“4
Eli Lotar, Aux abattoirs de la Villette, 1929
contraire, 4 ‘empire bureaucratique des Incas,
oii «tout se trouvait prévu dans une existenc
sans air»)? Il y a méme deux usages de l'abat-
toir (on peut se référer a lui pour parler de
V'horreur comme pour faire état de la maniére
dont elle est occultée). Tout se divise en deu
ique (il n'y
on simple de part et d’autre d'un
axe vertical), elle est dynamique (la limite du
mais cette division n'est pas symeét
a pas répartit
abattoir [bas matérialisme)
partage étant horizontale): le bas entraine le
ut dans sa chute. C’est I bas, son affir-
mation intempestive, qui creve d’un mauvais
coup le ballon de baudruche de l'idéal
Dire que l'abatt nt du temple, c’est don
ussi dire que le temple peut étre sordide
comme un abattoir et que la religion n’a de
sens qu’a étre sanguinaire (elle l'est d’ailleurs
toujours au départ, mais finit 4 plus ou moinsWols, Sans titre, s. d
long terme par réprimer ce trait constitutif
«Dieu perd rapidement et presque entierement
les éléments terrifiants et les emprunts au
cadavre en décomposition pour devenir, au
dernier terme de la dégradation, le simple signe
(paternel) de lhomogénéité universelle”?
Comme plusieurs auteurs l'ont remarqué, le
texte qui fait pendant a la notice «Abattoir»
est une autre entrée du «Dictionnaire critique
«Musée». Bataille y est tout aussi manichéen
«D’apres la Grande Encyclopédie, commenc
u sens moderne du mot
ire collection publique)
‘93 en France
Lil, le premier musé
(c’est-a-dire la prem
urait 6té fondé le 27 juillet 17
ine du musée moderne
par la Convention. Lorig
vorait donc liée au développement de la
guillotine.» Suit un développement ironique
(au cours duquel les visiteurs du musée sc
batter [badésignés comme son vrai contenu), se termi:
nant par un assaut contre la contemplation
psthétique considérée comme autocélébration
harcissique: «Le musée est le miroir colossal
Gans lequel l'homme se contemple enfin sous
toutes les faces, se trouve littéralement admi-
rable et s'abandonne a lextase exprimée dans
toutes les revues d'art» (expression d’extase
que le lecteur de Documents serait done en
droit d'attendre, mais dont il ne trouvera pas
grande trace dans la revue)”. On pourrait etre
tenté de voir dans ce texte comme une annonce
de la phrase inoubliable prononcée quelques
années plus tard par Walter Benjamin («Rien
n'est jamais un document de culture sans étre
on méme temps un document de barbarie*»),
mais ce serait la faire loucher la pensée de
Bataille vers le marxisme, avec quoi il ne se
frottera que tres épisodiquement (juste apres la
fin de Documents, vers 1932-1939), et toujours
en prenant ses distances”. Plus que de lutte
des classes, il s’agit ici de déclassement, et la
barbarie serait plutot ce que Bataille appelle
de tous ses veux. Aucun marxiste ne pourrait
signer cette phrase: «Sans complicité profonde
avec des forces de la nature telles que la mort
sous sa forme violente, les effusions de sang,
les catastrophes soudaines y compris les hor-
ribles cris de douleur qui les suivent, les rup-
tures terrifiantes de ce qui paraissait immuable,
Vabaissement jusque dans une pourriture
infecte de ce qui était élevé, sans la compré
hension sadique d’une nature incontestable-
ment tonitruante et torrentielle, il ne peut y
avoir de révolutionnaires, il n'y a qu'une éceu-
rante sentimentalité utopique”*. »
Ces lignes sont extraites de «La valeur
usage de D.A.F. de Sade», réponse de Bataille
a la diatribe lancée contre lui par André Bre-
ton dans le Second manifeste du surréalisme.
A tel passage de ce texte essentiel, que Bataille
ne publiera pas, fait écho l'une des dernidres
notices parues dans Documents, le commen-
taire d'un article réactionnaire d’Emmanuel
Berl contre l'emprise eroissante de la psycha-
nalyse sur la production artistique et littéraire”*,
Bataille renchérit contre ceux (les surréalistes)
qui se réclament de la psychanalyse et qui,
«tenant a échapper & ses conséquences, Se
réfugient dans l'inconscient le plus mystérieux
(alors que Freud n'a jamais voulu que mettre
tout en lumiére en éliminant rigoureusement le
moindre mystere entretenu par l'inconscient) »:
ils ne font, dit Bataille, que du «fromage» —
46 abattoir (bas matérialisme]
ou du «dessert» ou de la poésie, ce qui revient
au méme («Je ne crois pas avoir hal rien
autant que la poésie», note-t-il dans l'un des
nombreux brouillons de sa réponse & Breton)”.
Le regne de l'inconscient-fromage ou dessert
est fini, ca n'amuse plus personne: «La réduc-
tion du refoulement et I’élimination relative du .
Symbolisme ne sont évidemment pas favorables
2 une littérature d’esthetes décadents, entie-
rement privés méme d'une possibilité de
contact avec les basses couches sociales.» Et
«comme il est hors de question de mettre la
psychanalyse au rancart, dit encore Bataille,
il faudra bien passer a un autre genre d’exer-
cice». La révolution sociale, certes (on
approche de la conclusion de I’aventure de
Documents et du moment relativement bref ott
Bataille déportera sa réflexion sur le champ.
politique), mais surtout un autre usage de
Freud. Car de la psychanalyse aussi il y a un
double usage: celui des exploiteurs littéraires
de l'inconscient, qui le visitent en touristes et,
y puisant comme dans un réservoir de méta-
phores, s'amusent a singer le délire, et il ya
les analysés. Il y a ceux qui transposent,
mimant les déplacements et condensations au
travail dans le réve, et il y a ceux qui sont alté-
rés par la psychanalyse (c'est en terme d’alté-
ration, non de guérison, que Bataille fera plus
tard référence a sa cure psychanalytique)”. 11
y a ceux qui ne voient dans le texte psychana-
lytique qu’une mine de symboles, et ceux au
contraire qui le lisent comme une machine de
guerre dirigée contre la symbolisation. L’oni-
risme poétique du surréalisme est, pour
Bataille, I'«échappatoire la plus dégradante»
en ce sens qu'il marque une nette soumission
ala loi: «Les éléments d’un réve ou d'une hal-
lucination sont des transpositions; l'utilisation
poétique du réve revient a une consécration
de la censure inconsciente, c’est-a-dire de la
honte secréte et des lachetés™.»
Contre la transposition (attaquée sur un ton
amer dans le tout dernier article qu’il publie
dans Documents, «Lesprit moderne et le jeu
des transpositions»), Bataille opte pour l'alté-
ration, et c'est en tant qu’altération vers le bas
qu'il valorise la «réduction du refoulement»:
«Un retour a la réalité n'implique aucune
acceptation nouvelle, mais cela veut dire qu'on
est séduit bassement, sans transposition et jus~
’a en crier, en écarquillant les yeux: les écar-
quillant ainsi devant un gros orteil”*. » La psy-
chanalyse est une entreprise de démystification,elle obéit & ce mot d’ordre: «Il s’agit
tout d’abord d’altérer ce que l'on a
sous la main»; elle fait des taches
d'encre sur l'idéal du moi®.
Laltération est un mot a double
e («Le terme d'altération ale
double intérét d’exprimer une décom-
position partielle analogue a celle des
cadavres et en méme temps le passage
‘un état parfaitement hétérogene cor-
respondant & ce que le professeur pro-
testant Otto appelle le tout autre, c’est-
a-dire le sacré, réalisé par exemple
dans un spectre*"»). Mais c’est surtout
le mot qui désigne le coup bas porté
aux mots quand on souligne leur
double usage, un double usage le plus
souvent refoulé mais parfois entériné
par le dictionnaire lorsque deux sens
opposés sont réunis dans un méme
terme. Comme le note Denis Hollier,
Bataille avait lu l'étude de Freud sur cette
question, et il n’aura pu qu’étre frappé
par certains de ses exemples («en latin.
altus veut dire haut et profond; sacer, saint
et maudit®»). Plus encore, peut-étre,
Bataille se sera réjoui de l'affirmation par
Freud, des ses Trois essais sur la théorie de
la sexualité, de Vorigine organique de
dédoublement alternatif — la double fonctio:
des organes, notamment du pénis, qui «ser-
vent deux maitres a la fois» — et du réle joué
par le refoulement de cette conjonction dans le
développement de la civilisation comme du sujet
humain, sans parler de la sublimation esthé-
tique*. Méme si les références de Bataille a
Freud ne sont pas trés nombreuses, et si l'usage
quill fait de la psychanalyse n'a rien d’ortho-
doxe, il y trouve un modele pour l’opération de
rabaissement qu'il veut mener sur «tout ce qui
lui tombe sur la main» (sur tout ce qui est pré-
senté comme «élevé» ou idéal, s'entend). F
n’est pas nommé dans «Le gros orteil», peut-
étre l'exemple le plus criard d’altération &
laquelle Bataille soumet l'homme (le début du
texte énonce un axiome dont la preuve défi
tive n’a été fournie que récemment par la
paléontologie, & savoir que «le gros orteil est
Ja partie la plus humaine du corps humain»),
mais on peut lire ce bralot fulgurant comme un
pastiche freudien: « Quel que soit le role joué
dans I’érection [la position verticale] par son
pied, l'homme, qui a la téte légere, c’est-a-dire
Gleyée vers le ciel et les choses du ciel, le
Portrait, 1967
regarde comme un crachat
sous prétexte qu'il a ce pied dans
la boue.» Freud insistera sur la fone-
tion du refoulement dans la formation du moi,
Bataille enfoncera le clou de la désublimation
iln'y a rien de plus humain que ce crachat que
battoir (bas matérialisme} 47D’oit aussi la portée
Jement pas tan|
humains, qui ne different fin
du spectacle que l'on peut voir dans les abat
utilisation du méca
toirs: si l'on considere
jes que la
nisme sacrificiel a diverses fins te
tion comme secondaire ».
r «le fait élémentaire de
et a voir
propitiation ou 'expia
on est porté a reteni
Valtération radicale de la personne
que «la victime affalée dans une flaque de sang,
1, I'eril ou loreille arrachée ne different
le doi
pas sensiblement des aliments vornis> ni du
minable rouleau de peau ensanglanté de la pho-
tographie de Lotar*. Cette altération produit
le tout autre, a savoir le sacré, selon la défini
lolf Otto que Bataille conservera toute
tion de
sa vie —mais ce sacré n’est qu'un autre nom de
ce que 'on rejette comme excrément
— lias matérialisme, dialectique, jeu lugubre
Kazuo Shiraga, Chasse au sanglier (Shisigar}, 1963
48 abattoir [bas n
utérialisme}
1,
ndy Sundays
re
de La Prise de Ia
re Again
‘age, MITas matérialisme. t:récérotogie est
Je nom que Bataille donnera a son
entreprise (ou plutot a son «projet
contre le projet») dans «La valeur
usage de D.A.F. de Sade», texte écrit,
alors que la polémique initiée par André Bre-
ton dans le Second manifeste du surréalisme
était A son comble. Le texte n'est pas précisé-
ment daté, mais tout indique que sa rédaction
est contemporaine ou Iégerement postérieure
celle des derniers articles de Bataille parus
dans Documents, notamment «La mutation
sacrificielle et roreille coupée de Vincent Van
Gogh», ott le terme «hétérogene » fait son
lentes apparition (I'automutilation et le sacrifice y
présente por Mariana Gaede fasion 1970), eed tant qualifiés parmi d'autres actions comme
Suecaice” ones”, ayant «la puissance de libérer des éléments
frutanaercfescere(1522-parvorsin Pore Pwcoce /hétérogenes et de rompre l'homogénéité habi-
1939), eset em ae ‘tuelle de la personne»). De fait, Documents
7 n A Hien des & ene.
Se eerpsbosie _-rowceratcnsooe St bien des égards le ane d'essal de The
‘aval usage de 0.AF fonction des orgenes ete roe _t6rologie, I’arrét de sa publication allant de
de Sadeo, art ots. p67. ——_fermmoteur que bs atanove pair avec la mise au net de cette notion. Certes
eee tari wor Hubert Demisch, Je sort de Documents est identique a celui
Ganomiomes eens», Ledger de Para ors, 1 . Pa :
‘Documents, 5, 1930, 2, r ‘autres revues d’avant-garde (le commandi-
pp. 3103117 (00, |, 241- taire, Georges Wildenstein, fatigué de sa
danseuse, se sera lassé de payer les pots cas-
65), mais il n'est pas impossible que Bataille ait
lui-méme poussé a la rupture. «Lesprit
la cwsation, sel quoi se ita ae ae
eee emcee’ moderne et le jeu des transpositions», le d
Unetur est un purprodut denier texte qu'il y publie (dans le méme numéro,
Teorqueilhumain» a, p. 10. et dans la méme veine que l’essai «sur» Van
parce ae opal {fet un constata'éche
ooo Gogh), signe en effet un constat d’éct eC
Documents, 7, 1990, p. 45). 24, Georges Bataile, de l'art en tant que radicalité hétérogene, c’est-
16. lo, OC, 1 421 (Dossier La rmailstion secrifcielle ot a-dire non assimilable: «Les ceuvres des plus
cept ee Are esas, grands peintres modernes [Picasso] appar-
77, Bole assoce Micha) 9B(00,1 268) tiennent si l'on veut a histoire de V'art, peut-
Leiris (lu aussi analyse par 6tre méme a la période la plus brillante de cette
peice seen eon histoire, mais il faudrait plaindre évidemment
Ceecar erie disposerait pas pour en vivre
celui qui ne disposerait pas p
a ~ " : at a
Coeruenur soon [1856] d'images infiniment plus obsédantes. » Ou
eae oe encore: «On entre chez le marchand de
Gammon tan ee) tableaux comme chez un pharmacien, en quéte
Sadie ange d re de remédes bien présentés pour des maladies
avouables®» Quelles que soient ses outrances,
vor Denis Holler La Prise de
209205,” Yart est prisonnier de son antique fonction
“8. Gorges Bute, «Det te et reste done malgré tout un agent
Ghai. de lordre social: il est au service de I'«homo-
Gane généité 7
ra se Lhétérologie est la «science de ce qui est
Documents, 6, 1928, p. 302 tout autre», écrit Bataille. Il précise aussitot
ot primer «le terme dagiologie serait peut-étre plus pré-
ts 77850 596 cis mais il faudrait sous-entendre le double
fre sens d’agios (analogue au double sens de sacer)
21. tod. p. 397, notw 2
; ig c'sstaurtout
1n souillé que saint. Mais c'est surt
(0c. 251) aussi bie
bas matérialisme (bas matérialisme] 48(science de Vordure) qui
i
le terme de scatologie
garde dans les circonstances actuelles (sp
Fialisation du sacré) une valeur expressive
incontestable comme doublet d'un terme abs-
tel qu’hétérologie?.» Bien que Bataille ait
finaloment renoncé au terme «scatologie>,
quill aimait pour son aspect «coneret», comme
‘Ie dit en note, il faut prendre garde ici au
mode d’apparition du sacré: Bataille a tout de
suite senti que «sacré» préterait & confusion
(a cause de sa «spécialisation» dans les «cir-
constances actuelles»). Ce qu'il désigne par
sacré, c'est ce qui est «tout autre» et qui est
donc exclu comme tel. Tout ce qui est tout
autre, et traité comme un corps étranger: «La
notion de corps étranger (hétérogene) permet
de marquer lidentité élémentaire subjective
des exeréments (sperme, menstrues, urine,
matiéres fécales) et de tout ce qui a pu étre
regardé comme sacré, divin ou merveilleux*. »
Dieu n'est sacré qu’au méme titre que la
merde, Aucun rapport, done, avec la réappro-
priation du merveilleux telle que pouvait 'en-
visager André Breton a l’époque. Bataille est
tres clair sur ce point des les premiers textes de
Documents, alors qu'il n’a pas encore élaboré
Ja notion d’hétérologie: «Il est temps, lorsque
le mot matérialisme est employé, de désigner
Vinterprétation directe, exeluant tout idéa-
lisme, des phénoménes bruts, et non un sys-
Lucie Fontana, Concetto spaziale, 1967
‘50 bas matérialisme (bas matérialisme]
tame fondé sur les éléments fragmentaires
d'une analyse idéologique élaborée sous le
signe des rapports religieux®. »
Le matérialisme tel que l'entend Bataille, le
bas matérialisme, est done dans Documents la
préfiguration de Phétérologie. Cotte derniére
notion a l'avantage de marquer d’elle-méme
le rejet: alors que le matérialisme doit «exclure
tout idéalisme» (ce qui est une tache beaucoup
plus complexe qu'il n'y parait), «hétérogene»
désigne d’emblée ce qui est exclu par V'idéa-
lisme (par le moi, le capitalisme, la religion
constituée, etc.). De plus, le terme «hétérolo-
gie» est neuf, alors que le bas matérialisme
doit se mesurer a une longue tradition — le
bas matérialiste doit se battre, afin de consti-
tuer son objet, contre ce que l'on pourrait appe-
ler le «haut» matérialisme. Tout se divise en
deux, méme le matérialisme: c’est & indiquer
la besogne du bas matérialisme que s’attachera
Bataille dans Documents — apres quoi il optera
pour le terme moins historiquement chargé
d’hétérologie
Le bas matérialisme (dont 'informe est la
manifestation la plus coneréte) a pour besogne
de déclasser, c'est-a-dire a la fois de rabaisser
et de libérer de toute prison ontologique, de
tout «devoir étre». En premier lieu, il s'agit
de déclasser la matiere, de l'extirper des griffes
philosophiques du matérialisme classique.
Celui-ci_ n'est rien
«autre qu'un idéalisme
déguisé: «La plupart
des matérialistes [...]
ont situé la matiére
morte au sommet d’une
hiérarchie convention-
nelle des faits d’ordre
divers, sans s'aper-
cevoir qu'ils cédaient
ainsi a l'obsession
d'une forme idéale de
la matiére, d’une forme
qui se rapprocherait
plus qu’aucune autre
de ce que la matiere
devrait étre®.» Le
devoir-étre est un
mode d'appropriation
«
dans ela valeur usage
Ge DAF de Sever, ort te,
ps8
47. Mehel Lens, «Aber
Gacomet, Documents, 4,
1929p. 209. Sur ls
‘elaine entre Gacomet et le
groupe eDocument, 08
Fosatna Kraus, ne ove
pus» 1964), reps dans
[thgnate de ovenegarde
auares myoies modernstes
trod rancate de vean Pierre
Grau, Pars, Edtions Mecul
1983. pp 213262. fue
joer au Sosier
‘etchame cher Gacomet
le debut de 0 reponse a une
‘question de Beton et Eord
Pour une enquéte pubiee dans
Minotaure 1933 Power
vous de quel 2 ee
larenconte captale de votre
ve?) Une le blanche
dans une faque de gowsron
fqude et trod f.} (repns
dans ibera Gacomen,
ents, preaeriés par Michel
Lon 8 uacgues Dupin, Pans
Hermann, 1890, p15),
Vere use, notice
{Ober parcel.
18. Sur a myphoioge du
(19571. a
ine CEuvres completes, Pans,
sil, 1993. vo.
"38669
412. Michel Laine, Journal
11822-1989, Pans, Gollmard,
1992, p. 154.
20, Bernard Roquichot, Les
Fens de Berard Requichot,
(édoon étable par Marcel
Boe, Bruxeles, Edeons La
Comaissance, 1973, p. 116.
21, Cari Enstein, «Expestion
{collages (Galerie
Goemans)», Documents, 4,
1990, p. 244
22. Lous Aragon,
‘ka peinture au defi (19901,
repre dans Les Colles,
Pars, Hermann, 1965, pp. 42
e263.
29, Cest une erreur q's mon
Sens commet Georges Did
Huberman taut au long de son
‘uvrage (La Ressembiance
informe, op. ct). Dans
le fragment dune premiére
version de Le surréalisme au
jour le jours (non repr dans
[es Geuyres completes ot
Inble eLa publication "Un
‘cadaure’ 1], Bataile parle ainsi
‘de Documents: «[rewe] que,
sous le nam de “secretare
general’ je digests
reellemene, accord avec
Georges Henn Rivire [.]. et
rencontre du drecteur en tere,
le poste alemand Cari
Enstoiny. Cte par Michel
Surya, Georges Bataile,
la morta tcaure, Pars,
Gatimard, 1982, p. 148,
ave 1
24, Foland Barthes,
‘ Requichat et son corps»
11973}, repnis dans les
(Euwres completes, Paris,
te Seu, 1994, vol.
. 1624. Le commentaire de
Barthes aur ee gras ores
‘précade immédiaterent
fe tate sur Requichor
dans ce volume.
60 bas matéralisme (bas matérialismel
adavre. «Il arrive que dans toute
cette histoire Charlot est véritablement
le défenseur de amour, et uniquement,
et purement»: tel est le verdict rendu
par les surréalistes dans leur déelara-
tion de soutien & Charlie Chaplin, «Hands Off
Love». Ce qui les enthousiasme avant tout, e"est
que Chaplin ait fait fi de la morale bourgeoise
en déclarant 4 sa femme qu’il en aimait une
autre et que cette autre était merveilleuse. Cha-
plin est pour eux le chantre de «la femme
comme un trait de feu, la femme “merveilleuse”
dont les traits purs seront & jamais tout le ciel*»,
Entrelacant les themes du merveilleux, de
Yamour et du hasard, cet hymne & lesprit de
révolte chez Chaplin exprime parfaitement l'idée
de Breton selon laquelle c'est par son appel
l'Eros que le surréalisme participerait de la
révolution. Pour Breton en effet, ce qui consti-
tuait l'appareil du mouvement a ses débuts —
son «bureau de recherches» consacré a la col-
lecte et a la publication des réves, les incitations
l'association libre par les techniques de l'éeri-
ture ou du dessin automatiques, les jeux de
hasard, les balades nocturnes dans la ville et
les excursions au marché aux puces (ce que les
uationnistes appelleront plus tard la dérive)
— tout cela était presque enti¢rement destiné a
libérer les pulsions inconscientes, pulsions com-
prises comme relevant quasi exclusivement de
la libido. Mais supposons au contraire, comme
plusieurs chercheurs ont commencé & le faire,
que la notion de Merveilleux telle que l'entend
Breton a au moins autant a voir avec la pulsion’
de mort qu’avec le principe de plaisir, que ses
idées concernant le «hasard objectif» sont
imprégnées d’«inquictante étrangeté » (Unheim-
lich), que Nadja raconte moins une histoire
d'amour que le retour du refoulé — c'est alors
le principe méme de 'importance cardinale de
l'amour pour le mouvement surréaliste, savoir
V'interprétation que Breton n’a cessé de prodi-
guer, qui est a revoir?
Il n’est pas sans ironie que le syntagme _
«cadavre exquis» ait 616 désigné pour déno-
ter un certain type de jeux de hasard auxquels
le groupe avait recours afin de déjouer la rai-
son et de trouver une voie d’acees a lincons-
cient. En effet, produite lors de la premiere
séance oit les surréalistes se livrérent a ce p
Jeu de société durant laquelle l'on écrit
phrase a plusieurs, chaque participant| Goemans, Jacques Prévert, Yves Tanguy, Cadavre exquis, 7 mars 1927
ae
wre exquis boira le vin nouveau»),
‘convoque la mort dans I'espace
Breton aurait voulu I’exclure?.
les objets auxquels ce nom a été
eut lire le conflit entre I'éros et la
/ mort le hasard comme surgissement
- débridé de possibilités infinies et le hasard
comme comble du contréle et de la détermination
(ce hasard qu’Aristote concevait comme une
1¢ de causalité, comme automaton). Nil'ap-
a iberté et de créativité sans
es hybrides exotiques que sont les
rguis dessinés, ni les images hyper-
équivalent textuel ne masquent
déterminé de leur syn-
plis qui isolent la contribution de chaque
ant et lui cachent celles des autres cor-
| peu pres, pour la version textuelle,
‘phrase en francais (sujet,
pour la version
que du corps
torse, jambes). Une telle
rd de la Structure de la figure
(ou de la phrase) suggérerait plutot que c’est la
forme, et donc la raison ou la conscience, qui
‘gouverne la production du cadavre exquis.
Plus encore que la persistance du figural, c'est
Vopposition entre deux conceptions du hasard
que je voudrais ici souligner dans ces objets,
deux conceptions antagoniques auxquelles il
faut attacher respectivement les noms de Breton
et de Bataille. Alors que pour Breton le hasard
était un champ ouvert de possibilités innom-
brables dont certaines étaient soudain citées &
comparaitre par la force du désir, Bataille s'in-
AGressait au «jeu lugubre» par lequel le pou-
voir absolu d'une structure régente en sous-
main tout ce qui semble n’étre que le produit
du hasard, une structure de répétition et de
pulsion qui «automatise » et programme ce
champ de possibilités en lorientant par rapport
ala mort, De fait, alors que la production
d'images poétiques concues comme rencontres
‘aléatoires de deux éléments linguistiques
disparates constituait pour Breton lessentiel de
activité surréaliste, Bataille écrivait avant tout
eadayre [bas matérialisme] 61