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NOTE DE VRDITEUR Le premiéte de ces lettres a para dans le n° 2 de la Keswe Litre, cen 19431 Ie seconde dans le n° 3 des Cabiers de Libération au débrt roe. deux ute, éeites poor Je Rene Tr, cont reer fnédites. PREFACE A VEDITION ITALIENNE LS Lettres un ami allemand ont 6 publites on Franc ‘apris la Libération, a um petit nombre d’esemplaires, ¢ Wont jamais été réinprimées. Je me suis toxjours opposé a lem diffusion en pays térangers pour les raisons qv je dita. ‘C'est la promiitre fois qu'elles paraisient bors di territotr frangais ety porr que ye oy dicide, il n'a pas fall moins gue ‘désir on je suis de contribuer, pour ta. Joie part, faire sombe ton josr la ftupide frontibre qui siparé nos dea ferritoires*. Mais je ne pads laicser réimprimer ces pages sans dire ¢ gut elles sont, Elles ont 15 rites of publiées dans 1a, clades nits, Elles avaient un but qui lait féclaizer un pen le combs ‘aorugle 31 nous tions ef, par Ia, de rendre plus efficace ce comba Ce sont des dorits de civconttances ob gui pesent donc avoir s Gir Pinintlice. Si Pon devait en offal dorive sur P Allerg fine, if faudrait tenir so langage 10 pen diffrent. Mats nondrais seulement prévenir an malentendn, Lorsgue lautesr ¢ cas letives dit «voxs», if ne vest pas dire « vous autres AU mands», mais «vous antres naxjs». Quand il dit «noss’ cola ne signifis pat tonjours « nous autres Francais mais « 10 ‘auires, Earopéens libres. Ce sont dese attitudes que J’ appos non deve nations, mire si, tn morent de Ubistaie, cet dew nations ont pu incarner dessc attitudes ennemies, Pour reprend un mat qui ne wm appartient pas, jairee trop won pays Fe eee eid Sra Elite op draient rien, ast contraire, @ somorir sar ame socittt plus larg ‘Mais nous sommes encore lain de compte et I" Europe ait toxjow dehirke. C'edt pourquok aurais honte axjoura'hs si fe latss Groire qua dorivain frangais puisse bere Venere dane se tration. Te ne diteste gue les bourreaas. Tout leGlear qui vou bien liré ls Lettres & un ami allemand dans extte perspet CeSt-dedire comme wn document de la lutte contre ta violeni adastra (gua je puisse dire maintenant que je men renie pas. seul mot. PREMIERE LETTRE ‘ous me disiez : «La grandeur de mon pays o’a pas de prix. Tout est bon qui la consomme. Et dans un monde o8 plus rien n’a de sens, ceux qui, comme novs, jeanes Allemands, ont la chance den trouver un au destin Ee leur nation doivent tout lui sactifier.» Je vous aimais alors, mais c'est 1a que, déja, je me séparais de. vous. “Non, vous disaisje, j¢ ne puis croire qu'il faille tout asservit au but que Pon poursuit. Il est Es moyens gai ne stexcuseat pas. Et jé voudrais pouvoir aimer mon pays tout en aimant la justice. Je ac veux pas pour lui de a’importe ‘grandeuz, fit-ce celle du sang et du mensonge. C'est en faisant vivre la justice que je veux le faire vive.» Vous m’avez dit :« Allons, vous n’aimez pas votre pays. > ‘Ty 2 ¢ing ans de cela, nous sommes séparés depuis ce temps et je puis dire qu'll n'est pas un jour de ces longues années (si bréves, si falgurantes pour vous !) of je n’aie euvotre phrase a esprit, « Vous 2’aimez pas votre pays!» Quand je pense anjoutd na ces mors, j'ai dans la gorge quelque chose qui se serre. Non, je n° Vaimais pas, si es ne pas aimer que de dénoncer ce qui n’est pas juste dans ce que nous aimons, si c'est ne pas aimer que d’exiger que Pétte aimé s’égale & la plus elle image que nous dvoas de lui. Tl'y a dag ans de cela, beaucoup d’hommes pensaient comme moi en France. Quelques-uns parmi eux, pourtant, se sont déja trouvés devant les Rowe petits yeux noize du destin allemand. Et ces hommes, qui ‘selon vous «@aimaient pas lent pays, ont plus fait pout iui que vous ne ferez jamais pour Ie votre, méme Plt vous était possible de donner cent fois votre vie pour lui. Car ils ont eu & se vaincre Wabord et cost leur hétoisme. Mais je parle ici de deux sortes de grandeur ct @une contzadiétion sur laquelle je vous dois de vous éclaires. ‘Nous aous reverrons bientét si cela est possible, Mais 222. LEYTRES A UN AMI ALLEMAND alors, notre arnitié sera finie. Vous sexez plein de votre défaite et vous n’aurez pas honte de votre ancienne ‘vidoire, la regrettant plutdt de toutes vos forces écrasées. Aujourd’bui, je suis encore prés de vous par esprit — ‘youre ennesi, il est vrai, mais encore un peu votre ami Poisque je vous livre cl toute ma, pensée. Demin, ce sera fini, Ce que votre vidioise aaure pu entamer, votre défaite Pachévers. Mais du moins, avant que nous fassions Péprouve de Vindifférence, je yeux vous lnisser rune idée claire de ce que ni la paix nila guerre ne vous Dat appis A connatire dage le destin de mon pay. Je veux vous dire tout de suite quelle sorte de grandeur cus met en marche, Mais cst vous disc quel 8 le courage que nous applaudissoos et qui a’est pas le votre. Car Cem peu de chose que de savois cour au feu quand on ¢'y prepare depuis toujours et quand la course vous est plus naturelle que la pensée. C'est beaucoup au contrai- ze que d’avancer vers fa torture et vers le mort, quand on Sait de science certaine que la haine et la violerice sont choses vaines par elles-mémes. C'est beaucoup que de se battze ea méptisant la guerre, Paccepter de tout perdre en gardant le godt du bonheur, de coutir 3 la destruétion avec Pidée dune civilisation supérieure. C'est en cela que nous faisons plus que vous parce que nous avons & pren- dre sur nous-mémes. Vous n’avez rien eu vainere dans votre cour, ni dans votre intelligence. Nous avions deux eanemis et triompher par les armes ne aous suffisait pas, comme vous qui ravier sien & dominer ious ayions beaucoup 2 dominer et peut-ére pour commencer la pe tenpation ot nous sommes de vous ressembler. Car il ya toujours en nous quelque chose qui se laisse aller & Pinstiné, au mépris de Pintelligence, au culte de Pefficecité. Nos grandes vertus finissent par sous lasser. Lintelligence nous donne honte et nous imaginons parfois quelque heureuse barbarie ot la vérité serait sans Gort. Mais, sur ce point, la puérison est facile : ‘ous és Tt qui nous montrez ce quil en eft de Tismagi- sation, et nous nous redressons. Si je croyais A quelque fatalisme de Phistoire, je supposerais que "Yous Vous tere anos ctés, ilotes de Pintelligence, pour notre correStion. Nous renaltons alors & Pespeis, ous y sommes plus 8 rise. “Mais nous avions encore & vainere ce soupgon ot nous PREMIBRE LETIRE 233 tenions Phéroisme. Je le sais, yous nous croyez étrangers 4 Phéroisme. Vous vous trompez. implemen nous le professons et nous en méfions @ a fois. Nous fe professons arce que dix eéles histoire nous ont donné la science ie tout ce qui e& noble. Nous nous en méfions pares que i Gdeles dPiotelligence nous ont appris Vart et les bien- faits du naturel, Pour nous préscater devant vous, nous avons dé revenit de loin, Et ces pourquoi aous sommes en retard sur toute PEurope, précipitée au mensonge dés Quilllefallait, pendant que nows nous mélions de chercher Bh vérité, Cea pourquoi nous avons commencé par la défaite, préoccupés que nous étions, pendant que vous ‘vous jetiez sur nous, de définir en nos ccrurs si le bon droit était pour nous. ‘Nous avons eu 4 vaincre notte godt de Phomme, Pimage que nous nous faisions dua destin pacifique, cette convidion profonde oft nous étions qu’zucune victoire be paie, alors que toute mutilation de Phomme eé. sans retour. Tl nous a fallu renoncer a la fois & notre science et A notre espoir, aux raisons que aous avions d’aimer et & la haine of nous tenions toute guerte. Pour vous le die dun mot que je suppose que vous allez comprendre, yenant de moi dont vous aimiez serrer Ja main, novs avons dai faire taire notte passion de l'amitic. ‘Maintenant cela eS accompli. Tl nous a fallu un long détour, nows avons beaucoup de retard. Crest le détour que le scrupule de vérité fait faire 4 Vintelligence, le Scmpule @amitié au cur, C'est le détour quia sauve- garde Iz justice, mis la vérité du ebté de ceux qui s‘inter- Fogeaient. Et sans doute, aous avons payé trés cher. ‘Nous Pavons payé ea humiliations et en silences, en amer~ umes, en prisons, en matins d’exécutions, en abendons, en séparations, en faims quotidiennes, en enfants déchas- fags, et plus que tout on pénivences forcées. Mais cela Gait dass Pordre. I] nous a fallu tout ce temps pour allez ‘voir si us avions le droit de ter des hommes, s'il nous Gait permis Pajouter a Vatroce misére de ce monde. Bt Ces ce temps perdu et retrouvé, cette défaite acceptée et surmontée, ces scrupules payés & Je sang, qui nous donnent le droit, 2 nous Frangais, de penser aujourd’bui fgue nous étions entrés dans cette guette les rains putes see la purcté des vidlimes et des convaincus — et que nous allons ea sortir les mains pures — mais de Ja pureté, 224 LETTRES A UN AMI ALLEMAND cette fois, d'une grande viétoire remportée contre Vin- justice et contre nous-mémes, Car nous serons vainqueurs, vous n’en doutez pas. ‘Mais nous serons vaingueurs grice A cette défaite méme, 4 ce long cheminement qui sous 4 fait trouver nos rai- sons, & cette souflzance doat nous avons senti l’injustice et tiré Ia legon. Nous y avons appris le secret de toute ‘vidoize et, si nous ne fe perdons pas us jour, nous con- naftrons la vidoire définitive. Nous y avons apptis que, contrairement a ce que nous pensions parfois, esprit ne peut tien contre Pépée, mais que Pesprit uni a Pépée eft le Vainqueut éternel de Pépée tixée pour elle-méme. Voili pourquoi nous avons accepté maintenant l'épée, apres hous étre assurés que Pesprit était avec nous. Il nous 2 fallu pour cela voir mourir et risquer de mourir, i nous a fallu la promenade matioale d'un ouvtier francais mar- chant a la guillotine, dans les couloirs de sa prison, et exhortant ses camarades, de porte en porte, a montrer Jeur courage. II nous a fallu enfin, pour nous emparer de Pesprit, la torture de notre chair. On ne posséde bien que ce qu'on a payé. Nous avons payé chérement et nous paierons encore. Mais nous avons nos certitudes, nos taisons, notre justice : votce défaite est inévitable. Je n'ai jamais cra au pouvoir de la vérité par elle-méme. Mais Ce® déja beaucoup de savoir qu’a énergie égale, la vérité Pemporte sur le measonge. Cest 2 ce difhcile équilibre que nous sommes parvenus. C'est appuyés sur cette nuance qu’aujourd’hui nous combattons. Et je serais tenté de vous dire que nous luttons justement pour des nuances, mais des nuances qui ont Vimportance de homme méme. Nous luttons pour cette nuance qui sépate le sacrifice de la mystique, énergie de la violence, la force de la cruauté, pour cette plus faible nuance encore. gpl sdpare le faux du vrai et Yhomme que nous expécons s dieux laches que vous révérez. Voila ce que je voulais vous dire, non par-dessus la mélée, mais dans la mélée elle-méme. Voila ce que-je voulais répondre 4 ce « vous n’aimez pas votre pays» qui me poursuit encore. Mais je veux étre clair avec vous. Je crois que la France a perdu sa puissance et son régne pour longtemps et qu'il Ini faudra pendant longtemps tune patience désespérée, une révolte attentive pour re- trouver la part de prestige nécessaire toute culture. Mais PREMIERE LETTRE je crois quelle a perdu tout cela pour des raisons pures. Et ces pourquol Pespoir ne me quitte pas. Voila tout Li coos de malettre. Cet homme que vous avez plaint, ily 2 cing ans, Pétre si réticent & Végard de son pays, Ces le méme qui veut vous dire aujourd'hui, & vous et & fous ceux de notre age ea Burope et dans le monde : « Pappattiens 4 une nation admirable et persévérante qui, par-dessus son lot d’erreurs et de faiblesses, n° pas laisse erdre Pidée qui fait toute sa grandeur et que son peuple toujours, ses élites quelquefois, cherchent sans cesse & formuler de mieux en mieux. Jappartiens 4 une nation qui depuis quatre ans a recomtiencé le parcours de toute Gn hitoire et qui, daas les décombres, se prépare tran- Quillement, sdrement, a en tefaire une autte et a coutir E chance dans un jeu 02 elle part sans atouts. Ce pays Yaut que je Taime du difficile et exigeant amour qui e& Ie mien. Et je crois qu'il vaut bien maintenant qu’on lutte our Iai putea ot digne un amour supérieur. Be je g mora contraire votre nation n’a ex de ses fils Tamour qu'elle méxitait, et qui était aveugle. On n'est pas justifé par a’importe quelamour. C’est cela qui vous perd. Et vous qui étiez déja vaincus dans vos plus grandes Fidolres, que sora-ce dans la défaite qui s’avance? » Juillet x943. LE SANG DE LA LIBERTE? (Combat, 24 20% 1944.) anus fait feu de toutes ses balles dans la auit d’aoit. ‘Dans cet immense décor de pierres et eaux, tout autour de oe deuve aux fot lourde dhitteie, les bance cades de la Liberté, une fois de plus, se sont dressées. Une fois de plus, la justice doit s'acheter avec le sang des hommes. Nous connaissons trop ce combat, nous y sommes ‘tzop mélés par la chair et par le corur pour accepter, sens amertume, cette terrible condition. Mais nous connaissons trop aussi'son enjeu et sa vérité pour refuser le difficile destin qu’il faut bien que aous soyons seuls 3 porter. Le temps témoigaera que les hommes de France ne voulaient pas tuet, et qu’ils sont entrés les mains pares dans une guerre qu'ils navaient pas choisie. Faut-il done que leurs faisons aient été immenses pour qu’ils abattent soudain leurs poings sur les fusils et titent sans arcét, dans Ja nuit, sur ces soldats qui ont cru pendant deux ans que la était facile, i, leurs raisons sont immenses. Elles ont le dimen- sion de Pespoir et la profondeur de la révolte. Elles sont les raisons de Pavenir pour un pays qu’on a voulu maia- fenic pendant si longtemps dans la rumination morose de son passé. Paris se bat aujourd'hui pour que Ie France puisdc parler demain. Le peuple e@ en armes ce 5 parce qu'il espére une justice pour demain. Quelques-uns vont disant que ce n'est pas la peine et qu’avec de le patience Paris sera délivré 4 peu de fais. Mais c'est gu’ils sentent confasément combien de choses sont menacées par cette insurreétion, qui resteraient debont si tout se passait autrement. Il faut, au contraire, que cela devienne bien clair personne ne peut penser qu’une Liberté, conguise dans ces convulsions, aura le visage tranguille et domestiqué 3 256 ACTUELLES 1 que certains se plaisent lui réver. Ce terzible enfantement e& celui d’une révolution. On ne peut pas espérer que des hommes qui ont lutté ize acis daas le silence et des jours entiers dans le Eiacas du ciel et des fusls, consentent & voir revenir les forces de la démission et de Tinjusice sous quelque forme que ce soit, On ne peut ps Vattendre, eux qui sont les meilleurs, qu’ils acceptent 2 nouveau de faire cé qu’ont fait pendant vingt-cing ans les meilleurs et les puts, ct qui consistait & aimer en silence leur pays et & mépriser en Sleace seg chefs. Le Pacis qui te bet oe soiz veut com- mander demain. Noa pour le pouvoir, mais pour la justice, non pour la politique, mais pour Ja morale, non pour la domination de leur pays, mais pour sa grandeur. Notre conviétion n'est pas que cela se fera, mais que cela se fait aujourd’bui, dans la sou‘Srance et Pobstination du combat. Et eS pourquoi, par-dessus la peine des hommes, malgré le sang et la colére, ces morts irrem- plagables, ces blessuses injustes et ces balles aveugles, ce he sont pas des paroles de regret, mais ce sont des mots @espoit, Pun terrible espoir dhommes isolés avec leur destin, qu'il faut proaoncer. Cet énorme Paris noir ct chaud, avec ses deux orages dans le ciel et dans les rues, nous parait, pout finir, plus illumiaé que cette Ville Lumitze que sous enviait le monde entier. Il éelate de tous les feox de Pespérance et de la dowleur, il a la famme da courage lucide, et tout Péclat, non seulement de la libération, mais de la liberté prochaine, LA NUIT DE LA VERITE (Combs, 25 200 1944.) AT ene ge es bales de Is liberté silent encore daas la ville, les canons de la libération franchissent les portes de Paris, au milieu des cris et des fleurs. Dans la lus belle et Ia’ plus cheude des auits d’aott, le ciel de aris méle aux étoiles de toujours les balles tracantes, la fumée des incendies et les fusées multicolores de la joie LA LIBERATION DE PARIS 257 populaire. Dans cette muit sans égale s’achévent quatre ans d'une histoire monstrueuse et d'une lutte indicible ob | France diait aux prises avec sa honte et sa fureur. Ceux qui o’ont jamais désespéré deus-mémes ni de leur pays trouvent sous ce ciel leur sécompense. Cee uit vaut bien un monde, Cest la nuit de fa vérité. La vérité en armes et au combat, la vérité en force apres avoir été si loagtemps Ja vérité aux mains vides et 2 la poittine découverte, Elle eS partout dans cette uit ot peuple ct canon grondeat ea méme temps. Elle est Ia voix méme de ce peuple et de ce canon, clea le vise triomphant et épulsé des combatiants de fa rue, sous tes balafres et la sueur. Oui, c'est bien la auit de le vérité et de la seule qui soit valable, celle qui consent & utter et 4 vainere. Ty a quatre ans, des hommes se sont levés au miliew des décombres et du désespoir et oat aliamé avee tan quillité que sien n’était perdu. Us oat dit quill fallait continuet et que les forces du bien powvaient toujours ttiompher des forces du mal & condition de payer le prix. Ils ont payé le pax. Bt ce prix sans doute a Ge louse ila cu tout le poids du sang, Vaffreuse pesanteur des prisons. Beuncoup de ces hommes sont more, dsutres vivent mais des années entre des murs aveugles. C’était le prix qu’llfallait payer. Mais ces mémes homes, sls le pouvaient, ne nous reprocheraient pas cette tertible et merveilleuse joie qui nous emplit comme une marée. Caz cette joie ne leur es pas infidale. Elle les justifie au contnare et elle dit quils-ont en ralson. Unis dans la méme soulfrance pendant quatre ans, nous le sommes encore dans la méme ivresse, nous avons gagaé notre solidarité. Et nous reconnaissons avec étonnement dans cette auit howleversante que pendant quatre ans nous n’avons jamais été seuls. Nous avons vécu les années de ha fraternié. De durs combats nous attendent encore. Mais la paix reviendra sur cette terre éventrée et dans ces corurs tormrés d'espérance et de souvenirs. On ne peut pas toujours vivre de meurtzes et de violence. Le bonbeur, la juste tendresse, autont leur temps. Mais cette paix ne nous trouvera pas oublieux. Et pour certains d’entre nous, le visage de nos fitres défigurés par les balles, la grande fraternité virile de ces années ne nous quitteront 258, ACTUBLLES 1 jamais. Que a0s camacades morts gatdent pour eux cette paix qui nous est promise dans la nuit haletante et qu’lls ‘ont déja conguise. Notre combat sera le leur, Rien o’es donné awx hommes ct le peu quills peavent conquérir se paye de morts injustes. Mais le grandeur de Phomme n'est pas Ia. Elle est dans sa décision d'etre plus fort que sa coadition. Et si sa condition e& injutte, il m’a qu'une fagon de la surmonter qui est P’étre juste lui-méme. Notre vérité de ce soir, celle qui plane dans ce ciel aoa, fait justement la consolation de Phomme. Et cest paix de notre cccuc comme était celle de nos camarades morts de pouvoir dite devant la viétoire revenue, sans esprit de retour ni de revendication : « Nous avons fait ce quill fallait. » LE TEMPS DU MEPRIS (Combat, 30 a0 1944.) "Pays quarns Franpaistortunds', puis assassins 1 wings, oe sont [des mots dun disent rien “imagination n'y supplée pas, Et que voit Pimagination? Deu hommes face 2 face dont bun sappréte & arencher Jes ongles d’un autre qui le regarde. _ Ce fest pas Ia premiére fois que ces insupportables images aous sont proposées, En 1933, 2 commencé une épogus qu'un des plus grands parm nous a jutement appel temps du méprist, Et pendant dix ans, a gue nouvelle que des Ges nus et désarmds avaient det atiemment mautilés Poe des hommes dont le visage était it comme le nétre, la téte nous ‘soumait et nous a dions comment cela était possible. Cela pourtant était possible. Pendant dix ans, cela a été possible et aujourd'hui, comme pour aous avertit que la ‘vidtoire des armes ne triomphe pas de tout, voici encore des camatades éventrés, des membres déchiquetés ot des yeux dont on 2 écrasé le regard 4 coups de talon, Et ceux Gui ont fit cela savaient céder lene place dans le métco, tout comme Himmler, qui a fait de la tortare une science et un métier, rentrait poustant chez Iui par la porte de LA LIBERATION DE PARIS 259 derriéze, la quit, pout ne pas téveillee son canari favori. ‘Oui, cela était possible, nous le voyons trop bien. Mais raat dé choses le sont et pourquoi avoir choisi de faire celle-ci plutdt qu'une autre? Cest qu'il sagissait de tuer Pesprit et d'humilier les ames. Quand on croit 4 la force, on connait bicn son ennemi. Mille fusils braqués sur loi v’empécheront pas ua homme de croire en Iui-méme 2 1a justice Pune cause. Bt s'il meurt, dautres justes dicont ‘non jusqu’a ce que la force se’lasse. Tuer le juste ne soffie done pes, il fut cur son espit pour que Vexemple Gun jase renongant a la dipnité de Phomme décourage tous les justes easemble et la justice elle-méme. Depuis dix aas, un peuple s'est appliqué 2 cette desirittion des aeaes. Il était assez sr de sa force pour croire que Pame était désormais le seul obstacle et qu'il fallait s‘occuper delle. Ils s'en soat occupés et, pour leur szalheur, ils y oat quelquefois seuss, is savateat quill cSt toujours une heure de la journée et de la nuit oi Ie plas courageux des hommes se sent lache is ont toujours su attendre cette heure. Et a cette heure, ils ont cherché ame a travers les blessures du corps, ils Pont sendue hagarde et folle, et, parfois, rmaftresse et mentense. ‘Qui osetait parler ici de pardon? Puisgue Pesprit a enfia compris qu'il ne pouvait vaincte 'épée que par Pépée, puisqu’il « pris les armes et atteint la vidtoite, voudratt lui demander doublier? Ce n'est pas la haine qui parlera demain, mais la justice elle-méme, foadée sur la mémoire. Et Cest de la justice la plus éternelle et la lus sacrée, que de pardonaer peut-ftre pour tous ccux entre nous qui sont morts sans avoir parlé, avec la paix supérieure dun ccrar qui n'a jamais trahi, mais de frapper terriblement pour les plas courageux d’entre nous dont on é fait deo laches ea dégradaat lene Ame, et qui sont mnorts désespérés, emportant dans un ccrur pour toujours ravagé leur haine des autres et leur mépris d’eux-mémes. 284. ACTUELLES I prlt parti, au cour méme de ces années honteuses, et dénoncat ce qui était 4 dénoncer. Tl est dur de penser que PEalise « lisse ce soin & d'autres, plus obsears, qui wavaient pas soa autorité, et dont certains étaient privés de Pespérance invincible dont elle vit. Car VEglise s’avait bas 4 Fooouper alot de darer ou de se prserver. Méme les chaines, elle n’ett pas cessé d’étre. Bt elle y aurait trouvé an contraire une force qu’aujourd’hui nous sommes tentés de ne pas lui reconnattre. Du moins, voici ce message. Et maintenant, les catholiques qui ont donné le meilleur d’eux-mémes dans Ia lutte commune savent qu’ils ont eu raison et quills étaient dans le bien. Les vertus de l2 démocratie sont reconaues par le Pape. Mais Cest ici que les vances interviennent, Car cette démocratie est entendue au sens large. Et le Pape dit quelle peut comprendre aussi bien da republique que la monarchie. Cette démocratic se defie de la masse, que Pie XII distingue subtilement du peuple. Elle admet sussi les inégalités de la condition sociale, sauf & les tempérer par esprit de fraternité. La démocratie, tlle qu’elle est definie dans ce texte, a doxalement ‘une nuance radicale-socialiste qui ne see pas de nous surprendre. Au reste, le grand mot ef ronenee, lorsque le pape dit son désir d'un régime mo- exe, Certes, nous comprenons ce vara. Hy 2 une modération de Tesptit qui doit aider 2 Pintelligence des choses sociales, et méme au bonheur des hommes. Mais tant de nuances et tant de précautions laissent toute licence aussi 4. la modération la plus haissable de toutes, qui es celle du cour. Crest celle, justement, qui admet les conditions inégales et qui soufize la prolongation de Vinjustice. Ces conseils de modération sont 4 double tranchant. Tis Hisquent anjourd’hul de servir ceux qui veuleat tout coniserver ct qui n’ont pas compris que quelque chose doit taze changé. Notte monde a'a pas besole d'dmes tees. a besoin de coxurs brilants qui sachent faire 21a modéea- toa sa juste place. Non, les cheétiens des premiers sigcles, wétaient pas des modérés. Et lEglise, aujourd'hui, devrait avoir & tiche de ne pas se laisser confondre avec les forces de conservation. ‘Ces a du moins ce que nous voulions dite, parce que nous voudrions que tout ce qui a un nom ¢t ua MORALE ET POLITIQUE 285 honneur en ce nionde serve la cause de la liberté et de la jpilee, Dans cette lutte, nous ne serons jamais trop. Ces la seule raison de aos xéserves. Qui sommes-nous, en efit, pour oser czitiquer la plus haute autorité spirituelle du siécle? Rien, justement, que de simples défenseurs de esprit, mais qui se sentent une exigence infinie & légard de ceux dont la mission est de représenter Pesprit. vi (Combat, x1 janvies 1945.) M. “Maurrac vient de publier sur le « mépris de la + charité™mun article que je ne trouve ni juste ni chari- table. Pour Ia premitze fois, i a pris, dans les questions gui nous sépatent,un ton suf lequel je ae veux pas insister, et que moi, du moins, je ne prenideai pas. Je n’y aurais pas répoadu d'ailleurs si les circonstances né me forgaient 2 guliter ccs débats quotidiens of les meilleurs et ls pies entre nous ont parlé pendant des mois, sans que ticn fix claire qui nous importe vraiment. je ranrais pas xépondn si je n’avais pas le sentiment que cette discussion, dontle sujet e&t notre vie méme, commence a tourner 3 la confusion. Et puisque je suis visé personnellement, je voudrais, avant d’en finir, parler en mon nom et essayer une 3g dete fois de rendre lle ce que j’ai voulu dire. que fois qu’d propos de Pépuration, j'ai parlé de justice, M. Mauriac a parlé de chasité, Et la vertu de la charité et assez iére pour que jaic eu Pais, zécla~ mant la justice, de plaider pour la haine. On diait ‘vraiment, a entendre M. Maniac, qu'il nous failic absolament choisir, dans ces affaires quotidiennes, entre Tamout du Christ et la haine des hommes, Eh bien! non. Nous sommes quelques-uns a refuser a la fois les cris de déteStation qui nous viennent d'un cotéet les sollicitations attendries qui nous arrivent de Pautre. Et nous cherchons, entre les cette juste voix qui nous donnem le vérité sans la honte. Nous n’avons pas besoin pour cela avoir des clartés sur tout, mais seulement de désirer la clarté, avec cette passion de Pintelligence et du cour ACTUELLES 1 sans laquelle ni M. Mauriac ni nous-mémes ne fezons rien de bon. ‘Crest ce qui me permet de dire que la charité n’a sien A faire ich. Fai Fimopsession, 2 cet urd, que M. Mauriac lit tr&s mal les textes qu’il se propose de contredire. Je vois bien que c'est un écrivain Mhumeur et non de rai- sonnement, mais je voudrais qu’en.ces matitres nous parlions sans hameus. Car M. Mauriac m’a bien mal Ju s'il pense que je m’evise de sourire devant le monde qui nous e& offert. Quand je dis que la charité qu'on propose comme exemple 3 Vingt pouples aflrnés de jute est wwune dérisoize consolation, je prie mon contradi@cur croire que je le fais sans sourire. ‘Tant que je respedierai ce qu’est M. Mauriac, jaurai le droit de refuser ce qu’ll pense, Tl n'est pas nécessaize pour cela de concevoir ce mépris de la charité qu'il iattribue généreusement. Les positions me semblent laires, au contrairc. M. Maurine ne veut pas ajouter a la haine ét je le suivrai bien voloatiers. Mais je ne veux pas qu’on ajoute au mensonge et c'est ici que attends qu’il mapprouve. Pour tout dire, fatteads qu'il dise ouverte- ment quil y a aujourd'hui une justice aécessaire. Ea vérité, je ne crois pas quil le fera: Ces une responsabilité qu'il ne prendra pas, M. Mansiae qui a écrit que ootre République seurait étre dure, médite @écrize bientét ua mot qu’il na pes encore prononcé et qui est celui de pardon. Je voudrais seulement lui dire que je vois deux chemins de mort pour aotre pays (etil ya des fagons de survivre qui ne valeat pas mieux que Ja mort). Ces deux chemins sont ceux de la haine et du oat, Ts me parasseat aussi désanreus Tun que autre. Je n’ai aucun goat pour la haine. Ta seule i avoir des ennemis me pareit la chose la plus lassante da monde, et il aous 2 fallu, mes camarades et moi, le plus grand eHfert pour supporter d’en avoir. Mais le pardoa ae Ine patalt pas plus heurcex ct, pour aujourd’bus il ausait des airs @injuze. Dans tous les cas, ma conviétion est qu'il ne sous appastient pas. Si ai Phorreur des condam- nations, cela ne tegarde que moi. Je pardonnerai ouverte- ment avec M. Mauriac quand les parents de Velin’, muand la femme de Leynaud m’auront dit que je Je puis. ‘is pas avant, jamais avant, pour oe pas trahiz, au prix une effusion’ du cceur, ce gue j'ai toujours ‘simé et MORALE ET POLITIQUE respedé dans ce monde, qui fait Ia noblesse des hommes et qui est la fidéliné. ‘ela est peut-étre dur & entendre, Je voudrais scule- ment que M. Mauriac sentit que cela set pas moins dur a dite, Pai écrit nettement que Béraud! ne méritait pas la mort, imais favoue n’avoir pas d'inugination poux les fers que, selon M, Mauriac, les condamnés de la trahison jortent aux chevilles. I nous a fallu trop d’imagination, Justement, ct pendant quatre ans, pour des millicrs de Frangais qui avaic Phonneur pout eux et que des jour- nalistes dont on veut faire des martyrs désignaient tous Tes jours 2 tous Jes supplices. En tant qu’homme, j'ad- micerai peut-€ece M. Mauriac de savoir aimer des traitres, mais en tant que citoyen, je le déplorerai, parce ce que cet amour nous aménera justement une nation de traftres et de mnédiocres ez une sociéré dont nous ne youlons plus. Pour finir, M, Mauriac me jette le Christ & la face. Je voudrais sevlement lui dire ceci avec la gravité qui convient : je crois avoir une juste idée de la grandeur du christianisme, mais nous sommes quelques-uns dans ce monde persécuté & avoir le sentiment que si le Christ e& mort pour certains, i] s’est pas mort pour nous. Et dans Je méme temps, nous nous refusons a désespérer de Phomme. Sans avoir ambition déraisonnable de le sauyer, nous tenons au moins 4 le servic. Si nous con- sentons 4 nous passer de Dieu et de Pespérance, nous ne nous passons pas si aisément de Phomme. Sur ce point, je puis bien dire 2 M. Mauriac que nous nc nous décou~ Tagerons pas et que nous refuserons jusqu'au dernier moment unie charité divine qui frustrerait les hommes de Tent justice. 287 IX (Combat, 27 jvie. 1945.) Hernror* vient de prononcer des paroles malheu- reuses, Une parole malheareuse est une parole qui ‘ne vient pas & son heure. M. Herriot a parlé dans une heure ‘qui a’ett plus Ia sienne et sur ua sujet qu’on peut estimer 288 ACTUBLLES 1 intempestif. Méme s'il avait raisoa, il n°était pas homme désigné pour taxer la cation d'immoralité et pour déclarer mue cette époque ne pouvait donner de legons 2 Pépoque Pavant guerre. Si cette condamnation eit injuste, est parce qu’elle eft abord trop générale. I] est veai que les Frangais ont le gent de patier sur le pire quand 1 vagit eux-mémes. fais si Yon peut passer ce travers 4 des hommes qui ont beaucoup combattu et souffert pour leur pays, il est difficile de montrer la méme indulgence pour un esprit jue son. expérience politique devait avertir et que sa rine devait rendre plus modeste, I n’y a rien qu’on puisse condamner en genera, et une nation moins que toute autre chose. M. Herriot devrait savoir que cette époque ne prétend pas donner de legon de moralité 2 celle qui Pa précédée. Mais elle a le droit, acquis au milien de terribles convulsions, de rejeter purement et simplement la morale qui la menée 4 la catastrophe. Car ce ne sont pas sans donte les idées politiques de ‘M. Herriot et de ses collégues radicaux qui nous ont perdus. Mais la morale sans obligation ni sanéion qui était la leur, la France de boutiquiers, de bureaux de tabac et de banquets législatifs dont ils nous ont gratifiés, 1a fait plus pour énerver les émmes et détendie les énergies que des perversions plus speGtaculaires. Dans tous les eas, ce n'est pas cette morale qui donne 4 M. Herriot Je droit de condamner les Frangais de 1945. Ce peuple est 2 la recherche d'une morale, voila ce qui eS vrai. Tl est encore dans le provisoire. Mais ila donné assez de preuves de son dévouement et de son esprit de sactifice pour exiger que des hommes politiques qui ont && représentatifs ne le jugent pas en quelques mots méprisiats. Non compreanns fort hien le dépit que M. Herriot peut éprouver a voir sejeter une certaine morale politique d’avant guerre. Mais il doit s’y résigner. Les Francais sont fatignés des vertus moyenaes, ds savent maintenant ce qu'un confiit moral étendu 3 une nation entire peut cotter darrachements et de douleur. Il a’est donc pas étonnant qu’ils se détournent de leurs fausses Alites, puisqu'elles furent d'abord celles de la médiocrité. Quelles que soient la sagesse ct V’expérience de M. MORALE BT POLITIQUE 289 Herriot, nous sommes beaucoup & penser qu'il n'a plus rien & nous apprendre. S7il peut nous étre utile encore, est dans la mesure ob, considérant ce qu'll eft et ce que fat soa parti, et apercevant ensuite la prodigieuse aven- ture que doit courir la France pour renaitre, nous nous dirons qu’ll n’y a pas de commune mesure et que la rénovation feangaise demande antre chose que ces cceurs tides. TL est possible que, dans entourage de M. Hertiot, on préfére deux heures de marché acit 4 une semaine de travail. Mais nous pouvons lui assurer qu'il e& des anillions de Frangais qui teavaillent et qui se taisent. C'est sur eux qu'il faut juger la nation. Crest owrguol nous considérons qu'il eft aussi sot de dire que la France a plus eroin de réfSrme morale que de réforme politique qu'il le serait d'affirmer le contraire. Elle a besoin des deux et jatement pour empécher qu'une nation soi tout eniee jugée sur les scandalewx profits de quelques misérables. NiBas avons toujours mis ici ’accent sut les exigences de la morale. Mais ce serait un marché de dupes si ces exigences devaient servit & escamoter la rénovation politique et instirotionnelle dont nous avons besoin. TL aut faire de bonnes lois si Ton veut avoir de bons gouvernés. Notre seul espoir est que ces bonnes lois nous éviteront pour un temps convenable le retour au pouvoir des professeurs de vertu, qui ont fait ce qu'il fallait pour fquelles mots de député et de gouvernement soieat ea France, pendant de longues années, un symbole de détision. x (Combat, 30 aciit 1045.) ws nous excusera de commencer avjourd’hui par une vérité premiére :il e& certain désormais que 'épu- ration en France es nom sevlement manquée, mais encore déconsidérée. Le mot d’épuration était déja assez pénible en Ini-méme. La chose est devenue odieuse. Elle n’avait quune chance de ne point le devenir qui était d’étre 290 ACTUELLES I cntreprise sans esprit de vengeance on de légtreté. I] faut croire que le chemi de Je simple justice ne pas face 2 trouver entre Jes clameurs de la haine d’une part et les laidoyers de la mauvaise conscience Wautre part. Zéchec en tout cas est complet. ‘Ces qu’aussi biea la politique s’en est mélée, avec tons, ses aveuglements. Trop de gens ont crié A la mort comme si les travanx forcés, par exemple, étaient une peine qui ne tirait pas 3 conséquence. Mais trop de gens, au contraire, ont hurlé & la terreur lorsque quelques années de prison vensient récompenser Yexercice de la délation et du déshonneut, Dans tons les c2s, nous voici impuissants. Et peubétre le plus str aujourdant eft de fate ce qu'il faut pour que des fjusces trop fagrantessYempoiton- neat pas un peu plus un air od les Francais ont déji du mal. respicer, Cest @une de ces injustices que nous voulons pacler avjourd’hui. La méme Cour qui condamna Albertini’, recrutenr de la L. V. F.#, & cing ans de travaux forces, condamné & huit ans de'la méme peine le pacificte René Gérin, qui avait tenu la chronique littéraite de ’xore pendant la guerre, Ni en logique ni en justice, cela ne peut s’admettre. Nous a’approuvons pas ici René Gézin, Le pacifisme intégral nous paratt mal raisonné et nous savons désormais qu'il vient toujours un temps ou il a’est plus tenable. Nous ne pouvons approuver aoa plus que Geérin ait derit, méme sur des sujets littéraires, dans Gore. ke ‘Mais il faut cependant respecier les proportions et jger les homiass elon ce quis sont, On te pune pas de travaux forcés quelques articles littécaires, dans les journaus de Poccupation. Pour Ie reste, la position de Gésin oa jnais vase; On peut ne pas partager soa point de vue, mais son pacifisme du moias érait Paboutissement @une certaine conception de Phomme qui ne peut ére que tespedable. Une société se juge elle-méme si au moment ob elle a’est pas capable, fiute de définition ou @idées claires, de punir d’authentiques ceiminels, elle envoie au bagne un homme qui ne s'e& trouvé que pat hhasard en compagnie de ces faux pacifistes qui aimaient Yhitlétisme et na la paix. Et une société qui veut et qui prétend opérer sa renaissance, peut-elle ne pas avoir ce souci élémentaize de clarté et de distinétion? MORALE BY POLITIQUE 291 Gérin n'a dénoncé personne et ill n'a participé & aucune des entreprises de Pennemi. Si Pon jugeait gue sa collaboration littéraice &/°CExere mésitait une sanéton, il fallait la prendse, mais il fallait la mesazer au délit. A’ce degré Pexagération, une telle sandion ne répare tien. le donne seulement le soupcon qu’ua pareil jugement n'emt pas celui de la nation, mais celui d’une classe. Elle humilie un homme sans “profit pour personne. Elle discrédite une politique pour le dommage de tous. Ce procés, dans tous les cas, demande a éire tevisé. Et noa pas seulement pour éviter A un homme des souf- Frances disproportionnées & ses fautes, mais pour que la justice elle-méme soit préservée et devienne, dans un cas, au moins, respeétable. Bien que René Gérin ait été dans tun autre cmp que Ie adtre, il nous semble que sur ce point toute Vopinion résistante devrait étre avec nous pour sauver nt tout ce qui peut encore étre sauvé dans ce domaine. XI (Combat, & a00t 1945.) monde ett ce qu'il est, ’est-A-dire pew de chose. C'est ce que chacus sait depuis hier" grice an formidable concert que la radio, les joutnaux et les agences Pinfor- mation viennent de déclencher au_sujet de la bombe stomique. On nove appread, en effet, au milieu d'une foule de commentaires enthousiastes, que. w’importe quelle ville d’importance moyenne peut étre totalement fasée par une bombe de la grosseur dun ballon de footbell: Des journaux américains, anglais et frangais se répandent en dissestations élégantes sur l'avenir, le passé, les inyenteurs, le cott, la vocation pacifique et les effets guertiers, les conséquences politiques et meme le cazaétére indépendant de la bombe atomique. Nous aous résu- merans en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenit & son dernier degré de sauvageric. Il va falloix choisit, dans un avenis plus ou moins proche, entre le suicide colle@if ou Putilisation intelligente des conquétes scientifiques. (Fragments d'un exposé fait au courent des dominicains de Latour- ‘Maubourg en 1948.) ‘PUsquE vous avez bien voulu demander & un homme qui ne partage pas vos conviétions de venir répondre 4 le question trés générale que vous posez au cours de =s entretiens — avant de vous dire ce qu'il me semble que les incroyants attendeat des chtétiens — je voudrais tout de suite reconnaitte cette générosité Cesprit par Faifixmation de quelques principes, Ty adabord un pharistieme gue fugael je mefforce- ai de ne pas céder. Jappelle phatisien ique celui qui feint de croire que le chrittianisme es chose facile, et Gul fait mine @exiger du chrétien, au nom dun christianisiae vude Pentéricur, plus qu'il n’exige de Iui-méme. Je crois en effet que le chrétien a beaucoup Pobligations, mais qne ce n'est pas & celui qui les rejette hui-méme d’ea sp: Peler Vexistence 2 celui qui les a déja reconaues, Si quelqn’un Pent exdger quelque chose du chrétien, est ke chtétien Iui-méme. La conclusion e& que si je me per- mettais, 2 la fin de cet exposé, de revendiquer de tous quelques devoirs, il ne pourrait Sagie que des devoirs quill e&t nécessaire d’exiger de tout homme aujourd'hui, qwill soit chiétien ou qu'il ne le soit pas. En second lieu, je veux déclarer encore que, ne me sentant en possession d’aucune vérité absolic ct aucun message, je ne partirai jamais du principe que la yérité hretenné eat tfacoine, ais eclepene ge Soe $e val pu y entrer. Pour illustrer cette position, j'avoucral solontiets ceci: i y a trois ans, une controverse mia posé 4 Pun d’entre vous et non des moindresi, La fievee de ces années, le souvenir difficile de deux ou trois amis assassinés, m’avaicat donné cette prétention. Je is témoigner cepeadant que, malgré quelques exces de gage wens de Frungois Mauriac, je a’ai jamais cessé de méditer ce qu’dl disait. Au bont de cette réllesion, et ie vous donne ainsi mon opinion sur Putlité du dialogue 372 ACTUELLES I croyant-incroyant, jfen suis venu & reconnattre en moi- méme, et publiquement ici, que, pour le fond, et surle point précis de notre controverse, M. Frangois Mauriac avait taison contre moi. Ceci dit, il me sera plus facile de poser mon troisitmeet dernier principe. Il est simple et clair. Je n’essaierai pas de modifier tien de ce que je pense ni rien de ce que vous pensez (pour autant que je puisse en juger) afia dob. teniz ue conciliation qui ous serait ageéable 2 tous Au contaaize, ce que ai envie de vous dire aujourd’bui, ce& que le monde a besoin de vrai dialogue, que le contraire du dialogae eft aussi bien le mensonge que i silence, et qu’il x’) a donc de dialogue possible quieci des gens qui resent ce qu’ils sont et gui parlent vrai Cela revient a dice que le monde Waujourd hui réclame des chzétiens qu’ils restent des chrétiens. L’autre jour, i Ia Sorbonne, s’adressant 4 un conférencier marxiste, un prétre catholique disait en public que, Ini aussi, duit anticlérical. Eh bien! je o’aime pas fes prétres qui sont anticlérieaux pas plus que les philosophies qui ont homie elles-mémes. Je o’essaierai done pas pour ma part de me faire chrétien devant vous. Je partage avec vous l méme horreur du mal. Mais je ne partage pas votte espoir et je continue 2 latter contre cet univers od des es souffrent et meurent!, Et pourquoi ici ne le disais-je pas comme je Iai dest ailleurs? i longtemps attendu pendant ces années épouvantables qu'une grande voix s‘élevat a Rome’ ‘Moi incroyant? Justement. Car je savais que l’esprit s: perdrait s'il ne Poussait pas devant la force le cri de condamaation. Il pazatt que cette voix s'est élevée. Mais je vous jure que des millions hommes avec moi me Favons pas entendue et quill y avait alors dans tons les ceurs, croyants ou incroyants, une solitude qui n'a pat cessé de s'étendze A mesure Gue les jours passaient que les bourreaux se multipliaient. On m’a expliqué depuis que le condamnation avait, bel et bien é&€ portée. Mais qu'elle Pavait été dans I Tangage des encyeliques qui s'est point clait. La con damoation avait é€ portée ct clle ntavait pas été comprise! Qui ne sentirait ici ob es la vtaie condam- LINCROYANT ET LES CHRETIENS — 373 nation et qui ne verrait que cet exemple apporte en lui- méme un des éléments de la réponse, peut-étre la réponse tout entiére que vous me demandez. Ce que le mode attend des chrétiens est que les chrétiens parlent, & haute ee caite voix, et qu’ils portent leur condamnation de telle figon que jamais le doute, jamais un seul doute, ne Mose se lever dans le cous de homme le plus simple. Ces qu’ils sortent de PabsiraGion et qu’ils se mettent en face de la figure ensanglantée qu’a prise Mhistoire @aujourd’hui. Le rassemblement dont nous avons besoin et un rassembiement dhommes décidés a parler clair et A payer de leur personne. Quand ua évéque espagnol bénit des exécutions politiques, il a’est plus un évéque ni un chrétien et pas méme un homme, il eft un chien, tout comme celui quidn haut d’une idéclogie commande cette exécution sans faire lui-méme le travail. Nous attendons et j'attends que se rassemblent ceux qui ne veulent pas étre des chiens et qui sont décidés 2 payer le prix quill faut payer pour que "homme soit quelque chose de plus que le chien. Et maintenant que peuvent faire les chrétiens pour nous? Drabord en finir avec les vaines querelles dont la premigre e&t celle du pessimisme. Je crois par exemple ae M, Gabriel Marcel? aurait avantage 4 laisser la paix 4 des formes de pensée qui le passionnent en Végarant. MM. Marcel ne peut pas se dite démocrate et demander en méme temps Pinterdiétion de la pitce de Sartre. Ces une position fatigante pour tout le monde, C’est que M. Marcel veut défendre des valeurs absolues, comme la pudeur et la vérité divine de Phomme, alors quil s'agit de défeadre es quelques valeurs provisoires qui permettront 4M. Marcel de continuer 4 lutter un, joue, et 2 son aise, pour ces valeurs absolues... De quel droit ailleurs ua chrétien ou un miarxiste vaccugerait il par exemple de pessimisme’. Ce a'eSt pas moi qui ai inventé Ia misére de Ia eréatnre, ni les tezxibles formules de la malédidtion divine. Ce o’eS pas moi qui ai ctié ce Newro bonus, ni la dameation des enfants sens baptéme. Ce a’est pas moi qui ai dit que "homme était incapable de se sauver tout seul et que du fond de son 374 ACTURLLES 1 abaissement il n’avait despérance que dans la grice de Dicu. Quant au fameux optimisme marziste! Personne n’a poussé plus loin la méfance a 1’¢ d de Phomme et ment les fatalités économiques de cet univers appa raissent plus terribles que les caprices divins. Les chrétiens et les communistes me diront que lew optimisme e& 4 plus longue portée, qu'il eS supérieur i tout le rete et que Diew ou PhiStoite, selon les cas, soat les aboutissants satisfaisants de leur’ dialedtique. J'ai le méme raisonnement 4 faire. Si le christianisme est pessi- miste quant 2’homme, il est optimise quant Ala destiné: humaine. Eh bien! je dicai que pessimiste quant 4 la destinge humaine, je suis optimise quant & Phomm: Et non pas su nom d'un bumanisme qui m’a toujous paru couft, mais au nom d'une ignorance qui essaie de a: "eae doe gn ; we que les mots pessimisme et opti misme ont besoin d’étce précisés et qu’en attendant de pouvoir le faire, nous devons reconnaitre ce qui nou assemble plutr que oe qui nous sépare. Crest 1a, je ctois, tout ce que j’avais a dire. Now sommes devant le mal. Ft pour moi il est vrai que je me sens un peu comme cet Augustin d’avant le christianisme qui disait : « Je cherchais d’od vient le mal et je n’ex sostais pas. » Mais il e& vrai aussi que je sais, avec quel ques autres, ce qu'il fant faire, sinon pour diminuer lt mal, du moins pour ne pas y ajouter. Nous ne pouvoas pas empécher peut-étre que cette création soit celle ott des enfants sont torturés. Mais nous pouvons diminuer le nombre des enfants torturés. Et si vous ne nous zy aides pes, qui donc dans le monde pourra nous y aider? Batre lee forces do la texrenr et celles du dialogue, ua rad combat inégal e& commencé. Je sai que des illusions misonnables suz I'issue de ce ‘combat. Mais je crois qu'il faut le mener et je sais que des hommes, do moins, y sont décidés. Je crains simplement qu’ils s sentent patfois un peu seuls, qu’ils Ie soieat en eff, et qua deux millénaites dintervalle nous risquion assister an sacrifice plusieurs fois répété de Socrate. Le programme pour demain est la cité du dialogue, ou k mise 4 mort solennelle et significative des témoins dx LINCROYANT BT LES CHRETIENS 375 dialogue. Aprés avoir apporté ma réponse, la question que je pose 2 mon tour aux chrétiens ext celle-ci « Socrate sera-t-il encore seul ct n’y a-t-il rien en Ini et dans Voite do&rine qui vous pousse a nous rejoindre ? » Tse peut, je le sais bien, que le christianisme eéponde aégativement. Oh! non par vos bouches, je le crois. Mais Ise peut, et ces encore le plus probable, qu'il sobstine dans le compromis, ou bien 4 donner aux condamnations Ik forme obscure de Pencyclique. Il se peut qu’ll sobstine Ase laisser arracher définitivement la vertu de révolte et indignation qui lui a appattenu, voici bien longtemps. ‘Alors les chrcHens vivrost ef le chritianisme tour. Alors ce seront les autres en effet qui paieront le sacri- fice. Ces un avenir en tout cas qu'il ne m’appartient pas de décider malgré tout ce qu’il remue en moi d’espé- ance et @angoisses. Je ne puis parler que de ce que je sais. Et ce que je sais, et qui fait parfois ma nostalgic, Cekt que, si les chrétiens s'y décidaient, des millions de voix, des millions vous eniendez, s’ajouteraient dans le monde au cri d'une poignée de solitaires, qui sans foi ni Joi, plaident aujourd’bui un pew partout et sans relache, pour les enfants ct pour les hommes. VARTISTE ET SON TEMPS* = Ex tant qu artiste avex-vous choisi le rile de thrnoin:? i y faudiaie, beaucoup de prétention on une vocstios que je fai pas. Je ae demande personnellement auen. tole et je a’4i qu'une vraie vocation. En tant qu’homme, je me sens du godt pour le boakeus; en tant qu'actite ilme semble que j'ai encore des personages i faire vive, sans le secours des guectes, ni des tribuaaux. Mais on et Yenu me chercher comme on est venu chercher chacun. Les artistes du temps passé pouvaient zu moins se tute devant Ja tyrannie, Les Uyrannies davjonrd’hul se sox perfedrionnées; elles n’admettent plus Je silence, ni lk ‘neutralité. Il faut se prononcer, tre pour on contre. Bon, dans ce cas, je suis contre. Mais ce'a’es pas 1a choisir le s6le confortable de témoia, Cest seulement accepter le temps tel quil ef faire son métier en ua mot. Et puis, vous oubliez qu'am. jourd’hui les juges, les accusés et les témoins sont per- mutés avec une tapidité exemplaire. Mon choix, si vout croyez que jen fais un, serait, am moins, de ne jamais étre sur le siége d'un juge, ou dessous, comme wop de os philosophies. Apart cela, les occasions dagis, dans le relatié, ne manguent pas. Le syndicalisme est aujour hui le premier, et le plus fécond, d’entre eux. — Niet-ce pas une difnition idbalidle ot romantigne de rile de Partitle, le don guichettisrme qu'on a pie repre et eres rents? * aia pe verte ¢ — Ona bean pervertir les mots, ils gardent provisoi- cent ee ene Pa 0 patent provi tique et celui qui choisit le mouvement ‘perpétuel de Phistoire, la grandiose popée, et Pannonce d'un évéae- * Ces textes, groupés ici pour Ia premitze fois, répoadent ides questions qui mont &é posées @ la radio ow dans des jourtaue errangers. CREATION ET LIBERTE Bor ueatmiraculeux, Ua fin des temps. Sijfaiessayé de définir quelque chose, oe a’est tien autre, an contesire, que Texittence commune de Phistoire et de ’homme, In vie de ous les jours 2 édifier dans le pius de lumiare possible, la Intte obstinée contre sa propre dégradation et celle des autres, Cest aussi de Vidéalisme, et du pire, que de finir par suspendte toute ation et toute vérité A un sens de Thistoize qui a’est pas ioscrit dans les événements et qui, de toute maniére, suppose une fin mythique, Seruit-ce donc du réalisme que de prendre pour loi de histoire Tayenic, Ces=dedire justerment ce qui n’est pas encore Thitoire, et dont nous ne savons rien de ce qu’il sera? UW me iemble an contmire que je place pout un vrai tiilisme contre une iythologie a la fois illogique et neurteitre, et contre le aihilisme somantique, qu'il soit is ‘ou prétendument révolutionnairet. Pour tout dire, loin d’étre romantique, je crois 4 la nécessité d'une rigle et d'un ordre. Je dis simplement qu'il ne -peut Sagic de nimporte quelle sdgle. Et qu’il serait surprenant que la régle dont gous avons besoin nous fat donnée par cette société dé<éelée, ou, au contraire, par ces doéiri- saites qui se déclarent affranchis de toute regle et de tout serupule. = Les marsiftes ot cence qui les suivent pensent aussi bre tes barmanifies. Mais poxr eux la nature bumaine stra canttitube dans Ia société sans classes de J’avenir. —Cela prouve d’abord qu’ils refusent dés aujourd*hui ce que mous sommes tous: ces humanistes sont des accusateurs de Phomme. Qui s’étonnerait qu’une pareille prétention ait pa dévier dens Vanivers des procts? Is refusent Phomme qui e& eu nom de celui qui sera, Cette pritention e& de mature religieuse. Pourquoi serait-elle plas justifiée que celle qui annonce le royaume des ciewx a venir? En réalité, la fin de Vhistoire ne peut avoir, dans les limites de notre condition, aucun sens déGnis” sable. Elle ne pent étre que Pobjet @une foi et d’une aouvelle mystification, Mystification qui, aujourd*hui, ‘est pas moindre que celle qui, jadis, fondait oppression colonialite sur la nécessité ‘de sauver les ames des infidéles. Boz ACTUELLES IL — N'ef-ce a oe qui~en réalisé vows sé} des in t sual do geueee ‘are te ee — Vous voulez dire que cet 1A ce qui sépate dele gauche ces intelleémels? Teaditionnellement, 1a gauche 4 toujours été en Intte contre Pinjustice, Pobscurantisme et oppression. Fle 2 toujours pensé que ces phénomenes étaient interdépendants, L’idée que obscurantisme puisse conduire & la justice, la raison d’Etat & la bert, et toute récente. La vérité est que certains intelleétuels de gauche (pas tous, heuseusement?) sont aujoutd'be fascinés par la force et Vefficacité comme le farent 10s intelleGuels de droite avant et pendant la guerre. Leuts attitudes sont différentes, mais la démission est la méme. Les premiers ont voulu’ étre des nationalistes réalistes; les seconds veuleat étxe des socialistes réalistes. Finale: ment ils teahissent également le nationalisme et Ie socialisme au nom d’un téalisme désormais sans conte- au, et adoré comme une pute, et illusoire, technique oF hcacite. "est une tentation qu’on peut comprendre aprés tout, Mais enfin, de quelgue maniére qu’on tourne la queSion, 4s nouvelle postion de ces gens qui se disent, ou ctoient, de gauche, consiste & dire : il ya des oppressioas gui sont justifiables parce qu’elles vont dans le seas, qu’oa ne peut justifier, de Phistoire. Il y auzait done des bourreaux privilégiés,” et privilégiés par rien. Ces un peu ce que dissit, dans un autre contexte, Joseph de Maiste, qui a’a jamais passé pour un pétroleur., Mais Ces une thése que, personnel foment, je refuserai tou- jours, Permettez-moi de Ini opposer le point de vue traditionnel de ce qu’on appelait jusquici la gauche tous les bourreaux sont de la méme famille. Ges bea fie Partita ede dV ejoar dt? On ne Iai demande ai d’écrire sur les coopératives ni, inversement, d’endotmir en fui-méme les souffrances souffertes par les autres dans Phistoire. Et puisque vous m’avez demandé de parler personnellement, je vais le faire aussi simplement que je le puis. En tant qu’artives nous n’avoas peut-étre pas besoin Pinterveniz dacs les affaires du siécle. Mais en tant quhommes, oui. Ie mineut qu'on exploite ou qu’on fusille, les esclaves des CRAATION EY LIBERTE 605 camps, ceux des colonies, les légions de persécutés qui convent le monde ont besoin, eux, que tous ceux qui peuvent parler relaient leur silence .ct ne se sépareat pas Peux. Je n’ai pas écrit, jour aprés jour, des articles et des textes de combat, je 2’ai pas participé aux luttes communes parce que j'ai envie que le monde se couvre de statues grecques ct de chefs-dcuvre. homme qui, en moi, a cette envie existe. Simplement, il a micws 3 faize & essayer de faire vivre les créatures de son imagi- zation, Mais de mes premiers articles jusqu’a mon dernier livte, je n’ai tant, et peut-tre trop, écrit que parce que je ne peux mvempécher d’étre tiré du coté de tous les jours, de obté de ceux, quels quills soient, qu’on humilic et quion abaisse. Ceux-li ont besoin despérer, ct si tout se tit, ou si on Ieur donne & choisir entre deux sortes Coumilation, les voild pout toujours désespérés et nous avec eux. Il me semble qu’on ne peut supporter cette idée, et celui qui ne peut Ia supporter ne peut non plas s'endormiz dans sa tour. Non par vertu, on le voit, mais par une sorte Wintolérance quasi organique, qu’on éprouve ou qu’on n’éprowye pas. J’en yois pour ma part beaucoup qui ne Péprouvent pas, mais je ne peux envier deur sommeil. | Cela ne signifie pas cependant que nous devions sacti- fiet notee nature (artiste 4 je ae sais quelle prédication sociale. J’ai dit ailleurs pourquoi Partiste était plus que jamais aécessaire, Mais si nous intervenons en tant Ge’homme, cette expérience influera sur notre langage. Etsi nous ne sommes pas des artistes dans notre langage Cabord, quels arti&tes sommes-nous? Méme si, militants dans notre vie, nous parlons dans nos ceuvtes des déserts oa de Pamour égoiste, il suffit que notre vie soit militante ur qu'une Vibration plus secztte peuple d’hommes ce iésert et cet amour. Ce n’est pas 4 Pheure ot nous com- mengons a sortir du nihilisme que je nierai &upidement les valeurs de ceéation au profit des valeurs d’hutmanité, ovinversement. Pour moi, les unes ne sont jamais séparées des autres et je mesure la grandeur d’un artiste (Moliéte, Tosoi, Melville) 2 Péquilibze qu'il a su maintenir entre les deux. Aujourd’hui, sous la pression des évéaements, nous sommes contraints de transporter cette tension dans notre vie aussi. C’est pourquoi tant d’artistes, pliant sous le fax, se réfugient dans i tour d'ivoire ou au contraire 804, ACTUELLES II dans Véglise sociale. Mais j"y vois, pout ma part, une ¢ ssion, Nous devons servir et méme temps la douleut ctla beauté. La longue patience, la force, la réussite secre que cela demande, sont les vertus qui fondent justemeat Ik renaissance dont nous avons besoin. Un dernier mot. Cette entteprise, je Je sais, ne peat aller saas périls ni amestume, Nous devons’ accepter des pétils : Je temps des artistes assis est fai. Mais ous devons refuser Pamertume. L’ane des tentations de Vattiste e& de se croire solidaire et il attive en véni qu’on le Ini crie avec une assez ignoble joie. Mais il nen e& rien, Il se tient au miliea de tous, au niveau exad, 2 lus haut ni plus bas, de tous ceux qui travaillent et gai fttect, Sa Foestion méme, devant Voppression, ef Pouvrir les prisons et de faire parler le malheur et lt bonheur de tous. Ces ici que Fart, contre ses eanca se justific en faisant éclatcr justement qu'il s'est lu, Vennemi de personne. A lui seul, il ne sautait sans douie assurer Ie renaissance qui suppose justice et liberté, Mas sans lui, cette renaissance serait sans formes, et, pactant, ne serait tien. Sans la culture, et la liberté relative quelle suppose, la société, méme parfaite, n’ect qu'une jungle, le pourquoi toute création authentique eft ua don i Pavenir. L°ETE ALGERIE 1938 A Vintention de couse qui me demanient encore quel eit Paranir qu'on posit soubaiter & P Algérie, j'ai tenté de rédier, ‘ave fe minivonme de phrases et on reftent ox plus pris de la ridlith algerienne, um ‘bref reémeire. Si la revendication arsbe, telle qu'elle s'exprime axjourd’bui, était entitrement légitime, il est probable que PAlgérie serait, a Pheure adluclle’, avtonome, avec |e conseatement de Popinion francaise. Si cette opinion, bon gré mal gré, accepte pourtant la guerre et, méme dans ses seGenrs communistes ou communisants, se borne 4 Ges protestations platoniques, c'est, parmi d’autres isons, parce que la revendication arabe teste équivoque. Corte ambiguité, et Jes réaions confuses qu’e chez aos gouvernements et dans le pays, explique guité de la réadlion frangaise’, les omissions, et les incerti- des dont elle se couvre. La premiére chose 2 faire eS de mettre de la clarté dans cette zevendication pour sseayer de définir clairement la réponse qu'il convient de Tui faire’, ‘A. Ce qui y a de légitime dans la revendication arabe. Elle a raison, et tous les Frangais le savent, de dénoncer de refuses? : 1# Le colonialisme et ses abus, qui sont institution; 2° Le mensonge répéré de assimilation toujours proposée, jamais réalisée, mensonge qui a compromis toute évclution & partir de Pinstitution colonialiste. Les dediions traquées de 1948¢ en particulier ont 2 la fois iilustes le mensonge ét découragé définitivement le peuple arabe. Jusqu’a cette date les Arabes voulaient tous etre frangais. A partic de cette date’, une grande partie d’entre eux n’a plus voulu T’étres 1o12 CHRONIQUES ALGERIENNES 3° Linjustice évidente de la répartition ageaire et de 1k diftsibution du revens (sous-ptoletatiat). Ces injusos se trouvant Paillenrs inémédablement aggeavess pis une démographie galopante; 4° La soufirance psychologique : attitude souven: méptisante: ou désinvolte de beaucoup de Fraagsi, développement chez les Arabes (par une série de mesuses Supidas da complexe @humiliation qui es au centre du deame abel, Les événements de 1945 anraient dé étre un sigcal Walette : Pimpitoyable tépressioa du Conétantinos 2 accentué au conttaire le mouvement antifrancais. Les autorités frangaises ont eitimé cette répression mettait un point final 4 Ja rébellion, En fait, ils kei donnaicat un signal de départ. Het hors de doute que la revendication arabe, sur tous ces points get gat en partie, résumed Ia condition historique des Arabes' d’Alpérie, jusqu’en 948, e& parfaitement légitime?. Linjuftice dont Te peuple azabe a souffert eét lige'au colonialisme dni-méme, 4 son hiftoire st sa gestion. Le pouvoir central frangais n'a jamais été en état de faire régner totalement la loi francaise dacs ses colonies, Il est hors de doute enfin qu'une reparation éclatante doit étee faite au peuple algérien, qui Ini cestitue en méme temps la dignité? et la justice, B. Ce qu'il y at d’illégitime dans la revendication arabe Le désir de reteouver une vie digne et libre, la perte totale de confiance dans toute solution politique garantie par la France, le romantisme aussi, propre 4 des ins {8s jeunes et sans culture politique, ont conduit certains combattants et leur état-major a réclamer P’indépendance nationale. Si bien disposé qu’on soit envers la revendi- cation arshe, on doit copendant scconnaltuc u'en gui concerne l'Algétie, Pindépendance aationale ef une emule purement passionnelle. II n’y a jamais ea encore de nation algérienne. Les Fuifs, les Tares, les Grees, es Traliens, les Berheres, auraient autant de droit a réclamer a direétion de cette nation virtuelle. Aéuellement, les Arabes ne forment pas 4 eux seuls toute P Algérie. im: portance et Pancienneté du peuplement frangais, cn ALGERIE 1958 1015 jculier, suffisent & créer un probléme qui ne peut se Ermparer it tien dans Phiswoires Les Frengnis @ "Algérie ‘ont, eux aussi, et au sens fort du terme, des indigenes. ‘faut sjouter qu'une Algérie purement arabe ne pourmait scoéder & Vindépendance économique sans lague! independance politique n'est qu'un leurre, Si insusfisant gue toit Veffort francais, 7 est dane telle exvergare qvaucun pays, 2 Pheure aétuelle, ne consentizait prendre wwoie pour cette question et les Froblemes Gee in Belmdeable Perse de Ger. maine Tillion™®. 8 ravent du moins se réclamer de leur fatensnee ndeiunenation™®, mais ‘aunesorte d’empire uvlman, spirituel om tempore! Spicituellement cet empire existe, son ciment et sa dogtrine étant Pislam. Mats il esiste aussi un empire chrétien, aw moins aussi Important, qu'il ett pas question de faite centres comme jel dans Phistoize temporelle. Pour le moment, Pempire arabe c’existe pas historiquetment, sinon dans les écrits do colonel Nasser, ein poustalt ve aliser que pat des ouleversements mondiaux qui, sigaifersiat. teoisitme mondiale & brive échéance. Tl faut considerer la revendication de Findépendance aati aigéienne en paste comme une des manifestations de ce aouvel impérialinme arabe, dont PEgypres, présumast de ses forces, prétend prendre la téte, ct que, pour ke moment, Ia Russie utilise 4 des fins de stratégie anti- dccidentale, Que cette sevendication soft ivéelle em peche pas, bien au costair, son utilisation Sratégiquet la Suatégie musse qu'on peut lire sur toutes les cartes dh globe: consise &zéclamer le Sata quo » en Europe, ced-a-dite la zeconnaissance de son propre systeme colonials et & meteze en mouvement Je Moyen-Orient et PAfrigne pour encercler [Europe par le sud, Le bonheur etl iberé des peuples arabes ont peu de chose ir dans ccltc affair. Il guilira de peacer la décima- five lee Tehatehénes® ov des ‘Tatars de Crimée, ow 2 la desru@ion de Ia culture arabe dans les provinces ancien- * 1957+ Editions de Minuit. TARDE Rte 8 aa petins pi See eeee cnn ee ee ae ses 30rg CHRONIQUES ALGERIENNES nement musulmanes du Daghestan. La Russie se ser simplemeat de ces reves d’empire pour servir ses propres desseins. On doit attribuer, en tout cas, & cette rever. dication nationaliste et impérialiste,au sens précis du mot, les aspeéts inacceptables de la xébellion arabe, et prin cipalement le meurtre systématique des civils fangiis et des civils arabes tués sacs discrimination, et pour leur seule qualité de Francais, ou @amis des Frangais. Nous nous trouvons donc devant une revendication ambigué, que nous peuvons approuver dans sa source et dans quelques-nes de ses formulations, mais que nous tne pouvons accepter d’aucune manitze dans cortains de ses développements. L’errenr da gouvernement frangiis depuis le début des événements a €€ de ne jamais en distingucr, ct par conséquent de ne jamais parler nett: ment, ce qui autorisait tous les scepticismes et toutes les surenchtres dans les masses arabes. Le résultat a &€ de renforcer de part et autre les factions extrémistes et rationalistes. La seule chance de faire avances le probléme est done, aujourd'hui comme hier, le choix an laagage net. Si les éiéments du problemas sone : 1 La reparation qui doit étre faite 4 huit millions @Arabes gui ont véow jusqu’a aujourd'hui sozs uae forme particuliéze oppression; 2° Le doit & Vewistence, et a Vexiétence das leur pattie, de 1 200.000 autochtones frangais!, quill et pas question de remetire 1 Ia discrétion de chefs sal taires fanatiques; 3° Les fotéréts+ stratégiques qui conditionnent la liberté de POccident; le gouvernement francais doit faite savoir nettemest: 1° Qu’ll est disposé 4 rendre toute Ia justice au peuple arabe PAloéric, ett a le lbérer du systeme cclonal: 2 Quill ne cédera rien sur les droits des Francis @Aigérics 3° Qu'll ne peut accepter que la justice qu’il consentix: a rendre signitie pout la nation frangaise le prélude une sorte de most hitorique et, pour POccident, Je as un encerclement qui aboutirait a [a kadarisation de PEurope et a Visolement de l’Amérique. ALGERIE 7958 TOTS On peut donc imaginer unc déclaration solennelle, adeestant exclusivement aa peuple acabe et 2 ses repeésentants (oa remacquera que depuis le début des dréaements, aucua chef de gouvernement frangais, ni moun gouverdeus, ne est adressé directement au eaple arabe) et proclamant : a Pu Tere du colonialisme cS terminge; que la France, sans se croire plus pécheresse que les autres ations qui se sont formées et ont grandi dans histoire, reonnalt ses exreuts passées et présentes* et sc déclare dsposée A les réparers | Pr Quelle reluse cepeadant d’obéir & la violence, surtout sous Jes formes qu'elle prend aujourd'hui en Algérie; qu’elle refuse, en particulier, de servie le réve ie Pempire arabe A ses propres dépens, aux dépens du peuple européen d’Algérie, et, ficalement, aux dépens ela pais du monde; a . 5° Qu’elle propose donc un régime de bre association oi cbaque Stabe, sor Ta base du plan Lauriol™, wouvera réellement les priviléges @’un citoyen libre. ‘sen entead, les cifcultés commenceat alors. Mais, aq tout cas, clles ne risquent guére Pétre résolues si tie décliration préalable nest pa fate solennelicment tt dirigée, il faut le xépéter, vers le peuple arabe par tous Ics movens de diffusion dont une grande nation peut disposer. Cette déclaration serait sans doute entendue par les masses arabes, aujourd'hui lassées ct désorientées, at.d’autre part, rassurerait une grande pactic des Frangais Algérie, en’ Jes empéchant de pratiquer une op- sition aveugle aux réformes de struéture qui sont ispensables?. ; . ee dsfinir la solution qui pourmait Gre offerte & la discussion, = Voir plas loin. UALGERIE NOUVELLE Lica aetine, ub, ces Wetat atinel des chess, 4 rendrait justice 4 toutes les parties de la population m’a longtemps paru celui de la fédération articulée sut des institutions analogues a celles qui font vivre en dans Is confédération helvétigue, des nations dliférentes. Mais je crois qu'il faut imagicer un systéne fagore plus original. Ta Suisse est composée de pops lations différentes qui vivent sur des territoires difteerss Ses institutions visent seulement & articuler la vie politique ic ses cantons, L’Algérie, aw contraice, offte Pexemple sazissime de populations ‘différentes imbriquées sur ke meme territoire. Ce gu’ll fant associer tans fonds (buisque la fédécation est P'abord union des diffévenest) Ce ne sont plus des tertitoires mais des commmnautes aut personaalités diférentes. La solution de M. Mare Lauriol Professeur de Droit 4 Alger, méme si Pon a’approure as tous ses atiendus, me patatt & cot égard particull Tement adaptée aus’ réalités algériennes, et ‘propre i donner satisfadtion au besoin de justice et de Eber de toutes les commuraucés ‘our Pessenticl, elle unit les avantages de Mintégration cx da fédéralisme, Elle propose, d'une part, de respescr les particularismes et, autre part, dassocier les’ deur populations a le gestion de leur intérét commun. A cet eller, elle suggéve de créer, dans an peemiot Sack, dan seftions au Parlement francais: une section métsopoli- taine et une seétion musulmane. La premitre compres, deait les élus métropolitains et les élus frangais outre- mer, Ta seconde les musulmans de starut coranique. La Regle de proporticnnalité serait siridtement rexpettie pour l’éleétion. On peut prévoir ainsi gu’ y suai, das lun Parlement composé de six cents députés, une quine zaine de représentants frangais d’ Algérie et une ceniaine @élus musulmans, La seétion musulmane délibérerai 1 POEL PORE foutes les questions intrest les musulmars cr elles seules, Le Parlement, en séance pléniére, Frangais ALGERIE 1958 tory et musubmans compris, aurait compéteace pour tout ce ei concetne Ies deux communautés (par exemple, la Auli et le budges), ow lee deux communavees ex la méropole (pat exemple, Iz défense nationale). Les sutres matitres, dans la mesure oi elles n’intéressent que la métropole (en-droit civil particuliérement) demenre- sient Ja co: exclusive de la sedion métropol ‘tine. Ainsi les lois intézessant les seuls musulman sersient Poeuvre des senls élns musulmans; les lois Sappliquant 2 tous seraient Pceuvre de tous; les lois Sappliquant aux seuls Francais seraient Paravre des seuls Gus Freacais. Toujours 4 ce stade premier enfin, le pouver- nement serait responsable devant chaque seétion o2 devant les deux réuaies, selon la nature des questions Pan deusidme Stade, aprés la période de rodage akcessaire 2 une réconciliation générale, il faudrait rer les conséquences de cette innovation. Ka effet, contrai- remeat 2 tous nos usages, contrairement surtout aux pidiugés solides hérités de Ia Revolution francaise, nous gurions consacré au sein de la république deux categories de citoyens égales, mais distinétes. e ce point de vue, i gagit d'une sorte de révolution contre le régime de centralisation et d'individualisme abstmit, isse de 1789, ctqui, a tant d’égards, mérite 4 son tour lé titre d’Ancien Regime. M. Lauriol a raison en tout cas de déclarer qu'il ne sapit de tien de moins que de la naissance Pune sruc- ture fédérale frangaise qui réalisera le véritable Common- wealth frangais*, De semblables institutions doivent par nature s'inscrire dans un systeme ou viendraient Sher moaiser les pays du Maghtcb comme ceux de Afrique noire. Une Assemblée régionale algérienne exprimezait alors la particularité de Algérie tendis qu'un Sénat Rdéral, ob PAlgéric serait représentéc, détiendrait le pouvoir législatif pour tout ce qui (eemée et offaices ttrangéres, par exemple) intéresserait la fédération dans son entier, et élirait un gouvernement fédéral responsable. Himporte de voir que ce systéme a'eSt pas incompatible con plus avec les institutions européennes qui pourraicnt caitre & Pavenic. ‘Telle devrait étre en tout cas la proposition frangaise, * Le Fidivalioms ot Algirie (la Féabsation, 9, eve Auber, Paris) 028, CHRONIQUES ALGERIENNES joi serait alors maintenue de fagon petmanente just Fobtention d'un cessez-le-feu. Ce cessez-le-teu «8 aGmellement rendu pins difficile paz Pintransigeance da F.LN. Cette intraasigeance oft en partie ‘spontanée st inéalise, ea partie inspirée et cynique. Dans ce quale a de spontané, om peut la comprendre et essayer de neutraliser pat une proposition vraiment consiradive, Dans ce quelle a iospiré elle e& inacceptable. A ex gard, le préalable de Pindépendance o’est rien Caure que le refus de toute négociation et la tion su Pie, La France ala pas eautze possiblite fel gue de imainteair sans tréve la proposition doat jai pale de faire approuver par Popinion internationale et pas det seéteuzs de plus ea plas Iarges de opinion afabe, tt Wessayer de la faize entrer peu a peu dans la tealité. Voila ce quiil est possible imaginer pour Pavenic immédiat. Cette solution n'est pas utopique au regard det ffalités algériennes. Elle n'cs tendue incertaine que pet Tétat de la societé politique frangaise. Elle suppose'ea effet : x Une volonté colledive dans la métropole, Rerticuliérement Facceptation d'une politique dlaustéete nt Je poids devrait ette porte par les ‘classes aiséss Ha classe des salariés porte deja tour le poids Pune iscalité seandaleusement injuste); ze Un gouvernement qui séforme Ia Constitution (ani oa été approuvée ailleurs que par uae minorité ce Frangais) et qui veuille ou puisse inaugurer la longue, ambiticuse et tenace politique qui aboutimait 4 la fden tion francaise, Ces deux ‘conditions sisquent de rendre sosptoue un observateur objedif\. Cependant la montée en Francs, gt en Aleéric, de nouvelles et considérables forces ot hommes et en économie, autotise Pespoic dune tenain sauce. Dans ce cas, ane solution comme celle qui vient fiftse définie risque de prévaloir. Dans le cas conte, TAlgéric sera perdue et les conséquences tertibles, sour Jes Arubes comme pour les Francais. Cem le demir avertissement que puisse formules, avant de se take | nouveau, un écrivain voué, depuis vingt ans, au service de Algérie, REFLEXIONS SUR LA GUILLOTINE Ge ates at pononc, selon ain Fitts ied Scab ats da debe st elbeara es ceteries de ane banea oes pain Note 1 recevant la distinétion dont votre libre Académie 's bien voulu m’honorer, ma gratitude était d’autant profondeque jemesuraisa quel pointcetterécompense assait mes mérites personnels. Tout homme ct, & plus forte raison, tout artiste, désire étre reconnu. Je Je désire aussi, Mais il ne m’a pas été possible dappzende votre décision sans comparer son setentissement & ce que je suis réellement. Comment un homme presque jeune, Hohe de ses seuls doutes et d’ane euvre encore en chan- tiet, habitué a vivee dans la solitude du travail ou dans les tetvaites de Pamitié, waurait-il pas appris avec une sorte de panique un acrét qui le portait d'un coup, seul et réduit 2 Iuisnéme, au centre d'une lumitre crue? De quel coxur aussi pouvait-l recevoir cet honaeur 2 Pheure ot, en Europe, d’autres écrivains, patmi les plus grands, sont réduits au silence, et dans le temps méme 6d sa terre aatale connait un malheur incessant? ai coanu ce désarcoi et ce trouble intéricur. Pour refrouver la paix, il m’a fallu, en somme, me mettre en tigle avec un sort trop généreux. Ft, puisque je ne pou- vais nvégaler a [ui en mappuyant sur mes seuls mérites, je a'ai tien trouvé P'autte pour m/aider que ce qui m’a foutenu, dans les circonsances les plus coatraites, tout su long de ma vie : Pidée que je me fais de mon art et da rdle de ['écrivain. Permettez seulement que, dans un sentiment de recontaissance et d’amitié, je vous dise, aussi simplement que je le pourrai, quelle est cette idée. Je ne puis vivec personnellement suns mon art. Mais je Wal jamais placé ct art an-dessus de tout, Sil mest béccasaire au contraice, est qu'il ne se sépare de personne time permet de vivre, tel que je suis, au niveau de tous, Lart 1est pas & mes yeux une réjouisseace solitaire. Tt eftun moyen @’émouvoir le plus grand nombre d’hommes en leur offrant une image privilégiée des soullrances et Ges joies communes. II oblige donc Fartiste & nc pas sisoler; il le soumer & Ja vérité Ia plus humble et la plus universelle, Et celui qui, souvent, a choisi son destin Gartiste parce qu'il se sentait difiérent, apprend bien 1072 DISCOURS DE SUEDE ite quill ne nourrira son art, et sa différence, qu'en avovant sa ressemblance avec tous. L’artiste se dans cet aller-retour i” chemin de la beauté communauté 4 laquelle jl ne peut s’arracher. Ces pour quoi les vrais artistes ne méprisent rien; ils sob a comprendre au lieu de juger. Ft, s'ils ont ua pat t prendie cn ce monde, ce ne peut étre que ccluf dune Société od, selon le grand mot de Nietzsche, ne plas Je juge, mais le créateur, qwil soit travailleur ou in- Le r6le de Péctivain, du méme coup, ne se sépare as de devoirs diffcles. Pac définiton, il nc peik mettre aujourd'hui au service de ceux qui font Phistoire est au service de ceux qui la subissent. Ou, sinoa le Voici seul et privé de son art. Toutes les armnées de ls tysanaie avec leurs millions d’hommes ‘ne Penléveront ms 2 la solitude, méme et surtout s'il consent a prendze leur pas. Mais Ie silence d'un prisonnier inconny, abn. donné aux humiliations a Pautre bout da monde, suffit & retirer l’écrivain de Vexil, chaque fois, du moins geil parvien, an malin des privileges dela Here, at as Oublier ce silence et & le faite reteatir par Bas ub retentir par les moyens Aucun de nous n'est assez grand pour une pareille vocation. Mais, dans toutes les circonstances del vie obscur ou provisoirement céltbre, jeté dans les fers d ‘a tyrannie ou libre pour ua temps de s'exprimer, Pec vain peut retrouver le sentiment dune communauté vivante qui le jusifiera, ala seule condition qu'il accept, ‘autant qu’il peut, les deux charges qui font la randeu, de son métier «le service de la vérité et celui de fa Liberte Puisque sa vocation est de réunir le plus geand nombre hommes possible, elle ae S‘accommoder da ‘mensonge et de Ia. servitude qui, 1a ob ils cegueee fore proliférec les solitudes, Quelles gue solent act iaimoa, Personnelles, la nobiesse de notte métier stenrucinen foujours dans deux engagements difficiles A maintent? le xefus de mentir sur ce que l'on sait et la résistance i oppression. fendant plus de vingt ans Pune histoire démentiele, perdu sans secours, comme tous les hommes de mot Age, dans Jes convulsions du temps, j'ai été sovtens DISCOURS DU ro DECEMBRE 1957 1073 ainsi par le sentiment obscur qu’éerite était aujourd’hui im honneur, parce que cet aéte obligeait, et obligeait ne pas écrire seulement. Il m’obligesit particuliérement poster, tel que ;’étais et selon mes forces, avec tous ceux qui vivaient la méme histoire, le malheur et Fespérance que nous partagions, Ces hommes, nés au début de le premiére geste mondiale, qui ont eu viagt ans du ioment ot s‘installaient 3 la fois le pouvoir hitlérien et les premiers proces révolutionnaires, qui ont été confron- 1s ensuite, pour parfaire leur éducation, a la guerre Espagne, & la deuxitme guerre mondiale, 2 Puaivers concentrationnaire, 2 Europe de la torture et des prisons, doivent aujourd?hui dlever leurs fils et leurs quvres dans un monde menacé de destruStion nucléaire. Personne, je suppose, ne peut leur demander il prononce « moi Tl ime a prendee tesponsabilités et toutes ses responsabilités. Et quand il enest chargé & tomber, il affieme qu’ es fils de boulanges, pe quoi il est soudainement lavé de tout et rendu i Pinnocence du Christ enfant. On saura tout enfin du fils de boulanger lorsque j'aura parlé de sa vertu fondamentale, qui est Ia fidélité. Mais chez lui, on Va déja compris, les vertus perdent les visages dérisoires qu’elles affettent chez le peuple. Et, par le miracle de son tempérament, la fidélité elle-méme se trouve transfigurée, Ces ainsi que le fils de bowlanger tient pour m. ilgables les fdéites périmées qu'on prétend lui réclamer: idélité & une classe, & ua parti, une opinion, un cur, ov § Iuieméme ~ car ce soat la vertus de medioets Te fis de bovlanger a voné sa vie i une fidélité plus haute et plus profonde 4 Ia fois — celle qu’il épovse comme son destin secret et qui Pattache justement 4 ea vocation impitoyable de fils de boulanger. Quand méme ce serait contse les boulangers et le nation elle-méme. Aupert Cantus. Alger ripubleain, 18 dbcerabte 1938. LA GUERRE tant de raisons de désespérer. Bien des espoirs et bien des croyances se sont efondrés en méme temps gue cette guerre. Ex pati toutes les contradiétions ot le monde s'agite, contraints 4 le lucidité, nous sommes alors conduits & tout nier, ye peut-ttre les militants de gauche n’ont connu ET «1B SOIR REPUBLICAIN» 1577 Nous comprenoas. Nous comprenons tout. Et nous comprenoss méme trés bien. Beaucoup d’entre nous wavaieat pas bien compris les hommes de 1914. Nous sommes plus prés deux maintenant, cat nous savons quion peut faire une guette sans y consentir. Nous savons qui une certaine extrémité du’ désespois, Pindiférence surgit et avec elle le sens et le goiit de fa fatalité. Les hommes de 1914 n’avaient méme pas autant de miisons que nous de céder a Ja fatalité. Is pouvaieat coire quills faisaient cette guerre pour qu'elle soit la fevaitre. Janus plus cet espoir ne’ sera le dre. Les hommes de 1914 pouvaient espérer dans une réadion des pevples. Tant efforts pour la paix, tant despoits mis sur homme, tant d’années de Iuttes ont abouti a cet efondrement et A ce nouveau carnage! Et dans cette heure mortelle, si nous nous retournons vers quelque chose, ce n’est pas vers l'avenir mais vers les images fragiles et précieuses d'un passé ot la vie gardai son sens : joie des corps dang les jeux du soled et de Veau, printemps tardif dans des éclatements de feurs, fraternité des hommes dans un espoit insensé, Cela seal était valable. Cela seul es encore valable mais nest plus possible. Et pourtant 1A était la vérité qui aurait di garder, ingtruire et préserver les dirigeants des peuples. Et c'est bien 1A peut-etre Pextrémité de la révolte que de perdre sa foi daos "humanité des hommes. Peut-étre aptes cette guerre les arbres refleuriront encore, puisque ie monde fate toujours par vaincre Phistoire. Mais ce jour-la, je ne sais pas combien @hommes seront li pour kes voir. Et de touie fagon ils auront la certitude qu'un tutte jour viendra ot ils devront met [ceaiuré] de la vie. Ausext Camus. Le Soir républicain, 17 septembre 1959. 1378 DOSSIER «ALGER REPUBLICAIN > NOTRE POSITION LS imnombrables «lanes» que sous avons offers ik curiosité de nos leéteurs, depuis notre parution, nous fost craindre que, Pimegination aidaat, note sition ne soit faussemeat intexprésée. Et nous avons Pintention de préciser de fagon claire et breve, chaque fois qu'il nous sera possible, notre position en face événements aétuels. C'est 4 Ld définition générale de cette position que nous nous attacherons aujourd'hui. (Onne saurait trop réfuter ce sophisme que le maintiea du moral @une nation nécessite la dispatition de ses libertés, On ne saurait trop iasister sus Pexemple que nous donne A cet égard Y Angleterre. On ne saurait teop répéter, en patticalier, qu’a de récentes éleétions anglaises un candidat « pacfte» a pu se présenter et quien touts occasions, Pobjeétion de conscience, par exemple, et admise par la legislation anglaise. Ceci donne la mesure du climat de la fberté britannique. Et est Phonneur et a force dune démocratie que de pouvoir équilibrer des libertés si essentielles. Pourtant, PAngleterre eS en guerse. Pourtant, NM. amberlain a la snéme conscience de ses responsabilités que notre gouvernement. Nous ticons de ce fat Ia justi cation de notre premier principe : Fopinion et Pexpression libres, toutes les opinions libres et toutes les expressions Tibres (la censure sur les renseignements militaices étant admise). En fonéiion de quoi nous voulons exprimer et défendre notze point de vae sur la paix A venic. ‘Tous les hommes politiques de France et d’Angleterre ont rappelé que Is paix « durable et forte » état le premier but de cette guerre. Les peuples n’ont encore rien dit Mais leur besoin de paix est une des évidences de ls politique internationale. C'est done & cette paix Jointaine que nous nous attachons, de crainte que Pentrainement, Ja lassitude et Ja haine des combats ne la fassent oubliet. Sar cette ptix, nous svons notre opinion. Cef elle gue nous défendons tous les jours dans ce journal. Une fois pour toutes, précisoas. ‘Nous pensons qu’il y a des fautes & ne pas renouveler. Une, grande partic de Fopinion publique frangaise pendant des années, protesté contre les erreurs de Nf «LE SOIR REPUBLICAIN» 3379 Versailles. Nous étions de ceux-Ia. Il a’y a rien dans les éxénements aftuels qui puisse nous faizé changer davis. Nous disions : « Ces fiutes ameneront une. nouvelle uerre.» La nouvelle guerre est 18. Nous ne parlerons pas ‘e nos seatiments en face de la catastrophe. Nous voulons seulement exposer nos convictions. Et nous demandons sans fievre, en pleine conscience de nos tesponsabilités, au’an sein iéme dea guerre, la paix soit envsagés et plus précisément les moyens de conclure une paix durable. Et nous demandons que cette paix définic, plébiscitée parle peuple frangais, soit proposée sans tréve, au miliew méme des combats, tous les jours s'il le faut, L’obstina- tion dans Vinjustice ne peut étre vaincue que par Pobsi~ tation dans la jufice. Ht nous voulons que cette gnecre, puisqu’elle est 8, soft pensée et conduite lucidement. ‘Sut les bases immédiates de cette paix, nous reviendrons quand il le faudra. Disons seulement ceci. On 2 beaucoup critiqué In S.D.N. et, par contrecoup, le principe de Ventente internationale, Nous pensons que la S.D.N. s'avait rien 4 voir avec ce principe et que ce dernier garde toute sa force. Nous Pécrivions sécemment en publiant le patie de la S.D.N. : « Société des nations viGorieuses (Allemagne ea était exclue au début)... née de intéeét, lle a tout sacrifié & Vintérét. La S.D.N. e& & refaire. > Nous pensons, autre part, que des discussions sur Vhonaeut, telles qu’elles ‘s'instaureat aujourd'hui, ne peuvent tien fonder. L’honneur est une notion indi- viduelle et valable seulement pour Pindividu. Si Pon veut baset des négociations sur le degré de loyanté de Hitler, cesnégociations n’aurontjamaislieu. Undésatmementtotal nous assurera les vingt-cing ans de paix que la parole de Hitler ne peut nous garantir. Ceci doit nous faire réfiéchir. Nous pensoas encore : 1) qu’il y avait dans les reven- dications hitlériennes un mélange assez curieus de reven- dications légitimes et de prétentions injustifiées; 2) que a politique internationale de ces deraitres années a con- sigté, par un paradoxe non moins curieux, 4 refuser les premieres et 4 accorder les secondes, et pour le rete 4 donner sous la menace ce qwon n’avait pas su céder 4 temps; 3) que, dans tous les cas,on ne peut vivre éternelle- ment sur un traité ou sur un état de fait et que les notions de vainqueur et vaincu sont sujettes 4 de tragiques transformations. 1380 DOSSIER «ALGER REPUBLICAIN» Et ici nous avons 4 intervenir. Nous Ie rappellerons sans modestie : nous a’avons pas attendu M. Béraud ox M. Flandia pour dénoncer ’hitlérisme. Nous avons été les premiers a répudier un régime ott la dignité humaine érit comptée pour rien et ott fa liberté devenait une dérision. Mais, en méme temps, nous ne cessions de dire que cet excés dans la bestialité trouvait sa source dans le déses- poir de tout un peuple. Les nations ici sont comme les individus. C’est dans leur plus grande misére qv’elles forgent leur volonté de puissance. Ne pas humilier, s'elforcer de comprendre, dter & Hitler Jep saison profondes de soa prestige, accorder tout ce qi eft juste en refusant ce qui est injuste, reviser Versailles en séclamant* la Tchécoslovaquic et a Pologne, voir cair, fefeser Pontrainement de la haine, fonder ln solidar humaine et européenne, rajuster la’ politique des nations 2 anc économie devenite internationale: ce sont 14 aos positions. Tout cele, nous le croyons possible et vrai. Nous czoyons en effet qu’ll n’y a qu’une fatalité dans histoire, celle que nous y metions. Nous croyons que ce confit pouvait étre Evité ot peut encore étre arrété a la satisfaction de tous. Nous croyons que s'il n'existaie 4 cela qu’vne seule chance, il serait encore défendu de désespérer avant de Pavoir tentée. On ne Pa pas tentée. On ne Pa jamais tentée, Et cela est possible & toutes les minutes et &inswat méme ou nous écrivons. . Ces pourquoi nous réclamons le droit douvrir les manuels d’histoite, de citer et de préciser. Nous réclamons le droit de défendre la verité humaine, celle qui recule devant la sonffrance et aspire & la joie, Tout se tient et se rejoint dans le monde fermé et machinal que nous avons construit. Les hommes de bonne volonté dont nous sommes veulent du moins ne pas désespérer et maintenic les valeurs qui cmpéchecont ua suicide collectc. Aner Camus. Le Soir républicain, 6 novembre 1939. * Dy a visiblement vine erreus typographique : je eersis porté i subitier « espefiant » a « séclamant>. (R.Q) ET «LE SOIR REPUBLICAIN» 1381 LETTRE A UN JEUNE ANGLAIS SUR LGTAT D’ESPRIT DE LA NATION FRANCAISE { Vein Setiver que tout va bien & Londres et que si vos compatriotes ne sont pas heureux d’avoir la guerre, iis sont du moins décidés & la gagnez. Je me réjouis avec vous de cette résolation. Elle montredu moins que vous avez un but, quoique je ne sache pas bien s'il faut vous ea plaindre oa vous envier. es nouvelles que vous me donnez sont fort intéres- santes, Mais je a’al pas appris sans surprise que le dicecteur de vos services informations a voulu démissioaner parce qu'il n’admettait pas les contraintes de toutes sortes qv’on Tui voulait imposes. Cette attitude serait ici fort stvérement jugée. Eh! quoi, cet homme, qui veut aussi gagner la guerre, je suppose, imagine done une autre gon de la'gugner que celle qui met ea ceuvee la conteninte et la méthode dautorité? Votre homme est un naif ou un sot, mon ami. Et je m’étonne qu’il ne soit pas encore en Prison, ce qui lui edt donné une preuve par neuf que es opinions étaient fausses. Au reste, je ine veux pas lus longtemps me désolidaciser de mes compatriotes en afefant de mintéresser & un geste que tout le monde ici ignore résolument. Et jai hate d'arrver & Vobjet de votre lettee, Vous voulez, me dites-vous, étre renseigné sur Pétat @esprit en France. Vous vous plaignez de ne pas en étre ingtruit par les journanx frangais et vous voulez avoir Tavis d’un individu que vous savez sans préjugés, A crla, je xépondrai d’abord que vous étes bien un Anglais Vidée que avis d'un individu peut avaie le pas sur celui une presse mise & Punisson parattrait futile ici et je ne sus pas encore si quelque réceat décret n'a pas envisagé lecas. Mais je veux cependant essayer de vous convertir & notre doétrine francaise. On dit qu’elle a sa grandeur. Je suis sir qu’elle aura son bonheur qui eét celui du royaumne des cieux ot sera accueillie la presque totalité de notre génération, 1778 CAMUS ET LE CAMP SOVIETIQUE Nous ne serons pas, nous ae serons jamais complices! Nous ne serons pas aon plus ‘ies’ phatisiens triomphants. Cette viGoire de la vérité a été’ payee de Hop de moris et de trop de sang pour que nous puissions aceueillir autrement qu’avec une résolution douloureuse. Aujourd’hui encore, ces ouvsiers désarmés qu’on fusille dans Yombre, pour sauver ce qui reste de régimes mou- rants, ne nous font sentir que Photseur et la peine gui ont accompagné ce long mensonge. Mais ces morts déses- pésés nous impotent une fdélité qu'il faut juter une fois le plus. Fidélité au mot qu’ils ont crié devant la répres- sion, au mot gul a convert des soars jusque das fs je Varmiée, an mot gai a survécu Gppressions dont ‘on Pecrzca, a toutes ies myatisations dont oa Vhabillait, fidélité & la Liberté inlassable, A la liberté invincible et sacrée. Oui, nous ne pouvons que répondre de loin A ce eri déchirant des ouveiers de Pozaan Jui donaer soa écho 2 travers le monde. Mais nous levons le faite sans tréve, pour qué le eri plus Seger PAE i hr, poe et sama appris dans les longues années de Phistoire qui vient de passer, voila ce que nous apprenons daas cette nouvelle tragédie. Le choix alors ne sera pas difficile, Nous choisi- rons la liberté contre les barbaries anciennes et nouvelles et nous Ia choisirons une fois pour toutes, jusgu’s Ia fia, pour ne pas démériter un seul jour da sacrifice des militants ouvriers de la Pologne toujours opprimée. Aubert Juillet 1956. cones. REPONSE A UN APPEL A presse, et Hranc-Tirour, a publié hier le boulever- sant appel lancé avant-hier pat les é is a, nee pant es pu es eras Rong ment designe, ct bien que je a’aie jarnais miewx senti qu’en ces jours funébres notre tragique impuissance, je me sens obligé d’y répondre personacllement, 7 los firtres de Hongrie, isolés dans une forteresse de mort, ignorent certainement immense élan d'indignation ACTUBLLES It qui a fait Pananimité des écrivains frangais. Mais ils raison de penser que les paroles ne suffisent pas et eat déisoire d’élever seulement de vaines lamentat gutour de la Hongrie crucifiée. La vérité e8t que la so internatignale tout eatidre qui, aprts des années de re trouvé soudain la force Wintervenir dans le Mo Orient, laisse au contraire assassiner la Hongrie. Dé ¥ a vingt ans, nous avons laissé écraser la républ Espagnole par les troupes et les armes @unc ditt dtrangére. Ce beau courage a trouvé sa récompe la deusitme guerre mondiale. La faiblesse des Na Unies et leurs divisions nous améneat peu 4 peu troisitme, qui frappe déja 4 nos portes. Elle frap} elle entrera si, pactout dans le monde, la Loi internati ‘ne simpose pas pour la protestion des peuples ¢ individus. Cet pourquoi, plutdt que de laisse libre cour sentiments de révolte, d’aifreuse tristesse et de hon ‘nous étreignent devant les appels désespérés de nos | hongrois, je ctois préférable d'inviter tous ceus étaient nommés dans Vappel du 7 novembre 3 un marche positive auptts des Nations Unies. Voici le que je leur propose, qui défiaita en méme temps exigence et nos responsabilités : “eLes écrivains européens dont les noms suivent de deat que Assemblée générale examine sans déseso Je génocide dont es vidime la nation hongrois demandent que chaque nation prenae & cette ocasic responsabilités, qui seront caregitirées, pour voter fetrait immédiat des troupes soviétiques, leur remy meat pat la force de contréle internationale déso la disposition des Nations Unies, la libération des nus et des déportés et Porganisation consécutive consultation libre du peuple hongtois. Ces mesure fee cenles qui puissent assurer la paix juste don avides tous les peuples, y comptis le peuple russe. > Dans le cas ob les Nations Unies reculeraient ¢ teur devoir, les signataires s’cngagent non seul A boycotter Porganisation des Nations Unies et ses nismes culturcls, mais encore 2 dénoncer en decasions devant Popinion publique se carence démission. > Les signataires prient M, le Secrétaire général 1780 CAMUS ET LE CAMP SOVIETIQUE faize lout interpréte auprés des Nations Unies our les assuret que leut appel n'est pas inspiré pax un quelconque et, ailleurs, assez vain esprit de chantage, mais pas la Conscience doulooreuse de lets propressespoassils -angoissde ick 8 levant le martyre d’un peuple Je souhaite que ce texte soit signé par tous les desting taires de Pappel des éerivains Thongrois. Mais chaque wwain d'Europe peut aujourd'hui, partout of il se trouve, grouper les signatures dautant d'intelleducls wu'll se pourra et télégraphier ce texte au sectétariat des Nations Unies. C'est fi, je le dis 4 notre honte, tout ce que nous pouvons faite pour répondre 2 nos fetes muassacrés, pour que cesse enfin cette bouchetie, et pour manifester 4 Ja face du monde qu’a c6té de nos gouverne- ‘ments faibles ou cruels, par-dessus le rideau des di@uatures, malgré la faillite dramatique des mouvements et des idéane teadiionnels de In gauche, la vériable Europe exit unie dans la justice et la liberté, face & toutes les tyrannies. Les combattants hongrois meurent en masse aujourdhui pour cette Europe. Pour que leur sactifice ne soit pas vain, ‘pons, doat Tes voix pour wu temps encore sont libres, ons lui manifester, jour aprés jour, notre fidélité et notte foi et relayer, adssi loin que nous le pourro: Pappel de Budapest. Poussons Aunerr Camus. Fran-Tirewr, 10 novembre 1956. Reproduit par Témeins, ausomne 1956. MESSAGE EN FAVEUR DE LA HONGRIE AUN MEETING DES BLUDIANTS FRANCAIS Patis, Je 25 novembre 1956, A seule chose que je puisse aujourd'hui L jourd’hui affirmer publiquement, aprés avoir pasticipé dirett indietement 1 vingt années de notte fanglante hisoin, ACTUELLES 11 178 e8 que Ia valeur supxéme, le bien dernier pour lequel il vaut la peine de vivre ct de combattre, reste toujours la Liberté. Les hommes de ma génération oat eu vingt ans 4 Pépoque 00 Hitler prenait le pouvoir et o& s’organisaient les premiers procts de Moscon. Il nous a falla, pendant dix ans, lutter Pabord contre la tyrannie hielérienne et contre les hommes de droite qui Ia soutenaient. Et pen- Gant dix autres aanées, combatire la tyrannie, salinienne et les sophismes de ses défenseurs de gauche. Aujourd’hui malgré les trahisons successives et les calomaies dont les intelleduels de tous les bords Font couverte, la liberté; et elle Pabord, reste notre raison de vivre. J’avoue avoit été tenté ces derniézes années de déses; du sort de la Liberté. Trahie par ceux dont c’était la vocation de la défendre, piétinée par nos clercs devant les peuples silen- eux, Pai craint sa mort definitive et c'est pourquoi i nia semblé parfois que le déshonneur de aotte temps recouvrait toutes choses. Mais la jeunesse hongroise, celle d’Espagne et de France, celle de tous les pays nous prouvent aujourd hui qu'il n’en est rien et que rien a’abat, tabattra jamais, cette force violente et pure qui pousse Tes hommes et les peuples 2 revendiquer I’honneur de ‘yivre debout. Vous tous qui entrez maintenant dans notre hisoise, noubliez pas cela, Ne Poubliez en aucun lieu, ‘nien aucun temps! Ee si vous pouvez accepter loyalement de tant discuter, a’acceptez jantais que la liberté de espeit, de la personne, de la nation soit jamais mise en cause, méme provisoirement, fit-ce une seule seconde. Vous devez savoir maintenant que lorsque esprit est enchataé, le travail es asservi, que l'écrivain est muselé quand Pou: eles e& opprimé et que lorsque la nation a’est pas libre, Ie socialisme ne libére personne et asservit tout le monde. ‘Que le sacrifice hongrois, devant lequel nous avons remiché notre honte et aotre impuissance, serve 2u moins Yrnous rappeler cela. Nous serons moins tentés d’acca- bler notre propre nation, et elle seule, sous ses péchés hiftoriques. Nous serons plus soucienx, sans cesses @exiger delle toure la justice dont elle est capable, de s: survie et de sa liberté. Vous n’aurez pas alors 4 nous imiter, nous qui, dans cette longue lutte, aous sommes wate Soabakte pout settler les mots et déaoncer Les mySifications, dans @interminables et sériles lutte tiviles, Vous chercherez ce qui vous réanit plutét que c 3782 CAMUS ET LE CAMP SOVIETIQUE gai vous sépare. Une cettaine solitude, dure & vivre, risquera ainsi de vous étze épargnée. Alors peut-étre vous referez 2 yous tous ce pays que j'aime aujourd’hui comme la liberté clle-méme et qui, malgré ses malheurs, ses faiblesses, ses fautes, continue de mériter en ce monde aowe fiddité. Mais de toute maniére, partout et toujours, garden Ja mémoite de ce que nous venons de vivre afin de rester fidéles 4 la liberté, a ses droits comme A ses devoirs, et afin de ne jamais accepter, jamais, jue quelqu’ua, homme, si grand soi i, st wrt_qu’ll soit, pense pour Yous et vous conduite. Oubliez vos maftres, ceux qui vous ont tant menti, vous le savez maintenant, et les autres aussi, puis gus seat pas su vous persinder. Oubier tous lee ie maitres, oubliez les idéologies périmées, les concepts mourents, les slogans yétastes dont on veut encore contiauer de vous nourrir. Ne vous laissez, intimider par ancan des chantages, de droite ou de gauche. Et pour finit, n’acceptez plus de legons que des jeunes combattants de Budapest mourant pour la iberté. Ceax-1é ne vous ont bas menti en vous criant que Vesprit libre et le teavail ibre, dans unc nation libte, au sein d'une Europe libre, sont les seuls biens de cette terre et de notre histoire qui vaillent qu'on lutte et qu’on meure pour eux. Auserr Camus. DISCOURS DE LA SALLE WAGRAM (exrrarr) Ce gee Bt Espasa, nose i y a vingt ans, Ie Hongric le sera aujourd’hui, Les nuances. subtiles, les attifices de langage et les considérations savantes dont on essaie encore de maquiller la vérité ne nous intéressent pas. La concurreace dont on nous entretient entre Rakosi et Kadar est sans importance. Les deux sont de la méme race. Ils diffrent seulement pat leur tableau de chasse t, si celui de Rakosi est le pius sanglant, ce o’eSt pas pour longtemps. ACTUBLLES IL 1783, ‘Dans tous les cas, que ce soit le tueur chauve ou le peredenté ‘petsécuteur qui dirige la Hongrie, ae fait pas fe différeace quant a la liberté de ce pays. Je regrette 2 cetiggard de devoir encore jouer les Cassandre, et de Gécevoir les nouveaux espoits de certains confréres fntatigables, mais il n’y a pas d’évolution possible dans une société totalitaire. La terteur n’évolue pas, sinon Jers le pire, Péchafaud ne se libéralise pas, la potence West pas tolérante. Nulle part au monde on a’a pa voir ua parti ou un homme disposant du pouvoir absolu ne pas en user absolument. qui définie le société totalitaize, de droite ou de gauche, cest d'abord le parti unique et le parti unique f’a aucune raison de se détruire lui-méme, C'est pourquoi Ia seule société capable d’évolution et de libéralisation, la scule qui doive garder notre sympathie & la fois critique et agissante, est celle ov [a pluralité des partis est @institu- fiom Elle seule permet de dénoncer Pinjustice et le crime, donc de les corriger. Elle seule aujourd’hui permet de Génoncer la torture, Pignoble torture, aussi mépzisable a Alger qu’a Budapest. ‘Les tases de POceident sont inaombrables, ses crises cet ses fantes téels. Mais, fnalement, aoublions pus que nous sommes les sculs 2 détenit ce youre de pes -étion- hement et d’émancipation qui réside dans le libre génie. Nroublions pas que lorsque la socicté totalitaire, par ses rincipes ‘mémes, oblige ami & livrer Yami, la société MOceldent, malgté tous ses égarements, produit toujours cette ace d’hommes qui maintiennent Phonnext de Givre, je veux dice la race de ceux qui tendent Ja main & Pennemi lui-méme pour le sauver du malheur ou de la most. TLorsque le ministre Chepilov, cevenant de Paris, ose écrire que P« art occidental est desting & écarteler I’ame fhumaine et & former des massacteurs de route expece », illest temps deli répondreque aos écrivainset nosartistes, cus du moins, n’ont jamais massacré personne et qu’lls ont cependant assez de générosité pour ne pas accuser Ie théorie du réalisme socialiste des massacres couverts ov otdonnés par Chepilo et ceux qui Jui ressemblent. Ta vérité es cu’il y a place pour tout parmi nous, méme pour le mal, et méme pour les écrivains de Chepilor, mais aussi pour "honaeus, pour la vie ibre dv

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