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“4 Eli Lotar, Aux abattoirs de la Villette, 1929 contraire, 4 ‘empire bureaucratique des Incas, oii «tout se trouvait prévu dans une existenc sans air»)? Il y a méme deux usages de l'abat- toir (on peut se référer a lui pour parler de V'horreur comme pour faire état de la maniére dont elle est occultée). Tout se divise en deu ique (il n'y on simple de part et d’autre d'un axe vertical), elle est dynamique (la limite du mais cette division n'est pas symeét a pas répartit abattoir [bas matérialisme) partage étant horizontale): le bas entraine le ut dans sa chute. C’est I bas, son affir- mation intempestive, qui creve d’un mauvais coup le ballon de baudruche de l'idéal Dire que l'abatt nt du temple, c’est don ussi dire que le temple peut étre sordide comme un abattoir et que la religion n’a de sens qu’a étre sanguinaire (elle l'est d’ailleurs toujours au départ, mais finit 4 plus ou moins Wols, Sans titre, s. d long terme par réprimer ce trait constitutif «Dieu perd rapidement et presque entierement les éléments terrifiants et les emprunts au cadavre en décomposition pour devenir, au dernier terme de la dégradation, le simple signe (paternel) de lhomogénéité universelle”? Comme plusieurs auteurs l'ont remarqué, le texte qui fait pendant a la notice «Abattoir» est une autre entrée du «Dictionnaire critique «Musée». Bataille y est tout aussi manichéen «D’apres la Grande Encyclopédie, commenc u sens moderne du mot ire collection publique) ‘93 en France Lil, le premier musé (c’est-a-dire la prem urait 6té fondé le 27 juillet 17 ine du musée moderne par la Convention. Lorig vorait donc liée au développement de la guillotine.» Suit un développement ironique (au cours duquel les visiteurs du musée sc batter [ba désignés comme son vrai contenu), se termi: nant par un assaut contre la contemplation psthétique considérée comme autocélébration harcissique: «Le musée est le miroir colossal Gans lequel l'homme se contemple enfin sous toutes les faces, se trouve littéralement admi- rable et s'abandonne a lextase exprimée dans toutes les revues d'art» (expression d’extase que le lecteur de Documents serait done en droit d'attendre, mais dont il ne trouvera pas grande trace dans la revue)”. On pourrait etre tenté de voir dans ce texte comme une annonce de la phrase inoubliable prononcée quelques années plus tard par Walter Benjamin («Rien n'est jamais un document de culture sans étre on méme temps un document de barbarie*»), mais ce serait la faire loucher la pensée de Bataille vers le marxisme, avec quoi il ne se frottera que tres épisodiquement (juste apres la fin de Documents, vers 1932-1939), et toujours en prenant ses distances”. Plus que de lutte des classes, il s’agit ici de déclassement, et la barbarie serait plutot ce que Bataille appelle de tous ses veux. Aucun marxiste ne pourrait signer cette phrase: «Sans complicité profonde avec des forces de la nature telles que la mort sous sa forme violente, les effusions de sang, les catastrophes soudaines y compris les hor- ribles cris de douleur qui les suivent, les rup- tures terrifiantes de ce qui paraissait immuable, Vabaissement jusque dans une pourriture infecte de ce qui était élevé, sans la compré hension sadique d’une nature incontestable- ment tonitruante et torrentielle, il ne peut y avoir de révolutionnaires, il n'y a qu'une éceu- rante sentimentalité utopique”*. » Ces lignes sont extraites de «La valeur usage de D.A.F. de Sade», réponse de Bataille a la diatribe lancée contre lui par André Bre- ton dans le Second manifeste du surréalisme. A tel passage de ce texte essentiel, que Bataille ne publiera pas, fait écho l'une des dernidres notices parues dans Documents, le commen- taire d'un article réactionnaire d’Emmanuel Berl contre l'emprise eroissante de la psycha- nalyse sur la production artistique et littéraire”*, Bataille renchérit contre ceux (les surréalistes) qui se réclament de la psychanalyse et qui, «tenant a échapper & ses conséquences, Se réfugient dans l'inconscient le plus mystérieux (alors que Freud n'a jamais voulu que mettre tout en lumiére en éliminant rigoureusement le moindre mystere entretenu par l'inconscient) »: ils ne font, dit Bataille, que du «fromage» — 46 abattoir (bas matérialisme] ou du «dessert» ou de la poésie, ce qui revient au méme («Je ne crois pas avoir hal rien autant que la poésie», note-t-il dans l'un des nombreux brouillons de sa réponse & Breton)”. Le regne de l'inconscient-fromage ou dessert est fini, ca n'amuse plus personne: «La réduc- tion du refoulement et I’élimination relative du . Symbolisme ne sont évidemment pas favorables 2 une littérature d’esthetes décadents, entie- rement privés méme d'une possibilité de contact avec les basses couches sociales.» Et «comme il est hors de question de mettre la psychanalyse au rancart, dit encore Bataille, il faudra bien passer a un autre genre d’exer- cice». La révolution sociale, certes (on approche de la conclusion de I’aventure de Documents et du moment relativement bref ott Bataille déportera sa réflexion sur le champ. politique), mais surtout un autre usage de Freud. Car de la psychanalyse aussi il y a un double usage: celui des exploiteurs littéraires de l'inconscient, qui le visitent en touristes et, y puisant comme dans un réservoir de méta- phores, s'amusent a singer le délire, et il ya les analysés. Il y a ceux qui transposent, mimant les déplacements et condensations au travail dans le réve, et il y a ceux qui sont alté- rés par la psychanalyse (c'est en terme d’alté- ration, non de guérison, que Bataille fera plus tard référence a sa cure psychanalytique)”. 11 y a ceux qui ne voient dans le texte psychana- lytique qu’une mine de symboles, et ceux au contraire qui le lisent comme une machine de guerre dirigée contre la symbolisation. L’oni- risme poétique du surréalisme est, pour Bataille, I'«échappatoire la plus dégradante» en ce sens qu'il marque une nette soumission ala loi: «Les éléments d’un réve ou d'une hal- lucination sont des transpositions; l'utilisation poétique du réve revient a une consécration de la censure inconsciente, c’est-a-dire de la honte secréte et des lachetés™.» Contre la transposition (attaquée sur un ton amer dans le tout dernier article qu’il publie dans Documents, «Lesprit moderne et le jeu des transpositions»), Bataille opte pour l'alté- ration, et c'est en tant qu’altération vers le bas qu'il valorise la «réduction du refoulement»: «Un retour a la réalité n'implique aucune acceptation nouvelle, mais cela veut dire qu'on est séduit bassement, sans transposition et jus~ ’a en crier, en écarquillant les yeux: les écar- quillant ainsi devant un gros orteil”*. » La psy- chanalyse est une entreprise de démystification, elle obéit & ce mot d’ordre: «Il s’agit tout d’abord d’altérer ce que l'on a sous la main»; elle fait des taches d'encre sur l'idéal du moi®. Laltération est un mot a double e («Le terme d'altération ale double intérét d’exprimer une décom- position partielle analogue a celle des cadavres et en méme temps le passage ‘un état parfaitement hétérogene cor- respondant & ce que le professeur pro- testant Otto appelle le tout autre, c’est- a-dire le sacré, réalisé par exemple dans un spectre*"»). Mais c’est surtout le mot qui désigne le coup bas porté aux mots quand on souligne leur double usage, un double usage le plus souvent refoulé mais parfois entériné par le dictionnaire lorsque deux sens opposés sont réunis dans un méme terme. Comme le note Denis Hollier, Bataille avait lu l'étude de Freud sur cette question, et il n’aura pu qu’étre frappé par certains de ses exemples («en latin. altus veut dire haut et profond; sacer, saint et maudit®»). Plus encore, peut-étre, Bataille se sera réjoui de l'affirmation par Freud, des ses Trois essais sur la théorie de la sexualité, de Vorigine organique de dédoublement alternatif — la double fonctio: des organes, notamment du pénis, qui «ser- vent deux maitres a la fois» — et du réle joué par le refoulement de cette conjonction dans le développement de la civilisation comme du sujet humain, sans parler de la sublimation esthé- tique*. Méme si les références de Bataille a Freud ne sont pas trés nombreuses, et si l'usage quill fait de la psychanalyse n'a rien d’ortho- doxe, il y trouve un modele pour l’opération de rabaissement qu'il veut mener sur «tout ce qui lui tombe sur la main» (sur tout ce qui est pré- senté comme «élevé» ou idéal, s'entend). F n’est pas nommé dans «Le gros orteil», peut- étre l'exemple le plus criard d’altération & laquelle Bataille soumet l'homme (le début du texte énonce un axiome dont la preuve défi tive n’a été fournie que récemment par la paléontologie, & savoir que «le gros orteil est Ja partie la plus humaine du corps humain»), mais on peut lire ce bralot fulgurant comme un pastiche freudien: « Quel que soit le role joué dans I’érection [la position verticale] par son pied, l'homme, qui a la téte légere, c’est-a-dire Gleyée vers le ciel et les choses du ciel, le Portrait, 1967 regarde comme un crachat sous prétexte qu'il a ce pied dans la boue.» Freud insistera sur la fone- tion du refoulement dans la formation du moi, Bataille enfoncera le clou de la désublimation iln'y a rien de plus humain que ce crachat que battoir (bas matérialisme} 47 D’oit aussi la portée Jement pas tan| humains, qui ne different fin du spectacle que l'on peut voir dans les abat utilisation du méca toirs: si l'on considere jes que la nisme sacrificiel a diverses fins te tion comme secondaire ». r «le fait élémentaire de et a voir propitiation ou 'expia on est porté a reteni Valtération radicale de la personne que «la victime affalée dans une flaque de sang, 1, I'eril ou loreille arrachée ne different le doi pas sensiblement des aliments vornis> ni du minable rouleau de peau ensanglanté de la pho- tographie de Lotar*. Cette altération produit le tout autre, a savoir le sacré, selon la défini lolf Otto que Bataille conservera toute tion de sa vie —mais ce sacré n’est qu'un autre nom de ce que 'on rejette comme excrément — lias matérialisme, dialectique, jeu lugubre Kazuo Shiraga, Chasse au sanglier (Shisigar}, 1963 48 abattoir [bas n utérialisme} 1, ndy Sundays re de La Prise de Ia re Again ‘age, MIT as matérialisme. t:récérotogie est Je nom que Bataille donnera a son entreprise (ou plutot a son «projet contre le projet») dans «La valeur usage de D.A.F. de Sade», texte écrit, alors que la polémique initiée par André Bre- ton dans le Second manifeste du surréalisme était A son comble. Le texte n'est pas précisé- ment daté, mais tout indique que sa rédaction est contemporaine ou Iégerement postérieure celle des derniers articles de Bataille parus dans Documents, notamment «La mutation sacrificielle et roreille coupée de Vincent Van Gogh», ott le terme «hétérogene » fait son lentes apparition (I'automutilation et le sacrifice y présente por Mariana Gaede fasion 1970), eed tant qualifiés parmi d'autres actions comme Suecaice” ones”, ayant «la puissance de libérer des éléments frutanaercfescere(1522-parvorsin Pore Pwcoce /hétérogenes et de rompre l'homogénéité habi- 1939), eset em ae ‘tuelle de la personne»). De fait, Documents 7 n A Hien des & ene. Se eerpsbosie _-rowceratcnsooe St bien des égards le ane d'essal de The ‘aval usage de 0.AF fonction des orgenes ete roe _t6rologie, I’arrét de sa publication allant de de Sadeo, art ots. p67. ——_fermmoteur que bs atanove pair avec la mise au net de cette notion. Certes eee tari wor Hubert Demisch, Je sort de Documents est identique a celui Ganomiomes eens», Ledger de Para ors, 1 . Pa : ‘Documents, 5, 1930, 2, r ‘autres revues d’avant-garde (le commandi- pp. 3103117 (00, |, 241- taire, Georges Wildenstein, fatigué de sa danseuse, se sera lassé de payer les pots cas- 65), mais il n'est pas impossible que Bataille ait lui-méme poussé a la rupture. «Lesprit la cwsation, sel quoi se ita ae ae eee emcee’ moderne et le jeu des transpositions», le d Unetur est un purprodut denier texte qu'il y publie (dans le méme numéro, Teorqueilhumain» a, p. 10. et dans la méme veine que l’essai «sur» Van parce ae opal {fet un constata'éche ooo Gogh), signe en effet un constat d’éct eC Documents, 7, 1990, p. 45). 24, Georges Bataile, de l'art en tant que radicalité hétérogene, c’est- 16. lo, OC, 1 421 (Dossier La rmailstion secrifcielle ot a-dire non assimilable: «Les ceuvres des plus cept ee Are esas, grands peintres modernes [Picasso] appar- 77, Bole assoce Micha) 9B(00,1 268) tiennent si l'on veut a histoire de V'art, peut- Leiris (lu aussi analyse par 6tre méme a la période la plus brillante de cette peice seen eon histoire, mais il faudrait plaindre évidemment Ceecar erie disposerait pas pour en vivre celui qui ne disposerait pas p a ~ " : at a Coeruenur soon [1856] d'images infiniment plus obsédantes. » Ou eae oe encore: «On entre chez le marchand de Gammon tan ee) tableaux comme chez un pharmacien, en quéte Sadie ange d re de remédes bien présentés pour des maladies avouables®» Quelles que soient ses outrances, vor Denis Holler La Prise de 209205,” Yart est prisonnier de son antique fonction “8. Gorges Bute, «Det te et reste done malgré tout un agent Ghai. de lordre social: il est au service de I'«homo- Gane généité 7 ra se Lhétérologie est la «science de ce qui est Documents, 6, 1928, p. 302 tout autre», écrit Bataille. Il précise aussitot ot primer «le terme dagiologie serait peut-étre plus pré- ts 77850 596 cis mais il faudrait sous-entendre le double fre sens d’agios (analogue au double sens de sacer) 21. tod. p. 397, notw 2 ; ig c'sstaurtout 1n souillé que saint. Mais c'est surt (0c. 251) aussi bie bas matérialisme (bas matérialisme] 48 (science de Vordure) qui i le terme de scatologie garde dans les circonstances actuelles (sp Fialisation du sacré) une valeur expressive incontestable comme doublet d'un terme abs- tel qu’hétérologie?.» Bien que Bataille ait finaloment renoncé au terme «scatologie>, quill aimait pour son aspect «coneret», comme ‘Ie dit en note, il faut prendre garde ici au mode d’apparition du sacré: Bataille a tout de suite senti que «sacré» préterait & confusion (a cause de sa «spécialisation» dans les «cir- constances actuelles»). Ce qu'il désigne par sacré, c'est ce qui est «tout autre» et qui est donc exclu comme tel. Tout ce qui est tout autre, et traité comme un corps étranger: «La notion de corps étranger (hétérogene) permet de marquer lidentité élémentaire subjective des exeréments (sperme, menstrues, urine, matiéres fécales) et de tout ce qui a pu étre regardé comme sacré, divin ou merveilleux*. » Dieu n'est sacré qu’au méme titre que la merde, Aucun rapport, done, avec la réappro- priation du merveilleux telle que pouvait 'en- visager André Breton a l’époque. Bataille est tres clair sur ce point des les premiers textes de Documents, alors qu'il n’a pas encore élaboré Ja notion d’hétérologie: «Il est temps, lorsque le mot matérialisme est employé, de désigner Vinterprétation directe, exeluant tout idéa- lisme, des phénoménes bruts, et non un sys- Lucie Fontana, Concetto spaziale, 1967 ‘50 bas matérialisme (bas matérialisme] tame fondé sur les éléments fragmentaires d'une analyse idéologique élaborée sous le signe des rapports religieux®. » Le matérialisme tel que l'entend Bataille, le bas matérialisme, est done dans Documents la préfiguration de Phétérologie. Cotte derniére notion a l'avantage de marquer d’elle-méme le rejet: alors que le matérialisme doit «exclure tout idéalisme» (ce qui est une tache beaucoup plus complexe qu'il n'y parait), «hétérogene» désigne d’emblée ce qui est exclu par V'idéa- lisme (par le moi, le capitalisme, la religion constituée, etc.). De plus, le terme «hétérolo- gie» est neuf, alors que le bas matérialisme doit se mesurer a une longue tradition — le bas matérialiste doit se battre, afin de consti- tuer son objet, contre ce que l'on pourrait appe- ler le «haut» matérialisme. Tout se divise en deux, méme le matérialisme: c’est & indiquer la besogne du bas matérialisme que s’attachera Bataille dans Documents — apres quoi il optera pour le terme moins historiquement chargé d’hétérologie Le bas matérialisme (dont 'informe est la manifestation la plus coneréte) a pour besogne de déclasser, c'est-a-dire a la fois de rabaisser et de libérer de toute prison ontologique, de tout «devoir étre». En premier lieu, il s'agit de déclasser la matiere, de l'extirper des griffes philosophiques du matérialisme classique. Celui-ci_ n'est rien «autre qu'un idéalisme déguisé: «La plupart des matérialistes [...] ont situé la matiére morte au sommet d’une hiérarchie convention- nelle des faits d’ordre divers, sans s'aper- cevoir qu'ils cédaient ainsi a l'obsession d'une forme idéale de la matiére, d’une forme qui se rapprocherait plus qu’aucune autre de ce que la matiere devrait étre®.» Le devoir-étre est un mode d'appropriation « dans ela valeur usage Ge DAF de Sever, ort te, ps8 47. Mehel Lens, «Aber Gacomet, Documents, 4, 1929p. 209. Sur ls ‘elaine entre Gacomet et le groupe eDocument, 08 Fosatna Kraus, ne ove pus» 1964), reps dans [thgnate de ovenegarde auares myoies modernstes trod rancate de vean Pierre Grau, Pars, Edtions Mecul 1983. pp 213262. fue joer au Sosier ‘etchame cher Gacomet le debut de 0 reponse a une ‘question de Beton et Eord Pour une enquéte pubiee dans Minotaure 1933 Power vous de quel 2 ee larenconte captale de votre ve?) Une le blanche dans une faque de gowsron fqude et trod f.} (repns dans ibera Gacomen, ents, preaeriés par Michel Lon 8 uacgues Dupin, Pans Hermann, 1890, p15), Vere use, notice {Ober parcel. 18. Sur a myphoioge du (19571. a ine CEuvres completes, Pans, sil, 1993. vo. "38669 412. Michel Laine, Journal 11822-1989, Pans, Gollmard, 1992, p. 154. 20, Bernard Roquichot, Les Fens de Berard Requichot, (édoon étable par Marcel Boe, Bruxeles, Edeons La Comaissance, 1973, p. 116. 21, Cari Enstein, «Expestion {collages (Galerie Goemans)», Documents, 4, 1990, p. 244 22. Lous Aragon, ‘ka peinture au defi (19901, repre dans Les Colles, Pars, Hermann, 1965, pp. 42 e263. 29, Cest une erreur q's mon Sens commet Georges Did Huberman taut au long de son ‘uvrage (La Ressembiance informe, op. ct). Dans le fragment dune premiére version de Le surréalisme au jour le jours (non repr dans [es Geuyres completes ot Inble eLa publication "Un ‘cadaure’ 1], Bataile parle ainsi ‘de Documents: «[rewe] que, sous le nam de “secretare general’ je digests reellemene, accord avec Georges Henn Rivire [.]. et rencontre du drecteur en tere, le poste alemand Cari Enstoiny. Cte par Michel Surya, Georges Bataile, la morta tcaure, Pars, Gatimard, 1982, p. 148, ave 1 24, Foland Barthes, ‘ Requichat et son corps» 11973}, repnis dans les (Euwres completes, Paris, te Seu, 1994, vol. . 1624. Le commentaire de Barthes aur ee gras ores ‘précade immédiaterent fe tate sur Requichor dans ce volume. 60 bas matéralisme (bas matérialismel adavre. «Il arrive que dans toute cette histoire Charlot est véritablement le défenseur de amour, et uniquement, et purement»: tel est le verdict rendu par les surréalistes dans leur déelara- tion de soutien & Charlie Chaplin, «Hands Off Love». Ce qui les enthousiasme avant tout, e"est que Chaplin ait fait fi de la morale bourgeoise en déclarant 4 sa femme qu’il en aimait une autre et que cette autre était merveilleuse. Cha- plin est pour eux le chantre de «la femme comme un trait de feu, la femme “merveilleuse” dont les traits purs seront & jamais tout le ciel*», Entrelacant les themes du merveilleux, de Yamour et du hasard, cet hymne & lesprit de révolte chez Chaplin exprime parfaitement l'idée de Breton selon laquelle c'est par son appel l'Eros que le surréalisme participerait de la révolution. Pour Breton en effet, ce qui consti- tuait l'appareil du mouvement a ses débuts — son «bureau de recherches» consacré a la col- lecte et a la publication des réves, les incitations l'association libre par les techniques de l'éeri- ture ou du dessin automatiques, les jeux de hasard, les balades nocturnes dans la ville et les excursions au marché aux puces (ce que les uationnistes appelleront plus tard la dérive) — tout cela était presque enti¢rement destiné a libérer les pulsions inconscientes, pulsions com- prises comme relevant quasi exclusivement de la libido. Mais supposons au contraire, comme plusieurs chercheurs ont commencé & le faire, que la notion de Merveilleux telle que l'entend Breton a au moins autant a voir avec la pulsion’ de mort qu’avec le principe de plaisir, que ses idées concernant le «hasard objectif» sont imprégnées d’«inquictante étrangeté » (Unheim- lich), que Nadja raconte moins une histoire d'amour que le retour du refoulé — c'est alors le principe méme de 'importance cardinale de l'amour pour le mouvement surréaliste, savoir V'interprétation que Breton n’a cessé de prodi- guer, qui est a revoir? Il n’est pas sans ironie que le syntagme _ «cadavre exquis» ait 616 désigné pour déno- ter un certain type de jeux de hasard auxquels le groupe avait recours afin de déjouer la rai- son et de trouver une voie d’acees a lincons- cient. En effet, produite lors de la premiere séance oit les surréalistes se livrérent a ce p Jeu de société durant laquelle l'on écrit phrase a plusieurs, chaque participant | Goemans, Jacques Prévert, Yves Tanguy, Cadavre exquis, 7 mars 1927 ae wre exquis boira le vin nouveau»), ‘convoque la mort dans I'espace Breton aurait voulu I’exclure?. les objets auxquels ce nom a été eut lire le conflit entre I'éros et la / mort le hasard comme surgissement - débridé de possibilités infinies et le hasard comme comble du contréle et de la détermination (ce hasard qu’Aristote concevait comme une 1¢ de causalité, comme automaton). Nil'ap- a iberté et de créativité sans es hybrides exotiques que sont les rguis dessinés, ni les images hyper- équivalent textuel ne masquent déterminé de leur syn- plis qui isolent la contribution de chaque ant et lui cachent celles des autres cor- | peu pres, pour la version textuelle, ‘phrase en francais (sujet, pour la version que du corps torse, jambes). Une telle rd de la Structure de la figure (ou de la phrase) suggérerait plutot que c’est la forme, et donc la raison ou la conscience, qui ‘gouverne la production du cadavre exquis. Plus encore que la persistance du figural, c'est Vopposition entre deux conceptions du hasard que je voudrais ici souligner dans ces objets, deux conceptions antagoniques auxquelles il faut attacher respectivement les noms de Breton et de Bataille. Alors que pour Breton le hasard était un champ ouvert de possibilités innom- brables dont certaines étaient soudain citées & comparaitre par la force du désir, Bataille s'in- AGressait au «jeu lugubre» par lequel le pou- voir absolu d'une structure régente en sous- main tout ce qui semble n’étre que le produit du hasard, une structure de répétition et de pulsion qui «automatise » et programme ce champ de possibilités en lorientant par rapport ala mort, De fait, alors que la production d'images poétiques concues comme rencontres ‘aléatoires de deux éléments linguistiques disparates constituait pour Breton lessentiel de activité surréaliste, Bataille écrivait avant tout eadayre [bas matérialisme] 61

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