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Médecine interne

A 71

Hyperéosinophilie
Orientation diagnostique
PR Lionel PRIN, DR Sylvain DUBUCQUOI, DR Anne-Sophie ROUMIER
Service d’immunologie, CHRU de Lille, 59037 Lille Cedex.

Points Forts à comprendre immatures et à migration erratique, peuvent induire des


réactions inflammatoires locales, diffuses et sévères, et
provoquer des hyperéosinophilies massives (syndrome
• Une hyperéosinophilie sanguine est définie de larva migrans viscérale). L’hyperéosinophilie est
par un nombre de polynucléaires éosinophiles également très élevée lors de la phase invasive des hel-
circulants excédant le chiffre de 0,5 x 109/L. minthiases. Elle est alors liée aux effets des médiateurs
Elle peut être associée à un afflux d’éosinophiles de la réponse inflammatoire consécutive à la phase de
dans les tissus. Il est important d’en apprécier migration larvaire dans les tissus (rôle des cytokines,
l’ancienneté et la courbe évolutive voir : Pour approfondir 1). En revanche, cette hyperéosi-
dans le temps. C’est un signe biologique nophilie peut être modérée (0,5 à 1 x 109/L), voire
fréquent, souvent précieux pour guider l’enquête absente, à la phase d’état puis à la phase chronique de
étiologique qui bénéficie ainsi de l’étroite l’infection ou encore lorsqu’un organe creux (tube
collaboration entre le clinicien et le biologiste. digestif) constitue la niche écologique du parasite.
L’anamnèse et les premiers examens En dehors des parasitoses et hormis l’aspergillose
cliniques et paracliniques permettent le plus broncho-pulmonaire allergique (ABPA), les autres cas
souvent d’établir le diagnostic et de traiter d’hyperéosinophilie postinfectieuses sont rares, souvent
la cause de l’hyperéosinophilie. Celle-ci modérées, et transitoires. Une hyperéosinophilie asso-
est souvent d’origine parasitaire, allergique ciée à une infection doit faire rechercher un éventuel
ou médicamenteuse. déficit immunitaire ou une réaction d’hypersensibilité
• L’hyperéosinophilie est aussi associée faisant suite à un traitement antibiotique.
à de très nombreuses autres affections,
et son exploration est parfois longue et difficile.
Elle peut apparaître au premier plan Éléments d’orientation
comme un élément caractéristique de la maladie
(manifestations cliniques associées
à une hyperéosinophilie tissulaire, syndrome 1. Aspect de l’hyperéosinophilie sanguine
d’hyperéosinophilie essentielle), ou au contraire Elle peut être fluctuante (classique « courbe en archet »
n’être qu’un épiphénomène associé de Lavier) avec une ascension majeure (distomatose
à des affections variées (hyperéosinophilie hépatique, ascaridiose, ankylostomose, filarioses,
contingentes). bilharzioses) ou plus modérée (oxyurose), suivie d’une
• L’origine de l’hyperéosinophilie reste parfois décroissance plus ou moins rapide de l’hyperéosinophilie
indéterminée, et son caractère persistant avec ou sans normalisation du taux d’éosinophiles san-
devient alors préoccupant (risques de lésions guins. Elle peut être persistante (réinfestation) et massive
cardiaques par exemple). (trichinose, toxocarose, poumon éosinophile tropical ou
syndrome de Weingarten), ou cyclique et oscillante
(anguillulose : cycle interne d’auto-infestation).

Hyperéosinophilies parasitaires 2. Données ethno-géographiques


Les notions de sites à risque pour les autochtones et de
Une infection parasitaire, surtout liée aux helminthes, séjours à l’étranger, brefs ou anciens, doivent être prises
est la première cause à évoquer devant une hyperéosino- en considération. Si le sujet a séjourné en pays tropical,
philie.1 Celle-ci peut être associée à une hyperleucocytose 4 affections principales doivent être évoquées : bil-
et surtout à une augmentation des IgE sériques. L’hyper- harzioses, filarioses, ankylostomose et anguillulose
éosinophilie est souvent importante (> 1 x 109/L), (tableau I). Si le sujet n’a pas quitté la France métropoli-
notamment lorsqu’il s’agit d’une impasse parasitaire taine, on doit rechercher en priorité devant une hyper-
(infestation accidentelle de l’homme par des parasites éosinophilie élevée : une distomatose hépatique à
d’animaux qui restent à l’état larvaire, exemple de Fasciola hepatica, une ascaridiose, une toxocarose, une
Toxocara canis). Ces larves d’helminthes « égarées », trichinose (tableau II).

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HYPERÉOSINOPHILIE

TABLEAU I TABLEAU II
Tests biologiques à réaliser Tests biologiques à réaliser
dans le cadre des principales dans le cadre des parasitoses
parasitoses tropicales autochtones

Invasion Phase d’état Invasion Phase d’état

Filarioses Distomatose à Fasciola hepatica


Hyperéosinophilie +++ Sérologie ++ Hyperéosinophilie +++ Sérologie ++
Sérologie ++ Recherche Sérologie +++ Examen des selles ± (œufs,
de microfilaires +++ détectées après le 3e mois)
– microfilaires sanguicoles
à midi : Loa loa Toxocarose
– microfilaires sanguicoles à Hyperéosinophilie +++ Hyperéosinophilie +++
minuit : filariose lymphatique Sérologie +++ Sérologie +++
– microfilaires d’Onchocerca
olvulus : biopsie cutanée Trichinose (épidémies)
exsangue Hyperéosinophilie +++ Hyperéosinophilie +++
Sérologie +++ Sérologie +++
Bilharzioses Dosage des CPK
Hyperéosinophilie +++ Sérologie ++ Biopsie musculaire (larves
Sérologie +++ Urines +++ et biopsie rectale : détectées après la 3e semaine)
œufs de Schistosoma
hæmatobium Ascaridiose
Selles et biopsie rectale : Hyperéosinophilie +++ Examen des selles
œufs de Schistosoma mansoni Sérologie ± (œufs – vers adultes détectés
Anguillulose après le 2e mois) +++
Hyperéosinophilie +++ Hyperéosinophilie fluctuante
Sérologie ± Selles +++ (larves, méthode Tæniase à Tænia saginata
de Baermann) Hyperéosinophilie + Examen des selles
Ankylostomose Sérologie ± Examen des anneaux +++
Hyperéosinophilie +++ Selles +++ (œufs et larves) Hydatidose
sérologie ± Hyperéosinophilie ± Sérologie ++
Poumon éosinophile tropical Sérologie +++
Hyperéosinophilie ++ Sérologie filarienne ++ Trichocéphalose (rare en France)
Cysticercose Hyperéosinophilie + Examen des selles (œufs)
Hyperéosinophilie ± Sérologie + Oxyurose
Sérologie +++ Biopsie musculaire
(larves enkystées) Hyperéosinophilie + Selles (vers adultes)
Scotch test (œufs) +++
Distomatoses exotiques
Hyperéosinophilie ± Selles +++ (œufs) Anisakiase
Sérologie ± Hyperéosinophilie ± Diagnostic endoscopique
Sérologie ± et histopathologique (larves)
Échinococcose alvéolaire (Est de la France)
Hyperéosinophilie + Sérologie +++
3. Mode de vie Sérologie +++
Il permet également d’orienter le diagnostic. On doit
s’intéresser en particulier aux conditions d’hygiène
comme le contact avec des animaux (notion de géopha-
gie chez l’enfant avec l’exemple de la toxocarose ; la 4. Manifestations respiratoires
parasitose liée au péril fécal avec l’exemple de la tricho-
céphalose) ou les bains en eaux douces (bilharzioses) ; Elles peuvent être évocatrices, tel le syndrome de
aux habitudes alimentaires comme l’ingestion de végétaux Löffler (migration de larves à travers le parenchyme pul-
contaminants (tels le cresson, avec l’exemple de la disto- monaire à l’origine d’infiltrats labiles sur les clichés
matose hépatique) ; l’ingestion d’aliments ou d’eaux radiologiques : exemples de la toxocarose, de l’ascari-
souillés (exemples de l’ascaridiose et de l’hydatidose) ; la diose, de l’ankylostomose). Un tableau de fièvre avec
consommation de viande peu cuite ou crue de porc ou de altération de l’état général, précédant un syndrome
cheval (trichinose), de viande peu cuite de bœuf (tæniase bronchique, voire le développement d’une fibrose endo-
à Tænia saginata), ou de harengs crus (anisakiase). myocardique, évoquent un poumon éosinophile tropical

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ou syndrome de Weingarten. Celui-ci serait lié à un état Hyperéosinophilie et allergie


d’hypersensibilité vis-à-vis de microfilaires. La surve-
nue de douleurs thoraciques, avec toux, expectoration Il s’agit d’une hyperéosinophilie liée à une réaction
« rouillée » liée à la présence de sang et d’œufs rou- d’hypersensibilité dépendant des IgE vis-à-vis de diffé-
geâtres, est très évocatrice de la distomatose pulmonaire rents allergènes (aéroallergènes, allergènes alimentaires,
ou paragonimose. venins d’hyménoptères, mais aussi certains médica-
ments).
5. Manifestations cutanées ou musculaires
Les signes sont évocateurs devant un prurit anal vespéral Éléments d’orientation
(oxyurose), des signes de larva currens cutanée
(anguillulose), de « gale » filarienne avec nodules Au cours des processus allergiques, l’hyperéosinophilie
(onchocercose), de prurit avec œdèmes migratoires est souvent modérée (0,5 à 1 x 109/L), voire absente
(œdème fugace de Calabar dans la loase), de myalgies (disparition lors des infections bactériennes inter-
isolées (cysticercose) ou associées à un œdème (trichi- currentes). Elle peut être associée à une élévation,
nose), de tuméfaction sous-cutanée avec extériorisation inconstante et rarement importante, des taux sériques
à la peau d’une larve (myiase), de lymphangite avec des IgE totales. Les données de l’anamnèse (antécédents
éléphantiasis (filariose lymphatique). d’atopie) et le contexte clinique (asthme, rhinite,
conjonctivite, dermatite atopique, urticaire) sont
6. Signes hépatodigestifs souvent très évocateurs.
Ils peuvent évoquer une tumeur hépatique (hépatomégalie
de l’hydatidose, avec le risque d’infection ou de rupture Examens complémentaires
de kyste), une angiocholite (distomatose hépatique), une
duodénite (anguillulose, ankylostomose), ou des signes Le bilan allergologique confirme le diagnostic et oriente
intestinaux variés (tæniase, bilharziose intestinale, la conduite à tenir. L’interrogatoire guide les choix pour
distomatose intestinale, trichocéphalose), voire un la réalisation des tests cutanés vis-à-vis de différents
granulome éosinophile intestinal (anisakiase). allergènes (pollens, acariens, moisissures, phanères
d’animaux). Ces tests cutanés (prick tests) demeurent
7. Signes neuroméningés ou oculaires l’examen clé de l’enquête étiologique. Si nécessaire, les
Il s’agit de signes d’atteinte cérébrale (hydatidose), dosages des IgE sériques totales et surtout des IgE
d’épilepsie (cysticercose), de méningite à éosinophiles sériques spécifiques sont demandés en tenant compte
(angiostrongylose à Angiostrongylus cantonensis), des éléments d’orientation diagnostique antérieurs.
d’atteintes oculaires (filarioses). Devant de telles mani- L’intérêt de tests complémentaires évaluant la libération
festations, d’autres parasitoses doivent également être de médiateurs (histaminémie, tests d’histamino-libération)
recherchées, notamment la toxocarose, la myiase. est discuté.
8. Signes urogénitaux
Hyperéosinophilie iatrogénique
Devant une hématurie, une hydronéphrose, on évoque la
bilharziose urinaire. Ces signes peuvent être associés à De nombreux médicaments peuvent induire une hyper-
une atteinte génitale dans la filariose lymphatique. éosinophilie (tableau III) : héparine sous-cutanée, sulfa-
mides, sels d’or, mais aussi psychotropes, hypo-
Examens complémentaires glycémiants oraux, cytolytiques et cytostatiques,
antibiotiques et antifungiques, antalgiques et anti-
En l’absence d’éléments évocateurs ou pour confirmer inflammatoires. L’hyperéosinophilie est de niveau
le diagnostic, les examens paracliniques suivants sont variable, souvent retardée par rapport à la prise du médi-
pratiqués. Le sérodiagnostic parasitaire est souvent très cament. Elle peut être d’origine allergique (pénicillines,
utile, notamment à la phase précoce de l’invasion tissu- sulfamides), comme nous l’avons précédemment évoqué.
laire (réponse anticorps, réponse éosinophile) surtout Elle peut aussi dépendre de réactions « pseudo-
quand il s’agit d’une impasse parasitaire. Dans des allergiques » liées à une histamino-libération non
délais retardés, souvent de plusieurs semaines, les dépendante des IgE (anesthésiques généraux, vancomy-
examens répétés des selles, réalisés à la phase d’état, cine) ou à une activation du complément (produits de
permettent la mise en évidence d’œufs ou de larves contraste iodés utilisés en radiologie). Certains facteurs
(diagnostic rétrospectif). Certaines explorations plus favorisants ont été incriminés (acétyleur lent ou rapide,
spécifiques sont parfois indispensables (tableaux I et II). insuffisance hépatique ou rénale…). Des facteurs de
Si l’enquête parasitologique demeure infructueuse, un croissance (GM-CSF pour granulocyte macrophage
traitement antihelminthique d’épreuve, réalisé sous sur- colony stimulating factor) ou des cytokines (IL-2 pour
veillance (suivi de l’hyperéosinophilie) peut être proposé. interleukine 2), utilisés en thérapeutique, peuvent induire
En revanche, toute corticothérapie aveugle est à proscrire des hyperéosinophilies massives avec activation des
(risque de syndrome d’hyperinfection parasitaire). éosinophiles, aux conséquences parfois sévères (cardio-
pathies, voir : Pour approfondir 2). Une hyperéosinophilie

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HYPERÉOSINOPHILIE

TABLEAU III (vascularite d’hypersensibilité, arthralgies, myalgies…).


Une origine médicamenteuse peut être suspectée devant
Liste non exhaustive des principaux un syndrome respiratoire aigu ou subaigu (dyspnée,
médicaments inducteurs toux sèche, image radiologique d’infiltrats plus ou
d’hyperéosinophilie moins fugaces), parfois fébrile. Des signes associés
peuvent être retrouvés (urticaire, rash, arthralgies,
signes hépatobiliaires). Le tableau clinique peut évoquer
Anti-inflammatoires non stéroïdiens un syndrome de Löffler, une pneumonie interstitielle.
Antibiotiques
La liste des médicaments qui peuvent être incriminés est
régulièrement actualisée.2
❑ pénicillines
❑ céphalosporines La notion d’intolérance à l’aspirine avec hyperéosinophilie,
❑ cyclines asthme, polypose nasale évoque un syndrome de Widal.
❑ fluoroquinolones
Antimycotiques Examens complémentaires
❑ Fungizone
Dans le cas des hyperéosinophilies d’origine médica-
Antiviraux menteuse, différents examens complémentaires ont été
❑ Cymévan proposés : tests cutanés, recherche d’IgE spécifiques,
Inhibiteurs de protéases tests d’histamino-libération in vitro, tests de transforma-
❑ Norvir tion lymphoblastique. Ils n’ont qu’une valeur indicative
limitée. Le plus souvent, c’est la régression des signes à
Anticoagulants
l’arrêt du traitement, parfois après 4 à 6 semaines, qui
❑ Calciparine confirme l’origine de cette hyperéosinophilie.
Sulfamides hypoglycémiants
❑ Diabtyl
Hypolipémiants Hyperéosinophilie et tumeurs
❑ Zocor solides
Inhibiteurs de l’enzyme de conversion Une hyperéosinophilie peut annoncer ou accompagner
❑ Renitec la survenue d’un cancer, avec ou sans métastases asso-
Hypo-uricémiants ciées. Les hyperéosinophilies paranéoplasiques sont
❑ Zyloric souvent associées à des anomalies affectant d’autres
cellules sanguines (thrombocytose, polynucléose neutro-
Antiépileptiques
phile). Celles qui accompagnent les néoplasies sont le
❑ Zarontin plus souvent réactionnelles, liées à la production de
Antidépresseurs imipraminiques facteurs de croissance comme le GM-CSF et l’inter-
❑ Anafranil leukine 3, ou de cytokines telles que l’interleukine 5,
Facteurs de croissance identifiées dans des extraits tumoraux ou dans les cel-
lules transformées.
❑ Leucomax
Cytokines
Éléments d’orientation
❑ Interleukine-2
L’hyperéosinophilie peut être sanguine et (ou) tissulaire,
parfois à un niveau très élevé. Les principales tumeurs
incriminées sont les carcinomes, notamment le carcinome
peut aussi apparaître après dialyse péritonéale ou hémo- pulmonaire à grandes cellules (hyperéosinophilie san-
dialyse, après splénectomie, dans les suites d’une radio- guine), ou le cancer du col utérin, dans la forme kérati-
thérapie, après intoxications chroniques (sulfate de nisante à grandes cellules (hyperéosinophilie tissulaire).
cuivre, vapeur de mercure, phosphore, sulfate de carbone, D’autres localisations primitives peuvent également être
benzène…) ou dans la réaction du greffon contre l’hôte. incriminées : rein, surrénale, thyroïde, vésicule biliaire,
pancréas, sein.
Éléments d’orientation
Examens complémentaires
L’hyperéosinophilie sanguine d’origine médicamenteuse
est souvent associée à des anomalies biologiques (mani- Après un examen clinique rigoureux, une enquête
festations hépatiques ou rénales) ou à des signes cliniques biologique (protéines de l’inflammation, calcémie), une
révélateurs. radiographie de thorax, une échographie abdomino-
Les signes cutanés sont fréquents et variés (prurit, rash, pelvienne, voire un scanner du corps entier peuvent être
urticaire), isolés ou associés à d’autres manifestations proposés à la recherche du processus néoplasique.

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Hyperéosinophilie et hémopathies valeur indicative dans le cadre d’hyperéosinophilies


associées à une hémopathie maligne (cas du chromosome
Il est souvent difficile de distinguer une hyperéosinophilie Philadelphie ou Ph1, avec translocation t(9,22) dans la
impliquée dans le processus leucémogène (leucémie à leucémie myéloïde chronique, inversion du 16 dans la
éosinophiles) d’une hyperéosinophilie réactionnelle à leucémie aiguë myélomonocytaire). Dans d’autres cir-
une hémopathie maligne associée. En effet, une hémo- constances, plus rares, les anomalies cytogénétiques
pathie clonale peut affecter une cellule multipotente ou observées permettent d’expliquer les mécanismes
une cellule engagée dans une voie de différenciation. inducteurs de l’hyperéosinophilie. C’est le cas lorsque le
Elle peut intéresser directement la lignée éosinophile, réarrangement chromosomique intéresse le chromoso-
cas rarement décrit, ou une autre lignée hématopoïétique me 5, où sont situés les gènes codant GM-CSF,
dont le dérèglement retentit sur les étapes de l’éosino- l’interleukine 3 et 5 (voir : Pour approfondir 1). Ainsi, la
poïèse (voir : Pour approfondir 1). Nous verrons que translocation du fragment 5q, placé sous le contrôle des
dans certains cas, la lignée lymphoïde est plus particu- promoteurs des gènes des immunoglobulines, peut favo-
lièrement concernée (prolifération Th2). Dans d’autres riser une expression non contrôlée de ces gènes de
cas, c’est la lignée myéloïde qui paraît affectée. cytokines [leucémie aiguë lymphoblastique de la lignée
B, avec t(5;14) ; hémopathies myéloïdes, avec t(5;12)].
Éléments d’orientation D’autres anomalies chromosomiques, observées dans ce
Les hyperéosinophilies médullaires et (ou) sanguine contexte [trisomie 8, t(8;21)…] n’apportent pas, à ce
s’observent parfois dans des hémopathies malignes aux jour, d’élément instructif sur les relations qui existent
cadres nosologiques bien définis. C’est le cas d’hyper- entre l’hyperéosinophilie et le processus leucémogène,
éosinophilies associées à des leucémies telles que la leu- mais témoignent d’un contrôle génétique de l’hyper-
cémie myéloïde chronique (LMC), les leucémies aiguës éosinophilie.
lymphoblastiques (LAL), ou myéloblastiques, notam-
ment la leucémie aiguë myélomonocytaire (M4) à éosi-
nophiles médullaires anormaux, la leucémie aiguë de Autres cas d’hyperéosinophilies
l’adulte liée au rétrovirus HTLV-1 (Human T-cell lym-
phoma virus type 1). C’est aussi le cas des hyperéosino- Chaque spécialité médicale connaît au moins une affec-
philies associées à des lymphomes tels que la maladie tion associée à une hyperéosinophilie sanguine et (ou)
de Hodgkin, les lymphomes malins non hodgkiniens, les tissulaire. Cette hyperéosinophilie peut être au premier
lymphomes épidermotropes (syndrome de Sézary, mycosis plan, et apparaître comme un élément caractéristique de
fungoïde) ou pléomorphes. Dans d’autres circonstances, la maladie (affections liées à une éosinophilie tissulaire)
l’hyperéosinophilie ne s’inscrit dans aucun cadre noso- ou n’être qu’un épiphénomène accompagnant des affec-
logique précis. En revanche, elle est associée à un tions très diverses (hyperéosinophilie contingentes).
tableau évocateur d’un syndrome myéloprolifératif ou
lymphoprolifératif ou myélodysplasique (état préleucé- Éléments d’orientation
mique ?). Certaines formes cliniques de syndrome d’hyper-
éosinophilie essentielle peuvent évoquer une « leucémie à L’hyperéosinophilie peut s’intégrer dans le cadre d’af-
éosinophiles ». Il s’agit d’une situation exceptionnelle fections bien identifiées comme une vascularite, une
avec l’apparition d’éosinophiles immatures dans le sang maladie auto-immune ou un déficit immunitaire. Dans
et la moelle, une blastose médullaire, une anémie et une la périartérite noueuse, l’hyperéosinophilie est rare. En
thrombopénie importantes, et des anomalies chromoso- revanche, dans l’angéite de Churg et Strauss (notion
miques. La distinction entre hyperéosinophilie essen- d’asthme ancien qui s’aggrave, de rhinite associée, d’une
tielle et syndrome myéloprolifératif est aussi difficile hyper-IgE sérique, d’atteintes digestives, cardiaques,
lorsque l’hyperéosinophilie est élevée, associée à une neurologiques), l’hyperéosinophilie est constante et
myélofibrose et à des anomalies du caryotype. souvent élevée (> 5 x 109/ L). Dans les maladies auto-
immunes, l’hyperéosinophilie est rare, hormis les mala-
Examens complémentaires dies bulleuses comme la pemphigoïde. Une hyper-
éosinophilie peut également être observée dans différents
Outre la numération formule sanguine (NFS), le médullo- déficits immunitaires. Dans le syndrome de Wiskott-
gramme est un complément d’étude souvent indispensable Aldrich, par exemple, l’hyperéosinophilie ne représente
car il permet l’analyse des autres lignées hématopoïé- qu’un élément accessoire du tableau clinique et bio-
tiques et permet d’apprécier la quantité et la qualité des logique. En revanche, l’hyperéosinophilie associée à
éosinophiles médullaires (en particulier dans le cas des une élévation considérable des IgE sériques (30 à
leucémies aiguës myélomonocytaires avec éosinophiles 50 000 UI/mL) oriente d’emblée vers le syndrome hyper-
anormaux). La biopsie de moelle à la recherche d’une IgE décrit par Buckley. Une hyperéosinophilie massive
myélofibrose et l’enquête biologique – uricémie, lacti- peut également s’observer dans le syndrome d’Omenn,
codéshydrogénase (LDH) – peuvent également être déficit immunitaire rare, à transmission autosomique
contributives. L’étude du caryotype médullaire et les récessive, qui apparaît dès les premiers mois de vie.
analyses cytogénétiques complémentaires ou de biologie L’hyperéosinophilie peut aussi être associée à un
moléculaire (étude de clonalité) peuvent avoir une ensemble de symptômes révélateurs d’une affection.

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HYPERÉOSINOPHILIE

1. Signes respiratoires médicamenteuse, allergie, parasitose, hémopathie…).


Nous avons déjà évoqué les principales causes d’hyper- Certaines dermatoses éosinophiliques ont été indivi-
éosinophilie avec atteinte pulmonaire que sont l’asthme, dualisées. Parmi celles-ci on peut citer : la folliculite pus-
les causes médicamenteuses, les parasitoses, une tumeur tuleuse à éosinophiles décrite par Ofuji qui présente cer-
(carcinomes, métastases, lymphangite carcinomateuse) taines analogies avec les folliculites rencontrées chez des
ou l’aspergillose bronchopulmonaire allergique. L’asthme patients infectés par le virus de l’immunodéficience humaine
avec hyperéosinophilie élevée et persistante doit faire ou présentant un lymphome ; le syndrome de Wells,
rechercher d’autres causes (parasitose, aspergillose cellulite à éosinophiles d’évolution bénigne, où l’on peut
bronchopulmonaire allergique, hyperéosinophilie essen- observer à l’examen histologique des images classiques
tielle), et surtout une maladie systémique (angéite de dites en« flammèche ». Dans ces affections rares, l’hyper-
Churg et Strauss). éosinophilie sanguine est inconstante, et les données
L’aspergillose bronchopulmonaire allergique présente conjuguées de l’examen clinique et histologique sont
plusieurs signes évocateurs. Elle survient dans un souvent indispensables au diagnostic.4 Le diagnostic est
contexte d’asthme ancien avec la notion de toux et parfois difficile à établir entre certaines dermatoses à
d’expectoration de « moules bronchiques » (émission de éosinophiles et une hyperéosinophilie essentielle dont
bouchons mycéliens). Les images radiologiques sont les signes cutanés dominent parfois le tableau clinique.
variées : épaississement des parois bronchiques, impac- L’angiœdème cyclique avec hyperéosinophilie (prise de
tions mucoïdes, atélectasies, infiltrats et surtout bronchec- poids avec œdèmes volumineux d’apparition brutale et de
tasies proximales prédominant aux lobes supérieurs. On résolution plus ou moins rapide associés à une élévation
retrouve par ailleurs une élévation très marquée des IgE massive, transitoire de l’hyperéosinophilie sanguine)
sériques (> 1 500 U/mL), avec hyperéosinophilie massive. doit être différencié des hyperéosinophilies essentielles.
Il est possible de mettre en évidence des IgE spécifiques 3. Signes hépatodigestifs
d’Aspergillus fumigatus. Avec l’examen radiologique,
l’évaluation de la concentration des IgE totales est utile Outre les parasitoses, il existe de nombreuses affections
à la surveillance médicale. Ce taux diminue quand la inflammatoires du tube digestif qui s’accompagnent
corticothérapie s’avère efficace, alors qu’une nouvelle d’hyperéosinophilie locale (maladie cœliaque) et (ou)
élévation précède une nouvelle poussée. sanguine (rectocolite hémorragique, maladie de Whipple,
Toute cause d’épanchement pleural peut aussi entraîner maladie de Crohn). D’autres affections (hémopathies à
un afflux local d’éosinophiles (pleurésie à éosinophiles localisation digestive, vascularite) doivent être recherchées.
post-traumatique notamment). La gastro-entérite à éosinophiles s’observe souvent dans
Dans certaines circonstances, aucune cause n’est retrou- un contexte d’atopie (allergie alimentaire ?) avec parfois
vée : c’est le cas devant certains tableaux cliniques des taux élevés d’IgE sériques, surtout chez l’enfant.
évoquant un syndrome de Löffler, ou surtout devant une La disposition particulière de l’infiltrat d’éosinophiles
pneumonie chronique à éosinophiles, ou maladie de au niveau de chacune des structures pariétales intesti-
Carrington.3 Celle-ci se traduit par des manifestations nales entraîne des manifestations variées. Ainsi, l’atteinte
variées (dyspnée, toux sèche) avec altération de l’état de la séreuse peut s’accompagner d’un tableau de
général (perte de poids, fièvre, sueurs nocturnes). Elle pseudo-péritonite avec une ascite riche en éosinophiles,
survient le plus souvent chez la femme. C’est une alvéo- l’atteinte de la musculeuse peut donner un tableau de
lite à éosinophiles associée à une hyperéosinophilie san- subocclusion identique à celui que l’on peut observer dans
guine de niveau variable. Le tableau clinique, les images l’anisakiase (formations pseudo-tumorales). L’infiltration
radiologiques (opacités alvéolaires plurifocales, parfois de la muqueuse est fréquente avec entéropathie sévère et
migratrices) sont très évocateurs ainsi que l’efficacité syndrome de malabsorption. La distinction entre gastro-
très spectaculaire de la corticothérapie. entérite à éosinophiles et hyperéosinophilie essentielle à
localisation digestive peut être difficile. Des signes
2. Signes cutanéo-muqueux d’atteinte hépatique avec hyperéosinophilie se rencontrent
Des signes cutanés variés s’inscrivent dans un contexte dans de nombreuses circonstances (parasitose, médica-
évocateur dans le cas des vascularites (angéite de Churg ments, cancer, hémopathies, cholangite sclérosante
et Strauss), de réactions d’hypersensibilité (dermatite primitive, hyperéosinophilie essentielle…).
atopique, urticaire, angiœdème, dermatites parasitaires,
réaction médicamenteuse), dans les lymphomes (lym- 4. Signes musculaires
phomes T, mycosis fungoïde, syndrome de Sézary, ou En dehors des parasitoses (notamment la trichinose) ou
papulose lymphomatoïde), dans les dermatoses bul- des infections bactériennes (myosite staphylococcique),
leuses (pemphigoïde, pemphigoïde gestationis, inconti- un tableau de myalgies avec hyperéosinophilie se ren-
nentia pigmenti, dermatite herpétiforme), dans les masto- contre parfois dans les polymyosites mais surtout dans
cytoses systémiques, ou dans les hyperéosinophilies le syndrome « myalgie-éosinophilie » associé à la prise
associées à des proliférations tumorales bénignes (le de L-tryptophane ou plutôt de contaminants associés à
granulome éosinophile des tissus mous, ou maladie de sa préparation, ou dans la fasciite de Shulman (hyper-
Kimura, l’hyperplasie angiolymphoïde avec éosino- éosinophilie sanguine avec douleur et gonflement des
philie). Le prurit est un signe fréquent d’alarme ou muscles, limitation des mouvements et induration des
d’accompagnement de l’hyperéosinophilie (prise tissus sous-cutanés, hémopathie associée).

1000 LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50


Médecine interne

5. Signes cardiaques atteinte d’autres lignées, anomalies du caryotype) ou un


On évoque, en premier lieu, l’hyperéosinophilie essen- syndrome myéloprolifératif, dans lequel on observe une
tielle. L’association cardiopathie-hyperéosinophilie hépatosplénomégalie, une myélofibrose, une élévation
existe dans d’autres circonstances (lymphomes, vascula- très franche de la vitamine B12, des transcobalamines I
rites, parasitoses, utilisation thérapeutique de facteurs de et III. Le pronostic est ici plus réservé en raison d’une
croissance ou de cytokines…). fréquente résistance à la corticothérapie et d’un risque
accru d’atteintes viscérales. L’hyperéosinophilie peut
6. Autres signes focalisés aussi être associée à d’autres signes. Les signes cutanés
Des atteintes osseuses (granulome éosinophile), vési- sont fréquents et très variés à type de nodules, de rash
cales (cystites à éosinophiles parfois d’origine médica- érythémateux ou maculopapuleux, d’angiœdème ou
menteuse) ou ORL (rhinite non allergique ou NARES) d’urticaire. Ces derniers signes, parfois associés à une
ont été décrites. L’hyperéosinophilie sanguine est très hyper-IgE sérique, seraient plus volontiers rencontrés
inconstante. dans les formes de bon pronostic, sensibles à la cortico-
thérapie. Le diagnostic d’hyperéosinophilie essentielle
peut être discuté lorsque les signes sont focalisés au
Syndrome d’hyperéosinophilie niveau pulmonaire ou intestinal. Quelle que soit la forme
essentielle clinique de cette hyperéosinophilie, une surveillance
régulière s’impose devant toute hyperéosinophilie
C’est un diagnostic d’exclusion qui ne doit être évoqué chronique inexpliquée en raison de 2 risques majeurs
qu’après une enquête étiologique rigoureuse (liste des qui sont la survenue possible d’une hémopathie maligne
maladies associées à une hyperéosinophilie chronique, ou d’une atteinte viscérale où domine la cardiopathie
voir : Pour approfondir 3). Selon les critères de Chusid, (voir : Pour approfondir 2).
l’hyperéosinophilie essentielle associe une hyperéosino-
philie massive, persistante (> 1,5 x 109/L), inexpliquée, Éléments de surveillance
évoluant depuis au moins 6 mois, associée à des
atteintes multiviscérales, surtout cardiaques. Il existe des formes paucisymptomatiques d’hyperéosino-
philie essentielle qui se résument à l’expression d’une
Éléments d’orientation hyperéosinophilie sanguine isolée, parfois associée à
des manifestations cutanées ou à une hépatospléno-
Il existe une nette prédominance masculine (80 % des mégalie. S’il existe des formes « stables », la survenue
cas), avec un âge de survenue situé habituellement entre de complications, souvent imprévisibles, qui engagent
20 et 50 ans. Les formes de l’enfant sont rares, et le pronostic vital nécessite :
seraient plus sévères. La découverte d’une hyperéosino- – la recherche systématique de signes en faveur d’une
philie essentielle est fortuite (numération formule sanguine hémopathie sous-jacente (vitamine B12 sérique très
systématique) dans 10 % des cas, ou liée à la survenue élevée, score variable des phosphatases alcalines, uricémie
de complications sévères (cardiopathies, neuropathies). élevée, folatémie abaissée), et indique la recherche
Les signes d’appel sont en fait multiples avec des signes d’anomalies chromosomiques par la réalisation d’une
généraux (asthénie, fébricule), respiratoires (toux, dys- biopsie ostéomédullaire et l’étude du caryotype sur sang
pnée), cutanés (sueur, prurit, rash, angiœdème), muscu- périphérique ou sur moelle ;
laires (myalgies), digestifs (nausées, diarrhées). L’hépato- – la recherche obligatoire et répétée d’une atteinte
splénomégalie serait observée dans 50 % des cas. cardiaque par nécrose, thrombose ou fibrose (électro-
Les signes cardiaques associés à une hyperéosinophilie cardiogramme, échocardiographie bidimensionnelle
chronique sont très évocateurs d’une hyperéosinophilie renouvelée tous les 6 mois, parfois associée à une
essentielle. Ils sont fréquents (50 à 70 % des cas), parfois biopsie endocardique) ou de lésions vasculaires (examen
révélateurs (signes d’insuffisance cardiaque), et très du fond d’œil, manifestations de thrombose, de micro-
divers (choc cardiogénique, adiastolie, troubles du rythme, embolies, bilan de coagulation, bilan neurologique). ■
insuffisance tricuspide ou mitrale). Ils sont le témoin
d’une myocardite à éosinophiles, ou surtout du dévelop- RÉFÉRENCES
pement d’une fibrose endomyocardique. Les signes
neurologiques peuvent se traduire par une atteinte 1. Ranque S, Candolfi E, Himy E. Diagnostic et conduite à tenir
devant une hyperéosinophilie parasitaire. Presse Med 1998 ; 27 :
centrale (confusion mentale, ataxie, convulsions, amnésie, 370-5.
coma) ou périphérique (mononévrite sensitive) qui 2. Dubos C, Brun J, Camus P et le GERM« O»P. Étiologies médi-
paraît liée à des phénomènes vasculaires (vascularite) et camenteuses des hyperéosinophilies. Ref Prat Actu 1998.
Site internet :
(ou) thrombo-emboliques. Ils sont fréquents et des http://www.univ-lyon1.fr/germop/index.htm?Rpa/pciefn.htm&
examens complémentaires (électroencéphalogramme, 3. Durieu J, Tonnel AB, Cordier JF et le GERM« O»P.
scanner…) peuvent s’avérer très utiles. Pneumopathie chronique idiopathique à éosinophiles. Ref Prat
Actu 1998.
L’hyperéosinophilie peut être isolée. Comme nous Site internet :
l’avons évoqué précédemment, elle peut aussi être asso- http://www.univ-lyon1.fr/germop/index.htm?Rpa/pciefn.htm&
ciée à d’autres signes hématologiques pouvant faire sus- 4. Dubost-Brama A, Capron M, Delaporte E. Peau et hyperéosi-
pecter un état préleucémique (hyperéosinophilie massive,

LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50 1001


HYPERÉOSINOPHILIE

POUR APPROFONDIR

1 / Facteurs de mobilisation de la lignée me, coopérations cellulaires) et (ou) à différents processus patholo-
éosinophile giques. L’éosinophile est une cellule effectrice capable de libérer des
protéines basiques cytolytiques (MBP, ECP, EDN, EPO, exemple du
Le polynucléaire éosinophile est une cellule au noyau bilobé, en bis- processus de libération sélective des protéines cationiques ou piece
sac, facilement identifiée sur les frottis sanguins par les propriétés meal degranulation). Il est aussi apte à libérer des dérivés réactifs de
tinctoriales de ses granules, colorés en rose-orangé par l’éosine. Les l’oxygène, toxiques, tels que les anions superoxydes. L’éosinophile est
granules spécifiques, granulations secondaires de forme sphérique ou une cellule inflammatoire, capable de produire des médiateurs lipi-
ellipsoïde, apparaissent au stade de promyélocyte. Leur étude en diques (leucotriènes, prostaglandines), des chémokines, des cytokines
microscopie électronique révèle l’existence d’une inclusion cristalline pro-inflammatoires (IL-1, IL-6, TNFα), ou immuno-modulatrices (IL-
dense aux électrons (composée de la protéine basique majeure ou 4, IL-5). Ainsi, en fonction de l’état d’activation de l’éosinophile, celui-
MBP), et d’une matrice périphérique (composée de la protéine ci peut induire une réponse toxique par libération des protéines
cationique de l’éosinophile ou ECP, de la neurotoxine dérivée de cationiques des granules, ou favoriser l’amplification d’une réponse
l’éosinophile ou EDN, et de la peroxydase de l’éosinophile ou EPO). inflammatoire. Pour évaluer le degré d’activation de ce polynucléaire,
Les granules primaires de l’éosinophile contiennent la lysophospho- nous disposons de différents paramètres cellulaires ou sériques. Des
lipase qui participe à la formation des cristaux de Charcot-Leyden. études morphologiques [hypogranulation et (ou) présence de vacuoles
Les mécanismes impliqués dans le développement d’une hyperéosino- cytoplasmiques, hypersegmentation nucléaire] ou l’analyse de la densi-
philie sont multiples et parfois intriqués. Une hyperéosinophilie peut té cellulaire permettent d’individualiser des éosinophiles activés
témoigner d’un excès de production médullaire, mais aussi d’un (éosinophiles hypodenses). Ceux-ci ont la capacité de libérer les
défaut d’élimination des polynucléaires éosinophiles matures (altération médiateurs toxiques qui semblent jouer un rôle dans la genèse des
des processus d’apoptose). Elle traduit souvent un recrutement accru lésions tissulaires. Des taux sériques élevés de la forme soluble du
des éléments du pool de réserve médullaire (rôle des facteurs récepteur pour l’IL-2 (CD25s) ont été observés dans les formes
chimiotactiques). Des facteurs de croissance, des cytokines (GM-CSF, sévères d’hyperéosinophilie (hyperéosinophilie essentielle, hémopa-
IL-3, IL-5, dont les gènes sont situés dans la région 5q31-q33 du chro- thies malignes).
mosome 5), des chémokines, notamment les membres de la famille
éotaxine (éotaxine, éotaxine 2), de facteurs lipidiques (Platelet activa-
ting factor ou PAF-aceter), d’anaphylatoxines (C5a), contrôlent, à des 3 / Liste des maladies associées
degrés divers, et avec plus ou moins de sélectivité, différentes fonc- à une hyperéosinophilie
tions de l’éosinophile (prolifération et différenciation dans la moelle
hématopoïétique ; mobilisation du pool de réserve médullaire et transit Site internet : http://www.univ-lille2.fr/immunologie
dans le sang ; migration transendothéliale et domiciliation dans les Points Forts à retenir
tissus ; activation - survie - apoptose).
Ce sont l’interleukine 5 et l’éotaxine qui exercent les effets les plus
ciblés sur les éléments de la lignée éosinophile. L’analyse du profil de • L’hyperéosinophilie s’observe dans nombre
synthèse des cytokines par les lymphocytes T a permis d’individuali- d’affections, mais 4 situations majeures peuvent
ser une sous-population lymphocytaire productrice d’IFNγ (Th1), et être individualisées.
une sous-population productrice d’IL-4, IL-5, IL-13 (Th2), qui se • Le plus souvent, l’hyperéosinophilie sanguine
contrôlent mutuellement (balance Th1-Th2). Toute altération de l’équi-
s’inscrit, avec d’autres manifestations clinico-
libre Th1-Th2 peut être à l’origine de processus immunopatholo-
giques variés. Ainsi, un déséquilibre en faveur d’une polarité Th2 peut
biologiques, dans un contexte pathologique
entraîner un état atopique, induire une hyperproduction d’IgE (rôle de évocateur (allergies, certaines parasitoses,
l’IL-4), ou favoriser une hyperéosinophilie sanguine (rôle de l’IL-5). prise de médicaments).
L’éotaxine est un autre médiateur important dans les processus de • Dans d’autres circonstances, l’hyperéosinophilie
recrutement et d’activation des éosinophiles. Cette chémokine peut se est le signe d’appel qui nécessite la mise
lier à un récepteur nommé CCR3 (récepteur pour une famille de ché- en œuvre d’investigations complémentaires
mokines où les 2 premières cystéines sont adjacentes). Le CCR3 est permettant d’établir le diagnostic (exemples
fortement représenté à la des parasitoses, des cancers).
surface des éosinophiles, mais aussi des basophiles et des cellules Th2.
• Parfois, les manifestations cliniques
Ainsi, cette molécule a la capacité de recruter un ensemble de cellules
qui participent activement au développement d’une réaction allergique.
sont focalisées à un organe ou un tissu.
L’hyperéosinophilie associée a alors
une grande valeur d’orientation diagnostique
2 / Potentialités fonctionnelles de l’éosinophile (exemple du poumon éosinophile, de la gastro-
L’identification de récepteurs variés (récepteurs de cytokines, de
entérite à éosinophiles…).
chémokines, de médiateurs lipidiques, d’immunoglobulines, de • Plus rarement, l’hyperéosinophilie est isolée,
fractions activées du complément), et de molécules d’adhérence à la l’enquête étiologique demeure infructueuse.
surface de l’éosinophile (sélectines, intégrines) a permis de mieux La situation devient préoccupante quand
appréhender les éléments qui contrôlent les contacts favorables à la l’hyperéosinophilie reste élevée et persistante.
migration, la diapédèse, la domiciliation, et à la communication inter- Celle-ci peut précéder l’apparition d’une hémo-
cellulaire (action notable des chémokines et des cytokines). La pathie maligne, ou annoncer la survenue
succession de ces différents signaux aboutit à l’expression modulée de lésions viscérales où dominent les cardiopathies.
d’un certain programme fonctionnel de la cellule. Ces signaux peu-
vent participer à une réponse physiologique (croissance, chimiotactis-

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