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Troisième édition
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OCIAILES
64, boulevard Auguste-Blanqui
Troisième édition
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MAB.CEL WILLARD
MARCEL WILLARD 9
l'ennemi tremblaient à l'idée d'être obligés de rendre
des comptes.
10 MARCEL WXLLARB
MARCEL WfLLARB
AVANT-PROPOS
Troisième édition
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AVANT-PROPOS
est celui d'un Franco, d'un Grand Turc et d'un Mac Carthy. C'est
a u nom de l'Europe unie, de l'idée européenne qu'elles divisent
(( )),
AVANT-PROPOS $7
pitre; mais, après tout, n'est-ce pas le sort inévitabb d'un ouvrage
comme celui-ci d'être toujours inachevé 2
Des raisons du même ordre m'ont incité à consacrer un bref cha-
pitre a u x deux rnartgrs américains dont le ilestin tragique a souleod
vers eux l'admiration universelle, m a i s aussi la colère des peuples
contre un régime de terreur et de bellicisme proposé e n modèb au
prétendu monde libre u. Ethel et Julius Rosenberg ont ogert à tous
((
AVANT-PROPOS
DE LA DEUXIÈME GDITION
9
AVANT-PROPOS 19
l'exploitation d e l'homme par l'homme, une politique de prdpa-
ration agressive et de participation B la guerre c des mêmes
contre les mêmes 11, implique le cheminement des mêmes, par 2a
dictature policière, vers le f ascisme. U n f ascisme qui n'ose
avouer son nom.
Cette conjoncture de lutte aiguë, de lutte de classes à l'échelle
nationale et internationale, de lutte entre les forces invincibles
de libération et les oppresseurs, enire les camps de plus e n plus
i n é g a u ~de la paix et de la guerre, et dont l'enjeu n'est rien de
moins que l'existence des peuples et l'avenir de l'homme, confère
un regain d'actualité a u grand problème que posent les époques
de tension sociale et de terreur policière :
C o m m e n t un combattant révolutionnaire doit-il se conduire
lorsqu'il t o m b e au pouvoir de l'ennemi ? Quelle doit être son
attitude en présence de l'appareil d'État, et n o t a m m e n t de
ses juges ?
Constater l'actualité d u problème, c'est rappeler l'attention
sur l'enseignement et les exemples des grands révolutionnaires
de l'histoire. E t , avant tout, sur l'ezpérience contemporaine, celle
des meilleurs disciples de Marx, de LBnine et de Staline.
Au centre de cette expérience, le comportement d'un h6ros
prématurément disparu, Georges Dimitrov.
La victoire de Leipzig, qui, neuf ans avant Stalingrad, a
montré publiquement que le fascisme alors invaincu n'est pas
invincible et comment il peut être mis e n échec a u c e u r même de
sa citadelle, demeure l'exemple le plus concluant.
A u c u n succés ne fut arraché dans des conditions plus dures,
sur le terrain choisi par l'ennemi. E t le recul d u temps, loin
d'en réduire la portée, puissamment la consacre.
Toutefois, les dix-huit .années qui se sont écoulées depuis,
les douze années q u i ont suivi la première édition de cette étude
ont été si fécondes en événements et e n leçons qu'il n'était plus
possible de songer à une simple réédition.
Pendant ces dix-huit, ces douze ans d'histoire accélérée, notre
expérience française et internationale de 1a répression policière
et judiciaire, de l a résistance d cette répression, s'est singulière-
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AVANT-PROPOS 22
l'attitude, en immolant quelque peu les exemples, plus anonymes
et neanmoins probants, des militants de base et des travailleurs
sans parti, organisés ou non.
3. De préciser nos appréciations sur le rôle des avocats dans
la ddfefense politique. Depuis 1936-1938, il a évolué, surtout dans
les procès de masse. Et, s'il est toujours vrai que le militant doit
assumer lui-même la direction de sa propre défense, il ne
serait plus juste de cantonner automatiquement sur le plan
technique, juridique, ceux des avocats qui ont fait leurs preuves
et dont le militantisme a rompu toute amarre avec la formation *
28 LA D ~ F E N S EACCUSE
LES PRÉCURSEURS
DE BABEUF A LIEBKNECHT
Troisième édition
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BABEUF 35
toute conspiration, elle était A la merci d'un traître, et Babeuf ne
mbconnai~~ait pas ce danger inhérent à pareille entreprise.
~ & j &pourtant,
, la conjuration commençait B pénétrer une
artie du peuple et de l'armée, à Paris et dans certains centres de
P*ovince,
P lorsqu'un mouchard, le capitaine Grisel, membre du
militaire, dénonpa les conjurés.
Le 21 floreal an IV (10 mai 1796), chez le menuisier Dufour,
331, rue Papillon, ils étaient arrêtés.
Aussitôt, le Directoire, inaugurant une tradition qui allait deve-
nir classique, les calomniait, pour les priver du soutien des masses :
il leur prêtait l'intention de livrer Paris au pillage e t au massacre.
Et la presse gouvernementale (déjà !) crachait sur les vaincus.
Vaincus ? Babeuf ne s'avoue pas vaincu. Mieux: il menace. De
sa prison de l'Abbaye, il écrit aux membres du Directoire une
lettre orgueilleuse où, loin de nier son rôle, il exagére & dessein la
force de la conjuration et entend que l'on traite avec lui a de
puissance d puissance B.Que ces citoyens prennent garde : en cas
de procès, il se frit fort de démontrer que ce proeès ne serait pas
((
BABEUF 37
tempérament, son sens politique devaient le préserver de toute
opportuniste.
On a vu avec quel soin Babeuf s'est toujours applique & ne
compromettre aucun camarade et A ne pas renseigner l'ennemi sur
la
,. vie et l'activité de son organisation.
11 est un Second précepte de Lénine et de Dimitrov que Babeuf,
avant la lettre et guidé par son juste instinct, a remarquablement
: les défenseurs, loin d'être solidaires des accusés, contra-
riaient souvent leurs desseins ; ils s'efforçaient de noyer les débats
dans un flot d'incidents de procédure, qui n'avaient guére d'autre
effet que de les prolonger. Babeuf, Germain, Antonelle et Buonar-
roti ne se sont pas laisse égarer de leur voie par ces roueries de
robins et ils se sont défendus eux-mêmes. Ils ont défendu leurs
camarades, leur parti, leur cause.
Tandis que Darthé déniait à la Haute Cour tout pouvoir de le
juger, refusait de répondre et de se défendre, ces quatre hommes
n'hésitèrent jamais a glorifier l'action, les principes et les buts de
la conspiration, à s'honorer des fers qu'ils portaient et du danger
((
dont ils étaient menacés l 1). Si coincés qu'ils fussent entre la déci-
sion commune de ne pas avouer et les preuves écrasantes de l'ac-
cusation, on peut dire qu'ils se tracèrent et suivirent jusgu'au bout
une ligne de défense politique et courageusement révolutionnaire. Là
encore, leur exemple illustre et devance les traditions essentielles
de l'autodéfense révolutionnaire.
D'ailleurs, la Haute Cour fit, de son côté, ce que devaient faire,
au cours de l'histoire, tous les tribunaux contre-révolutionnaires
commis la besogne de juger des accusés révolutionnaires et
d'étouffer leur défense : elle s'efforça d'étriquer les débats, de les
enfermer dans les bornes du fait, d'interdire aux accusés toute
discussion politique.
Comme le remarque fortement Buonarroti, près d'un siMe et
demi avant le procès de Leipzig, le tribunal
ne fut que l'instrument de ceux qui, au mepris de la sou-
et
veraineté du peuple, s'étaient emparés de l'autorité supreme
par la violence et par la ruse 2. B
Le citoyen Gandon préside :c'est un exécutant m6diocre. Bailly et
1. BUONARROTI,ouv. ci$., p. 238.
2. Buorr~~ltao~r,
suo. cd., p. 217.
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naturels, parce que, n dans une cause qui intéresse le peuple, c'est
le peuple ou un tribunal choisi par lui qui doit prononcer ».
Il fletrit « le fameux Cochon3 a, ministre de la Police, n cet
homme de confiance de Louis XVIII D, sans que le président,
éberlué, songe i l'interrompre. Puis il exige la communication
préalable à chaque accuse de toutes les pièces d'instruction et de
tous les documents saisis. Le lendemain, Germain se joint B lui et
dbnonce avec plus de violence les illégalités et les calomnies dont
les accusés sont victimes ; il qualifie l'acte d'accusation de a tissu
d'infamies, œuvre exécrable de la plus noire, de la plus lûche rnéchan-
cet4 a, compare son auteur à « la dégofitante harpie Caléno, gui
imprimait le souillure et la fétidité auz choses que ses mains -tau-
chaient n, et déclare :« C'est au peuple que j9adressema défense; les
jurés, ses vrais représentants, la recueilleront 5 )B
Quand, le 6 ventôse, l'accusateur national Viellart prononça
son requisitoire haineux, les accusés, traités de scélérats, ne se
firent pas faute de l'interrompre. En vain le prbsident essayait41
de rétablir le calme. Babeuf, décide ne rien laisser passer, indigné
d'entendre l'accusateur falsifier et tronquer des textes, ne se laisse
pas retirer la parole ; il crie au président : n I l ne vous appartient
as de me dire de me taire. r E t à l'accusateur : Nous voulons qu'on
((
BABEUF
BABEUF
1. id., p. 43
2. l d . , p. 49
\
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BABEUF
4. I d . , p. 54.
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BLANQUI
46 LA DÉFENSE ACCUSE
n Oui, ceci est la guerre entre les riches et les pauvres; les riches
l'ont ainsi voulu, car ils sont les agresseurs. Seulement, ils trouvent
mauvais que les pauvres fassent résistance; ils diraient volontiers
en parlant d u peuple: u Cet animal est si féroce qu'il se défend quand
on l'attaque. 1) Toute la philippique de M. Z'aaocat général peut se
résumer dans cette phrase. )i
Il oppose les 30 millions de tmvailleurs, Qcras6s d'impôts, aux
deux ou trois cent mille privilégiés « qui dévorent paisiblement
les milliards prélevés sur la masse et se donnent des airs de victimes.
Il me semble que c'est la, sous une nouvelle forme et entre d'autres'
adversaires, la guerre des barons féodaux contre les marchands qu'ils
détroussaient sur les grands chemins ».
Que veut ce peuple détroussé ? Il n'a pas besoin d'aumônes :
u C'est de lui-même qu'il entend tenir son bien-être. D Ce qu'il veut,
ce sont des lois faites pour lui, (( parce qu'elles le seront par lui n : le
suffrage universel d'abord.
u Voilà comment nous entendons la République; pas autrement. a
Cet homme qui fait entendre un langage qu'on n'avait guère
entendu depuis Babeuf, ce dénonciateur de l'injustice fiscale et
sociale, va être acquitté par le jury. Mais la cour, qui ne lui par-
donne pas les vérités qu'elle a dû subir, le condamne Q un an de
prison et deux cents francs d'amende. a Ce n'était pas la peine de
nous faire venir ici 1 n proteste un juré.
Quel est donc cet accus6 indomptable ? C'est Louis-Auguste
Blanqui, fils d'un conventionnel girondin.
Blanqui ! C'est par le vieux Buonarroti qu'il a reaueilli l7h8ritage
de Babeuf,
Blanqui 1' « enfermé n ! La plus grande figure du mouvement
prolétarien français pendant plus d'un demi-siècle. ' Un demi-
siècle de souffrance et de combat sans relâche ! Trente-sept années
dans les prisons de la monarchie, du second Empire et de la RBpu-
blique (y compris la troisième, celle des Versaillais) ! En butte aux
persécutions de tous les régimes, il a tenu en échec leurs geôliers,
leurs polices, leurs magistratures courbées. Il a voue sa vie de
militant et de reclus inébranlable la cause de la liberté, de la
révolution libératrice.
Si ses conceptions relèvent encore du socialisme utopique et
sectaire, il a eu le mérite de déceler1 l'existence et l'importance
4. Peu aprbs la victoire populaire ,confisqu6a par les banq&= philippards,
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de juillet 1830 (victoire à laquelle il avait participe les armes à la main), c'est
lui qui, tout jeune encore, en 1832, disait à la si: Société des amis dia peuple B :
e II m jaut pas se dhsimuleP qu'il y a guerre à mort entre les classes pi composent
la nation. D
1. Néanmoins, dans la mesure oh Blanqui a sous-estimé l'importance de l'action
de masse, des organisations de masses, il a laissit le champ libre à l'influence
proudhonienne.
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BLANQUI 49
Pour commencer, 400 arrestations. Puis la sanglante répression
de juin :le prolétariat parisien, isolé de la petite bourgeoisie et de
la paysannerie, &ait écrasé par les troupes de Cavaignac. Cavai-
gnac déblayait la voie devant Louis-Napoléon. La République
embourgeoisée faisait le lit du dictateur.
La réaction rassurée, triomphante, ordonne la mise en accusation
des hommes du 15 mai. Un décret du ministre Odilon Barrot les
défère à la Haute Cour nationale. Cette Haute Cour, instituée six
mois après les événements dont elle avait à connaître, devait après
coup aggraver le sort de ces hommes par son caractère de juri-
diction spéciale et sans recours : violation grossière du principe
qui s'oppose à l'application rétroactive des textes pénaux. Le
peuple eut beau protester ...
La détention préventive avait duré neuf mois : une fois de plus,
Blanqui s'était insurgé contre l'instruction secrbte, qui n'a jamais
((
BLANQUI 51
Faussement chevaleresque, Raspail a tendu la main ... e t l'autre
joue à ceux qui vont le condamner sans égards :
« S i vous nous condamniez, croyez-vous que nous vous e n vou-
driom ?... S i vous noas condamnez, quand nous sortirons de ces
lieux où oous nous enverrez pourrir ... nous irons vous tendre la m a i n
et vous la prendrez, car le passé sera oublié et l'avenir commencera. a
Mais la manière onctueuse n'a jamais valu B celui qui l'emploie
le résultat escompté : cet échange de Beurs et de sourires n'a pas
-
préservé Raspail de ses six ans de détention ! La lâcheté n'est
jamais sage, a dit Anatole France,
Blanqui, lui, n'est pas de ceux qui courbent l'échine devant les
puissants du jour : un peu moins brutal, un peu moins cassant
peut-être à l'égard des jurés que lors de ses premiers procès, plus
maftre de lui, plus souple d'esprit, plus habile, mais toujours aussi
ferme, aussi digne, aussi viril, il s'adresse, par-dessus les têtes
qui sont là, au peuple de France, seul juge naturel qu'il reconnaisse
et réclame :
Je suis devant oous, messieurs les jurés, et ce n'est pas à vous
que je parle, c'est à la France, la seule Haute Cour de justice que je
connaisse et dont les arrêts ne sont pas susceptibbs de cassation l. D
La dbfense de Blanqui est exclusivement politique :
(( Nous sommes traduits devant la cour comme des hommes poli-
tiques; il faut donc que nous nous d&/endions comme des hommes
politiques »
Barbès, a la fin des débats, s'est ddshonoré en donnant libre
cours sa haine contre son compagnon de chaînes Blanqui. Au
lieu de faire face à l'ennemi commun, il n'a pu résister à son désir
de ressusciter, contre celui en qui, même à cette heure, il n'a vu
qu'un rival, un document calomnieux d'origine policière, qui
n'avait sali que ceux qui en avaient fait usage. Incident pénible,
spectacle désastreux, dont seul pouvait profiter et se réjouir
l'autre côté de la barricade.
Autant Barbès est 17hornrnedes grands mots, des grands gestes,
des attitudes multiples, autant Blanqui est l'homme d'une seule
attitude, et sa parole, moins sonore, est beaucoup plus directe,
populaire, substantielle : il ne parle que pour dire quelque chose,
1. Id., p. 614.
2. BLANQUI : Man intérêt est ce gui me touche le moins. Id., p , 615
3. Id., p. 615.
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CCUSE
et, dédaignant les coups regus dans le dos ou les morsures au jarret,
il ne connaît qu'un ennemi, il sait lui faire front1. Comme s'il
avait prévu l'incident du lendemain, il disait fièrement A la cour :
« Debozzt sur la brèche pour défendre la cause du peuple, les coups
que j'ai reçus ne m'olzt pas atteint e n face; assailli sur les flancs, par
derrière, moi, je n'ai fait tête que d u cdté de l'ennemi,sans me retourner
jamais contre les attaques aveugles, et le temps a trop prouvé que les
traits lancés sur moi, de n'importe quelle main, sont tous allés au
travers de mon corps frapper la révolution. C'est Id m a justification
et m o n honneur.
11 C'est enfin cette conscience du devoir accompli avec calme et
ténacité q u i m'a soutenu la tête haute d travers les plus cruelles
épreuves. Le jour des détrompements et des réparations arrivera:
que ce jour ne doive briller que sur u n cachot, peu m'importe, il me
trouvera dans m o n domicile habituel, que j'ai peu quitté depuis douze
ans. La révolution victorieuse m'en avait arraché un moment; la
révolution trahie et vaincue m'y laisse retomber 1)
11 refuse de jouer le rôle d'un Raspail et d'atténuer sa partici-
pation à la journée du 15 mai. S'il est venu àl'Assemblée sans aucun
optimisme, est-ce une raison pour le représenter, comme l'a fait
le procureur général, comme entrant malgré lui dans la salle, mon-
tant malgré lui à la tribune et prononçant un discours malgré lui ?
« C'est un peu boulqon, un peu grotesque ... Je n'ai pas pensé qu'il
fallait dire des sottises parce que des sottises étaient faites ... »
E t lorsque Blanqui conclut en disant que si, en dépit de l'opinion,
qui sait que les vrais coupables ne sont pas sur ces bancs, une
condamnation était prononcée, « ce serait ... une chose fâcheuse
pour tout le monde, et la Haute Courde justice laisserait dans l'histoire,
dès son apparition, une trace malheureuse et ineoaçable i , des appiau-
dissements éclatent dans l'auditoire.
Le 2 avril, six accusés (dont le mouchard Borme) étaient acquit-
tés. Barbès et Albert étaient condamnés à la déportation, Blanqui
A dix ans de détention, les autres a cinq, six OU sept ans de la même
peine. Le lendemain, les contumax étaient condamnés à leur tour.
Des lors, la vie de Blanqui s'écoule de prison en prison et se
partage entre le travail, la conspiration et les tentatives d'évasion.
1. Admirons la sobre et hautaine dignité de sa riposte Barbès :a J'ai d u moins
la conscience de n'avoir 'amuis sdparé ma défense de celle de mes coaccusés: cette
conscience me sufit B (~d.,p. 745.)
2. Gustave GEFFROY: L'Enfer&, p. 175, Paris, Fasquelle, 1897.
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l
Amnistié le 15 août 1859, il combat le second Empire. Le 14 juin l
1
i
1861, devant le tribunal correctionnel de la Seine, au président
qui lui demande si, malgré ses vingt-cinq ans de prison, il a conservé
ses idées et le désir de les faire triompher, (( Oui, répond-il, jusqu'dr
1
La mufi. ))
I
1
Le 31 octobre 1870, apprenant la reddition de Bazaine, le peuple 1
BLANQUI 55
11 n'a pas su apprécier l'importance, pour la révolution,
du développement de la conscience de classe prolétarienne
e t de l'élévation de son degré d'organisation, en tant
que condition indispensable pour la victoire future du
communisme l.
,
vendent là 02 on peut vendre le plus cher l. D Mensonge que leurs $1
(( illusions vieillottes n, qui dataient d'un ordre de production il
1:
droit, dès lors, l'ancienne société (la Diète) a-t-elle pr4tendu dicter :i
des lois à la nouvelle, i( qui cherchait dans la Réuolution le moyen '1
?I
de fonder son droit n ? ,,!
(1
Défendre le droit, est-ce c défendre des lois qui appartiennent 9
une dpogue historique passée ... n ? Mais r la société n e repose pas
f8
sur la loi... C'est l a loi qui doit se fonder sur la société. Elle doit être
I
$1
l'expression de ses intérêts, de ses besoins communs u.. Née d'une I:
situation donnée, elle doit disparaître avec elle. « Béjendre les I
1
particuliers qui ne sont plus de saison contre l'intérêt général qui ,,l
convient a l'époque 5. N
Cette défense des anciennes lois n'ayant d'autre fonction que :l
de faire prévaloir des intérêts spéciaux qui ne sont plus dominants, il
1. Id.,
2. Id.,
p. 219.
p. 220, !:1
i
C l
3. Id., p. 220.
4. Id., p. 220. I I
i ,
;1
5. Id., p. 225.
t:
0 I
Troisième édition
1. Id., p. 222.
2. Id., p. 222.
3. id., p. 225.
4. ild., p. 231.
5. Id., p. 232.
6. Id., p. 233-236.
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LA P R E M I ~ R E INTERNATIONALE
ET LES TROIS PROC&S DE PARIS
LA D ~ F E N S EACCUSE
Cette fois, c'en est trop : cet appel est tenu pour une déclaration
de guerre. Et, sous la prévention paradoxale d'avoir été, soit chefs
ou fondateurs, soit simples membres d'une société secrète ( !),
trente-huit militants de l'Association vont comparaître le 22 juin
devant la sixième chambre du tribunal correctionnel de la
Seine.
Le 30 juin, le jour même où Émile Ollivier annonçait avec tant
d'à-propos la paix européenne, la défense collective fut présentée
par le tourneur en cuivre Chalain. Société secrète, l'association
la plus connue, la plus nombreuse, la plus discutée dwmonde ?
Société secrète, celle dont chaque résolution est publiée par ses
vingt-cinq journaux et dénigrée par tous les journaux bourgeois ?
Que veut l'Association ? L'affranchissement des travailleurs
par les travailleurs eux-mêmes. Plus de n sauveur intéressé, plus
))
LA P R E M I ~
humaine )).
c Oui, les prolétaires sont enfin las de la résignation! Ilssunt las
de voir leurs tentatives d'émancipation toujours comprimées, toujours
slsioies de déceptions; ils sont las d'être les victimes du parasitisme,
de se sentir condamnés à un travail sans espoir, à une subalternisation
sans limites, de voir toute leur vie dévorée par la fatigue et les priua-
tions, et ils sont las de ne ramasser que les miettes d'un banquet dont
'.
ils font tous les frais 1)
Les travailleurs repoussent la guerre de toutes leurs forces, et
le temps n'est pas éloigné où l'Internationale rendra, en dépit des
velléités gouvernementales, toute guerre impossible a n. Ils protestent
contre l'emploi de la force armée au service du Capital, « de la
féodalité industrielle et agricole, non moins odieuse que l'ancienne 4 ».
On les injurie en les traitant de pillards et de partageux.
Ce qu'ils veulent, c'est se gouverner eux-mêmes, sans inter-
médiaire ;c'est la liberté, c'est l'abolition de l'usure, des monopoles,
du salariat, c'est l'instruction intégrale. ..
u Quel que soit votre verdict, nous continuerons, comme par le
passé, à conformerouvertement nos actes Ùnos convictions républicaines
et socialistes =.))
Et Chalain conclut par un acte de foi dans l'Internationale invin-
cible, expression de la République sociale et universel1e.
Au cours des débats, il y eut d'autres interventions courageuses
qui méritent d'être citées :
Fournaise se vit retirer la parole pour s'être fait gloire
d'avoir été parmi les fondateurs de l'Internationale et d'avoir été
condamné.
L'ouvrier ciseleur Theisz se vit également imposer silence pour
1. Id., p. 103.
2. Id., p. 10.4.
3. Id., p. 105.
4. Id., p. 106.
5. Id., p. 106,
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70 LA DEPENSE ACCUSE
STALIME BRISEUR
n Gardez les &aines, leur crie-t-il, eltes noas serviront pour en&-&
ner le gouvernernent du tsar. »
Il n'avait pas encore trente ans... Mais déjà, derriére lui,, quinze
ans de vie militante I Et, neuf années plus tard, sa prediction
s~accomplissait: grâce à des hommes d'acier tels que l ~ i , ~ t eque
ls
son maître Lénine et leurs compagnons de lutte, les épaules meur-
tries - des travailleurs russes allaient secouer leurs chaînes et, pour
toujours, s'en décharger.
Depuis lors, tous les peuples ont su que leurs chalnes sont
brisables ...
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Les deux grands procès qui dominent l'époque sont celui des
Cinquante et celui des Cent quatre-vingt-treize. Ils ont eu lieu
l'un et l'autre en l'année 1877. Chacun d'eux a imposé au respect
universel une belle figure révolutionnaire : celui des 50, le tisserand
Alexéiev ; celui des 193, l'intellectuel Michkine.
Les 193 propagandistes qui furent condamnés le24 janvier 1878
n'étaient pas groupés dans une organisation homogkne : ils appar-
tenaient à cette jeunesse intellectuelle qui s allait au peuple >t et
n'étaient liés que par une certaine communion de foi révolution-
naire. Au cours de ce grand procès, leur porte-parole le plus remar-
quable et le plus courageux fut Hippolyte Michkine.
Malgré les interruptions incessantes du président, qui prétendait
le confiner dans son rôle d'accusé et lui interdire toute attaque
dirigée contre le régime tsariste, Michkine réussit à exposer, pour
l'édification du peuple, l'essentiel des idées professées par le mou-
vement, à dénoncer la politique de l'autocratie. Il soutint sa lutte
émouvante jusqu'à son expulsion de la salle d'audience.
c Maintenant, il est évident pour tout le monde qu'ici, à chaque
mot sincère, on ferme la bouche au prévenu. Maintenant, j'ai parfai-
tement le droit d'alfirmer que ce n'est pas une justice, mais une comé-
die, voire quelque chose de pire, de plus répugnant, de plus honteux...))
A ces mots, les gendarmes s'emparent de Michkine, lui ferment
la bouche. La voix étouffée, il achève dans un souffle :
(( ... qu'une maison de tolérance. Là, des femmes pressées par la
misère vendent leurs corps; ici, des juges enfoncés dans l'ignominie,
dans la servilité,'mus par l'appât de l'avancement et de hauts traite-
ments, vendent la vie d'autrui, prostituent la vérité et la justice, ce
qui est le plus sacré pour l'humanité 2. r
On l'arrache de son banc, on l'entraîne. Dans l'auditoire, le
scandale est tel qu'on fait évacuer la salle.
Quelques mois plus tôt, en février-mars 1877, on avait entendu
et RAMBAUD
1. LAVISSE : Histoire générale, 2e édit., t. XII, p. 393.
2. TCHERNOMO R D I B : L'Attitude des Bolchéoiks devant les juges, Bureau d'gdi-
t h , Paris, 1932.
Troisième édition
1. Id., p. 31.
2 . Id., p. 35.
3 . Id., p. 33.
Troisième édition
masses qui leur ont donné naissance, les ont nourris et les ont
éduqués o ; de ces militants invaincus et invincibles qui, sous la
direction de Lénine et de Staline, allaient prouver au monde que,
dans la guerre comme dans la paix, il n'est pas pour eux de for-
teresse imprenable.
C'est de cette expérience vieille d'un demi-siècle, adaptée B
l'état mouvant des rapports de forces, que Lénine, en 1905, à la
veille de la première révolution, posait clairement e t fortement les
premières données.
La stratégie de la répression variait : la stratégie de la défense
devait, elle aussi, se renouveler. Au courage, il fallait associer la
souplesse, l'esprit d'initiative, pour assurer à l'énergie révolution-
naire son meilleur rendement.
1: Id., p. 34.
2. ..Id.; p. 35.
3. S T A L ~ :BP& une formation boZcMoik, p. 44. Editions sociales, Paris,
1948. Voir aussi la condusion de l'Histoire du P. C. ( b ) de t'U. R. S. S.
Troisième édition
/
Troisième édition
nom pour des années au cachot et, le jour o ù nous e n sortirons, vous
devrez nous condamner de nouveau, car nous serons tout aussi cou-
pables qu'aujourd'hui. V o u s pouvez envoyer nos personnes en prison,
m a i s n o n le socialisme. Il est au-dessus de vous, comme il est au-
dessus de nous ! ))
vos collègues quz ont travaillé à la sueur de leur front pour faire
infliger soixante mois de prison à mes camarades de la presse socia-
liste. Avez-vous jamais entendu dire qu'un seul de ces pécheurs ait
pris la fuite par crainte d u châtiment ? Croyez-vous que cette accumu-
lation de peines ait agi, ne fût-ce que sur un seul de ces socialistes, de
façon à le troubler dans ses convictions o u dans le sens qu'il a de son
devoir de classe ?Que non! Notre œuvre se rit des pièges que tendent VOS
articles et paragraphes; elle croît et prospère malgré tous les procu-
reurs. 1) l
Rosa Luxembourg fut condamnee à un an d'emprisonnement: l
Mais lorsqu'elle eut purgé sa peine, pendant la guerre, le gouverne- l
1
l
i
j
Troisième édition
..
l'acte d'accusation. C'est alors qu'il accuse 4. son tour. Dans son
admirable réponse, il démasque les véritables traîtres à l a patrie.
(( ... Je n'ai pas à me défendre, dit-il. J'afirme ici sans restriction
m a foi dans le socialisme international, m a foi e n la politique que j'ai
menée publiquement devant le pays tout entier depuis des années; je
maintiens chaque syllabe de la feuille volante que j'ai distribuée à la
Potsdamer Platz; je répète de toutes mes forces le cri que j'y a i lancé :
a A bas le gouvernement !A bas la guerre! u Je souligne chaque mot de
m a requête envoyée à la Kommandantur le 3 mai, chaque mot que
j'ai prononcé a u Parlement sous les huées de rage de mes adversaires.
J e n'ai pas d me défendre. Mais, puisqu'il est question de trahison
envers la patrie, je dirai ce que j'en pense.
u La trahison envers la patrie a été, depuis toujours, le privilège
des classes dirigeantes, des princes, des aristocrates :elle est dans leurs
traditions. Les vrais traîtres à la patrie ne sont pas assis aujourd'hui
au banc des accusés. I l s sont assis derrière les comptoirs de l'industrie
lourde, derrière les comptoirs des fournisseurs de munitions, dans
les grandes banques, dans les propriétés rurales des junkers. On les
voit Ù la Wilhelmstrasse, dans l'allée des Tilleuls, dans les palais des
ministres et des princes, dans les châteaux et sur les trdnes.
B Les vrais traitres à la patrie, ce sont, e n Allemagne, les membres
responsables et irresponsables d u gouvernement...
n Ce sont eux q u i ont jeté l'humanité dans un chaos de violence bar-
bare, eux qui transforment l'Europe e n un amas de décombres,
l'enveloppant dans une atmosphère de mensonge et d'hypocrisie, 022 la
vérité est aveuglée et étout7ée. Ce sont eux gui continuent et continue-
ront cette action infernale jusqu'ù ce que les masses blessées et asservies
arrêtent leurs Bras.
)) Les vrais traitres à la patrie, ce sont ceux qui, ayant intérêt & la
qui pique une crise! 11 se réclame d u (( peuple 1) contre moi. &fais osez
donc faire appel a u peuple, n o n pas en paroles seulement, non pas
derrière les portes d7u n tribunal dix fois verrouillées et e n vous cachant
d u peuple !Enlevez donc au peuple les chaînes et les garrots de l'état de
siège !Rassemblez-le, ce peuple, ici ou e n tout autre lieu; rassemblez les
soldats sur le champ de bataille, où vous voudrez. E t f a i t s - m o i
comparattre devant cette assemblée, devant ce tribunal. D'un côté,
vous tous, le tribunal, le procureur général et aussi ces messieurs de
l'état-major, d u ministère de la Guerre et du bureau de-la presse et qui
vous voudrez encore !De l'autre, moi tout seul ou l'un de mes amis. De
quel côté sera la masse d u peuple, une fois que le voile d u mensonge sera
arraché de ses yeux? De votre côté ou d u mien? Je ne doute pas de la
réponse !
11 A bas le gouvernement !A bas la guerre !r
Ce n'est pas en vain, Karl, que t u t'es adressé au peuple. Tu
seras enfermé pour deux ans ; mais c'est ce peuple en qui t u crois
et qui, lui aussi, croit en toi et, par toi, en sa cause, c'est ce peuple
qui, deux ans plus tard, viendra te libérer, comme il viendra
libérer Rosa.
Ce seront les journées révolutionnaires de novembre 1918,
puis, en face de la trahison social-démocrate, les efforts héroïques de
ce groupe Spartakus dont t u seras le chef.
En janvier 1919, l'insurrection berlinoise écrasée, Karl et Rosa,
vous serez abattus par les ennemis du peuple et par ceux qui le
trahissent.
Mais ce ne sera pas non plus en vain que, chaque année, tous les
prolétariats de l'univers célébreront pieusement votre mémoire :
vous serez deux de ces trois L 1) dont le troisième sera Lénine et que
((
AURICE THOREZ
avait vingt-neuf ans. Condamné à six mois
d'emprisonnement pour avoir dénoncé les desseins gouverne-
mentaux d'agression contre l'union soviétique, il échappait
,depuis deux années ii la police et menait la vie clandestine sans
interrompre son travail de militant. C'était l'époque où l'ennemi,
non content de frapper le Parti communiste français de l'extérieur,
avait réussi à faire pénétrer dans ses rangs et jusque dans sa direc-
tion des agents tels que Doriot, Barbé et Célor.
Pendant l'été de 1929, la police, renseignée par trahison, cernait
l'immeuble où siégeait le Cornit6 central et arrêtait Maurice
Thorez.
Transféré à Nancy, où il allait subir une condamnation supplé-
mentaire, il parvient à forcer le respect de ses geôliers.
Il est bon de lire et relire, dans Fils du peuple l, le chapitre dans
lequel il raconte comment il imposait le respect, non seulement aux
gardiens de prison, mais au magistrat qui s'était permis de le héler
grossièrement et, n'obtenant de lui ni réponse ni regard, de faire
irruption dans sa cellule :
- Monsieur, lui dis-je avec le plus grand calme et la
plus grande fermeté, veuillez sortir immédiatement...
- Vous ne savez pas à qui vous parlez ... J e suis le juge
d'instruction I
- Et, moi, je suis un ouvrier communiste, w ditenu
politique qui n'a rien à faire en ce lieu avec un juge d'instruc-
tion. Sortez;!
Il n'insista pas et sortit a.
'
Maurice Thorez nous relate également la leçon de courtoisie qu'il
a donnée à un avocat qui était entre brusquement au parloir, le.
chapeau sur la tête.
:Fi& du peuple, $ditions sociales, p. 61.
1. Maurice THOREZ
2. Idem, p. 62.
Troisième édition
LA BATAILLE
Troisième édition
Troisième édition
ATAILLE DE LEIPZIG
LA BATAILLE DE LEIPZIG
1. Id., p. 18.
Troisième édition
LA D ~ ~ E N SACCUSE
E
mais que je ne serais pas libéré, que, sous n'importe quel prétexte,
on allait m'exterminer... r
En tout cas, son destin est clair et il le regarde en face, froide-
ment.
Il est au secret le plus absolu, isold du monde extérieur. Aucun
défenseur, aucune aide juridique ; il ignore le droit et la procedure
allemande. Tous les avocats étrangers dont sa famille a sollicité le
concours se sont vu refuser net l'autorisation de l'assister. Le seul
avocat allemand sur lequel il croyait pouvoir compter se voit forcé
de se démettre.
Il ne sait pas ce qui se passe autour de lui :pas de journaux étran-
gers, pas même encore de journaux allemands. Pas de livres.
Pas un pfennig pour acheter un manuel ou un dictionnaire, pour
améliorer l'ignoble ordinaire de la prison. Et trente-cinq anndes de
vie militante ont usé son organisme, altéré sa santé.
Les calomnies immondes auxquelles il lui est interdit de répondre.
La mort de sa femme. d ' e s t la plus grande perte,le coup le plus dur
que j'aie reçu de ma vie *. a
Tout autre oonnaitrait des heures de profond découragement.
Mais un Dimitrov ne se laisse ni réduire ni déprimer. Pas un instant,
il ne s'avoue vaincu ; pas un instant, il ne doute de sa tâche, du
succès de sa cause.
Il sait dompter en lui tout instinct de conservation, refouler tout
réflexe Bgoïste ;il sait faire le sacrifice de sa liberté, de sa santb, de
sa vie, faire abstraction de sa personne,
LA BATAILLE DE LEIPZIG
2. Id., fac-simile, no 6. i:
i
Troisième édition
110 LA D ~ G F E N S E
ACCUSE
Mais ce n'est plus ici le sort d'un homme ou le sort d'un pays qui
se joue : c'est le destin des classes, le destin de l'espbce humaine.
Et, pour Dimitrov, «être)),c'est vouloir, c'est agir. Contempler, c'est
regarder en face.
L'enseignement de H amlet, ce rêveur condamn6, c'est du moins la
lucidité, le courage de penser jusqu'au bout, la franchise envers soi-
même. Aussi n'est-il aucunement paradoxal que le bolchbvik
Dimitrov ait choisi dans ce drame immortel cinq vers c&l&resdont
il a fait sa devise :
Avant tout, sois sincère envers toi-même.
Aussi infailliblement pue la nuit suit le jour,
T u ne pourras alors tromper personne1.
Il lui demande de faire ce m'il faut Dour aue lui soit remise la
documentation élémentaire 'qui lui &anq<e (décisions de la
X I I P Assemblée plénière et programme de l'Internationale com-
muniste, décisions du Parti communiste allemand, documents
relatifs à l'attentat de l'église de Sofia). Or on sait dans quel sens
s'exerça l'activité du Dr Teichert !
Aux yeux du Dr Teichert, la défense de Dimitrov devait être
strictement limitée il la démonstration, par témoins, que, les ((
LA BATAILLE DE LEIPZIG
bonne humeur qui glace, une politesse qui claque comme une
lanière de fouet :
r P.-S. - Bien que je ne sois pas un juriste, je crois en savoir
assez long pour comprendre qu'un définseur commis n'a pas besoin
de recevozr de l'accusé ses directives. Bien entendu, je n'ai jamais eu
pareille intention. Mais, par contre, le défenseur désigné d'oflce
n'est pas un supérieur de l'accusé et, dans l'espèce, il n'a pas à agir
selon ,le principe autoritaire, dit Führerprinzip. Une entente réci-
proque du défenseur et de l'accusé est ici absolument indispensable.
Autrement, l'accusé peut renoncer d la faveur d'une défense obstinée
et préférer se défendre lui-même, fût-ce tris imparfaitement ? a
A la lecture de ces mots, on peut admettre que le crâne rougie-
sant du Dr Teichert ait été pén6tré d'une idée claire, que son cer-
veau de serie et d'ofice ait compris ce que parler veut dire. Mais
on verra que ce malheureux auxiliaire de la justice brune avait
encore beaucoup B apprendre.
C'est seulement après le commencement des débats et lorsque
le tribunal eut successivement refusé d'admettre & la défense les .
avocats étrangers choisis par Dimitrov, c'est seulement alors que
Dimitrov renonça publiquement ii l'assistance du Dr Teichert.
Cette premiére offensive contre la défense d'office visait égale-
ment le tribunal e t ses refus : elle avait une valeur de protestation,
de représailles.
c'est a ce moment que mon nom fut proposé. On sait que le tri- /
bunal devait m'opposer la même fin de non-recevoir. 1
a L a renonciation a u défenseur d'office, m'a dit Dimitrov, avait, d ;
ce moment déjd, une grande importance politique.
D Le premier jour d u procès, je rencontrai Popov dans le couloir
et je lui dis rapidement :a II nous faut renoncer a u défenseur d'office. D
11
J e savais que l'avocat librement choisi par Torgler ne pouvait que i'
nous nuire. Popov me répondit: (( C'est, impossible: nous ne pouvons 4
Ce qui, dans toute cette affaire, m'a paru le plus étonnant, c'est
l'imprudente sottise des autorités hitlériennes, qui, ayant dépensé
tant de soins & prbparer, à mettre en scbne la double provocation
de l'incendie et du procès, n'avaient négligé qu'une chose : la
psychologie de leurs victimes, n'avaient sous-estimé qu'un détail :
le génie du communisme, le génie de Dimitrov.
Quand on relit les écrits, les déclarations OU Dimitrov s'&ait
déjà révélé pendant six mois d'instruction, on reste confondu
devant ce fait que, le 23 septembre encore, les magistrats commis
à la besogne de le juger ne se doutaient nullement de l'homme qu'il
était.
S'ils s'en Qtaient dout6s, l'auraient-ils interrogé tout de suite
après Van der Lubbe, avant les trois autres coaccusés ? Lui
auraient-ils offert ainsi, dès le début, cette occasion de s'imposer,.
de dominer les débats, de leur donner le ton, de créer un climat où
devait,s'épuiser leur rage impuissante ? E t la première interven-
tion de Dimitrov les eût-elle surpris comme une bombe ?
Ces juges, ces procureurs, ces avocats, ces chemises brunes,
ces journalistes de tous pays s'attendaient& B- cette entrée
Troisième édition
LA D ~ ~ ~ E NACCUSE
S E
1. Id., p. 82-84.
2. Id., p. 85,
Troisième édition
1
1
Troisième édition 1
I
LA BATAILLE DE LEIPZIG: 127
audience qui eut lieu à Berlin, le 4 octobre, que Dimitrov signifia
sa décision d'être désormais son propre défenseur.
E t il eut A faire face, non seulement au procureur et aux juges,
mais Zi l'avocat d'office (qui se prévalait de la faiblesse, à son
endroit, des deux autres accusés bulgares) et au Dr Sack, l'avocat
choisi par Torgler, qui tous deux se partageaient la besogne. L'un,
Teichert, se bornait D à saboter la défense politique de (( son
((
LA BATAILLE D E LEIPZIG
LE CERCLE DIABOLIQUE.
LA BATAILLE: D E LEIPZIG
Troisième édition
138 LA E ) I ! ~ ~ SACCUSE
E
LA BATAILLE D E LEIPZIG
LA BATAILLE D E LEIPZIG
LA BATAILLE DE LEIPZIG
DÉCLARATION
FINALE DE DIMITROV
2. LA DÉFENSE ACCUSE.
pourra contenir.
Dimitrov s'attaque au mythe central, au sophisme sanglant,
sur lequel est fondée l'accusation, la provocation judiciaire, qu'il a
déjA mise si mal en point !
L'incendie, fanal de l'insurrection, de la destruction du Reich,
de la dictature prolétarienne ?
C'est la thèse du procureur gihéral Werner.
E t Dimitrov de rappeler quelques précéde,nts fameux, parmi
lesquels l'assassinat, en France, du président de la République
Doumer, l'attentat de l'église de Sofia (que le mi?'istère du mensonge
a osé imputer il Dimitrov !), les incendies allemands de Poméranie
(dont il démasque les instigateurs capitalistes, avec leurs mobiles
crapuleux).
Puis il énumére quelques faux, quelques falsifications que nous
a transmis l'histoire : la lettre Zinoviev D de 1926 en Angleterre,
((
1. id., p. 134.
2. Cette dernibre citation fit sursauter le prbsident,.qui interrompit Dimitrov
en disant que cela depassait les limites d'un debat judiciaire I
Troisième édition
LA BATAILLE D E L E P Z I G
LA BATAILLE DE LEIPZIG
B nu avant d'y porter le coup de grâce : Lubbe n'a pas dté seul. B
((
Lui-même 3. 1)
12. Avant de retracer le « cercle diabolique des témoins A
charge i ) , Dimitrov désarticule ironiquement le mécanisme de '
1. Id., p. 141.
2. Id., p. $42.
3. Id., p. 142.
Troisième édition
1. Id.,"p. 142.
2. Id., p. 143.
3. Id., p. 143-148,
Troisième édition
C
3 . Id., p. 146,
2. I d . , p. 146.
3. Id., p. 146. C'est A cet instant que le prbsident Bünger, qui s'était déjà levé,
rêt à sortir, dès lyévocation des mots historiques de Galilée, retire définitivement
parole A Dimitrov, que les Schupos empoignent et forcent B se rasseoir. Les
paroles qui suivent et que nous extrayons des notes de Dimitrov n'ont donc pas
Bté prononcées : ce sont celles que le tribunal a fuies:
4. Jd., p. 146-143
Troisième édition
1. Id., p. 150.
2. Id., p. 148.
3. Id., p. 15 et suiv., document ne 48.
Troisième édition
LA BATAILLE D E LEIPZIG
Troisième édition
DISCIPLES ET MULES
DE THBLMANN A PRESTES
Troisième édition
Troisième édition
...
11 serait ridicule d'identifier la clique de Hitler
avec le peuple allemand.
STALINE, 23 février 1942.
Quoi qu'il advienne, nous sommes les vainqueurs
de demain!
Fiete SCHULTZE.
Militant j'ai vécu, militant je mourrai, criant une
dernière fois : Vive le communisme J
Edgar ANDRB.
ACCUSE
1. Quatorze ans plus tard, le 13 octobre 1949, dans son télégramme historique
à Wilhelm Pieck et A Otto Grotwohl, Staline a déclaré : a ... JI n'est pas douteux
que l'existence d'une Allemagne démocratique et éprise de paiz à côtd de l'exis~ence
-
d'une Union soviétique &prise de pais ezclut la gossibilitd de nouvelles guerres en
...
Europe a
Troisième édition
i
1
*
Troisième édition
camarades, leur dit-il alors ; je vois que vous n'avez rien oublié. D
Les gardiens l'entraînent. Mais les camarades ont compris ce que
signifie, sous la plaisanterie, le mot d'ordre alignement à gauche. 1)
((
terreur individuelle, bien que cette méthode ftît appliquée par nos
ennemis, les nationaux-socialistes. Nous étions et sommes adversaires
de la terreur individuelle, parce que son application empêche de mobi-
liser les masses, parce qu'elle isole des masses. u
Le président l'interrompt, parce qu'un tel ton e est inadmissible
de la part d'un accusé ». C'est ce ton qu'il va relever chaque fois
qu'André réfutera, accusera l'accusation I
Edgar Andrk n'en dit pas moins ce qu'il a à dire ; à cet effet,
Troisième édition
les fils et toutes les filles de m o n peuple vivent libres et heureux. Voilà
pourquoi j'ai, communiste, consacré toutes mes forces a u referendum
contre le réarmement allemand. 1)
Et Neumann conclut sa déclaration finale en ces termes/: ./
tion est sous presse, les juges de Karlsruhe ont à connaître d'une requête gou-
vernementale tendant à la mise hors la loi du Parti communiste allemand.
Les premières audiences de ce procès, que j'ai pu suivre (vingt et un ans aprbs
la bataille de Leipzig) m'ont rappelé les précédents hitlériens : même mépris
des principes de légalité et d'hgalité devant la loi (qu'un Hitler du moins ne pro-
clamait pas). Un sol orl les nazis, les criminels de guerre reprennent les leviers
de commande et les armes, n'est que trop favorable à l'acclimatation d'un fascisme
à l'américaine, qui n'avoue pas son nom e t se réclame hypocritement de Ici liberté
u'il bafoue. Toutefois, le climat n'est plus le même qu'en 1933 : les rapports
ae forces ont chan,, ; les travailleurs, les jeunes surtout, refusent la remilita-
risation qu'on prétend leur imposer et la croisade fratricide qu'on leur prêche.
C'est cette opposition montante qui fait la force de la défense.
Troisième édition
1. Sur la vie de Rakosi, lire BBla ILL^ : MdtyOo Rakosi, prbface de Marcel
Cachin, fiditeurs français réunis, 1952. .
Troisième édition
1. Sur les procés de 1925, 1926 et, 1935 e t pour connaitre le texte des
admirables déclarations de Rakosi devant les juges, il est indispensable de
lire Pace au t~ibunalfasciste, fiditions sociales, 1952.
Troisième édition
182 LA D ~ F E N S EACCUSE
Or tels sont les facteurs qui, dans une large mesure, ont d6jou6
les plans de la dictature; tels sont les facteurs qui ont également
sauvé Rakosi d'une mort immédiate.
Mais, par une condamnation per étuelle, on a voulu river le
P
prolétariat hongrois de son chef le p us qualifié, le peuple hongrois
de son plus héroïque défenseur ; on a voulu frapper en lui les amis
de la liberté e t de la paix ...
En réduisant physiquement cet irréductible, en supprimant B
petit feu cette force qui ne se rendait pas, on a voulu lui faire
expier la peur immense de l'oligarchie magyare, et cette peur n'&ait
pas seulement rétrospective.
On s'est ima in6 pouvoir Qtouffer!e rappel et l'appel, le souvenir
7
et l'espoir de a révolution, le souvenir des quatre mois de la
Commune e t l'espoir que les fruits en mûriraient. Mauvais calcul.
Le peuple, lui non plus, n'a pas oublié. Du fond de sa mishre
actuelle, il se souvient ; il reconnalt la voix des siens : il lit les
journaux, les tracts, la littérature illegale ;il se réunit en a cortbges-
minute a, en meetings insaisissables.
Troisième édition
II sent, il sait que lorsque, un jour, groupé derrière des chefs tels
que son Rakosi, il aura repris le pouvoir, il saura, cette fois, le
garder.
. . . . * . . * . * * * . * * . . . *
Voila ce que j'écrivais en 1938. Cinq ans plus tard, le pays de
Staline sauvait la vie prbcieuse du héros. Quelques mois avant
l'invasion de l'U. R. S. S. par la soldatesque hitlérienne. Cinq ans
plus tard encore, l'Armée rouge délivrait son pays. Seize ans
après avoir écrit ces lignes, je constatais comment ce peuple libéré
a su, avec l'aide soviétique, non seulement conserver le pouvoir D
((
*
A Roumanie réactionnaire et semi-féodale des rois Hohen-
zollern, des Maniu, Vaïda-VoIvod et Co, était sous la dépen-
dance des impérialismes occidentaux (anglais, français, am&
ricains). Ses richesses étaient accaparées par les banquiers étrangers.
Sous ce talon de fer, le peuple roumain était plongé dans une misère
noire, qui, pendant la crise économique des années 1929-1933,devint
intolérable. Les ouvriers étaient parmi les plus mal payés d'Europe.
La mortalité infantile atteignait un pourcentage effrayant.
Cette situation allait susciter, dans le prolétariat, une vague révo-
lutionnaire. A la pointe du combat, les cheminots, qui ne gagnaient
que cinquante lei par mois I En mars 1931, une conférence nationale
des travailleurs des chemins de fer, de la mine et du pétrole élit un
comité d'action, que va présider un jeune cheminot, Gheorghiu Dej.
La lutte prend de l'ampleur. Elle atteint son apogée en février
1933, avec la grève unanime des grands ateliers n Grivitza 1) de
Bucarest. Les cheminots occupent l'usine, soutenus par la solida-
rité de masses ouvrières toujours plus larges.
Les premières unités militaires lancées contre les grévistes
refusent de tirer. Le gouvernement affolé fait appel aux formations
de la police et de l'armée les plus entraînées à la répression. La
sirène appelle les ouvriers à la résistance, que dirige Gheorghiu
Dej, avec ses camarades Chivu Stoïca, Petresco, Vassiliki, Doncea.
Après un siège de vingt-quatre heures, les 7 000 grévistes sont
decimés à coups de mitrailleuses :plus de 400 tués, plus de 300 bles-
sés, et comme, au cours du massacre, la police avait tué par erreur
l'un des siens, des centaines de survivants sont arrêtés, torturés,
inculpés de rébellion et d'homicide l.
i. J'ai revu, en 1949, la cour sanglante oit, quelques jours avant l'incendie du
Reichstag, avait eu lieu cette grande lutte ouvrière, la premihre qui ait suivi
Troisième édition
FENSE ACCUSE
Et, pendant deux audiences, Doncea, safis dire iin mot de lui,
va faire vivre les souffrances des-cheminots roumains, va requerir
contre l'administration des chemins de fer, contre le gouverne-
ment, contre la bureaucratie syndicale réformiste, contre les
mouchards, dont l'un va lui demander grâce !
Quant au jeune dirigeant ouvrier Gheorghiu Rej, comme dans
l'usine de Grivitza la Rouge, il mène, et sur quel ton! la contre-
attaque :
n Ce procès est un faux, car les vrais accusés ne sont pas sur ces
bancs: ils se trouvent au gouvernement., d la direction des chemins
de fer, à la direction des syndicats réformistes, parmi les accusateurs
d'aujourd'hui ... n
Devant de pareils hommes, les bureaucrates réformistes,
viennent décocher aux accusés le coup de pied de l'âne, sont ma B
l'aise. Tel est le cas du témoin Oprescu, qui, serre de près, n'hésite
9"'
pas ti mendier le secours du président pour se dérober aux coups
trop précis et protéger sa retraite :
e illonsieur le président, ici, c'est moi qui a i l'air d'être l'accusé,
et Doncea Z'aceusateur. Ce rôle ne me convient pas du tout. a
Au cours de ce procès, l'accusation voulait trop prouver :
pour établir que les ouvriers avaient tiré, des policiers avaient
eux-mêmes percé, puis photographih des trous dans un mur
d'église qui fait face aux ateliers de Grivitza. Mais le bedeau et le
curé avaient surpris i'o ération. L'indignation populaire est telle
8
qu'ils ne craignent pas en venir témoigner.
Les débats durent vingt-quatre jours. Les six principaux accus&
sont condamnés & douze ou quinze ans de travaux forcés.
Mais la condamnation avait elle-même été condamnée d'avance
par Gheorghiu Dej :
u La sentence que vous allez, prononcer, loin d'intimider ou de faire
reculer les ouvriers, sera un encouragement à l'action et ù la lutte. 1,
La défense accusatrice de Gheorghiu Dej, Doncea et leurs
camarades, en dénonçant l'oppression fasciste, a puissamment
montré aux masses comment on peut lui tenir tête et, en glori-
fiant le mouvement de février, a suscité dans la classe ouvribre
un élan de solidarité, une prise de conscience qui n'ont pas BtB
perdus.
Gheorghiu Dej, transfbré de forteresse en forteresse, a su, avec
Chivu StoIca, Kichinevski, transformer la trop c6lèbre et sano
, glante prison de Doftana en foyer de lutte et en Bcole de cadres.
Troisième édition
du calorifère. l
?
k
Troisième édition
HÉROS ALBANAIS
français rbunis.
2. Romain ROLLAND : Appel publie dans la Correspondance internationale,
no8, de 1937 (p. 241).
Troisième édition
dans les murs du cachot où le héros isolé est voué il la mort lente.
C'est l'admirable solidarité des peuples qui a sauve la vie de
Prestes, de Ghioldi et de leurs compagnons de chafnes.
C'est elle qui a rendu à la vieille mère de Prestes l'enfant de son
fils, le bébé d'olga, ramené de Berlin en France par un avocat
français de I'Associat ion juridique internationale.
Le procès s'est ouvert, en première instance, le 7 mai 1937.
Après une instruction de dix-sept mois. Devant un tribunal d'ex-
ception intitulé de Sûreté nationale )), en vertu d'une loi d'excep-
((
CARLOS PRESTES
misérable sort.
Afin de complaire Washington, qui exige des arrières sûrs
dans les pays colonisés, dans ce riche Brésil, réserve de matériaux
stratégiques (pétrole, fer, manganèse, caoutchouc, uranium) et
de r matériel humain N à bon marché (neuf paysans sur dix sont
sans terre), la dictature a lancé une loi de sécurité »,de type
((
A NOS JOURS
LES D ~ P U T ~COMMUNISTES
S FRANSAIS 211
A la vbrité, cette remarquable actualité de leurs paroles est
due simplement à la clairvoyance du Parti de Maurice Thorez :
munis de la boussole merveilleuse que nul ne peut leur confisquer,
celle de Marx-Engels-Lénine-Staline, ils ont su non seulement voir
clair, mais avoir le courage dimitrovien d'agir clair, de conformer
leurs actes à leur vue, à leur perspective, comme à leur parole.
n Leur crime, ai-je pu dire A ces tout petits hommes d'un jour
p i composaient le tribunal militaire, c'est d'avoir eu raison avant
tout le monde. ))
Six années avant les aveux des généraux nazis devant le tribu-
nal interallié de Nuremberg, nous avions pu, de l'analyse des faits,
déduire que (( le conflit actuel était dirigé non pas contre Hitler,
mais contre les peuples n. Contre le nôtre en particulier et contre le
~ e u p l eau pouvoir sur un sixième du globe.
D'autre part, bien loin de pouvoir connaftre ce que devait
révéler, après la Libération, la publication de la correspondance
échangée entre le général Gamelin et le trop fameux Weygand
(blanchi malgré nous par la Haute Cour de justice) sur les prépa-
ratifs d'une opération contre les régions pétrolifhres du Caucase »,
((
nous avions pu jeter aux juges : n Est-ce pour faire échec à Hitler
et pour protéger des intérêts français qu'on organise u n théâtre
d'opérations en Méditerrannée orientale, si prés de la mer Noire et de
la Transcaucasie ? CONTRE Q U1 l 3
Contre qui 3 Tandis que la cinquibme colonne ouvrait les voies à
l'invasion,' préparait %hy, ~ G t o i r eet la suite, la presse ne
fulminait contre Hitler que parce qu'en arrêtant aa poussée vers
l'est devant l'Armée rouge, aux confins de la Pologne et des pays
baltes, il (( désertait 1) la croisade antisoviétique (prêchée par lui
depuis sept ans), sa mission de gendarme, de chien de garde au
service des privilèges. Un grave journal, Le Temps, allait jusqu'à lui
reprocher son abandon du germanisme !
La drôle de guerre prenait ainsi de plus en plus visiblement
son style de réglement de comptes au profit de la Sainte-Alliance
des oligarchies, des impérialismes.
Et nous disions pourquoi les peuples refusaient de considérer ((
cette gaerre comme leur guerre a. Nous notions d'infamie les chefs
socialistes, ces chiens qui hurlaient avec les loups.
Ces apprentis sorciers, disais-je dans ma plaidoirie, qui se jugent
2. Voir aussi la déclaration collective finale dans Le Chemin de l'honneur p. 341.
Troisième édition
l'ennemi.
Un an plus tard, vingt-sept d'entre eux (dont un enfant de dix-
sept ans, Guy Môquet) étaient, par représailles, fusillés dans les
carrières de Châteaubriant. Ils sont tombés, les yeux dans les
yeux des fusilleurs, La Marseillaise aux lèvres.
Et, à la stupéfaction des nazis, l'un deux, l'ouvrier métallurgiste
Jean-Pierre Timbaud, unissant, dans un dernier soume, le patrio-
tisme et l'internationalisme prolétarien, s'écriait : « Vive le Parti
communiste allemand !1)
Le 23 août 1941, en plein Paris, B la station de métro Barbès-
Rochechouart, un officier supérieur hitlérien était exécuté : le
héros qui lançait ce signal d'un combat sans merci pour la libéra-
tion, c'était un ouvrier communiste, celui qui allait devenir notre
légendaire colonel Fabien. Sa fiére devise : e Vaincre et vivre 1).
Le Parti communiste français n'a jamais-prétendu au monopole
du sacrifice :il entraînait A ses côtés « celui qui croyait au ciel, celui
qui n'y croyait pas D. Mais, par le nombre et l'audace consciente de
ses martyrs, il a bien mérité qu'on l'appelât le Parti des fusillés.
Les fusillés, nombre d'entre eux sont tombés en série, otages que
les bourreaux ne se donnaient pas la peine de juger. Les murs
sinistres des cachots portent la trace de leurs suprêmes pensées.
1 Ceux du Mont-Valérien par exemple.
I E t c'est tout prbs de cesmessages d'héroïsme que furent assassinés
le philosophe Georges Politzer, le savant Jacques Solomon, l'écrivain
Jacques Decour. E t ceux du Musée de l'homme. Et tant d'autres ...
Notre grand Gabriel &$mi qui avait fustigé les Munichois, les
traitres, dans les colonnes de L'Humanité et la tebune de la
Chambre, écrivait, avant de mourir, son testament mémorable :
i
ç « ... J'irais dans la même voie si j'avais à recommencer ma vie.
i Je crois toujours, cette nuit, que mon cher Paul Vaillant-Couturier
/ avait raison de dire que le communisme est la jeunesse du monde et
qu'il prépare des lendemains qui chantent. Je vais préparer tout ct
l'heure des lendemains qui chantent. Jeme sens fort pour aoronter
la mort. Adieu, et que vive lu France!
Avant d'écrire ces mots sublimes dans la nuit qui devait s'ache-
ver sur son supplice, Péri avait reçu la visite d'un traitre qui osait
lui proposer un marché infâme : la vie sauve contre un reniement.
Ce traftre, Gabriel l'avait chassé avec, au front, comme une flé-
trissure, le non historique du héros.
' Non, ils ne sont pas morts en vain, ces hommes et ces femmes de
France, ceux des maquis - e t ceux des camps, comme l'exemplaire
- -
Danielle Casanova.
o Que ma mort serve à quelque chose n, s'écriait notre moderne
Bara, Guy Môquet I A ce vœu répond l'affirmation de Roland
Cauchy, capitaine F. T. P., fusil16 au Mont-Valérien, d'Eiigéne
Clotrier, capitaine d'honneur F. T. P., torturé et fusil16 par la
, Gestapo, de Julien Ducos, jeune ouvrier fusillé ii vingt-trois ans.
a Notre sacrifice n'aura pas tté inutile. Nous serons vengés. B
Tous n'ont pas été tués sans jugement. Quant ii ceux qui, avant
que d'être assassinés n légalement i), ont été jugds, soit par les
cours martiales hitlériennes, soit par le Tribunal d'État ou les
Sections S~bcialesde la France trahie, il en est malheureusement
peu qui nÔus aient laisse trace de leur défense. Quelques-uns de
leurs meilleurs avocats ont fini par subir leur sort. Disparus,
Pitard, Hajje, Rolnikas, Python ...
Toutefois, les thmoignages qui nous restent nous permettent
d'affirmer qu'à la différence des Communards, qui, à de rares excep-
tions prbs, surent beaucoup moins bien se défendre qu'ils ne surent
mourir l, nos martyrs ont, dans leur ensemble, tenu tête avec
honneur e t politiquement aux machines il condamner.
Tel fut le cas de Jean Catelas, le cheminot, membre du Comité
central du Parti communiste français. De Jean Catelas. soldat de
Verdun et des Brigades internationales, qui sut affronter dignement
le Tribunal d'État. C'est lui qui, aprés quatre mois de tortures,
marchait à l'échafaud, dès l'aube du 24 septembre 1941, en criant B
ses camarades : « Courage, camarades! Courage jusqu'au bout !n
E t c'&ait, dans sa gorge, une strophe de L a Marseillaise qui allait
être par la guillotine tranchée.
Tel fut aussi le cas de Madeleine Marzin, de Suzanne Masson,
des Vingt-trois du groupe Manouchian.. .
veillait. E t voici que, sous ses yeux, les femmes forcent I'entrhe. i
A leur tête, la plus menue. Un gros homme lui barre le passage :
Vos tickets ? - Aujourd'hui, c'est sans tickets !a
Avec ses camarades, elle s'empare des boîtes de sardines et les
lance à toute volée en direction des ménagéres, qui, rompant la
i
file, les ramassent.
Des hommes solides, de jeunes gars de seize & vingt ans, tout 1
i
prêts & la rescousse, refoulent le g6rant e t son personnel. Une 1I
mêl6e s'engage avec la police. 1
l
1
Quelle est cette femme toute menue qui dirige l'action ? Une 1i
institutrice sans peur, Madeleine Marzin. A ses côtés, de simples
gens, concierges, blanchisseuses, postiers, métallos.
Dans la bagarre, des coups de feu sont échangés. Il y a des tués i
I
et des blessés de part et d'autre. Deux agents sur le carreau. Des i
arre stations : un 'poupe de résistants armes était resté jusqu'au i
!
bout pour protéger les ménaghres.
La brigade spéciale no 2 se venge sur ceux qui lui sont tombes
sous la main : des étudiants, des femmes. Sur Yvonne ChauvirB,
sur Madeleine Marzin, qu'elle frappe un jour entier à coups de
nerfs de bœuf. De l'eau au visage, et l'on recommence. Menier
a I'ojil crevé. Mais Vichy et sa brigade spéciale avaient eu
peur.
Le magistrat chargé de l'instruction s'appelait Ménégaux.
Inculpation : assassinat, tentative et complicit6, pillage et asso-
ciation de malfaiteurs ! Emmenés au palais de justice sous bonne
escorte, les accusés comparaissent devant le fameux Tribunal
d'lhat.
Ce tribunal d'exception fonctionnait depuis peu : il avait été
institué en septembre 41. De pur style hitlérien : les a juges a qui
le composaient étaient désignés par décrets de Vichy. Magistrats
ou non, des gens s sûrs o. Pas même une cour martiale l Ni cir-
constances atténuantes ni sursis. Aucun recours, fût-ce en cassa-
tion. La mort sans phrase.
Une procédure ultra-sommaire qui denieure secrète jusqu'h la
veille de l'audience : c'est-à-dire du huis clos ! Pas de défenseur
pendant l'instruction. Pendant les débats, pas de défenseur libre-
ment choisi ; des avocats commis d90Ece, qui s'en donnent B
cœur joie : un Isorni et un Castille encensent le a marbchal a,
présentent leurs (( clients a comme des égarés. Leurs clients qui
revendiquent fièrement la responsabilité de leurs actes l
Troisième édition
1, Le calibre des balles retrouvées dans leurs corps ne colncidait pas avec celui
du seul revolver qui eût et6 saisi sur l'un des accusés.
Troisième édition
son père*
a Nous allons mourir avec le sourire aux lèvres, écrit Lucien
Legros à ses parents, car c'est pour le plus bel idéal. J'ai le senti-
ment, à cette heure, d'avoir vécu une vie complète. r
Morts e n h6ros sous la guillotine, le lendemain du verdict,
Edgar Lefébure, l'admirable postier André Dalmas, qui,
le jour de son execution, Qcrivait B son Parti :
a Que tous sachent que toutes mes pensées sont alldes, comme va
encore notre dernière pensée, d notre cher Parti, d notre grande
Internationale communiste, à notre magnifique lutte des peuples
pour leur libération, d notre cher Staline, lutte pour laquelle nous
donnons aujourd'hui notre vie, froidement, le regard droit, la
tête haute, fiers de mourir pour notre Patrie martyre, qui demain
renaftra. D
Ils sont tombhs, La Marseillaise aux Ibvres.
a Quand a été prononcé le verdict, &rit encore Andr6 Dalmas,
une seule personne a frémi :le président Devise.
n Nous sommes demeuris impassibles.. .
a A aucun moment je n'ai pleuré, mais les larmes me montent aux
yeux quand je revois l'inoubliable et magnifique sourire de Madeleine
Marzin après le verdict.
D TOUS, nous nous sommes embrassés, presque sans émotion, car
une incroyable f élicitd nous baignait : nous avions vaincu, nous
dtions dignes de notre grand Parti et de tous ceuz que la lutte a dévorés
avant nous.
a Au retoar, nous avons chant6 La Marseillaise, exactement comme
vous la chanterez au jour du grand triomphe.
a J'insiste Id-dessus; au fond, nous n'wons pas grand mérite.
P C'est si simple de mourir quand on sait exactement PO URQ UOI
on meurt.
a II est d'autant plus facile de mourir que l'on attache davantage
de prix à la vie.
P Ici, une seule chose nous prive: nous sommes isolds les uns des
autres,
P NOUSsommes mieux que des frères. MaW. nous nous sentons les
uns et les autres à travers les murailles. comme si des liens invisibles
nous unissaient.
Troisième édition
c-y* ______
roine Suzanne Masson sera le @'novembre
+ 1943, décqitée
_=- -- à la hache .x
Quatre ans auparavant, p . e n d a n i o l e de guerre a, un gouier-
nement munichois l'avait fait inculper d' (( espionnage n, avec quel-
ques ouvriers de l'usine Rateau. Au juge d'instruction, qui allait
un non-lieu, c'est elle qui avait déclaré proph8tiquement :
tc L'avenir vous montrera que les communistes sont les meilleurs
~ ~ a n ç a irestés
s, fidèles à l'i&ernationalisrne et à leur patrie.-))
Comment caract6riser plus lucidement ce que la vie e t la mort
de Suzanne Masson ont su prouver ? Sans autre dbfenseur
Fun
nazi, isolée, maW non pas seule, elle a puisé sa force dans sa fi élit6
au Parti des fusillés, dans son amour indivisible pour son peuplo
et pour l'union soviétique libératrice. C'est sa confiance inébranlbe
ui lui a permis, dans son cachot comme sous la hache, de ne jamais
jouter de la victoire.
E t la victoire est aussi sa victoire. Elle a vaincu, non seulement
le bourreau, mais la hache du silence.
En terre nazie, sans assistance et sans liaison extérieure, elle
aurait pu penser que, de ses paroles, de son attitude, rien ne serait
jamais connu. Comment prévoir qu'un jour cet avocat, demeuré
hitlérien jusqu'après la défaite de son dieu (en 1945, il n'est pas
déshabitué du « Heil Hitler! 1)) et cet interprète assermenté des
nazis rendraient hommage à son héroisme ?
Lâche, il lui eût ét6 possible de sauver du moins sa tête. Simple-
ment courageuse, de se taire, de se contenter du fataliste (( à quoi
bon 3 1).
Suzanne Masson n'a pas douté : devant cette cour martiale
ennemie, à l'ombre de la hache, elle n'a pas hbsité & aflirmer sa
conviction de travailleuse franpaise, 5i professer sa foi de patriote
et de militante.
Pourquoi 7 Parce qu'elle était .communiste. Comme telle, elle
&ait sûre que ses camarades sauraient. Et ils ont su, ils savent,
l'épaisseur du secret a 6th percée. Elle a gagn6, Suzanne Masson I
Je dis n ils savent a. Mais ce que nous ne saurons jamais assez,
ce que nous n'aurons jamais fini d'apprendre auprbs d'une héroine
,telle que Suzanne Masson, c'est que le patriotisme le plus haut et
l'internationalisme prolétarien, la rande fraternité des peuples,
f
sont unis par le plus indestructible es liens :celui qui est empreint
dans le sang pur de nos marhyrs.
Troisième édition
a Ma dernihe penske est avec vous, camarades de lutte, avec tous les
membres de notre Parti, avec tous les Français patriotes, avec les
héro" ues combattants de l ' A m & Rouge et son chef, le grand Staline.
i meurs ovec la certitude de la libération de la France. Dites
mes amis les cheminots qu'ils ne fassent rien qui puisse sider les
na gis.
a Les cheminots me comprendront, ils m'entendront, iis agiront !
J'en suis convaincu.
D Adieu, chers amis, l'heure de mourir approche. Mak je sais
que les nazis gui vont me fusiller SONT DSJAVAINCUS et que la France
saura poursuivre le grand cornbat. Vive l' Union soviétique et ses
alliés sl Vive la France! a
Voila comment nos martyrs ont fait face A la mort. La tête
haute et les yeux sans bandeau. Avec une âme de vainqueurs.
Dignes émules d'0leg Kochévor, de Zoïa Kosmodémianskala,
des millions de h6ros qui ont illustré la patrie libératrice de l'homme
véritable. De l'homme nouveau l.
1. E t c'est 4 la mémoire de ces martyrs que ne craignent pas de faire insulte,
en acceptant de réarmer leurs bourreaux, les ministres d'un jour qui, dedaigneux
du testament de nos morts comme de la sécurité des vivants, sacrifient à une
Europe-croupion la France que ses héros ont tant contribué A faire I
Troisième édition
. Le prisonnier n'est pas seul... Les cellules ont des mains,tu sens
a
comme elles te soutiennent, afin que tu ne tombes pas quand tu
retournes après les tortures de l'interrogatoire., Les cellules ont des
yeux, elles te regardent quand tu pars pour l'exécution et tu saM qu'il
faut y aller la tête haute parce que tu es leur frère et que tu ne dois
pas les a8aiblir même par un pas chancelant... l n
Mais l'approche des Qcheances se précipite. Laquelle devancera
l'autre 3
« C'est une course de l'espoir avec la guerre. La course de la mort
avec la mort. Qui est-ce qui viendra la première :la mort du fascisme
ou ma propre mort ?... J'ai toujours pensé combien il est triste d'être
le dernier soldat frappé au cœur par la dernière balle et dans la der-
niére seconde. Mais quelqu'un doit être ce dernier-là. Si je savais que
je peax,être celui-là, je voudrais l'dtre encore maintenant 2. r
Mais, tandis que Fucik évoque - et avec quel relief! -
les
figures des héros, ses compagnons, et les figurines i, des tortion-
naires, son heure approche.
Et il écrit ses derniéres paroles, où deborde son amour de la
vie, son amour des hommes:
u Mon rdle aussi approche de sa fin. Je ne récris plus, cette fin.
Je ne la connais plus déjd. Ce n'est plus un rôle. C'est la vie. Et dans
la oie il n'y a pas de spectateurs.
u Le rideau se lève.
l
B Hommes, je vous aimais. Veillez l a
Cette jeune vie allait être fauchée & Berlin, le 8 septembre 1943,
quinze jours aprés la condamnation B mort 4.
Veillez l La patrie de Jean Huss veillait. LibérBe par les armees
soviétiques, elle veille, non seulement sur la mémoire de ses héros,
mais sur l'exécution de leurs volontés dernibres. Et, vigilante A
l'égard des espions et des traîtres soudoybs par les services secrets
Btrangers, elle prbserve et construit les lendemains que rêvait, en
chantant dans sa cellule et jusque sous la potence, l'exemplaire
Bcrivain Julius Fucik,
Id., p. 80 A 82.
1.
Id., p. 102 e t 103.
2.
Id., p. 192.
3.
En novembre 9952, le procés de Prague nous a appris que c'est l'un des
4.
complices du trattre Slansky, Reicin, ancien ministre de la Défense nationale,
qui avait dénonce à la Gestapo l'admirable Fucik. Ce pourvoyeur de potence
a avoue et--expie ses crimes.
Troisième édition
1. Les noms des dix autres: Benjamin Davis, Robert Thomson,John William-
son, Jack Stachel, Henri Winston, John Gates, Gilbert Green, Irving Potash, Carl
Winter, Gus Hall; Sur leurs figures et leur passé, lire la brochure de Vladimir
POZNER :Le Procès des Douze, Bditée par le Comité français d'action en faveur des 1
douze dirigeants du Parti communiste des Stats-Unis, p. 4 à 6.
Troisième édition
des Douze!
Un rapport de la Haldane Society anglaise et une conférence de
Me Dennery, avocat parisien, qui a assisté CL la première partie du
procès, nous édifient sur ces méthodes et sur les nombreuses
audiences qu'il a fallu consacrer CL leur discussion. Elles ont été
doctement >pprouvées par la Cour fédérale. Me Dennery a été
frappé par l'impudence de l'accusation et le cynisme qui a présidé B
la conduite de cette parodie de justice. n J'ai la certitude, nous a-
t-il dit, qu'il y avait là une somme considérable d'hbrésies et même
de sauvageries juridi ucs. a E t il évoquait la silhouette du juge
cf
Harold Medina, sa (( ésinvolture boulevardière a, ses plaisanteries
grossières l, alternant avec des colères calculêes a pour noyer le
poisson au moment où certains témoignages peuvent devenir plus
précis x.
A une cour ainsi composée, il fallait un instrument de a droit » :
ce fut le Smith Act (la loi Smith), qui présentait cette double vertu
d'être inconstitutionnelle et r parfaitement inapplicable à l'es-
pèce P. Il restait B l'accusation de la détourner de son sens.
La défense s'est battue pied pied sur le plan juridique, ce qui
a valu aux avocats d'être condamnés à. leur tour à l'emprisonne-
ment. Pour avoir (entre autres griefs) provoqué des incidents de
nature & n endommager la santé a du juge Medina !
E t les Douze, comment se sont-ils comportés ? William Foster,
dont le proces a bt6 disjoint en raison de son état de santé, avait
rédigé une brochure intitulbe Pour la défense du Parti communiste
et de ses dirigeants poursuivis, dont il a fait, l'an dernier, 'une
analyse autocritique développée 2.
Cette brochure comporte un exposé théorique et pratique de
l'exp6rience accumulée par le mouvement communiste mondial, en
ce qui concerne la politique de front uni, depuis 1935.
(( Dans sa défense, écrit Poster, qui Btait au fond une attaque
contre le capitalisme, notre Parti a suivi une ligne marxiste-léni-
niste juste. 1)
E t il estime pue, devant le tribunal, « nous avons exposé en
dtait attaquée... n
Il d i t comment les communistes utilisent les leçons de l'histoire :
il cite l'exemple de Carl Schurz, ce contemporain de Lincoln qui,
élu à la Chambre des représentants, eut, en 1898, le courage de
s'opposer à la guerre hispano-américaine. Par patriotisme. u Si ma
patrie a tort, il faut la remettre dans le droit chemin. n
(( Et nous, les accusés, nous avons dit au jury que nous sommes
l
1
I
f
f/
'1 I
Troisième édition
1. C'est le même tribunal, présidé par le même juge, qui (pendant qu'a Paris
son collègue, le juge d'instruction Duval, manifestait sa haine partisane en
levant la main sur le jeune patriote Paul Laurent) se préparait, sous la pression
d'une campagne bien orchestrée e t d'une loi de circonstance votée à la sauvette,
condamner moins lourdement les bourreaux SS d'oradour ... que les principes
consacrés ti Nuremberg par la justice internationale !
Troisième édition
Troisième édition
et messages.
A leur tour, les réunions publiques et même privées sont arbitrai- l
HENRI MARTIN
LA DÉFENSE ACCUSE
conscience. n
Peu à peu, lemarin comprendra la besogne à laquelle on astreint
les soldats français : c'est la provocation sanglante d'Haiphong;
~ u i ce
s sont les incendies de villages, les atrocités. Le doute s'in-
W .
262 LA B ~ F E N S EACCUSE
LA DÉFENSE ACCUSE
- 5 . Le génbral Revers, impliqu6 dans l'affaire des a chbquards r, n'a pas BtB
condamné, ni même jugé, pour dbmoralisation de l'armée. E t cependant I...
Troisième édition
HENRI MARTIN
HEERI MARTIN
A L'CEILLET
Les sacrifices des communistes, on ne peut les com-
parer qu'A ceux des premiers chrétiens. E t encore,
il y a une différence : les chrétiens acceptaient le mar-
tyre e t la mort dans l'espoir de gagner le royaume des
cieux, tandis que les communistes font le don d e leur
vie sans rien attendre en retour pour eux-memes.
Ils donnent leur vie pour que se lèvent sur l'humanité
des lendemains meilleurs, plus heureux, qu'ils ne
conoaîtront pas...
1. Le même général Van Fleet, qui s'était fait la main en Grhce, a sévi ensuite
en Corée, où il a fait massacrer la population et les prisonniers de guerre, oh
il a r6pandu le napalm et la peste.
Troisième édition
Pas de réponse.
- Tsamis !
Un accusé se lève :
- Tsamis est devenu fou dans les locaux de la Slireté :il est dans
un asile...
Le -président a beau crier qu'il ne permet pas qu'un accusé
dise ces choses, il y en a d'autres que Tsamis qui ont perdu la
raison. Une femme s'est suicidée.
Le défilé des témoins à charge va donner tout son sens à la
sinistre farce : aux gendarmes e t policiers de tous poils s'ajoutent
les renégats, les mouchards, les malheureux u repentis s qui ont
signé sous la torture ou sous la menace et accepté de servir d'auxi-
liaires à la police : l'un de ceux-la aussi est soudain saisi par la
démence. D'autres reviennent sur leurs déclarations extorquées,
ils essayent de dire comment. De singuliers avocats commis à
leur défense se font gloire de servir l'accusation et le soudard
qui préside ;hurlant avec les loups, ils se permettent de désavouer
et d'insulter leurs confrères qui, .simplement, accomplissent leur
mission en dbnonçant l'arbitraire du procès et en contestant
la compétence militaire.
Pis encore : ils aboient contre les accusés qui, jouant leur tête,
refusent le jeu. L'un de ces avocats policiers prétend leur faire
signer une pétition en faveur du tribunal dont leur intérêt, dit-il,
est de ne pas indisposer les juges ! Beloyannis s'indigne et conseille
à ses compagnons de chaînes de dire non. L'avocat le couvre
d'injures et le provoque. Beloyannis hausse les épaules, il ébauche
ce sourire déjà légendaire.. .
Face à la meute, Nikos Beloyannis, Elli Joannidou (mère d'un
béb6 de quatre mois né dans la prison) et leurs camarades tiennent
tête et dominent l'ennemi. De très haut. Maitres d'eux-mêmes,
ils maîtrisent les débats. Leur exemplaire dignité fait l'admiration
de tous, des quelques simples gens qui sont la, des deux avocats
étrangers (britannique et français) qui ont Qtéadmis comme obser-
vateurs, le barreau d'Athènes leur ayant refusé de participer
à la défense.
L'un d'eux, Me Claude Dennery, nous dira A son retour que les
accusés ont été pour lui, de par leur comportement, le sujet d'une
des plus grandes émotions ressenties dans sa vie d'homme e t
' ' d'avocat.
Déjà, Beloyannis a exercé son sang-froid contre les policiers,
Troisième édition
274 LA B ~ F E N S EACCUSE
leur vie pour des len emains meilleurs qu'ils ne connaîtront pas D,
déclare Nikos. « Pour des lendemains qui chantent D, écrivait
Péri.
Beloyannis fustige les chantages policiers par lesquels le pouvoir
monarcho-fasciste cherche à obtenir les honteuses déclarations
de repentir. Par deliî les juges, il accuse le gouvernement de
vouloir ainsi intimider, museler, avilir non seulement I'opposi-
Troisième édition
A L'~ILLET
L~HOPVIMYLE 277
E t c'est alors que, ce visage durci, un sourire le détend. Les
doigts qui tiennent la fleur, les yeux, les narines, les Ièvres du
héros impriment un style charnel à son message politique. Les
narines frémissent, les lèvres s'entr'ouvrent. Le fier sourire
accueille, presque à la toucher, la fleur que les doigts tiennent
et lentement approchent ... Tandis que les yeux ne voient plus
la salle, mais déjA ces lendemains meilleurs, plus heureux, qu'ils
ne connaîtront pas ...
Dans la nuit du lendemain 15 novembre au surlendemain,
le tribunal délibérait. Beloyannis devisait avec ses camarades ;
comme Dimitrov, il lisait Shakespeare. Après huit heures d'attente,
le verdict : douze condamnations à mort l, alors que le procureur
n'en avait demandé que dix. Sept hommes, cinq femmes, parmi
lesquels Nikos Beloyannis et sa compagne Elli Joannidou.
Ils ne seront pas exécutés, avait juré le président Plastiras,
qui avait obtenu son élection sur la promesse d'une amnistie.
Mais, derrière lui, il -y avait l'ambassade américaine, insatisfaite.
E t son favori, le principal concurrent de Plastiras, le général
prohitlérien Papagos 2. Le chantage du créancier yankee était d7au-
tant plus efficace que s'aggravaient la débâcle Bconomique de la
Grèce et la détresse du peuple. L'exportation paralysée, couvrant
A peine le tiers des importations, la moitié du budget engloutie
dans les dépenses militaires (un Grec sur cinq sous les armes),
quatre cent mille chômeurs, trois millions de paysans sans tlerre...
Il était grand temps d'organiser une diversion de grand style
et, du même coup, d'abattre les héros populaires : cela commence
par la déchéance des élus de 1'E. D. A. (Alliance démocratique
de gauche), expédiés en déportation dans les îles ; et cela continue
par le montage d'un grand K complot contre la sûreté de l'Étlat 1).
Une odieuse accusation d'espionnage devait permettre, aux
yeux de l'ambassadeur Peurifoy et de la clique gouvernementale,
1. Et vingt-trois à I'emprissnnemenit perpétuel.
2. De par la grâce de l'occupant américain, c'est le général Papagos gui, suc-
cédant à Plastiras, est devenu président du Conseil. E t ( 'est lui qui, c'est Tito e t
le compère turc, a signé le pacte balkanique des provocateurs de guerre sous
l'égide des Etats-unis.
3. C'est le même ambassadeur Peurifoy qui, en juin 1954, plénipotentiaire a la
fois des Gtats-Unis e t du trust américain United Fruit au Guatemala, a fait poi-
gnarder dans le dos le gouvernement démocratique e t national du président
Arbenz en imposant au petit et vaillant peuple guatémaltéque la dictature de
l'usurpateur Castillo Armas,
Troisième édition
278 LA D I ~ F E R S EACCUSE
L'HOMME A L'CE][LLET
Ils servent le maître du jour, mais mal. Si mal que les journaux
de Plastiras e t de Papagos se découragent. n Personne ne croit plus
aux histoires d'espionnage de M. Rendis s, Qcrit l'un. E t l'autre
de gémir que le procès a fait fiasco !
Belovannis n'a pas de peine A tourner en dérision des K docu-
ments ); dont le contenu était depuis longtemps public. n Je suis
ici, dit-il, pour avoir appliqué le programme de mon parti. x Et,
ce programme, il l'expose. Au centre, la défense de la paix :
n L a Grèce a sou8ert presque sans interruption depilis neuf ans,
et plus que tout autre pays, des guerres et particulièrement de la
dernière effusion de sang. Ces sacrifices e n êtres humains, les dévas-
tations, les ruines ont pris des proportions terrifiantes. Les seuls
responsables. .., ce sont les impérialistes étrangers et leurs sous-ordres
grecs, qui ont fait de l'accord de Varkiza un chiffon de papier, qui,
apres la guerre, ont entravé l'évolution démocratique du pays, pro-
longé la guerre civile, et gui refusent d'accepter les propositions
sov,étiques de pacification durable.
o L a transformation de la Grèce e n base stratégique et les menées
des impérialistes américains et anglais font courir a u peuple grec
de plus graves dangers. Ce n'est qu'en participant a la lutte mondiale
pour ta paix, e n assurant la démocratisation d u pays, sous un gou-
vernement démocratique, la coopération avec 1'U. R. 8. S. et les
démocraties populaires, que le peuple grec peut Mifier sa vie et son
développement pacifique. B.
Troisième édition
de service :
a ... des certificats de.patriotisme; il les a gagn& par son propre
sang et par ses armes. 1)
Le président perdrait contenance s'il ne glissait pas : ((Surtout
par les armes... n
« Surtout par son sang, lui lance Beloyannis, quine se départ
pas de son calme. Par le sang qu'il a versé dans tous les lieux
d'exécution hitlériens et fascistes ! Et puis aussi par ses armes,
en combattant les Allemands et les Italiens dans les plaines et
les montagnes de la Grèce. B
E t le héros, qui sait de quoi il parle et pour qui, va exhaler
son chant du cygne :
(( Voild notre activité. Voilà les sacrif ces que nous avons offerts
6 la patrie. C'est ainsi que nous, nous aimons la Grèce. Avec tout
notre c@ur et tout notre sang... 1)
Pour qui donc ces paroles de chair, ce bouquet suprême où
I'hornme à I'ceillet a mis la Beur de son âme de héros ? Ge n'est
Certes pas pour les mercenaires de l'occupant qui il fait face
Troisième édition
L'HOMME A L ' ~ I L I , ~ T
Deux ans I Pendant ces deux annbes, cet homme et cette femme
a ordinaires n, ainsi offerts en pâture à une frénésie publique entre-
tenue, n'ont pas faibli. Ils n'ont jamais cessé d'opposer leur refus
inébranlable B l'odieux marché que les bourreaux leur ont offert
jusque dans la chambre du supplice. Leur héroïsme simple leur
était si naturel qu'il se défendait d'être de I'héroisme. Ils n'ont
iamais cessé, tout en criant leur amour de la vie, de préférer ti la
;ie
. - - -leurs
- - raisons de vivre.
La vie, la liberté, moyennant l'indignit6 du reniement ou la
bassesse de dénoncer d'autres innocents, pour les livrer à la bête ?
Non, merci !
r Cette vie nous est fermée. Nous sommes innocents, comme nous
Pavons toujours proclamé et soutenu depuis l'époque de notre arres-
tation. Telle est la vérité. Méconnaître cette véritt? serait payer trop
cher même le don inestimable qu'est la vie, puisque, si nous achetions
ainsi notre droit à la vie, nous ne poumons plus vivre avec notre
dignité et le respect de nous-mêmes. »
Le courage du couple était B la mesure humaine, sans goût pour
les grands mots ni pour l'affectation d'insensibilité.
n Nous ne sommes pas des martyrs ou des héros et nous ne désirons
pas l'être. Nous sommes jeunes, trop jeunes pour la mort. Nous dési-
rons ardemment voir nos deux fils, Michael et Robert, grandir et deoe-
nir des hommes. Nous désirons, dans chaque fibre de notre être, pou-
voir être un jour rendus d nos deuz enfants el reprendre la vie familiale
harmonieuse que nous menions avant le cauchemar de notre arresta-
Troisième édition
LES ROSENBERG
la justice/ D
La-mort ! répond Eisenhower entre une partie de golf et une
grimace de sourire sous l'éclair de magnésium. E t il ferme sa porte
à Emmanuel Bloch, il refuse de recevoir un savant tel que le pro-
fesseur Urey.
L'appareil de la mort légale était prêt à broyer. Non toujours
sans grincement. Pour obtenir une chance de revision, il fallait
d'abord requérir un nouveau délai. Or ce n'est qu'à la majorité de
cinq voix contre quatre que la Cour suprême avait (le 15 juin)
repoussé la requête. Et, deux jours plus tard, la Cour étant en
vacances, l'un de ses membres, le juge Douglas, avait eu l'honnêteté
d'ordonner le sursis.
Aussitôt, sur l'ordre d'Eisenhower, le ministre Brownell s'op-
posait à la décision, et la Cour, convoquée en toute hâte par son
président Vinson, décidait (par six voix contre trois) d'annuler le
sursis, sans avoir pris le temps d'examiner le dossier. Non sans que
la mauvaise conscience leur eût dicté ce triste et confondant l Ï
alibi : ' i
La décision d'annuler le sursis ne signifie pas que la Cour
approuve la peine de mort prononcée en cette affaire... n I
:Ii
/
1
f
Les trois opposants, dont le juge Douglas, avaient eu le mérite i
d'exprimer leur désaccord et d'expliciter leur protestation. 1
19 11
Troisième édition
Troisième édition
~'Eu~oD~.
signes de force ? Pas plus que, vingt ans plus tôt, l'incendie du
Reichstag. Une fois de plus, le faux saint Georges qui avait troqué
sa couleur vert-de-gris contre le kaki du battle-dress et sa croix gam-
mée contre la croix du prêcheur Spellmann ou 1's barré du dollar
était désarçonné par le dragon. A son tour, le colosse d'outre-
Océan, comme son prédécesseur d'outre-Rhin, avait vu mettre A
nu son pied d'argile sur lequel il chancelle e t basculera.
La terreur n'électrocute pas la vérité. Il est vrai que la résis-
tance de la vérité l'exaspère. Les procès de sorcellerie ne suffisent
plus & la rassurer, ni à égarer les consciences qui s'éveillent. Moins
d'un an après le crime, la terreur éprouvait le besoin de jeter la
paix hors ia loi et de pourchasser ses meilleurs combattants en les
Troisième édition
292 LA D ~ ~ F E N S E
ACCUSE
privant de leur voix, de leur m&tier,de leur patrie l. Mais les yeux
que la mort a éteints transmettent leur flamme aux yeux qui
s'ouvrent. E t les yeux qui s'ouvrent ne se ferment plus...
De même qu'en février 1934, les travailleurs de France, dont
l'union avait été galvanisée par la victoire de Leipzig, avaient su se
battre coude à coude pour faire reculer le fascisme, de même la
chaleur ,de la colère les avait intimement soudés lorsque, un peu
plus d'un mois après le double assassinat judiciaire de New-York,
ils arrachèrent de leurs prisons Henri Martin et les derniers otages
du e complot 1).
3. C'est en aofit 1954 que le Congrés des Gtats-Unis ( A l a suite d'une surenchère
furieuse entre r r8publicains B e t démocrates r) a d6cidB la mise hors la loi du
Parti communiste américain.
Troisième édition
n P a r delà toutes les machinations policières, par del& tous les dos-
siers truqués et par delà L'utilisation de f a m , une chose est certaine :
a C'est le peuple qui l'emportera, dans le grand combat qui se livre
entre les forces d u passé q u i voudraient faire se survivre un vieil
ordre social périmé, pourri, et les forces de l'avenir e n marche sur le
chemin d u combat et du sacrifice, qui conduit à l'aube lumineuse du
socialisme. 1)
Au cours de ce premier interrogatoire qui avait lieu a u réfectoire
de la prison, l'homme sur la sellette, ce n'était guère Jacques
Duclos. Mais comment rendre le t o n sur lequel, plongeant son
regard droit dans les y e u x f u y a n t s du juge, qui n'en menait pas
large, Duclos le fouaille de son ironie vengeresse :
u Voyons, monsieur le Juge, regardez-moi les yeuz dans les yeax
et dites-moi :vous y croyez, oous, ri ce complot ? »
Dans u n e déclaration ultérieure, Duclos, face a u même magistrat,
Qvoquaitl'ombre ... et le sort du sinistre Gœring :
(t Lorsque le gouvernement vous charge de présenter la manifesta-
tion d u 28 mai comme ayant revêtu un s caractère insurrectionnel x, il
ne fait que reprendre les arguments déjà utilisés par G e r i n g contre
Dimitrov. En effet, Gœring accusait les communistes d'avoir pro jeté
l'insurrection pour le 27 février 2933 et il les accusait naturellement
d'être armés.
Troisième édition
-
LE COMPLOT DES PIGEONS 301
les cellules laissées vides par les criminels de guerre blanchis e t
les traîtres redevenus éligibles !
Ce règlement de comptes de classe, qui rappelait d'autant mieux
l'an 40 qu'il coïncidait avec une résurrection de s l'ordre euro-
péen » -si cher au Dr Gœbbels, ressemblait singulièrement à une
tentative de revanche de la trahison-contre la Résistance.
Néanmoins, la commission parlementaire ne se pressait nullement
de discuter, ni même d'étudier le document massue : elle préférait
laisser aux juges du Tribunal militaire la besogne de défricher et
voir venir.. .
Les deux juges Michel et Duval, siégeant à la caserne de Reuilly,
flanqués d'un peloton de greffiers, de secrétaires et d'experts, ne
manquaient pas de zèle ni de répondants. C'était en mars 1941,
c'est-à-dire à l'époque ohdéjà les poursuites visaient les patriotes
baptisés alors « terroristes u, que l'un d'eux (le plus ancien) avait
découvert sa vocation de magistrat ; il n'était sans doute pas de
ceux pour qui le serment d'allégeance ti Pétain posait des pro-
blèmes. Quant à l'autre, la sérénité judiciaire dont il faisait pro-
fession ne devait pas l'empêcher de manifester sa haine partisane
par un geste violent vers la personne de n son inculpé u le plus
calme, Paul Laurent, geste qui suscita immédiatement une requête
en récusation contre ce magistrat passionné.
E t c'étaient ces deux juges qui interrogeaient B longueur de'
journée des hommes tels que Le Léap et ses camarades de déten-
tion ! Comment les interrogeaient-ils ?
Ils avaient dans leur jeu tous les avantages que leur accordait
la loi et ceux qu'elle ne leur accordait pas : l'avantage d'une pré-
paration telle que leurs questionnaires étaient rédigés d'avance ;
l'avantage d'une documentation méticuleusement triée, de textes
soigneusement tronqués, interprétés, déformés, métamorphosés
B la suite de perquisitions illégales et nulles, de commissions roga-
toires qui équivalaient a des blancs-seings en faveur de la police ;
I'avantage du mépris de la chose jugée, les discours et écrits
publics choisis comme preuves d'une a entreprise plus ou moins
occulte B étant pour la plupart couverts par des acquittements
ou la prescription.
Ils avaient surtout l'avantage du secret : non seulement la presse
ouvernementale observait la consigne de mutisme, mais les juges
grandissaient sur la presse démocratique et la défense la menace
d'une disposition pénaIe qui assimile à la divulgation de cr secrets
Troisième édition
36 LA DÉFENSE ACCUSE
LA D ~ F E N S EACCUSE
avons parcouru
!'
ous voici parvenus au terme de notre ex loration. Nous
vol d'avion plus d'un siéc e et demi, deux
ou trois parties du monde, mais surtout un continent trop
mal connu des possibilités humaines.
Camarade lecteur, c'est à dessein que je t'ai souvent arrêté en
route pour entendre avec toi les hommes et les femmes que je
veux t e faire aimer, ceux qui souffrent, qui luttent, ceux qui
meurent, non seulement pour toi, mais pour que leur exemple
fructifie.
Cette étude aurait-elle seulement réussi à te faire un peu mieux
connaftre quelques-uns de nos héros, à t e les faire admirer plus
familièrement, à t e permettre de vivre, en leur exaltante compagnie,
un peu de leur vie saorifihe, de leur passion, de leur combat, de
leur victoire, aurait-elle manqué son but ?
Pas tout A fait. Mais j'en attends davantage. Nos héros sont
grands. Ils sont aussi nos modèles, nos maftres. Notre ambition
doit être & leur taille : susciter parmi nous, parmi les combattants
d'aujourd'hui et de demain, des émules bien avertis.
Quelque profondes que soient les diffbrences de formation, de
culture, d'expérience, de tempérament, qui distinguent nos granda
militants, n'as-tu pas saisi les traits communs qui les rapprochent
en une seule patrie, qui les unissent en une seule famille ? Sommes-
nous ou non de leur lign6e ? Te sens-tu leur compatriote, leur
parent ?
De Babeuf Q Karl Marx, de Karl Marx il LBnine, de LBnine à Dimi-
Troisième édition
NE PAS TREMBLER
LA D ~ F E N S E ACCUSE
LA DÉFENSE ACCUSE
les plue dures) les rapports de forces. Pour tracer la ligne qu'on
décide de suivre et ne s'en pas laisser écarter, sinon pour la recti-
fier après l'analyse autocritique. La clairvoyance détermine la !
justesse, donc l'efficacité de nos réactions.
C'est tout cela que nous autres, militants, nous appelons : ne
pas tremblerl Est-ce si simple ? Non, mais à notre port6e.
Encore, militants communistes, avons-nous cette chance de /
posséder une boussole qui ne trompe jamais. Pour peu que nous 1
ayons en toutes conjonctures les nerfs et la tête assez solides pour f
1
savoir la consulter et nous guider sur elle 1
Jamais le combat n'est gagné d'avance. Mais l'enjeu est tel
1
qu'il vaut que, derribre toi, si t u crains de fiancher, t u brûles les
ponts. Et t u gagneras. Avec le sourire.
11
Il serait d'ailleurs faux de dramatiser ou même d'exagérer : il
ne s'agit pas d'être puritain ni de faire de l'austérité son but. 11 ne
faudrait pas croire que ce choix du sacrifice ne comporte que des
sacrifices.
Bien au contraire. Le courage paye. Il paye toujours. A comptant: i
i
ou ti terme. Dimitrov a été libéré. Torgler a-t-il recueilli le bénhfice 1
de sa faiblesse, alors du moins qu'il n'était qu'un lâche et pas 1
encore un traître ? E n prison, il était pour les geBliers hitlériens 1
326 LA B ~ F E N S E ACCUSE
MOINS ON PARLE...
suffisait plus à tout ; elle n'était pas non plus à rejeter dans cer-
tains cas. Aussi Lénine, toujours réaliste, ne pouvait-il pas répon-
dre par oui ou par non aux questions que lui posaient Çtassova et
ses camarades emprisonnés. Il y répondit avec une prudence, une
clairvoyance, un discernement prophétiques.
Aujourd'hui même, ces questions ne supporteraient pas de
réponse schématique. En France, depuis 1897, l'instruction pré-
paratoire est entourée de certaines garanties, qu'il serait d)aiUmrs
dangereux de surestimer : en présence de leur avocat, les inculpés
politiques refusent rarement de répondre l ; ils utilisent l'ins-
truction pour faire valoir leurs droits, leurs protestations, pr6-
parer leurs armes. Dans l'Allemagne hitlérienne de 1933, Dimitrov
participe A l'instruction, mais sous la forme de déclarations
Qcrites. Lorsque le juge est suppléé par le renégat et le bourreau,
mieux vaut se taire,
1. Sauf, bien entendu, quand ils ont affaire à un juge qu'ils srit récusé. La tac
tique du boycottage a été employée par Alain Le Léap et ses coïnculpés à l'égard
des deux juges d'instruction Michel et Duval, qui, ayant conduit leurs interso-
gatoires sans sérénitél ont été I'objet d'une procédure de récusation,
Troisième édition
1. Cette citation de Dimitrov ainsi que plusieurs de celles qui suivent figu-
rent déjà plus haut, Bank les pages consacrées à la bataille de Leipzig. S ~ I G
Troisième édition
croyons utile de les reproduire dans ce chapitre terminal, c'est à cause de leur
importagce didactique, de leur vibleyr éducative pour les militantq.
Troisième édition
LA STRATÉGIE OFFENSIVE
La seconde règle mattresse exprime dans notre secteur de lutte
(contre la police et la justice de classe) une des lois capitales de la
guerre :
d'exclusion.
De ces exemples négatifs, tirons la leçon qu'ils contiennent.. On
peut la résumer, avec Dimitrov, en ces deux propositions, qui ne
sont nullement limitatives :
1.LORSQU'UX ACCUSÉ RENONCE AUE
COMMUN DEFENSEUR
D'OFFICE, LES COACCUSÉS DOIVENT EN FAIRE AUTANT.
2.
LORSQU'UN ACCUSÉ EST EXCLU DES DEBATS, SES COACCUSÉS
N'ONT PAS LE DROIT D'Y ASSISTER SANS PROTESTATION.
s'alimente
- ----- et se renouvelle. 1n Va 1
*-L:--
C'est parce que ces réservoirs, ces sources a,aiirnen~a~iuii
-mm-
iüur
font défaut, que les accusés non révolutionnaires ou contre-révo-
lutionnaires ne sauront jamais résister et se défendre offensivement
comme des communistes. -
Troisième édition
soudain, avec une netteté saisissante, un gouffre absolument noir. 11 n'est rien
au nom de quoi il faille mourir, si je voulais mourir sans avouer mes torts.*&B
1. Secondairement, sans doute,
Troisième édition
l@f
mai 1951-P décembre f 954.
Troisième édition
Troisième édition
Troisième édition
LES P R ~ ~ C U R S E U R S
DE BABEUF A LIEBKNECHT
BLANQUI .................................................
KARLM A R XA COLOGNE ....................................
LA P R E M I È R E INTERNATIONALE .
E T L E S T R O I S P R O C È S D E PARIS
STALINE, B R I S E U R D E C H A I N E S ............................
L'ATTITUDE D E S B O L C H E V I K S D E V A N T L E S T R I B U N A U X TSA-
RISTES ...................................................
LESP R É C U R S E U R S POLONAIS : WARYNSKI .....................
LES G R A N D S ANTIMILITARISTES A L L E M A N D S . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Wilhelrn Liebknecht et Bebel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Rosa Luxembourg à Francfort . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ka.rl Liebknecht à Berlin' . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
MAURICETHOREZ
A LA PRISON D E N A N C......................
Y
LA BATAILLE DE LEJPZI G
IJAB A T A I L L E DE .....................................
LEIPZIG
Le secret de Dimitrov ...................................
Face à la police hitlérienne .............................
Pendant l'instruction ...................................
La victoire Za plus rude ................................
Contre le cléfenseur d'office ..............................
Troisième édition
DISCIPLES ET ZMULES
DE THÆLMANN A PRESTES
D E THRLMAN
DANSL'ALLEMAGNE .N
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163
Les ouvriers de Wuppertal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166
Edgar André . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 167
L'EXEMPLE D E MATHIASRAKOSI . . . . . . . . . . . . . . . . . . :. . . . . . . . 176
H É R O S R O U M A I N S . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . S . 187
Les cheminots de Bucarest . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 187
H É R O S ALBANAIS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 9 1 *
LE H É R O S B K É S I L I E N CARLOSPRESTES, CHEVALIER D E L'ESPÉRANCE . 192
.
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ACHEVÉ D'IMPRIMER
PAR L'IMPRIME RIE CRÉTÉ,
LE 10 MARS 1955,
A CORBEIL-ESSONNES