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Égocratie et Démocratie

***

« À égale distance des imprécations nostalgiques et des prévisions


techno-béates, Alban Martin analyse avec lucidité l’impact de l’internet
sur le champ démocratique. En décrivant les interactions qui existeront
entre les technologies et le débat politique, c’est aussi le portrait
d’une société numérique en formation qu’il esquisse. Une lecture utile
pour tous ceux qui souhaitent qu’à l’issue de ces évolutions,
les mécanismes de décision ne puissent échapper aux citoyens. »
Bernard Benhamou,
Délégué aux usages de l’internet et coordinateur du portail
de services aux citoyens sur mobile, Proxima mobile,
ministère de la Recherche et secrétariat d’État à l’Économie numérique.

***

« Alban Martin nous fait comprendre avec talent et conviction


comment les nouvelles technologies doivent accompagner une nécessaire
redéfinition des mécanismes décisionnels dans la vie politique. »
Guillaume Champeau,
éditorialiste, fondateur de Numerama.com
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Copyright © 2010 FYP éditions

Collection Présence / Essai


Une collection dirigée par Philippe Bultez Adams

Édition : Florence Devesa, Séverine David


Photogravure : IGS
Imprimé en France sur les presses de l’imprimerie Chirat.

Cet ouvrage a reçu le soutien du Conseil régional du Limousin et du ministère de la Culture


et de la Communication, DRAC du Limousin, avec le concours du Centre régional du livre en Limousin.

© 2010, FYP éditions (France)


contact@fypeditions.com
Tél. : 05 55 33 27 23
www.fypeditions.com

fyp
éditions

ISBN : 978-2-916571-45-4
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Alban Martin
Égocratie
et
Démocratie
La nécessité de nouvelles technologies politiques

fyp
éditions
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Biographie

Diplômé d’HEC et maître de conférence


associé au Celsa-Paris IV Sorbonne, Alban
Martin enseigne les stratégies de commu-
nication sur les médias informatisés. Son
expertise alimente de nombreux cercles de
réflexion, tels que le Social Media Club
France et l’Institut Montaigne. Il est également l’auteur de
plusieurs ouvrages sur les modifications liées aux nouvelles
technologies dans l’univers de l’économie et de la culture.
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Sommaire
INTRODUCTION 9

CHAPITRE 1
Qu’est-ce que la représentation ? 15
1- Deux types de démocratie 16
2- Trois formes historiques de représentation 17
Le parlementarisme au début de la démocratie française
La démocratie des partis jusqu’aux années 1960 et 1970
La démocratie du public actuelle
3- Les grandes composantes de la représentation 20
Mandat et délégation
La recherche du bien commun
L’opinion publique et la volonté générale
L’accès à l’espace public
Les conditions d’une représentation optimale
4- La métaphore théâtrale 26
Télévision et théâtralité
Les coulisses et l’antichambre du pouvoir
Un public anonyme et caché
Une interactivité réduite
5- Les conditions du maintien de l’équilibre 32
Un collectif en souffrance
La crainte de la sécurité
Le rôle des sondages
Un dispositif concurrent

CHAPITRE 2
Les difficultés de l’espace public aujourd’hui 39
1- L’incertitude grandissante du contexte économique, 39
social et technique
2- La pertinence nouvelle de certains citoyens 42
La complexité de l’argument d’autorité
L’exemple d’internet comme sujet politique
3- La nouvelle ramification numérique de l’espace public 47
Toujours plus de personnes et de sujets
L’apport des médias sociaux
Des impacts déjà visibles
4- Les collectifs se forment plus facilement et rapidement 54
La baisse des coûts de création de collectifs
Un référentiel euclidien bousculé
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CHAPITRE 3
L’égocratie 61
1- Un nouveau pouvoir 61
La transition accélérée entre opinion personnelle et opinion « très » publique
Une mécanique fondamentalement nouvelle
Opinion publique et viralité
Un impact visible et direct
Un double rééquilibrage
2- Influencer plutôt que prendre le pouvoir 70
Influencer efficacement
3- La surveillance comme moyen d’influence 73
L’envers du décor devient visible
Une visibilité qui modifie le rôle du public
4- La revendication de transparence 77
Panoptisme citoyen
L’horizon impossible de la transparence

CHAPITRE 4
La représentation en transition 81
1- L’exercice de la représentation se modifie 81
L’open data
L’empathie
La microlégifération
La représentation-spectacle
La temporalité courte
2- Un nouveau lieu d’explicitation de la volonté générale ? 88
Une concurrence possible des espaces délibératifs « officiels »
La feintise de participation
3- Un bilan de la « démocratie du public » peu valorisant 92
Instabilité
Sous-efficacité
4- Une représentation théâtrale dans l’arène du cirque 95
Le secret est levé
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CHAPITRE 5
Les enseignements de la représentation 101
dans le domaine marchand
1- Un champ d’études intéressant à explorer 102
Agora, forum et marché
La parole au centre de la délibération économique
Ce que l’étymologie nous révèle
2- La mécanique de représentation dans l’entreprise 106
L’avis du grand public représenté
Le client roi par l’intermédiaire de représentants
Des facteurs internes et externes de décisions
3- Une tendance à l’incertitude dans la pratique de la représentation 110
Un contexte de décision plus vacillant
L’émancipation des clients
Une opinion (très) partagée de manière plus rapide
La démocratisation de l’accès à l’expertise technique
Une économie non marchande concurrente
4- Un déni potentiel de ces évolutions 116
5- La menace de la révocation ne peut être ignorée 119
L’exemple des maisons de disques
L’exemple des secteurs peu concurrentiels ou à faible valeur ajoutée
L’auto-satisfaction non marchande des besoins
6- Les structures innovantes assouplissent leurs mécaniques 125
de représentation
Une représentation interactive
7- Les réussites des pionniers contribuent à généraliser 131
cette interactivité
Dans la grande consommation
Chez des poids lourds de la bourse
8- Réelle émancipation de l’individu-client ou coup marketing ? 134
Personnalisation et liberté de choix
Une maturité acquise sur le long terme
9- Les nécessaires adaptations pour réussir la transition 137
La prépondérance de la réputation sur l’image
De nouvelles fonctions hybrides entre communication et marketing
La représentativité n’est pas recherchée
10- Différentes valeurs ajoutées pour différents dispositifs 143
contributifs
Prédictibilité
Cognition
Utilité
Agilité
Légitimité
Des résultats tangibles
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CHAPITRE 6
Nouvelles technologies politiques 157
1- Les impératifs d’extension de cette représentation hybride 157
au contexte démocratique
Économique et technique
Social
Politique
2 - Aucune réelle expérience n’a été menée jusqu’à présent 162
Une délégitimation aggravée
Une prédictibilité brouillée
Une complexification accrue
Un apport de connaissance anecdotique
Un sentiment d’inutilité renforcé
3- Est-ce que les citoyens sont prêts ? 168
Objectiver les termes à discuter
Faciliter la bonne alchimie
Le représentant ne doit pas abdiquer
Le risque de durcissement des positions
Des signes encourageants
4- Les nouvelles technologies politiques nécessaires 176
pour sortir de l’impasse
Favoriser l’agilité
Développer l’utilité
Augmenter la prédictibilité
Améliorer la connaissance
Fonder une légitimité accrue
Encourager l’adoption de ces technologies par le concours
5 - La nécessité d’une identité numérique civile 199
Une discontinuité de citoyenneté
L’authentification forte préexistante
L’espace numérique comme point de départ
6 - Une hybridation de la représentation inéluctable 202
Des critères de choix incontournables
Un changement possible dans la continuité
Un outillage politique qui s’étendra progressivement
C’est le prochain équilibre

CONCLUSION 211

BIBLIOGRAPHIE 217

REMERCIEMENTS 223
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I NTRODUCTION

5 février 2010.
Sur mon blog, je rédige un billet de veille intitulé « Un
Digg-like1 réalisé par le ministère de l’Économie et des
Finances »2. Le ministère vient en effet de sortir un site
internet3 permettant à tout un chacun de partager des idées
d’amélioration autour des questions de l’alternance et de
l’apprentissage. Ce service permet de voter pour les
meilleures propositions ainsi que de les commenter afin de
les enrichir directement.
L’initiative du ministère me semble louable, ressem-
blant dans une certaine mesure à des initiatives déjà éprou-
vées dans le domaine marchand : le site de la SNCF,
« debats.sncf.com », ou bien celui de la RATP, « vous-et-la-
ratp.net », pour ne citer que des acteurs publics. Au travers
de mon billet, je relève néanmoins quelques points d’amélio-
ration qui faciliteraient la navigation de l’internaute et l’ac-
tivité citoyenne associée, par exemple :
- L’absence de réponse ou de prise parole de l’administra-
tion ailleurs qu’en première page, ce qui laisse présager de
la non-lecture des contributions ;
- Le manque d’information sur la manière dont le contenu
du site sera réutilisé ;
- L’absence d’engagement de résultat par rapport à la
démarche globale « d’ateliers de l’apprentissage et de l’alter-
nance ».
(1) Du nom du site internet Digg donnant la possibilité aux utilisateurs de voter pour une page web intéressante proposée
par un autre utilisateur (www.digg.com).
(2) http://tinyurl.com/apprenti
(3) http://www.ateliers-apprentissage.emploi.gouv.fr/
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10 ÉGOCRATIE ET DÉMOCRATIE

12 février 2010.
Réponse surprise signée par « l’équipe d’animation » dans
les commentaires de mon billet. Sur le modèle, encore une
fois, du secteur marchand, l’administration française s’est
donc dotée d’animateurs (community manager). Mais de
quoi ? De la participation citoyenne ? D’une communauté
d’internautes francophones ? Des personnes ou lobbies inté-
ressés par le sujet ? Ma critique consiste ici à mettre en avant
le peu de conceptualisation concernant un glissement qui
nous semble pourtant naturel, voire démocratiquement légi-
time.

Les éléments de réponse4 apportés par l’équipe d’anima-


tion à mon billet un peu critique soulèvent encore plus de
questions, je cite :
« Sur la question des réponses à apporter directement sur
la plateforme, nous pensons qu’il est préférable de ne pas
rentrer dans le débat pour deux principales raisons :
1. Cela évite le risque de voir la plateforme se transformer
en jeu de questions/réponses entre les internautes et le minis-
tère ;
2. La vocation de la plateforme reste la valorisation du
débat entre les internautes et leurs propres contributions. »

Le débat doit donc rester clivé entre les internautes qui


échangent ensemble, et l’administration et les représentants
démocratiques qui discutent entre eux de ce qu’ils voient ou
entendent ici ou ailleurs. Il est vrai qu’aucune règle n’encadre
les échanges de cette nature entre les citoyens et leurs repré-
sentants. Le fait que les internautes ne soient pas forcément

(4) http://tinyurl.com/apprenti
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INTRODUCTION 11

des citoyens de nationalité française ne doit pas y être étran-


ger5. Tout comme le fait que l’élection au suffrage universel
des représentants du peuple ne comporte aucune mention de
ce type d’échange, accordant une grande flexibilité dans sa
mise en œuvre, toute personnelle. Dans ce cas, il s’agit de
« valoriser le débat entre internautes ». D’autres représentants
peuvent y attribuer une fonction différente. Les internautes
devront à chaque fois la découvrir, puisqu’elle n’est pas
explicitement indiquée.

La suite de la réponse de l’équipe d’animation est égale-


ment propice à la critique : « Sur l’engagement du ministère :
cette plateforme a pour objectif premier de recueillir les expé-
riences et les propositions de chacun, uniquement (vous pou-
vez d’ailleurs retrouver régulièrement une synthèse des
contributions proposées dans notre zone actualité, qui revient
sur les principales suggestions et attentes des contributeurs).
Rappelons que toutes les contributions servent à alimenter les
travaux des ateliers, et plus globalement la réflexion préalable
au plan d’action concret qui sera proposée par Laurent Wau-
quiez ces prochaines semaines. »

Cette initiative est donc adossée à une obligation de


moyens, pas de résultats. On peut se demander d’ailleurs
pourquoi un représentant limiterait-il volontairement la
marge de manœuvre dont il dispose pour trancher un sujet.
Mais d’un autre côté, n’est-il pas salutaire que le représentant
ne s’efface pas derrière ces contributions ? Quel crédit démo-
cratique, quelle pertinence doit-on accorder à un dispositif
récoltant des avis non représentatifs par construction ?

(5) Un internaute peut éventuellement ne pas avoir le droit de vote (mineurs, étrangers, personnes déchues de ce droit suite
à un démêlé avec la justice, etc.).
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12 ÉGOCRATIE ET DÉMOCRATIE

Il est tout à fait recevable que ce dispositif ne serve qu’à


alimenter « globalement une réflexion préparatoire ». Même
si cela paraît peu ambitieux. Mais sans doute faudrait-il indi-
quer clairement aux contributeurs la portée de leurs investis-
sements personnels, parfois démesurés ou pétris de faux
espoirs. Le risque est grand de tomber dans le travers d’une
démarche de pure communication politique. Les résultats et
mesures annoncés en conclusion du « grand débat sur l’iden-
tité nationale », qui a mobilisé beaucoup d’énergies et de
ressources, montrent que cela n’est jamais bien loin.

En tout cas, ma voix sur le sujet de l’apprentissage a porté,


puisque – comme le laisse supposer la réponse personnalisée
– j’ai été entendu. Je peux me considérer chanceux de l’émer-
gence de ma parole dans un espace public numérique encom-
bré et sans repère démocratique. Comble du paradoxe, mon
avis a été écouté et on y a répondu en dehors de la plateforme
dévolue à ce sujet. Cette faculté d’influence, consistant à
faire entendre sa voix plus que celle du voisin, dans des
espaces où aucun cadre ne régit spécifiquement la relation
entre citoyens et représentants, est un embryon de pouvoir
personnel, une égocratie, qui soulève là encore de nombreux
problèmes.

Ce qui serait acceptable dans le contexte de la relation


client-entreprise ne l’est pas forcément dans le cadre de la
relation entre représentants et citoyens. Il est temps d’aborder
pleinement la question, d’autant que le rôle de « représenta-
tion » existe dans les deux cas, et permet une comparaison
riche d’enseignements. Cet ouvrage propose de réfléchir aux
différentes facettes de la fonction de représentant, en utilisant
tout d’abord une démarche expérimentale d’observation, puis
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INTRODUCTION 13

à travers une analyse basée sur les sciences politiques. De


nouveaux concepts seront introduits progressivement pour
définir un certain nombre de manifestations inédites dans ce
domaine. Ce cheminement amènera le lecteur à penser de
nouvelles technologies politiques, nécessaires à une meilleure
entente entre les citoyens et leurs représentants démocra-
tiques. Le moment n’a jamais été aussi propice pour réen-
chanter la démocratie.
Soyons simplement plus ambitieux !
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15

1
Qu’est-ce que
la représentation ?

L’évolution de la démocratie représentative est bien le


thème principal de cet ouvrage. Il s’agit tout d’abord d’en
définir aussi précisément que possible ses caractéristiques
passées et actuelles.
Le fait qu’aucun pays au monde se proclamant démocra-
tique ne soit doté des mêmes principes de fonctionnement
du groupe social prouve la variété d’interprétation accordée
à la notion de « démocratie »6. D’où la tendance à l’accom-
pagner d’un adjectif, afin de la définir plus précisément :
« Comme si [...] la démocratie n’avait de vraie consistance
qu’en étant spécifiée “libérale”, “populaire”, “réelle”, “répu-
blicaine”, “radicale” ou “socialiste”. »7
(6) Entendue comme « pouvoir du peuple », au sens étymologique.
(7) Pierre Rosanvallon, La Légitimité démocratique. Impartialité, réflexivité, proximité, Seuil, 2008, p. 357.
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16 ÉGOCRATIE ET DÉMOCRATIE

1- Deux types de démocratie

On peut distinguer deux grands types de démocratie :


- La démocratie dite directe, où le pouvoir est exercé direc-
tement par les citoyens, qui votent lois et budget. La démo-
cratie athénienne du Ve siècle avant Jésus-Christ sert souvent
d’exemple de mise en pratique de ce modèle, même si seu-
lement quelques dizaines de milliers de citoyens libres dans
toute la population avaient le droit de constituer le demos (le
peuple) ;
- La démocratie dite indirecte où les citoyens choisissent
des représentants qu’ils chargent d’établir les lois et de les
exécuter. Elle repose sur un mandat représentatif, accordé
par les citoyens, avec ou sans intermédiaire. C’est le type de
démocratie le plus répandu, comme en France avec un gou-
vernement représentatif élu au suffrage universel.
On note que l’introduction de règles d’inspiration de
démocratie directe au sein d’une démocratie représentative
aboutit à un système hybride dit de « démocratie semi-
directe ». C’est dans cette catégorie que l’on pourrait ranger
la « démocratie participative », une notion qui sera détaillée
dans cet ouvrage.

La représentation s’est imposée à l’époque moderne


comme la manière la plus pratique d’expression de la volonté
générale. C’est via ses représentants que le peuple accède
au pouvoir.
Si la volonté générale pouvait être matérialisée à l’échelle
de la cité athénienne à travers la réunion de tous les citoyens
libres sur une même place à un moment donné, ce mode de
fonctionnement est impossible pour un territoire comme la
France.
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Q U ’ EST- CE QU E LA REPRÉSENTATION ? 17

Certes, le mode de fonctionnement représentatif fondé


sur l’élection8, ne respecte plus l’égalité des chances pour
l’accession aux plus hautes charges de l’État, car l’élu n’est
pas forcément le plus méritant. Mais c’est un mode égalitaire,
puisque chaque voix a le même poids dans le décompte des
votes.

2- Trois formes historiques de représentation

Dans la démocratie représentative française, l’équilibre


des pouvoirs a varié au cours du temps. Le politologue Ber-
nard Manin retrace trois types de gouvernements représen-
tatifs idéaux, par lesquels la démocratie française serait
successivement passée : le parlementarisme, puis la démocra-
tie des partis, et enfin, le modèle actuel, la démocratie du
public9. Chaque modèle explicite le poids pris par l’opinion
publique, les critères d’élection des représentants et la marge
de manœuvre associée, et, enfin, les grandes caractéristiques
de la délibération, productrice de la volonté générale.

Le parlementarisme au début de la démocratie française


Le parlementarisme est à l’origine de la démocratie fran-
çaise. L’élection des gouvernants se portait sur le notable qui
inspirait confiance grâce à sa personnalité et sa réussite, sou-
vent locale. L’élu n’était pas le porte-parole de ses électeurs,
mais plutôt leur homme de confiance10, et bénéficiait donc
d’une indépendance de décision importante.

(8) Comme l’explique Bernard Manin, « la procédure élective n’est pas nécessairement méritocratique et ne garantit pas ce
que l’on entend en général par égalité des chances », car chaque citoyen a des a priori sur les bonnes qualités qui feront,
celui lui, un bon représentant, Principe du gouvernement représentatif, Flammarion, 2008, p. 177.
(9) Bernard Manin, op. cit., p. 247 à 303.
(10) Le pouvoir des électeurs sur les députés n’était qu’un simple pouvoir de nomination, et l’élu n’était donc pas à leurs
yeux un commissaire. En revanche, comme le mandat n’était pas synonyme d’abandon de pouvoir par les électeurs,
l’opinion publique était caractérisée par une grande liberté – relativement à l’époque.
Voir à ce sujet Pierre Rosanvallon, op. cit., p. 143.
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18 ÉGOCRATIE ET DÉMOCRATIE

Cette liberté du représentant permettait de vraies délibé-


rations et échanges de points de vue au sein du Parlement,
avec la possibilité de changer d’opinion. Le parlementarisme
de la première moitié du XIXe siècle se caractérisait donc par
l’absence d’une stricte discipline de vote, et les clivages et
regroupements entre députés pouvaient varier en fonction
des sujets, faisant basculer la majorité d’un côté à l’autre.

La démocratie des partis jusqu’aux années 1960 et 1970


La démocratie des partis, quant à elle, a fait son apparition
au milieu du xixe siècle, et s’est prolongée, selon Bernard
Manin, jusqu’aux années 197011. Accompagnant l’élargis-
sement du corps électoral qui provoquait une déperson-
nalisation entre électeurs et élus, elle symbolisait le rempla-
cement du notable élu par le militant et l’homme d’appareil.
En effet, les électeurs choisissaient dorénavant un parti plutôt
qu’une personnalité. Cela se traduisait par une stabilité des
comportements électoraux, par famille, région ou classe
sociale. La confiance des électeurs était alors plus accordée
pour un sentiment d’appartenance et d’identification à un
programme politique. L’objet de la confiance est passé de la
personnalité à une organisation, le parti. Par conséquent, le
député lié au parti qui a permis son élection n’est plus libre
de ses décisions au Parlement.
Les dirigeants du parti demeuraient seuls juges du degré
auquel le programme de gouvernance serait réalisé, notam-
ment en raison des coalitions nécessaires. La liberté de l’opi-
nion publique était marquée par son clivage partisan dans
tous les domaines : l’information était politiquement orientée,
les associations ou organes de presse proches d’un parti. Le
résultat des votes était par conséquent comparable à ce que
(11) Bernard Manin, op. cit., p. 267.
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Q U ’ EST- CE QU E LA REPRÉSENTATION ? 19

les prises de position dans l’espace public laissaient présager.


Les séances plénières du Parlement n’étaient plus le lieu de
la discussion délibérative : une fois que la position du parti
et de son groupe parlementaire avait été fixée, les députés ne
pouvaient plus modifier leur avis sous l’effet de la discussion.

La démocratie du public actuelle


Depuis quelques décennies, la forme actuelle de démocra-
tie représentative correspond, toujours selon Bernard Manin,
à ce qu’il nomme la « démocratie du public ». À nouveau, les
électeurs votent de plus en plus pour une personne plutôt que
pour un parti ou un programme. Les partis tendent à devenir
un instrument au service d’un leader. L’évolution des tech-
niques et outils de communication permet au candidat de se
faire connaître du plus grand nombre sans passer exclusive-
ment par des organisations militantes. C’est le règne de l’ex-
pert en communication12, avec un électorat qui réagit comme
un public assistant à une représentation. Les gouvernants
sont élus par le plus grand nombre sur des représentations
politiques simplifiées et schématiques. En général, les partis
ne possèdent plus en propre de journaux à grand tirage, et
radios et télévisions gardent l’aspect relativement non parti-
san qu’ils avaient à l’origine. Il peut donc se produire une
non-concordance entre l’expression de l’opinion publique
que véhiculent les journalistes ou les sondages, et le vote qui
en découle. Enfin, la discussion délibérative s’est déplacée
partiellement du Parlement, toujours soumis à la discipline
de vote comme soutien au leader, vers les médias. Les élec-
teurs, plus informés et flottants qu’auparavant, constituent
un public à toucher en priorité13.
(12) Bernard Manin, op. cit., p. 281.
(13) Bernard Manin, op. cit., p. 297 à 298.
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20 ÉGOCRATIE ET DÉMOCRATIE

Ces trois schémas mettent en lumière plusieurs éléments


structurants :
- Le fonctionnement démocratique s’ajuste au cours du
temps, mais pas vraiment au rythme des changements de
Constitution ;
- Le mécanisme de représentation et de délibération est
mouvant ;
- Le citoyen et son bagage de connaissances et d’infor-
mations occupent une place centrale dans la manière dont
les représentants délibèrent pour produire la volonté générale.
« La démocratie contemporaine peut ainsi être comprise
comme la forme politique réunissant, en les acclimatant, et
en les développant, les multiples histoires de la liberté, de
l’émancipation et de l’autonomie qui ont marqué l’expérience
humaine. »14

3- Les grandes composantes de la représentation


Mandat et délégation
Le vote est une composante importante de la démocratie
représentative. Les élections démocratiques permettent
notamment de distinguer la personne qui aura la tâche de
représenter les autres. Les représentants à la tête des pouvoirs
législatifs et exécutifs ne disposent pas de la même forme
d’autonomie que les juges à la tête du pouvoir judiciaire. Ils
doivent en permanence s’assurer que leurs actes et leurs
paroles représentent bien la volonté générale, dans une pers-
pective de recherche du bien commun15. Le juge, pour sa
part, dispose d’un mandat pour exercer la justice de la
manière la plus autonome possible.

(14) Pierre Rosanvallon, op. cit., p. 357.


(15) « La première et la plus importante conséquence des principes ci-devant établis est que la volonté générale peut seule
diriger les forces de l’État et selon la fin de son institution, qui est le bien commun », Jean-Jacques Rousseau, Du contrat
social, Livre de poche, 1996, Livre II, p. 61.
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Q U ’ EST- CE QU E LA REPRÉSENTATION ? 21

La recherche du bien commun


La prise en compte de facteurs externes (ou exogènes)
dans l’exercice du pouvoir fait partie intégrante de la fonction
de représentant. Ces facteurs sont notamment les contextes
économiques, sociaux et techniques pouvant influencer la
rédaction de lois par le pouvoir législatif ou dans leur exécu-
tion par l’exécutif. Nulle décision ne saurait constituer une
représentation de la volonté générale si elle n’a pas été mise
en regard de ces facteurs externes. Cette prise de hauteur est
le gage de décisions tenant compte des enjeux collectifs, et
reflète le souci du bien commun, qui est la finalité de la
démocratie représentative.
Pour y parvenir, les représentants disposent notamment
de la constitution de commissions parlementaires, d’études
et d’enquêtes durant de quelques mois à plusieurs années.
Elles impliquent souvent, de manière directe ou indirecte,
des membres de la société civile : experts, académistes, scien-
tifiques ou simples individus proches du sujet. Dans tous les
cas, le nombre de personnes qui interviennent est relative-
ment limité. Leur production finale sert d’éclairage en vue
de décisions à venir.

Un autre moyen utilisé par l’État afin de réduire l’incer-


titude, particulièrement liée à l’évolution économique et
industrielle, est l’exercice de planification mis sur pied au
lendemain de la seconde guerre mondiale par Jean Monnet.
Le Plan a fonctionné pendant une cinquantaine d’années,
notamment sous la forme de « réducteur d’incertitudes »16.
Il fut piloté par le Commissariat général du Plan, avec l’aide
de deux organismes de prévision, l’Institut national de la

(16) Selon la formule de Pierre Massé, Le Plan ou l’Anti-hasard, J’ai lu, 1966.
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22 ÉGOCRATIE ET DÉMOCRATIE

statistique et des études économiques (INSEE) et le Service


des études économiques et financières du ministère des
Finances (SEEF). Leur rôle était de fournir des clés de com-
préhension de l’évolution économique et industrielle, à
l’échelle nationale et internationale, afin d’orienter les inves-
tissements dans les secteurs prioritaires pour la croissance.
Ainsi l’État peut-il espérer impacter par ce biais les facteurs
externes de manière plus ou moins forte en planifiant leur
évolution.

L’opinion publique et la volonté générale


L’opinion publique est également un facteur, interne cette
fois-ci (c’est-à-dire endogène), qui influe sur la fonction de
représentant. La liberté d’expression est garantie en démo-
cratie comme moyen de se faire entendre par les représen-
tants dans l’intermittence du suffrage universel17. Les
sondages, la presse, et toute forme d’association destinée à
porter plus loin la voix de certains citoyens ont un impact

17
(17) Bernard Manin, op. cit.
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Q U ’ EST- CE QU E LA REPRÉSENTATION ? 23

certain sur les termes des échanges délibératifs18. En


revanche, il n’existe aucune forme d’obligation de suivre ces
voix, si ce n’est le risque de ne pas être réélu. Dans tous les
cas, ce n’est pas dans l’espace public que se passe la délibé-
ration démocratique, destinée à aboutir à la volonté générale.
Les lieux prévus à cet effet sont l’Assemblée nationale, le
Sénat et le Conseil constitutionnel19.

L’accès à l’espace public


L’opinion publique circule dans la sphère intermédiaire
entre la société civile20 et l’État : l’espace public. C’est le
lieu accessible théoriquement à tous les citoyens21, où l’on
trouve les publications (publicare) qui concernent tout le
monde (publicus), et qui sont destinées à être potentiellement
discutées22. Les médias, au cœur de l’espace public, servent
de support à la formation d’opinions et à leur circulation.
Leur rôle d’informateur, de filtre et d’agrégateur des diffé-
rents courants d’opinions y contribue beaucoup. À cette fin,
ils créent et diffusent des sondages, offrent une tribune aux
experts, aux élus ou aux responsables d’organisations repré-
sentant un nombre plus ou moins grand de citoyens.
Par ce biais, les hommes politiques, élus ou candidats,
ont accès à l’espace public, et contribuent directement ou
indirectement à la formation de l’opinion publique.

(18) Dominique Rousseau (dir.), La Démocratie continue, Bruylant L.G.D.J., 1992, p. 10.
(19) Dominique Rousseau indique bien que le « Conseil se trouve placé dans la situation de pouvoir dire à ces derniers [les
élus du peuple] que leur volonté, exprimée dans le contenu d’une loi n’est pas, le cas échéant, celle du peuple ».
(20) La société civile est définie par Dominique Colas comme « la vie sociale organisée selon sa propre logique, notamment
associative, qui assurerait la dynamique économique, culturelle et politique » : Dominique Colas dans l’article intitulé
« Société civile », PUF, 1992, cité par Dominique Wolton, Internet et après ?, Flammarion, 2000, p. 230.
(21) Dans le sens où tous les citoyens peuvent théoriquement lire les informations situées dans l’espace public, mais sans
forcément pouvoir tous produire de l’information en retour pour l’espace public.
(22) Dominique Wolton, op. cit., p. 222.
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24 ÉGOCRATIE ET DÉMOCRATIE

Les conditions d’une représentation optimale


Pour parvenir à produire une volonté la plus « générale »
possible, les représentants élus par le peuple doivent bénéfi-
cier d’un temps suffisamment long pour :
- Incorporer le plus globalement possible l’environnement
externe, qui n’est parfois pas bien appréhendé par l’opinion
publique23 ;
- Connaître l’opinion publique pour y trouver ce qui pour-
rait former la future volonté générale à exprimer et promou-
voir ;
- Inclure de multiples formes de délibération pour que la
volonté générale se constitue à partir des points de vue de
chacun ;
- Disposer d’une certaine stabilité : les institutions dont
s’est doté l’État sont lentes à agir et à produire des résultats
visibles par les citoyens, à l’échelle de la vie d’un individu.
Il y a ainsi crise de la démocratie lorsque les gouvernements
changent « rapidement » à l’échelle de la temporalité repré-
sentative, c’est-à-dire qu’ils ne restent pas suffisamment
longtemps au pouvoir pour traduire en acte et en résultats la
volonté du peuple.

(23) Potentiellement en raison d’une asymétrie de l’information : l’État dispose d’un accès privilégié aux données nationales
et locales, certaines n’étant pas publiques.
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Q U ’ EST- CE QU E LA REPRÉSENTATION ? 25

La valse ministérielle sous la IVe République24, où les


gouvernements restaient en place moins d’un an, a été consi-
dérée comme une crise de la démocratie, la volonté générale
devenant stérile en matière de résultat, tant législatif qu’exé-
cutif.
Donc, le mécanisme de représentation, entendu comme
la manière de révéler la volonté générale, fonctionne le plus
efficacement possible lorsque trois éléments sont optimisés :
- Les facteurs externes sont tous prévisibles, c’est-à-dire
que tous les effets et impacts ultérieurs sont inclus dans la
production de la volonté générale ;
- L’espace public véhicule une opinion publique la plus
conforme possible à la réalité, afin de s’en servir comme
base de la volonté générale ;
- Les représentants disposent d’un temps suffisamment
étendu devant eux afin de former la volonté générale via
l’exercice long de la délibération, et de la confrontation des
points de vue et interprétation des facteurs internes et
externes.

Mais comment ces éléments sont-ils appréhendés dans le


système représentatif actuel, qualifié au début de cet ouvrage
de « démocratie du public » ? De quelle autonomie les repré-
sentants disposent-ils au quotidien ? Quelle place est accor-
dée à l’expression de l’opinion publique dans l’intermittence
du suffrage universel ?

(24) Avec vingt-quatre gouvernements entre 1946 et 1958.


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26 ÉGOCRATIE ET DÉMOCRATIE

4- La métaphore théâtrale

Le schéma de « démocratie du public », orchestrée par


un gouvernement et un Parlement de représentants, peut être
décrit en utilisant la symbolique de la représentation théâ-
trale25. L’influence grandissante des conseillers en commu-
nication qui maîtrisent l’art d’être sous les feux des
projecteurs, celui de planter un décor propice à renforcer la
crédibilité d’un message ou d’un élu, laisse à penser que la
scène n’est pas qu’une simple métaphore pour décrire la
représentation.
Dans le théâtre à l’italienne, toute l’action se passe sur
les planches, dans un décor mêlant symboles et mise en scène
réglée au millimètre afin d’éblouir ou de faciliter l’adhésion
à la scène.
On peut déjà faire une première analogie. Historiquement,
le pouvoir a toujours su se parer d’attraits visibles, afin d’af-
firmer ou réaffirmer de manière symbolique son ampleur26
« pour s’imposer et en imposer, le pouvoir liait alors des
modes spectaculaires, mais épisodiques d’affirmation effec-
tive de son autorité avec une capacité permanente de repré-
sentation de cette autorité[...] »27.

Télévision et théâtralité
L’utilisation des technologies médiatiques depuis les
années 1960-1970 par les représentants alimente également
cette analogie de la scène :

(25) Le théâtre a d’ailleurs trouvé une inspiration sans fin, dès son origine, dans la mise en scène des dirigeants
ou de leurs jeux de pouvoir.
(26) Pour Georges Balandier, « tout pouvoir politique obtient finalement la subordination par le moyen de la théâtralité »,
Le Pouvoir sur scènes, Balland, 1980, p. 23, cité par Pierre Rosanvallon, La Contre-démocratie, Seuil, 2006, p. 240.
(27) Pierre Rosanvallon, La Contre-démocratie, p. 316.
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Q U ’ EST- CE QU E LA REPRÉSENTATION ? 27

- La télévision est le média de la théâtralité par excellence.


Les postures d’émission et de réception des messages poli-
tiques sont calquées sur le modèle de la scène et de ses
acteurs (présence de décor, mise en scène, maquillage, écran,
discours unidirectionnel) ;
- C’est un outil de storytelling28, permettant de raconter
une histoire qui se déroulerait sous les yeux des téléspecta-
teurs ;
- La position asymétrique29 entre l’émetteur et le récepteur
du message recrée le transfert de pouvoir lié au suffrage uni-
versel. Plus les téléspectateurs sont nombreux, plus l’intérêt
pour le représentant est élevé. La mesure de l’audience pour-
rait être associée à un référendum. Ce média s’accorde donc
bien avec l’imaginaire du pouvoir représentatif, car passer à
la télévision aux heures de grande écoute est réservé à un
petit nombre qui peut alors s’adresser à la plus grande mul-
titude ;
- Les médias traditionnels hiérarchisent l’espace public.
En donnant la parole à certains plutôt qu’à d’autres – ce qui
correspond bien au fait que les représentants sont censés être
ceux dont la voix porte le plus –, la télévision occupe une
position centrale dans l’espace public qu’elle contribue à for-
mer et à alimenter.

L’usage de la télévision dans le domaine politique est


même homothétique avec l’ampleur de la représentation. Plus
un élu représente un nombre potentiellement élevé de per-
sonnes, plus il a de chances de passer à une heure de grande
écoute, dans un média national ou une émission grand public.
(28) Le storytelling consiste littéralement « à raconter une histoire », en narrant des faits de manière illustrée et bien souvent
en les enjolivant pour mieux faire passer des points de vue. Voir à ce sujet Christian Salmon, Storytelling, la machine à
fabriquer des histoires et à formater les esprits, La Découverte, 2008.
(29) En termes numéraire et de faculté d’énonciation.
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28 ÉGOCRATIE ET DÉMOCRATIE

La concordance entre audience télévisuelle et nombre de


citoyens représentés semble effective : le grand public de la
télévision est l’équivalent du grand public de la « démocratie
du public », établi et maintenu par le suffrage universel30.

Les coulisses et l’antichambre du pouvoir


L’analogie entre la représentation politique et théâtrale
peut se poursuivre avec les coulisses. Pour Bernard Girard31,
le théâtre à l’italienne donne aux comédiens une arrière-
scène où cacher la machinerie, les changements de décor, de
toilettes, etc. Il y a un espace du regard, supporté par un
décor, qui est un espace d’illusion, une représentation trom-
peuse de la réalité. Et une arrière-scène masquée, où se passe
une multitude de choses cachées.
La correspondance avec le fonctionnement politique ou
diplomatique, rythmé par des moments officiels et des ins-
tants privés, des tractations à l’abri des regards en vue de
prises de position publiques, est assez frappante.
Dans cet espace de clair-obscur se tient également le trai-
tement des données techniques, sociales et économiques par
les représentants. L’asymétrie dans l’information ainsi entre-
tenue, renforcée par le flou relatif pesant sur les méthodes de
calculs de certaines statistiques ou chiffres publics, limite la
potentielle remise en question de l’apparence de réalité pro-
duite sur scène.
L’« antichambre du pouvoir » renvoie également à l’idée
de coulisses, particulièrement à propos ces derniers temps :

(30) Pour Dominique Wolton, « les médias de masse sont dans l’ordre de la culture et de la communication
le correspondant de la question du nombre apparue avec la démocratie de masse et le suffrage universel ou,
pour le dire autrement, le grand public des médias de masse est l’équivalent, dans l’ordre de la culture, du suffrage
universel dans celui de la politique », Internet et après ?, op. cit., p. 32.
(31) Journaliste, conférencier, auteur de plusieurs livres sur le management et ses théories, Bernard Girard est observateur
des nouvelles technologies depuis plus de vingt ans, et a produit de riches écrits sur l’interactivité. Il est également l’auteur
de la première enquête francophone approfondie sur le net (CAPA, 1995). Son analyse sur l’interactivité est consignée
dans un article intitulé « L’interactivité », consultable en ligne (www.bernardgirard.com/Faust/interactivite.html).
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Q U ’ EST- CE QU E LA REPRÉSENTATION ? 29

les conseillers du président de la République ont vu leur rôle


s’étendre au cours des dernières décennies, et sont situés au
plus près du bureau présidentiel, au même étage, favorisant
l’imaginaire des « bruits de couloir ».
Le fait que la plupart de ces conseillers n’aient pas passé
l’épreuve du suffrage universel32, ne peut qu’abonder dans ce
sens.

Un public anonyme et caché


La place du public dans le théâtre à l’italienne est assez
révélatrice du rôle qui lui est dévolu. Les spectateurs sont
légèrement en contrebas, ce qui les oblige à lever les yeux
pour voir la scène, et les place symboliquement sur un plan
différent de celui des acteurs.
En outre, le rideau et les lumières établissent une distance,
car la scène est violemment éclairée et la salle est plongée
dans le noir. Le public est totalement passif 33, anonymisé par
l’obscurité la plus complète, n’ayant pas de rôle à jouer pen-
dant la représentation. Toute forme de discussion pendant la
représentation est ressentie comme inappropriée, et l’inté-
gralité de l’attention des spectateurs est tournée vers ce qui
se passe sur la scène.

(32) Car l’épreuve du suffrage universel oblige à une relative mise en lumière des opinions et de la personnalité.
(33) Jacques Rancière, Le Spectateur émancipé, La Fabrique, 2008, p. 8 à 13.
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30 ÉGOCRATIE ET DÉMOCRATIE

À l’intérieur de l’espace de délibération que constitue


l’Assemblée nationale, le public semble être accessoire,
comme si pouvoir y assister était considéré comme une
faveur. C’est d’autant plus frappant si l’on compare cela avec
la place dévolue au public dans une salle de tribunal, le
« théâtre de justice » selon Jeremy Bentham34. À l’Assemblée
nationale, les citoyens se placent tout au fond, dans le dos
des députés, hors de portée de vue, et parfois avec une visi-
bilité limitée des orateurs. Le nombre de places ne dépasse
guère la centaine, et bien que public, l’accès à l’Assemblée
nationale se fait principalement sur invitation du député. Par
cet aspect logistique, la médiation du représentant reste
nécessaire pour assister à ces instants démocratiques.
Le pouvoir judiciaire réserve les premières loges au
public. L’organisation des salles d’audience tente de refléter
le sentiment d’une justice rendue de manière démocratique,
pour le peuple : « Les plans des salles d’audience mention-
nent ainsi un “emplacement réservé au peuple », marquant
bien que le but est d’inclure les citoyens dans un espace judi-
ciaire qui participe à sa façon de l’expression de la volonté
générale. »35

Une interactivité réduite


Au théâtre, le public ne s’exprime habituellement que
sous forme d’applaudissements plus ou moins approbateurs
à la fin de la représentation, ou, par intermittence, en réaction
au jeu d’acteurs. L’analogie avec l’épreuve électorale en fin
de mandat, chargée de juger si le bilan d’un candidat ou de
son successeur désigné est suffisamment bon pour une
(ré)élection, est encore une fois assez saisissante.
(34) Jeremy Bentham, Rationale of Judicial Evidence, cité par Pierre Rosanvallon, La Contre-démocratie, op. cit., p. 241.
(35) Op. cit., p. 241 à 242.
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Q U ’ EST- CE QU E LA REPRÉSENTATION ? 31

Dans tous les cas, les acteurs savent exactement par expé-
rience à quel moment une réaction du public est possible,
sous forme d’éclats de rire, de sourires, ou de pleurs. En
dehors de ces moments prévisibles, ils n’attendent ou n’an-
ticipent pas de réaction. En comparaison, la maîtrise de
l’agenda politique et médiatique par les hommes politiques
contemporains est étroitement corrélée à l’art de prévoir les
réactions des électeurs. Les sondages sont un outil particu-
lièrement utilisé depuis quelques décennies afin de tester des
positions, déclarations, ou simples humeurs36.

Dans le système de « démocratie du public », la liberté,


l’émancipation et l’autonomie de l’individu-citoyen dans la
vie politique se voient accorder une place marginale. Le
représentant a le premier rôle, tout en ayant l’initiative de la
mise en scène, comme l’explique Bernard Manin : « Le
représentant est un acteur qui prend l’initiative de proposer
un principe de partage. Il cherche à découvrir les clivages
de l’électorat et porte certains d’entre eux sur la scène
publique. Il met ainsi en scène et fait accéder à la clarté de
la conscience publique tel ou tel clivage social : il représente
dans la mesure où il donne présence à un clivage non évident
de la société. »37
Cependant, si ce système s’est imposé naturellement38
comme mode de fonctionnement autour des années 1960-
1970, c’est qu’il y a eu une concordance d’aspirations à la
fois du corps social et du corps représentatif. Mais comment,
depuis lors, cet équilibre est-il maintenu et vécu, à la fois par
les représentants et par les représentés ?
(36) En 2008, par exemple, selon le journal Le Monde, l’Élysée a dépensé 3,281 millions d’euros en sondage,
au rythme d’un sondage tous les deux jours.
(37) Bernard Manin, op. cit., p. 290.
(38) Dans le sens d’auto-ajustement non initié par une changement constitutionnel.
009-224-Ego&Democratie:Metamorphose 23/09/10 15:17 Page 217

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223

Remerciements

Ce livre est tout d’abord le point de rencontre de nombreuses écoles


de pensée, que j’ai tenu à mentionner aussi finement que possible dans
la bibliographie et dans le texte. Cet essai se veut donc une preuve tan-
gible que la confrontation de plusieurs visions très différentes contribue
grandement à faire évoluer les connaissances sur un sujet.
Nombreuses sont les personnes à avoir accordé du temps pour relire
ce travail, parfois au stade d’ébauche, et partagé leurs impressions de
spécialistes ou de citoyens : merci donc à Valérie Patrin-Leclère, Capucine
Lepicard, Ninon Bardet, Damien Duchêné, David Attias, Stephan-Éloïse
Gras, Nicolas Gannay, Guillaume Champeau, et Violaine Denys.
Certaines de ces idées sont nées de simples échanges d’opinions,
grâce à des amis et une famille qui se sont maintes fois rendus disponibles
pour moi : Antoine Scemama, Laurence Allard, Olivier Blondeau, Tanguy
Morlier, Jean-Gabriel Bliek, Guillaume Desnoës, Ludovic Penet, Amélie
de Ronseray, Stéphane Sireau, Philippe Axel, Charles Douangvichith,
François Thill, Éric Walter, Dominique Cardon ainsi que Prime, Jocelyne
et Élodie Martin.
Les membres du Social Media Club et de ReadWriteWeb m’ont quant
à eux apporté des exemples qui ont servi à maintes occasions de repères,
lorsque la pensée théorique risquait de se perdre au loin. Merci également
à mes étudiants du CELSA dont la curiosité et l’enthousiasme pour ces
sujets ont grandement nourri ma motivation ; et à mon éditeur et Philippe
Bultez Adams pour m’avoir activement épaulé et rendu ce projet concret.
Enfin, je dédie cet ouvrage à Clémentine et à mon fils, afin qu’il se
souvienne sa vie durant que son père aura fait tout son possible pour
qu’il vive dans un monde meilleur, encore longtemps.
009-224-Ego&Democratie:Metamorphose 23/09/10 15:17 Page 224

Achevé d’imprimer en octobre 2010


Imprimé en France sur les presses de l’imprimerie Chirat
Dépôt légal : octobre 2010
ISBN : 978-2-916571-45-4
PlatCouv-Egocratie 24/09/10 15:40 Page 1

Égocratie et Démocratie Alban Martin


Alban Martin
Égocratie et Démocratie
Aujourd’hui, l’actualité démontre que la réputation des hommes politiques
Alban Martin
est fréquemment mise à mal par les nouveaux médias (blogs, réseaux sociaux,
vidéos amateurs, etc.). Avec internet et les technologies participatives, le citoyen
contemporain a hérité d’un nouveau pouvoir à l’envergure encore insoupçonnée.
De scène de théâtre, la démocratie représentative s’est transformée
en arène de cirque, où les coulisses sont visibles et les spectateurs bruyants
et omniscients. Le manque de réflexion sur l’apport politique d’internet et le
dévoiement actuel des outils de participation en ligne appellent une réponse
urgente, car c’est le crédit de la fonction de représentant du peuple qui en
Égocratie
dépend. Ce problème inédit exige des solutions nouvelles : « citoyens »
et « représentants » ont besoin de Nouvelles Technologies Politiques pour et
Démocratie
échanger et exercer leurs pouvoirs.
C’est un nouvel espace civique qui est à conquérir, aussi stimulant que
lorsque la démocratie a connu ses premières heures. La réconciliation entre
la démocratie – le pouvoir du peuple – et l’égocratie – le pouvoir de chaque
individu – est à ce prix !
Ce livre constitue le trait d’union entre les sciences politiques et les La nécessité de nouvelles technologies politiques
nouvelles technologies. Dans un style clair et accessible, l’auteur analyse
avec rigueur l’impact d’internet sur la démocratie et l’art de gouverner.
Il conceptualise des phénomènes sociaux inédits, pose les fondations d’un
nouveau champ d’études politiques, et propose un plan d’action qui regroupe
les six Nouvelles Technologies Politiques dont nous avons besoin.

« [...] En décrivant les interactions qui existeront entre les technologies et le débat
politique, c’est aussi le portrait d’une société numérique en formation
qu’Alban Martin esquisse. Une lecture utile pour tous ceux qui souhaitent que
les mécanismes de décision ne puissent échapper aux citoyens. »
Bernard Benhamou, Délégué aux usages de l’internet,
ministère de la Recherche et secrétariat d’État à l’Économie numérique.

Diplômé d’HEC et maître de conférence associé au Celsa-Paris IV Sorbonne,


Alban Martin est l’auteur de plusieurs ouvrages sur les modifications liées
aux nouvelles technologies dans l’univers de l’économie et de la culture.
Son expertise alimente de nombreux cercles de réflexion, tels que le Social
Media Club France et l’Institut Montaigne.
Collection Présence / Essai - ISSN 1969-6094
Sciences politiques / Questions de société / Communication / Médias ISBN 978-2-916571-45-4

fyp
www.fypeditions.com éditions

fyp
éditions
19,50 € TTC
Couverture : détails du timbre-poste Marianne, © La Poste et Yves Beaujard.

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