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Laurent FABIUS

Mobilisation générale pour la défense des territoires


Samedi 27 mars 2010

Chers amis, Chers camarades,

Je veux d’abord vous remercier à nouveau toutes et tous d’avoir fait le


déplacement pour cette belle matinée, remercier Martine, non seulement de nous
avoir conduits à ce succès magnifique avec nos présidents de Régions, mais aussi
d’avoir permis que nous organisions avec Élisabeth et beaucoup d’autres
camarades cette mobilisation que je crois utile.

Pourquoi, alors que les soucis prioritaires des Français sont évidemment
l’emploi, l’économie, la santé, l'éducation, avoir choisi six jours après le grand
succès régional de travailler sur la régression territoriale ? Parce qu’il s’agit
d’une seule et même cause.

Quand on voit l’importance majeure de nos collectivités locales sur la réalité


économique, sociale, sportive, culturelle, il n’y a pas d’un côté ce qui se passe
dans les territoires, et de l’autre la politique nationale. C’est pourquoi nous avons
le sentiment et la certitude d’agir dans l’intérêt des Français lorsque nous
militons pour une autre réforme territoriale et contre la régression territoriale.

Chers camarades, les choses ont été fort bien dites ce matin, je me
contenterai de les résumer en quelques mots.

Notre combat contre la régression territoriale, c’est d’abord un combat


contre l’étranglement financier. Étranglement financier à travers la suppression
de la taxe professionnelle, à travers les dotations en recul, à travers les transferts
de charges. C’est un point insidieux, mais il faut l'expliquer à nos concitoyens,
car je ne suis pas sur qu'ils aient le même degré d’information que nous, élus
locaux. Est-ce qu’ils n’auront pas d'ailleurs tendance, si les choses continuent
comme aujourd’hui, à renvoyer les uns et les autres dos à dos, à dire : oui, sans
doute le gouvernement est fautif, mais est-ce que vous, élus locaux, vous n’êtes
pas aussi fautifs lorsque vous êtes obligés d’augmenter les impôts locaux ?

Il faut donc être précis dans nos arguments mais aussi dans nos contre-
propositions. Nous voulons, ceci doit être dit à l’extérieur, que la taxe
d’habitation soit modifiée pour que, enfin, elle prenne en compte les ressources

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réelles des habitants. Nous voulons rétablir un lien entre l’impôt que doivent
payer les entreprises et le territoire d’assiette où sont implantées les entreprises.
Nous voulons que le gouvernement paie les dettes qu’il a contractées envers les
collectivités territoriales ! Nous voulons que dans dix ans, 25 % des dotations de
l'État soient consacrées à la péréquation parce qu’il n’y a pas de justice
territoriale s’il n’y a pas de péréquation.

Notre combat est aussi celui de la clarification des compétences. J’ai


entendu le "ministricule" M. Marleix dire que l’argument principal de la pseudo-
réforme territoriale était de clarifier les compétences. Là comme ailleurs
refusons la démagogie : partout, à peu d'exceptions près en Europe, il existe trois
niveaux principaux de compétences, et de ce point de vue là la France ne fait pas
exception . Qu’il faille réajuster, qu’il faille mieux coordonner, qu’il faille
compléter l’intercommunalité, qu’il faille créer ici ou là des métropoles
démocratiques, oui, mais ne donnons pas le sentiment que c’est l’organisation
actuelle qui légitime les mauvais coups du gouvernement. Là aussi nos positions
sont claires et il faut les populariser : il y a trois grands niveaux de compétences :
les communes et les intercommunalités qui sont chargées de la proximité, les
départements chargés de la solidarité, qu’elle soit sociale ou territoriale, et les
régions qui ont une perspective stratégique dans le domaine économique, dans le
domaine des transports, dans le domaine de la formation et de la recherche. C’est
autour de ces trois niveaux que nous voulons construire, il n’y a rien de plus clair
et c’est au contraire le projet territorial qui est en train d’obscurcir tout cela.

Roxana a parlé en des termes excellents de la compétence générale, et


Jean-Michel Ribes a dit dans son langage à lui, imagé et fort, exactement la
même chose : lorsque le gouvernement veut supprimer la compétence générale,
cela signifie, au-delà du jargon, que si ce texte maléfique était appliqué, les
associations sportives, les associations culturelles, les millions de Françaises et
de Français qui aujourd’hui voient une partie de la qualité de leur vie se traduire
dans ces activités là, ne pourraient plus continuer à les pratiquer.

Il faut donc, non seulement que nous mobilisions les élus - nous avons
commencé de le faire et un travail important est encore à accomplir - mais aussi
les millions de personnes qui pratiquent le sport, qui aiment la culture, qui sont
investies dans les associations, pour leur dire que les textes gouvernementaux
sont scélérats et que nous n'en voulons pas.

Au-delà de l’étranglement financier, au-delà de l’obscurité des

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compétences, nous refusons ce qu’on pourrait appeler d’une façon distinguée la
manipulation électorale et que chacun comprendra mieux si on la qualifie de
magouille.

Par quelle aberration pourrait-on admettre qu’avec des résultats comme


ceux du 14 et du 21 mars, si le scrutin sarkozyste était adopté, la droite serait en
majorité dans huit ou neuf Régions sur vingt-deux. On dit que ce texte est destiné
à combattre l’abstention, non, il est destiné à combattre le mauvais score de
l’UMP.

En écoutant Jean-Michel Ribes tout à l’heure, je pensais à la fameuse


phrase de Berthold Brecht quand il fait dire au dictateur Arturo Ui : « Le peuple a
mal voté, qu’on supprime le peuple ! » La droite l'a adapté pour les circonstances
: "le deuxième tour a mal voté, qu’on supprime le deuxième tour" !

Dans le même temps, comme ces gens-là ne sont pas économes, on


supprime la parité, on invente une catégorie nouvelle qui s’appelle les "élus
minoritaires", et comme cela ne fait pas tout à fait le compte, on y ajoute les "élus
battus". J’ai développé ce thème dans les élections régionales et je disais en
général à l’auditoire : "cela n’existe nulle part ailleurs". Jusqu’au jour où un
monsieur est venu me voir à la fin d'un meeting et m’a dit : "Monsieur Fabius,
vous avez commis une erreur. Le système que le gouvernement veut installer
existe...en Azerbaïdjan ! » J’ai vérifié : c’est exact, mais je crois que, depuis, il a
été supprimé...

Chers camarades, le gouvernement, à l’appui de son projet, développe trois


arguments.

Le premier consiste à dire que les élus coûterait trop cher. Ma réponse sera
un peu polémique, mais elle est statistiquement exacte : le financement de
l’Élysée coûte plus que les indemnités de la totalité des élus locaux en France.

Le deuxième argument a trait à la complexité du système actuel. Mais où


est la simplification lorsqu'il s'agit de faire que deux collectivités - département et
région - qui n'ont pas les mêmes compétences - seulement 10% de
chevauchements - soient placées sous la responsabilité théorique des mêmes
personnes, élus chauve-souris et créatures hybrides ?

Enfin, j’observe un nouvel argument - c’est ce qu’on appelle les éléments de


langage, ils disent tous la même chose ; c’est le "psittacisme sarkozyste" - si vous

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critiquez le projet gouvernemental, c’est que vous n’êtes pas républicain
puisqu’il y a une majorité à l'Assemblée nationale, une majorité au sénat, que le
Président de la République s’est exprimé, qu’il a été élu en 2007, donc, il faut
accepter tout ce qu’ils décident. Pas du tout ! La légitimité de l'Assemblée
nationale est entière, mais cette légitimité ne lui permet pas de voter n’importe
quoi.

J’ai vérifié ce qu’a dit M. le Président de la République en 2007. J’entends


bien que, s’il s’agissait pour lui de faire en sorte que le pouvoir d'achat augmente,
alors là il serait dans la ligne de sa campagne ! Mais le "conseiller territorial",
cela ne constitue pas un engagement de la campagne présidentielle, le nouveau
scrutin, il n’en a jamais été question, les compétences telles qu’elles sont définies
aujourd’hui, pas plus. C’est donc une escroquerie de dire que l’élection de 2007 a
validé cette contre-réforme. Il ne faut pas accepter cet argument. Cette contre-
réforme est antidémocratique et il faut donc s’y opposer.

A partir de là, que faire ? D’abord, il faut informer. Car, j’y reviens, nos
concitoyens n’ont pas le même degré d’information sur ces sujets que nous-
mêmes.

Il faut que nos bulletins municipaux, même les plus modestes, nos
bulletins départementaux, nos bulletins régionaux, nos interventions insistent, à
partir d’exemples concrets, sur la situation qui est la nôtre aujourd’hui et celle
qui serait encore pire demain si ces textes venaient à voir le jour.

Et puis, bien sûr, il y a l’action. Je me réjouis des décisions concrètes qui


sont annoncées par nos collègues et amis présidents de régions. On dit : nous
sommes des contre-pouvoirs. Non ! Nous demandons simplement à exercer notre
pouvoir. Les citoyens - il y a eu bien sûr les abstentionnistes, et les raisons sont
profondes - mais il y a eu aussi les 20 millions de Françaises et de Français qui
ont voté pour que les Régions exercent leurs pouvoirs, en particulier en matière
sportive, culturelle, économique, de transports, et il serait injuste et
antidémocratique de les empêcher de le faire parce que serait votée une loi
contraire à ce qu’ont souhaité 20 millions de citoyens français !

Donc lorsque nos collègues présidents de régions disent : si l'État -


traduisez le gouvernement - ne revient pas sur ses intentions négatives, néfastes,
qui sont les siennes, nous ne subventionnerons plus ce qui relève de l'État, je
crois que c’est un langage qui devrait commencer à être compris. L’impulsion

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viendra des élus locaux et le parti, bien sûr, y sera associé.

Il faut qu'ayant informé nos concitoyens, nous soyons capables à la fois de


développer nos contre-propositions et de dire ce que nous acceptons et ce que
nous n’acceptons pas. Parmi ce que nous n’acceptons pas, il y a évidemment
l’armature de ce qui est présenté comme une réforme et qui est en fait une
régression, c’est pourquoi, et c’est le mot d’ordre aujourd’hui prononcé par tous,
et d’abord par notre première secrétaire, Martine Aubry, nous demandons le
retrait de ces textes.

Je terminerai par deux courtes remarques. D’abord pour dire que, comme vous
toutes et vous tous, je suis choqué, heurté et attristé lorsque j’entends certaines,
parmi les plus hautes autorités de l'État, pratiquer une démagogie anti-élus
inadmissible dans une démocratie. On ne peut pas pleurer des larmes de
crocodile sur l’abstention un dimanche et le lundi recommencer à dire : les élus
ne font pas leur travail. Car les élus locaux, qu’ils soient d’ailleurs de droite ou
de gauche, sont des hommes et des femmes qui font leur travail et qui se
dévouent pour leurs concitoyens.

Enfin, je ne résiste pas au plaisir de faire entrer un moment dans cette salle
la grande voix de Victor Hugo. Dans un texte, n’y voyez aucune allusion, qui
s’appelle Napoléon le Petit, il écrivait : « Cet homme a pour lui l’argent, l’agio,
la banque, la bourse, le comptoir, le coffre-fort et tous ces hommes qui passent si
facilement d’un bord à l’autre quand il n’y a à enjamber que la honte...Il annonce
une intervention honnête, prenez garde. Il affirme. Méfiez-vous. Il fait un
serment. Tremblez ! [Cet homme] ne parle pas, il ment. Il ment comme les autres
hommes respirent. ».

Et pourtant, c’est moi qui ajoute : cet homme-là sera battu. Il sera battu par
l’unité des socialistes, il sera battu par l’unité de la gauche solidaire. Il sera battu
par nos propositions d’un projet innovant. Il sera battu parce que nous serons
fidèles à une solidarité économique, sociale, environnementale et territoriale, il
sera battu parce que - l’histoire le démontre - les grandes victoires nationales
commencent par les succès locaux. Dimanche dernier, c’était la première étape.
La deuxième étape, c’est d’ici quelque temps.

Je vous remercie.

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