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Un médecin pour l’éternité


omment expliquer que l’on s’intéresse toujours autant à Galien, ce médecin grec né à

C Pergame en 129, dont les connaissances nous apparaissent forcement désuètes? On en


trouvera la réponse dans le merveilleux livre que lui consacre Véronique Boudon-Millot,
lequel révèle la personnalité exceptionnelle d’un homme qui, depuis l’Antiquité, est le modèle
même du médecin. L’œuvre de Galien est considérable, et si une partie s’est perdue, ce sont
encore des milliers de pages qui nous sont parvenues, transmises de copistes en copistes dans
des manuscrits grecs ou arabes, sans oublier l’incroyable découverte il y a peu de « Ne pas se cha-
griner », un traité magnifique dans lequel Galien relatait le grand incendie de Rome en 192 qui a
anéanti ses ouvrages les plus précieux, dont ses livres de recettes thérapeutiques (patiemment
collectées durant des années), sa pharmacopée et ses instruments de chirurgie. Un désastre dont
il avait pris le parti de ne pas se chagriner, appliquant face à l’adversité un trait de caractère qu’il
avait cultivé depuis l’adolescence et qu’il devait à son père. Cet homme extraordinaire issu d’une
riche famille de Pergame, architecte et géomètre, eut une grande ambition pour son fils : que
celui-ci apprenne à démêler le vrai du faux. À 14 ans, le jeune Galien entrepris avec enthousiasme
des études de philosophie, mais la vérité des philosophes lui parut vite fort relative et il lui préféra
celle que révélaient les démonstrations arithmétiques ou géométriques. C’est donc vers la
Galien de Pergame
science, et particulièrement la médecine, que Galien se tourna à l’âge de 16 ans, un choix qui dut Un médecin grec à Rome
s’imposer naturellement, tant les temples de Pergame, dédiés à Asclépios, attiraient de malades.
Plutôt que de s’affiler à une seule école médicale, Galien les étudia toutes (il fut un des plus fins Par Véronique Boudon-Millot
Les Belles Lettres, 2012
commentateurs d’Hippocrate), s’attachant à déceler dans chacune le meilleur de ce qu’elles
404 pages, 29 €
enseignaient. Apprendre en avançant (souvent en commentant ses propres maladies), être
pragmatique, se référer à la théorie sans s’y laisser enfermer, voilà ce qui différenciait Galien de
tant de ses confrères dont la pensée n’était que d’un seul tenant : théoriciens purs sans expé-
rience, pragmatiques sans références, adeptes d’une méthode unique appliquée à toutes les
situations ou sceptiques doutant de tout, même de ce que leurs sens percevaient. À cela, il ajou- Histoire des Hospices
tait deux grands bagages, le premier, thérapeutique, caractérisé par une impressionnante de Beaune
connaissance de la pharmacopée d’origine végétale et minérale, dont la maîtrise empirique dut Vin, domaines et donateurs
lui rendre d’inestimables services (on parle toujours de galénique…), le second étant sa
Par Marie-Thérèse
connaissance de l’anatomie que la plupart des médecins ignoraient et qu’il avait perfectionnée à
Berthier et John-
Alexandrie. Il disséqua (ou pratiqua la vivisection) surtout sur des porcs ou des singes, mais par Thomas Sweeny
déduction ou observation de cadavres abandonnés son idée du corps humain fut assez précise Éditions Guy Trédaniel,
pour lui permettre quelques opérations audacieuses, notamment lorsqu’il fut nommé à Pergame 2012
médecin des gladiateurs ! 496 pages, 24 €

Au service des empereurs Cet ouvrage raconte


la formidable histoire des Hospices
À la trentaine, Galien s’installa à Rome. Joutes oratoires, polémiques entre médecins, démons- de Beaune. L’hôtel-Dieu, fondé
trations publiques d’anatomie auxquelles il excellait firent sa réputation, mais lui valurent tant en 1443 par le chancelier Rolin, abrite
d’ennemis parmi ses confrères qu’il dut fuir la ville ! Lors de son second séjour, il devint le un exceptionnel fonds d’archives
soigneusement étudié ici. Celui-ci
médecin de l’empereur Marc Aurèle qu’il réussit à ne pas accompagner dans ses lointaines
révèle le combat pour garantir
expéditions. Il en profita pour beaucoup écrire et consacrer sa fortune à éditer des copies de la survie matérielle de la fondation,
ses ouvrages à l’usage de ses amis et des grandes bibliothèques publiques, tout en formant ses lequel avait vu Rolin faire de l’hôtel-
esclaves à prendre des notes sous sa dictée. Les choses se gâtèrent avec Commode, un homme Dieu l’actionnaire privilégié
des salines de Salin, un placement
fort dangereux à soigner, puis reprire un cours plus calme après l’assassinat de ce dernier et très performant! Mais rapidement,
l’avènement de Septime Sévère. Mais Galien se défia toujours de la vie de cour « que non seu- de dons en héritages, ce sont les
lement je n’avais pas désirée, mais à laquelle, au moment où la fortune m’y entraînait vignobles de la région qui ont assuré
la pérennité de l’institution.
violemment, j’ai résisté non pas une seule fois ni deux mais à de nombreuses reprises.
La célébrissime vente aux enchères
Car ce n’est pas non plus une grande affaire de n’être pas tombé dans la folie devant le de vins a ainsi rapporté près
nombre des accusateurs à la cour impériale ! » • J. D. de 6 millions d’euros en 2012!

146 LA REVUE DU PRATICIEN VOL. 63


Janvier 2013

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