Kabishula s’est intensifiée ; ils se sont livrés à une série d’arrestations
arbitraires et d’attaques contre des civils. Pendant ce temps, il y a eu une série de vols et de
pillages de ménages et de communautés de pêcheurs le long du lac Kivu.

Tout comme au mois d’avril, des réseaux criminels continuent de perturber la ville de Bukavu
et le territoire voisin de Walungu, bien que les vols aient quelque peu diminué. Il semble que
les opérations policières à Bukavu – connues sous le nom d’Opération Tujikinge
(« Protégeons-nous ») – aient poussé certains de ces gangs armés vers les zones rurales, mais
certains vols violents ont néanmoins continué. Le 8 mai, par exemple, des hommes armés se
sont introduits dans un magasin d’argent Airtel dans le quartier de Cahi, abatant un chauffeur
de taxi et blessant quatre personnes. Mis à part la dispersion d’une manifestation pacifique à
Kamituga le 16 mai, le territoire de Mwenga était relativement calme.
Par rapport à avril, le territoire de Shabunda était relativement calme à l’exception des
tracasseries de la population par les FARDC, en particulier dans le groupement Bamuguba
Nord dans le nord du territoire. En grande partie, cette accalmie est survenue parce qu’un
certain nombre de groupes Raia Mutomboki ont rejoint l’offensive des Mai-Mai Sheh Malaika
contre le gouvernement et les sites miniers dans la province voisine du Maniema. La plupart
de ces groupes sont retournés à Shabunda à la fin du mois.

Dans l’extrême sud du Sud-Kivu (territoires d’Uvira et de Fizi), la dynamique des conflits a
été dominée par trois grandes tendances : les tensions communautaires dans les hauts-
plateaux autour de Bijombo ; la persécution de prétendues sorcières dans la plaine de
Ruzizi et le Moyen Plateau ; et la résurgence de conflits sur le pouvoir coutumier dans le
territoire d’Uvira.

Au sud-ouest du territoire d’Uvira, dans le groupement de Bijombo, des tensions ont été
déclenchées le 1er mai par l’abattage de dizaines de vaches appartenant à des éleveurs
Banyamulenge. En représailles, le groupe d’autodéfense de Twiganeho a massacré neuf
civils et incendié les villages Bafuliro de Chanzovu, Mugogo, Mabuga, et Katedja. Puis,
entre le 12 et le 27 mai, dans les territoires d’Uvira et de Fizi, la population a commencé à
persécuter des femmes accusées d’être des sorcières. Un total de 9 personnes ont été tuées
au cours de cette chasse aux sorcières, soit par balles ou par strangulation. Enfin, le 26 mai,
un chef coutumier de la communauté Fuliro a été intronisé de manière controversée, ce qui
a été immédiatement contesté par son oncle Albert Mukagabwa, qui prétend également
être le chef. Cela a fait craindre que la milice de Défense locale, qui avait été
progressivement démantelée, réapparaisse autour de Luvungi.
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