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Société Botanique

du Vaucluse
B.P. 1227 - Site Agroparc - 84911 AVIGNON CEDEX 9
n°19 - mai 2009
-
Bulletin de liaison de la Société Botanique du Vaucluse

Androsace halleri ( Primulaceae)


Sur lande de type subalpin
Cros de Conge
(Massif du Tanargue- Ardèche)
Le 13 juin 2008
Photo. -Jean-Claude Bouzat
Sommaire
Editorial P. 3

Ont participé à ce numéro

Botanique vauclusienne
− Nouveautés 2008 pour la flore vauclusienne B. Girerd et J.P. Roux P. 4
Société Botanique − Recherches et récoltes à faire pour 2009 B.Girerd
− Le Rhône vauclusien J.P. Roux P. 8
du Vaucluse − Mesures agricoles territorialisées dans le cadre de Natura 2000 G.Guende P. 11
− Exposition botanique –Avignon – mai 2008. P.12
Siège Social − Actualité : le jardin botanique d’Avignon - Exposition du Musée Requien. P. 13
Lycée Agricole
François PETRARQUE Activités de la SBV
Cantarel - route de Marseille − Excursion botanique dans le massif du Tanargue J.C. Bouzat P. 14
(Ardèche) du 13 au 15 juin 2008
Adresse postale
BP 1227 Autour de la botanique
Site Agroparc − Plantes, chenilles et papillons A.Camard P. 19
84911 AVIGNON cedex 9
1859-2009 : 150 es anniversaires
Adresse Internet Mireille – Mirèio. P. 23
Présentation. Le Félibrige. Mistral et la botanique : H.Courtois
Site SBV Le catalogue de M.Palun.
http://www.sbvaucluse.org Le végétal dans Mireille – Pancratium maritimum – L’erbeto di
Courriel frisoun. Inventaire.
Vallisneria spiralis : P. 27
info@sbvaucluse.org La vallisnerie et ses amours originales au fil de l’eau.
Réunion mensuelle R.Guizard
Tous les deuxièmes mardis du mois, Vallisneria spiralis dans le Vaucluse de 1855 à nos
au Lycée François PETRARQUE jours. (mentions par B.Girerd).
Cotisation annuelle Charles Darwin P. 29
18 euros membres adhérents
9 euros membres associés Rencontres P. 30
9 euros étudiants Abbés et botanistes :
demandeurs d’emploi L’Espace Hippolyte Coste H.André
Paul Fournier- B.Girerd ouvre son album photos ! B.Girerd
Droit d’entrée
7 euros nouvel adhérent Dans les débuts de la S.B.V (montage photographique). P. 33

Parutions – Notes de lecture (F.Feriolo). P. 34

Bulletin de la SBV Rousseau et la botanique, choix de textes par A.Chanu P. 35

Distribution Le culte de Cérès, déesse des moissons ou les ruses végétales ! O.Mandron P. 36
Le bulletin de la SBV est distribué gratuite-
ment aux adhérents.

Directrice de Publication
La Présidente : Huguette ANDRE

Redaction
Les membres du bureau de l’association Encart couleur au centre du bulletin pages I à VIII
Maquette: Denis Coquidé
I- Botanique vauclusienne - Nouveautés 2008.
Impression: Espace Dupont - 84130 Le Pontet II- Vallisneria spiralis L.
III à VI- Plantes, chenilles et papillons.
N° ISSN : 1281-2676 VII et VIII- Tanargue –du 13 au 15 juin 2008.

Bulletin de la SBV - 2 - n°19 - mai 2009


Editorial
Le bulletin 19 paraît avec le printemps, cela devient
une coutume - n’est-ce-pas ? Il est joliment illustré ;
merci à tous pour votre participation active et surtout
à Michel pour son travail de composition et à Denis
pour la mise en page définitive.
Au cours de l’année 2008, 10 espèces nouvelles
pour le département ont été détectées par des adhé-
rents. Ainsi
l’inventaire de la flore du Vaucluse ne cesse de pro- Ont participé à ce numéro
gresser. La propagation et l’installation de ces plantes, qui jusqu’à présent se localisaient
dans les départements littoraux situés plus au sud, s’effectuent vers le nord. A la suite d’u- Huguette André
ne série d’années sèches et à hivers peu rigoureux, elles ont trouvé des conditions favora- 30250-Junas
andre.huguette@wanadoo.fr
bles et colonisent les espaces plus ou moins incultes .Ce phénomène n’est pas nouveau ; je
vous conseille de relire les numéros précédents. Jean-Claude Bouzat
Je précise que les découvertes sont dues surtout à la curiosité et à l’observation, au sérieux 26110-Condorcet
des adhérents, soucieux de bien connaître leur patrimoine floristique .La Société Botanique jean-claude.bouzat@club-internet.fr
du Vaucluse bouge, cherche.
Bernard GIRERD affine peu à peu les clés de détermination des genres ayant plus de 2 Alain Camard
espèces. Une nouvelle édition mise à jour au 01 03 2009 est désormais disponible .Vous 30400-Villeneuve -les -Avignon
pouvez en faire la demande auprès de Mireille.
Autre heureuse nouvelle - la subvention sollicitée auprès du Conseil Général de Vaucluse Alain Chanu
alain.chanu@wanadoo.fr
pour la 3ième édition de l’inventaire du Vaucluse est acceptée. La trésorière a encaissée le
premier tiers de la somme .Une démarche a été engagée en février auprès d’un éditeur Henri Courtois
d’ouvrages naturalistes - Biotope – dont les collections sont bien connues. A l’heure ac- 84130-Le Pontet
tuelle nous attendons le projet de contrat ainsi que la charte graphique, afin de mettre en
route cet ouvrage, qui sera plus qu’un simple inventaire .La publication est envisagée pour Flavien Feriolo
fin 2010 ? 30330-Connaux
Il y a encore beaucoup de travail !! Bernard nous recommande de rechercher, d’observer flavien.feriolo@dbmail.com
certaines espèces au cours de l’année 2009, sans oublier de préciser les paramètres indis-
pensables (date et lieu de l’observation, description la plus exacte possible de la plante). Bernard Girerd
84250-Le Thor
Pour une éventuelle récolte, suivez bien ses conseils, donnés dès le début de l’article.
bernardgirerd@cegetel.net
Vous pouvez le contacter directement.
Je pense que vous avez consulté le programme ; quelques oublis m’ont été signalés. Les Michel Graille
corrections ont été faites lors d’une réunion mensuelle et transcrites sur le site Internet de 84310-Morières les Avignon
la SBV. Si vous avez des doutes, n’hésitez pas à me téléphoner ou m’envoyer un message. micgrail@orange.fr
A bientôt lors d’une sortie ou d’une prochaine réunion.
Roselyne Guizard
Amicalement. 84380-Mazan
Huguette ANDRÉ, présidente. rosedenoel@wanadoo.fr

Odette Mandron
38700- La Tronche
ohirondelle@free.fr
Bureau 2009 : Sans changement – Voir Bulletin 18
Jean-Pierre Roux
84200 Carpentras
cbn.84@wanadoo.fr

Contributions photographiques

Huguette ANDRE HA
André BART AB
Jean-Claude BOUZAT JCB Contribution à la documentation
Alain CHANU AC
Claude DIEU-ROMASTIN CDR Paule Daillant
Flavien FERIOLO FF Musée Requien
Michel GRAILLE MG Bibliothèque de la SBV
Roselyne GUIZARD RG
Henri MALEYSSON (Digitalis- Le Puy) HM Et diverses sources
Huguette PINGET HP complémentaires dont Internet.
Mireille TRONC MT
Jean VIROLLEAUD JV
Marie-Thérèse ZIANO MTZ

Bulletin de la SBV - 3 - n°19 - mai 2009


Botanique Vauclusienne
Nouveautés 2008 pour la flore vauclusienne
L’année 2008 peut encore être considérée comme riche en dé- CHABERT), sur des pelouses rocailleuses sur calcaire décalci-
couvertes floristiques puisque 11 espèces nouvelles ont pu être fié. Elle semble rare et très marginale en région méditerranéen-
détectées. Certaines d’entre elles sont bien indigènes comme ne.
Xeranthemum cylindraceum Smith et Ornithogalum pyrenaicum
L., observées très près des Alpes-de-Haute-Provence dans des Myriophyllum aquaticum (Velloso) Verdcourt (= M. brasilien-
sites habituellement peu prospectés, ou encore comme Minuar- se Cambessedes) - Plante beaucoup plus robuste que les deux
tia rubra (Scop.) McNeill, Phelipanche rosmarina (G. Beck) autres espèces connues dans le Vaucluse (M. spicatum L. et M.
Banfi & al., et Potamogeton berchtoldii Fieber qui étaient peut- verticillatum L.). Elle présente des feuilles glauques et papilleu-
être passées inaperçues car confondues avec d’autres taxons. ses sur des tiges dont les extrémités sortent de l’eau ; les fleurs,
Pour ce qui est de Tordylium apulum L., on assiste à une pro- souvent rares, sont situées, isolées, à l’aisselle des feuilles supé-
gression vers l’est de cette espèce bien connue dans la région rieures.
Languedoc-Roussillon. Mais le plus surprenant est l’arrivée Elle a été observée à Mormoiron dans une petite mare près de la
dans le Vaucluse de cinq espèces étrangères dont certaines sont Jouvette (service technique de la mairie de Mormoiron) en une
réputées comme étant de redoutables envahissantes population très importante. Originaire de l’Amérique tropicale
(Botriochloa barbinodis (Lag.) Herter, Elodea densa (Planchon) du Centre et du Sud, elle s’est naturalisée par la suite dans tous
Caspary, Myriophyllum aquaticum (Velloso) Verdcourt, Oxalis les autres continents. Elle est considérée comme une redoutable
dillenii Jacquin, Sporobolus cryptandrus (Torr.) A. Gray). Elles envahissante, aussi, cette station a fait l’objet d’un début d’éra-
sont suffisamment bien naturalisées pour être admises dans la dication.
flore vauclusienne. Ornithogalum pyrenaicum L. (Loncomelos pyrenaicus (L.) J.
Bothriochloa barbinodis (Lag.) Herter (= Dichanthium saccha- Holub) - Comme O. narbonense L., cet-
roides (Swartz) Roberty) - Grande plante (pouvant dépasser 1 m te espèce a des fleurs en grappes, mais
de haut) très élégante et décorative, remarquable par ses inflo- elle en diffère par les tépales qui sont
rescences digitées composées de nombreuses grappes spicifor- plus étroits et de couleur verdâtre à l’ex-
mes contractées à la floraison et couvertes de poils argentés térieur et non blanc pur.
donnant à l’ensemble un aspect brillant. Une toute petite populations (quelques
Elle a été découverte dans le bassin d’Apt (J.-P. CHABERT), le individus seulement) a été détectée dans
long de la RN 100 où elle existe en plusieurs petites populations une hêtraie claire sur karst à Lagarde-
disséminées sur plusieurs kilomètres, entre le pont Julien et la d’Apt aux Espagnols tout près des Alpes
ville d’Apt. Elle doit très probablement se trouver ailleurs dans -de-Haute-Provence (G. GUENDE et J.-
le même secteur. D’origine américaine (du sud-ouest des États- P. R.). Cette découverte, comme celle
Unis à l’Amérique du Sud), elle s’est naturalisée dans d’autres d’ailleurs de Minuartia rubra (Scop.)
continents et en particulier en Europe. En France, elle existe McNeill, vient confirmer l’intérêt floris-
déjà en Bourgogne et dans le Midi (Hérault, Aude, Tarn, etc.). tique tout à fait exceptionnel de la partie
Elle est considérée comme une envahissante. sommitale des monts de Vaucluse.

Elodea densa (Planchon) Caspary (= Egeria densa Planchon) - Oxalis dillenii Jacquin (= O. stricta L., nom. illeg.) - Espèce
Cette élodée est beaucoup plus robuste que les deux autres déjà très proche d’O. fontana Bunge qui est déjà connue des bords
connues dans le Vaucluse (E. canadensis Michaux et Elodea du Rhône (Mondragon et Sorgues). Elle est également à fleurs
nuttalii (Planchon) St. John), les feuilles dépassant toujours 1 jaunes et munies de longs stolons souterrains ; par contre c’est
cm de long et 4 mm de large, normalement verticillées par plus une plante velue et notamment les capsules qui sont couvertes
de 3 et densément imbriquées sur des tiges épaisses. de poils courts et retorses et les bractéoles sont situées à la base
Détectée d’abord à Avignon dans le Rhône au niveau de l’Islon des pédicelles alors que chez O. fontana elles sont un peu éloi-
de la Barthelasse (A. et N. CHANU), elle a ensuite été observée gnées au-dessus de la base des pédicelles. Les différences sont
à Lapalud à la Désirade (C. ROULET et J.-P. R.), dans une lône donc peu évidentes au premier abord et ont pu entraîner des
près du Rhône. Originaire d’Amérique du Sud (Brésil, Argenti- confusions, d’autant plus que les 2 espèces cohabitent souvent.
ne, etc.), elle s’est répandue dans tous les continents et y est Originaire d’Amérique du Sud, elle a été observée à Mondra-
devenue envahissante. En Europe, son introduction est déjà an- gon, dans la ripisylve du Rhône, près du domaine de Lamiat
cienne (début du XIX ème siècle) et elle y a même été cultivée ! (Société botanique du Vaucluse).
En France, elle a été découverte en milieu naturel en 1961 dans Phelipanche rosmarina (G. Beck) Banfi & al. (= Orobanche
la Manche, puis elle s’est répandue en Bretagne, dans le Centre, rosmarina G. Beck) - Les Phelipanche, précédemment appelées
le Midi et le Sud-Est. Phelypaea ou incluses dans les Orobanches, sont nettement
Minuartia rubra (Scop.) McNeill (= M. fasciculata auct., non sous-observées dans le Vaucluse. On connaît surtout P. nana
(L.) Hiern) - Cette espèce ressemble un peu à M. rostrata (Reuter) Sojak (taxon englobant P. ramosa (L.) Pomel et P.
(Pers.) Reichenb., mais elle est annuelle ou bisannuelle avec des mutelii (F.W. Schultz) Pomel) en désignant des plantes basses
tiges dressées et plus hautes ne formant pas de touffes denses et (10 cm en général), longuement ramifiées, recherchant les pe-
surtout ses fleurs ont des pétales très courts. louses et les cultures sur terrain sableux sec. P. rosmarina est
Cette plante a été signalée autrefois au mont Ventoux une espèce différente, parasitant exclusivement le romarin et
(GONTARD, 1953) où elle n’a pas été retrouvée. En revanche, caractérisée par des tiges non ramifiées et par des stigmates
quelques populations ont été observées à Lagarde-d’Apt (J.-P. jaunâtres.

Bulletin de la SBV - 4 - n°19 - mai 2009


Cette plante a été identifiée dans une garrigue xérothermophile Recherches et récoltes à faire en 2009
à romarin dans le massif de Saint-Sépulcre (La Tour-d’Aigues
au sommet des Buisserettes) et dans le grand Luberon sur des
vires à l’entrée de la combe de Lourmarin (V. NOBLE). Elle Parmi les innombrables recherches botaniques à faire en
doit très probablement se trouver ailleurs dans le sud-est du Vaucluse, je propose la vingtaine de sujets suivants pour les-
département et y est à rechercher. quels nous manquons de renseignements.
Concernant les récoltes, on est obligé de constater que sans
Potamogeton berchtoldii Fieber - Plante très semblable P. pu- plantes de référence en herbier on est incapable de tirer des
sillus L. quoique moins robuste ; la différence est à examiner conclusions, même si on croit avoir bien fait les déterminations
dans la forme des stipules qui sont fendues et non entières sur le terrain : il faut absolument disposer de plantes complètes
(observation délicate). C’est une plante très méconnue à cause (penser aux fruits mûrs), minutieusement récoltées (si possible
de la difficulté pour la distinguer formellement. avec racines, stolons ou rhizomes), rapidement pressées et sé-
Elle a été détectée dans le béal des Barinques à Lapalud chées. Il faut aussi penser à noter sur le frais la couleur des
(Société botanique du Vaucluse). Cette plante à très large répar- fleurs et du feuillage. Les photographies sont souvent très utiles
tition mondiale, existe, plus abondante, sur le cours moyen du mais non suffisantes ; elles laissent presque toujours subsister
Rhône. un doute.
Il se pose alors le problème de la protection des espèces
Sporobolus cryptandrus (Torr.) A. Gray - Plante ressemblant rares ou menacées. Les sujets proposés ci-dessous ne compor-
un peu Sporobolus indicus (L.) R. Br. dont on connaît quelques tent pas d’espèces protégées ni de plantes rares ; ce sont seule-
stations dans le Vaucluse. Elle s’en distingue par des inflores- ment des taxons sous-observés. C’est à chacun de juger si le
cences moins étroites dont les rameaux sont plus longs (3 cm et prélèvement d’un ou de quelques sujets risque de compromettre
plus) ; les feuilles sont munies au niveau ligulaire d’une touffe les populations, ce qui est plutôt rare. (voir, par contre le cas des
de longs poils blancs. Hieracium rupestres).
Elle a été découverte à Caderousse à la Piboulette (M. TRONC Je suis toujours preneur de plantes à étudier. Merci de votre
et J.-P. R) sur une grève sèche. Originaire d’Amérique du Nord, collaboration. (Bernard GIRERD)
cette espèce est d’introduction récente en France. Elle est à sur-
veiller car elle pourrait se trouver ailleurs dans la vallée du Rhô-
ne. Agrimonia eupatoria : Cette espèce est très abondante en Vau-
cluse mais Il existe 2 sous-espèces à rechercher et à diffé-
Tordylium apulum L. - Plante très différente de l’autre Tordy- rencier surtout d’après les fruits qu’il faut récolter bien
lium vauclusien (T. maximum L.). Ses tiges ne comportent que mûrs (Voir ci-après dessins de Bernard GIRERD) :
des poils mous et ses folioles terminales des feuilles sont arron- subsp. eupatoria : plante grêle de moins de 80 cm à roset-
dies ; mais ce sont les fruits qui sont les plus caractéristiques car tes persistantes ; fruits de moins de 5 mm à arêtes de moins
ils sont entourés d’une bordure crénelée très typique. de 3,5 mm, donc plus courtes qu’eux.
Observée dans une friche à Avignon au Clos du Mourre (M. subsp .grandis : plante robuste (souvent + de 80 cm) à ro-
TRONC), cette méditerranéenne dont l’indigénat en France est settes caduques ; fruits de plus de 5 mm à arêtes également
très discuté, est actuellement considérée comme en extension de plus de 5 mm, donc aussi longues qu’eux. (ce taxon est
dans les départements de l’Hérault et le Gard. Ailleurs en région le plus probable en Vaucluse).
méditerranéenne et sur le continent, les citations récentes sont
très rares (Alpes-Maritimes) et elle semble se comporter en ad-
ventice. Aussi, la population vauclusienne sera à surveiller. Dessin: Bernard GIRERD

Xeranthemum cylindraceum Smith [1568] (= X. foetidum


auct.) - Espèce ressemblant beaucoup à X. inapertum (L.) Miller
qui est assez répandue dans le Vaucluse, mais à involucres plus
petits (5 mm de large) composés de bractées velues sur le dos.
Quelques individus ont été détectés dans une friche à Saint-
Martin-de-Castillon, au Défens, à quelques mètres de la limite
départementale (G. GUENDE, R. GUIZARD et J.-P. R.). Cette
steppique eurasiatique est mieux connue dans les Alpes-de-
Haute-Provence et en particulier à Céreste, donc très près de la
station vauclusienne.

Bernard GIRERD et Jean-Pierre ROUX

Voir encart couleur n° I Amaranthus hybridus : On distingue facilement A. retroflexus


(à périgones obtus) de A. hybridus (à périgones aigus),
mais il faudrait observer les A. hybridus subsp. hybridus
car on pourrait rencontrer la sous-espèce cruentus caracté-
risée par des bractées beaucoup plus courtes (2 mm au lieu
de 4) ce qui donne aux épis un aspect moins « chevelu ».
Ce taxon est assez souvent (mais pas toujours) de couleur
A noter que: rougeâtre (Voir JAUZEIN) – 1 observation à Robion en
Luzula sylvatica a été déplacée d’un rang pour la mise en page. 2004.

Bulletin de la SBV - 5 - n°19 - mai 2009


Bunium bulbocastanum : Dans le Vaucluse, on rencontre 2 Fumaria : Le genre Fumaria, quoique assez facile à étudier,
plantes très différentes tout en appartenant bien à cette mê- semble pourtant avoir été victime de confusions. En parti-
me espèce : d’une part, dans les prairies, les pelouses ou les culier Fumaria densiflora, observé en 1980 à Sérignan et à
champs de céréales (Ventoux et monts de Vaucluse), des Lourmarin pourrait avoir été confondu avec le banal F.
plantes robustes à ombelles très fournies et d’autre part officinalis qui a des sépales nettement plus étroits que les
dans les éboulis, les rocailles et les crêtes rocheuses de bas- corolles. D’autre part, Fumaria vaillantii présente 2 sous-
se altitude des plantes plus réduites dans toutes leurs par- espèces : subsp. vaillantii à pédicelles épais et subsp.
ties. Les premières correspondent bien à B. bulbocastanum schleicheri à pédicelles grêles. Enfin, F. petteri est peut-
type (c-à-d. la var. bulbocastanum) mais celles des éboulis être moins rare qu’on ne le croit. Ne pas hésiter à utiliser
sont problématiques et semblent méconnues ; leur rattache- JAUZEIN qui est parfaitement clair pour les détermina-
ment à la var nanum ne donne pas satisfaction car, d'après tions.
Reduron, il s’agit d’un taxon d’altitude, ce qui n’est pas
notre cas. Il conviendrait donc de faire de nouvelles obser-
vations avec des récoltes comportant des fruits mûrs pour
tenter de solutionner ce problème.

Bupleurum ranunculoides : Cette espèce se présente en Vauclu-


se sous 2 formes très différentes :
- Des plantes élevées (30 à 60 cm), ramifiées, à feuilles
caulinaires larges (4 à 5 mm) ; observées dans les gorges
de Nesque, à Venasque et à Murs, on les attribue à la
subsp .telonense (sans grande certitude car le type de cette
subsp est à feuilles étroites !).
- Des plantes basses (10 à 20 cm) à tiges simples et feuilles
toutes étroites (2 mm maxi), dans le Ventoux, surtout au-
dessus de 1000 m. On attribue des plantes à la subsp. ra-
nunculoides, var. gramineum.
Toutefois, il serait utile de faire de nouvelles observations.

Centaurium erythraea : Cette espèce est assez commune et bien


reconnaissable à ses feuilles basales formant une rosette et
à ses inflorescences corymbiformes. Elle est connue com- Hieracium cydonifolium : Ce Hieracium n’a été observé qu’une
me morphologiquement variable avec des populations à fois au Ventoux-Nord par J. Molina en 1993. C’est une
fleurs plus grandes que d’autres. C’est le cas à Villars où plante assez élevée (jusqu’à 1 m) ressemblant fortement à
Georges Guende a observé des plantes à grandes fleurs H. juranum, mais beaucoup plus velue surtout sur les invo-
pouvant évoquer C. majus. Mais ce dernier taxon, admis lucres qui sont couverts de longs poils (influence de H.
maintenant comme espèce autonome, a des fleurs nette- villosum) et démunis de poils glanduleux. Il serait bien
ment plus grandes (lobes de la corolle dépassant 7 mm) et utile de le retrouver, mais il peut avoir disparu comme les
des inflorescences lâches. Toutefois, il s’agit de plantes autres issu de H. villosum !
pouvant facilement être confondues nécessitant de nouvel-
les observations attentives. Hieracium humile et Hieracium ucenicum sont deux Hieracium
rupestres paraissant en voie de disparition. Le premier est
Euphrasia : Dans le Vaucluse, on a admis la présence de 3 espè- très typique et bien connu aussi bien au Ventoux que dans
ces : E. salisburgensis, E. alpina et E. stricta, les 2 premiè- les autres massifs rocheux. Le 2° ne peut se trouver qu’en
res dans la partie haute du Ventoux (au-dessus de 1500 m) haut du Ventoux ; il a des feuilles simples et glanduleuses
la 3° au Mt Serein et sur le plateau décalcifié de St Chris- (moins que chez H. amplexicaule). En cas de trouvailles, il
tol. Or, il s’avère que les plantes disponibles actuellement vaudrait mieux se contenter de photographier que récolter
en herbier sont en mauvais état et ne permettent pas de (ils peuvent facilement se déterminer par photos).
confirmer les déterminations. En particulier, les 2 espèces
citées conjointement en haut du Ventoux pourraient bien Juncus : il y a parfois eu quelques confusions dans les Joncs. Ce
n’en être qu’une seule, mais laquelle ? Conclusion, tout est sont des plantes qui se prêtent parfaitement à l’étude en
à reprendre en faisant des récoltes de plusieurs échantillons herbier. Il ne faut donc pas hésiter à faire des récoltes, mais
dans chaque station, si possible à 2 périodes différentes en prenant soin de collecter des inflorescences munies de
pour avoir des fleurs et des fruits à différents stades. Condi- capsules bien développées et en examinant bien les racines
tion impérative : presser immédiatement les plantes et les avec ou sans rhizomes ou avec stolons.
sécher rapidement après avoir bien noté la couleur des co-
rolles (E. alpina doit avoir des fleurs d’un rose assez vif et Orobanches : Plusieurs Orobanches sont à rechercher : Oroban-
des tubes corollaires accrescents). Il faudrait également che grenieri, jusqu’à maintenant nommée O. cernua, mais
revoir les plantes du plateau d’Albion (St Christol et Lagar- qui n’a pas été revue récemment (surtout parasite des Lac-
de). tuca) pour bien confirmer la détermination. Et chez les
Phelipanche (anciennement Phaelipaea), il faudrait sur-
veiller P. rosmarina, proche de Ph. nana et parasite exclu-
sif du Romarin. Les photographies sont plus utiles que les
récoltes.

Bulletin de la SBV - 6 - n°19 - mai 2009


Luzula sylvatica : C’est la car elle peut avoir été confondue avec T. dubium ; Ce sont
Luzule à larges feuilles des 2 trèfles à fleurs jaunes (ne pas confondre avec T. campes-
forêts du Ventoux nord, du tre qui a des étendards ondulés et dont la forme « minus »
ravin de Prébayon dans les peut tromper !) poussant surtout dans les sables. Jusqu’à
dentelles et des flancs nord maintenant nous n’avons observé en Vaucluse que T. du-
du Luberon. Deux sous- bium reconnaissable à ses feuilles dont la foliole médiane
espèces sont décrites : subsp. est nettement pétiolulée et à fleurs groupées par plus de 10.
sylvatica à feuilles d’hiver (à Chez T. micranthum, au contraire la foliole terminale est
observer en début de florai- presque sessile et les fleurs sont groupées par moins de 10.
son) dépassant 9 mm de lar- La présence de T. micranthum en Vaucluse n’est pas im-
ge et subsp. sieberi dont les possible et il serait très intéressant de la trouver car elle
mêmes feuilles ont moins de semble bien méconnue (observée par J.-L. Amiet à Tauli-
9 mm de large. Il faudrait gnan, commune limitrophe du Vaucluse). (pour la détermi-
contrôler nos populations nation voir JAUZEIN).
pour définir la sous-espèces
de chacune. Vicia loiseleurii : Il s’agit d’une plante méconnue pouvant exis-
ter en Vaucluse (citée dans le Var et dans le Gard) ; elle
Poa flaccidula : Cette plante ressemble à V. hirsuta (gousses à 2 graines) mais s’en dis-
prestigieuse, car c’est une tingue surtout par ses gousses glabres (et non velues). Pour
récente acquisition de la flore la détermination voir JAUZEIN. Il faut la rechercher dans
française, a été observée dans les stations à V. hirsuta et notamment dans les sables de
de nombreuses stations vau- Roussillon-Rustrel. D’après Coulot, elle doit se trouver en
clusiennes et notamment lisières des chênaies pubescentes.
dans plusieurs ravins du Petit Bernard GIRERD
Luberon. Elle paraît en ré-
gression importante ces der-
nières années, aussi de nou-
veaux pointages de présence
seraient très utiles.
D’après M. SAULE

Rumex acetosella – Il existe 2 sous-espèces : subsp. acetosella


à valves libres et subsp. pyrenaicus à valves soudées. (cf.
JAUZEIN qui conseille de frotter la semence avec les
doigts dans le creux de la main !). Ces 2 sous-espèces n’ont
pas été définies en Vaucluse ; il serait intéressant de faire
des observations en fin de fructification, même si la sous-
espèce acetosella est la plus probable.

Thymelaea passerina - 2 sous-espèces sont décrites : subsp.


passerina à tiges glabres et à périgones densément velus et
subsp. pubescens à tiges un peu velues et à périgones à
poils épars. Ces deux taxons sont susceptibles d’exister en
Vaucluse ; recherches à faire. (pour la détermination voir
JAUZEIN).

Torilis africana : Cette appellation correspond à la plante précé-


demment nommée Torilis arvensis subsp. purpurea. Il faut
rappeler que les Torilis se distinguent des autres ombellifè- Extrait de « Le Monde » du 17 02 2009
res à fruits couverts d’aiguillons par des fruits de petite
dimension (maxi 8 mm) et que Torilis arvensis au sens
ancien (donc y compris T. africana) a des ombelles termi- Sous le titre « Adieu coquelicots, chardons, ivraie,
nales à longs pédoncules (+ de 3 cm).et dépourvues d’invo- mais aussi biodiversité » le constat que la révolu-
lucres. (alors que Torilis japonica a des involucres de plu- tion agricole a décimé les fleurs des champs et les
sieurs bractées). Torilis africana a des ombelles à 4 rayons mauvaises herbes. Le paysage en a souffert ainsi que
maxi (alors que T. arvensis en a plus de 4) et semble nette-
ment plus rare que T. arvensis (2 observations seulement
la faune et la flore.
en Vaucluse (Châteauneuf-du-Pape et Buoux). Quoi qu’il Cependant on retrouve un tiers des espèces dispa-
en soit, compte tenu de la forte ressemblance de ces taxons, rues des champs au bord des parcelles.
il faudrait intensifier les observations et les récoltes Un effort particulier doit être fait pour préserver ces
(d’autant plus qu’il existe 2 variétés à feuilles très différen- bords de champs et les chemins, pour mettre en
tes).
œuvre de bonnes pratiques d’entretien - en particu-
Trifolium micranthum Viv. : C’est une espèce à rechercher en lier veiller à la période de fauche – garantissant le
Vaucluse (= T. filiforme subsp. micranthum chez Fournier) maintien de nombreuses espèces !
Bulletin de la SBV - 7 - n°19 - mai 2009
Le Rhône vauclusien
Vers l’ile de l’Oiselet (Sorgues) MG

Le Rhône, un des plus grands fleuves français, n’est vauclusien plus, le site de Donzère-Mondragon, est un bon exemple de
que sur une toute petite partie de son long cours, de l’embou- dynamique végétale à partir d’un espace entièrement artificiel
chure de l’Ardèche au nord, à la confluence avec la Durance, à puisqu’il a été créé de toute pièce il y a cinquante ans environ,
Avignon, au sud. Le canal de dérivation de Donzère- par la construction de l’usine hydroélectrique A. Blondel et du
Mondragon et tout le linéaire qui s’articule à partir de ce der- canal de dérivation.
nier appartient également à l’espace rhôdanien. Sur le Rhône, on observe une grande partie des groupements
Jusqu’au milieu du XIX ème siècle, le fleuve a été peu modifié des grands fleuves européens, à l’exception notoire des prairies
par l’action humaine. Les écosystèmes étaient liés à la dynami- naturelles qui y sont très marginales (elles ont été bien souvent
que du Rhône et ils présentaient alors une grande diversité bio- détruites par divers aménagements et par l’urbanisation) :
logique (biodiversité confirmée, dans la région d’Avignon par • Les groupements herbacés à hydrophytes (plantes aquati-
M. Palun). Ses crues, alors très redoutées, ont vu leur violence ques comme les Potamots, Lentilles d’eau, etc.) qui se
se réduire à la suite des grands travaux effectués, d’abord par le maintiennent très bien dans les contre-canaux et les lô-
Service spécial du Rhône (dans le but d’améliorer la naviga- nes.
tion), puis par la CNR (Compagnie Nationale du Rhône), princi-
palement pour la production hydroélectrique. C’est ainsi que • Les groupements à hélophytes (plantes qui colonisent les
trois grands complexes (barrages et usines) ont équipé le Rhône berges du fleuve comme le Roseau, les Souchets, Laî-
vauclusien, ceux de Bollène, de Caderousse et d’Avignon. ches, etc.).
Le fleuve a été presque entièrement canalisé et endigué • Les ripisylves qui occupent le lit majeur du fleuve et
(avec creusement d’un très important canal de dérivation) et un sont constituées de forêts pionnières à bois tendre
réseau de contre-canaux de drainage de nappe a été créé. Ces (Saules, Peupliers, etc.), principalement sur le cours aval
grands travaux ont bouleversé les écosystèmes en : et sur la Réserve de chasse de Donzère-Mondragon et de
• Concentrant les eaux dans un chenal unique endigué par forêts plus matures de bois dur (avec Aulne glutineux,
des enrochements, ce qui a eu pour conséquence de faire Orme champêtre, Frêne oxyphylle, Chêne pédonculé,
disparaître la dynamique fluviale naturelle et de réduire etc.), particulièrement bien développées sur tout le cours
de façon drastique la diversité des écosystèmes amont.
• Créant de nouveaux milieux qui ont provoqué la destruc- Dans la ripisylve sèche de la Réserve de chasse de Donzère-
tion de certaines zones boisées et marécageuses ainsi que Mondragon, et à la faveur d’un substrat imperméable, de petites
la modification des berges et celle du niveau des eaux. mares temporaires se sont mises en place. Ce sont pratiquement
les seules qui existent dans le Vaucluse.
Mais malgré une artificialisation très forte, le Rhône vauclusien
offre encore une grande diversité d’espèces et d’habitats, même La Flore
si ces derniers sont souvent relictuels. En amont de l’île-Vieille, Bien que situé, entièrement en région méditerranéenne, le Rhô-
le Rhône, exceptionnellement non endigué, présente un débit ne vauclusien constitue une sorte d’avancée, vers le sud, de la
réservé réduit et un aspect naturel prononcé. En particulier, on flore continentale à caractère médio-européen. Les éléments
peut y observer des grèves importantes de galets et en bon état typiques de la flore méditerranéenne y sont très rares et ne s’ex-
de conservation. Des vestiges de bras morts encore fonction- priment que sur des biotopes très réduits en surface et à faible
nels (avec lônes et ripisylves) existent toujours, en particulier à biodiversité (bancs de graviers ou de galets, berges hautes). Il
la Désirade et au Tenon de Gilles (Lapalud et Lamotte-du- n’en demeure pas moins qu’à Bollène et donc tout près de la
Rhône), à l’île Vieille et aux Casiers de Lamiat (Mondragon), à Drôme on peut encore rencontrer des espèces littorales comme
la Piboulette et aux Broteaux (Caderousse), aux Arméniers Limonium echioides (Saladelle faux-Echium), Hordeum mari-
(Châteauneuf-du-Pape et Sorgues), et sur une infime partie de num (Orge marin) et Polypogon maritimus (Polypogon marin).
l’île de la Barthelasse (islon de la Barthelasse à Avignon). De

Bulletin de la SBV - 8 - n°19 - mai 2009


Bulletin de la SBV - 9 - n°19 - mai 2009
Même si le Rhône vauclusien est très artificialisé, il n’en Des fragments de ripisylves médio-européennes âgées et très
demeure pas moins que la présence d’un bel ensemble de bras matures existent sur l’ensemble du Vieux Rhône. Elles sont
morts (lônes du Vieux Rhône) contribue à y maintenir une gran- particulièrement bien représentées au Tenon de Gilles, à l’île
de diversité des espèces et des habitats. C’est ainsi que parmi Vieille, à la Piboulette, aux Broteaux à l’islon Saint-Luc et à
les hydrophytes des lônes et contre-canaux, on peut encore l’islon de la Barthelasse. Dans les secteurs les plus humides et
rencontrer Sagittaria sagittifolia (Flèche d’eau) et Nymphoides les plus froids, les plus impénétrables également on y rencontre
peltata (Nénuphar pelté) à la Désirade, Hydrocharis morsus- Circaea lutetiana (Circée de Paris) comme à l’île Vieille ou aux
ranae (Petit nénuphar), à l’île Vieille et Vallisneria spiralis Broteaux où des espèces totalement étrangères à la région médi-
(Vallisnérie en spirale) à la Désirade, la Réserve de chasse de terranéenne comme Stellaria nemorum (Stellaire des bois) à
Donzère-Mondragon et à la Piboulette. l’islon de la Barthelasse à Avignon. Dans la ripisylve pionnière
sèche de la Réserve de chasse de Donzère-Mondragon, on trou-
ve encore Vincetoxicum nigrum (Dompte-venin noir) alors que
dans ses clairières, quelques mares temporaires hébergent Zan-
nichellia palustris (Zannichellie des marais) ou Lythrum hysso-
pifolia (Salicaire à feuilles d’Hysope). A Avignon, à la Courti-
ne, et entre Rhône et Durance, des pelouses xérothermophiles
situées sur les marges des ripisylves, abritent Orchis coriophora
subsp. fragrans (Orchis parfumé) qui devient plus fréquente
dans la vallée de la Durance, mais qui ne se retrouve pas ail-
leurs sur le Rhône vauclusien.
Parmi les très nombreuses espèces signalées au bord du Rhône
dans la région d’Avignon par M. Palun et H. Roux au XIX ème
siècle et par L. Charrel au début du XX ème siècle et dont on a
perdu la trace figurent Pulicaria vulgaris (Pulicaire vulgaire),
Mentha cervina (Menthe des cerfs) ainsi qu’Oenanthe globulo-
sa (Oenanthe globuleuse). Plus récemment (années 1980), Al-
drovanda vesiculosa (Aldrovandie à vessie) était trouvé près
d’Orange, probablement dans un des contre-canaux du Rhône.
Mais cette station, qui était sans doute la dernière connue en
France, n’a jamais été confirmée.
La très grande biodiversité de la flore du Rhône vauclusien est
actuellement fortement menacée par la prolifération des espèces
Butomus umbellatus introduites dont la présence est favorisée par les exceptionnels
véhicules de transport que constituent tous les réseaux hydro-
Leur maintien reste néanmoins très aléatoire et dépend du graphiques en général et le Rhône en particulier. Si certaines
niveau de l’eau et de la gestion des lônes et des contre-canaux. sont observées de façon accidentelles et n’arrivent pas à s’ins-
Les formations à hélophytes présentent une diversité encore taller durablement, d’autres, en revanche, se sont implantées au
plus grande avec tout un cortège d’espèce médio- point d’en devenir envahissantes et de perturber gravement le
européennes qui sont ici bien souvent en limite méridionale de fonctionnement des écosystèmes. Tel est le cas d’Amorpha fru-
leur aire de répartition : Gnaphalium uliginosum (Gnaphale des ticosa (faux-Indigo), de Ludwigia peploides (Jussie) et surtout
lieux humides) à l’île Vieille, Carex pseudocyperus (Laîche d’Ambrosia artemisiifolia (Ambroisie) qui présente un tel dan-
faux-Souchet), régulièrement observé sur la Réserve de chasse ger sur le plan sanitaire qu’un Arrêté préfectoral de destruction
de Donzère-Mondragon, et sur le cours du Rhône jusqu’à Avi- pour le département de Vaucluse existe depuis quelques années
gnon et Leerzia oryzoides (faux-Riz) dont la présence régulière déjà.
sur tout le Rhône est sans doute plus importante que celle qui Jean-Pierre ROUX
est actuellement connue. Toujours parmi les hélophytes et sur la
Réserve de chasse de Donzère-Mondragon, on rencontre Sta-
chys palustris (Épiaire des marais) et Rorippa amphibia
(Rorippe des marais) qui sont beaucoup plus rares sur le Rhô-
ne (Tenon de Gilles et île Vieille) ou encore Carex remota
(Laîche espacée) qui ne se retrouve qu’à Avignon, en particulier
à l’islon de la Barthelasse et Ranunculus sceleratus (Renoncule
scélérate) qui existe aussi à Lapalud (Tenon de Gilles). Dans
les lônes de la Désirade, des espèces très rares (au niveau du
nombre des stations et de l’importance des populations) en ré-
gion méditerranéennes semblent y avoir trouvé des sites refu-
ges : Cyperus michelianus (Scirpe de Michel), Schoenoplectus
triqueter (Jonc à trois faces), Astragalus cicer (Astragale chi-
che) que M. Palun citait déjà à Avignon (îles Piot et la Barthe-
lasse) au XIX ème siècle, Corrigiola littoralis (Corrigiole litto-
ral) et Butomus umbellatus (Jonc fleuri). Cette dernière espèce,
une des plus belles de la flore de France se retrouve aussi dans
des fossés et au bord des contre-canaux de la Réserve de chasse
de Donzère-Mondragon. A Lapalud doit sans doute encore exis-
Amorpha fructicosa Ambrosia artemisiifolia
ter Inula britannica (Inule britannique).

Bulletin de la SBV - 10 - n°19 - mai 2009


NOUVELLES MESURES AGRICOLES TERRITORIALISEES (2008-2013)
SOUTENENUES PAR LE PARC NATUREL REGIONAL
DANS LE CADRE DE NATURA 2000

1)L’IMPLICATION DU PNR LUBERON DANS LE RESEAU NA- Dans un souci de maintien de l’ensemble de ces milieux ouverts et de
TURA 2000 sauvegarde de la Biodiversité remarquable qui les caractérisent, le
Le Parc naturel régional du Luberon est depuis 1997 solidement enga- pastoralisme a été pleinement institutionnalisé, notamment après la
gé dans la mise en place du dispositif européen de protection de la Convention de Rio (1992) dont a dérivé la procédure Natura 2000
nature : Natura 2000. mise en place par l’Europe.
Son territoire est à ce titre concerné par prés de 45 000 ha, sur 8 sites Le pastoralisme est aujourd’hui reconnu comme un outil de haute tech-
relevant de la Directive Habitats et/ou Directive oiseaux. Cet engage- nicité au service de la gestion écologique : il offre un moyen de main-
ment est clairement affirmé dans le projet de renouvellement de sa tien et de valorisation de la Biodiversité des Habitats naturels non fo-
charte, où il apparaît que Natura 2000 constituera la pierre angulaire restiers. L’éleveur voit son rôle et son statut reconnus dans la gestion
des actions de conservation et de gestion menées sur le territoire du des espaces naturels .Cependant la pratique pastorale a ses propres
Parc au cours des prochaines années. exigences : elle nécessite conseils, équipements et adaptations au
Cet outil ambitieux de protection de la nature qui mise sur les principes contexte et à la sensibilité écologique des milieux concernés,que seule
de connaissance partagée, de concertation locale, d’un équilibre Hom- la collectivité est susceptible d’accompagner et de satisfaire.
me-Nature et se traduit concrètement sur le terrain par des contrats Depuis trente ans le Parc du Luberon a épousé la cause du pastoralisme
volontaires, correspond parfaitement aux missions et savoir-faire des avec l’aide des organismes professionnels, des gestionnaires, et des
Parcs naturels régionaux. scientifiques. Cette politique s’est traduite par de nombreuses initiati-
Les Mesures Agro-Environnementales Territorialisées (MAET) qui ves dans les domaines de la gestion, de l’aménagement et de l’équipe-
s’appliquent sur des territoires précis à enjeux ciblés au sein des zones ment. Par ailleurs de nombreuses missions d’expertises techniques
d’actions prioritaires que sont les Sites Natura 2000 constituent à ce scientifiques et d’inventaires ont été menées .L’inscription de 45 000
titre un des outils privilégiés que le Parc du Luberon utilise au service hectares de son territoire dans le réseau Natura 2000 a été tout naturel-
de la préservation de ses espaces naturels remarquables. lement soutenue par le Parc dans la perspective entre autres d’une re-
connaissance de cet enjeu de sauvegarde des milieux ouverts prioritai-
2)UNE ANTERIORITE :L’OPERATION LOCALE AGRI- res et communautaires et des obligations et moyens qui en découle-
ENVIRONNEMENT « BIOTOPES RARES ET SENSIBLES DU raient.
PARC DU LUBERON »(1995-2000) Par ailleurs la charte du Parc Naturel Régional du Luberon contient
Le Parc naturel régional du Luberon a très tôt valorisé ce type d’outils comme objectif prioritaire de maintenir les milieux ouverts dans leur
contractuels pour le maintien de son patrimoine naturel comme le sou- diversité actuelle et pour cela de pérenniser et étendre les surfaces pâ-
tien des activités agricoles traditionnelles qui ont contribué à façonner turées.
ce patrimoine. Dés 1994, le Parc, fort de prés de quinze années d’ap- Les paysages ouverts rares et sensibles sont perçus par le Parc comme
prentissage et de pratique de la médiation environnementale, fut parmi des espaces privilégiés pour les activités pastorales,cynégétiques , de
les premiers espaces naturels protégés à élaborer une opération Locale détente ;mais surtout comme support d’un patrimoine naturel composé
Environnementale,l’OLAE « Biotopes rares et sensibles » qui consa- d’une flore et d’une faune exceptionnelles. Ces milieux sont particuliè-
crait le pastoralisme comme outil de gestion des milieux ouverts rement valorisés par leur aspect écologique, compte tenu de la grande
(cf :article Bulletin de la SBV N°8.1999) . diversité spécifique qui les caractérise et par la présence d’espèces
Les apports de cette ancienne OLAE ont été déterminants pour la mise rares ou présentant un fort intérêt biogéographique.
en place de la nouvelle MAET . En particulier un travail important de
regroupement des éleveurs en terrain public et de mobilisation du fon- 4)LE NOUVEAU PROJET
cier en terrain privé a été effectué .Le CERPAM (Centre d’Etudes et de Les nouvelles MAE territorialisées appliquées aux espaces Na-
Réalisations Pastorales Alpes Méditerranée) a aidé les éleveurs à se tura 2000 constituent un nouvel outil privilégié pour l’améliora-
regrouper sous forme d’une Association des éleveurs du Petit Luberon
tion de la fonctionnalité de ces milieux ouverts rares et sensibles
et un Groupement Pastoral du Grand Luberon. Ainsi un interlocuteur
unique pouvait négocier sur chaque massif la répartition des quartiers
du Parc. Elles s’inscrivent dans une perspective de continuité
de pâturage, l’implantation des équipements nécessaires, et ce avec d’aménagements pastoraux sur le Parc menée depuis sa création
l’appui technique de la structure en charge du pastoralisme et celui de et qui s’appui sur un socle de connaissances fortement établi.
l’équipe pluridisciplinaire du Parc. Sur les surfaces privées le Parc du La nouvelle Mesure Agri Environnementale concerne 700 hec-
Luberon a mené un gros travail d’animation foncière pour faciliter la tares sur l’ensemble du territoire du Parc dont 500 hectares sur
signature de conventions pluriannuelles de pâturage sur les surfaces sa partie Vauclusienne. Chaque contrat est assorti d’un diagnos-
intéressantes a contractualiser .Les résultats de ce travail sont aujourd- tic initial, et d’un plan de gestion élaboré en relation avec le
’hui acquis, et constituent un socle qui facilite la mise en place du nou- Parc, l’ONF, et les Structures professionnelles (CERPAM)
veau projet de MAE territorialisée.
La MAE territorialisée ne concerne que l’entretien purement
3)L’ENJEU ENVIRONNEMENTAL DE LA MESURE
pastoral .Elle permet d’engager durablement les activités pasto-
Dans le Massif du Luberon la Biodiversité s’exprime beaucoup moins rales s’exerçant sur les espaces écologiquement rares et sensi-
dans le formations boisées (sauf les fonds de combes) que dans les bles du Luberon dans une perspective de gestion environnemen-
formations de garrigues et de pelouses sèches appelés milieux ouverts. tale du territoire.
Cet intérêt des habitats naturels ouverts et milieux associés (Matorrals Des contrats de travaux forestiers type débroussaillages, éclair-
et Matorrals arborescents) a été confirmé dans le cadre de la Directive cies ,brûlages dirigés,ouvertures de passages pour améliorer la
Habitat de la CEE pour la conservation de la Biodiversité. Sur le terri- fonctionnalité de l’entretien pastoral sont en phase d’études
toire concerné par le nouveau projet de MAET , tous les habitats ou- actuellement et viendront abonder ultérieurement ce dispositif
verts de type pelouses et matorrals à genévriers sont reconnus et label-
général d’envergure
lisés par cette directive comme d’intérêt prioritaire (Thero-
Brachypodietea) ou communautaires (Festuco-Brometalia,Landes hé-
rissons à genet de Villars,Matorrals à Genévriers).Ces formations sont Georges GUENDE
souvent noyés dans des habitats non homogènes appelés mosaïques et
matorrals arborescents à chênes. Ces derniers habitats, dans une pers- Rappel : une première approche de ce thème a été publiée par
pective de reconquête de milieux ouverts, ont souvent été légitimés et Georges GUENDE dans le bulletin n°8 de juillet 1999.
sont gérés au même titre qu’une pelouse bien formatée.

Bulletin de la SBV - 11 - n°19 - mai 2009


MT

En mai 2008 la SBV a renoué avec la tradition d’une grande MT


exposition de printemps consacrée à la flore vauclusienne.
Elle s’est installée, pour la première fois dans le péristyle d’en-
trée de la Mairie d’Avignon.
Une présentation originale a été choisie : disposer les plantes
par milieux - 6 principaux - par familles, genres et espèces
dans chaque milieu, plus difficile à organiser (problème des
doublons par la présence de mêmes plantes dans plusieurs mi-
lieux), mais plus lisible pour des visiteurs pas toujours familia-
risés avec l’ordre retenu par la classification des flores…

Un classeur, à la disposition du public, rassemblait les photo-


graphies des principales plantes protégées du département.

Des panneaux, disposés autour de l’exposition, commentaient


l’histoire de la botanique vauclusienne, montraient les docu-
ments et techniques de la spécialité, illustraient les caractéristi-
ques des milieux exposés. MT

Une action pédagogique a, en même temps, été menée avec


quelques classes d’écoles primaires volontaires d’Avignon pen-
dant la journée du vendredi.

673 plantes ont été recueillies, réparties ainsi :

Garrigue 270
Forêt 101
Milieu siliceux 63
Milieux anthropisés 116
Plantes messicoles 24
Ripisylves 99

Un grand succès de fréquentation est venu récompenser les


membres de la SBV ; plusieurs personnes ont manifesté un inté-
rêt particulier pour la botanique et nous avons accueilli quel-
ques futurs adhérents. MG

Bulletin de la SBV - 12 - n°19 - mai 2009


Du 7 mars 2009 au 2 janvier 2010 se tiennent au Musée Re-
quien d’Avignon deux expositions consacrées aux jardins bo-
taniques.
Tout d’abord, celui disparu, d’Avignon ! Avec son destin très
perturbé.

Ensuite, sous le titre « Le voyage des plantes : le jardin bota-


nique de la Marine », le Musée Balaguier de La Seyne-sur-
On peut y voir une belle suite de documents – planches Mer montre l’exemple du jardin botanique de la ville de Tou-
d’herbiers historiques du Muséum, collections d’Esprit lon. On découvre toute l’importance de ces jardins où les voya-
Requien, de Jean-Henri Fabre ou de John Stuart Mill – geurs laissaient les échantillons des plantes collectées aux qua-
tre coins du monde
présentation d’herbiers médicinaux et d’herbiers rares
(Petit Séminaire d’Avignon, Loiseleur-Deslongchamps)
ainsi que de nombreux ouvrages anciens, du XVII au XIX
ème siècle, issus de la bibliothèque léguée par Esprit Re-
quien (dont la liste des plantes du jardin Saint Martial par
Joseph Guérin et la liste manuscrite des plantes présentes
dans le jardin en 1836 par E.Requien).

Rappel : le bulletin n° 4 de juillet 1997 a publié un article


complet de Pierre MOULET sur
« Histoire du Jardin Botanique d’Avignon »

Bulletin de la SBV - 13 - n°19 - mai 2009


Activités de la S.B.V.

Excursion botanique dans le


massif du Tanargue (Ardèche)
du 13 au 15 juin 2008

Tanargue viendrait de « Taranis » dieu du Ciel et du Tonnerre moins modifier (forte précipitations de neige qui peuvent se
chez les Celtes, et de « arga », la montagne, cette mosaïque mi- produire jusqu’en avril et gelées, surtout au dessus de 1200 mè-
nérale serait donc la montagne du tonnerre. tres) mais également atlantique sur sa frange ouest (brouillard
d’été et d’automne). Ce régime des précipitations et surtout
Zone charnière entre la Haute Cévenne ou pays des « jeunes l’importance de la neige apporte une réserve durable en eau,
volcans » et la Cévenne méridionale, le Tanargue, culminant à essentielle pour la végétation.
1511 mètres d’altitude, est une longue barre rocheuse entre les
vallées de la Borne, du Lignon et de la Baume. Par extension Tous ces facteurs climatiques, géologiques et topographiques
c’est aussi la montagne qui sur environ 80 km2 s’étend depuis le sont à l’origine, sur ce vaste ensemble naturel, de biotopes très
plateau de Montselgues qui domine la basse vallée de la Borne, variés : vieilles forêts, pelouses, landes, près de fauche, milieux
pour remonter sur la rive droite du Haut Allier jusqu’au Cellier- rocheux avec de vastes éboulis, zones humides et ruisseaux,
du-Luc, et ensuite, par la Cham Longe rejoindre le col de la situés dans des gradients de végétation qui en fonction de l’alti-
Chavade et dominer la haute vallée de l’Ardèche depuis les crê- tude vont de l'yeuseraie (forêt de Chêne vert) supra-
tes allongées du Serre de la Croix de Bauzon (qui culmine à méditerranéenne à la lande subalpine à Airelle des marais, en
1538 m), parallèlement au Tanargue proprement dit. (Cham : passant par la hêtraie-sapinière montagnarde.
plateau allongé, inculte ; Serre : crête allongée)
C’est donc dans ce massif que la Société Botanique du Vauclu-
Géologiquement l’histoire de ce massif est celle du Massif Cen- se, en fonction des indications que Monsieur Daniel MICHAU
tral, qui après la surrection des Alpes se disloque et bascule (responsable ONF) avait bien voulu nous fournir et que nous
d’Est en Ouest, subissant de fortes compressions provoquant avons plaisir à remercier ici et sur les traces de sorties antérieu-
des déformations et des recristalisations et ensuite l’inévitable res organisées par la Société Botanique de l’Ardèche que nous
érosion. Les roches cristallines constituent l’essentiel du massif, nous étions donné rendez-vous, le vendredi 13 juin 2008 à 10
roches magmatiques (granites et volcaniques), roches métamor- heures 30, au parking du Col de la Chavade (1266 mètres) entre
phiques (migmatites, gneiss, micaschistes, schistes, etc.), des Mayres et Lanarce.
formations sédimentaires sont localisées sur le trias du plateau
de Montselgues. Vendredi 13 juin 2008

La topographie du massif nous donne un relief très accidenté, Prairies de fauche, ce sera notre 1er arrêt, à 1 km au sud du col
vallées profondes et barrières rocheuses dont l’orientation est- de la Chavade en bordure de la route D 239 en direction de la
ouest amplifie les différences entre l’adret et l’ubac, elle offre Croix de Bauzon, entre les fermes en ruines de la Rousseyre et
également quelques zones moins tourmentées, comme les terres de la Rousseyrette (altitude de 1300 mètres environ)
alluviales ou des replats mis à profit par l’homme pour ses
cultures ainsi que des plateaux d’altitude plus ou moins vastes, Occupant des secteurs de faible pente, souvent le long des cours
domaine de la pelouse. d’eau, autour des villages ou des fermes le pré de fauche appré-
cie un sol légèrement humide et frais, souvent entretenu par des
De part sa position géographique de barrière naturelle le massif rigoles, appelées localement «bezaou». L’exode agricole et le
du Tanargue est soumis aux influences méditerranéenne en pro- manque d’entretien a entrainé une nette diminution de la surface
venance du SE (forte pluie en automne) que l’altitude va néan- de ces prairies de fauche qui se transforme en landes. Bien que

Bulletin de la SBV - 14 - n°19 - mai 2009


du fait du fauchage annuel le la Canche flexueuse dominent et localement la Fétuque panicu-
pré de fauche ne soit pas véri- lée (refus) accompagnés par des buissons nains de la famille des
tablement un milieu naturel, éricacées (callune et myrtille) mais aussi des fabacées (divers
certaines espèces étant défa- genêts)
vorisées par cette exploitation,
il abrite une flore naturelle
spécifique et particulièrement
riche à la fin du printemps.

La flore du pré de fauche va-


rie suivant le degré hydrique
du sol, sur les pentes non irri-
guées le sol est plutôt sec
(domaine de la Tulipe australe
et de l’Orchis sureau), la vé-
gétation la plus riche occupera
les zones de degré hydrique moyen (flore mésophile) tandis que JCB
les fonds seront généralement plus humides, pouvant parfois
s’apparenter à des narses. Nous avons pu relever une trentaine d’espèces : Carex caryo-
phyllea, Luzula campestris, Luzula spicata ( ?), Tulipa sylves-
Dans le secteur que nous avons parcouru les deux premiers ty- tris subsp. australis, Deschampsia flexuosa, Festuca nigres-
pes ont été notés, avec les plantes croissant aux marges immé- cens, Nardus stricta,. Poa chaixii, Meum athamanticum, Arnica
diates de la prairie ce sont 70 espèces qui ont été répertoriées, ci montana, Hieracium pilosella, Hypochaeris maculata, Leonto-
-après classées par embranchement et par famille (nomenclature don pyrenaicus, Senecio adonidifolius, Cerastium arvense
bdnff v4.02) : Narcissus poeticus, Narcissus pseudonarcissus, subsp. arvense, Cerastium brachypetalum, Cerastium fontanum
Carex caryophyllea, Luzula campestris, Dactylorhiza latifolia, subsp. vulgare, Arctostaphylos uva-ursi subsp. crassifolius,
Dactylorhiza maculata, Dactylorhiza viridis, Alopecurus pra- Calluna vulgaris, Vaccinium myrtillus, Alchemilla saxatilis,
tensis, Anthoxanthum odoratum, Briza media, Deschampsia Genista pilosa, Ajuga reptans, Polygonum bistorta, Rumex ace-
flexuosa, Festuca paniculata subsp. paniculata, Festuca rubra, tosella, Anemone nemorosa, Ranunculus bulbosus subsp. bulbo-
Nardus stricta Poa chaixii, Heracleum sphondylium subsp. sibi- sus, Galium saxatile, Veronica arvensis, Veronica chamaedrys,
ricum, Meum athamanticum, Achillea millefolium, Arnica mon- Veronica officinalis .
tana, Artemisia vulgaris, Centaurea jacea subsp. nigra, Crepis Tourbières de pente Au passage, sur la pente ouest du Vala-
paludosa, Hypochaeris maculata, Leontodon pyrenaicus, Ta- doux, quelques dizaines de mètres au dessus de la lisière fores-
raxacum Sect. Vulgaria, Myosotis decumbens, Barbarea inter- tière, nous notons la présence de plusieurs zones tourbeuses
media, Cardamine pratensis, Noccaea caerulescens subsp. cae- dans lesquelles nous notons : Carex nigra (=C. goodenoughii),
rulescens, Phyteuma spicatum Cerastium arvense, Silene dioi- Eriophorum angustifolium, Epikeros pyrenaeus, Drosera rotun-
ca, Stellaria graminea, Stellaria holostea, Chenopodium bonus- difolia et Viola palustris.
henricus, Knautia maxima, Succisa pratensis, Calluna vulgaris,
Vaccinium myrtillus, Anthyllis vulneraria subsp. carpatica Ge-
nista anglica, Genista sagittalis, Lathyrus linifolius, Lotus cor-
niculatus, Vicia sepium, Gentiana lutea, Hypericum maculatum,
Ajuga reptans, Plantago lanceolata, Armeria arenaria subsp.
arenaria, Polygonum bistorta, Rumex acetosa, Rumex acetosel-
la, Anemone nemorosa, Ranunculus acris subsp. acris, Ranun-
culus bulbosus, Ranunculus tuberosus, Alchemilla monticola,
Potentilla erecta Potentilla neumanniana, Rubus idaeus, Ga-
lium verum, Thesium pyrenaicum, Saxifraga granulate, Rhinan-
thus minor, Veronica arvensis, Veronica chamaedrys, Urtica
dioica, Viola lutea subsp. sudetica, Viola riviniana.

Pelouses et landes montagnardes depuis le Col du Pendu


(1435 mètres), sur la route D 239, entre le Col de la Chavade et
le Bez. Après le pique-nique pris au col du Pendu nous nous
dirigeons vers les Valadoux, point le plus élevé de la Serre Landes de type subalpin Après avoir franchi la crête des Va-
(1548 mètres) et ensuite le Mouse de la Bauche au travers des ladoux nous passons sur le versant nord et nord-est où nous
pelouses à Nard piquetées de mosaïques de landes à Myrtille et rencontrons une lande contenant quelques espèces subalpines et
à Callune, au milieu desquelles se trouvent des micro-tourbières arrivons sur les rebords pentus du Cros de Conge qui abrite des
de pente. espèces intéressantes, comme une petite population d’Androsa-
ce halleri et Huperzia selago (non vu), pentes et rochers que
Notre parcours nous a conduit dans des milieux appartenant à la nous ne pourrons totalement explorer, vu l’heure tardive d’une
classe des Nardo-Callunetea abritant des formations végétales part et compte tenu de la difficulté d’y conduire un groupe d’au-
très imbriquées dont la physionomie varie avec la pression du tre part.
pâturage qui si elle diminue conduit de la pelouse à la lande et
inversement. Ces milieux prospèrent sur des sols acides, secs ou L’un des facteurs déterminant dans l’apparition de l’étage su-
frais, ils sont constitués par des pelouses maigres où le Nard et balpin est celui de l’altitude, en liaison avec l’humidité

Bulletin de la SBV - 15 - n°19 - mai 2009


atmosphérique, l’exposition et de la topographie jouent égale- Landes à genêt purgatif Au début du parcours nous longeons
ment un rôle important. Dans les zones sommitales du massif du une lande de type secondaire, sans doute conséquence de l’a-
Tanargue, soumises au vent et à la neige, c’est vers 1380 m bandon des cultures et du pâturage, Cytisus oromediterraneus
qu’apparaissent les pelouses de type subalpin qui normalement est largement dominant accompagné de Agrostis capillaris,
s’étend au-delà de 1450 m. Les rebords de plateau où, sous for- Deschampsia flexuosa, Sorbus aucuparia, Calluna vulgaris,
me de congères, la neige persiste parfois jusqu’au mois de juin, Teucrium scorodonia, Senecio adonidifolius.
les rochers d’adret ainsi que les crête rocheuses, les surfaces
rocheuses, pentes, vires et couloirs situés en ubac, abritent cha- La piste, outre la lande, traverse des milieux variés, en lisière
cun des espèces spécifiques desquels nous avons noté Pinus sylvestris, Anthoxanthum odo-
ratum, Cynosurus cristatus, Meum athamanticum, Hieracium
Notre exploration bien incomplète de ces milieux nous a fait pilosella, Hypochaeris radicata, Omalotheca sylvatica, Betula
découvrir les espèces ci-après : Gymnocarpium dryopteris, Ju- pendula, Arabis glabra, Coincya cheiranthos, Teesdalia nudi-
niperus sibirica, Pinus sylvestris, Pinus uncinata, Maianthe- caulis, Jasione montana, Sambucus racemosa, Silene nutans,
mum bifolium, Carex caryophyllea, Crocus vernus subsp. albi- Silene vulgaris, Chenopodium bonus-henricus, Calluna vulga-
florus, Luzula multiflora subsp. multiflora, Luzula spicata ( ?), ris, Anthyllis vulneraria subsp. valesiaca, Genista pilosa, Ge-
Lilium martagon, Poa chaixii, Teesdalia nudicaulis, Phyteuma nista sagittalis, Gentiana lutea, Geranium pyrenaicum, Parony-
hemisphaericum, Calluna vulgaris, Vaccinium myrtillus, Genis- chia polygonifolia, Scleranthus perennis, Scleranthus uncina-
ta pilosa, Scleranthus perennis, Ceratocapnos claviculata, An- tus, Galeopsis segetum, Thymus pulegioides subsp. chamae-
drosace halleri, Anemone nemorosa, Ranunculus auricomus, drys, Epilobium angustifolium, Rumex acetosella, Alchemilla
Alchemilla saxatilis, Alchemilla transiens, Potentilla erecta, saxatilis, Rubus idaeus, Sorbus aucuparia, Rhinanthus minor,
Potentilla heptaphylla subsp. fagineicola ( ?), Saxifraga pede- Veronica chamaedrys, Veronica officinalis, Viola canina, Viola
montana subsp. prostii (3 pieds), Veronica officinalis, Valeria- tricolor.
na tripteris, Viola canina.
A proximité de la hêtraie, avant l’épingle à cheveux conduisant
(Les luzules dénommées spicata sur le terrain seraient à contrô- au Rocher des Taillades outre Fagus sylvatica se rencontrent
ler, il pourrait s’agir de L. sudetica) Cardamine pentaphyllos, Cardamine resedifolia (sur la piste),
Ceratocapnos claviculata rare et localisé dans des genêt purga-
De retour aux véhicules nous prenons la direction de Valgorge, tifs, Galium odoratum, Lamium maculatum, Polygonatum verti-
où se situe notre hôtel « le Tanargue », où nous fûmes particu- cillatum, Senecio ovatus, Viola canina,
lièrement bien accueillis.
Sous le rocher des Taillades, au milieu des myrtilles et de quel-
ques touffes de genêt purgatif prospèrent quelques pieds de
Tulipa australis

Hêtraie et ourlets forestiers De part et d’autres du col des


Taillades s’étendent des bois de hêtres qui dans leur limite su-
périeure se présentent sous la forme de taillis. Les ourlets en
limite avec la lande voisine abritent une flore riche. Nous y
avons noté Dryopteris filix-mas, Maianthemum bifolium, Carex
caryophyllea, Luzula campestris, Luzula nivea, Luzula sylvati-
ca, Poa chaixii, Poa nemoralis, Paris quadrifolia, Imperatoria
ostruthium, Doronicum austriacum, Senecio adonidifolius, Se-
necio ovatus, Myosotis decumbens, Erophila verna, Phyteuma
spicatum, Lonicera nigra, Cerastium arvense subsp. strictum,
Stellaria holostea, Vaccinium myrtillus, Cytisus oromediterra-
Samedi 14 juin 2008 neus, Genista sagittalis, Fagus sylvatica, Gentiana lutea, Hype-
ricum perforatum, Lamium maculatum, Thymus pulegioides
Nous quittons notre hôtel à 8 heures 30 pour rejoindre le col de subsp. chamaedrys, Epilobium angustifolium, Oxalis acetosel-
la Croix de Bauzon (1308 mètres), où naissent la Borne, orien- la,. Armeria arenaria subsp. arenaria, Anemone nemorosa,
tée vers l’ouest, affluent du Chassezac qui ira rejoindre l’Ardè- Rubus idaeus, Sorbus aria, Salix caprea, Digitalis purpurea,
che en aval de Ruoms, et le Lignon dont le parcours vers l’est Viola riviniana.
sera plus rapide puisqu’il se jette dans l’Ardèche au Pont de
Labeaume. Ces deux rivières séparent la Serre de la Croix de Lande subalpine de la Tour des Poignets (1538 m) l’un des
Bauzon du Tanargue proprement dit. Aujourd’hui c’est sur la sommets de la Serre de Bauzon, au sortir des taillis de hêtres
Serre de la Croix de Bauzon que nous irons par un itinéraire qui nous passons dans une lande rase, qui dans sa partie ultime, au-
nous conduira aux Roches Taillades (1463 mètres), et au delà de 1500 mètres est constituée d’un épais tapis de Myrtille
deuxième point culminant de la Serre, la Tour des Poignets et d’Airelle des marais, nous n’y avons pas retrouvé l’Airelle
(1538 mètres) ainsi que sur le versant nord de cette dernière, en rouge pourtant présente. Quelques dalles rocheuses et des ébou-
traversant différents milieux : pelouses et landes, rochers, méga- lis abritent une flore des rochers. Dans cet ensemble nous avons
phorbiaies, hêtraies. noté 49 espèces Athyrium filix-femina, Gymnocarpium dryopte-
ris, Juniperus communis, Allium victorialis, Narcissus poeticus,
Depuis le col de la Croix de Bauzon nous prenons la piste qui Maianthemum bifolium, Luzula sylvatica, Lilium martagon,
conduit au col des Pergeyres (auquel nous ne nous rendrons Tulipa sylvestris subsp. australis, Deschampsia flexuosa, Festu-
pas) et au Rocher des Taillades (1463 m). ca arvernensis, Festuca paniculata subsp. paniculata, Nardus
stricta, Poa chaixii, Poa nemoralis, Paris quadrifolia,

Bulletin de la SBV - 16 - n°19 - mai 2009


Meum athamanticum, Achillea millefolium, Antennaria dioica,
Hypochaeris maculata, Leontodon pyrenaicus, Omalotheca
sylvatica, Senecio adonidifolius, Solidago virgaurea, Coincya
cheiranthos, Phyteuma hemisphaericum, Cerastium arvense.
subsp. arvense, Vaccinium myrtillus, Vaccinium uliginosum,
Cytisus oromediterraneus, Genista pilosa, Gentiana lutea, Poly-
gonum bistorta, Ranunculus auricomus, Ranunculus tuberosus,
Alchemilla saxatilis, Alchemilla transiens, Potentilla erecta,
Potentilla neumanniana, Rosa pendulina, Sorbus aucuparia,
Galium saxatile, Galium verum, Thesium alpinum, Melampy-
rum pratense, Veronica arvensis, Veronica chamaedrys, Vale-
riana tripteris.

Nous redescendons au col pour pique-niquer avant de continuer


la piste en versant nord de la Serre où, sur un talus rocheux nous Dimanche 15 juin 2008
noterons Huperzia selago (1 pied), Gymnocarpium dryopteris, Comme le jour précédent nous reprenons la direction du col de
Solidago virgaurea, Doronicum austriacum, Silene dioica, Py- la Croix de Bauzon pour rejoindre la station de la Croix de Bau-
rola minor, Aconitum lycoctonum subsp. vulparia, Viola canina. zon (1365 mètres) d’où, sur les pentes nord et ouest du sommet
du Grand Tanargue (1511 mètres), nous pourrons découvrir la
En bordure de la piste nous observons nombre d’espèces déjà hêtraie-sapinière, les mégaphorbiaies, les tourbières, tandis que
notées auxquelles s’ajoutent Ranunculus platanifolius, Linaria dans la zone sommitale nous offrira landes et pelouses.
repens, Calamintha grandiflora, Veronica serpyllifolia (grande
discussion sur les critères distinctifs par rapport à V. officina- Les forêts sont surtout implantées sur la partie ouest du massif
lis). du Tanargue (en particulier la forêt domaniale des Chambons) et
dans une moindre mesure en versant nord dans la partie orienta-
Mégaphorbiaie de source au dessus de la piste, vers 1374 mè- le. Ces forêts comptent de nombreuses mégaphorbiaies liées aux
tres, abritant des espèces particulièrement intéressantes, notam- sources ainsi que quelques tourbières, notamment celles du Pra-
ment une population importante d’Arabis cebennensis et de das. Ce sont ces diverses formations que nous allons parcourir
Cardamine amara. On a pu noter en outre Saxifraga rotundifo- dans la matinée le long de la route forestière des Mayes
lia, Geranium nodosum, Athyrium filix-femina, Luzula nivea, (commune de Borne)
Galium odoratum, Lamium maculatum, Acer pseudoplatanus, Hêtraie-sapinière les forêts domaniales, des Chambons en par-
Urtica dioica, Imperatoria ostruthium, Cicerbita plumieri, Cir- ticulier et du Tanargue, sont biologiquement les plus riches de la
sium palustre, Chrysosplenium oppositifolium, Doronicum aus- région, les plantations artificielles y sont réduites, elles peuvent
triacum, Filipendula ulmaria, Geranium sylvaticum, Ranuncu- être considérée comme étant "naturelles" et qualifiées de clima-
lus aconitifolius, Rumex arifolius, Hypericum maculatum. cique (« est qualifié de climacique un écosystème parvenu à
l'aboutissement théorique de son évolution naturelle, en équili-
Rocailles sur le talus en bordure de la piste, avec une petite bre avec le sol, le climat et avec toutes ses composantes, et qui
population de Saxifrage de Prost, où l’on note Phegopteris s'autogénère »). En fonction du substrat la composition floristi-
connectilis, Imperatoria ostruthium, Hieracium amplexicaule, que de la hêtraie-sapinière varie, mais il apparaît que le mélange
Campanula rotundifolia, Sedum rupestre, Ranunculus platani- des feuillus et des résineux donne un humus moins acide, même
folius, Alchemilla alpigena, Alchemilla saxatilis, Saxifraga pe- neutre, convenant particulièrement à certaines espèces dîtes indi-
demontana subsp. prostii, Linaria repens, Thesium alpinum, catrices comme l’Aspérule odorante, le Lamier jaune, le Séne-
Valeriana tripteris. çon de Fuchs, etc.). Le caractère subalpin de ces forêts ressort de
la présence de l’Oseille à feuilles d’Arum, de l’Adénostyle à
Nous poursuivons la piste jusqu’à une altitude de 1341 m, où un feuilles d’Alliaire ainsi que de l’importance prise par les hautes
ruisseau descend de la pente en cascades et dont les abords abri- herbes (mégaphorbiaie). Sur l’ensemble de notre parcours au
tent des espèces hygrophyles déjà notées dans la mégaphorbiaie sein de cette hêtraie-sapinière y/c bords de chemin et ourlets,
avec également Cacalia alliariae, Streptopus amplexifolius, depuis la piste jusqu’en lisière de la lande-pelouse sommitale
Thalictrum aquilegifolium, ainsi qu’une plante non fleurie dont nous avons pu noter Dryopteris dilatata, Dryopteris filix-mas,
les feuilles rappellent Aconitum napellus. Sur un rocher quel- Athyrium filix-femina, Gymnocarpium dryopteris, Abies alba,
ques touffes d’Asplenium foreziense. Picea abies, Pinus uncinata, Maianthemum bifolium, Polygona-
tum verticillatum, Luzula nivea, Luzula sylvatica, Deschampsia
Compte tenu de l’heure nous n’avons pu poursuivre plus en flexuosa, Festuca altissima, Milium effusum, Poa annua, Paris
avant sur flanc nord de la Serre de la Croix de Bauzon, en direc- quadrifolia, Streptopus amplexifolius, Anthriscus sylvestris, Im-
tion de la Serre de Rabot et du Fautouras où nous aurions pu peratoria ostruthium, Sanicula europaea, Adenostyles alliariae,
voir des érablaies et des forêts de ravin. Comme le rappelle Da- Artemisia vulgaris, Doronicum austriacum, Hieracium muro-
niel Michau dans l’un de ses comptes-rendus de sortie de la rum, Omalotheca sylvatica, Prenanthes purpurea, Senecio ova-
SBA (4.07.2004), c’est dans ce secteur que Revol signalait la tus, Lonicera nigra, Sambucus racemosa, Moehringia trinervia,
présence de Meconopsis cambrica, sans doute disparu aujourd- Silene dioica, Silene vulgaris, Spergularia rubra, Stellaria ne-
’hui. morum, Calluna vulgaris, Vaccinium myrtillus, Cytisus oromedi-
terraneus, Genista pilosa, Fagus sylvatica, Geranium nodosum,
Ajuga reptans, Calamintha grandiflora, Lamium galeobdolon,
Lamium maculatum, Epilobium montanum, Oxalis acetosella,
Rumex arifolius, Actaea spicata, Anemone nemorosa, Fragaria
vesca,
Bulletin de la SBV - 17 - n°19 - mai 2009
Rosa pendulina, Rubus idaeus, Sorbus aucuparia, Galium odo- Campanula lanceolata, Campanula rotundifolia, Cerastium
ratum, Salix caprea, Digitalis purpurea, Veronica officinalis, arvense, Cerastium fontanum subsp. vulgare, Silene nutans,
Viola canina, Viola reichenbachiana, Lobaria pulmonaria. Silene vulgaris, Stellaria graminea, Succisa pratensis, Calluna
vulgaris, Vaccinium myrtillus, Cytisus oromediterraneus, Ge-
Mégaphorbiaie de source vers 1360 mètres d’altitude, sous la nista pilosa, Lotus corniculatus, Gentiana lutea, Rumex aceto-
piste, quelques centaines de mètres au SW de la station de la sa, Anemone nemorosa, Ranunculus bulbosus, Alchemilla saxa-
Croix de Bauzon, au sein de la hêtraie-sapinière et sur plusieurs tilis, Potentilla erecta, Galium saxatile, Galium verum.
dizaines de m2, nous observons une végétation particulièrement
exubérante, abritant plusieurs espèces de fougères et des plantes Tourbières de source, au NE du sommet du Grand Tanargue,
de grande taille, ainsi que des espèces liées aux écoulements situées en tête de bassin, vers 1480 mètres, les sources du ruis-
d’eau qui tapissent le sol. Plusieurs espèces de la forêt appré- seau des Mayes que nous avons croisé le matin alors que nous
cient la fraicheur de ce milieu et s’y développent avec profu- étions sur la piste forestière naissent d’une tourbière connue
sion. Nous notons Dryopteris dilatata, Athyrium filix-femina, sous le nom de tourbière des Mayes, encore active qui a fait
Gymnocarpium dryopteris, Paris quadrifolia, Imperatoria os- l’objet d’aménagement pour le public dans le cadre du circuit
truthium, Sanicula europaea, Doronicum austriacum, Cardami- botanique de la Croix de Bauzon. Cette tourbière est riche, on y
ne amara, Stellaria nemorum, Geranium nodosum, Rumex ari- rencontre l’Epilobe à fleurs penchées, la Listère en coeur, les
folius, Caltha palustris, Ranunculus aconitifolius, Ranunculus lycopodes en massue et à rameaux annuels, ainsi que le Rosso-
repens, Chrysosplenium alternifolium, Saxifraga rotundifolia. lis à feuilles rondes. Ces zones sont en voie de classement en
Réserve Biologique Dirigée, certaines espèces y trouvent leur
Bords de ruisseau, celui des Mayes traverse la piste vers seule station pour l’Ardèche, aussi nous avons évité de pertur-
1375 mètres d’altitude, outre de nombreuses espèces déjà no- ber le milieu et de ce fait nous n’avons pu observer toutes ces
tées dans la mégaphorbiaie s’y rencontrent Dryopteris filix-mas, espèces. Nous avons néanmoins noté Athyrium filix-femina,
Phegopteris connectilis, Adenostyles alliariae, Cicerbita plu- Caltha palustris, Carex echinata, Carex nigra, Carex panicea,
mieri, Petasites albus, Arabis cebennensis, Stellaria alsine, Va- Cirsium palustre, Crepis paludosa, Dactylorhiza maculata,
leriana tripteris, Fontinalis antipyretica. Deschampsia cespitosa, Drosera rotundifolia, Epikeros pyre-
naeus, Eriophorum angustifolium, Eriophorum vaginatum, Fes-
Tourbière du Pradas explorée après le pique-nique pris à tuca nigrescens, Hypericum maculatum, Juncus filiformis, Ly-
proximité. « Le complexe tourbeux du Pradas est situé sur une copodium clavatum, Montia fontana, Rumex acetosa, Salix re-
dorsale prolongeant vers l’Ouest, le sommet du Grand Tanar- pens, Sanguisorba officinalis.
gue ; il est enclavé dans la Forêt Domaniale des Chambons, sur
la commune de Borne, à une altitude comprise entre 1400 et Nous redescendons vers la station pour nous séparer après ces
1470 m. Il alimente les Ruisseaux de la Tuilerie et du Pradas, trois jours passés au cœur de cette montagne ardéchoise qui
sous-affluents de La Borne, rivière sous-affluent de l’Ardèche. compte bien d’autres sites prestigieux pour le botaniste.
Il s’inscrit dans la hêtraie-sapinière climacique, composé de Jean-Claude BOUZAT
douze zones humides (dont six tourbières plus ou moins atter-
ries), de taille variable, chacune n’excédant pas 65 ares. Il est Voir encarts couleurs n° VII et VIII
surtout représenté par la tourbière n° 5 qui est relictuelle pro-
Bibliographie :
bablement d’une tourbière d’ensellement, occupant un col ;
cette particularité topographique du complexe implique un défi- - D. Michau, V. Le Besnerais, F. Lèbre
cit hydrique occasionné par la diminution des précipitations Ecoguide-Milieux naturels-Massif du Tanargue
hivernales et estivales. » La réhabilitation de cette tourbière fait Ed.: ONF.
- P. de Puytorac :
l’objet d’un programme LIFE "Nature et Territoire", sur le plan L’Auvergne (les milieux, la flore, la faune)
botanique on y rencontre l’Adénostyle à feuilles d'alliaire, la Ed. : Delachaux et Niestlé.
Circée des Alpes, le Saule hybride aurita x repens, des Sphai- - Guide du naturaliste Causse Cévennes – Ed: Libris
gnes, l’Airelle des marais. Nous y avons également noté Carex - Comptes-rendus de la Société Botanique de l’Ardèche
echinata, Carex nigra, Carex panicea, Juncus effusus, Juncus
squarrosus, Luzula multiflora, Veratrum album, Dactylorhiza Les plantes forestières grimpent avec la température
maculata, Molinia caerulea, Nardus stricta, Poa chaixii, Epike- (d’après « Le Monde » du 26 06 2008).
ros pyrenaeus, Cirsium palustre, Crepis paludosa, Myosotis
scorpioides, Succisa pratensis, Calluna vulgaris, Vaccinium Une étude portant sur 171 espèces de plantes s’étageant entre 0
myrtillus, Gentiana lutea, Hypericum maculatum, Circaea alpi- et 2600 mètres d’altitude, sur les pentes de six chaînes de mon-
na, Polygonum bistorta, Rumex acetosa, Potentilla erecta, Ga- tagnes (Alpes, Pyrénées, Massif Central, Jura, Vosges et Cor-
lium palustre, Salix aurita, Salix repens, Veronica scutellata, se), constate qu’entre 1971 et 1993, les végétaux ont grimpé
Viola palustris. de 65 mètres. Ce constat est corrélé avec l’élévation de tempé-
rature enregistrée dans les massifs français. Les déplacements
Pelouses et landes rases montagnardes et subalpines sur le les plus importants sont observés pour les espèces de montagne
Grand Tanargue (1511 m) que nous atteignons après une mon- comme Orthilia secunda (très sensibles au changement climati-
tée assez rude sur la pente ouest du massif. Les pelouses oc- que), et pour les espèces herbacées comme Galium rotundifo-
cupent les sommets de la partie centrale du site, s’y ren- lium (dont la durée de vie est courte).A l’inverse, les espèces
contrent : Pinus sylvestris, Pinus uncinata, Luzula campestris, ligneuses comme Sorbus aria, dont le cycle de reproduction est
Luzula multiflora, Deschampsia flexuosa, Festuca paniculata plus long, sont moins affectées.
subsp. paniculata, Nardus stricta, Meum athamanticum, Achil- D’autres études ont mis en évidence les changements
lea millefolium, Arnica montana, Crepis conyzifolia, Leontodon d’aires de répartition des espèces végétales en surveillant leurs
pyrenaicus, Leucanthemum vulgare, Senecio adonidifolius, Ser- mouvements en latitude ainsi que les modifications de la fau-
ratula tinctoria, Solidago virgaurea, Noccaea caerulescens, ne associée (insectes…).

Bulletin de la SBV - 18 - n°19 - mai 2009


Autour de la botanique

Tout botaniste est, un jour, tombé en arrêt devant l’ombelle Si les adultes peuvent butiner les fleurs de nombreuses espèces
d’une apiacée couverte de multiples insectes, devant une che- de végétaux, les chenilles sont, la plupart du temps, beaucoup
nille, souvent multicolore, dévorant consciencieusement sa plus sélectives. On notera que les adultes de certaines espèces
feuille (sur la même plante ?), devant un papillon voletant de de papillons nocturnes ne se nourrissent pas, étant dépourvus de
fleur en fleur (de même espèce ou non !). Ces spectacles nous tout organe adapté à cette fonction. Leur rôle se limite alors à la
incitent à explorer les frontières de la botanique, à constater les reproduction, opération après laquelle ils meurent rapidement.
liens qui existent dans le monde vivant. Les chenilles de certaines espèces sont extrêmement
Ouvrons un livre d’entomologie au chapitre polyphages et consomment à peu près tous les végétaux ren-
« papillons » ! Et nous lisons…de la rave,…de l’arbousier,…de contrés. Je me souviens du début des années 1970 où on avait
la succise,…du serpolet, etc…le lien est confirmé. assisté à des invasions impressionnantes d’un papillon de nuit
Un projet d’article a conduit Jean VIROLLEAUD à me appelé Lymantria dispar ; les chenilles issues des pontes étaient
mettre en relation, au Musée Requien, avec Alain CAMARD- si nombreuses que, dans les garrigues de Villeneuve, et sans
membre de la Société d’Etude des Sciences Naturelles de Vau- doute de pas mal d’autres sites, elles avaient dépouillé les chê-
cluse depuis plus de trente ans - qui s’est engagé sur le champ nes-verts de la totalité de leurs feuilles. Ensuite, faute de nourri-
à rédiger l’article publié dans ce bulletin. Pédagogue de métier, ture, elles avaient consommé le feuillage de la végétation basse,
entomologiste par passion il s’est surtout attaché à l’observa- pratiquement sans rien épargner. On assiste parfois à de telles
tion des lépidoptères et de divers groupes de coléoptères. Il a pullulations, fort heureusement limitées dans le temps.
réalisé des inventaires des papillons diurnes des environs de D’autres espèces, par contre, ne peuvent se nourrir que
Villeneuve-les-Avignon ainsi que l’étude itérative de popula- d’un groupe restreint de végétaux, parfois même d’une seule
tions de lépidoptères du Mont Ventoux. Ardent défenseur des plante.
milieux naturels permettant le maintien des espèces, il conduit
des actions d’information auprès des collectivités gestionnaires. En France, on compte plus de deux cents espèces de
Qu’il soit ici remercié pour nous encourager à une démarche papillons de jour. Pour les nocturnes, c’est environ dix fois
naturaliste… plus ! Je vais donc me limiter à quelques espèces que nous pou-
Michel Graille. vons rencontrer dans notre région sans trop de difficultés.
Je vous parlerai d’abord d’un papillon banal, aux ailes blanches
Les papillons que nous voyons voleter de fleur en fleur à la ornées d’un ou deux points noirs selon le sexe : c’est la Piéride
belle saison sont des insectes à métamorphoses complètes. du chou (Pieris brassicae).Il était autrefois très répandu, un peu
Les femelles adultes pondent des œufs qui, à l'éclosion, moins de nos jours du fait de l’utilisation des produits phytosa-
donnent naissance à des larves que nous appelons communé- nitaires. La femelle adulte pond des œufs en grand nombre et en
ment chenilles ; celles-ci muent plusieurs fois au cours de leur groupes, non seulement sur les feuilles des choux, mais aussi
développement. Au bout d'un temps variable qui peut aller de sur pas mal de brassicacées cultivées ou sauvages. Ainsi, dans
quelques semaines à plusieurs mois selon les espèces (ou même mon jardin, je trouve presque chaque année au printemps des
à plus d’une année pour un papillon de haute montagne : Oenis colonies de chenilles de cette piéride sur les siliques encore
glacialis), les chenilles se transforment en nymphes tendres de la Monnaie du Pape (Lunaria annua). On notera
(chrysalides), parfois entourées d’un cocon de soie qu’elles ont que le comportement grégaire de ces chenilles leur est souvent
tissé préalablement. Cette confection d’un cocon est rare pour fatal : facilement
les papillons « de jour » (appelés rhopalocères), mais plus repérables, elles
fréquente pour les espèces dites « de nuit » (les hétérocères). sont fréquemment
Au bout d’une durée là encore variable selon les espèces parasitées par de
(d’environ deux semaines à plusieurs années), la chrysalide, que petits hyménoptères
l’on pourrait qualifier de véritable « laboratoire », donne nais- qui pondent leurs
sance à un adulte (imago) qui, généralement, va rapidement œufs dans leur
être capable de se reproduire. Ainsi le cycle sera bouclé. corps !

Bulletin de la SBV - 19 - n°19 - mai 2009


Je voudrais aussi évoquer trois autres espèces de rhopalocères surtout en garrigue, biotope où pousse sa plante nourricière –
appartenant au groupe des Piérides, mais bien plus colorées Aristolochia pistolochia qui se plait dans les lieux secs et enso-
que Pieris brassicae : l’Aurore de Provence (Anthocaris eu- leillés. Zerynthia polyxena, quant à elle, se rencontre plutôt
phenoides), le Souci (Colias crocea), et le Citron de Provence dans des endroits frais, humides, partiellement ombragés, qui
(Gonepteryx cleopatra). conviennent à sa plante hôte : Aristolochia rotunda. Ces deux
papillons volent surtout en avril pour polyxena et en mai pour
L’Aurore de Provence est un superbe petit papillon aux rumina. Les deux espèces, très proches génétiquement, peuvent
ailes jaune-vif, avec une large tache orange à l’angle des anté- s’hybrider sur les rares zones de confluence de leurs milieux
rieures pour le mâle. La femelle est d’un jaune plus pâle avec respectifs : pentes calcaires dominant le lit frais d’un vallon par
une tache plus terne. exemple...
Cette espèce émerge de sa chrysalide au mois d’avril et les fe-
melles pondent leurs œufs séparément sur les boutons des fleurs Je vous parlerai enfin du cinquième représentant de la
d’une plante des garrigues : Biscutella laevigata. Les jeunes famille des Papilionidae que j’ai souhaité présenter : il s’agit
chenilles consomment les pétales des fleurs puis, devenues plus d’un grand papillon aux ailes d’un blanc pur ornées de taches
grandes, elles se nourrissent des fruits de la plante, formés de noires et de superbes ocelles rouge vif : l’Apollon (Parnassius
deux disques juxtaposés. La nymphose a lieu deux à trois se-
apollo) que l’on ne rencontre qu’a une certaine altitude. Dans
maines après l’éclosion des œufs dans les fourrés environnants
notre région, on peut l’observer au Mont Ventoux, sur les hau-
et la diapause se poursuit jusqu’au printemps suivant.
teurs du Grand Luberon, ou encore sur les plateaux dominant
Le Souci, quant à lui, doit son nom vernaculaire à la
les gorges de la Nesque. Ce très beau papillon butine surtout les
couleur jaune orangé de ses ailes. Sa chenille se nourrit de trè-
fleurs des chardons, alors que sa chenille velue, noire à points
fle ou de luzerne. Contrairement à l’espèce précédente, qui n’a
rouges, se nourrit généralement de Sedum. La ponte a lieu en
qu’une seule génération dans l’année, le Souci en compte jus-
été, mais les œufs n’éclosent qu’au printemps suivant. L’Apol-
qu’à quatre qui se succèdent d’avril à novembre.
lon présente la particularité de ne pouvoir voler que si le soleil
est présent : qu’un nuage vienne à obscurcir le ciel et voilà le
Le Citron de Provence présente un important dimor-
beau papillon immobilisé au sol ou sur les fleurs qu’il affection-
phisme sexuel : le mâle a des ailes jaunes, les antérieures étant
ne ; on peut alors le saisir délicatement et le poser dans le creux
envahies par une grande tache orange vif. La femelle est d’un
de la main d’où il sera bien incapable de s’envoler ! Cette espè-
jaune verdâtre pâle uniforme. Les chenilles de cette espèce
ce est actuellement protégée du fait de sa raréfaction. Notons
consomment surtout les feuilles du Nerprun (Rhamnus alater-
cependant que cette diminution des effectifs est due surtout à la
nus).Alors que chez bon nombre de papillons la diapause hiver-
modification des biotopes : les pelouses sèches et ensoleillées
nale se produit au stade de la chrysalide, là c’est l’adulte qui
où pousse la plante nourricière des chenilles sont souvent trans-
passe l’hiver dissimulé dans divers refuges: arbres creux, buis-
formées en plantations de pins noirs d’Autriche, du moins dans
sons touffus ou cavités rocheuses, la ponte intervenant seule-
notre région. L’espèce demeure cependant abondante dans les
ment au printemps suivant. Cette espèce vit donc une dizaine de
Alpes du sud et dans certaines régions du Jura.
mois au stade adulte, longévité peu fréquente chez les papillons.
Abordons maintenant une famille riche en nombre d’es-
Je vais à présent aborder un groupe qui compte les plus
pèces : celle des Nymphalidae. Ce groupe de lépidoptères est
belles espèces, celles dont les ailes possèdent l’ornementation et
très éclectique en ce qui concerne les plantes nourricières des
les couleurs les plus riches. Il s’agit des Papilionidae. J’évo-
chenilles.
querai cinq espèces.
Deux d’entre elles, de belle taille, munies de « queues » aux
Prenons le cas d’un assez grand papillon aux ailes très décou-
ailes postérieures, peuvent encore s’observer dans nos jardins
pées : la Grande Tortue (Nymphalis polychloros). Ses ailes
pour peu que ceux-ci ne soient pas situés dans des milieux trop
brun-orangé sont ornées de taches noires et bordées de lunules
urbains, et surtout pas trop soumis aux traitements chimiques. Il
bleues. Les chenilles au comportement grégaire sont très poly-
faut aussi qu’on leur conserve un caractère un peu « sauvage »...
phages : on peut les trouver sur des essences d’arbres aussi va-
Il s’agit du Machaon (Papilio machaon) et du Flambé
riées que l’orme, divers arbres fruitiers, ou encore sur les sau-
(Iphiclides podalirius).
les...Au printemps 2008 on pouvait en observer plusieurs colo-
La chenille du premier consomme des feuilles de diverses apia-
nies sur des cerisiers à l’abandon à La Roque sur Pernes.
cées, en particulier le fenouil sauvage (Foeniculum vulgare).
Cette famille des Nymphalidae compte dans ses rangs
Dans mon potager, je trouve chaque été des larves de Machaon
un papillon merveilleux, de grande taille, aux ailes riches d’une
sur mes plants de carottes. Le Flambé, quant à lui, se nourrit au
grande variété de couleurs réparties en dessins complexes. Les
stade larvaire des feuilles d’arbres variés : prunelliers, abrico-
postérieures portent chacune deux « queues » pointues. Il s’agit
tiers, pêchers, …. Dans nos régions le Flambé a deux généra-
du Jason (Charaxes jasius), seul représentant en Europe du
tions au cours de l’année, alors que le Machaon peut en voir
genre Charaxes, très répandu en Afrique où vivent de nombreu-
jusqu'à trois se succéder d’avril-mai à octobre. Pour ces deux
ses espèces différentes. La chenille est exigeante, ne pouvant se
espèces l’hibernation se fait au stade de la chrysalide.
nourrir que de feuilles d’arbousier (Arbutus unedo). Ce papil-
lon a deux générations par an : pour l’une d’elles la ponte a lieu
Deux autres papillons de la famille des Papilionidae et
en mai et les chenilles, bénéficiant de la saison chaude, se déve-
appartenant au genre Zerynthia sont de vrais petits joyaux avec
loppent rapidement et donnent des adultes en août ou septem-
leurs ailes ornées de taches jaunes, rouges et noires : la Proser-
bre. Ces adultes pondent à leur tour en automne, mais là les
pine (Zerynthia rumina) et la Diane (Zerynthia polyxena) se
chenilles vont devoir affronter l’hiver et ne se transformeront en
font toutefois peu remarquer à cause de leur taille modeste et de
papillons qu’au mois de mai de l’année suivante. La perte des
leur petit vol discret. Ces deux espèces, très proches d’aspect,
effectifs larvaires est importante, surtout si l’hiver est rude !
ne fréquentent pas les mêmes milieux : Zerynthia rumina vit

Bulletin de la SBV - 20 - n°19 - mai 2009


Un autre représentant de cette famille des Nymphalidae, le tres Melanargia jusqu’en Iran et en Afghanistan. Tous ont, si
Sylvain azuré (Limenitis reducta) doit son nom vernaculaire à l’on peut dire, un « air de famille » dès le premier coup d’œil!
ses ailes noires à reflets bleus sur leur recto. Au verso, elles
présentent toute une gamme de bruns rougeâtres, avec des ran-
gées de taches blanches et une base gris bleuté aux postérieures.
Ce papillon vole d’une façon bien particulière : après quelques
battements vifs de ses ailes, il plane durant plusieurs secondes.
Ce vol si particulier permet de l’identifier de loin. Sa chenille ne
se nourrit que de divers Chèvrefeuilles (Lonicera sp.).
Un autre beau papillon de cette famille, le Tabac d’Es-
pagne (Argynnis paphia) se rencontre un peu plus en altitude
que la plaine rhodanienne, par exemple dans les Monts de Vau-
cluse, le Ventoux, les plateaux de la Nesque, la Drôme proven-
çale…Voilà encore une espèce de belle taille, au vol puissant et
rapide. Le mâle a des ailes d’un fauve vif, ornées de taches noi-
res ; celles de la femelle sont souvent plus sombres, elles aussi
tachées de noir ; le verso, verdâtre et fauve, est orné de petits
ocelles sombres. Les chenilles de ce papillon se nourrissent des
feuilles de diverses espèces de violettes (Viola sp.). Brintesia circe MTZ
Dans cette famille des Nymphalidae nous évoquerons
encore deux espèces aux ailes découpées de façon semblable :
le Vulcain (Vanessa atalanta) et la Vanesse du chardon
(Vanessa cardui). Le premier a les ailes noires avec une bande
rouge vif barrant les antérieures et une bordure orangée aux
postérieures. Le second est rose vif avec des taches noires fes-
tonnées. Les ailes postérieures sont ornées d’une ligne de petits
ocelles noirs.
La chenille de Vanessa cardui porte bien son nom : elle se
nourrit de feuilles de chardons (Carduus sp.). Celle du Vul-
cain consomme des feuilles de pariétaire (Parietaria officina-
lis) ou d’ortie (Urtica sp.). Lorsqu’elle vit sur cette dernière
plante, son comportement est curieux : elle fixe des fils de soie
qu’elle produit sur les deux bords opposés d’une feuille, puis,
les rapprochant, s’en fait une sorte de fourreau à l’intérieur du-
quel elle se dissimule, se protégeant ainsi d’éventuel préda-
teurs. Elle mange la feuille de l’intérieur, puis, l’ayant terminée,
elle passe à une autre, recommençant le même manège…

Une autre famille, celle des Satyridae, compte de nom-


breuses espèces en France. Les chenilles de tous ces papillons
se nourrissent de Poacées.
Melanargia galathea MTZ
Je parlerai ici de deux espèces bien différentes d’aspect et de
comportement.
Voyons d’abord le cas d’un grand papillon : le Silène Une autre famille nombreuse ! Celle des Lycaenidae. Ce sont
(Brintesia circe). Ses quatre ailes, à dominante noire au recto des papillons de taille modeste qu’on appelle souvent les
comme au verso, sont traversées par une bande blanche. Il par- « petits bleus » à cause de la couleur de la plupart des espèces.
court d’un vol sautillant mais rapide les bois clairs de pins et de Je vais parler ici d’un Lycaenidae non indigène, introduit ré-
chênes-verts, aimant bien se couler sous les ombrages. Lorsqu’il cemment d’Afrique du Sud via l’Espagne, à la faveur d’impor-
se pose sur un tronc, les ailes fermées, son mimétisme avec l’é- tations de Pelargoniums, sa plante hôte. Il s’agit de Cacyreus
corce est tel qu’on a beaucoup de mal à le repérer. marshalli qui ravage depuis quelques années les plantes culti-
L’autre Satyridae dont le vais vous entretenir est nette- vées en pots que nous appelons à tort Géraniums.
ment plus petit : il a la taille d’une piéride. Sa teinte dominante La femelle adulte pond sur un bouton de fleur et, dès l’éclosion,
est le blanc, mais il possède des taches noires régulièrement la jeune chenille s’introduit dans ce bouton puis, au fur et à me-
réparties qui lui ont sans doute valu son nom vernaculaire : le sure de son développement, pénètre dans la tige de la fleur et
demi-deuil. enfin dans celle de la plante qui périclite irrémédiablement.
En fait ce vocable recouvre quatre espèces assez semblables Comme cette chenille passe sa vie à l’intérieur du végétal, on ne
entre elles, qui appartiennent au genre Melanargia. Leurs noms l’aperçoit pas, et elle est de plus inaccessible aux insecticides de
spécifiques sont : galathea, lachesis, occitanica et russiae. surface.
Le premier, Melanargia galathea, est répandu pratique- Le papillon adulte est minuscule : ses ailes ont à peu près la
ment partout en France, des plaines aux montagnes, jusqu’à taille d’un ongle. Ses ailes sont gris bleu au dessus et marbrées
1500 mètres environ. Les trois autres espèces sont strictement de gris, de beige et de blanchâtre à la face inférieure. Il passe
méridionales, Melenargia russiae vivant surtout à moyenne donc facilement inaperçu. Trois à quatre générations de ce rava-
altitude dans les montagnes provençales. Sinon le genre Mela- geur se succèdent d’avril à novembre. Cacyreus marshalli s’est
nargia est largement répandu en Europe : d’autres espèces vi- d’abord installé dans le sud de notre pays, mais, au fil des ans,
vent en Espagne, en Italie, en Grèce…On rencontre aussi d’au- gagne de plus en plus vers le nord.

Bulletin de la SBV - 21 - n°19 - mai 2009


Je terminerai le tour des papillons de jour avec le seul représen- cées cultivées ou sauvages. On trouvait autrefois assez commu-
tant en France de la famille des Libytheidae : l’Echancré nément des chenilles de ce sphinx dans les plantations de pom-
(Libythea celtis), dont le nom vernaculaire lui a été donné sans mes de terre, mais, là aussi, les traitements chimiques des cultu-
doute à cause de l’aspect très découpé de ses ailes antérieures et res ont fortement diminué les effectifs. Acherontia atropos ne
de la bordure festonnée des postérieures. C’est un papillon de se rencontre plus guère que sur les Solanacées sauvages. Ce
couleur brun foncé avec de larges macules orange vif. Sa che- n’est d’ailleurs pas une espèce indigène : elle est surtout répan-
nille se nourrit des feuilles de micocoulier (Celtis australis). due en Afrique et en Asie du Sud-Est. Les adultes qui ont un vol
Comme cet arbre est très répandu dans le midi on pourrait s’at- puissant arrivent en Europe en mai-juin pour s’y reproduire.
tendre à ce que le papillon soit abondant un peu partout ; or ce Mais les chenilles issues des pontes donnent des chrysalides en
n’est généralement pas le cas : on n’aperçoit pas souvent Liby- automne qui meurent pratiquement toujours, ne pouvant suppor-
thea celtis ; est-ce dû à une relative rareté, à un comportement ter le froid de nos hivers.
discret, ou encore à des exigences écologiques excédant la seule Contrairement à celles du Grand Paon de Nuit, les chenilles des
présence de l’arbre-hôte ? sphinx ne tissent pas de cocons. Elles s’enfouissent à quelques
centimètres sous terre pour se transformer en chrysalides dans
Nous parlerons à présent de trois papillons de nuit par- une logette assez volumineuse.
mi les plus spectaculaires, appartenant à deux familles différen- A noter une fâcheuse habitude des papillons de cette espèce : ils
tes : le Grand Paon de Nuit (Saturnia pyri), qui est un Attaci- pénètrent volontiers dans les ruches car ils sont friands de miel.
dae (anciennement Saturnidae), puis de deux représentants des Mais les abeilles les attaquent vivement et ils survivent rare-
Sphingidae- les Sphinx : le Sphinx tête de mort (Acherontia ment à leur incursion.
atropos) et le Sphinx de l’Euphorbe (Hyles euphorbiae).
Le Grand Paon de Nuit est vraiment le plus grand lépi- Je terminerai ce tour d’horizon des papillons avec un
doptère que l’on peut rencontrer en France. L’adulte peut mesu- autre sphinx, assez commun dans notre région : le Sphinx de
rer 14 à15 centimètres d’envergure et, de ce fait, lorsqu’on le l’Euphorbe (Hyles euphorbiae) ; C’est une espèce de belle
voit voler, on pourrait penser qu’il s’agit d’un oiseau ou d’une taille, pouvant dépasser 7 centimètres d’envergure. Ses ailes
chauve-souris ! C’est un papillon magnifique, avec se grandes antérieures présentent des zones bien délimitées allant de l’ocre
ailes offrant de nombreuses nuances de brun, ornées de grands au brun foncé. Les postérieures, de couleur rose, sont traversées
ocelles et barrées de bandes en zigzag. Contrairement aux papil- par une fine ligne noire. Ce papillon vole en mai et en août en
lons diurnes le corps des nocturnes des deux familles dont il est deux générations annuelles.
question ici est très volumineux. Le mâle Saturnia pyri possède Les chenilles se nourrissent de diverses euphorbes, en particu-
des antennes pectinées très larges ; celles de la femelle sont lier Euphorbia characias et cyparissias dans notre région. L’a-
beaucoup plus fines. Les femelles émettent des phéromones dulte pondant généralement plusieurs œufs sur une même plan-
capables d’attirer les mâles à plusieurs kilomètres de distance te, les chenilles sont grégaires et donc faciles à repérer, surtout
comme cela a été montré par les expériences de Jean- Henri au dernier stade, car leur taille et leurs couleurs les rendent très
Fabre. visibles. Elles sont magnifiques, leur teinte se modifiant au
La chenille de Saturnia pyri est superbe, surtout au dernier cours des mues successives. Au dernier stade, sur un fond noirâ-
stade de son développement. Elle peut atteindre 10 centimètres tre, elles portent une ligne rose tout le long du dos ; leurs flancs
de longueur et 2 centimètres de diamètre. D’un vert lumineux, sont ornés de zones triangulaires jaunes et de grands ocelles
elle possède de longs poils à la base desquels se trouvent de blancs. Au moment de la nymphose, elles s’enterrent peu pro-
petites excroissances bleues en forme d’étoiles. Cette chenille fondément pour donner une chrysalide libre, sans cocon donc.
est très polyphage : elle se peut se nourrir de feuilles de pru- C’est à ce stade qu’a lieu la diapause hivernale.
niers, poiriers, amandiers, frênes, ormes… J’en ai élevé sur
pistachier térébinthe .Malheureusement le Grand Paon de En conclusion, que pouvons nous dire ? Nous avons vu
Nuit s’est beaucoup raréfié depuis plusieurs décennies à cause que certaines larves de papillons sont très polyphages. On pré-
des traitements chimiques sur les arbres fruitiers. tend ainsi, par exemple, que la femelle d’un papillon diurne
Au moment de la nymphose la chenille tisse un cocon grossier, fréquent en moyenne montagne, le Gazé (Aporia crataegi)
très rigide, de soie brun foncé qu’elle fixe contre un tronc d’ar- pourrait pondre en volant, ses œufs se trouvant ainsi disséminés
bre. Puis elle se transforme en chrysalide à l’intérieur de ce co- de façon aléatoire sur la végétation, les chenilles en étant issues
con qui constitue une protection efficace. Le cycle est en princi- pouvant se contenter de n’importe quel végétal ! Mais ce n’est
pe annuel mais il arrive assez fréquemment que le papillon n’é- sans doute qu’une légende…Quoiqu’il en soit, les espèces vrai-
merge qu’au bout de deux ou même trois années. L’adulte, mu- ment polyphages ne sont pas les plus nombreuses…
ni d’une trompe atrophiée, ne peut pas se nourrir et meurt rapi- La plupart des chenilles- et c’est là une caractéristique stricte-
dement après la reproduction. ment attachée à l’espèce- sont dépendantes d’un petit groupe de
végétaux. Et même certaines d’entre elles sont extrêmement
Le Sphinx tête de mort est sans doute le papillon le plus spécialisées comme, par exemple, celle du Lycaenidae -Iolana
célèbre de sa famille à cause de l’ornementation qu’il porte sur iolas- qui ne peut se développer qu’à l’intérieur des gousses du
le thorax : en effet des touffes de poils clairs sur un fond brun Baguenaudier (Colutea arborescens) où elle se nourrit des
foncé évoquent nettement un crâne. C’est un grand papillon graines encore tendres…
pouvant atteindre 12 centimètres d’envergure. Ses ailes anté-
rieures sont brunes avec quelques bandes blanchâtres en zigzag. Alain CAMARD
Les postérieures, jaune vif, sont traversées par deux bandes in-
curvées brun foncé .L’abdomen est très gros ; il est recouvert de
poils disposés en bandes alternées fauves et brunes. Voir encarts couleurs n° III à VI
La chenille, comme celle de tous les sphinx, porte un appendice
pointu et courbé sur le dernier anneau du corps. Elle atteint une
forte taille. Elle se nourrit de plantes de la famille des Solana-

Bulletin de la SBV - 22 - n°19- mai 2009


1859-2009

150èmes
anniversaires

Année Mireille
Aix en Provence Charles Darwin

« Mireille » est un poème épique à valeur universelle. Le drame


Par un heureux hasard l’année 2009 permet d’évoquer deux naît de la différence des conditions sociales des protagonistes,
anniversaires, qu’il ne s’agit pas de mettre en parallèle, mais Vincent et Mireille, lui ouvrier vannier ambulant, elle fille de
qui nous intéressent à plusieurs titres : propriétaire de mas.
150ème anniversaire de Mireille - Mirèio – qui nous permet de En voici les prémisses…
renouer avec la « » lengo nostro » « chère à notre ancien Prési- Je chante une jeune fille de Provence
dent – Maurice Heullant - souvenez-vous , pour les plus an- Dans les amours de sa jeunesse,
ciens, des programmes des années 90 sous une couverture pré- A travers la Crau, vers la mer, dans les blés,
sentant les gravures des travaux des champs avec les signes du Humble écolier du grand Homère,
zodiaque et se terminant par des vers extraits d’œuvres proven- Je veux la suivre. Comme c’était
çales….hommage justifié par les références permanentes au Seulement une fille de la glèbe,
végétal dans l’œuvre de Frédéric Mistral, hommage initié et En dehors de la Crau il s’en est peu parlé
coordonné par un félibre botaniste de notre Société – Henri
Courtois. Bien que ce front ne brillât
C’est l’occasion d’un développement autour de Vallisneria Que de jeunesse, bien qu’elle n’eût
spiralis. Ni diadème d’or ni manteau de Damas,
Je veux qu’en gloire elle soit élevée
150ème anniversaire de la parution de « l’Origine des Espè- Comme une reine, et caressée
ces » de Charles Darwin – nous laisserons la célébration de ce Par notre langue méprisée,
formidable évènement aux « milieux autorisés », mais il s’agit, Car nous ne chantons que pour vous,
au-delà du simple signal, d’attirer l’attention sur les travaux Ô pâtres et habitants des mas.
botaniques de ce savant.

Mireille - Mirèio
Le 2 février 1859, jour de la Chandeleur, Frédéric Mistral achè-
ve « Mireille », œuvre capitale pour l’avenir de la langue d’oc.
Mireille est un poème épique en 12 chants, dans lequel il chante
une jeune fille de Provence .L’œuvre marque d’une façon écla-
tante le renouveau de la langue provençale tel que l’on décidé
les « primadié » réunis presque 5 ans auparavant au Château de
Font-Ségugne à Châteauneuf de Gadagne (Vaucluse) le 21 mai
1854.

MG

La strophe du début, mise comme un frontispice au poème, re-


prend visiblement le commencement de l’Enéide, annonce l’é-
popée, la volonté de rédiger une œuvre de qualité comparable à
celle des grands auteurs de son époque et digne d’Homère, de
Virgile, chez lesquels il puise son inspiration (L’Enéide déjà
citée, l’Odyssée ; les Bucoliques,…).
Et c’est ainsi que « Mirèio » apparaît en partie comme un poè-
MG me didactique. La poésie mistralienne vise en effet à l’enseigne-

Bulletin de la SBV - 23 - n°19 - mai 2009


ment : l’œuvre entier de Mistral se présente comme une somme
des choses de la Provence .Il pratique dès sa première œuvre
une langue littéraire…réussissant pour le provençal ce que les
grands classiques ont fait pour le français.
Dans la seconde strophe, Mistral confirme sa volonté de re-
hausser l’estime accordée à sa langue et de la porter à une hau-
teur comparable aux autres langues littéraires

Dans l’invocation au Christ, né parmi les pâtres, il évoque la


fragilité de la vie. Il lui demande la force de porter au plus haut
la langue provençale ; le cadre bucolique apparait….
………………….,sus lis alo
Fai que posque avera la brancodis aucèu !
Bèu Diéu, Diéu ami,sus lis alo
De nosto lengo prouvençalo ;
Fai que posque avera la branco dis aucèu !
Le Prologue : « Maître Ambroise et son fils Vincent s’arrêtent
à la nuit tombante devant le Mas des Micocoules, sûrs qu’on
leur permettra de coucher à la meule de paille ».
Mireille les reçoit….

Mais arrêtons là, oublions l’Epilogue et découvrons ces paysa-


ges « clafis » d’arbres, de plantes et de fleurs qui ont émerveillé
le jeune Frédéric .Ne prit-il pas un bain forcé à vouloir cueillir les noms provençaux qui accompa-
des fleurs de glai (Iris des marais). De ces plantes, de ces fleurs,
voici un florilège parmi celles qui ont coloré son poème, par
gnent la nomenclature des plantes,
monts et par vaux, depuis le Mas des Micocoules, en passant
par la Crau, dans les Cossouls, au travers de la sansouire jus-
n’appartiennent pas tous au dialec-
qu’aux Saintes Maries de la Mer. te d’Avignon. Empruntés pour la
Henri COURTOIS plupart au manuscrit de M. Palun,
ils ont été complétés à l’aide de
Mistral et la botanique… ceux qu’a bien voulu fournir
Où l’on retrouve la botanique vauclusienne.
M. Mistral, auteur de Mirèio, et
sont, dans ce cas, particulièrement
usités de l’autre côté de la Duran-
ce.
(Note de l’administration du Mu-
sée-Calvet).

Bulletin de la SBV - 24 - n°19 - mai 2009


Mireille et la botanique... Uno di flour, touto souleto,
Mounto sus l’aigo risouleto,
A leva l’espingolo ; e soun sen, bouleguiéu E laisso, au bon soulèu,espandi soun boutoun ;
Coume dos oundo bessouneto, Mai de la vèire tant poulido,
Dins uno lindo fountaneto, I’a l’autro flour qu’es trefoulido,
Sèmblo d’aqueli campaneto Et la vesès, d’amour emplido
Qu’en ribo de mar blanquejon dins l’estiéu. Que nado tant que pòu pèr ié faire un poutoun.

A ôté l’épingle ; et son sein, agité « L’une des fleurs, toute seule,
Comme deux ondes jumelles monte sur l’eau rieuse,
Dans une limpide fontaine, et laisse,au bon soleil épanouir son bouton ;
Ressemble à ces campanules mais la voyant si belle,
Qui, au rivage de la mer, étalent en été leur blancheur. l’autre fleur tresaille,
et la voilà, pleine d’amour,
Mirèio/ Mireille – chant Xème – strophe 61 qui nage tant qu’elle peut pour lui donner un baiser. »

E tant que pòu, se desfrisouno


…ces campanules qui, au rivage de la mer, étalent en été
De l’embuscun que l’empresouno,
leur blancheur….l’auteur a voulu parler ici de la belle D’aqui, paureto ! que roumpo soun pecoulet ;
fleur qu’on nomme en provençal « ile de mar »….C’est le E libro enfin, mai mourtinello,
Pancratium maritimum L. De si bouqueto palinello
Frusto sa sorre blanquinello…
Un poutoun, pièi ma mort, Mirèio !...e sian soulet !

« Et, tant qu’elle peut, elle déroule ses boucles


(hors) de l’algue qui l’emprisonne,
jusqu’à tant, pauvrette! qu’elle rompe son pédoncule ;
et libre enfin, mais mourante,
de ses lèvres pâlies
elle effleure sa blanche sœur…
Un baiser, puis ma mort, Mireille !...et nous sommes
seuls ! »
A Maillane, dans le cadre du programme des célébrations du
150 ème anniversaire, Henri Courtois propose une exposition
photographique intitulée
« Sur les traces de Mireille…plantes de Provence ».
A la salle d’exposition du Musée Mistral, du 16 mai jusqu’à
MG fin septembre 2009.

En librairie…
Mirèio – Chant Vème Mireille Edition bilingue à l’occasion du 150 ème anniversaire
Les amours de Vincent et de Mireille. Présentation de Claude Mauron.
Avec des annexes particulièrement utiles (chronologie mistra-
La Vallisneria spiralis L. lienne - le temps et l’espace - orientations bibliographiques,
etc.).
ou « l’Erbeto di frisoun ». Ed. : Librairie Contemporaine – 2008 – 19 Euros.
Mireille – Edition bilingue
Mirèio, escouto : dins lou Rose Préface de Louis Bayle
Disié lou fiéu de Meste Ambrose Ed. : Les Cahiers Rouges – Grasset – 2004 – 13 Euros.
I’ a’ no erbo, que nouman l’erbeto di frisoun;
A dos floureto separado
Bèn sus dos planto, e retirado
Au founs dis oundo enfresquierado.
Mai quand vèn de l’amour pèr éli la sesoun,

« Mireille, écoute : dans le Rhône,


disait le fils de Maître Ambroise
est une herbe que nous nommons l’herbette aux boucles ;
elle a deux fleurs, bien séparées
sur deux plantes, et retirées
au fond des fraîches ondes.
Mais quand vient pour elles la saison de l’amour, »

Exposition de santons - Arles - décembre 2008 - MG

Bulletin de la SBV - 25 - n°19 - mai 2009


Le végétal dans Mireille.
Lambrusque Lambrusco
Henri Courtois a relevé dans le texte de Mireille toutes Lavande Lavando
les mentions d’un végétal puis en a effectué le classe- Lentisque Lentiscle
ment. Enfin il a dressé la table de correspondance entre Lierre Èurre
les mots français et la langue provençale. Vous trouve- Lin cultivé Lin
rez cet inventaire dans les pages suivantes. Lis Ile
Liseron laineux Courrejolo
Liseron soldanelle Courrejolo
Une tentative d’établir les équivalents botaniques de Luzerne Luserno
chaque mention a montré la difficulté de l’exercice et Mandragore Mandragouro
devant les nombreuses incertitudes notées, il a été déci- Marguerite Margarido
dé d’y renoncer, après avis des conseillers scientifiques Marrube Mentastre
de la SBV. Mauve Limaudo
Mélèze Mèle
Micocoulier Falabreguié
Millet Mi
Mousse des rochers Maufo roucassiero
Ail Aiet Murier Amourié
Ajonc Argelas Myrte Nerto
Amandier Amelié Narcisse Courbo-dono
Ansérine ligneuse Ansérine ligneuse Nèfle, Néflier Nespo Nespié
Argousier Rebaudin Nénuphar, Nuphar Ninfèio
Arroche salée Fraumo Nerprun Aigo-espouncho
Asphodèle Pourraco Noisette, Noisetier Avelano, Avelanié
Aster tricolore Cabridello Oignon Cebo
Aubépine Aubespin Olivier Óulivié
Aulne glutineux Verno Orge, Paumelle,O. à 2 rangs Paumaulo
Aubergine Merinjano Orme Óume
Avoine Civado Ortie Ourtigo
Barbe de bouc Barbabou Osier Amarino
Berle Berlo Panicaut champêtre Panicau dóu campestre
Blé Blad Panicaut maritime Panicau de mar
Brome inutile Calido Petit houx, Gragon Verbouisset
Bruyère Brusc Peuplier noir Pibo, Piboulo
Bugle Buglo Peuplier blanc Aubo
Buis Bouis Phillyrea, Filaire Daladèr
Cade Cade Piment, Poivron Pebroun
Camphrée Canfourato Pin Pin
Cane, Cannier Cano Pinastre, Pin à crochets Pinastre
Câpre, Câprier Tapeno, Tapenié Platane Platano
Centaurée jacée Centauro Poireau Pòrri
Centaurée du solstice Aurolio Poirier sauvage Perrusié
Cerise, Cerisier Cerieso, Cereisié Pommier de Paradis Poumié Sant-Janen
Chardon champêtre Caussido Pommier de la Saint-Jean Poumo Sant-Janenco
Chicorée Cicourèio Pourpier Bourtoulaigo
Chêne rouvre Roure Prêle Counsòudo
Chêne kermès Aggarus Prunelle, Prunelier Agreno, Agrenié
Chêne liège Siéure Romarin Roumanin
Ciste cotonneux Massugo Ronce Róumio, Róumi
Cognassier Coudounié Rose, Rosier Roso, Rousié
Corme, Sorbe Esperbo, Sorbo Roseau Canèu
Cormier, Sorbier Esperbié, Sourbié Sainfoin Esparset
Cyprès Ciprès Salicorne Engano
Erable Plai Sarriette Pebre d'ase, Pebre d'ai
Erbetto aux boucles Erbeto di frisoun Sauge Sàuvi
Dattes, Dattier Dàti, Datié Saule, Osier blanc Sause
Fève Favo Souchet Triangle
Fèverolle Faveto Soude Sóudo
Figuier Figuièro Sparte Aufo
Figue d'Antibes, F.de Barbarie Figo d'Antibo, F. de Barbarié Tamaris Tamarisso
Fougère(s) Féuse Térébinthe Petelin
Frêne Frai Thym Ferigoulo
Genêt épineux Argelas Tithymale, Euphorbe Lachusclo, Èufórbi
Genévrier de Phénicie Mourven Trainasse Tirasso
Gramen salé Bauco salabrouso Trèfle Tréule,Tréuloun
Grenade, Grenadier Miougrano, Miougranié Typha Sagno
Hêtre Fau Verveine Verbeno
Ivraie Margai Vigne Vigno
Jasmin Jaussemin Violette Vióuleto
Jonc Jounc Yeuse Èuse

Bulletin de la SBV - 26 - n°19 - mai 2009


LA VALLISNERIE ET SES AMOURS Les pieds femelles sont très différents : les fleurs femelles, soli-
taires, protégées par une spathe tubuleuse bifide, s’insèrent à
ORIGINALES AU FIL DE L’EAU… l’extrémité d’un très long pédoncule filiforme enroulé en spira-
le, formant de belles boucles.
Vallisneria spiralis L. La fleur épanouie est remarquable : elle possède 3 lobes stigma-
Famille des Hydrocharitacées (comme Elodea, Najas …) tiques larges, étalés, bifides à bord cilié ; elle est de couleur
rouge brun.
C’est une plante entièrement submergée qui vit enracinée au
fond des eaux stagnantes ou à courant faible. La rencontre
Originaire d’Amérique, son aire de répartition mondiale est A qui confier sa semence ??
considérable (pantropicale) ; en Vaucluse, elle est, de nos jours, La rencontre des organes sexuels exige le transport du pollen.
rare et bénéficie d’une protection régionale (voir les cartes Beaucoup d’Angiospermes vivent partiellement immergées en
dans l’encart couleur et les compléments sur la chorologie dans eau douce ou saumâtre mais peu d’entre elles fleurissent sous
l’encadré). l’eau utilisant l’eau comme agent de transport du pollen ; l’hy-
drogamie (ou hydrophylie) stricte est donc un phénomène
Appareil végétatif rare. En effet, la plupart des plantes aquatiques s’épanouissent
C’est une plante vivace aux racines grêles, fasciculées ; elle au-dessus de la surface des eaux et la majorité sont fécondées
forme des colonies denses. par l’intermédiaire du vent ou des insectes ; c’est donc une hy-
Les feuilles glabres, toutes radicales en rosettes grêles réunies drogamie de surface ou épihydrophilie qui se rapproche de
par des stolons, sont sessiles, minces, translucides ; elles sont l’anémogamie ou de la zoogamie des plantes terrestres. Leur
longues, rubanées (de 30 à 80 cm.), étroites (de 1 à 2 cm.), à 3 à adaptation secondaire et récente en milieu hydrique pourrait
5 nervures anastomosées et ressemblent aux feuilles submergées expliquer qu’une infime minorité des plantes aquatiques confie
de la sagittaire mais leur sommet est obtus et finement denticu- son pollen aux flots.
lé. Les exigences de la pollinisation étant en partie identiques pour
Elle porte un assez grand nombre de feuilles à l’aisselle des- les plantes anémophiles et épihydrophiles, on observe de nom-
quelles naissent des rejets qui s’enracinent et produisent une breuses similitudes : les fleurs sont peu voyantes, de taille ré-
nouvelle rosette de feuilles. duite, les pièces du périanthe sont absentes ou peu apparentes,
A l’aisselle des feuilles naissent aussi les fleurs. la séparation des sexes est de règle et la dioicie est très élevée.

Les fleurs
La vallisnérie est une plante dioïque : les fleurs sont uni-
sexuées et portées par des pieds différents. L’art de la boucle !!
Scène 1
De la rosette foliaire des pieds mâles naissent des pédoncules A maturité sexuelle, au niveau des pieds mâles, les pièces de la
de 5 à 7 cm, chacun se termine par une inflorescence enfermée spathe s’écartent, les boutons floraux rompent leur pédoncule,
dans une spathe étanche. L’inflorescence, en grappe, comprend se détachent et sont entrainés à la surface grâce à la bulle d’air
un nombre élevé (de 50 à 100) de fleurs mâles minuscules qu’ils contiennent. Au contact de l’atmosphère, les boutons
(environ 0,3 mm.) ; chaque fleur porte 2 étamines au fond d’un s’épanouissent : leurs sépales se rabattent en arrière transfor-
périanthe trimère. mant la minuscule fleur en nacelle, les sépales prennent appui
sur l’eau et supportent les deux petites étamines dressées ; la
fleur sans se mouiller et poussée par le vent dérive à la surface
des eaux. Les anthères entrent en déhiscence et libèrent un pol-
len dont les grains relativement gros et visqueux adhèrent les
uns aux autres. Le pollen est hydrofuge, non mouillable. (La
pénétration osmotique d’eau dans le grain de pollen entrainerait
son gonflement et l’éclatement de l’enveloppe externe ou exine
et donc sa destruction.)

Scènes 1 et 2 Scène 3

Scène 2
Pendant ce temps….au niveau des pieds femelles, le long pé-
doncule, enroulé en spirale, se détend à la manière d’un ressort
et amène le bouton floral à la surface de l’eau où il éclot ; la
fleur femelle, dont les tépales sont imperméables, étale ses stig-
mates non mouillables sur la surface de l’eau où elle détermine
ainsi une légère dépression.

Bulletin de la SBV - 27 - n°19 - mai 2009


Scène 3 Vallisneria spiralis par Bernard GIRERD
Les fleurs staminées flottantes « naviguent » au gré du vent; si
pendant leur errance, elles butent sur un stigmate, elles B. Girerd – Inventaire écologique et biogéographique de la
« chavirent » et tombent dans la dépression et du pollen est Flore du département de Vaucluse - 1978
alors déposé sur la surface réceptrice. Grenier et Godron (1855) ont indiqué la présence de
La pollinisation a lieu juste au-dessus de la surface de l’eau cette plante dans les eaux du Rhône à Orange ; il s’agit aussi
suivie de la fécondation conduisant à la formation du fruit, une d’une plante envahissante, ayant fait des migrations massives au
capsule cylindrique contenant 200 à 400 graines. début de ce siècle .Elle pourrait donc apparaître à nouveau et il
faudrait la rechercher.
Scène 4
Après la fécondation, le pédoncule de la fleur s’enroule en de B. Girerd - La flore du département de Vaucluse - Nouvel
nombreuses boucles et ramène ainsi le fruit dans le calme des inventaire - 1990 :
profondeurs pour accomplir sa maturation. Il serait très intéressant de retrouver dans les canaux de
notre région cette curieuse plante aquatique à feuilles en ruban
Un exemple remarquable et fleurs femelles portées par un pédoncule spiralé. Elle a été
Le fonctionnement biologique de cette plante est hautement chantée par Mistral ! Les dernières observations, dans le Rhô-
adapté à un milieu particulier. ne, remontent à plus de cent ans.
A priori, les éléments mâles, emportés au gré des courants, ont
une faible chance de rencontrer les stigmates mais, contraire- B. Girerd – Mise à jour 1995 :
ment au cas de l’anémophilie ou de l’hydrophilie stricte, les 251 bis – Vallisneria spiralis L.- Plante enfin retrouvée
éléments sexuels ne voyagent que dans deux dimensions de par J. Molina à Caderousse (Ile des Broteaux). Elle devrait se
l’espace, la part du hasard est moindre, le mode de rencontre trouver ailleurs sur les bords du Rhône. A rechercher !
moins imprécis et l’efficacité accrue.
De plus, les pollens agglutinés forment une masse plus impor- Et, en avant-première, le projet de texte pour la publication
tante et comme en stratégie militaire, plus l’objet détecteur est annoncée de Bernard GIRERD et Jean-Pierre ROUX.
large, plus la cible a des chances d’être atteinte !!
Chez la vallisnérie, au cours de la pollinisation, l’élément mobi- Vallisneria L. (1 espèce)
le est la fleur mâle ; elle véhicule le gamétophyte (le pollen) au
contact du stigmate récepteur…cas exceptionnel chez les An- Vallisneria spiralis L. [251 bis] - Plante totalement
giospermes. submergée de 20 à 60 cm, formant des colonnes denses, à feuil-
les très longues en forme de ruban de 10 à 15 mm de large, ob-
Une plante singulière…pas étonnant qu’elle ait été souvent tuses, entières mais denticulées au sommet. Les petites fleurs
chantée par les poètes !! femelles verdâtres sont isolées au sommet de pédoncules
flexueux et spiralés s’étirant jusqu’à la surface où elles sont
rejointes par les fleurs mâles, contenues en grand nombre dans
Roselyne GUIZARD une enveloppe qui se détache et va flotter à la surface de l'eau
où a lieu la fécondation ; la formation des fruits a lieu sous
Voir encart couleur n° II l’eau.
Bibliographie Étage planitiaire (30-50 m) ; espèce calcicline, hygrophile (eaux
stagnantes à faiblement courantes), thermocline, héliophi-
J-M. Pelt - Evolution et sexualité des plantes - Horizons de France - le ; sur alluvions : cours d’eau, lônes et canaux.
1970 Pantropicale - R - NV : Bollène-Mondragon (entre l’usine hy-
Aline Raynal Roques - La botanique redécouverte - Belin droélectrique Blondel et le déversoir du Lez). NV-PC :
Paul Jaeger - La vie étrange des fleurs - Horizons de France -1959 bords du Rhône (Lapalud au Tenon de Gilles ; Lapalud-
Pesson et Louveaux- Pollinisation et productions végétales - INRA - Lamotte-du-Rhône à la Désirade ; Caderousse à la Pibou-
1984
lette et aux Broteaux ; Sorgues-Châteauneuf-du-Pape aux
René et Roger Molinier - Cours de Biologie végétale - SPCN
1962 .J.Montégut - Le milieu aquatique - ACTA - 1987
Arméniers).
Gaston Bonnier –La Grande Flore en couleurs - Tome 4 – Belin. Note : l’étrange biologie de cette plante a inspiré à Frédéric
Abbé H.Coste – Flore de la France - Tome III – A.Blanchard. Mistral une vingtaine de vers dans le livre V de Mireio en la
J.K. Cronck, M.Siobhan - Wetland plants. nommant « Erbeto di frisoun » par allusion aux pédoncules on-
Et contact par Tela-Botanica avec P. Julve - Université Catholique de dulés.
Lille.

Au XIXe siècle Vallisneria spiralis a inspiré bien des auteurs dont CASTEL dans son Poème des plantes...

Bulletin de la SBV - 28 - n°19 - mai 2009


Charles DARWIN
1809-1882
ème
200 anniversaire de sa naissance.
150ème anniversaire de la publication de « l’Origine des Espè-
ces ».
1831-1836 - Voyage du « Beagle » et escale aux iles Galapa-
gos en1835.

N’oublions pas les travaux botaniques parmi tous


les ouvrages rédigés dont : la fécondation des orchi-
dées, les plantes grimpantes, les plantes carnivores,
différentes formes de fleurs, les mouvements des
plantes,…
Quelques exemples de travaux illustrés.

Pour en savoir plus, sites à consulter :


The complete work of Charles Darwin online.
Institut Charles Darwin International.

Bulletin de la SBV - 29 - n°19 - mai 2009


Rencontres
ABBÉS et BOTANISTES : Hippolyte COSTE et Paul FOURNIER

L’Espace Hippolyte COSTE


Huguette ANDRE a assisté à l’inauguration de ce
musée, Jean VIROLLEAUD l’a visité peu après l’ou-
verture. Témoignage…

Porte d’entrée de « L’espace Coste »….

Entrez !! Le chanoine vous ouvre la porte du presby-


tère dans lequel il a vécu 30 ans .La porte en fer for-
gé se reflète à midi sous les rayons du soleil et vous
donne l’impression qu’il est là, en soutane, prêt à
vous recevoir. A l’intérieur vous trouverez, rassem-
blés sur des pupitres – publications-lettres-planches
d’herbier - les 3
tomes de la Flore
de France illustrée,
ainsi que de multi-
ples photogra-
phies en noir et
blanc sur les murs.
Celles-ci montrent
combien le chanoi-
ne aimait partager
ses découvertes, HA
effectuer des ex-
cursions avec les Inauguration de « l’Espace Hippolyte Coste »
membres de la So- le Samedi 2 août 2008
ciété Botanique de A Saint Paul des Fonts - Aveyron.
France et les uni-
versitaires mont- Présidée par Jean-Yves Concé, membre fondateur en 2004 de
l’Association « Les journées Coste ».
pelliérains.
Son contact facile lui a valu une reconnaissance de la 10 h du matin place de l'église ; une cinquantaine de personnes
part des scientifiques et des éditeurs qui lui ont prennent place pour écouter Christian Bernard, professeur
confié la rédaction de la flore de France, réalisée en honoraire, botaniste, membre de l'Association de mycologie et
7 années .Nous ne pouvons qu’être admiratif, car il de botanique de l'Aveyron, membre de la Société Botanique de
France, prononcer l'éloge d'Hippolyte Coste.
ne disposait que du train comme seul moyen de Il a méticuleusement retracé la double vie du prêtre et du bota-
transport – il le prenait à la gare de St. Paul – et niste passionné, mis en évidence sa rigueur scientifique ainsi
ainsi, il pouvait se rendre dans les Pyrénées, les Al- que ses qualités d'homme de terrain, de relations humaines - qui
pes ou le midi de la France. Il pouvait aussi recevoir lui ont permis d'élaborer en 7 années une flore descriptive et
les botanistes et même les héberger au presbytère. Il illustrée de France en 3 tomes avec 4300 espèces.
L’Abbé H. Coste écrit :
envoyait régulièrement ses planches d’herbier sous « La rédaction de la Flore descriptive et illustrée de la France
forme de colis aux dessinateurs. m’a, pendant sept années, imposé un travail opiniâtre et cons-
Et 7 années ont suffit !! Si l’informatique avait existé ciencieux. Isolé au fond de la province, éloigné des riches bi-
aurait-il fait mieux ? bliothèques et des grandes collections, je devais nécessairement
rencontrer des difficultés presque insurmontables pour condui-
Mention de la flore de Coste dans re à bonne fin une œuvre de cette importance ; aussi, arrivé au
B n° 2- juin 1996 but final et sur le point d’écrire ces lignes, je suis profondément
B n° 3- Janvier 1997 saisi par la pensée de mon insuffisance et des graves imperfec-
Articles de J.P. JACOB. tions de cette œuvre. ».

Bulletin de la SBV - 30 - n°19 - mai 2009


Cette flore est toujours utilisée et reconnue par de nombreux
botanistes.
L’évolution de la systématique et de la nomenclature montre
très vite la nécessité d’une mise à jour, mais c’est assez tardive-
ment, 65 ans après, que P. Jovet et R.de Vilmorin avec M. Ker-
guelen ont eu l'heureuse initiative de publier 7 fascicules - de
1973 à 1990- les « Suppléments »
.
Nombreux sont les aveyronnais reconnaissant le travail et la
richesse de l'œuvre de leur compatriote. Certains ont, dans le
cadre de la communauté de communes « Larzac, Templier,
Causses et Vallées », avec le soutien de l'association "les jour-
nées Costes", émis le projet de création d'un musée dans le rez-
de-chaussée du presbytère et de réalisation d’un mini jardin
caussenard.
Il a fallu 4 années pour engager l'Etat, le Conseil Général de JV
L'Aveyron, le département, la communauté de communes le
Conseil Régional Midi-Pyrénées, afin de réunir les fonds néces-
saires. Par ailleurs une souscription de la Fondation du patri-
moine en faveur de l'espace botanique Hippolyte Coste ainsi
que des donateurs privés ont fourni des planches d'herbiers.
L’association " les journées Coste" a pris en charge les dépenses
de presse ainsi que le muret en pierre d'accès- piéton .
Les aménagements extérieurs ont été réalisés par le parc naturel
régional des Grands Causses.

Saint Paul des Fonds- petit village réunissant actuellement 208


habitants, à 600m d’altitude, à 9km. de Tournemire (où il y a
encore une gare) et à 20 km. de Saint-Affrique - est situé dans
un cirque très riche du point de vue floristique. L’abbé a recensé
1000 espèces dont certaines ne se retrouvent que dans 3 sta-
tions dans le monde entier .Désormais vous pouvez venir voir
l'installation de l'espace botanique et par la même occasion par-
courir et découvrir la flore de ces lieux.

Huguette ANDRÉ

Abbé Paul FOURNIER (1877-1964)


Petite notice biographique.

Ordonné prêtre en 1903, professorat de philosophie à Poi-


tiers, Lyon, Saint-Dizier, puis au collège Stanislas de Pa-
ris.
De 1922 à 1952 nombreuses publications scientifiques
dont « Les quatre Flores de France » en 1941, la flore
portative la plus utilisée et rééditée.
Il dirige « Le Monde des Plantes » de 1932 à 1946, revue
de liaison botanique toujours vivante ;
En 1937 il a été affecté à la cure de Poinson - les- Gran-
cey (Haute-Marne) où l’a rencontré Bernard Girerd lors
d’une session de la Société Botanique de France intitulée
« Sud -Est du Bassin Parisien » - le 16
Juillet 1951.

Voir :
Le Monde des Plantes
-1964-n° 344 - In memoriam - P. Fournier par
H .Gaussen.
-1990-n° 437 –Pèlerinage à Poinson -les- Grancey par
Bernard Girerd, note de « botanique sentimentale ».

Bulletin de la SBV - 31 - n°19 - mai 2009


Bernard GIRERD ouvre son album photos….
Le 16 juillet 1951 à Poinson-les- Grancey (Haute-Marne)…
herborisations vers Auberive et le Val-Clarin.

Le « Musée du Vivant »
Il a été organisé à Grignon, dans les Yvelines, par l’école d’a-
gronomie AgroParis Tech.
C’est le premier musée international sur l’écologie et le déve-
loppement durable. Il rassemble documentations et œuvres
représentant toutes les dimensions de l’écologie scientifique,
politique, économique, pratique et culturelle - une véritable
mine pour la recherche.
Il se visite sur rendez-vous.

Voir sur le web : www.agroparistech.fr/Musee-du-vivant

Bulletin de la SBV - 32 - n°19 - mai 2009


Dans les débuts de la S.B.V. (montage photographique)

On reconnait les locaux


du Musée Réquien et la
très belle salle de la
C.C.I. (cours Jean Jau-
rès… mise à disposition
de la S.B.V. pour ses
premières expositions et
disparue depuis long-
temps)

Exposition et Assemblée
Générale de 1981

Sur le terrain en 1988… En consutant « la Fournier » !

Vous retrouverez le Président - fondateur de la S.B.V. – Maurice Heullant, Pierre Chabert (aujourd’hui dans sa 95 ème année) et
son fils Jean-Pierre, Claude Vizier, Bernard Girerd…
Numérisez vos documents, articles de presse, anciennes photos ( avec dates et lieux) et, ainsi,
nous pourrons rassembler la mémoire (bien plus « paritaire » qu’il n’y parait sur ces clichés !)
des activités des membres de la S.B.V. pour préparer le 30ème anniversaire … C’est un appel !

Bulletin de la SBV - 33 - n°19 - mai 2009


Parutions
Jean-Claude RAMEAU - Dominique MANSION - Gérard DUMÉ - Atlas de la flore sauvage de Bourgogne.
Christian GAUBERVILLE Co-édition Parthénope/ MNHN Paris - 2008 - 754 pages
J.Bardat - E.Bruno - R.Keller. Prix indicatif : 65 Euros.
Flore Forestière Française - Tome III- Région méditerranéenne.
IDF-Diffusion – 2008 - 2432 pages - 69 Euros. Société des Sciences Naturelles de Bourgogne et Société d’Histoire
Naturelle d’Autun.
Maryse TORT - Bernard BELIN - Robert PORTAL Réimpression de la Nouvelle Flore de Bourgogne.
Guide de la Flore de Haute-Loire -Tome 1 Format poche- papier bible - avec Cédérom comportant illustrations et
Environ 500 pages - 2008 - 40 Euros. partie didactique. 2008 - 79 Euros.
2 tomes sont prévus pour présenter environ 1600 espèces avec, pour
chacune, une fiche descriptive illustrée - dans 8 grands types de mi- Revue « INGENIERIES »- CEMAGREF- N° spécial.
lieux. Plantes aquatiques d’eau douce : biologie, écologie et gestion.
Ouvrage de terrain, pratique. Ed. Quae - 2008 - 160 pages - 22,87 Euros.
Avec une vocation de connaissance, de protection et de restauration de
grands sites naturels de Haute-Loire (Mézenc, gorges de la Loire, ma- Cédric POLLET.
rais de Limagne, Mont-Bar, narces de la Sauvetat, zones humides du Ecorces : voyage dans l’intimité des arbres du monde.
Devès,…). Plus de 400 photos représentant près de 220 espèces, par continent.
Cette publication entre dans le cadre d’une collection entreprise par le Ed. Ulmer - 2008—192 pages - 36 Euros.
Conseil Général de Haute-Loire : les premiers volumes étant consacrés
aux Oiseaux et aux Roches et Minéraux du département. Robert PORTAL
2 ème tome : parution prévue dans un an. Les Agrostis de France.
Cet ouvrage décrit un territoire bien connu par les membres de la SBV Ed. : chez l’auteur – 2009 - 40 Euros + port.
et parcouru il y a quelques temps avec les botanistes de Digitalis (dont
les auteurs du livre). Marie-Claude PAUME
Sauvages et toxiques - Plantes des bois, des prés et des jardins.
Christian BERNARD Ed.Edisud - 255 pages illustrées couleur – mars 2009 - 22 Euros.
Flore des Causses - hautes terres, gorges, vallées et vallons -
(Aveyron, Lozère, Hérault et Gard).
2 ème édition -784 pages - relié – 2008
Ed. SBCO - n° spécial 31/ 2008 - 45 Euros. Notes de lecture
Cette nouvelle édition intègre les 4 suppléments antérieurement pu-
bliés, les dessins de Coste et de M.Saule, de nouvelles cartes de réparti- par Flavien FERIOLO
tion et 54 photos couleur.

Jacques GAMISANS - Daniel JEANMONOD


Flora Corsica The Iris Family, Natural History and classification .
Ed. Edisud - 2007 - 1008 pages - 50 Euros. P. Goldblatt & J.C. - Manning, Timber Press, 2008.
Flore portative complète au format de poche et reliure souple.
Contient les espèces indigènes et introduites ainsi que les espèces lar-
Avec plus de 2 000 espèces de 66 genres reconnus, les Irida-
gement cultivées mais qui marquent le paysage.
cées sont présentes sur toute la planète. Cette famille souvent
Francis HALLÉ - Pierre LIEUTAGHI. très colorée est connue pour les Iris bien sur, mais aussi par
Aux origines des plantes. d’autres genres comme les Crocus, les Freesia ou les Gladio-
Tome I- Des plantes anciennes à la botanique du XXI ème siècle. lus. Ce magnifique ouvrage vous permettra de découvrir, à tra-
Sous la direction de F.Hallé. vers plus de 200 photos et dessins, des genres plus
Tome II- Des plantes et des hommes. « exotiques » comme les Aristea, les Babiana d’Afrique du Sud
Sous la direction de F.Hallé et de P.Lieutaghi. (très riche en Iridacées) ou les étranges Cypella d’Amérique du
Ed. Fayard- Collection Documents Sud.
- Tome I -682 pages - 52 Euros.
Cet ouvrage fait vraiment référence dans le domaine et présen-
-Tome II -675 pages -52 Euros.
te même les dernières découvertes génétiques sur la famille
Rémy SOUCHE.
Hybrides d’ophrys du bassin méditerranéen occidental.
2008- 288 pages- 250 photos couleur- 31 Euros auprès de l’auteur.
Endemic plants of the Altai Mountain Country
France Orchidées- Société Linnéenne de Lyon. ouvrage collectif , Wild guides, 2008.
Actes du colloque de Dijon- 2007.
Peut-on classer le vivant ? Linné et la systématique aujourd’hui. Premier ouvrage publié en anglais (en général c’est en russe !)
Ed. Belin- 2008 - 437 pages - 45 Euros. sur la flore méconnue des montagnes de l’Altai, il présente 288
Musée Départemental Ethnologique – Prieuré de Salagon - 04300 - espèces endémiques et subendémiques de ces confins de l’Asie
Mane. centrale et de la Sibérie méridionale. Cette zone est partagée
Actes du colloque des 27- 28 septembre 2007.
entre la Russie, la Mongolie, la Chine et le Kazakhstan avec
Jardins et médiations des savoirs en ethnobotanique.
des sommets dépassant les 4 000 m. Le climat y est continental
Patrick LANGER. avec de grandes variations entre le nord (plus humide) et le sud
L’olivier. (plus sec, aride). Ce livre présente aussi le statut de protection
Ed. Edisud- 2008- 128 pages- 17 Euros. des différentes plantes et les principales menaces. Enfin il pré-
sente aussi l’environnement, les habitats et les conditions socio-
Sous la direction du Muséum d’Histoire Naturelle d’Aix en Proven- économiques des populations locales ainsi qu’une solide biblio-
ce. Herbiers de Provence, Alpes et Côte d’Aur. Contributions des 11 graphie et des contacts sur place pour un éventuel voyage bota-
plus importantes institutions conservant les collections botaniques de la nique (très dépaysant et mouvementé) !!
région.Ed. Edisud – 2008 - 192 pages - 35 Euros.

Bulletin de la SBV - 34 - n°19 - mai 2009


Ces tournures d'esprit qui rapportent toujours tout à notre inté-
ROUSSEAU ET LA BOTANIQUE rêt matériel, qui font chercher partout du profit ou des remèdes,
(Choix présenté par Alain CHANU) et qui feraient regarder avec indifférence toute la nature si l'on
se portait toujours bien, n'ont jamais été les miennes. Je me
Jean-Jacques Rousseau était un bon botaniste ; il a laissé des sens là-dessus tout à rebours des autres hommes: tout ce qui
herbiers et de nombreux écrits sur la question- les huit « Lettres tient au sentiment de mes besoins attriste et gâte mes pensées,
(élémentaires) sur la botanique adressées à Madame Deles- et jamais je n'ai trouvé de vrai charme aux plaisirs de l'esprit
sert » et même les « Fragments pour un dictionnaire des ter- qu'en perdant tout à fait de vue l'intérêt de mon corps….
mes d’usage en botanique ». On trouve tout au long de son Je me rappellerai toute ma vie une herborisation que je fis un
œuvre des références à cette passion. jour du côté de la Robaila, montagne du justicier Clerc. J'étais
Les textes présentés ici proviennent des « Rêveries du prome- seul, je m'enfonçai dans les anfractuosités de la montagne, et de
neur solitaire » ouvrage rédigé à la fin de sa vie (1778) alors bois en bois, de roche en roche, je parvins à un réduit si caché
qu’il était persécuté pour ses écrits. que je n'ai vu de ma vie un aspect plus sauvage. De noirs sapins
Il donne une image de la botanique où se mêlent compétence et entremêlés de hêtres prodigieux dont plusieurs tombés de vieil-
poésie à l’opposé d’une vision utilitaire plutôt en vogue actuel- lesse et entrelacés les uns dans les autres fermaient ce réduit de
lement …« à quoi ça sert ?, comment ça ce mange ? ». barrières impénétrables, quelques intervalles que laissait cette
sombre enceinte n'offraient au-delà que des roches coupées à
pic et d'horribles précipices que je n'osais regarder qu'en me
couchant sur le ventre. Le duc, la chevêche et l'orfraie faisaient
entendre leurs cris dans les fentes de la montagne, quelques
petits oiseaux rares mais familiers tempéraient cependant l'hor-
reur de cette solitude. Là je trouvai la Dentaire heptaphyllos, le
Cyclamen, le Nidus avis, le grand Laserpitium et quelques
autres plantes qui me charmèrent et m'amusèrent longtemps.
Mais insensiblement dominé par la forte impression des objets,
j'oubliai la botanique et les plantes, je m'assis sur des oreillers
de Lycopodium et de mousses, et je me mis à rêver plus à mon
aise en pensant que j'étais là dans un refuge ignoré de tout
Linné, déjà , qui comme chacun sait aimait bien classer, distin- l'univers où les persécuteurs ne me déterreraient pas. Un mou-
guait les botanophiles qui s’intéressent aux plantes pour leur vement d'orgueil se mêla bientôt à cette rêverie. Je me compa-
utilité, des botanistes. Parmi ces derniers, les botanistes collec- rais à ces grands voyageurs qui découvrent une île déserte, et je
teurs, les botanistes systématiciens, les nomenclateurs et les me disais avec complaisance: Sans doute je suis le premier
botanistes philosophes . mortel qui ait pénétré jusqu'ici; je me regardais presque comme
Rousseau appartiendrait sans doute à la dernière catégorie ou un autre Colomb… »
plutôt à celle des botanistes poètes. Epicurien de la nature, re-
cherchant le plaisir de la découverte. Et pour terminer :
Mais laissons la place aux textes …. « Ces idées médicinales ne sont assurément guère pro-
extraits de la 7 ème promenade… pres à rendre agréable l'étude de la botanique, elles flétrissent
« Les arbres, les arbrisseaux, les plantes sont la parure et le l'émail des prés, l'éclat des fleurs, dessèchent la fraîcheur des
vêtement de la terre. Rien n'est si triste que l'aspect d'une cam- bocages, rendent la verdure et les ombrages insipides et dégoû-
pagne nue et pelée qui n'étale aux yeux que des pierres, du li- tants; toutes ces structures charmantes et gracieuses intéressent
mon et des sables. Mais vivifiée par la nature et revêtue de sa fort peu quiconque ne veut que piler tout cela dans un mortier,
robe de noces au milieu du cours des eaux et du chant des oi- et l'on n'ira pas chercher des guirlandes pour les bergères par-
seaux, la terre offre à l'homme dans l'harmonie des trois règnes mi des herbes pour les lavements ».
un spectacle plein de vie, d'intérêt et de charmes, le seul specta-
cle au monde dont ses yeux et son cœur ne se lassent jamais.
Plus un contemplateur a l'âme sensible, plus il se livre aux exta-
ses qu'excite en lui cet accord. Une rêverie douce et profonde
s'empare alors de ses sens, et il se perd avec une délicieuse
ivresse dans l'immensité de ce beau système avec lequel il se
sent identifié…

Une autre chose contribue encore à éloigner du règne végétal


l'attention des gens de goût; c'est l'habitude de ne chercher Herbier de J.J. ROUSSEAU
dans les plantes que des drogues et des remèdes. Théophraste
s'y était pris autrement, et l'on peut regarder ce philosophe Ces courts extraits vous donneront peut-être l’envie de lire l’in-
comme le seul botaniste de l'antiquité : aussi n'est-il presque tégrale des « Rêveries du promeneur solitaire » ouvrage dis-
point connu parmi nous; mais grâce à un certain Dioscoride, ponible en Folio.
grand compilateur de recettes, et à ses commentateurs, la méde- Ces mêmes Rêveries ont inspiré les réflexions d’Odette MAN-
cine s'est tellement emparée des plantes transformées en exem- DRON dans le Bulletin n°5-janvier 1998- page 20.
ples qu'on n'y voit que ce qu'on n'y voit point, avoir les préten- Enfin les textes botaniques de J.J. Rousseau sont publiés dans
dues vertus qu'il plaît au tiers et au quart de leur attribuer. On la Pleïade- Tome IV.
ne conçoit pas que l’organisation végétale puisse par elle-même Et pourquoi pas L’herbier des philosophes de Jean-Marc
mériter quelque attention… Drouin….

Bulletin de la SBV - 35 - n°19 - mai 2009


Le culte de Cérès, -Mais, chut ! Écoutez les explosives… un imperceptible craquement
nous fait sursauter et nous envoie une pluie de graines comme ce fa-
déesse des moissons meux "concombre d'âne" Ecballium elaterium ou les Impatiens glan-
dulifera ou balfouri, comme le Cytisus scoparius…Comme il est amu-
ou les ruses végétales! sant de faire sursauter ces humains parfois naïfs, parfois trop igno-
rants !!
Cérès , déesse romaine, (Demeter grecque) , fut obligée d'offrir sa fille
Proserpine (Perséphone grecque) au Dieu des enfers Pluton ( Hadès) -Les grandes couturières car les graines ont encore plus d'un tour
….Devant les pleurs de Cérès, Jupiter ( Zeus) eut pitié et exigea dans leurs sacs, dans leurs gousses, leurs capsules, leurs siliques et
qu'Hadès offre, à Proserpine, 6 mois de liberté sur terre ….Ainsi na- silicules, leurs follicules….Oui, elles s'habillent "Haute couture" chez
quirent les saisons : 6 mois de mauvais temps avec les pleurs de Cérès Dame Nature dont l'ingéniosité est toujours à raconter, à observer, à
et 6 mois de beau temps lorsque sa fille est auprès d'elle ! Les mythes admirer pour ses réalisations vives, sensibles, fantaisistes alliant poésie
tentent toujours l'explication de l'inexplicable du moment … et tous les et bon sens….
cultes furent et sont toujours réservés aux initiés et dissimulés au -La gousse, longiligne fourreau, que Hippocrepis commosa tortille
grand public soit au travers de la "langue de bois", soit au travers de pour une protection de chaque graine en un "fer à cheval" tandis que
rites et de langages d'initiés non décryptables par les profanes… Pisum sativum les aligne sagement comme Phaseolus vulgaris …
Ainsi nos petites graines se cachent-elles aux profanes et ne se révè- Gousse ou cosse, il faut bien les écosser!
lent-elles qu'aux initiés, vous le savez bien, vous les botanistes amou-
-La capsule que Papaver rhoeas emplit de très petites graines rondes
reux de la plus infime créature végétale, de la plus terne à la plus écla-
encloses à l'aide d'un opercule-ombrelle (regardez bien !). Et des grai-
tante, de la plus simple à la plus sophistiquée…
nes en si grand nombre qui, dès le printemps, font rougeoyer les friches
Et du culte à l'agriculture et à la culture, toujours la même part ca-
bercées sous la brise en une mouvance d'incendie…Les Orchidées, aux
chée qui, puissante, permet tou-
robes si sophistiquées, aux étoffes si
jours l'éclosion de la vie…avec
picturales, s'offrent aussi des capsules
"Du beau, du vrai et du bien"
diversement structurées.
selon Jean-Pierre Changeux,
neuroscientifique, ou François -La silicule où Lunaria annua a brodé
Cheng, poète académicien, qui une fine cloison qui répartissent les
s'interroge "La beauté sauvera-t- graines de part et d'autre, pour nous
elle le monde ?" offrir ensuite des pièces de monnaie
Oui, que de ruses déployées par blanc moiré comme la soutane du Pape
toutes nos malicieuses graines tandis que la silique plus allongée, vête-
obsédées de survie…car il ne faut ment ajusté de toutes nos cardamines:
perdre aucune chance d'éclore, il de Cardamine pratensis à Cardamine
ne faut perdre aucune chance de pentaphylla et heptaphylla… de nos
participer à la grande chaîne de la sous-bois.
vie ! Du gynécée de la fleur
-Le follicule, avec ouverture sur la face
émergera le fruit qui, lui-même
ventrale avec graines disposées de part
protégera la graine…mais oui que
et d'autre, chez Helleborus foetidus,
de diversité dans les ruses de dis-
chez Asclepias ou "perruches" qui boi-
sémination et de protection !
vent dans un verre et même chez la
-Les auto-stoppeuses trouvent Reine des prés, Filipendula ulmaria, où,
soit une laine de mouton où s'ac- selon son appellation ancienne de Spi-
crocher comme le Séneçon du rée, le polyfollicule se spirale. Pour-
Cap (Senecio inaequidens) venu quoi toujours une touche d'originalité
de l'Afrique du Sud à Mazamet, Drôles de graines !! « Putti dans des grenades » vestimentaire ?
soit les flancs du renard ou du Bréviaire à l’usage de Rodez – vers 1472 -La baie charnue à l' endocarpe non
blaireau ou nos chaussettes et bas Manuscrit – Clermont-Ferrand - Ministère de la Culture – Internet – Base Enluminures.
durci , aux graines-pépins comme la
de pantalon comme Agrimonia
baie du raisin, Vitis vinifera à notre
eupatoria, Geum urbanum, Lappa major, Daucus carota, Orlaya sp…
santé et dont la feuille a vêtu le premier homme, ou celle d'Atropa
qui voyagent ainsi gratuitement !
belladona pour faire briller les yeux des Belles Dames richement ha-
-Les grandes voyageuses clandestines prennent l'avion, le train ou les billées de la cour de Louis XIV ou celle de Paris quadrifolia,
pneus de nos voitures pour essaimer le long des voies ferrées, au large "gourmandise" du renard …puis baies de plus en plus volumineuses
des aéroports, au long des routes et dans les campings…venant d'hori- avec les Citrus ou Pommes d'Or du jardin des Hespérides où l'endocar-
zons divers par goût du voyage et de nouvelles rencontres… et par peur pe se présente sous la forme de tranches au nombre de carpelles diver-
de la "consanguinité"! sifiés, et chacune remplie de poils charnus au jus sucré, parfumé, aci-
de, poils appelés "hespérides"
-Les bonnes marcheuses profitent des semelles des marcheurs et,
ainsi, un jour, au beau milieu de mon jardin, s'est éveillé un Pigamon -La drupe de tous nos Prunus cerasus, et Prunus avium nos cerises,
Thalictrum sp…aux fragiles aigrettes couleur vieux-rose… régal du printemps à la robe aux couleurs vives, au noyau dont l'ouver-
ture, pour gagner la vie, sera digne du forçat…puis le volume pro-
-Les vagabondes, nez au vent, selon l'anémomètre, s'envolent grâce à
gresse depuis Prunus amygdalus (amande) à Prunus persica (pêche),
leurs aigrettes parachutes et chacune dit avec notre bon vieux Larous-
puis à Persea americana (avocat) à la graine volumineuse…Soyez
se : " Je sème à tout vent" comme Taraxacum dens leonis que tout
certain que les fruits firent preuve d'une imagination démesurée face à
souffle d'enfant aux yeux émerveillés a regardé s'envoler, Epilobium
tous les dangers possibles…dont il faut à tout prix se protéger ! En-
angustifolium qui transmue certains paysages du rouge-pourpre en
fermer sa possibilité de survie en un noyau…et attendre un "accident"
blanc plumeux, Tragopogon pratensis…etc…Voler, ah! oui voler
quelconque pour s'ouvrir !
comme les oiseaux, quelle joyeuse liberté !
La liste est loin d'être complète… il faut bien vous laisser découvrir,
-Les imaginatives s'offrent soit des ailes comme les samares des Éra-
durant la dormance hivernale, la croissance vernale, la fructification
bles avec lesquels les gamins d'autrefois (et peut-être encore ceux d'au-
estivale et la récolte automnale, les multiples ruses végétales qui, ainsi,
jourd'hui ?) jouaient aux hélicoptères qui se posent en douceur…..soit,
au gré du temps, au gré du vent, transmettent la continuité dans la lon-
avant d'être graine, le pollen des pins s'offre un aérostat où il se pelo-
gue chaîne de la Vie !
tonne entre deux ballonnets d'air pour s'éloigner vers une fécondation
croisée…que les plantes en grand nombre semblent privilégier par Odette MANDRON
rapport à la rareté de l'auto fécondation!

Bulletin de la SBV - 36 - n°19 - mai 2009

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