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de petits commerçants et de petits propriétaires fonciers. Marx dit


que l'endettement aboutit à la prolétarisation d'un nombre croissant
de petits capitalistes: ainsi arrive-t'il à faire.la synthèse entre
la classe débitoriale et le prolétariat.

Section III
La monnaie et l'impôt

En apparence, ces deux institutions sont hétérogènes; cependant,


on aperçoit des liaisons entre les deux. A la r a c i n e des deux, il y
a des prérogatives étatiques: l'Etat bat monnaie et. prélève l'impôt.
Ces deux institutions relèvent donc du droit public, sous certaines
réserves: à l'origine, la monnaie a pu apparaître dans des rapports
inter-individuels; aujourd'hui encore, il y a des monnaies privées:
les économistes insistent sur la création privée de monnaies: les
grandes banques, par le jeu du crédit, sont créatrices de monnaies.
Dans le volume de monnaie, on fait entrer non seulement la monnaie
scripturale, mais aussi le crédit accordé par les grandes banques.
De même, on pourrait découvrir des phénomènes sociologiques d'impôts
privés: exemples: des phénomènes de rackett, de maffia, ou encore de
collectes. Mais, en général, impôt comme monnaie sont des phénomènes
d'origine étatique. Et leurs effets peuvent être analogues.
A partir du moment où la monnaie a été utilisée par le prince
pour se procurer des moyens de paiement, elle est devenue une insti­
tution comparable à l'impôt dans ses effets. Pour ce qui est des
Etats modernes, c'est topique: l'Etat se procure de l'argent par l'im­
pôt et par la dépréciation monétaire. Celle-ci fonctionne comme un
impôt sur le capital d'expression monétaire. Cet impôt ne frappe que
les capitaux ayant une expression monétaire. Cette dépréciation ne
joue pas seulement au profit de l'Etat mais aussi au profit des débi­
teurs privés. Il y a ainsi une alliance tacite entre le prince et la
classe débitoriale Tout notre droit des obligations doit être conçu
en fonction de ce dernier phénomène.

- § I ­
La monnaie

C'est une institution juridique et un phénomène économique. Les


études économiques l'ont considérée plutôt sous son aspect économique.
Néanmoins, il y a certains éléments qui peuvent être retenus pour une
sociologie du droit monétaire. Voyez l'ouvrage de Simmel, Philosophie
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des Geldes, 1900. Philosophie, nais aussi ethnologie et psychologie.


On va d'abord rechercher quelle est l'origine ethnologique de la mon­
naie; puis, on essaiera de déceler des phénomènes de pluralisme moné­
taire à mettre en rapport avec les phénomènes de pluralisme juridique.
Le XXème.siècle finissant est assez désagrégateur vis à vis du monisme
que l'époque de la codification napoléonienne avait mis en relief.

- A ­
Origine de la monnaie

Il s'agit d'une origine qui se situe dans les sociétés ar­


chaïques, les sociétés très anciennes (passé mort ou passé vivant, ce
qui est les ethnies vivants actuellement mais qui représentent parmi
nous des époques disparues). Dans cette recherche, les esprits se di­
visent entre deux grandes hypothèses. Dans une première doctrine, on
prête à la monnaie une origine utilitaire, rationalisante; dans une
deuxième doctrine, une origine mystique, irrationnelle. Cette dualité
se rencontre quant à l'origine de beaucoup d'institutions juridiques.
L'hypothèse que la monnaie procède d'une invention utilitaire
est avancée par Paul dans la lex origo (Digeste, 18, I, I, principium:
"Origo emendi vendendique", c'est-à-dire, l'origine du contrat de
vente) où il formule une hypothèse sur l'origine de la monnaie.
"L'acte d'acheter et de vendre (plutôt que l'acte d'achat et de vente)
tire son origine des échanges. Jadis, en effet, il n'y avait pas de
monnaie et l'on ne qualifiait point l'une des marchandises de presta­
tion et l'autre de prix....Chacun se débarrassait de ce qu'il avait
en trop....Mais....une matière fut choisie (electa materia est) dont
l'évaluation publique et constante remédierait aux difficultés des
échanges par l'égalité quantitative (numérique: et ceci atterrira
dans l'article 1895 du Code Civil); et cette matière frappée d'une
forme donnée par l'autorité publique tire son usage et son appropria­
tion moins de sa valeur que de sa quantité." Ce texte romain est à la
fois uns très ancienne approche ethnologique de la monnaie, et sur le
terrain dogmatique, ce fut un appui textuel de la théorie dite nomina­
liste de la monnaie. Dans ce texte, Paul invoque l'origine de la vente
et par là-même, l'origine de la monnaie, aux fins d'en tirer argument
pour la solution d'un cas précis: peut-il y avoir encore vente quand
le prix n'est pas exprimé en argent ? Les Sabiniens tenaient que le
contrat pouvait demeurer une vente, et ils tiraient argument de l'ori­
gine de la vente (la vente n'est que une variété de l'échange, disait-i
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A l'appui, Sabinus invoquait le témoignage de l'Iliade où les Grecs


acquéraient du vin contre du bronze (les Romains avaient l à le senti­
ment que c'était du droit archaïque: mais parce que tel, c'était un
droit ayant une valeur particulière, parce que il pouvait être étayé
par le m y t h e ) . Dans cette conception, la monnaie est une chose substan­
tiellement quelconque mais qui a été choisie par l'autorité publique
pour jouer le rôle d'un instrument dans les échanges. Cette concep­
tion est devenue classique (notamment chez les économistes du XIXème.
siècle).

Deux orientations nouvelles de l'ethnologie ont fait surgir une


autre explication. C'est le moment où les ethnologues développent la
théorie de la mentalité archaïque. Suivant Lucien Lévi-Bruhl, celle-
ci est prérationnelle, mystique. L'origine de la vente et de la monnaie
ne peut échapper à cette nouvelle explication. La monnaie ne peut pas
être une invention rationnelle, utilitaire. Son rôle sera mystique.
Elle est là non comme une marchandise à substituer à d'autres; elle
est un symbole lié à des représentations mythiques. Il y a irréduc­
tible originalité de la vente et de la monnaie. Cette dernière inclut
un élément mystique: "Nummus numen": il y a une sorte de divin qui
entoure la monnaie. C'est un élément équilibrant que la monnaie. C'est
quelque chose qui vient des Dieux. A l'appui de cette analyse, on invo­
que le fait que dans la monnaie primitive, l'effigie des Dieux est
souvent représentée. Rien de commun avec l'idée d'une marchandise dont
les pouvoirs publics attesteraient la valeur.
Quand on pousse plus avant cette analyse, on distingue des va­
riantes chez les auteurs. Certains voient le besoin irrationnel sous
les espèces d'un besoin de parure. Ce besoin est constant dans les
sociétés primitives. C'est la parure de la femme qui parait la plus
essentielle: la "parure de publicité"; mais si c'est la femme qui inven­
ta la parure, c'est l'homme qui la transforma en monnaie. C'est le
bijou qui a inventé la monnaie et non l'inverse. Ce qui explique que
les premières monnaies, dans les sociétés primitives, étaient consti­
tuées par des coquillages. Ce sont les parures du chasseur. Voyez en
ce sens, Metais, Une monnaie archaïque : la cordelette de coquillages,
l'Année Sociologique, 1949-1950, pages 33 et suivantes. M a i s , a-t'on
objecté., n'y a-t'il pas ici une contradiction ? La monnaie serait fon­
dée sur le besoin de se différencier; tandis que un objet doit être
partout reçu pour constituer une monnaie. On répond à cela que l a
première circulation de l a monnaie n'a pas été une circulation d'échan­
ge mais une circulation de don entre amis, entre compagnons d'armes:
donc une sorte de participation au prestige. On ajoute que pour les
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sociétés primitives, la thésaurisation de la monnaie est plus impor­


tante que sa circulation.
Plus différemment, on présente le besoin irrationnel à la racine
de la monnaie comme un besoin mystique. La monnaie est un objet sacré.
C'est un objet de culte destiné à être offert en sacrifice: tel est
son rôle premier. De cette origine mystique, on relève des traces à
l'époque historique. Exemple: en droit romain, la répression du faux
monnayage, même à l'époque impériale, parait fondée, beaucoup plus
que sur le préjudice pécuniaire, sur l'offense faite aux effigies
sacrées des empereurs et des dieux. Voyez le Codex, livre 1 1 , titre 1 1 ,
Constitution 3 ("aeternales vultus"). On trouve de ces traces jusque
dans la Bible. Avant la guerre de Judée (voyez Exode, chapitre 30),
les Juifs devaient verser la capitation au Temple au moyen d'une mon­
naie spécialement fabriquée à cette fin (représentant peut-être la
verge d'Aaron). Lorsque les Romains conquirent la Judée, ils firent
circuler des deniers à l'effigie de César; et ces deniers étaient
destinés à payer l'impôt romain. La parole sur le denier de César
peut s'expliquer ainsi. Ceci nous met en présence d'un phénomène de
pluralisme monétaire.

- B ­
Les phénomènes de pluralisme monétaire

On a déjà rencontré le pluralisme normatif; cela consiste en


ce que, sur un même territoire sujet à des normes, il peut y avoir
plusieurs systèmes de normes concurrents. Or, la monnaie n'est-elle
pas par elle-même une norme ? La norme, ce n'est pas seulement un
commandement; plus primitivement, la norme, c'est une mesure (nomos).
Voyez la relation : numisma-nomos: la monnaie est la norme. La mon­
naie fait partie du système des poids et mesures; et ce système est
une pièce du système juridique dans son ensemble. On peut observer
que la monnaie est virtuellement incluse dans toutes normes de droit
patrimonial: si l'obligation est inexécutée, elle se dissout en argent.
Les phénomènes de pluralisme monétaire sont des phénomènes de
pluralisme normatif et même de pluralisme juridique. Ils créent des
conflits entre les individus qui sont saisis par eux?(conflits d'ordre
psychologique, psycho-sociologique). L'individu aura le sentiment
d'appartenir à différents systèmes juridiques. Exemple: de nos jours,
la sortie de tel pays dépendant jadis de la zone franc, est perçue
comme une conquête de souveraineté. Néanmoins, entre les systèmes
monétaires concurrents vont s'établir des passerelles. Exemple: cer­
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tains mécanismes juridiques comme le change.


On distingue deux sortes de phénomènes de pluralisme monétaire:
dans l'espace et dans le temps.
1 ) Dans l'espace. L'hypothèse est que, synchroniquement, plu­
sieurs monnaies ont cours (sans précision sur la nature juridique du
"cours") au même moment sur le même territoire. Le pluralisme peut
tenir à ce que des monnaies relevant de plusieurs souverainetés mo­
nétaires ont cours sur le même territoire donné. Cette situation fut
celle du M o y e n Age: les monnaies de plusieurs pays, à cette époque
uniquement métalliques, étaient en concurrence. On a parlé d'anarchie
monétaire à ce sujet; les hommes du Moyen Age ne le percevaient pas
comme tel. Il y avait d'ailleurs des mécanismes d'accomodement:
exemple: la pesée des monnaies. A notre époque, on a vu des situa­
tions dans lesquelles le système monétaire national était en concur­
rence avec des monnaies étrangères. Exemple: l'Union Latine: entre
les Etats qui y participaient (France, Belgique, Suisse, Italie), on
avait admis un cours légal pour les monnaies divisionnaires relevant
des Etats participants. Aujourd'hui encore, voyez l'unité de compte
européenne: il en résulte un pluralisme transnational.
A l'intérieur d'un seul système monétaire national, il peut y
avoir sission. Ce fut la situation française sous l'Ancien Régime:
il y avait dualité entre la monnaie réelle (l'écu) et la monnaie de
compte (la livre). C'est sur cette dualité que reposait le mécanisme
de la dépréciation monétaire. Quand le Gouvernement voulait libérer
les débiteurs, il décidait que les débiteurs pourraient payer leurs
dettes en livres avec une moindre quantité d'écus. Les variations
étaient d'ailleurs assez limitées. A l'heure actuelle: si l'on ana­
lysait les clauses d'indexation, on verrait qu'elles aboutissent à
une dissociation intellectuelle de l'unité monétaire.
2) Dans le temps. Même dans l'hypothèse du pluralisme monétaire
dans le temps, les monnaies circulent en concurrence à un même moment.
Mais elles procèdent d'émissions se plaçant à des moments différents.
Il y a une survie d'un système monétaire qu'on a voulu abolir. Exemple:
lorsque le franc de la Révolution (loi de Germinal) a été mis en cir­
culation (il se rattachait au système décimal, au contraire des mon­
naies de l'Ancien Régime), il succédait à la multiplicité des monnaies
de l'Ancien Régime. Or, l'observation sociologique montre la lenteur
avec laquelle le nouveau système monétaire a pénétré dans la pratique.
Elle montre l'attachement au passé quand il s'agit de poids et mesures.
Il fallut attendre 1837 pour prendre une mesure décisive en ce qui con­
cerne les poids et mesures (la loi s'adressait surtout aux officiers
. 133 ­

ministériels). La coutume est forte dans ces domaines-là. Nous vivons


une expérience voisine: la substitution du nouveau-franc, franc-lourd­
franc, au franc ancien. Cette substitution ne se fait sous nos yeux
que lentement. D'autant que on n'a pas voulu changer l'appellation:
un tel changement est très difficile (Voyez l'expérience belge du
"belga", qui a échoué). L'usage du franc ancien reste très étendu.
Quelque fois,c'est un usage net; quelquefois, un usage à titre de
traduction de la nouvelle monnaie. Suivant qu'on veut forcer la note
ou au contraire la réduire, on utilise telle ou telle unité monétaire.
Voyez sur ce point, l'arrêt de la Chambre Commerciale, 14 Janvier 1969,
Dalloz,1970, page 4 5 8 ; l'arrêt de la Chambre Civile, 12 Janvier 1970,
Semaine juridique, 7 0 . 2 . 1 6 2 6 1 .

On relève un phénomène particulier: le franc nouveau est plus


facilement reçu pour les petits montants d'obligation que pour les
grands. Exemple: on passera de neuf francs à mille francs. A l'arrière­
fond de tous ces phénomènes, existe ce que l'économiste Simiand a étu­
dié en 1932 sous le nom de la magie des gros chiffres (notamment en
matière de salaires).

- § 2 ­
L'impôt

Il est très important dans les sociétés modernes pour la socio­


logie juridique. Avec la route et (partiellement) le service militaire,
il est le lieu de la plus intense perception du droit.
Les responsables nationaux en ont conscience.
Exemple: le ministre des Finances, le 20 Novembre 1 9 7 2 , déplore
l"'allergie fiscale" de notre société. L'arrière-pensée est que la
répulsion instinctive qu'il constate pourrait être supprimée par une
meilleure organisation des "public relations".de la fiscalité. C'est-à­
dire par des adoucissements psychologiques. En vérité: le problème de
l'impôt met en jeu des données plus profondes que la psychologie super­
ficielle. On ne peut pas faire abstraction, par exemple, de l'histoire
nationale.
La sociologie de l'impôt a fait l'objet d'études; pour la France,
voyez la thèse de Jean Dubergé, "La psychologie sociale' de l'impôt",
1961; l'auteur était conseiller référendaire à la Cour des Comptes.
Il a opéré sur un échantillon de 792 contribuables. C'est un échantillon
empiriquement constitué, donc pas un véritable échantillon national.
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CHAPITRE II : DROIT ET INFLATION

Contribution à la sociologie juridique du patrimoine

L'inflation est un P h é n o m è n e économique . Mais est-il


exclusivement économique ? Longtemps les économistes l'ont cru
et l'ont enseigné . Cependant, en présence des phénomènes contempo-
r a i n s , l e s économistes ont du se rendre à l'évidence que l'éco-
nomie politique n'expliquait pas tout . Dans l'inflation il y
a ainsi des aspects sociologiques et juridiques .

L'inflation est un phénomène sociologique par s e s cau-


ses . Et cela p a r c e que l'inflation est due à ce que le c o r p s
social divisé se- dispute les fruits de la croissance .

Elle est en outre plus certainement un phénomène socio-


logique p a r s e s effets . C'est la thèse soutenue notemmant par
G. Myrdal . Myrdal soutient, en effet, que les dangers les plus
g r a v e s de l'inflation viennent des faits sociaux, de l'irrita-
tion que l'inflation provoque entre les différentes catégories -
entre les créanciers et les débiteurs, entre le mari et la fem-
me, entre le salarié et l'employeur, entre les citoyens et 1'
Etat; etc. Elle est génératrice de conflits, de division .

L'inflation est un phénomène juridique car le droit est


lié à la division des hommes . Il crée la division entre les
hommes en conférant un droit subjectif à l ' u n dans la rareté
de l'objet et en refusant nécessairement c e droit à l'autre .
En même temps le droit essaie d'accomplir un certain partage des
biens, un certain équilibre des droits subjectifs .

Trois institutions juridiques semblent capables de


jouer un rôle dans ces Phénomènes d'inflation ' la monnaie,
l'emprunt et l'impôt .

La monnaie est l'instrument juridique à travers le-


quel l'inflation opère .

L'emprunt est un lieu juridique où les conflits dont


parle Myrdal s e manifestent . L'antagonisme du prêteur et de
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l'emprunteur est manifeste en période d'inflation .

L'impôt : il y a un impôt sur le capital qui résulte


de l'inflation . L'inflation est devenue la plus grande ressour-
ce des finances publiques

Section I : LES MONNAIES

Si les monnaies n'étaient que des marchandises, on peut


se demander s'il y aurait des phénomènes d'inflation . A la vérité
c'est le droit oui fait des monnaies quelque chose d'artificiel .
Dans les théories de la monnaie-marchandise, il ^ a au fonds
un refus du droit parce que le droit est tenu comme une volonté
, donc comme un arbitraire . Le phénomène juridique de la mon-
naie semble aller à l'encontre de la rationalité . En réalité
il y a dans la monnaie un mélange de rationnel et d'irrationnel .

Paragraphe I : L'origine des monnaies :

Les sociologues, les ethnologues, les monétaristes


ont forgé des hypothèses sur l'origine de la monnaie dans les
sociétés humaines . C'est au niveau des sociétés archaïques eue
les chercheurs se sont placés . Les uns disent que, dans ces
sociétés, tout est irrationnel, tout est magique . D'autres af-
firment que, même dans ces sociétés qui paraissent dominées par
l'irrationnel, il y a un calcul utilitaire .

Ainsi la sociologie des monnaies oscille entre deux


interprétations °

invention utilitaire ou besoin irrationnel .

Un ouvrage important en la matière est celui de Simmel


"Philosophie de la monnaie" . Plus récemment nous avons eu
les travaux de Schmölders et de Schacht (anthropologie culturelle
de l'argent) .

A . L'hypothèse de l'invention utilitaire ?

La monnaie est apparue pour répondre à certains besoins


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pratiques . Cette hypothèse de l'invention utilitaire a trouvé
une expression classique dans le Digeste, dans le texte connu
sous le non de Lex Origo (Digeste Livre 18, titre I) . U n e ma-
tière fut choisie dont l'évaluation publique et constante p e r -
mettrait un échange égalitaire et remédierait aux difficul-
tés de l'échange en nature .

Ainsi la vente avec son corollaire la monnaie, a rempla-


cé l'échange en nature pour répondre à un besoin pratique

A ce moment là, l'autorité publique est intervenue p o u r


en quelque sorte consacrer cette convention entre les hommes .
A partir de là, la monnaie s'est détachée de la matière : elle est
devenue une création du droit .

Ce texte avait un intérêt pratique en droit romain :


il servait à appuyer une certaine solution de droit positif .
Il recèle en outre, dans sa teneur sociologique, des idées qui
ont encore aujourd'hui une valeur : d'un côté, la rationalité de
l'invention ; de l'autre, le caractère artificiel de la monnaie
consécutif à l'intervention de l'Etat .

Ce texte sera utilisé par 1'ancien Droit à 1'appui de


la théorie du nominalisme monétaire ° article 1895 du Code Ci-
vil .

B . L'hypothèse du besoin irrationnel :

Cette h y p o t h è s e a revêtu des formes variables . L'ori-


gine de la monnaie est attribuée à un besoin irrationnel .

Le besoin de p a r u r e d'abord . Nombre de sociologues ont


affirmé que la monnaie est un moyen général de communication
entre les hommes . On parlera pour la monnaie d'une p a r u r e de
publicité - elle est un moyen d'exalter la personnalité, de se
faire reconnaître socialement . Ainsi, dans cotte hypothèse, c'est
le bijou oui a engendré la monnaie et non pas l'inverse .

Objection à cette thèse * la p a r u r e est un moyen de


se distinguer, de se différencier par les bijoux . Or la monnaie
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remplit une fonction d'échange qui suppose 1'homogénéité . Il


faut rue les monnaies soient toujours semblables entre elles .
A cela les sociologues répondent que la monnaie a d'abord circulé
sous forme de don, et ce don doit être beau .

L'homogénéité qui nous parait quelque chose d'essen-


tiel dans la technique monétaire, ne devait p a s être essentielle
dans le "potlatch"(le don appelle le contre-don) .

La monnaie nous apparait dans les sociétés primitives


comme un symbole lié 3 des représentations mystiques . La lin-
guistique v a insister la-dessus . En effet nummus (monnaie) =
numen (divinité) .

La monnaie aurait été un élément équilibrant, un élément


de garantie gui venait sceller l'engagement pris par les contrac-
tants .

Il y a une sacralisation du don .

Un sinologue, J. Gernet,, dans une thèse sur la vente


en Chine au 9ème et IOème siècle a repris cette hypothèse des
origines magiques de la monnaie .

Paragraphe 2 : L'iconograghie des monnaies :

La monnaie est porteuse d'image . C'est l'un des plus


vieux moyens de communication du monde . C'est un message tiré à
beaucoup d'exemplaires . Ce fut à une époque ancienne un moyen
d'informer les provinces lointaines d'un événement . La monnaie
pouvait être porteuse d'une certaine publicité .

Il y a donc une iconographie monétaire qui n'est pas


neutre . D'ailleurs, la contrefaçon de billets est réalisée
par l'imitation de l'image, p a r c e que l'image fait partie de l'af-
firmation de souveraineté monétaire .

A . L'image :

On constate dans l'iconographie toute une symbolique qui


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revient dans les séries socio-monétaires (animaux, divinités,


symboles religieux) et oui n'est pas sans intention .

Une sorte d'image doit être mise à part, c'est l'effi-


gie du prince . Ce peut être le Prince impersonnel (la cité,
l'Etat) . Elle figure souvent sous les traits d ' u n e femme (la
Semeuse, Marianne) . L'émergence de la personnalité morale est ici
une femme . C'est le corpus mysticum .

Mais il y a aussi le Prince personnel ? l'effigie du


souverain, en tant que personne physique . Elle s'est parfois
heurtée a des résistances . Ainsi César a rencontré de telles
résistances = De même, sous Henri II, résistance des féodaux
contre cette manifestation de centralisation . Avec l'affermis-
sement de la monarchie absolue, l'effigie du Prince devient constan-
te .

Aujourd'hui, malgré le Phénomène de la personnalisation


du pouvoir, les détenteurs du pouvoir semblent répugner à faire
figurer leur effigie sur la monnaie . Peut-être perçoivent-ils
le danger d'associer leur image à une monnaie fragile .

B . La signification de l'image monétaire :

L'irrationnalité de la monnaie va ressurgir à cet


endroit . On pourrait p e n s e r que l'image est là p o u r rendre
la contrefaçon plus difficile . Mais l'image a une autre signi-
fication ? c'est l'intention d'apothéose .

Dans la Rome impériale, il faut prendre 1'apothéose


dans son sens étymologique ° l'élévation au r a n g des dieux .
L e s pièces avec l'effigie de l'Empereur se relient à un mécanis-
me théologique de divinisation de l'Empereur

Juridiquement dans le système pénal romain, le fonde-


ment de la répression du faux monnayage se relie à cette signi-
fication mystique de la monnaie . Il n'est p a s puni comme un vol .
Le fondement de la répression est l'offense faite aux effigies
sacrées .
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Dans notre Ancien Droit, c'est un crime de lèse-majes-


té ; mais c'est aussi un signe, une signature, un procédé d'iden-
tification du souverain monétaire rar lequel il affirme sa vo-
lonté . C'est aussi la marque apposée sur un objet p o u r affir-
mer qu'on en est propriétaire . L'image du Prince apposée sur
la pièce est la représentation magique du Prince lui-même . Le
Prince imprègne la monnaie . Dans une vision archaïque du droit
de la propriété, ce qui fonde le droit de propriété individuel-
le, c'est l'imprégnation de la chose par la p e r s o n n e . Cette
imprégnation de la monnaie est le fondement de la propriété
du Prince .

De 1' va sortir une théorie juridique ° c'est la thé-


orie de la monnaie, chose du Prince : l'émetteur retient un
droit de propriété sur la monnaie . Le détenteur en a le domai-
ne utile, mais le Prince conserve le domaine éminent ? Ce do-
maine éminent ressurgira dans les prérogatives juridiques . Le
Prince pourra retirer les espèces de la circulation . Il peut
même muer la monnaie, d'abord matériellement, c'est à dire la
refondre et la remettre en circulation à un titre plus faible
par exemple . Dans une technique plus intellectualisée, muer
la monnaie c'est manipuler intellectuellement, juridiquement
la monnaie y c'est manipuler le pouvoir libératoire de la mon-
naie .

Ce procédé connu dans les derniers siècles de l'Ancien


Régime survit dans l'article 1895 du Code Civil . C'est le seul
procédé de manipulation monétaire reconnu par le Code Civil .

Le pouvoir général de manipuler les monnaies vient de


l'effigie . La théorie du nominalisme monétaire serait mieux
nommée théorie de l'effigialisme monétaire .

Paragraphe 3 : Le droit naturel des monnaies :

A . Droit positif et droit naturel monétaire :

Il y a un droit positif monétaire . C'est l'ensemble


des règles de droit régissant l'appropriation, la circulation
des monnaies ainsi que l'évaluation des intérêts en monnaie .
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Le droit positif monétaire est livré à une évaluation arbitrai-


re . Nous venons de constater ce pouvoir de manipuler les mon-
naies . L'abus du droit positif a suscité l'appel au droit na-
turel monétaire . Les constitutions médiatrices entre le droit
positif et le droit naturel ont parfois essayé de faire des-
cendre le droit naturel monétaire sur le terrain du droit positif .

Dans les Cahiers de Doléances, on trouve parfois du nom-


bre des revendications l'interdiction faite au Prince de muer
les monnaies .

La constitution des U.S.A., dans son article 1er, réser-


ve au Congrès le pouvoir de battre monnaie, et d'en arrêter la
valeur .

B . Nature et monnaie :

Les deux termes semblent antinomiques . Mais c'est jus-


tement là qu'est le point important . Est-ce que le recours au droit
naturel monétaire n'est pas en définitive le recours à l'écono-
mie en nature ?

Le droit naturel monétaire s'est souvent manifesté sous


forme de revendication de droits individuels . Lors de la dévalua-
tien du dollar en 1934, des citoyens américains lésés p a r cette
manipulation monétaire s'adressèrent à la Cour Suprême en invo-
quant l'article 1er de la Constitution . Arrêt rendu le 18 février
1935 . Le terrain d'attaque des demandeurs était le suivant - le
pouvoir de régler la valeur de la monnaie ne pouvait aller jus-
qu'à autoriser un arbitraire tendant à la destruction des droits
individuels . Il y avait une atteinte au droit de propriété .
Cette action a été rejetée par 5 voix contre 4 .

Deuxième forme du droit naturel monétaire ' l'Etat honnête-


homme :

On la trouve chez les disciples de l'école du d r o i t de


la nature et des gens, dont Burlamaqui . L'Etat doit se limiter
par une sage moralité . Autolimitation do l'Etat p a r lui-même .
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Dans l'école moderne du droit naturel, le droit naturel


est celui gui résulte de la nature des choses . Que faut-il
entendre par là en matière monétaire ?

Selon la doctrine officielle, la nature des choses, en


matière monétaire, c'est l'or, détaché de toute action du souve-
rain, des lois, du droit . L'or peut se passer du droit . Sous
l'empreinte du souverain, l'or accomplit sa fonction de droit
positif .

Il y a là une question riche d'implications économiques,


mais l'extrême serait l'état de nature . En effet, c'est par
convention qu'on en est venu à utiliser la monnaie . L'état de
nature aurait précédé toute monnaie . La seule institution du
droit naturel est le troc, anti-monétaire par définition . Jean-
J a c q u e s Rousseau a apporté sa caution .

SECTION II : L'EMPRUNT :

Paragraphe I : les emprunts privés :

Il faudrait faire apparaître la typologie des contrac-


tants . Il en est de plusieurs sortes °

- on peut penser d'abord à la forme traditionnelle


forme bipolaire, où le créancier est en face du débiteur . L'exem-
ple le plus classique ici est le prêt hypothécaire . Monsieur
J.P. Poisson a étudié 1es dossiers des prêts hypothécaires dans une
étude de notaire parisien pondant la période 1959-1963 . Il a
relevé quelques traits intéressants de la typologie des parties .
Il apparaît que les prêteurs sont surtout des femmes, très sou-
vent âgées et veuves gui se trouvent à la tête de liquidités pro-
venant de la liquidation de la communauté conjugale . Les emprun-
teurs sont plus jeunes que les prêteurs .

D'où cette conclusion non dépourvue d'intérêt sociolo-


gique que le prêt hypothécaire accomplit une sorte de circulation
d'argent entre les générations .

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